Rasement des forteresses, suppression des grandes charges militaires. — Violation des droits généraux et particuliers. — Mépris des formes de la justice : l'illégalité érigée en légalité. — Mépris de l'équité, crime de lèse-majesté. — Les procès politiques. — Haine du gouvernement.La révolution de 1789 était accomplie dans les idées, avant d'être commencée dans les faits ; la révolution de 1624 fut exécutée en même temps dans les faits et dans les idées. Richelieu joignit l'acte à la parole. Pour prouver que le Roi était au-dessus de la justice, on se joua comme à plaisir de toutes les formes judiciaires. Pour prouver que le Roi disposait de la vie de ses sujets, on fit mourir des innocents. Pour prouver qu'il n'y avait plus d'autre droit que le sien, on viola, on anéantit tous les autres. L'histoire officielle et banale, dont les enseignements
routiniers ont été répétés de bouche en bouche jusqu'à nos jours, a mal jugé
l'œuvre du Cardinal, faute de définir suffisamment son but et de distinguer
ses moyens. Richelieu, disent ses historiens, voulut et réalisa la ruine
politique de la noblesse, et sa soumission au Roi. Ils ajoutent : La noblesse l'assaillit de conspirations, mais elle ne put
lasser sa vigilance. Puis ils énumèrent pêle-mêle l'exécution de
Chalais, celle de Bouteville, de Marillac, de Montmorency, de Cinq-Mars,
l'exil de Voilà en quelques mots ce qu'on lit partout, et ce qui n'est nullement exact. Nous nous occuperons plus loin de la noblesse[1], mais nous devons constater dès maintenant que ce corps était tout à fait dévoué au Roi, et parfaitement paisible ; que le Roi était respecté et servi par les gentilshommes comme par tous les Français. Ce n'est pas parce que quatre princes et trois ducs, assistés de quelques douzaines de domestiques[2], se montrent turbulents et rebelles, que l'on peut rendre solidaires de leurs mutineries plus de cinquante mille individus qui n'y ont pas pris part. Si la noblesse eût été aussi indisciplinée qu'on s'est plu à le répéter, Louis XIII et son ministre n'en auraient pas eu aussi facilement raison. Quelques intrigues de cour, plus ou moins timides, une révolte ouverte d'un gouverneur de province, tentée malgré cette province, un traité coupable signé par un favori de vingt ans, avec l'assentiment du frère du Roi ; tout cela ne prouve pas que la noblesse de France, dans son immense majorité, fût d'une humeur bien difficile. Au contraire, presque chaque année éclatent des insurrections populaires sur tous les points du royaume, dans les campagnes et dans les villes, et personne, croyons-nous, n'a ouï dire que le peuple fût à cette époque naturellement porté à la sédition. C'est qu'en vérité la noblesse s'en allait d'elle-même, sous l'influence de causes multiples ; qu'elle était déjà bien affaiblie quand Richelieu parvint au ministère, et qu'il eut peu à faire pour lui porter le dernier coup. Ce qu'il fit même fut médiocrement efficace, puisque, malgré ses fameux édits sur les duels, on se battit sous son règne presque autant qu'avant, et que le duel ne disparut que plus tard, insensiblement, avec le changement des mœurs. Il ne s'attaquait pas plus à la noblesse qu'à toute autre institution ; ce qu'il voulait, c'était l'absolutisme du Roi. Ce n'était donc pas la noblesse, c'était la patrie qui était en danger. Pour atteindre son but, en effet, il lui fallait tout saper et tout détruire : autorité des parlements, puissance des états provinciaux, franchises des villes, indépendance du clergé, tout, jusqu'à cette innocente autonomie communale qui fait la force d'un pays libre. Aussi, dans cette entreprise gigantesque, n'a-t-il pas tenté une réforme, n'a-t-il pas fait disparaître un abus[3]. S'il est l'ennemi de la noblesse, il est aussi l'ennemi du tiers état, l'ennemi du peuple. Il n'a rien fait pour personne, mais il a tout fait pour le monarque. Ce dévastateur est l'homme du Roi, ce n'est pas l'homme de la France[4]. Pour la noblesse, par exemple, il n'a touché ni aux dîmes, ni aux corvées, ni aux exemptions d'impôt, ni à rien de ce qui préjudiciait au peuple, mais il ordonné le rasement des forteresses, parce qu'elles pouvaient préjudicier au Roi. Cette question de la démolition des forteresses, dont on a exagéré la portée, avait du reste un double aspect. Les places fortes donnaient puissance aux seigneurs sur le Roi, mais elles assuraient aussi la puissance du Roi sur les seigneurs. Richelieu répondait en 1626 à ceux qui conseillaient cette mesure : Si tous les Français étaient toujours dans le chemin de leur devoir, il y aurait beaucoup de places à raser dans le royaume, auxquelles maintenant il ne faut pas toucher[5]. Les forteresses étaient de trois sortes, celles qui appartenaient au Roi et dans lesquelles il tenait garnison ; celles qui appartenaient aux seigneurs, mais où la garnison était payée par le Roi ; enfin celles où la garnison était à la charge de leurs propriétaires. Ces dernières étaient naturellement peu redoutables. Fort mal entretenues, gardées par deux ou trois hommes, elles ne pouvaient se défendre pour la plupart plus de vingt-quatre heures contre une petite troupe munie de canons. A son arrivée aux affaires, le Cardinal proposa d'ôter toutes les garnisons particulières, d'augmenter les troupes que le Roi avait sur pied, et tour à tour en envoyer dans les places et châteaux particuliers, en les changeant de temps en temps, ce qui ferait que bien que les gouvernements fussent à des grands, ils y seraient plus de nom que de fait[6]. On peut se demander jusqu'à quel point il est conforme aux règles d'une bonne administration de conserver des agents qui existent plus de nom que de fait, mais c'était le système de Richelieu de donner à l'un la fonction et à l'autre le titre. Deux ans plus tard, on ordonna le rasement des villes et châteaux non situés sur les frontières[7]. C'était un grand jour, dit M. Caillet, que celui où le pouvoir se sentait enfin assez fort pour faire tomber à terre ces sombres murailles, ces redoutables forteresses qui, pendant une longue suite de siècles, avaient abrité tant de meurtres et de brigandages. C'est justement parce que ces sombres murailles n'abritaient plus rien de semblable, que le pouvoir fut assez fort pour les faire tomber[8]. En effet, ces vestiges du moyen âge disparaissaient d'eux-mêmes, avec l'état de choses qui les avait rendus nécessaires. Les seigneurs