RICHELIEU ET LA MONARCHIE ABSOLUE

 

LIVRE II. — LA NOBLESSE ET SA DÉCADENCE.

ÉTAT SOCIAL ET FINANCIER.

CHAPITRE II. — TRANSMISSION DES BIENS.

 

 

Partages et successions. — Le droit d'aînesse, la légitime. — Hérédité des bâtards, légitimés et adultérins. — Le droit du propriétaire noble. — Autres transmissions : aliénations à titre onéreux, donations, retrait féodal. — La confiscation ; le don du Roi pour déshérence ou bâtardise. — Droit d'aubaine et des étrangers en France. — Le partage égal ou roturier ; de certains partages ruraux, le juveigneur.

 

Au point de vue d'une justice rigoureuse, toute restriction du droit absolu de tester est une atteinte au droit de propriété. Cependant le droit de propriété, bien que individuel, étant le fondement de l'état social, toutes les sociétés organisées ont songé à le réglementer, selon des tendances diverses, et avec plus ou moins de succès.

Le droit de l'État et le droit du particulier se rencontrent sur ce terrain de la propriété, comme sur tous les autres, s'y choquent et s'y contredisent. Leur entente, plus ou moins cordiale, le traité que ces deux adversaires signent ensemble sous le nom de loi, marque le degré de perfection des constitutions diverses. Combiner le libre exercice de l'un avec les nécessités d'ordre public de l'autre, trouver un modus vivendi qui les sauvegarde tous deux, doit être le but des recherches de l'homme d'État. Quelques-uns pensent que la transmission des biens doit être réglée par l'État, pour arriver à faire prévaloir une forme de gouvernement plutôt qu'une autre. Ils estiment qu'un État démocratique, qui tend à établir l'égalité, doit imposer le partage égal, ce qui semble, par une juste réciprocité, autoriser un État aristocratique à maintenir le droit d'aînesse, pour protéger des situations puissantes et exceptionnelles.

Ils ne nous semblent pas dans la vérité, parce qu'ils font servir au triomphe d'un principe politique, des lois qui ne doivent s'inspirer que de la justice sociale. La liberté de tester est de ce nombre. Par sa nature, elle n'est ni aristocrate ni démocrate, mais elle devient l'une ou l'autre, suivant le tempérament du peuple qui en jouit ; témoin les deux nations contemporaines où cette liberté existe absolument, — l'Angleterre et l'Amérique, — qui sont devenues, sans pression d'aucune sorte, l'une aristocratique, l'autre démocratique. Quant à la France, elle est aujourd'hui démocratique après avoir été aristocratique, bien que la liberté de tester n'ait pas plus existé pour la noblesse autrefois qu'aujourd'hui. L'ancien droit d'aînesse français ne ressemblait en rien à celui qui existe depuis longtemps en Angleterre. Ce n'était pas une faculté, mais une obligation. La liberté de tester n'a donc rien à voir avec le droit d'aînesse, puisque le second était précisément un obstacle à la première.

Aussi bien ne faut-il pas chercher l'origine de ce droit dans une pensée politique quelconque, mais dans l'histoire. Il s'établit, non Parce qu'il était juste en théorie, mais parce qu'il était utile à tout le monde... Lorsqu'un fief était un petit État, tous les habitants du fief étaient intéressés ii ce que le chef de l'État, c'est-à-dire le seigneur, demeurât puissant. Sa puissance était leur sécurité. La famille du suzerain, ses enfants et ses proches, devaient le désirer aussi. De là le régime qui conservait en une seule main la presque totalité du patrimoine paternel. Et cet usage était si bien justifié, que d'un bout de la France à l'autre, dans les pays de droit écrit, comme dans les pays de droit coutumier, il régna sans conteste. Longtemps nécessaire, il demeura encore respectable, quand rainé, bien que ne rendant plus de services effectifs, maintenait par sa résidence sur le domaine héréditaire les traditions de famille et l'honneur de la race ; tandis que les cadets, légers de biens, mais libres d'obligations, allaient chercher fortune au loin. Quand, au contraire, l'ainé, abandonnant sa terre, ne se servit plus de ses privilèges que pour aller faire figure à la cour, pendant que ses frères, faute de ressources pour paraître et d'occasions pour s'employer, languissaient autour de son château vide, le droit d'aînesse devint vexatoire[1]. Cet inconvénient ne devait pas tarder à se faire sentir après le règne de Louis XIII.

