L'ARMÉE D’AFRIQUE

DE 1830 À 1852

 

CHAPITRE II. — CRÉATION DES CORPS SPÉCIAUX D’AFRIQUE (1830-1831).

 

 

L’armée d’Afrique comptait environ 30.000 hommes lorsque le général Clauzel débarqua le 2 septembre 1830 à Alger pour en prendre le commandement ; son moral était peu élevé, sa discipline relâchée, sa confiance atteinte.

Clauzel n’avait pas reçu d’instructions précises du Gouvernement, sinon relativement à la reconnaissance du nouveau régime politique par les troupes ; il devait se conformer, pour l’occupation militaire, aux instructions données à Bourmont. Il avait la délicate mission de faire une enquête sur les pillages que la rumeur publique reprochait à l’armée d’Afrique.

Le premier contact du nouveau commandant en chef avec ses troupes ne correspondit pas, pour ces raisons, à l’enthousiasme qui avait accueilli sa nomination ; sa première proclamation, le 4 septembre, se bornant à annoncer l’avènement du roi Louis-Philippe, sans un mot de louange pour l’armée d’Afrique, puis son ordre du jour relatif à la réunion d’une commission d’enquête relative aux dilapidations dénoncées, produisirent une assez fâcheuse impression. « Il aurait été à désirer, a écrit Pellissier, qu’il ménageât un peu plus l’armée qu’il venait commander, et qu’il ne mît pas, en quelque sorte, 36.000 hommes en état de suspicion pour des délits de nature à n’avoir pu être commis que par un petit nombre d’entre eux[1]. » Heureusement la commission d’enquête put, dès la deuxième quinzaine d’octobre, déclarer que, sauf quelques désordres isolés, l’armée d’Afrique restait pure de soupçons.

Le général Clauzel s’appliqua dès son arrivée à atteindre un double but : rétablir la discipline dans le corps d’occupation ; réduire les effectifs en rapatriant le plus grand nombre d’unités possible.

Ce soldat expérimenté savait que le moral, la discipline et la confiance d’une troupe dépendent largement de l’intérêt apporté par les chefs au bien-être du soldat. Or le chiffre élevé des malades, dont 1.800 légers soignés dans les corps, était dû en grande partie, comme il s’en rendit compte, à l'installation déplorable des hommes ; il entreprit aussitôt de l’améliorer. Il écrivait dès le 8 septembre 1830 au général Gérard, ministre de la Guerre : « Je viens de décider qu’à l’avenir les troupes seront casernées si c’est possible, ou tout au moins baraquées hors de la ville ; les vivres leur seront apportés par les soins de l’Intendance, afin d’éviter les corvées dont l’inconvénient se fait sentir sous le double rapport de la fatigue des soldats et du relâchement de la discipline[2]. »

Il fit venir de France tout ce qui était nécessaire à une installation plus confortable des soldats : des bois et des poutrelles pour construire des baraquements, de la paille et du foin pour assurer leur couchage, des couvertures pour les garantir des variations de la température. Afin d'améliorer la nourriture, il fit distribuer à chaque unité quatre hectares destinés à la culture des légumes, offrant ainsi aux hommes une occupation saine en dehors des exercices réguliers et un intérêt direct dans le pays ; ce fut le premier essai des « jardins militaires », qui furent si utiles par la suite dans les postes isolés ou lointains.

La diminution des effectifs devait donner satisfaction à l’opinion publique française et permettre de renforcer l’armée de la Métropole en cas de difficultés extérieures ; elle pouvait être poussée fort loin, d’après Clauzel ; mais elle devait être partiellement compensée par la formation d’un corps auxiliaire formé avec des indigènes, les Zouaves, dont Bourmont avait eu l’idée.

 

La formation des zouaves était annoncée le 8 septembre par Clauzel au général Gérard dans les termes suivants :

« Je viens de prendre définitivement les dispositions dont je vous ai entretenu pour la formation d’un corps d’Arabes Zouaves ; cette tribu passe pour la plus belliqueuse et la plus fidèle parmi celles de cette nation. Je compte pouvoir m’en servir dans cinq jours. Je les destine quant au présent à éclairer nos avant-postes. Si, comme je l’espère, je suis satisfait de leurs services, je porterai à 1.000 ou 1.500 celui de 500 que je viens d’autoriser. J’aurai soin de vous transmettre, dès qu’elles seront rédigées, les conditions que j’ai acceptées, dans lesquelles j’ai veillé à ce que l'économie se conciliât avec l’utilité[3] ».

Clauzel était homme de décision. Dès le 1er octobre 1830, il prit un arrêté ayant pour but d’organiser ce corps de zouaves.

« Il sera formé, disait l’arrêté, un ou plusieurs bataillons de zouaves : chaque bataillon sera composé de six compagnies ». Un bataillon avait un état-major de 4 officiers : le chef de bataillon, un adjudant major, un officier payeur et un interprète ; plus un adjudant sous-officier. Une compagnie comptait : un capitaine français, un lieutenant français et un sous-lieutenant arabe ; un sergent-major français, 2 sergents français et 2 arabes ; un fourrier français ; 2 caporaux français et 2 arabes ; 100 soldats et 2 tambours ; soit au total 3 officiers et 112 hommes. L’effectif d’un bataillon à six compagnies était ainsi de 22 officiers et 673 hommes.

Les bataillons de zouaves se recrutaient par engagements volontaires ; les candidats devaient se présenter devant le sous-intendant avec un certificat du chef de bataillon les reconnaissant aptes au service.

La première formation devait être faite en incorporant dans les bataillons les officiers, sous-officiers et soldats présentés par l’agha et déjà réunis à Alger, ainsi que les officiers, sous-officiers et caporaux français qui seraient nommés par le général en chef. Après la première formation, l’avancement des officiers se ferait par bataillon, au choix et à l’ancienneté ; les sous-lieutenants seraient pris parmi les sous-officiers du corps.

La solde était fixée pour tous les grades. Les officiers avaient par an : le chef de bataillon, 3.600 francs ; un capitaine, 2.000 francs ; un lieutenant, 1.300 francs ; un sous-lieutenant arabe, 1.200 francs. Les hommes de troupe avaient par jour : un adjudant sous-officier, 1 fr. 95 ; un sergent-major, 1 fr. 20 ; un sergent et fourrier, 0 fr. 80 ; un caporal, 0 fr. 60 ; un soldat ou tambour, 0 fr. 50.

La tenue était « l’habillement maure » pour « les officiers, sous-officiers et soldats français ou zouaves », les marques distinctes des officiers et sous-officiers zouaves devant être fixées plus tard. Cet habillement se composait de : une calotte rouge ; un turban vert ; deux chemises ; un gilet ; une veste avec manches et une culotte, en toile de coton ; une ceinture en toile de coton bleu ; un gilet sans manches fermé par devant ; une veste avec manches et un pantalon court, en drap bleu ; une paire de souliers. L’armement était le même que celui de l’infanterie française, c’est-à-dire un fusil avec baïonnette. L’équipement se réduisait à une giberne turque.

Au point de vue alimentation, les sous-officiers et soldats ne recevaient que le pain et le sel ; ils avaient droit à une indemnité de vivres fixée à 0 fr. 25 par jour pour les sous-officiers et caporaux français, et à 0 fr. 10 pour les sous-officiers et soldats arabes.

La comptabilité d’un bataillon était soumise aux règles habituelles, et gérée par un conseil d’administration composé du chef de bataillon, du plus ancien capitaine et du plus ancien lieutenant. L’officier payeur était en même temps officier d’habillement.

Toutes les dispositions relatives au nouveau corps étant ainsi fixées, leur exécution était confiée au chef d’état-major général et à l’intendant en chef[4].

Les deux régiments de marche formés pour l’expédition d’Alger rentrèrent en France au début d'octobre, et les mesures destinées au rapatriement de plusieurs régiments de ligne furent envisagées, avant même que les zouaves fussent organisés. Clauzel se hâtait cependant de mettre ce corps sur pied ; il avait l’intention de former, à côté des bataillons, plusieurs escadrons :

« Je n’ai encore, écrivait-il le 8 octobre au Ministre de la Guerre, que quatre compagnies de cent hommes chacune du bataillon de zouaves sur les six qui doivent le composer. Je ne réunis les nouvelles compagnies qu’au fur et à mesure de la confection de l’habillement. Avant la fin du mois, je vous expédierai le procès-verbal de l'organisation du premier bataillon et l’état des dépenses que ce corps occasionnera annuellement. J’organiserai un second bataillon, peut-être même un troisième et trois escadrons. Je traite en ce moment pour avoir ce dernier corps, que je paierai probablement à raison de 2 fr. 50 par jour pour chaque cavalier monté en y comprenant la nourriture du cheval[5]. »

Le commandant en chef envisageait l’action politique qu’une troupe indigène pourrait exercer sur le pays, car il ajoutait : « La formation de ces deux corps contribue à rendre les relations avec les habitants du pays plus fréquentes, plus sûres et même familières. Elle permettra aussi de faire exécuter les ordres du général en chef dans les villes soumises à l’action directe des beys et souvent des Kabyles qui ne reconnaissent aucune autorité[6]. » Voilà donc déjà défini, trois mois après la prise d’Alger, le rôle social des troupes indigènes.

 

Pour relever le moral, Clauzel pensa donner une satisfaction au corps d’officiers en faisant des promotions. Il avait oublié que c’est là une arme à double tranchant, et put bientôt s’en apercevoir : « Presque tous les capitaines d’état-major furent nommés chefs de bataillon, a écrit Rozet, et les lieutenants, capitaines. Plusieurs officiers venus avec le général reçurent aussi un grade, quoiqu’ils n’eussent encore rien fait que la traversée de Toulon à Alger ; on voulut peut-être récompenser leurs exploits futurs. Ces faveurs firent beaucoup murmurer l’armée, et particulièrement les officiers qui avaient fait la campagne sans rien obtenir[7]. » Des critiques analogues ont été souvent formulées dans les armées, car le favoritisme a sévi à toutes les époques...

Il restait du moins à Clauzel un moyen d’action qui, avec de vrais soldats, produit toujours le meilleur résultat : les mener en campagne.

L’expédition de Médéa, au mois de novembre 1830, lui fournit à la fois l’occasion d’exciter l’enthousiasme des troupes françaises et celle d’éprouver la valeur du nouveau corps des zouaves. Le corps expéditionnaire occupa Blida, et se mit en devoir de franchir l’Atlas ; mais il était mal équipé pour une ascension de ce genre, et dut laisser auparavant, sous la garde d’un bataillon, ses voitures et sa grosse artillerie.