étaient les premiers à démolir ces châteaux pour leur commodité personnelle, et nul ne songeait à en bâtir de nouveaux dans le même style[9]. Cependant, si le souverain avait le droit de détruire ceux qui lui appartenaient, et d'ôter les garnisons de ceux qu'il ne possédait pas, son ordre était purement tyrannique quand il touchait à des habitations privées, dont les possesseurs n'étaient coupables d'aucun délit, et auxquels on infligeait de sang-froid, par précaution, une peine sévère et imméritée. Les mesures arbitraires, effectuées au nom du salut public, sont le caractère de ce gouvernement, et l'histoire a le devoir étroit de les flétrir d'autant plus durement, qu'elles sont le masque habituel de toutes les injustices. Cette destruction se poursuivit avec plus ou moins de rigueur selon les provinces, jusqu'à la mort de Louis XIII, mais elle ne joue qu'un rôle épisodique dans l'établissement de la monarchie absolue. Il en est de même de la suppression des charges de
connétable et d'amiral, l'une par extinction, l'autre par rachat. Si nous en
parlons ici, c'est parce qu'on y a vu bien à tort un acte politique de haute
conséquence. En 1626, dit Richelieu, vaqua par la mort de Lesdiguières cette grande charge
autrefois si utile à En même temps que le connétable, Richelieu fit supprimer
l'amiral. On remboursa cet office au duc de Montmorency, qui en était
titulaire, moyennant Ce qui passait les bornes de ce droit, c'est la manière
nouvelle de gouverner, l'abaissement systématique des cours souveraines, l'obéissance absolue exigée des grands et des petits,
les peines infligées aux individus et aux compagnies à la moindre velléité
d'opposition[13].
Ce qui révoltait le sentiment national, c'était la confiscation du pays par
le Roi, c'était le Parlement que l'on contraignait à s'humilier à tout
propos, le premier président de Gourgues, auquel le Roi commandait de parler
à genoux, contre tous les usages, et qu'il prenait par sa robe pour le forcer
à obéir[14]
; les états provinciaux de Dauphiné qui demandaient au Roi d'être ouïs en leurs justes plaintes, et auxquels
le Roi allait jusqu'à
défendre sous peine d'amende de former
opposition à son conseil[15]. Des faits
innombrables prouvent le parti pris de la monarchie nouvelle de ne jamais
demander l'avis de la nation, et d'empêcher la nation de donner les avis qu'on
ne lui demande pas. Il ne faut pas que la haine de la noblesse aveugle les
esprits à ce point qu'on en vienne à
se réjouir de voir tout le monde esclave, parce que les nobles le deviennent
aussi. Un mouvement irrésistible entrainait la noblesse vers sa chute, elle
était condamnée à se transformer ou à périr. Ce qui était vivace, c'était le
vieil esprit libéral avec ses exigences si minimes, désirant seulement voir suivre les usages, écouter les remontrances, ménager les
esprits avec douceur[16]. C'est ce vieil
esprit qui résista, qui succomba sous Louis XIII[17]. Le règne
suivant lui porta le dernier coup. Il s'est trouvé jusque dans les temps
modernes des panégyristes de cette crânerie brutale de Louis XIV entrant au
Parlement, à vingt-deux ans, pour y tenir le langage que l'on sait. Cette
scène est simplement déplorable. Henri IV, qui savait si bien faire châtier
son fils, eût fait châtier son petit-fils bien davantage s'il eût vécu, et
qu'il eût pu prévoir les dévergondages de despotisme auxquels se livra ce
jeune prince ignorant de nos traditions, qui voyait notre histoire à travers Révolutionnaire dans son but, Richelieu le fut nécessairement dans ses moyens. Parmi ces nombreux procès politiques qui signalent son ministère, beaucoup furent iniques, mais tous furent illégaux. Il n'en est pas un où les formes de la justice aient été respectées. De toutes les branches de l'administration, la justice était pourtant la mieux organisée, celle qui fonctionnait le plus régulièrement. Les degrés de juridiction étaient nombreux et variés, trop nombreux et trop variés même ; mais enfin cet excès-là vaut mieux que l'autre. Le respect du magistrat, qui est la garantie des peuples et la gloire des gouvernements, était dans toute sa force ; le cardinal eut le triste courage de le fouler aux pieds. Il créa une justice à son image, précaire et violente : les commissaires. Ministre en 1617, il écrivait au nom du Roi : Sa Majesté fera advouer à tout le monde que la justice est
la règle de ses actions qu'on ne verra jamais accompagnées d'aucune violence[18]. Conseiller de Ce fut de commissaires choisis et révoqués par lui à sa
guise, que le Cardinal se servit exclusivement. Dans tous les procès qu'il
fit faire, ces juges sans autorité eussent pu être récusés. aussi leur
première précaution est-elle toujours de se faire admettre par l'accusé, pour
le décider à leur répondre. Ils employaient, pour obtenir cette
reconnaissance préalable, toutes les séductions. Civilités, promesses,
excuses, adresses oratoires, rien n'était épargné. Tantôt des maigres des
requêtes comme Machaud et Laffemas[22], munis de
pouvoirs discrétionnaires, parcouraient Tant s'en faut, disait-on,
que l'autorité du Roi s'augmente par l'établissement
de ces nouveaux juges ; au contraire, ils servent au peuple de pierre
d'achoppement, d'occasion de scandale et d'affectation de violence[24]. Le Parlement ne
se borna pas à des protestations stériles. Par arrêt de 1631, il défendit à
tous officiers et ministres de la justice d'obéir aux commissaires, ni
d'exécuter leurs jugements, déclara les procédures faites par eux nulles et
de nulle valeur, les menaça de répondre des dommages-intérêts en leur propre
et privé nom, ainsi que leurs héritiers. Malgré son audace, Richelieu s'inquiète
; il craint, dit-il, que l'on ne fasse croire aux
plus grossiers que ce qui était justice était pure violence[25]. Il reconnaît
que certaines exécutions ont été faites un peu tard dans la nuit[26]. Mais il n'en
conserve pas moins ses procédés, qui égalent et dépassent parfois ce que l'on
vit de plus fort en ce genre sous Quelle différence entre le procès de Biron, sous Henri IV,
et celui de Montmorency, sous Louis XIII ! La faute du premier était
cependant moins patente que celle du second[30]. Tous deux
avaient trahi, mais le crime de l'un n'avait pas encore été consommé, tandis
que l'autre avait été pris en pleine révolte. Henri IV fait arrêter Biron, et
aussitôt se désintéresse de l'affaire, laissant la justice suivre son cours.