D'après la coutume de Paris, — la plus libérale aux puînés, — l'aîné prenait par préciput le château ou manoir principal, avec la basse-cour, communs, etc., et un arpent autour, ce qu'on appelait le vol du chapon ; puis la part avantageuse, c'est-à-dire les deux tiers s'il y avait deux enfants, la moitié s'il y avait plus de deux enfants. Si l'un des enfants renonçait à l'héritage, ce qui arrivait souvent pour les prêtres et les religieuses, sa part revenait à rainé. De plus, et c'était un point important, l'ainé ne concourait aux dettes que dans une proportion égale à ses frères[2]. Pour les héritages nobles, en Boulenois, le fils aîné succède aux quatre cinquièmes du bien patrimonial. Le dernier cinquième se partage également entre tous les autres enfants, s'ils le réclament. Si l'un d'eux ne réclame pas, sa part est acquise à rainé. Pour les biens roturiers, rainé succède à tout, les autres sont complètement déshérités[3]. Même chose dans la coutume de Ponthieu, dans la prévôté de Montreuil, dans le bailliage d'Amiens, et généralement dans tout le nord de la France[4]. C'était là le droit de l'aîné, ce que son père ne pouvait lui enlever, lors même qu'il l'eût voulu ; mais il pouvait lui donner davantage. En pays de droit écrit, la légitime des descendants est le tiers des biens à partager entre les enfants, s'ils ne sont que quatre et au-dessous, et la moitié des biens s'ils sont plus de quatre. En pays de droit coutumier, le silence du défunt était interprété en faveur des cadets ; leur légitime était la moitié de ce qu'ils auraient eu ab intestat[5]. Il faut remarquer que l'aîné entre, par la mort de son père, en jouissance de sa part ; pour lui seulement on peut dire que le mort saisit le vif ; les autres doivent être mis en possession par décret, et les procès auxquels donne lieu la délivrance de la légitime remplissent les registres des cours souveraines. On comprend que dans ces conditions, les cadets des cadets arrivaient promptement au partage d'un pigeon, d'un lapin, d'une canardière et d'un chien de chasse[6].

Cette faible part n'était même que viagère en certains pays. En Bretagne, au pays de Caux, le tiers des biens était réservé aux puînés nobles, mais seulement à vie[7]. Ailleurs (en Ponthieu), ils ne jouissaient que du cinquième. La situation des filles était des plus variables. Profitant du droit d'aînesse dans l'Anjou et le Maine, elles ne pouvaient y prétendre à Paris, ni dans le plus grand nombres des provinces ; et dans quelques-unes, comme l'Artois, elles n'étaient pas même admises à succéder, elles ne comptaient pas[8]. Les filles en Poitou pouvaient, au moment de leur mariage, renoncer à la succession de leur père, à la condition que celui-ci leur donnât des biens présents et exigibles pendant sa vie[9]. Recevoir une donation et s'abstenir de l'hérédité était la meilleure chance des cadets ; ils évitaient ainsi, puisqu'ils n'étaient pas tenus au rapport, de contribuer aux dettes. Les dettes, en effet, mangeaient souvent la légitime.

Les cadets n'étaient pas traités beaucoup mieux que les enfants naturels. Ceux-ci pouvaient hériter d'une part de cadet, et la seule différence entre eux, c'est que les bâtards, légitimés par lettres patentes, ne possédaient pas la successibilité ab intestat, à moins que ceux à qui il s'agissait de succéder n'aient donné leur consentement à la légitimation[10]. Par testament, ils étaient capables de recevoir de leurs auteurs toutes sortes de dispositions universelles, legs ou donations. Les bâtards adultérins étaient simplement privés de succéder au préjudice des héritiers légitimes[11]. Les autres succédaient presque partout à leur mère, et quelquefois à leurs parents maternels[12]. M. de Poligny a un fils qui hérite de sa terre, et un bâtard à qui il donne le bailliage de cette même terre[13]. Cette égalité choquante ne disparut qu'au siècle suivant[14].