C’est surtout par des proclamations et par des mises en scène théâtrales que Clauzel essaya d’enflammer ses troupes.

« Soldats, disait-il dans son ordre du 21 novembre 1830, nous allons franchir la première chaîne de l’Atlas, planter le drapeau tricolore dans l’intérieur de l’Afrique et frayer un passage à la civilisation, au commerce et à l’industrie. Vous êtes dignes, soldats, d’une si belle et si noble entreprise ; le monde civilisé vous accompagnera de ses vœux. »

Ayant atteint un plateau, il lit rassembler ses troupes et saluer la France de 25 coups de canon, comme symbole de la pénétration de son armée dans l’intérieur de l’Afrique.

Enfin, après la prise du col de Mouzaïa, le soir même, il fit lire un nouvel ordre où il disait : « Soldats, les feux de vos bivouacs qui, des cimes de l’Atlas, semblent en ce moment se confondre avec la lumière des étoiles, annoncent à l’Afrique la victoire que vous achevez de remporter sur ces fanatiques et barbares défenseurs et le sort qui les attend. Vous avez combattu comme des géants et la victoire vous est restée. Vous êtes, soldats, de la race des braves et les véritables émules des armées de la Révolution et de l’Empire. »

Clauzel, influencé par le souvenir des ordres du jour de Napoléon à ses armées, a été critiqué et raillé au sujet de son éloquence. Sans doute ses proclamations ont-elles été trop fréquentes et leurs termes trop pompeux ; mais elles produisaient néanmoins bon effet sur le soldat, qui aime voir ses efforts reconnus et ses succès proclamés. Les zouaves, à peine constitués, avaient fait partie de l’expédition et s’étaient parfaitement comportés. Ils entrèrent dans la composition de la garnison laissée à Médéa, et occupèrent une position en dehors de la ville : « Ils étaient sans vêtements, sans vivres complets, dans la neige. Il n’y eut pas de désertion, quoiqu’ils fussent souvent à côté de leur pays. Ils se fussent cru déshonorés d’abandonner dans de telles circonstances[8]. » Ils reçurent l’appui d’une milice indigène formée avec les habitants de la ville, et à laquelle Clauzel fit distribuer des armes. Les Indigènes commençaient ainsi à jouer le rôle politique prévu par le général en chef.

Que d’erreurs avaient par contre été commises, tant dans l’organisation que dans l’exécution de cette expédition. La préparation, hâtive et insuffisante, avait abouti à laisser les troupes démunies de vivres et de munitions ; l’occupation de Blida avait été faite sans assez de méthode et sans précautions suffisantes pour le cas d’une révolte ; l’envoi à Alger d’un petit détachement de 50 canonniers chargé de ramener des munitions avait été une folle imprudence, qui aboutit au massacre de ces malheureux, jusqu’au dernier...

Lorsque, après bien des luttes, des privations et des souffrances, la garnison de Médéa dut revenir à Alger, pour remplacer les vides causés par les rapatriements, le prestige français, au lieu d’avoir été rehaussé aux yeux des populations, se trouva considérablement diminué ; quant au parti français à Médéa, il fut abandonné à ses propres forces... Mieux eût valu ne pas aller à Médéa !

 

« L’agha des Arabes », chargé des relations avec les tribus, Hamdane, n’avait pas rendu de services ; il s’était même montré insuffisant et timoré pendant l’expédition de Médéa, et était l'objet des sarcasmes de tous ; comme d’autre part il avait commis des exactions, Clauzel supprima sa charge le 7 janvier 1831 et le força à se rendre en France[9].

Quelques semaines plus tard, le 18 février, le commandant en chef rétablit les fonctions au profit du chef d’escadron de gendarmerie Mendiri, grand prévôt de l’armée, et attacha au service du nouvel agha une douzaine de cavaliers indigènes dénommés guides. Mais Mendiri, ignorant la langue et les mœurs du pays, et même la religion musulmane, ne pouvait guère rendre plus de services que Hamdane[10] !

Il fallait compter sur d’autres éléments pour établir des relations avec la population indigène.

 

Le développement du corps des zouaves avait été approuvé par le Ministre de la Guerre, qui avait fait envoyer au mois de décembre 3.000 fusils d’infanterie et 1.500 sabres pour son armement[11].

Il fallait des gradés français pour encadrer les indigènes qui s’engageaient ; ils furent pris dans les diverses armes, non sans que ce procédé soulevât des protestations. C’est ainsi que le lieutenant-colonel Admyrauld, commandant l’artillerie d’Alger, écrivait au lieutenant-général Delort, chef d’état-major général : « Messieurs les commandants des bataillons de zouaves et de la cavalerie arabe ne se lassent pas de demander continuellement de nouveaux sujets à l’artillerie, pour faire des caporaux ou brigadiers dans leurs corps ; nous avons déjà fourni près de quarante tant sous-officiers que brigadiers et canonniers. Si cela continuait, il en résulterait un appauvrissement fâcheux pour l’artillerie, arme spéciale[12]. » Il demandait en conséquence l’ordre de n’avoir plus à donner satisfaction aux demandes de ce genre.

Clauzel hâtait la constitution du corps des zouaves, parce qu’il voulait réduire les troupes françaises à dix mille hommes. Les bataillons de zouaves, et un bataillon de garde urbaine qu’il constituait à Alger, devaient former un complément utile. « Trois bataillons de zouaves suffiront pour le moment, écrivait-il au Ministre ; ils couvriront Alger et pourront maintenir l’ordre jusqu’au pied de l’Atlas. J’ai pris les dispositions nécessaires pour qu’on ne puisse être inquiété à Alger ; il ne restera que quatre bataillons dans la ville ; les autres seront en dehors, occupant des postes convenables sur les hauteurs qui dominent la Mitidja[13]. »

Comme le Ministre lui annonçait des détachements de volontaires venant de Paris, il se déclarait prêt à les accueillir, à les organiser et à leur donner du travail dans les jardins et maisons de campagne des environs d’Alger : « Envoyez tous ceux qui sont dans la misère, écrivait-il, ou qui peuvent nuire à la tranquillité et au repos public[14]. »

Les volontaires dont parlait le Ministre, qui furent communément appelés « volontaires parisiens », étaient des combattants de la Révolution de Juillet, soit Parisiens, soit accourus de la province à Paris, qui, après l’établissement de la Monarchie constitutionnelle, étaient restés désœuvrés dans la Capitale ; grisés par les journées belliqueuses auxquelles ils avaient participé de près ou de loin, les ouvriers n’avaient plus le désir de rejoindre leurs ateliers, les employés leurs bureaux. Pour se débarrasser d’eux, le Gouvernement leur offrit de souscrire des enrôlements volontaires, les accepta sans examen, et les embarqua pour l’Afrique.

Les volontaires parisiens arrivèrent par détachements successifs, dans un grand état de dénuement. Ils demandèrent à être incorporés dans les régiments de ligne. Mais Clauzel modifia l’arrêté d’organisation du corps des zouaves en décidant que des soldats français pourraient être incorporés dans les bataillons de zouaves et dans l’escadron, dénommé parfois chasseurs algériens ; le 12 février, il fit affecter les volontaires parisiens par parties égales aux deux bataillons, et placer à la suite de l’escadron ceux qui avaient servi dans la cavalerie[15].

Le 1er bataillon de zouaves s’organisait sous le commandement du chef de bataillon Maumet ; le 2e, sous celui du chef de bataillon Duvivier. Ce dernier, ancien élève de l’Ecole Polytechnique, capitaine du génie, nommé chef de bataillon aux zouaves à titre provisoire, écrivait le 19 février au Ministre, en lui demandant d’être confirmé dans son grade : « Laissez-moi dans les rangs de l’infanterie, dans lesquels je cherche à pénétrer depuis longtemps. Si, comme je l’espère pour le bonheur de la France, la patrie n’a pas besoin de notre épée en Europe, laissez-moi au désir d’aider à conquérir et à explorer un pays qui peut être une source de grandes richesses et de belles études. Depuis trois mois, j’ai eu pour l’organisation de mon bataillon des peines infinies ; l’incorporation des volontaires parisiens est venue en ajouter d’autres. Rien ne m’a rebuté, rien ne me rebutera[16]. »

Quelques centaines d’hommes, fussent-ils braves, solides et rompus aux habitudes du pays, étaient un effectif bien maigre pour compenser le retour en France de nombreux corps. Les régiments d’infanterie de ligne allaient en effet être réduits à quatre, qui avaient été tirés au sort : le 15e, le 20e. le 28e et le 30e. C’était peu pour établir l’ordre dans le pays.

Clauzel comptait, il est vrai, sur un autre moyen, pour asseoir la domination française à Constantine et à Oran : l’aide du bey de Tunis. L’ébauche de protectorat qu’il avait imaginée devait étayer l’autorité du Général en chef français de celle d’un Prince musulman ; elle devait aussi accroître ses moyens matériels par la présence d’une garnison tunisienne à Oran et par l’envoi d’une expédition tunisienne contre Constantine.

Ces idées hardies, dont la mise à exécution fut commencée sans que le Gouvernement les eût approuvées, provoquèrent les véhémentes protestations du ministre des Affaires Etrangères, le général Sébastiani[17], et amenèrent le rappel de Clauzel.

L’effectif réduit du corps expéditionnaire ne justifiait plus, il est vrai, la présence d’un chef d’envergure[18]. Lorsque Berthezène débarqua à Alger le 20 février 1831, Clauzel annonça par un ordre du jour que « l’armée d’Afrique » cessait d’exister sous ce nom, et qu’elle prenait, d’après les ordres du Ministre, le nom de « division d’occupation. » Il s’embarqua le lendemain pour la France.

Clauzel avait de grandes qualités : une vive intelligence, de l’initiative, du coup d’œil, de la décision ; il possédait, comme l’a écrit un de ses subordonnés, Cavaignac, « une sagacité merveilleuse qui lui faisait toujours deviner ce que les autres cherchaient[19] » ; mais il manquait par contre des qualités de réflexion et de pondération qui évitent à un chef de s’engager dans des impasses, et il agissait souvent avec une imprévoyante légèreté dont il était la première victime.

 

La réduction des effectifs de l’ancien corps expéditionnaire et la transformation même de son nom reflétaient les hésitations du Gouvernement royal au sujet du sort réservé à la Régence d’Alger. Un des griefs formulés par le général Sébastiani contre Clauzel n’était-il pas que le commandant en chef avait préjugé la conservation d’Alger par la France !

