Idées anciennes sur l'absolutisme. — Les nouveaux droits du Roi. — Nouvelles idées sur la personne et le pouvoir royal. — Le droit divin, son peu de valeur, son danger.La monarchie traditionnelle avait pour base l'ensemble des droits individuels et particuliers, c'est-à-dire la liberté relative. La monarchie absolue reposa sur le seul droit royal, c'est-à-dire sur la servitude. Son triomphe fut donc un grand désastre pour le pays. Jusqu'alors il n'y avait presque pas un homme en France, quelle que fia sa situation sociale, depuis le prince jusqu'au paysan, qui ne jouit d'un nombre infini de droits. Ces droits n'étaient pas tous justes ni raisonnables ; ils entraient souvent en lutte les uns avec les autres ; chacun défendait les siens avec acharnement ; mais on aurait tort de s'en plaindre : l'attachement à ses droits, c'est la virilité d'une nation. Cette jalousie de son indépendance personnelle s'alliait, chez le Français de ce temps, au respect des autorités sociales. Les pouvoirs étant étroitement bornés et réglés, supériorité ne signifiait pas oppression ; infériorité ne voulait pas dire soumission absolue. Cet état de choses n'était pas parfait, il ne valait pas le droit commun, mais il pouvait y conduire. Le vanter sans mesure serait puéril, le condamner serait injuste. Le caractère distinctif de toute société humaine bien organisée est de protéger le faible contre le fort ; les lois ne sont pas faites pour autre chose en matière civile. En matière politique, les institutions doivent se proposer le même but. Dans une république gouvernée par le nombre, le plus fort, c'est la majorité des citoyens ; dans une monarchie gouvernée par un seul, le plus fort, c'est le souverain. Le droit des minorités dans les républiques, le droit des peuples dans les monarchies, doivent donc être sauvegardés et respectés. Le plus fort, s'il abuse de sa force, devient tyrannique, et provoque la guerre civile dans les républiques ou la révolte dans les monarchies. L'ancien système français avait prévu ce danger. Le suprême pouvoir appartenait au Roi, et ce pouvoir était
légitime, puisque nos pères l'estimaient tel ; c'était le droit monarchique.
Mais pour être considérable, ce droit n'était pas illimité. Le droit du
clergé, le droit des nobles, celui des corps judiciaires, des universités,
des bourgeois, des marchands, celui des états provinciaux, des assemblées des
villes, des communautés rurales, enfin des droits généraux appartenant à la
nation, sans distinction de castes ni de provinces, se dressaient en face du
droit royal. Ces divers droits formaient une constitution politique fort
bizarre peut-être, mais non illogique, et à coup sûr assez libérale. Le temps
l'avait ainsi construite ; le temps, le progrès naturel, secondé par quelques
hommes supérieurs, se serait chargé de l'améliorer[1]. Ce qui est
certain, c'est qu'à l'avènement de Richelieu, Dufaur de Pibrac disait en 1572 : Je hay ces mots de puissance absolue, De plein pouvoir, de propre mouvement ; Aux saints décrets ils ont premièrement, Puis à nos lois la puissance tollue... Les Miron, les Harlay, les Marillac, s'illustrèrent au
seizième siècle par des vertus qui, cinquante ans plus tard, les eussent
conduits à La révolution qui s'accomplit sous Louis XIII frappa même
les représentants des puissances étrangères. L'ambassadeur de Venise écrivait
à cette époque : Étrange destinée du Roi actuel
d'avoir asservi tous les grands, mis les Parlements et les États de son
propre royaume à ses pieds, en sorte que personne n'ose plus contrecarrer sa
volonté. Semblable résultat le rend toutefois plus craint qu'aimé, et soumet
son gouvernement à des changements d'autant plus dangereux que Richelieu avait reproché lui-même au maréchal d'Ancre de vouloir régner par la crainte, moyen très-mauvais pour retenir cette nation, aussi ennemie de la servitude qu'elle est portée à une honnête obéissance[5]... Il avait reproché au connétable de Luynes de mesurer ce grand État par le gouvernement des petites provinces d'Italie, étant aisé de tenir par rigueur un petit nombre de sujets... gens accoutumés à l'obéissance ; mais qu'il n'en est pas de même en France... où l'on a plus accoutumé de porter par douceur à ce qu'on veut qu'y contraindre par force[6]. Le Cardinal, en 1620, allait même jusqu'à préconiser l'insurrection, en cas de violence du pouvoir. Elle sait bien, dit-il avec éloge de la reine Marie, que la défense est juste quand elle est nécessaire[7]. Si nous insistons sur le caractère tempéré et libéral de la monarchie ancienne, c'est qu'elle n'a cessé, depuis deux siècles, d'être calomniée par les uns et ignorée par les autres. Pour complaire au présent, on a vilipendé le passé ; pour faire sa cour, on avança que depuis les premiers siècles, le hasard seul avait présidé aux destinées de notre patrie, et que le sens et la raison y avaient eu peu de part[8]. Puis l'histoire fut dénaturée savamment, et l'on tenta de prouver que le pouvoir royal avait toujours