Les biens destinés à l'aîné étaient en général substitués, en totalité ou en partie ; ils étaient ainsi à l'abri des confiscations et des saisies réelles. Ils étaient aussi à l'abri des aliénations et des prodigalités d'un héritier peu soucieux de l'avenir. La substitution était un correctif au droit d'aînesse, elle faisait de rainé un usufruitier perpétuel, et lui rappelait que les avantages dont il profitait n'avaient pas été créés pour satisfaire l'amour-propre d'un seul homme, mais pour conserver la grandeur de toute une maison. Bien des coutumes, et celles-là mêmes qui faisaient à l'aîné la plus large part avaient institué une substitution générale, ne permettant au propriétaire de donner ou aliéner l'héritage à lui venu par la succession de ses prédécesseurs, que par consentement exprès de l'héritier apparent, ou par nécessité jurée par le vendeur et approuvée par deux témoins[15]. Pauvreté jurée, consentement d'héritier ou remploi, étaient les conditions légales de toute vente en certains pays. Souvent le seigneur était libre de disposer du revenu de toutes ses terres, pour les trois années qui suivaient son décès ; on le voit aussi laisser par testament à un étranger le cinquième de ses biens féodaux ; mais la législation était notoirement opposée au transport des fiefs d'une famille à l'autre, puisqu'elle avait grand égard à l'origine des biens dans le partage des successions[16], et qu'elle autorisait les parents à racheter ces mêmes biens à l'étranger qui s'en serait rendu acquéreur, en lui remboursant le prix principal, avec les frais et loyaux coûts[17].

Ainsi, le droit de propriété de l'individu était assez restreint, tandis que le droit de propriété de la famille était fort étendu. Il était de plus fort respecté, on en voit une preuve dans l'emploi fait par le Roi des confiscations. On sait que la confiscation était un châtiment légal, corollaire presque obligé de la peine capitale, de l'exil et de l'emprisonnement perpétuel ; très-usité, et particulièrement inique, puisqu'il dépouillait toute une lignée pour le crime d'un de ses membres. L'État le sentait si bien, qu'il n'osait s'approprier la fortune de ceux qu'il proscrivait, pour ne pas ressembler à un juge qui s'enrichirait aux dépens de ses victimes. La sentence qui réunissait solennellement les biens d'un condamné au domaine de la couronne n'était rendue qu'officiellement. Quelques jours après, des lettres patentes, délivrées sans bruit, gratifiaient un parent du mort ou de l'exilé de l'ensemble de la confiscation. Charles d'Angennes, comte de la Rochepot, eut la confiscation de sa mère, madame du Fargis, exécutée en effigie[18] ; madame de Talleyrand eut celle de son fils le comte de Chalais[19] ; Jean Gontaut de Biron, sieur de Saint-Blancard, jouit des rentes possédées par le maréchal duc de Biron[20]. La confiscation du marquis de Châteauneuf fut donnée au maréchal de la Force, son oncle ; une partie de celle de Bussy d'Amboise fut donnée au président de Mesmes, son beau-père, une autre partie à sa sœur. Ceux-ci, à vrai dire, n'en eussent pas hérité[21] En effet, ces largesses bénévoles du trésor royal ne respectaient généralement pas l'ordre des successions, mais elles s'adressaient toujours à un membre de la famille, témoin le prince de Condé, qui eut la totalité des biens de son beau-frère Montmorency, ce qui lui valut, avec le duché de ce nom, les domaines de Chantilly, Creil, Écouen et les autres fiefs des anciens connétables[22].

Lors même que le Roi eût voulu ruiner une famille, le sentiment public s'y fût opposé ; aucun gentilhomme non parent n'eût pu, sans forfaire quelque peu à l'honneur, conserver ces biens confisqués. Au contraire, un ami demandait la confiscation du condamné pour la rendre à ses proches ou à lui-même ; le maréchal d'Estrées en usa ainsi avec la Vieuville[23]. Le Roi donnant à Puységur la confiscation de Bouchavane, lui fait jurer qu'il ne la donnera pas, mais la vendra. Celui-ci le promet, et pour éluder sa promesse, la cède en pavement d'un chien couchant[24] On voit une donation faite en Parlement à la duchesse de Guise de tous les biens de son mari, à la charge qu'ils ne pourront être donnés aux héritiers dudit seigneur duc de Guise, mais seront laissés par elle à l'un de ses enfants mâles, qu'elle jugera bien affectionné au service du Roi[25].