Le Parlement de Paris, seul capable de le juger, est convoqué. Les pairs y
prennent séance, — les pairs, c'est-à-dire les premiers des nobles, ces
soi-disant factieux, — aucune pression, liberté entière et condamnation à
mort du maréchal à l'unanimité par cent vingt-sept voix. En 1632,
Montmorency fut pris les armes à la main ; personne
ne douta tout d'abord qu'il ne fût conduit à Paris pour y être jugé par le
Parlement des pairs[31]. En effet, le
jugement des pairs au Parlement était une des lois fondamentales de la
monarchie. Depuis près de six cents ans de règne des Capétiens, on n'avait vu
que quatre officiers de la couronne auxquels les Rois avaient fait faire leur
procès par juges extraordinaires[32]. Richelieu
ordonna que le procès de Montmorency fût fait à Toulouse, nonobstant le privilège de pairie dont Sa Majesté le
déclara indigne et déchu[33]. Il avait agi de
même pour le duc de Rohan, chef des calvinistes en 1628, et avoua que plusieurs en murmurèrent. Il reconnaît que le privilège
existe, mais il déclare que ceux qui en jouissent le perdent par certains
crimes, ipso facto ; que dans ce
cas on ne doit plus les considérer comme pairs, mais comme personnes privées.
On ne peut, dit-il, les
renvoyer devant les juges de leur privilège, même pour juger s'ils en sont
déchus[34].
Cette théorie d'un droit qui ne pourrait servir à son possesseur que
lorsqu'il n'en a pas besoin, et dont il est nécessairement privé lorsqu'il
peut lui être utile, est un amer sophisme que le bon sens réprouve. L'opinion
publique en fut choquée dans toute Ce ne fut pas seulement la loi écrite qui fut audacieusement
violée, ce fut aussi la loi naturelle. Ce ne fut pas telle ou telle de
nos lois françaises, mais la justice éternelle et générale. La justice n'est
pas une utopie, son domaine n'est pas chimérique, mais bien défini dans la
conscience de tous. Quand Montesquieu posait ce beau principe que les lois ne doivent se charger de punir que les
actions extérieures, il rappelait une vérité oubliée depuis plus d'un
siècle, mais non inconnue à nos aïeux[42]. Bodin écrivait
sous Henri III : C'est une incongruité bien lourde
en matière d'État, et d'une suite dangereuse, d'enseigner aux princes des
règles d'injustice pour assurer leur puissance par tyrannie, qui toutefois
n'a point de fondement plus ruineux que celuy-là... Le prince dépravé, d'opinions tyranniques, fait passer
l'amende devant l'accusation, et la
condamnation devant la preuve, qui est le plus grand moyen qu'on puisse
imaginer pour ruiner les princes et leurs États[43]. Richelieu, au
contraire, écrira : Il y a des crimes où il faut punir et puis informer[44]. A lui appartient
la répression préalable. Je rognerai,
disait-il, les ongles si courts à ceux dont on a
lieu de se garder, que leur mauvaise volonté sera inutile[45]... Je me suis perdu chez Pour Richelieu, tous les moyens sont bons, les plus
rapides sont les meilleurs ; il cite des assassinats politiques commis à
l'étranger, et dit, sans en être nullement choqué, que
l'Angleterre et Savoye ont accoutumé de se faire raison par telles voyes[51]. Il excuse
ingénument Concini d'avoir fait assassiner le sergent Prouville : Ce ne serait pas une question peu problématique, de
disputer qu'un sergent-major d'une place comme la citadelle d'Amiens qui a intelligence avec les ennemis de celui qui
l'a mis en charge, puisse être justement traité du poignard[52]. Un homme qui
savait comme le cardinal conformer si bien ses actes à ses idées, pouvait être
soupçonné de mettre en pratique de pareilles maximes. L'historien ne peut se
faire l'écho de bruits publics dont il ne saurait vérifier l'exactitude. Il
est frappé cependant de la rapidité avec laquelle meurent certains
personnages, peu de temps après leur emprisonnement : d'Ornano en 1624, le
grand prieur de Vendôme 1626, Marillac en 1632, Puylaurens en 1634, tous dans
l'année de leur incarcération, et trois d'entre eux à Vincennes[53]. Pour nous, nous
refusons de croire à ces crimes clandestins, Richelieu a prouvé qu'il
n'hésitait pas à les commettre en plein jour[54]. Il en est de
même de la mort du comte de Soissons à Le droit imprescriptible de propriété ne trouve pas grâce devant lui. Sous prétexte que le Roi doit prendre soin des familles de ses sujets comme leur père commun, il interdit par lettres patentes à la duchesse d'Elbœuf la disposition de ses biens, et révoque tous les actes qu'elle pourrait avoir fait dans ce sens, bien que par les coutumes des lieux, ladite dame en pût disposer. Le motif invoqué était qu'elle voulait avantager le duc d'Elbœuf, son fils aîné, nonobstant sa rébellion contre nous, au lieu de le priver de ses bonnes grâces et de sa succession, pour en revêtir notre cousin le comte d'Harcourt, son second fils, qui nous a toujours fidèlement servi.... Et tandis que le Roi forçait le Parlement à enregistrer ces lettres abusives, Bignon ne pouvait s'empêcher de dire : Les maximes de la justice nous apprennent qu'un des principaux droits de propriété consiste en la disposition de son bien[58]. Pour qualifier les nouveaux délits qu'il avait inventés, il se servit d'une formule vague, mais terrible : le crime de lèse-majesté. Il donna à ce crime de merveilleux développements ; il en fit ce qu'il voulut. Criminels de lèse-majesté ceux qui avaient parlé du gouvernement avec un peu trop de