La « division d’occupation » était une assez maigre unité, qui comptait : deux brigades d’infanterie, soit quatre régiments de ligne et les zouaves ; deux escadrons de chasseurs de France, plus un escadron de cavalerie indigène en formation ; sept batteries d’artillerie ; une compagnie de sapeurs ; des détachements du train et une centaine de gendarmes. Son effectif total ne s’élevait qu’à 8.000 hommes, et était à peine suffisant pour fournir quelques garnisons. Or, si Médéa avait été évacuée le 1er janvier 1831, Mers-el-Kebir avait été occupée le 14 décembre 1830 et la Casba d’Oran le 8 janvier 1831. Que pouvait-on faire dans le beylik de Constantine ?...

Le général Berthezène n’avait pas les qualités voulues pour diriger la colonie. Excellent commandant de division, il avait fait ses preuves dans les campagnes du Premier Empire et à l’expédition d’Alger, mais il n’avait pas assez d’esprit d'observation, d’activité, d’initiative et de décision pour créer, innover et organiser dans toutes les branches. Il était le soldat discipliné et circonspect désiré par le Gouvernement que la hardiesse de Clauzel avait effarouché ; il n’était pas le chef apte à établir et à développer l’influence française dans un pays neuf.

Le capitaine Pellissier analysait son caractère en ces termes sévères : « Rien ne le recommandait au choix du Gouvernement, si ce n’est la conviction de trouver en lui plus de soumission que dans le vainqueur de l’Atlas... Dès son début à Alger, il se montra homme d’intérieur et de calculs personnels. Il parut ne voir dans cette haute position qu’une occasion de faire des économies sur son traitement fort considérable ; il était du reste incapable de l’augmenter par de coupables moyens[20]. »

La situation matérielle des troupes laissait beaucoup à désirer, malgré les efforts tentés par Clauzel pour l’améliorer. La nourriture du soldat était médiocre. La viande en particulier était mauvaise, car les troupeaux de l’administration étaient composés de bêtes chétives, vendues à bas prix aux comptables, disait-on, parce qu’elles étaient malades ou parce qu’elles avaient été volées. Le soldat, qui consommait une viande de qualité inférieure, n’en avait même pas toujours une quantité suffisante, car sa ration était réduite lorsque pour une raison quelconque les livraisons faites par les Indigènes diminuaient ![21]

Les ressources dont les troupes pouvaient disposer en s’approvisionnant sur le pays, même pour la nourriture des animaux, étaient maigres et incertaines. Berthezène essaya, dès les premières semaines de son commandement, de dissiper les illusions que les bureaux parisiens pouvaient avoir à ce sujet. Il écrivait le 2 avril au maréchal Soult : « Hier, tous les chevaux auraient manqué de fourrage et de paille si avant-hier un coup de vent heureux ne nous avait amené un navire chargé de foin[22]. »

Il était urgent de porter remède à une situation aussi précaire en cherchant à mieux exploiter le pays dans lequel la France avait pris pied ; mais les troupes chargées d’occuper Alger se trouvaient à ce moment même en pleine réorganisation.

 

La division d’occupation prit bientôt dans la correspondance officielle le nom de « corps d’occupation d’Alger[23] ».

Parmi les troupes qui la composaient, les « volontaires parisiens » et les zouaves donnaient au commandement de sérieuses préoccupations.

Les 500 premiers volontaires parisiens avaient été placés aux zouaves. « Cette mesure, écrivait le 26 février Berthezène au Ministre de la Guerre, les mécontenta et les humilia. Pour réparer le mal, je viens de les former en compagnies auxiliaires ; dans chacune d’elles, j’ai placé trois officiers pris parmi eux ; c’est aussi dans leur sein que j’ai choisi des sous-officiers et caporaux[24] ». Il constitua ainsi neuf compagnies de fusiliers auxiliaires, et deux compagnies d’ouvriers. Mais le Ministre estima préférable de former les volontaires en bataillons et de leur envoyer des officiers[25]. Tous ces remaniements et tâtonnements étaient préjudiciables à l’ordre, à la discipline et à l’entraînement des hommes.

Les zouaves ne répondaient pas aux espérances fondées sur eux par Clauzel et confirmées par leur brillante conduite à l’expédition de Médéa. Prêts à faire le coup de feu quand il le fallait, ils parvenaient par contre difficilement à se plier aux habitudes de la discipline européenne. Le système de gardes et d’appels leur paraissait une tyrannie insupportable ; l’obligation, pour les hommes mariés, de vivre séparés de leur famille, leur pesait lourdement. Attirés au corps par de belles promesses, ils s’apercevaient que le métier n’était pas aussi agréable qu’ils s’étaient imaginé ; ils demandaient à s’en aller, et souvent désertaient avec armes et effets. Lis étaient peu aimés de la population indigène, disposée à les considérer comme des renégats et des transfuges. L’un d’eux étant allé quelque temps après son enrôlement voir sa famille à la campagne, son père réunit quelques amis et leur dit : « Mon fils a pris parti pour les Chrétiens ; c’est un infidèle, un traître, il faut le brûler » ; aussitôt saisi, garrotté, il fut livré aux flammes[26]. De tels incidents, connus et commentés, n’étaient pas faits pour favoriser les enrôlements !

Le général Berthezène écrivait au Ministre le 6 mars 1831 : « Vous avez pu remarquer que les deux bataillons de zouaves se réduisent presque à leur cadre ; ils ont éprouvé des désertions assez fortes et le recrutement se fait difficilement. Je me suis occupé des moyens d’engager les tribus à nous fournir un certain nombre d’hommes dont elles répondraient ; je ne sais si je réussirai, mais un des moyens qui pourraient être efficaces serait d’intéresser les cheikhs et de donner une prime d’encouragement. M’autorisez-vous à l’accorder et quel en serait le taux ? Une autre chose fort essentielle est de pourvoir à leur habillement ; ils sont nus, et cet état d’abandon les dégoûte[27] ». Ces remarques étaient judicieuses ; la prime à accorder aux cheikhs était certainement un moyen efficace d’obtenir des enrôlements ; quant à l’habillement, disparate et insuffisant, il donnait aux zouaves réunis un aspect plus ridicule que glorieux. « Ces Algériens rangés par pelotons, a écrit Rozet, obligés de se tenir droits et d’après les principes, avec un de nos fusils à la main, étaient vraiment comiques à voir ; la diversité des couleurs et des coiffures, car on ne les avait pas encore habillés, produisait un assez singulier effet[28] ».

L’escadron de zouaves n’était guère en meilleure situation que les bataillons : « On a créé également un escadron de zouaves, ajoutait Berthezène dans sa lettre au Ministre : il peut fournir dans ce moment 50 hommes à cheval, mais mal montés (on leur a donné des chevaux de réforme). Il serait possible de les porter à 200 hommes, et alors ils pourraient rendre de bons services, car ils sont fort intelligents ; mais il faudrait leur donner des chevaux du pays. Nous autorisez-vous à les acheter, et à quel prix ?[29] »

Le Ministre entendait habiller et équiper les zouaves convenablement, et fournir aux escadrons des chevaux du pays ; mais il exprimait sa décision en termes peu précis : « Prendre en principe que les bataillons de zouaves doivent être habillés, complétés autant que possible par des naturels du pays, et ensuite par des volontaires de Paris. D’ailleurs, l’administration doit pourvoir à leur habillement et à leur équipement. En présenter le mode. Il en est de même des escadrons de zouaves et il n’y a pas de difficulté de faire acheter des chevaux dans le pays, si le prix n’en est pas trop élevé[30] ».

 

Un statut légal était nécessaire aux unités en formation.

Comme à ce moment même il était question de constituer en France un corps avec des étrangers, Louis-Philippe fit adopter par les Chambres la loi du 9 mars 1931 « autorisant la formation d'une Légion d’étrangers en France, et de corps militaires, composés d’Indigènes et d’Etrangers, hors du territoire continental ».

La loi était ainsi rédigée :

« Article 1. — Il pourra être formé dans l’intérieur du royaume une légion d’étrangers ; mais elle ne pourra être employée que hors du territoire continental du royaume.

« Article 2. — Les généraux en chef, commandant les pays occupés par les armées françaises hors du territoire continental, pourront être autorisés à former des corps militaires composés d’indigènes et d’étrangers.

« Article 3. — Les dépenses de ces divers corps forment un article séparé au budget de la guerre[31] ».

Cette loi fut aussitôt suivie par des ordonnances relatives aux deux corps qu’elle permettait de former : la légion étrangère et les zouaves.

L’ordonnance relative à la légion étrangère fut signée par Louis-Philippe le 10 mars, le lendemain même de la loi. La légion, composée d’étrangers, devait avoir des bataillons identiques aux bataillons d’infanterie de ligne française, mais sans compagnie d’élite ; chacune des compagnies devait être, « autant que possible, composée d’hommes de même nation et parlant la même langue ». La légion étrangère était assimilée aux régiments français pour la solde et l’administration. « L'uniforme sera bleu, disait l’ordonnance, avec le simple passepoil garance et le pantalon de même couleur ; les boutons seront jaunes et porteront les mots : Légion étrangère ».

Pour faire partie de ce corps, il fallait contracter un engagement volontaire de trois à cinq ans. Les étrangers désireux de s’engager devaient être âgés de 18 ans au moins, 40 ans au plus, et avoir 1 m. 55 ; ils devaient en outre présenter leur acte de naissance ou une pièce équivalente, un certificat de bonnes vie et mœurs et un certificat d’acceptation de l’autorité militaire constatant qu’ils avaient les qualités requises pour faire un bon service. En l’absence des deux premières pièces, le général décidait s’ils pouvaient néanmoins être admis à s’engager. Les militaires de la légion pouvaient rengager pour deux ans au moins et cinq ans au plus ; mais les rengagements ne donnaient droit à une haute paie qu’après cinq ans de services[32].

Une ordonnance du 21 mars suivant décida que : « il pourrait être formé en Afrique des bataillons et des escadrons de zouaves ».

Le nombre des bataillons de zouaves n’était pas fixé. Un bataillon était composé d’un état-major et de huit compagnies. L’état-major du bataillon comprenait comme officiers : le chef de bataillon commandant, un adjudant-major, un officier-payeur, un interprète et un chirurgien ; et comme hommes de troupe : un adjudant sous-officier, un maître armurier et un caporal tambour. Une compagnie comprenait un capitaine, un lieutenant et un sous-lieutenant, 111 hommes de troupe dont 4 sergents et 8 caporaux, plus un enfant de troupe. L’effectif total de chaque bataillon était donc de 29 officiers, 891 sous-officiers et soldats, et 8 enfants de troupe[33].