Les terres ou les biens mobiliers, acquis au souverain par droit de bâtardise ou par droit d'aubaine, ne demeuraient pas davantage en sa possession, soit qu'il les remit aux parents du mort[26], soit qu'il en fit don, faute de parents, à quelque courtisan[27]. Il était permis à un étranger d'acquérir en France tous les biens meubles et immeubles, les vendre, troquer, et en disposer par contrats entre-vifs. Mais s'il mourait sans avoir été naturalisé, ses biens étaient adjugés au Roi par droit d'aubaine. Ce droit qu'on a qualifié de barbare ne l'était pas plus que l'organisation féodale dont il dérivait. Le particularisme est le caractère du moyen âge ; par tous les moyens possibles on cherchait à éloigner l'étranger, jamais les barrières ne semblaient trop hautes pour l'empêcher de prendre pied sur le sol national et de s'y fortifier. Ce sentiment était poussé si loin, que les enfants d'une Française épousant un étranger avaient besoin, pour être admis à hériter des bien, de leur mère en France, d'une autorisation toute spéciale, et que l'on n'accordait pas volontiers[28]. Notre pays n'était pas le plus rigoureux à cet égard, puisque les Suisses[29], les Écossais aux gages du Roi, les habitants de Cambrai, de Calais et du comtat Venaissin, ainsi que ceux de Flandre, de Milan, de Savoie, de Luxembourg et des Pays-Bas[30], étaient exempts du droit d'aubaine.

La législation était bien plus sévère chez nos voisins. En Italie, en Bohème et dans plusieurs villes d'Allemagne, il n'était pas permis à l'étranger de posséder un pied de terre. A Milan, les étrangers ne pouvaient même jouir d'un usufruit. Ils ne pouvaient faire saisir les immeubles de leurs créanciers italiens, qu'à la condition de les revendre dans l'année. En Angleterre, en Suisse et dans les Grisons, il était même défendu d'hypothéquer sa terre à des non-régnicoles, et nos ambassadeurs avaient souvent à aplanir les difficultés qui survenaient à cet égard[31].

Toutes étranges qu'elles paraissent dans les temps modernes, ces coutumes avaient eu leur raison d'être au moment où elles furent établies. Leur malheur est de n'avoir pas disparu en France, avec la nécessité qui les avait fait naitre. Le droit d'aubaine servait à protéger le pays, le droit d'ainesse était destiné à sauvegarder la noblesse. La preuve, c'est que les biens des roturiers se partageaient coutumièrement et également, et que les fidéicommis et substitutions étaient interdits aux personnes rustiques[32]. Le partage égal, dans les pays où il fut pratiqué, anéantit les Plus illustres maisons, et toute l'aristocratie s'appauvrit de bonne heure[33].

Dans les campagnes, entre paysans, le partage égal n'était pas toujours de règle. Les besoins de l'exploitation agricole avaient fait imaginer, en Bretagne, comme dans quelques districts d'Angleterre, une sorte de droit d'aînesse à rebours, où le dernier-né, — juveigneur, — héritait seul de ses père et mère. D'après l'usement du fermage (dit Quevaise), le dernier des enfants males, et à défaut de mâle, la plus jeune des filles du tenancier défunt, entrait en possession de la tenure, à l'exclusion des autres frères ou sœurs, qui ne pouvaient prétendre à aucune compensation. Le juveigneur partageait seulement avec eux les meubles de la succession. Mais pour recueillir cet héritage, il fallait qu'il eût demeuré sur la ferme depuis un au et un jour au moins sans intervalle ; et par cette sage précaution on prévenait une interruption funeste à la culture[34].