liberté, ceux qui avaient fait assemblées publiques ou secrètes sans permission du gouvernement[59]. Criminels de lèse-majesté ceux qui avaient cherché à supplanter le Cardinal, ceux qui auraient vu sa chute avec plaisir. Montesquieu rappelant les idées de Richelieu en cette matière, et la façon dont il les mit en pratique, ajoute : Quand la servitude elle-même viendrait sur la terre, elle ne parlerait pas autrement[60]. Par décision sommaire, le Roi sans jugement, sans preuve, sous les prétextes les plus frivoles, déclarait tel ou tel, souvent tout un groupe d'individus, convaincu de ce crime qui pouvait entraîner la mort[61]. Le crime de lèse-majesté, disait le premier ministre, est si important que même celui qui en est coupable par une simple pensée est digne de punition[62]. A fortiori, celui qui, ayant connaissance du crime d'autrui, ne s'en faisait pas le délateur. En vertu de ce principe, de Thou fut condamné à perdre la tête. L'ami de Cinq-Mars, apprenant son projet, interrompit celui qui lui en parlait, lui déclarant qu'il ne s'en voulait point mêler, qu'il était ennemi du sang, et que par son ministère il ne s'en répandrait jamais. J'ai su la conspiration, dit-il aux juges, j'ai fait tout mon possible pour l'en dissuader ; il m'a cru son ami unique et fidèle, et je ne l'ai pas voulu trahir[63]. Il existait, il est vrai, une ordonnance de Louis XI, issue des plus mauvais jours de ce triste souverain, par laquelle la non-révélation était punie comme le crime[64]. Séguier l'ignorait, ou feignit de l'ignorer, car il déclara à Richelieu, après l'interrogatoire, qu'il ne voyait pas matière à condamnation. Celui-ci, surpris de ce discours, s'en entretint avec quelques-uns des commissaires, et Laubardemont eut la bonne fortune d'exhumer la loi de Quisquis. Le chancelier douta de sa validité, parce qu'elle n'était pas en usage au Parlement de Paris, mais il fallut obéir[65]. Deux juges pourtant refusèrent d'opiner à la mort : MM. de Sautereau et de Miromesnil ; ce sont des noms que la postérité doit conserver[66]. Il n'entre pas dans le plan de cet ouvrage de raconter un à un les procès par lesquels Richelieu mit ses idées en pratique. Nous relèverons seulement les principaux motifs de leur iniquité, absence d'instruction, prévarication des juges, inanité des accusations. Le Cardinal supprime la justice, et quand il en tolère encore les apparences vaines, c'est par une pure bonté, puisqu'il a le droit d'infliger sans jugement toutes les peines, non-seulement à ceux qu'il dit coupables, mais aussi à ceux qu'il reconnaît hommes de bien, de peur que ces derniers ne fassent un jour quelque mal. Pour prouver la culpabilité du duc de Vendôme, il raconte
très-sérieusement qu'un prévôt de Saumur ouït dire
au cocher du duc en passant
lorsqu'il venait : N'a-t-on pas bien rasé Louis le Fainéant ? Ce qui montre
qu'il y avait quelque dessein bien épandu dans la maison[67]. Ce qu'on punit
en lui par une longue captivité, ce fut de penser seulement aux prétentions qu'il
avait sur la Bretagne[68]. Pour justifier
l'exil de Baradas, ce jeune homme venu en une nuit
comme un potiron, qui pensait être mieux aimé du Roi que le Cardinal, et qui,
dernier terme de la folie, l'osait dire à Sa Majesté, Richelieu
rapporte un mot de ce favori qu'il avait appris ainsi : Le Plessis dit au Cardinal que le cardinal de Dès le commencement de l'année, dit le Cardinal, c'était
un bruit commun qui courait par la cour, qu'il s'y formait une grande
cabale.... Ce bruit qui court, cet on dit, on affirme, on assure, tout le monde juge, c'est sa formule. On est
son grand accusateur[76]. L'un rapporte
qu'un autre lui a dit qu'un propos aurait été tenu par celui-ci ou celui-là
qu'on n'interroge pas ; mais on enregistre le dire, et c'est avec cela qu'on
rédige les arrêts. Donner à Monsieur le conseil de
ne venir point où était le Roi, ains de s'en aller de la cour ; donner ce conseil et méditer là-dessus
est si notoirement crime, que pour la même chose Coconas et Il est vrai que celui-ci est fort de sa conscience : De quoi peuvent-ils me convaincre, sinon d'avoir toujours
très-fidèlement servi le Roi ? Des commissaires sont chargés d'instruire
l'affaire. Le Parlement[80] leur défend de
poursuivre l'information ; le maréchal de son côté récuse ces magistrats
suspects. La chambre de justice constituée à Sainte-Menehould[81] est révoquée, et
transférée à Verdun, dans l'espoir qu'au milieu de populations supposées
aigries contre l'accusé, le jugement sera plus rigoureux. Quelques mois
après, l'affaire ne marchait pas mieux à Verdun ; plus de cent témoins avaient
été entendus, c'est un esprit de lenteur
insupportable. La commission est dissoute, une nouvelle est organisée
; il faut prendre garde à la composition des juges.
On exclut tous ceux qui dans les premiers actes du procès avaient été
favorables au maréchal. On les remplace par ses ennemis personnels. Richelieu
ne se fait pas scrupule d'aller visiter tous les commissaires les uns après
les autres ; menaces, promesses, sont employées tour à tour. Bientôt il fait
siéger ce soi-disant tribunal à Ruel, dans sa propre maison, et ce fut là
que, malgré ces triages répétés et cette pression sans exemple, fut
prononcée, à la majorité d'une voix seulement, la condamnation à mort.
Barillon déclarait la veille encore qu'il n'y avait aucune preuve de crime.