Le nombre des escadrons de zouaves était fixé à deux, qui seraient organisés « sous la dénomination de Chasseurs algériens ». L’état-major de ce corps comprenait : comme officiers, un chef d’escadrons, un adjudant-major, un officier payeur, un interprète et un chirurgien ; comme hommes de troupe, un adjudant sous-officier, un vétérinaire, un maître sellier, un maître armurier et un trompette brigadier. Un escadron comprenait : un capitaine commandant et un capitaine en second, un lieutenant en premier et un lieutenant en second, et quatre sous-lieutenants, soit huit officiers ; 150 hommes de troupe ; plus deux enfants de troupe. L’encadrement de l’escadron était aussi bien étoffé en sous-officiers qu’en officiers, puisqu’il comptait huit maréchaux des logis et seize brigadiers sur un total de 150 hommes de troupe ; des chevaux étaient d’ailleurs prévus pour tous les officiers et sous-officiers, tandis qu’il y en avait seulement 100 pour les 120 chasseurs. L’effectif total des deux escadrons, y compris l’état-major, devait donc être de 21 officiers, 305 sous-officiers et cavaliers, plus quatre enfants de troupe ; 27 chevaux d’officiers et 265 chevaux de troupe.

Ces bataillons et escadrons, dont l’ensemble formait « les corps de zouaves », recevaient des volontaires français et étrangers. Les officiers, sous-officiers, caporaux ou brigadiers français qui y étaient placés jouissaient d’avantages spéciaux : ceux qui y étaient admis pour occuper un emploi du grade immédiatement supérieur au leur pouvaient être promus au bout d’un an de présence, et rentrer dans la ligne avec leur nouveau grade ; s’ils restaient aux zouaves, ils pouvaient y occuper un emploi du grade supérieur et bénéficier à nouveau d’une promotion suivant les mêmes règles. C’est seulement à défaut de candidats remplissant ces conditions que les emplois vacants dans les bataillons ou escadrons de zouaves étaient attribués à des officiers ou sous-officiers tirés des autres corps de l’armée ou de la non activité.

Les corps de zouaves devaient jouir de la même solde que les troupes françaises d’infanterie et de cavalerie légère, et se conformer, « en ce qui pourrait leur être applicable », aux règlements en vigueur dans les troupes françaises. Les dispositions prises par le général Clauzel pour l'organisation provisoire de ces corps étaient approuvées ; l’habillement des bataillons et escadrons était maintenu tel qu’il avait été déterminé par lui, sauf modifications jugées nécessaires[34].

 

Avant d’avoir reçu le texte de l’ordonnance relative à la formation régulière des zouaves, le général Berthezène avait pris des mesures pour organiser de son mieux les « volontaires parisiens » et les zouaves.

Il avait formé avec les volontaires parisiens seize compagnies de fusiliers et deux compagnies d’ouvriers, de 150 hommes chacune. Il comptait grouper le 1er avril 1831 les seize compagnies en deux bataillons. Il pouvait encore absorber « la valeur d’un bataillon », mais déclarait au Ministre de la Guerre qu’un plus grand nombre risquait d’être « dangereux pour la discipline et la sûreté du pays[35] ». Il considérait les cadres de ces volontaires comme insuffisants en quantité et surtout en qualité, et écrivait : « Dans les officiers parisiens, il y a beaucoup de mauvais sujets ; il serait utile de savoir ce qu’ils étaient antérieurement[36] ».

Alors que Berthezène croyait les envois de volontaires suspendus, il en reçut encore près de 600 les 31 mars et 1er avril. Il ne savait comment les loger ; il ne pouvait pas leur faire occuper les maisons laissées libres par les corps rentrés en France, car elles étaient complètement dégradées, et il ne voulait pas chasser les habitants des leurs ; aussi se décida-t-il à faire construire en toute hâte quatre grandes baraques de plus dans le jardin de Mustapha-Pacha[37].

Les deux bataillons organisés avec les volontaires parisiens furent désignés sous le nom de « bataillons auxiliaires d’Afrique », ou plus communément : « bataillons auxiliaires ». Pour assurer leur encadrement, le Ministre de la Guerre avait l’intention de conférer aux « officiers parisiens » les grades dont il les reconnaîtrait susceptibles ; mais le directeur de l’Infanterie, le général Saint-Cyr Nugues, n’était pas d’avis d’accorder pareille faveur à ces officiers « ou soi-disant tels[38] ».

Ce fut grâce au déficit en hommes existant aux zouaves qu’il fut possible d’organiser les volontaires parisiens. Comme le 2e bataillon de zouaves ne comptait à son effectif que 21 indigènes, Berthezène donna ses cadres au 2e bataillon auxiliaire et réunit les zouaves en un seul bataillon[39].

Sur ces entrefaites, il reçut l’ordonnance du 21 mars relative aux zouaves ; il répondit à Soult qu’il réorganiserait le 1er mai le bataillon de zouaves restant[40].

La grande difficulté restait l’encadrement des volontaires parisiens : « J’ai le plus grand besoin d'officiers, écrivait le 15 avril Berthezène au Ministre ; car, outre les bataillons organisés et auxquels il manque beaucoup d’officiers, j’ai 500 ou 600 hommes qui formeront un 3e bataillon et où je n’ai que deux ou trois officiers ; aussi c’est un désordre dont vous ne pouvez pas vous faire l’idée. Il me reste bien quelques individus, de ceux qui sont venus ici comme officiers, qui ne sont employés à rien ; mais si vous saviez ce que c’est ; il ne faut pas penser à leur donner des épaulettes. Que voulez-vous que j’en fasse ? Consentez-vous à ce que je les renvoie en France ? »

Les volontaires laissés sans direction étaient entraînés par les plus mauvais : « J’ai été forcé de loger à la Casba, déclarait Berthezène, ceux des volontaires parisiens qui ne sont pas en bataillon. Ce contact a été déjà funeste au bataillon du 28e qui s’y trouve logé, et plusieurs sous-officiers s’en trouvent complètement pervertis. Un capitaine de service de ce régiment a manqué d’être assassiné pendant la nuit, et je n’aurai peut-être pas le moyen, faute de preuves, de traduire les prévenus devant un Conseil de guerre. Il est urgent que je les sépare et que je les éloigne des autres troupes, et je ne sais où les placer ». Le général ajoutait en postscriptum : « La plus grande partie de ces hommes voudraient rentrer en France. Tous prétendent avoir été trompés[41] ».

La situation matérielle n’était pas meilleure que la situation morale : « Beaucoup d’hommes des deux bataillons auxiliaires sont pieds nus (à la lettre), sans chemises, et dévorés de vermine ; c’est à faire pitié ; faites cesser, je vous en conjure, cet ordre de choses. Ils ne sont pas encore armés et ils ne le seront que successivement ; il serait trop préjudiciable de donner tant de fusils neufs à des hommes qui n’ont aucune habitude des armes et où il n’y a pas un sous-officier capable de démonter un fusil ; d’ailleurs, nous n’avons ni monte-ressort, ni tournevis. Ces corps manquent encore de maître-armurier, et il est urgent de leur en donner, car si les réparations ne se font pas au fur et à mesure du besoin, cet armement sera perdu ».

Berthezène concluait, non sans raison : « Vous avouerez, Monsieur le Maréchal, que c’est la première fois qu’on organise les corps avant d’avoir des cadres. Je vous renouvelle donc la prière que j’ai eu l’honneur de vous faire plusieurs fois de m’autoriser à prendre dans les corps de la ligne des officiers pour mettre à la tête des compagnies qui ont été organisées[42] ».

Les officiers de zouaves passés aux volontaires parisiens étaient heureusement des officiers d’élite, qui firent en peu de temps, de cette tumultueuse réunion d’hommes, une troupe disciplinée. L’officier désigné pour commander le 2e bataillon auxiliaire d’Afrique, dont quatre compagnies étaient cantonnées à Bab-Azoun, était le commandant Duvivier. Il avait sous ses ordres le jeune capitaine de la Moricière, qui commandait la 7e compagnie établie au fort de Bab-Azoun ; il avait discerné sa valeur. Par un ordre du 15 avril adressé aux quatre compagnies, il lui confia les fonctions d’adjudant-major : « En cette qualité, monsieur le capitaine La Moricière sera chargé de la police générale, ainsi que du service commun à toutes les compagnies. Il répartira entre les compagnies le nombre des hommes commandés pour service ou pour corvées, surveillera l’exactitude des heures de réunion et l’exécution des ordres généraux que nous aurons donnés. Il nous rendra compte immédiatement des infractions qu’on aurait pu commettre ». Duvivier ne borna pas là les attributions de son subordonné : « Monsieur le capitaine La Moricière remplira aussi jusqu’à nouvel ordre les fonctions de capitaine de semaine, et en cette qualité, conformément aux règlements, il surveillera la police des chambres, leur propreté, la tenue et l’arrangement des effets et des armes, la qualité des aliments, leur prix pour l’uniforme dans les quatre compagnies, leur quantité ; il veillera à la nourriture des prisonniers[43] ». Avec des chefs de ce genre, les volontaires parisiens devaient rapidement acquérir l’esprit de discipline et le sentiment du devoir.

 

Ce n’est pas seulement aux volontaires parisiens que manquaient les cadres, rouage si important dans un corps expéditionnaire. Le Génie en manquait, à la suite de réductions d’autant plus inopportunes qu’il avait à exécuter des travaux nombreux et de première nécessité[44].

Les maisons mauresques habitées par les troupes avaient des murs en terre rouge crépie, trop minces pour le poids supporté, et des terrasses détériorées par les gros souliers des soldats ; elles n’avaient été l’objet d’aucune réparation depuis l’arrivée du corps expéditionnaire, et étaient fort délabrées. Les occupants s’y trouvaient d’autant plus mal qu’ils ne recevaient aucun matériel pour l’aménagement intérieur : « Je vous ai rendu compte plusieurs fois, écrivait le 19 avril Berthezène au Ministre, que le soldat n’a ni paille, ni matelas pour se coucher ; pas un seul n’a pu se déshabiller depuis qu’il est parti de France ; ainsi, tous ceux qui ont fait la campagne sont dans cet état de souffrance depuis un an. Serait-il étonnant que nous eussions beaucoup de maladies à la saison des chaleurs ?[45] ».