été aussi absolu que sous Louis XIV. Loin de se contenter de la sujétion où l'on vivait, on aspira à porter l'esclavage dans un temps même où l'on n'en avait eu nulle idée[9]. Le ministre de Louis XIII prétend avoir voulu rétablir l'autorité royale au point d'où elle n'aurait jamais dû déchoir. C'est une tromperie ; il a voulu l'élever à un point où elle n'aurait jamais dû monter. Il affecte de retourner aux lois premières de l'État, et considérant le désordre comme nouvellement introduit, parait croire que tout était calme au temps jadis[10]. Ce que Richelieu prend pour du désordre était un état normal ; le conflit des intérêts opposés, c'est la vie d'un peuple libre. Dans une époque encore barbare, ces conflits sont sanguinaires ; dans une époque entièrement civilisée, ils sont pacifiques, mais ils sont inséparables de la liberté. Cette agitation frappe et étonne ceux qui arrivent des pays où tout est arrangé, casé et étiqueté avec cette minutieuse sollicitude de l'autorité, qui épargne à l'honnête homme tout dérangement, en le déchargeant de toute responsabilité, mais en le condamnant à une minorité perpétuelles[11]. Pour détruire les excès, on se crut obligé de détruire les
mœurs ; ce fut au nom de la sûreté générale qu'on porta atteinte aux premiers
fondements de l'État. Tous furent attaqués, tantôt clandestinement, tantôt
avec éclat, mais toujours avec un succès tel par le Cardinal, qu'on peut dire
que La doctrine de Richelieu sur le pouvoir royal fut
diamétralement contraire ; nous ne saurions mieux la résumer qu'en empruntant
au catéchisme la définition du pouvoir de Dieu. Ce que le divin Seigneur peut
sur l'univers et sur les hommes, le Roi le peut sur Notre autorité, disait le
Roi à propos des duels, se trouve grandement lésée
en ce que chaque particulier y dispose de sa vie contre notre intention[22]. Il ne doutait
pas davantage que les biens de tous les Français ne lui appartinssent : Le Roi, dit le surintendant des finances, en 1626, pouvait augmenter les tailles autant qu'il eût plu à sa
souveraine autorité[23]. Je trouve les maximes toutes changées, remarque quelqu'un
après la mort du Cardinal, j'ai entendu dire que nos biens ne sont point au
Roi ![24] Peu à peu le
prince se mêle de tout, il décrète tout. Rien ne doit plus se passer sans son
ordre ou sans sa permission ; la prohibition ou l'injonction, le repos et le
mouvement sont obligatoires selon sa parole. Louis XIV donnait à son fils la
formule de ce terrible pouvoir : Vous devez être
persuadé que les Rois sont seigneurs absolus, et ont naturellement la
possession pleine et libre de tous les biens qui sont possédés par les gens
d'église comme par les séculiers. Ils sont nés pour posséder tout et
commander à tout. La volonté de Dieu est que quiconque est né sujet, obéisse
sans discernement[25]. Le monarque ne
crut plus qu'il avait été fait pour le monde social, mais comme le Créateur,
que ce monde avait été fait pour lui. Heureuse situation que celle d'un État
dont le sort est d'agir quand le prince agit, de veiller quand il veille, de
tomber quand il tombe ! La volonté d'un individu, à la place des idées de
tout un peuple, est-il possible que ce soit là de la grandeur ? Pareils à des arbres étouffés par l'ombre d'un chêne
gigantesque, les autres pouvoirs publics périrent de la croissance du Roi ;
ce qui en resta encombra la place, et forma autour de lui un cercle de
broussailles rampantes ou de troncs desséchés. Mon
premier but, dit Richelieu, fut la majesté du Roi, le second fut la grandeur du royaume[26]. Et en effet, sa
première pensée est pour la majesté, c'est-à-dire pour la toute-puissance du
Roi. Quand il dit choquer l'autorité royale,
il dit tout[27]. La gloire et la
grandeur du royaume ne sont qu'au second plan dans son esprit. Aussi, dans sa
politique étrangère, où la grandeur du Roi s'identifie avec celle du royaume,
a-t-il glorieusement réussi, tandis qu'à l'intérieur il s'est cruellement
trompé en s'imaginant que la toute-puissance du Roi, c'était le salut de Pour tout réduire au même niveau de soumission, dit Augustin Thierry, il isola la royauté dans sa sphère comme une pure idée[31]. Mais cet isolement du Roi n'était pas de l'abstention, au contraire. En s'élevant au-dessus de tous les pouvoirs, il les absorbait tous en lui. Plus la distance était grande entre le Roi et la nation, plus le Roi envahissait la nation ; il gouvernait de plus en plus du haut de son trône, mais comme Dieu qui gouverne le monde, du haut du ciel[32]. Il fallait à ce pouvoir un principe, on inventa le droit divin. Voicy celui, dit avec
admiration Balzac, qui ne voit rien que le ciel
au-dessus de soy, qui ne saurait pécher que contre Dieu seul, pour lequel
l'Église qui lance ses foudres sur toutes les autres têtes, n'a que des
bénédictions et des grâces... Pour peu qu'il
fasse valoir le crime de lèse-majesté, tout ce qui est à autrui peut
incontinent devenir sien[33]. Les Rois, dit
Richelieu, sont les vives images de Dieu...