 

 

 



[1] Granier de Cassagnac, dans son Histoire des causes de la Révolution française, compare le régime successoral actuel avec celui de l'ancienne France, et prétend démontrer que la situation des enfants était à peu de chose près la même, avant et depuis 1789 ; mais cette théorie nous parait contredite par l'étude générale de la législation.

[2] Cf. DE FERRIÈRE, Commentaire sur la coutume de Paris, art. 15, 39 et 298. Dans la coutume de Paris, le droit d'ainesse ne se prend que sur les biens nobles. Dans la plupart des autres coutumes, on le prend sur tous les biens. A Calais, la coutume était la même qu'à Paris. (Chap. II, art II.)

[3] Coutumier général, cout. du Boulenois, art. 24, 25 et 26. — Il en était de même en ligne collatérale. Cette coutume a ceci de particulier que la fille aînée est traitée comme le fils aîné.

[4] Art. 142 (Montreuil). Cf. le Coutumier général.

[5] DE SERRES, Institutions au droit, p. 298. — Le marquis de Sourdis avait trente mille livres de rente, et ses frères cent cinquante mille livres de capital. (TALLEMANT, t. III, p. 115).

[6] TAINE, Ancien Régime, p. 50. — Supposé un homme ayant deux cent mille livres de bien et quatre enfants, à Paris où les cadets sont le mieux traités, il peut laisser à l'aîné cent cinquante mille livres, et à chacun des trois autres seulement seize mille cinq cents livres.

[7] BODIN, République, p. 720.

[8] Coutumier général, p. 149. De même à Saint-Vaast.

[9] Arrêt du Parlement, 19 janvier 1639, Coutume de Poitou, art. 211.

[10] Cette formalité n'était pas nécessaire pour les légitimés par mariage subséquent.

[11] Discours d'O. Talon, audience du 30 janvier 1636.

[12] Coutume de Saint-Omer, art. I. — En Dauphiné, dans la châtellenie de Berg.

[13] PONTIS, Mémoires, p. 656.

[14] Au dix-huitième siècle, on peut instituer héritier le bâtard de son fils légitime, si l'on meurt sans enfants, mais on ne peut instituer héritier le fils légitime de son bâtard. (DE SERRES, Institutions au droit, p. 56.)

[15] Coutume de Montreuil, art. 62.

[16] C'est un des principes de notre code que la loi ne s'occupe pas de la provenance des biens pour en régler la dévolution. Dans le système contraire, en vigueur sous l'ancien régime, on voyait des biens possédés fort longtemps par un héritier, réclamés tout à coup par un antre, comme propres d'une grand'mère ou même d'une bisaïeule. (Arrêt du Parlement, 7 septembre 1638.) Il n'y avait pas de prescription pour les dettes. On règle en 1638 des dettes qui ont plus d'un demi-siècle de date.

[17] C'est ce qu'on nommait le retrait lignager, toujours préféré an retrait féodal. Il était de droit. Les frais et loyaux conte étaient : l'insinuation (enregistrement) du contrat, frais de décret, centième denier, port d'argent, pot-de-vin ou épingles données au vendeur ou à sa femme. — Malgré cela, de grands fiefs étaient quelquefois vendus en partie ; ainsi les Rochechouart étaient propriétaires et seigneurs du quart de la baronnie de la Tour en Auvergne. (Plumitif, P. 2757, fol. 114.)

[18] Plumitif de la chambre des comptes, P. 2761, fol. 465. — Madame du Fargis d'Angennes, dont le mari était cousin germain du marquis de Rambouillet, descendait de l'héritière de la Roche-Guyon. Son père se remaria avec la marquise de Doisy (Roannez). Elle était dame d'atour d'Anne d'Autriche et fut chassée en 1630 par ordre de Richelieu.

[19] Plumitif de la chambre des comptes, P. 2759, fol. 20. — Elle eut, il est vrai, beaucoup de peine à la recueillir, et il lui fallut obtenir plusieurs jussions pour faire enregistrer ce don à la chambre des comptes.

[20] Plumitif de la chambre des comptes, P. 2756, fol. 377. — Don à Sébastien de Bosmadec, seigneur de Molac, des biens de feu demoiselle de Montmorency, sa mère, acquis au Roi par déshérence. (Ibid., P. 2761, fol. 337.)