Tout en se plaignant ainsi de cet état de désorganisation, Berthezène n’était pas homme à prendre des initiatives comme Clauzel. Las et découragé, il écrivait le 15 avril à un de ses camarades de France : « Vous connaissez, mon cher général, les malheurs dont j’ai été frappé ; ils m’ont accablé et mon moral en a plus souffert encore que mon physique. Je me sens — je vous le dis en toute la sincérité de mon âme — trop au-dessous de mes devoirs pour que je puisse rester ici. Je dois à mon honneur et au service de remettre le commandement en des mains plus fermes ; faites donc désigner mon successeur ; vous rendrez un véritable service à la chose [publique] et je vous serai bien reconnaissant. Je ne suis plus bon à rien[46] ». Il ne se bornait pas à confier à des amis son désir de retour ; il écrivait le 14 mai au Ministre de la Guerre que l’état de sa santé ne lui permettait plus de remplir ses devoirs d’une manière satisfaisante et il lui demandait son remplacement[47].

 

En attendant la décision du Ministre, Berthezène restait un soldat dévoué à ses devoirs et continuait à faire de son mieux.

Les zouaves s’organisaient lentement, par suite des difficultés de leur recrutement. Comme un nouveau détachement de 90 volontaires parisiens était arrivé au début de mai, et que le 3e bataillon de ce corps était complet en hommes depuis un mois, mais sans officiers, Berthezène plaça ce détachement aux zouaves, portant ainsi leur bataillon à plus de 500 hommes, dont 300 Français[48].

Le 1er bataillon auxiliaire d’Afrique, commandé par le chef de bataillon Duchaussoy, avait le 15 mai un effectif de 39 officiers et 1162 hommes, et le 2e, aux ordres de Duvivier, avait 63 officiers et 1.894 hommes[49]. Berthezène avait commencé à renvoyer en France les hommes qu’il considérait comme inaptes au service, mais avait reçu l’ordre de n’en rembarquer aucun. Du moins suppliait-il le Ministre de cesser les envois ! Il lit placer au bataillon de zouaves 250 volontaires qui arrivèrent le 24 mai ; il en reçut encore une centaine le 26 mai et écrivit au Ministre : « Il en pleut ![50] »

Ces volontaires étaient loin d’être tous désirables : « Vous ne sauriez vous faire une idée, écrivait Berthezène à Soult, de la composition de ces Parisiens. Ce sont des hommes de sac et de corde. Ils démolissent les prisons, cassent les portes, et souvent on est obligé de les attacher pour qu’ils fassent moins de dommage ; je ne sais si cela se peut, mais il serait bien nécessaire d’établir une discipline particulière pour ces hommes-là[51] ». Il comptait former les trois bataillons en un seul régiment[52], qui devait être le 67e de ligne, mais il se plaignait de recevoir de piètres cadres, tels ces trois officiers qui étaient, « depuis leur arrivée, dans un état constant d’ivresse[53] ».

Avec les divers corps spéciaux, Parisiens, zouaves, chasseurs algériens, qui s’organisaient ainsi tant bien que mal, Berthezène comptait former à Alger une 3e brigade. Il eut l’occasion d’éprouver leur valeur en revenant de l’expédition qu’il fit à Médéa, afin de soutenir le bey nommé par Clauzel. Il leur rendit hommage dans son rapport, après avoir raconté comment le 3 juillet, à la descente du col de Mouzaïa, les troupes se trouvèrent en proie à un désordre général, et même à une panique qui dura une heure : « Les Parisiens et les Zouaves, écrivit-il, sont ceux qui ont le plus longtemps conservé l’ordre[54] ». Il demanda la légion d’honneur pour le chef d’escadron Marey, commandant les chasseurs algériens, et pour le capitaine de la Moricière, des zouaves[55]. Bataillons auxiliaires et zouaves étaient ainsi devenus, grâce à quelques officiers énergiques, les dignes émules des troupes régulières.

Les trois bataillons auxiliaires constituèrent à la date du 1er juillet un régiment de ligne à 4 bataillons, le 67e, conformément à une ordonnance du 4 mai[56]. En même temps, le 2e bataillon de zouaves se reforma[57] ; son chef, Duvivier, désireux de hâter le recrutement, se fit autoriser à avoir des agents indigènes recruteurs, et à leur payer un douro (3 fr. 72) par homme enrôlé[58]. Les chasseurs algériens prirent belle figure aux ordres du commandant Marey, qui fit confectionner des uniformes pour les officiers et les gradés[59]. L’ensemble de ces corps constitua la 3e brigade, commandée par le général marquis de Brossard.

Berthezène attendait avec impatience depuis quelque temps l’officier auquel il réservait le commandement du 3e bataillon auxiliaire, le commandant Huder[60]. Cet officier fut chargé en juin de reprendre, au nom du Gouvernement français, les négociations avec le bey de Tunis tant reprochées à Clauzel, et il échoua ; mais comme il avait, en s’arrêtant devant Bône au retour, reçu une députation des habitants, il fut envoyé en septembre dans cette ville avec une compagnie de zouaves commandée par le capitaine Bigot. Huder, trop confiant, toléra que les zouaves indigènes fussent admis à la Casba, tandis que les zouaves français logeaient en ville, se laissa surprendre et fut tué ainsi que Bigot ; les zouaves subirent des pertes assez nombreuses. Bône fut évacuée pour la deuxième fois.

 

Tandis que les zouaves d’Alger commençaient ainsi à être employés activement, des essais d’un autre genre étaient faits à Oran pour former des troupes indigènes.

Le général Pierre Boyer, qui commandait dans cette ville, ne disposait que d’environ 1.370 baïonnettes ; il imposait son autorité par des mesures sévères, qui lui avaient fait donner autrefois en Espagne le surnom de « Pierre le Cruel ». « C’était, du reste, disait de lui Pellissier, un homme d’esprit et de capacité, instruit et ami des arts, doux et affable dans son intérieur, et pourvu enfin d’une foule de qualités estimables, qui contrastaient singulièrement avec sa terrible réputation justifiée par ses actes... La cruauté, comme moyen politique, était systématique chez lui ; c’était une affaire de conviction et de raisonnement, plus encore qu’une émanation de caractère[61] ». Boyer n’avait généralement pas tort, car le châtiment immédiat et impitoyable est, en Afrique du Nord, le plus sûr moyen d’obtenir la sécurité et la paix, pourvu qu’il soit appliqué à bon escient ; mais il était incompris de tous ceux qui ignoraient les mœurs et la mentalité indigènes.

Le commandant d’Oran traitait fort bien les miliciens turcs du bey passés au service de la France, et demandait une solde pour eux ; mais il n’en avait que 66. Il formait aussi un escadron indigène, pour lequel il n’avait encore réuni que 44 hommes et 35 chevaux. Ces unités étaient seulement ébauchées.

 

La légion étrangère organisait en France, dans divers dépôts, ses bataillons constitués par des soldats de nationalités différentes. Les avantages de ce système étaient que les hommes de même origine, parlant la même langue, se trouvaient réunis et pouvaient être mieux commandés par des officiers connaissant leur langue et leurs habitudes. Les inconvénients étaient la création de rivalités et de jalousies entre les bataillons, et la difficulté d’établir un esprit de corps nécessaire.

Le recrutement des légionnaires était aisé. De nombreux Allemands, surtout de la rive gauche du Rhin, et des Belges, encore tout dévoués à la France par suite des souvenirs napoléoniens, venaient servir leur ancienne patrie. Des Espagnols et des Italiens cherchaient asile à la légion, en raison de persécutions politiques dans leurs pays respectifs. Des Polonais ayant pris part à la révolution de Varsovie se réfugiaient dans ses rangs. D’anciens militaires de tout grade de l’ancienne légion Hohenlohe et des régiments suisses de la Garde Royale retrouvaient grâce à elle une carrière à laquelle ils étaient attachés. Enfin des déserteurs de toutes les armées venaient grossir ses bataillons[62].

Aux zouaves, le commandant Duvivier s’occupait de perfectionner l’uniforme, demandant pour son 2e bataillon le turban vert, tandis que le 1er bataillon (Maumet) conserverait le turban rouge[63]. Il n’avait pu réunir, au 20 août, que 314 sous-officiers et soldats, et en eût voulu au moins 400[64]. Aux chasseurs algériens, le chef d’escadron Marey poussait activement l’organisation, en s’occupant de l’habillement, de l’armement, des vivres, des chevaux et de la solde[65].

Quatre compagnies de canonniers garde-côtes, destinées à la division d’occupation, furent organisées par ordonnance du 1er août[66]. Une direction d’artillerie fut créée à Alger par ordonnance du 22 août[67] ; puis, par ordonnance du 24 septembre, une direction des fortifications, comprenant « tout le territoire de l’ancienne Régence occupé par les troupes françaises ou qui pourrait l’être par la suite[68] ».

Dès le milieu de juillet, la formation de deux compagnies de discipline avait été entreprise par ordre de Soult : une compagnie de fusiliers, et une compagnie de pionniers destinée à « recevoir les individus réputés mauvais sujets incorrigibles[69] ». Ces deux compagnies firent l’objet de l’ordonnance du 31 octobre relative à la formation de la 5e compagnie de fusiliers et de la 5e de pionniers de discipline[70].

 

L’agha des Arabes, le chef d’escadron Mendiri, n’avait pas réussi dans les fonctions que lui avait confiées Clauzel. A la suite d’une dénonciation pour des actes arbitraires, bastonnade infligée à des Indigènes, il avait demandé le 26 mai à rentrer en France.

Berthezène ne voulait d’ailleurs plus de lui, et écrivait le 23 juillet à Soult : « Je regarde comme très nécessaire d’avoir un agha arabe ou maure d’origine, qui soit un homme actif et d’exécution, qui soumette les tribus les unes par les autres ; mais ces hommes sont rares et l’idée de servir des Chrétiens en retient beaucoup ; et pourtant c’est le seul moyen d’épargner le sang de nos soldats, de savoir ce qui se passe et de pouvoir neutraliser les uns par les autres[71] ». Ainsi germait l’idée d’une politique indigène.

Le lendemain de cette lettre, un arrêté nomma agha des Arabes El Hadj Mahi ed Dine ben Sidi Ali ben Bahar[72], appelé plus souvent Mahi ed Dine ben Seghir ben Embarek, de la famille maraboutique de Koléa ; il définit ses indemnités, sa garde d’honneur de 40 hommes à cheval, ses attributions telles que les nominations de cheikhs et caïds ; il lui donna comme lieutenant Hamido ben Mohammed Khodja[73]. Un arrêté ultérieur fixa le traitement de l’agha à 12.000 francs, celui de son lieutenant à 4.000 francs, et la solde journalière de ses 40 gardes à une somme forfaitaire de 2 boudjous par homme et par cheval, soit 80 boudjous, c’est-à-dire 148 fr. 80, par jour[74]. C’était le retour à l’ancien système amélioré.