Si Marillac fut la plus illustre victime de cette intrigue,
il ne fut pas la seule. Certes Il fait trancher la tête à La nation était
tellement pacifique, que personne ne songeait à secouer le joug, on se
résignait. Mes compagnons tenaient pour certain,
dit un prisonnier à Il se produisait seulement une résistance passive, lors
des actes judiciaires les plus scandaleux, du procès du duc de Le Roi, la parole dure et le geste emporté, s'acharna à la
condamnation de son beau-frère, et usa sans pudeur de son autorité royale,
pour contraindre les commissaires à opiner en sa présence : Sire, dit le conseiller Pinon, doyen de Et malgré cette tyrannie, malgré ce régime de fer et de sang, les hautes classes restent calmes. Entre le peuple qui se révolte parce qu'il meurt de faim, et les quelques intrigants qui complotent parce qu'ils sont avides de pouvoir, la grande masse de la noblesse et de la bourgeoisie demeure indifférente. Étrangère aux révoltes et aux complots, elle n'essaye pas même de faire entendre un cri de liberté ; elle se plaint, elle gémit en silence, elle n'oserait se lever hardiment contre le ministre, tellement ce pouvoir royal était respecté, même dans ses abus. La vie même du Cardinal n'est pas une seule fois sérieusement menacée ; il a beau s'écrier qu'on y attente par assassinat et par poison l'histoire n'en est pas dupe. A part la conspiration de Montrésor qui s'est évanouie comme une ombre, au moment de l'exécution, et dont Richelieu ne se douta jamais, tous ces soi-disant attentats, dont le Cardinal nous entretient dans ses Mémoires, n'ont pas la plus légère apparence de réalité. Un Gabriel Lavenard, condamné à être roué et brûlé vif pour s'être offert d'attenter à sa vie moyennant 20.000 francs ; Blaise Roufet, qui feignait se nommer Chavagnac, condamné à mort ; Nicolas Gargant et A. Bouchard, prêtre, condamnés au feu pour sortilèges ayant pour but la mort du Cardinal, ces prétendus criminels ne furent nullement convaincus[100]. Il n'y a rien de sérieux dans leurs procès, ni l'accusation ni la preuve ; il n'y a de sérieux que la condamnation, qui ne manquait pas d'être exécutée. Nous n'écrivons pas d'ailleurs l'histoire des cinquante malheureux, parmi lesquels on trouverait cinq ou six coupables, qui servirent, en portant leur tête sous la hache, à la démonstration de principes nouveaux et à l'inauguration d'une politique nouvelle[101]. Un homme qui fait si bon marché de la vie d'autrui ne doit
pas avoir grand scrupule à emprisonner ou à exiler ceux qu'il suppose être
ses adversaires. Beaucoup s'exilaient d'eux-mêmes ; c'était une espèce
d'émigration. Je suis ici pour ne pas être là, écrivait de Florence le duc
de Guise au maréchal de Bassompierre enfermé dans Les histoires remarquent pour les plus heureux règnes ceux où il se trouve plus de menaces que de supplices, plus de prisons que d'échafauds[106]. L'observation est due à Richelieu dans sa jeunesse ; il fut à même d'en vérifier l'exactitude avant de mourir. Non-seulement le Cardinal était en haine et en horreur à raison de ses violences[107], mais le Roi aussi était devenu odieux à son peuple. Il fuyait le monde et surtout Paris... On ne criait presque point : Vive le Roi ! quand il passait[108], tandis que dès 1631, sur le passage du duc d'Orléans, on commençait à dire : Vive Monsieur et la liberté du peuple ![109] Il y avait dans les cœurs, c'est le Cardinal qui l'avoue, une haine secrète contre le gouvernement ; de sorte qu'il y en avait presque autant en notre armée qui eussent désiré que l'ennemi eût emporté l'avantage sur nous, qu'il y en avait à souhaiter le succès du Roi[110]. Beau résultat d'un despotisme qui conduit les citoyens à voir d'un œil sec les défaites de la patrie, dans l'espérance qu'elles amèneront la chute du gouvernement qui l'opprime. Le ministre et le prince entrèrent dans l'éternité à peu
de distance l'un de l'autre, chacun parfaitement satisfait de soi-même, ce
qui prouve non pas que leur œuvre fût bonne, mais que peut-être ils
l'accomplirent de bonne foi. Officiers et serviteurs des Rois prendront le deuil à leur décès, mais la nation ne le prendra plus jusqu'à la fin de la monarchie. Louis XIV, Louis XV, s'en iront à Saint-Denis au milieu de l'indifférence ou de l'hostilité de leurs sujets. |
[1]
[2] Nous employons toujours ce mot dans l'ancien sens qu'il avait encore sous Louis XIII, de familiers, de clients...
[3] Nous étudierons ces différents faits à l'Administration générale, provinciale et municipale. On pourra se convaincre par la partie des Finances que nous n'avons pas porté un reproche sans fondement.
[4] A l'intérieur, bien entendu.
[5] Lettres et papiers d'État, t. II, p. 320.
[6] RICHELIEU, Mémoires, t. I, p. 298.
[7] Déclaration du 31 juillet 1626.
[8]
Il en est de ces forteresses comme de
[9] La destruction ordonnée ne s'effectua pas toutefois aussi vite qu'on pourrait le croire, puisqu'en 1629, le premier ministre émettait encore l'avis de raser toutes les places qui n'étaient pas frontières, ou ne servaient point de bride aux Grandes villes mutines et fâcheuses. (Mémoires, t. I, p. 576.)
[10] Mémoires, t. I, p. 424. On supprima la charge par une déclaration de 1643. Jusque-là elle avait été sans titulaire, mais non supprimée. (Voyez TALON, Mémoires, p. 88.)
[11] RICHELIEU, Mémoires, t. I, p. 437.
[12] Armand de Maillé, fils du duc de Fronsac, marquis de Brézé, fils d'Urbain de Maillé et de Nicole du Plessis-Richelieu, sœur du Cardinal, né 1619 ; grand maître de la navigation 1642 ; tué en 1648, à la tête de l'escadre française.
[13] Arrêt du conseil d'État du 31 juillet 1638. Il s'agissait de la création d'une cour des aides à Vienne, contre laquelle le Parlement et les Conseils de Grenoble, la noblesse et le clergé de la province protestaient avec énergie.