La majesté royale est la seconde après la divine[34]... On alla
jusqu'à dire : Le Roi est la loi vivante, il est
comme l'autel devant lequel nous fléchissons le genouil. Pour faire
passer des conseils sévères et des vérités utiles, un magistrat eut la
faiblesse d'avancer dans une harangue : que la
personne des souverains jouit d'une espèce de divination, leur prévoyance
participant du privilège des prophéties, et de la certitude des oracles[35]. On parla de Leurs Majestés divine et humaine pour désigner Dieu
et le Roi, comme on aurait parlé de Leurs Majestés française et espagnole
pour désigner les Rois de France et d'Espagne[36]. Dieu devint un
Roi plus important que les autres, ou plutôt le Roi devint un Dieu de second
ordre, un vice-Dieu.
A coup sûr, dans l'esprit d'un bon sujet, selon Richelieu, il ne devait pas y
avoir autant de différence entre Dieu et le Roi, qu'il yen avait entre le Roi
et les simples Français. Un prince comme Louis XIV qui décida et obtint que toute la cour ôterait le chapeau devant son lit, qui
trouva des degrés entre la majesté de sa botte droite et la majesté de sa
botte gauche, qui consacra un chapitre d'édit aux honneurs dus à son
bouillon, le jour où il prenait médecine[37], un pareil
prince était de la race de ces Césars qui se firent diviniser de leur vivant.
Et en effet, si le Roi régnait en vertu d'un droit surnaturel, s'il était
aussi absolu que Dieu, il fallait nécessairement admettre qu'ayant un pouvoir
quasi divin, il avait une capacité quasi divine, que Dieu parlait par sa
bouche, ne le quittant pas, l'inspirant sans cesse. Cette assimilation inouïe et sacrilège entre le représentant d'une dynastie, légitime par son ancienneté, par le consentement des peuples, mais précaire et périssable comme toutes les choses humaines, et le Seigneur éternel, immuable et infini, cette assimilation fut poursuivie sans relâche ; le droit du Roi ne fut plus un droit, ce fut un dogme. Ces plates maximes tirées du droit romain, par lesquelles on avait remplacé notre vieille constitution, on les envoya plus tard à l'éloquence de Bossuet, pour recevoir une couverture religieuse : Le prince, dit ce grand orateur peu digne d'admiration comme homme politique, ne doit rendre compte à personne de ce qu'il ordonne... les princes sont des dieux, suivant le témoignage de l'Écriture, et participent en quelque façon de l'indépendance divine... le trône royal n'est pas le trône d'un homme, mais le trône de Dieu même... le service de Dieu et le respect pour les Rois sont choses unies... le prince, en tant que prince, n'est pas un homme particulier, tout l'État est en lui, la volonté de tout le peuple est renfermée dans la sienne... comme en Dieu est réunie toute perfection et toute vertu, ainsi toute la puissance des particuliers est réunie en la personne du prince[38]... Que de semblables thèses aient été soutenues par les souverains et par leurs ministres, cela est odieux ; mais que des premiers pasteurs de l'Église, successeurs des apôtres, les aient appuyées, cela parait inexplicable. Montesquieu dit avec raison : que la religion chrétienne est éloignée du pur despotisme, que nous devons au christianisme un certain droit politique[39]. C'était un principe chrétien, que le gouvernement n'était pas une domination, mais un ministère ; que la royauté existait pour l'utilité des peuples, et non les peuples pour le bon plaisir de la royauté. Comment ces sages idées avaient-elles été méconnues par ceux-là mêmes qui avaient mission de les répandre ? Le voici : Des théologiens trop zélés, oubliant que le royaume de Dieu n'est pas de ce monde, avaient fait du vicaire de Jésus-Christ le monarque temporel de toute la chrétienté ; ils lui avaient faussement attribué un pouvoir arbitraire sur les matières laïques