 

La création la plus importante de cette période fut celle de deux régiments de cavalerie légère, par l’ordonnance du 17 novembre 1831.

Ces deux régiments reçurent le nom de « Chasseurs d’Afrique », et furent stationnés le 1er à Alger, le 2e à Oran. Organisés sur le type de ceux de la cavalerie légère définis par l’ordonnance du 19 février 1831, ils comptaient six escadrons ; ils avaient, par escadron, 130 chevaux de troupe et 10 hommes à pied.

Les deux escadrons de chasseurs algériens cessèrent d’appartenir au corps des zouaves, et furent versés au 1er régiment de chasseurs d’Afrique. Les sous-officiers, brigadiers et cavaliers du 12e régiment de chasseurs, alors à Alger, y furent admis sur leur demande. Pendant deux ans, la moitié au moins de chaque escadron devait être composé de Français. Le recrutement devait se faire par enrôlements volontaires de Français, de colons et d’Indigènes ; il comprenait en outre des hommes appartenant aux régiments de cavalerie de l’armée, soit à titre volontaire, soit à titre obligatoire, d'après la désignation des inspecteurs généraux.

L’ordonnance contenait des dispositions exceptionnelles applicables aux Indigènes.

Des cavaliers indigènes, au nombre de quarante au plus par escadron, pouvaient être admis dans ces régiments sans être soumis au régime administratif du corps. Ces cavaliers pourvoyaient eux-mêmes à leurs dépenses de subsistance, de remonte, d’habillement, équipement et armement. A cet effet, ils recevaient à leur arrivée une première mise de 200 francs, versée dans un fonds dit de masse individuelle, destiné à pourvoir en commun aux dépenses d’habillement, d’équipement et d’armement, et ils recevaient en outre une prime journalière d’entretien de 0 fr. 25. En campagne, ils avaient droit à titre gratuit aux prestations en nature attribuées à l’armée d’Afrique. A leur sortie du corps, ils avaient droit au décompte de la somme en dépôt à la caisse du régiment, pourvu qu’ils eussent trois ans de services.

En outre, des « chasseurs spahis », colons ou indigènes, en nombre indéterminé, pouvaient être placés à la suite de chaque escadron ; ils n’étaient convoqués que sur l’ordre du général commandant l’armée d’Afrique, soit en cas de circonstances extraordinaires, soit pour être inspectés ou instruits. Ils devaient se monter, s’habiller, s’équiper et s’armer ; à cet effet, ils recevaient pour eux et leur monture une indemnité journalière de 0 fr. 60, et la touchaient chaque mois, après une revue passée au quartier général par le chef de corps et le sous-intendant, auxquels ils se présentaient habillés, montés, équipés et armés. Pendant leurs convocations, ils recevaient le même traitement et les mêmes prestations en nature que les cavaliers indigènes admis dans les escadrons.

Les Français servant aux chasseurs d’Afrique jouissaient d’avantages analogues à ceux servant aux zouaves. Les sous-lieutenants, lieutenants en premier et capitaines commandants pouvaient, dès qu’ils avaient l’ancienneté de grade exigée par la loi, être pourvus du grade supérieur, à condition d’avoir deux ans de présence aux chasseurs d’Afrique. Après un an de service avec rang du grade supérieur, ils pouvaient passer avec ce grade dans un autre corps, et y être classés à leur ancienneté. Tous les emplois de sous-lieutenants étaient donnés aux sous-officiers du régiment. Du grade de lieutenant au grade de chef d’escadrons inclus, les deux tiers des vacances étaient réservées aux officiers du corps, l’autre tiers seulement aux officiers des autres corps de l’armée et de la non-activité. Les adjudants sous-officiers avaient, outre leurs droits à l’avancement, le privilège de prendre rang dans le grade de sous-lieutenant après deux ans de fonctions aux chasseurs d’Afrique ; ils pouvaient, après une troisième année de fonctions, passer comme sous-lieutenants dans un autre corps.

Les chasseurs d’Afrique constituaient ainsi un corps de cavalerie légère analogue au corps des zouaves dont ils s’étaient détachés ; les cavaliers indigènes qui y étaient admis, et les « chasseurs spahis », colons ou indigènes, qui pouvaient y être convoqués, assuraient aux deux régiments des effectifs convenables.

De même que les premiers zouaves ont été les ancêtres communs des régiments de zouaves et de tirailleurs, les chasseurs d’Afrique, issus eux-mêmes des zouaves à cheval, ont été les ancêtres communs des régiments de chasseurs d’Afrique et de spahis.

 

L’esprit de l’armée d’Afrique n’était pas toujours très bon, en ce sens que trop d’officiers étaient portés à discuter les actes de leurs chefs. A la suite de la malheureuse retraite de Médéa sur Alger, les 2 et 3 juillet 1831, où le commandant Duvivier, à la tête du 2e bataillon de zouaves et de quelques « Parisiens », avait de lui-même couvert et sauvé l’armée, Berthezène fut violemment critiqué. Des attaques contre lui furent publiées par le Sémaphore de Marseille du 16 juillet. Le Général en chef s’en plaignit au Ministre de la Guerre ; il accusa le directeur des douanes d'Escalonne, l’adjoint au maire Germont, gendre de Rolland de Bussy, et probablement le chirurgien principal Chevreau d’avoir été les inspirateurs de ce journal ; il porta plainte auprès du procureur du Roi à Marseille[75].

De telles luttes entre un général en chef et ses collaborateurs ou subordonnés sont profondément nuisibles au moral d’une armée. Berthezène eut la malheureuse idée, racontait le capitaine Pellissier, de menacer par un ordre du jour de renvoyer en France les auteurs des propos désobligeants et même de les faire traduire devant un conseil de guerre ; le seul résultat de « cet éclat maladroit » fut un redoublement d’activité de la malveillance.

Pellissier concluait en ces termes : « Les militaires français sont en général trop disposés à accabler un chef malheureux ; et cependant ce n’est pas par des récriminations passionnées que l’on doit espérer réparer un échec. Les fautes d’un général sont du domaine de l’histoire ; mais, dans son armée même, les hommes qui sont en état de le juger devraient plutôt les dissimuler et les taire qu’affaiblir la confiance des troupes en les publiant[76] ». Ces remarques si sages n’ont pas cessé d’être vraies...

 

L’état sanitaire des troupes d’Alger était mauvais, surtout en raison de l’occupation de certains postes où des travaux étaient nécessaires. Berthezène ne cessait de s’en plaindre dans ses lettres à Soult : « Les postes de la Maison Carrée et de la Ferme expérimentale, lui écrivait-il le 28 juillet 1831, sont tellement malsains que, dans l’espace d’un mois, le 30e de ligne se trouve réduit à presque rien. Une compagnie de grenadiers est réduite à six hommes par suite des maladies, et il n’y a plus qu’un chef de bataillon et deux capitaines bien portants[77] ».

Pour remédier à cette situation, il consulta les chirurgiens en chef du corps d’occupation ; le résultat de cette consultation fut exprimé dans un ordre du jour du 3 août, prescrivant aux militaires, après leur sortie des hôpitaux, des « doses de sulfate de quinine ou de quinquina en poudre[78] ».

Il estimait aussi avec raison que la maladie s’attaquait particulièrement aux hommes adonnés à la boisson et fit paraître le 6 août un ordre du jour où il disait : « L’ivrognerie étant une des causes principales des maladies qui règnent dans la colonie et pouvant amener du relâchement dans la discipline, le lieutenant-général ordonne que tout soldat ivre sera arrêté et subira un mois de prison. Si des sous-officiers oubliaient leurs devoirs au point de donner l’exemple de ce vice pernicieux pour la santé et la discipline, ils seraient cassés. Le présent ordre du jour sera lu à trois appels consécutifs à partir du 8 août[79] ».

L’occupation des postes des environs immédiats d’Alger valait-elle les pertes qu’elle occasionnait par le feu et par la maladie ? Sans poser nettement la question, Berthezène l’exposait au Ministre en ces termes : « L’état sanitaire de l’armée empire tous les jours et devient véritablement effrayant ; il n’y a pas de jour où il n’entre 100 et jusqu’à 150 hommes à l’hôpital, sans compter les valétudinaires qui restent à la chambre. Le 30e de ligne en est au point qu’hier le général Feuchères m’a déclaré que, s’il fallait marcher, ce régiment ne pourrait pas me fournir cent hommes. C’est en grande partie l’effet de l’occupation de la Ferme Modèle et de la Maison Carrée. Ainsi la protection que nous avons donnée à la culture de quelques arpents d’orge et de blé nous coûte, jusqu’à ce jour, la dissolution momentanée d’un régiment, 28 morts et 124 blessés ; cela me paraît un peu cher, quoique impossible à éviter[80] ».

Quelques semaines plus tard, il écrivait encore à Soult : « Personne ne résiste à l’air de la Ferme Modèle ; aujourd’hui on m’apprend que le régisseur est à l’agonie et qu’un de nos soldats y a perdu sa femme et ses enfants[81] ».

Il est impossible, sans lire les lettres douloureuses et les rapports émouvants de cette époque, de se rendre compte des souffrances et des deuils que la création de centres aujourd’hui florissants et sains a coûté à l’armée d'Afrique. Jamais la colonie ne pourra assez marquer sa reconnaissance aux générations d'officiers et de soldats qui ont assuré, au prix de leur santé et souvent de leur vie, son bonheur et sa prospérité.

 

Clauzel et Berthezène avaient travaillé l’un et l’autre dans le même sens, pour le profit de l’armée d’Afrique, quoiqu’ils fussent doués de natures fort différentes.

Clauzel, grâce à son intelligence et à son imagination, concevait rapidement d’excellents projets, mais manquait de prévoyance et de sens pratique pour assurer leur exécution ; il avait cependant l’esprit créateur nécessaire dans une colonie naissante et savait étendre son action à tous les domaines.

Berthezène n’était pas capable d’embrasser un horizon dépassant certaines limites ; mais il possédait une expérience militaire consommée, et convenait parfaitement pour organiser les corps spéciaux ébauchés par Clauzel, et pour leur adjoindre de nouveaux corps destinés à faire face à toutes les nécessités organiques et tactiques de l’armée.