[14] Marc-Antoine de Gourgues, premier président du parlement de Bordeaux, membre de l'assemblée des notables de 1626, avait eu, ainsi que le Parlement tout entier, un démêlé avec Servien, intendant de justice. Il fut si outré du traitement qu'on lui fit subir, qu'il mourut de chagrin quelques jours après son entrevue avec le Roi ; il s'était pourtant justifié. (Lettres et papiers d'État, t. II, p. 434.)
[15] Voyez RICHELIEU, Mémoires, t. VI, p. 576 ; et Lettres et papiers d'État, t. VI, p. 955.
[16] TALON, Mémoires, p. 57.
[17] En 1661, Richelieu fit violemment expulser de l'assemblée du clergé, et renvoya dans leurs diocèses, tous les prélats qui lui semblaient hostiles à ses vues, pour y faire, disait-il, pénitence de leurs fautes, c'est-à-dire de leur opposition. Il s'agissait d'an subside sur le chiffre duquel on n'était pas d'accord ; l'exécution se fit publiquement. D'Hémery, porteur de l'arrêt, entra dans la salle des séances, et s'adressant à ceux qui étaient frappés : Vous, leur dit-il, qui avez malicieusement contrarié les justes intentions du Roi, et qui, snobe prétexte de zèle avantageux à l'Église, avez voulu arrêter recours de ses victoires par le refus du secours qu'il demande... le Roi vous commande de sortir es cette heure, et de me suivre ; et si un fait opposition ou autre chose semblable coutre le service du Roi, vous en répondrez sur vos têtes. L'archevêque de Sens répondit qu'il recevait avec respect tout ce qui venait de la part du Roi, même les paroles injurieuses. L'Assemblée ne fonctionna que lorsqu'elle fut exclusivement composée de députés du Cardinal, et non plus de députés du clergé.
[18] Lettres et papiers d'État, t. I, p. 306.
[19] RICHELIEU, Mémoires, t. I, p. 222.
[20] BODIN, République, p. 388.
[21] VOLTAIRE, Histoire du Parlement, t. I, p. 38.
[22]
Isaac de Laffemas, né 1580, † 1657, fils d'un valet de chambre de Henri IV ;
d'après d'autres, fils d'un tailleur de cour nommé Beausemblant. Avocat au
Parlement, puis intendant en Champagne, commissaire dans le procès Marillac. On
l'avait surnommé le Bourreau du Cardinal. —
Maitre des requêtes, malgré ce corps, qui s'était
opposé à sa réception comme d'une personne indigne ; procureur général
de la chambre de justice, lieutenant civil au Châtelet, 1637.
Mais quels insignes attentats
Ont fait Machaud et Laffemas...
Les bourreaux de qui les souhaits
Sont de peupler tous les gibaits...
En décapitant ils se jouent,
Ils sont encor plus gais s'ils louent...
[23] Voyez RICHELIEU, Mémoires, t. II, p. 332 et 490.
[24] TALON, Mémoires, p. 8.
[25] RICHELIEU, Mémoires, t. I, p. 387.
[26] RICHELIEU, Mémoires, t. II, p. 334.
[27]
Pierre Séguier, 1588-1672. Petit-fils d'un avocat général au Parlement sous
François Ier, neveu d'un ambassadeur à Venise, conseiller au Parlement, maitre
des requêtes, intendant de Guyenne, président à mortier 1624, garde des sceaux
1633, chancelier 1635, fut chargé du procès de Cinq-Mars, 1642. Il resta en
charge jusqu'à sa mort. II avait épousé Madeleine l'abri, fille du seigneur de
Champauzé. Ses deux filles épousèrent, l'une le marquis de Coislin, puis le
marquis de Laval, l'autre le duc de Sully, puis le duc de Verneuil, fils
naturel de Henri IV. Madame Seguier eut pour amant le comte d'Harcourt.
Tallemant accuse Séguier d'être grand voleur. Talon dit qu'il s'était
extraordinairement enrichi. Séguier, homme d'un triste caractère, fut le
serviteur docile du premier ministre. Séguier, dit
Est un esclave volontaire,
Il est valet de Richelieu
Il ne croit point d'illustre ouvrage
Que de s'enrichir davantage...
[28] Bibliothèque nationale, anc. collect. Dupuy, fol. 548-550. — Le 7 janvier 1640.
[29] M. Chéruel.
[30]
Henri II, quatrième duc de Montmorency, comte de Damville, fils de Henri Ier de
Montmorency et de Louise de Budos de Fortes. Il était filleul de Henri IV, né
1595, † 1632. En 1612, fut amiral de France et de Bretagne, puis vice-roi de
[31] PONTIS, Mémoires, p. 575. Le duc reconnaissait lui-même, d'ailleurs, que si le Roi ne lui faisait grâce, tous les juges devaient le condamner.
[32] Le grand maitre de Montaigu, l'amiral Chabot, les maréchaux de Gié et de Biez.
[33] RICHELIEU, Mémoires, t. II, p. 408.
[34]
Voyez Lettres et papiers d'État, t. III, p. 176, et Mémoires de RICHELIEU, t. I, p.
[35] Voyez Lettres et papiers d'État, t. III, p. 395.
[36] RICHELIEU, Mémoires, t. II, p. 399.
[37] Voyez Lettres et papiers d'État, t. IV, p. 357.
[38] Voyez PONTIS, Mémoires, p. 579. Brienne dit (Mémoires, p. 61) que Richelieu empêcha Sa Majesté de faire un acte de clémence que toute Ii cour eut acheté de son sang. Il est certain, du reste, qu'avant sa révolte, Montmorency était an mieux avec le Cardinal, et que son action n'a pas l'excuse d'un ressentiment personnel. Il ne se passait pas de semaine qu'il ne collationnât le soir en particulier avec Richelieu, chez lequel il avait ses entrées â toute heure. (RICHELIEU, Mémoires, t. II, p. 421.)