[21] Plumitif de la chambre des comptes, P. 2759, fol. 29. — L'héritière naturelle était la comtesse de Vignori. — Henri de Clermont d'Amboise, seigneur de Bussy, fut tué dans le duel Bouteville des Chapelles, et jugé par le Parlement. (Voy. Décadence de la noblesse, t. II.) Il avait quarante mille livres de rente.

[22] Condé avait déjà eu en 1628 la confiscation des Rohan, et s'était fait recevoir en Bretagne comme possesseur du duché de Rohan. Il avait épousé en 1609 Charlotte, fille de Henri Ier, connétable et duc de Montmorency, et de Louise de Budos. Madame la Princesse, la plus belle femme de la cour, que Voiture appelait Aurore, fut le dernier amour de Henri IV. Bassompierre dit : Sous le ciel il n'y avait rien lors de si beau que mademoiselle de Montmorency, ni de meilleure grâce, ni plus parfait.

[23] Charles, marquis de la Vieuville (duc à brevet sous la régence d'Anne d'Autriche), lieutenant général de Champagne, grand fauconnier en 1612, épousa la fille de Beaumarchais ; trésorier de l'épargne, capitaine des gardes, 1620-1622. Surintendant des finances, 1623-1624. Disgracié et exilé, rentra en France après la mort de Richelieu. Mourut en 1653, à soixante et onze ans. Tallemant conte que lorsque Henri IV donna à son père le collier de l'Ordre, la Vieuville lui dit selon la coutume ; Domine, non sum dignus. — Je le sais bien, je le sais bien, dit le Roi, mais mon neveu m'en a prié. (T. I, p. 87)

[24] PUYSÉGUR, Mémoires, t. I, p. 138. — En 1632.

[25] Conseil secret du Parlement. — Archives nationales, X1 a, 8387 ; en date du 9 mars 1642.

[26] Don au sieur maréchal de Saint-Luc des biens de Charles d'Espinay, écuyer, seigneur de la Lande, son frère naturel, adjugés au Roi par bâtardise. (Plumitif, P. 2759, fol. 481.) — Le Roi héritait des bâtards décédés ab intestat.

[27] Don au sieur de Gordes, premier capitaine des gardes du corps, des Liens de feu G. Sinidat, Vénitien. — Don à Michel de Broc, seigneur de Saint-Mars, des biens de feu Pierre Gombauld, bâtard. (Plumitif. P. 1763. fol. 16.)

[28] La chambre des comptes refuse sous Louis XIII de vérifier des lettres de naturalisation pour les enfants nés et à naître du mariage de Charlotte de la Trémoille avec le comte d'Herbie, Anglais (sans doute Derby), mais permet la jouissance des biens maternels en cas de mort. (Plumitif, P. 2760, fol. 57.)

[29] Déclaration de février 1635. S'ils mouraient à la solde de la France.

[30] Les derniers, par ce motif que les Rois avaient des droits sur leur pays. — Pour les Savoyards, il fallait qu'ils fussent établis en France depuis 1359 — La question était douteuse pour les Lorrains.

[31] BODIN, République, p. 94 et 95. — Par la coutume de Bresse, la femme mariée à l'étranger ne peut transporter hors de la province ses biens immeubles, ou le prix d'iceux, directement ou indirectement.

[32] Ordonnance de janvier 1619. — Arrêt du Parlement, 14 août 1635.

[33] En Piémont, les fiefs se partageaient entre les mâles. (RICHELIEU, t II, p. 649.)

[34] A. DU CHATELLIER, Du domaine congéable en Bretagne. — Pareille coutume est observée chez les Tartares, où le dernier des mâles est seul héritier, par la raison qu'à mesure que les aines sont en état de mener la vie pastorale, ils sortent de la maison avec une certaine quantité de bétail que le père leur donne, et vont former une nouvelle habitation. (MONTESQUIEU, Esprit des lois, p. 331.) Le même usage était observé en quelques États d'Allemagne. (Cf. A. DE TOCQUEVILLE, l'Ancien Régime et la Révolution, p. 321.)