En quatorze mois, de septembre 1830 à décembre 1831, l’armée d’Afrique avait déjà singulièrement changé d’aspect. Les régiments de marche formés pour l’expédition et une grande partie des régiments de ligne avaient rejoint la France, afin d’y être plus à portée du Gouvernement en cas de difficultés extérieures. Par contre, des corps spéciaux s’étaient peu à peu formés d’une façon provisoire sur l’initiative des chefs de l’armée d’Afrique, puis avaient pris une place officielle dans l’armée française en vertu d’ordonnances successives.

Les zouaves, imaginés par Bourmont et organisés par Clauzel, avaient été régulièrement formés par l’ordonnance du 21 mars 1831. Ils comprenaient deux bataillons, aux ordres des commandants Maumet et Duvivier, et avaient compris un moment deux escadrons de « chasseurs algériens », aux ordres du commandant Marey. Les officiers constituant l’encadrement de ces « corps de zouaves » étaient ardents et actifs ; ils aimaient l’Afrique et s’intéressaient à ses habitants ; ils avaient eu à lutter contre des difficultés de tout ordre, dont la désertion, pour constituer, maintenir et instruire leur troupe.

La légion étrangère, destinée, d’après la loi, à être employée exclusivement hors du territoire continental du royaume, avait été organisée en France dans divers dépôts, et devait relever en Afrique un régiment de ligne ; elle attirait des étrangers désireux d’échapper à l’oppression politique ou d’oublier leurs misères morales.

Les « volontaires parisiens » avaient constitué le 67e régiment de ligne le 1er juillet 1831. Ces éléments turbulents avaient pendant quelque temps lié leur sort incertain à celui des zouaves et s’étaient améliorés sous la pression des officiers de ce corps ; puis, formés en « bataillons auxiliaires », ils avaient pu éliminer progressivement leurs plus mauvais sujets. Le 67e de ligne se caractérisait cependant par un esprit moins discipliné que celui des autres régiments de ligne et par une moindre capacité de résistance physique. La dernière trace de ces volontaires était un « bataillon auxiliaire d’Afrique », composé de plus de 600 hommes difficilement utilisables au point de vue militaire.

Les chasseurs d’Afrique, créés comme régiments de cavalerie légère formés de Français et d’Indigènes, avaient absorbé les deux escadrons de « chasseurs algériens » du corps des zouaves ; ils comprenaient des cavaliers indigènes se remontant et s’équipant eux-mêmes, au nombre de 40 par escadron, et des « chasseurs spahis », colons ou indigènes, convoqués seulement en cas de circonstances extraordinaires ; ils contenaient ainsi en germe toutes les formations ultérieures, françaises ou indigènes, de la cavalerie d’Afrique.

D’autres unités étaient régulièrement créées pour faire face aux besoins que révélait peu à peu l’occupation : compagnies de discipline, compagnies de canonniers garde-côtes.

Enfin, une décentralisation s’opérait au profit d’Alger, par la création dans cette ville d’une direction d’artillerie et d’une direction des fortifications, plus aptes que les bureaux parisiens à discerner les besoins de leurs armes respectives et les procédés à employer.

L’administration confiée à l’intendant militaire Bondurand, « fonctionnaire recommandable à bien des égards », était dirigée « avec un certain ordre matériel[82] » ; elle n’était cependant pas populaire parmi les troupes. Le capitaine Pellissier exprimait assez bien le sentiment général en écrivant : « L’administration paraît ne s’être jamais donné la peine d’étudier les ressources du pays, et même, elle n’a pas su tirer parti de celles que l’autorité militaire lui a mises entre les mains. Cette administration n’a su ni produire une botte de foin ni faire naître un veau... Elle a toujours été embarrassée pour les moyens de transport dans tous les mouvements de troupe ; elle n’a jamais su organiser les moindres convois auxiliaires dans un pays où la plus pauvre famille a une mule ou un chameau[83] ». Ce jugement un peu sévère ne tenait pas assez compte des difficultés rencontrées à cette époque, mais était celui porté par l’armée d’Afrique.

Une innovation heureuse avait cependant été faite par Bondurand dans le service de santé : c’était l'établissement à Alger d’un hôpital d’instruction, dans lequel les cours étaient faits par les officiers de santé de l’armée, et auquel le jeune chirurgien militaire Baudens, déjà célèbre, apportait avec ardeur son concours le plus dévoué[84].

D’une façon générale, le choix des cadres destinés à l’Afrique n’était pas fait avec tout le soin désirable. Berthezène, avec son expérience de la troupe, le disait dans ses lettres à Soult. Il lui écrivait le 16 juillet 1831 : « Ici, tous les jours aux prises avec l’ennemi ou sur le point d’y être, nous avons besoin d’officiers jeunes, actifs et vigoureux, et ce que vous nous envoyez est vieux et cassé ; Alger semble être destiné à être l’exutoire de tout ce qu’il y a de taré et d’incapable[85] ». Quelques jours plus tard, il lui écrivait, en lui parlant de l’état sanitaire de certaines unités : « Le personnel des médecins et officiers de santé n’a peut-être pas été choisi avec tout le soin que ce pays-ci aurait demandé[86] ». La même erreur a souvent été renouvelée par la suite.

Les relations avec les Indigènes avaient été en piètres mains tant que Hamdane, puis son successeur le chef d’escadron Mendiri, avaient rempli les fonctions d’agha des Arabes[87]. Depuis que El Hadj Mahi ed Dine es Seghir avait pris les fonctions, une amélioration notable s’était manifestée dans les relations avec les tribus des environs d’Alger[88].

Quelques essais de formations indigènes irrégulières avaient été tentés, en dehors des « chasseurs spahis » officiellement créés dans les régiments de chasseurs d’Afrique. C’est ainsi que Clauzel avait eu l’idée de constituer à Alger, sous les ordres de Yusuf, un petit corps de cavalerie indigène portant le nom de « Mameluks ». Yusuf, qui était plus communément appelé Joseph dans l’armée d’Afrique, avait été chargé de l’organiser ; il était parvenu à y attirer des jeunes gens de familles honorables, mais il n’avait pas pu les conserver longtemps, surtout parce que les promesses faites n’avaient pas été tenues[89].

A Oran, certains éléments locaux étaient utilisés au service de la France, comme les miliciens turcs ou les cavaliers indigènes.

L’intention de Clauzel avait été de créer à Alger une garde nationale, composée d’Européens et d’Indigènes ; mais il avait à peine ébauché sa réalisation[90].

La colonisation, que les chefs et les cadres de l’armée d’Afrique désiraient favoriser, ne parvenait à se développer que lentement. Berthezène se plaignait de recevoir non des agriculteurs, mais des artisans qui restaient à la charge de l’Etat. « Jusqu’ici, écrivait-il à Soult le 31 juillet 1831, je n’ai vu arriver dans ce pays de véritables agriculteurs que la famille Saulty. Je vous ai rendu compte que deux de ses membres sont morts et que les trois autres sont à l’hôpital. S. A. R. le prince de Joinville m’a laissé 150 francs pour leur remettre à leur sortie[91] ».

Il constatait que la plupart des personnes prétendant s’établir comme propriétaires étaient des spéculateurs, et n’avaient qu’un but, gagner de l’argent rapidement ; ces hommes sans grands scrupules n’avaient même pas d’égards et de reconnaissance pour l’armée d’Afrique qui leur ouvrait les portes du pays et les avenues de la fortune : « Soyez assuré, ajoutait Berthezène dans sa lettre à Soult, que les spéculateurs qui sont ici ne tiennent aucun compte des peines, de la santé, ni de la vie des militaires ; dans leur esprit, nous sommes destinés à leurs menus plaisirs[92] ». Le Gouvernement s’était rendu compte de cet état de choses ; aussi le Ministre de la Guerre décida-t-il le 4 août 1831 de suspendre l’envoi de nouveaux colons et de ne plus donner d’autorisations jusqu’à nouvel ordre[93]. Il estimait qu’il fallait d’abord consolider la situation des troupes.

Le corps d’occupation d’Alger évoluait ainsi dans son ensemble en s’adaptant à la colonie ; il commençait à utiliser les ressources humaines du pays, et il absorbait l’énergie d’éléments français ou étrangers plutôt embarrassants dans la Métropole, à l’exception des spéculateurs dont il n’entendait pas s’encombrer.

 

 

 



[1] Capitaine E. Pellissier, Annales Algériennes, 1836, tome I, page 116.

[2] Général Paul Azan, Conquête et Pacification de l'Algérie, page 33, fac-similé.

[3] Général Paul Azan, Conquête et pacification de l'Algérie, page 33, fac-similé.

[4] Arrêté (lithographié) : Le lieutenant-général commandant en chef l’armée d’Afrique, voulant organiser un corps de zouaves, arrête... Alger, 1er octobre 1830.

[5] Le général comte Clauzel, général en chef de l’armée d’Afrique, au maréchal Ministre de la Guerre, d’Alger, 8 octobre 1830 (original).

[6] Le général comte Clauzel, général en chef de l’armée d’Afrique, au maréchal Ministre de la Guerre, d’Alger, 8 octobre 1830 (original).

[7] Rozet, Relation de la guerre d’Afrique, 1832, tome II, pages 30-31.

[8] Notice sur le 2e bataillon de zouaves et sur l’utilité et l’organisation à donner à ces corps, par le chef de bataillon Duvivier. Ferme Modèle, 6 février 1832.

[9] Capitaine E. Pellissier, Annales Algériennes, tome I, 1836, page 145 et pages 157-158.

[10] Capitaine E. Pellissier, Annales algériennes, tome I, 1836, page 167.

[11] Saint-Cyr Nugues, directeur général du Personnel au Ministère de la Guerre, au Général commandant en chef l’armée d’Afrique, à Alger, de Paris, 2 décembre 1830 (original).

[12] L. G. Admyrauld, lieutenant-colonel commandant l’artillerie, au lieutenant-général Delort, chef de l’état-major général de l’armée d’Afrique, d’Alger, 17 janvier 1831 (original).

[13] Le lieutenant-général Clauzel, commandant en chef l’armée d’Afrique, au Ministre de la Guerre, d’Alger, 20 janvier 1831 (original).

[14] Le général Clauzel au Ministre de la Guerre, d’Alger, 20 janvier 1831 (original).

[15] Le lieutenant-colonel Aupick, chef d’état-major de la division d’occupation, au commandant Duvivier, commandant le 2e bataillon de zouaves, d’Alger, 12 février 1831 (original).