[39]
Henri Coiffier (dit Ruzé) d'Effiat, marquis de Cinq-Mars, comte de Dampmartin
(1620-1642), maitre de la garde-robe et grand écuyer de France. Depuis 1633
(voyez
[40] Elle siégea à Lyon, et se composait de Séguier, du président, et de quelques conseillers du Parlement de Grenoble, de plaire conseillers d'État, et d'un maitre des requêtes. — Six maîtres des requêtes avaient été adjoints en 1632 au Parlement de Toulouse pour juger Montmorency.
[41] CAILLET, l'Administration en France sous le cardinal de Richelieu.
[42] Esprit des lois, p. 285 (édition Didot).
[43] BODIN, République, Préface. — Il faut se rappeler que Bodin est un conservateur qui réprouve fortement la licence.
[44] Lettres et papiers d'État, t. III, p. 176.
[45] Lettres et papiers d'État, t. IV, p. 271.
[46] Lettres et papiers d'État, t. IV, p. 65.
[47] RICHELIEU, Mémoires, t. p. 216.
[48] Lettres et papiers d'État, t. VII, p. 165.
[49] BALZAC, le Prince, p. 97.
[50] Et même qu'elles réprouvent.
[51] Lettres et papiers d'Etat, t. II, p. 266. (A propos du duc de Lenox, de Rairre, d'Hamilton et de son médecin.)
[52] RICHELIEU, Mémoires, t. I, p. 169.
[53] Quelques-uns prétendent après avoir mangé des champignons, ce qui fit dire que les champignons du bois de Vincennes étaient bien vénéneux.
[54] Pour Marillac, le ministre n'a été l'objet d'aucune accusation ; il n'en est pas de même des autres. Rohan dit : D'Ornano était mort de la pierre, ce qui n'empêcha pas divers discours de courir sur icelle. (Mémoires, p. 558.) Richelieu donne cette singulière explication : que le vertigo dont il était travaillé tourna en haut mal. (Mémoires, t. I, p. 399.) Du grand prieur, Fontenay-Mareuil dit : Quelques-uns, mal affectionnés au Cardinal, ont dit qu'il avait été empoisonné, mais M. le Comte, dont le médecin et le chirurgien le soignèrent, ne s'en plaignit pas. (Mémoires, p. 179.) Richelieu donne de son côté de grands détails pour se justifier de l'accusation qu'on lui imputait. (Mémoires, t. I, p. 591.) Pour Puylaurens, qui mourut dans la force de l'âge après quatre mois de détention, Richelieu dit simplement : Sa bonne fortune le retira de ce monde. (t. II, p. 57S.) Montrésor dit : On publia qu'il était mort du pourpre, mais il est à remarquer que le poison fait de mêmes effets, et qu'aucun des siens n'eut la liberté de le voir durant sa maladie, ni après sa mort. (Mémoires, p. 197.) Tous les Mémoires sont malheureusement suspects, à cause de l'amitié ou de la haine que leurs auteurs avaient pour le Cardinal.
[55] MONGLAT, Mémoires, p. 107. (Monglat est un des plus impartiaux.) L'abbé Arnaud (Mémoires, p. 506) conte sur cette mort une anecdote assez mystérieuse, qui laisse supposer un assassinat. Puységur nous apprend (Mémoires, t. I, p. 287) que le Cardinal tenait extrêmement à ce qu'on ne fit pas le procès au corps de M. le Comte qui aurait pu faire jaillir quelque lumière indiscrète. Il aimait mieux le silence. (Voyez GRIFFET, Histoire de Louis XIII, t. III, p. 363, qui résume les diverses relations, et Lettres et papiers d'État, t. VI, p. 827.)
[56] Lettres et papiers d'État, t. II, p. 543.
[57] RICHELIEU, Mémoires, t. III, p. 283.
[58]
TALON, Mémoires,
p. 42. — Bouthillier mandait de son côté à Richelieu qu'il ne voyait aucune coutume de France qui autorisât cet
acte (Lettres et papiers d'État, t. VI, p. 15), dont le but était de
faire épouser an comte d'Harcourt une cousine de Richelieu. — Henri de
Lorraine, comte d'Harcourt (1601-1666), surnommée Cadet-la-Perle, grand écuyer
de France, général en Piémont en 1639, battit les Espagnols, secourut Casai et
prit Turin, 1641 ; il fut gouverneur du Guyenne, puis de Normandie. Il épousa
Marguerite du Cambout de Pontchâteau, veuve du duc de Puylaurens et sœur de la
duchesse de
[59] Lettres et papiers d'État, t. II, p. 313.
[60] Esprit des lois, p. 284.
[61] Voyez RICHELIEU, Mémoires, t. II, p. 324.
[62] RICHELIEU, Mémoires, t. II, p. 407. — Le chancelier disait : que les conséquences en sont périlleuses et difficiles, qu'il aboutit à la subversion des Etats, et qu'en pareil cas la clémence est inhumaine. (TALON, Mémoires, p. 20.)
[63] FONTRAILLES, Mémoires, p. 250 et 262.
[64] Du 22 décembre 1477.
[65]
Voyez BRIENNE, Observations
sur les Mémoires de
[66] Richelieu se rencontrait sans le savoir avec Louis XI, car il disait en 1626 de Chaudeborme : Il est coupable pour n'avoir pas averti du dessein qu'il savait qu'on tramait au préjudice du Roi et de l'État. (Mémoires, t. I, p. 382.)
[67] RICHELIEU, Mémoires, t. I, p. 405.
[68] BRIENNE, Mémoires, p. 56. Le grand prieur, qui fut jugé par commission, ne pouvait l'être valablement que par le Parlement.
[69] Voyez RICHELIEU, Mémoires, t. II, p. 298.
[70] MONTRÉSOR, Mémoires, p. 198. (A propos de Puylaurens.)
[71] RICHELIEU, Mémoires, t. I, p. 376.
[72]
Charles de l'Aubespine, marquis de Châteauneuf, fils du baron de Châteauneuf,
ambassadeur en Angleterre,1550-1653, d'une dés meilleures familles de Paris,
abbé de Préaux et sous-diacre, conseiller au Parlement, 1633 ; ambassadeur en
Hollande, 1609 ; en Allemagne, 1620 ; à Venise et aux Grisons, 1626 ; en
Angleterre, 1629 ; chancelier de l'Ordre du Saint-Esprit, garde des sceaux,
1630 ; destitué et emprisonné en 1633 jusqu'en 1643, fut de nouveau garde des
sceaux en 1650 ; amant de la marquise d'Hamilton, puis de la duchesse de
Chevreuse. Il avait fait, dit Tallemant, bien des folies avec madame de Puisieux. En voyage, on le
voyait à la portière du carrosse de
[73] RICHELIEU, Mémoires, t. II, p. 1,52.
[74] Lettres et papiers d'État, t. V, p. 16.
[75] Châteauneuf, juge de Montmorency, lui demande son nom et s'attire du duc cette réponse : Monsieur, vous le savez bien, vous avez été nourri et élevé page dans la maison de mon père.
[76] RICHELIEU, Mémoires, t. I, p. 376.
[77] Jean-Baptiste d'Ornano, comte de Montlor (dont il est parlé plus haut), colonel des Suisses, maréchal de France, fils d'Alphonse Corse dit d'Ornano, et petit-fils du célèbre colonel San-Pietro, gouverneur de Gaston, avait épousé Marie de Raymond, comtesse de Montlor, veuve de Philippe d'Agoult. En 1626, où il fut emprisonné à Vincennes, il était vieux et le plus laid homme de France. Les Princesses venaient lui rendre visite familièrement dans son lit. Un de ses frères était grand maitre de la garde-robe de Monsieur.
[78]
Henri de Talleyrand, comte de Chalais, † 1623, avait épousé mademoiselle
Jeannin de Castille, veuve du comte de Chancy. Il était grand maître de la
garde-robe. Sa femme, dit Tallemant, accepta les galanteries de d'Ecquevilly et
de
[79] PUYSÉGUR, Mémoires, t. I, p. 95.
[80] PONTIS, Mémoires, p. 572.
[81] Voyez Lettres et papiers d'Etat, t. VIII, p. 84.
[82]
Lettres et papiers d'Etat, t. VII, p. 656. (
[83] PUYSÉGUR, Mémoires, t. I, p. 110.
[84] RICHELIEU, Mémoires, t. II, p. 374 à 378, et 308.
[85] RICHELIEU, Mémoires, I. I, p. 163. — Du procès Barbin il disait : Luynes espérait venir à bout de raire porter le jugement selon sa passion ; il pressait le procès quand il pensait avoir assez de juges gagnés, l'arrêtait quand le jugement lui paraissait incertain... On sollicitait les juges de la part du Roi, on demandait gain de cause et non justice. (Ibid., p. 182.)
[86] RICHELIEU, Mémoires, t. I, p. 203, et t. II, p. 184.
[87]
Jacques d'Apchon, dit le Père de Chanteloube,
issu d'une bonne famille du Forez, gouverneur de Chinon, avait pris l'état
militaire après le religieux, entra (1621) dans la congrégation de l'Oratoire
(1630), sortit de la retraite et suivit
[88] RICHELIEU, Mémoires, t. I, p. 203, et t. II, p. 184.
[89] RICHELIEU, Mémoires, t. II, p. 453.
[90]
Il était gouverneur de Montargis en survivance de son père, et avait été chargé
en 1630 d'une mission du Roi près du Grand-Duc de Moscovie. Son père avait été
député à
[91] RICHELIEU, Mémoires, t. II, p. 404 et 419. — Lettres et papiers d'État, t. IV, p. 351.
[92] Lettres et papiers d'État, t. IV, p. 519.
[93] RICHELIEU, Mémoires, t. II, p. 638.
[94]
[95]
TALLEMANT, t.
IX, p. 31. — Jean-François de
[96]
Bernard de Nogaret, marquis, puis duc de
[97] Lettres et papiers d'État, t. VI, p. 194.
[98] Voyez Mémoires de Bassompierre, p. 359 ; — TALON, p. 64 ; — ISAMBERT, p. 506, etc.
[99] Esprit des lois, p. 229. Lui-même est la partie qui poursuit les accusés ; il a souvent les confiscations ; s'il jugeait lui-même, il serait le juge et la partie.
[100] RICHELIEU, Mémoires, t. II, p. 455, 525, etc.
[101] On en compte quarante-sept qui furent exécutés ; on en trouverait plus de cent cinquante par contumace. Voyez CHÉRUEL, Administration monarchique, t. I, p. 297.
[102] BASSOMPIERRE, Mémoires, p. 322-324.
[103]
FONTENAY-MAREUIL, Mémoires,
p. 233. — BASSOMPIERRE,
Mémoires, p. 318-334. — Lettres et papiers d'État, t. IV, p, 219
; t. V, p. 334. — François de Bassompierre (en allemand Betstein), né 1579, † 1646. Mestre de camp du
régiment des gardes suisses, colonel général des Suisses, 1617 ; maréchal de
France, 1622. Sa mère était une demoiselle d'Angerveiller (ou Orgevillier),
sœur des comtesses de Croy et de Salm ; il eut deux sœurs, la maréchale
d'Espinay Saint-Luc et la comtesse de Tilières. Enfermé à
[104]
Lettres et papiers d'État, t. V, p. 317. — RICHELIEU, Mémoires, t. II, p. 643. —
Adrien de Montluc, comte de Carmaing (on prononçait Cramail) 1568-1646. —
Prince de Chabanais, conseiller d'État, membre de l'assemblée des notables,
1626 ; gouverneur du comté de Foix. Ce fut un des dix-sept seigneurs sous
[105]
MONGLAT, Mémoires,
p. 33 ; —
[106] RICHELIEU, Mémoires, t. I, p. 450.
[107] MONTRÉSOR, Mémoires, p. 203.
[108] TALLEMANT, Historiettes, t. III, p. 76.
[109] RICHELIEU, Mémoires, t. II, p. 323.
[110] RICHELIEU, Mémoires, t. II, p. 641.
[111] TALLEMANT, t. III, p. 80.
[112] MONTGLAT, Mémoires, p. 137. Voyez TURENNE, p. 352 ; MONTRÉSOR, p. 241, et madame DE MOTTEVILLE, p. 42. — Pour le Cardinal, BRIENNE, p. 75, et G. PATIN, Lettres, t. I, p. 98.