[16] Le chef de bataillon Duvivier, commandant le 2e bataillon de zouaves, au Ministre de la Guerre, du camp de Mustapha-Pacha, 19 février 1831 (original).

[17] Le général Horace Sébastiani, ministre des Affaires Etrangères, au maréchal duc de Dalmatie, de Paris, 31 janvier 1831 (original).

[18] Le Ministre de la Guerre au lieutenant-général comte Clauzel, de Paris, 11 janvier 1831 (minute).

[19] E. Cavaignac, De la Régence d'Alger, 1839, page 10.

[20] E. Pellissier, Annales algériennes, 1836, tome I, pages 169-170.

[21] E. Pellissier, Annales algériennes, 1836, tome I, pages 172-173.

[22] Le lieutenant-général baron Berthezène au maréchal duc de Dalmatie, ministre de la Guerre, d’Alger, 2 avril 1831 (original).

[23] Le Ministre de la Guerre au lieutenant-général Berthezène, commandant le corps d’occupation d’Alger, 24 avril 1831 (minute).

[24] Le lieutenant-général Berthezène au Ministre de la Guerre, d’Alger, 26 février 1831 (original).

[25] Le lieutenant-général Berthezène au Ministre de la Guerre, d’Alger, 26 février 1831 (original). Note du Ministre à l’encre rouge sur la lettre.

[26] Rozet, Relation de la guerre d'Afrique, 1832, tome II, pages 29-30.

[27] Le lieutenant-général baron Berthezène au maréchal Ministre de la Guerre, d’Alger, le 6 mars 1831 (original).

[28] Rozet, Relation de la guerre d'Afrique, tome II, page 23.

[29] Berthezène au Ministre, d’Alger, 6 mars 1831, lettre citée.

[30] Annotation à l’encre rouge sur la lettre de Berthezène du 6 mars citée.

[31] Loi du 9 mars 1831, Journal militaire officiel, année 1831, 1er semestre, Paris, Anselin, 1831, p. 275.

[32] Ordonnance du Roi du 10 mars 1831, relative à la formation de la Légion étrangère. Journal militaire officiel, 1831, 1er semestre, Paris, Anselin, 1831, p. 276.

[33] Ordonnance du Roi du 21 mars 1831, qui règle la composition et l’organisation des bataillons et escadrons de zouaves qui pourront être formés en Afrique. Journal militaire officiel, 1831, 1er semestre, Paris, Anselin, 1831, p. 409.

[34] Ordonnance du Roi du 21 mars 1831, qui règle la composition et l’organisation des bataillons et escadrons de zouaves qui pourront être formés en Afrique. Journal militaire officiel, 1831, 1er semestre, Paris, Anselin, 1831, p. 409.

[35] Le lieutenant-général baron Berthezène au maréchal Ministre de la Guerre, d’Alger, 21 mars 1831 (original).

[36] Le lieutenant-général baron Berthezène au maréchal Ministre de la Guerre, d’Alger, 21 mars 1831 (original).

[37] Le lieutenant-général baron Berthezène au maréchal duc de Dalmatie, ministre de la Guerre, d’Alger, 2 avril 1831 (original).

[38] Le général Saint-Cyr Nugues, directeur de l’Infanterie, au général baron Pelet, directeur du Dépôt de la Guerre, de Paris, 31 mars 1831 (original).

[39] Berthezène au maréchal duc de Dalmatie, ministre de la Guerre, d’Alger, 21 mars 1831, citée. — Le même au même, d’Alger, 2 avril 1831, 2e lettre (original).

[40] Berthezène au maréchal duc de Dalmatie, ministre de la Guerre, d’Alger, d’Alger, 15 avril 1831 (original).

[41] Berthezène au maréchal duc de Dalmatie, ministre de la Guerre, d’Alger, d’Alger, 15 avril 1831 (original).

[42] Le lieutenant-général baron Berthezène au maréchal duc de Dalmatie, ministre de la Guerre, d’Alger, 15 avril 1831 (original).

[43] Auxiliaires d’Afrique, 2e bataillon. Ordres pour les quatre compagnies cantonnées à Bab-Azoun, 15 avril 1831, par le chef du 2e bataillon auxiliaire d’Afrique, Duvivier (original).

[44] Le lieutenant-colonel Lemercier, commandant le génie, au lieutenant-général Berthezène, d’Alger, le 16 avril 1831 (original).

[45] Le lieutenant-général Berthezène au maréchal duc de Dalmatie, ministre de la Guerre, d’Alger, 19 avril 1831 (original).

[46] Le lieutenant-général baron Berthezène à un général, d’Alger, 15 avril 1831 (original).

[47] Le lieutenant-général baron Berthezène au maréchal duc de Dalmatie, ministre de la Guerre, d’Alger, 14 mai 1831 (original).

[48] Berthezène au Ministre de la Guerre, d’Alger, 4 mai 1831 (original).

[49] Situations au 15 mai 1831, signées par Duchaussoy et Duvivier.

[50] Le lieutenant-général Berthezène au maréchal duc de Dalmatie, ministre de la Guerre, d’Alger, 27 mai 1831 (original).

[51] Le lieutenant-général Berthezène au maréchal duc de Dalmatie, ministre de la Guerre, d’Alger, 24 mai 1831 (original).

[52] Le lieutenant-général Berthezène au maréchal duc de Dalmatie, ministre de la Guerre, d’Alger, 27 mai 1831 (original).

[53] Le lieutenant-général Berthezène au maréchal duc de Dalmatie, ministre de la Guerre, d’Alger, 6 juin 1831 (original).

[54] Le lieutenant-général Berthezène au maréchal duc de Dalmatie, ministre de la guerre, d’Alger, 7 juillet 1831 (original).

[55] Le lieutenant-général Berthezène au maréchal duc de Dalmatie, ministre de la guerre, d’Alger, 8 juillet 1831 (original).

[56] Ordonnance du Roi portant création d’un Régiment d’infanterie de ligne à quatre bataillons, qui prendra le n° 67 de l’arme. Journal militaire officiel, année 1831, 1er semestre, p. 622.

[57] Le chef de bataillon Duvivier, commandant le 2e bataillon de zouaves, au général marquis de Brossard, commandant la 3e brigade, de Mustapha-Pacha, 6 juillet 1831 (original). — Le même au même, 16 juillet 1831 (original).

[58] Le colonel d’état-major (Leroy) Duverger au général marquis de Brossard, d’Alger, 21 juillet 1831 (original). — L’intendant militaire Bondurand au sous-intendant militaire de Guiroye, d’Alger, 22 juillet 1831 (original).

[59] Le commandant Marey au général de Brossard, d’Alger, 20 juillet 1831 (original).

[60] Le lieutenant-général Berthezène au maréchal duc de Dalmatie, d’Alger, 25 avril 1831 (original).

[61] E. Pellissier, Annales algériennes, 1836, tome I, p. 233-234.

[62] Bernelle et Colleville, Histoire de l’ancienne Légion étrangère, Paris, 1850, pages 1 à 10.

[63] Le commandant Duvivier au général de Brossard, de Hussein-Dey (Arach), 27 juillet 1831 (original).

[64] Le commandant Duvivier au général de Brossard, de Hussein-Dey, 20 août 1831 (original).

[65] Observations sur l’organisation des chasseurs algériens, par le chef d’escadron Marey, Alger, 21 août 1831 (original).

[66] Le maréchal duc de Dalmatie, ministre de la Guerre, au lieutenant-général commandant la division d’occupation à Alger, de Paris, 19 août 1831 (original). Envoi de l’ordonnance et instructions.

[67] Journal militaire officiel, année 1831, 2e semestre, page 143.

[68] Journal militaire officiel, année 1831, 2e semestre, pages 193-194.

[69] Le maréchal duc de Dalmatie, ministre de la Guerre, au lieutenant-général commandant la division d’occupation en Afrique, de Paris, 1er août 1831 (original).

[70] Archives administratives du Ministère de la Guerre, carton Justice militaire, 1829-1840.

[71] Le lieutenant-général Berthezène au maréchal duc de Dalmatie, ministre de la Guerre, d’Alger, 23 juillet 1831 (original).

[72] Nom donné dans l’arrêté du 24 juillet 1831.

[73] Arrêté du 24 juillet 1831.

[74] Arrêté du 25 août 1831.

[75] Le lieutenant-général Berthezène au maréchal duc de Dalmatie, d’Alger, 28 juillet 1831 (original).

[76] Capitaine E. Pellissier, Annales algériennes, 1836, tome I, pages 216-217.

[77] Le lieutenant-général Berthezène au maréchal duc de Dalmatie, ministre de la Guerre, d’Alger, 28 juillet 1831 (original).

[78] Ordre du jour du lieutenant-général Berthezène, Alger, 3 août 1831.

[79] Ordre du jour du lieutenant-général Berthezène, commandant le corps d’occupation, Alger, 6 août 1831.

[80] Le lieutenant-général Berthezène au maréchal duc de Dalmatie, ministre de la Guerre, d’Alger, 8 août 1831 (original).

[81] Le lieutenant-général Berthezène au maréchal duc de Dalmatie, ministre de la Guerre, d’Alger, 23 août 1831 (original).

[82] Capitaine E. Pellissier, Annales algériennes, 1836, tome I, page 171.

[83] Capitaine E. Pellissier, Annales algériennes, 1836, tome I, page 174.

[84] Capitaine E. Pellissier, Annales algériennes, 1836, tome I, page 174-175.

[85] Le lieutenant-général Berthezène au maréchal duc de Dalmatie, d’Alger, 16 juillet 1831 (original).

[86] Le lieutenant-général Berthezène au maréchal duc de Dalmatie, d’Alger, 28 juillet 1831 (original).

[87] Capitaine E. Pellissier, Annales algériennes, 1836, tome I, pages 158, 167, 211 et 222.

[88] Capitaine E. Pellissier, Annales algériennes, 1836, tome I, pages 222 et 223.

[89] Capitaine E. Pellissier, Annales algériennes, tome I, page 156.

[90] Capitaine E. Pellissier, Annales algériennes, tome I, page 156.

[91] Le lieutenant-général Berthezène au maréchal duc de Dalmatie, ministre de la Guerre, d'Alger, 31 juillet 1831 (original).

[92] Le lieutenant-général Berthezène au maréchal duc de Dalmatie, ministre de la Guerre, d'Alger, 31 juillet 1831 (original).

[93] Le Ministre de la Guerre au lieutenant-général Berthezène, de Paris, 4 août 1831 (minute).