qui ne le regardaient pas. Justement inquiets de ces prétentions, les princes avaient répondu en appelant du Pape à Dieu ; ils avaient récusé le Souverain Pontife, et affirmant ne tenir leur trône que de l'Éternel, déclaraient ne devoir compte de leurs actes qu'à Lui seul. Les casuistes romains, comme le Père Santarel, disaient : que le Pape a pouvoir de punir et de déposer les Rois, non-seulement pour hérésie et pour schisme, mais pour un crime, pour leur insuffisance ou négligence[40] ; qu'il peut non-seulement tout ce que peuvent les princes séculiers, mais même faire de nouveaux Rois et diviser les empires ; que les princes gouvernent les États comme en ayant commission de Sa Sainteté, qui les pourrait gouverner par elle-même. A quoi Richelieu répondait : Qui est le prince à qui on ne puisse faussement imputer des crimes ou de l'insuffisance à gouverner ? Qui serait le juge de ces choses ? Ce ne serait pas le Pape, qui est prince temporel, et n'a pas tellement renoncé aux grandeurs de la terre qu'il y soit indifférent. Il n'y a que Dieu seul qui en puisse être juge ; aussi les Rois ne pèchent-ils qu'envers lui, à qui seul appartient la connaissance de leurs actions[41]. Pour échapper à l'autorité du Pape, qui, en matière
temporelle, était inacceptable, le Roi ne reconnut plus que l'autorité de
Dieu, c'est-à-dire qu'il n'en reconnut aucune, puisqu'il supprima tout
contrôle humain. Les ultramontains et les gallicans étaient également dans le
faux. Le parti français n'admettait pas plus que le Roi l'immixtion du
Souverain Pontife dans le domaine laïque. Le Parlement et les états généraux
le prouvèrent plus d'une fois, en proscrivant avec sévérité les ouvrages qui
préconisaient ces maximes, mais ils n'admettaient pas pour cela l'absolutisme
du Roi. Il faut aussi le remarquer, le droit divin était une
fiction. Il pouvait exister chez les Juifs, parce que Jéhovah intervenait
sans cesse dans leurs affaires politiques, et par ses prophètes et par ses
prêtres leur désignait leur chef. Il peut encore exister dans les pays où le
chef politique est en même temps le chef religieux, comme Mais chez un peuple où ce droit n'a jamais existé, où les
Rois ont commencé par être nommés à l'élection, où l'on s'en souvient, où les
preuves en abondent, se proclamer Roi de droit divin, c'est imiter le
petit-fils d'un paysan, qui viendrait parler de la noblesse de ses aïeux,
dans une campagne où chacun aurait vu son grand-père pousser la charrue. De
plus, la royauté affirma cette doctrine nouvelle, au moment où le libre
examen, le goût des recherches historiques, de la discussion, gagnait tous
les esprits. On ne se fit pas faute de soumettre au scalpel de la pensée cette
nouveauté dangereuse du droit divin. Le jour où l'on commença à y réfléchir,
la théorie fut battue en brèche, silencieusement d'abord dans l'opinion des
philosophes, puis à mots couverts et tout à fait timidement par quelques
écrivains, qui ne prévoyaient pas bien eux-mêmes toutes les conséquences de
leurs ouvrages. Louis XIV les réprima avec une violence inouïe, au point que Le Roi reconnut trop tard qu'il n'y a de divin que Dieu, et que la parole de Dieu ; c'est pourquoi, après avoir été discutée et cent fois mise en question, la religion est sortie victorieuse de cette étamine de la raison humaine, mais la divinité du droit royal s'est évanouie. Les tyrans, pour s'assurer,
dit C'était au milieu du seizième siècle que l'ami de Montaigne écrivait ces ligues. En parlant des légendes royales, il a envie de rire, et il s'en vante. Ce rire ne sera pas tout d'abord communicatif ; tel de ses contemporains, comme Pasquier, reconnaît que ces traditions sont fabuleuses, mais estime qu'il est bien séant à tout bon citoyen de les croire, pour la majesté de l'Empire, bien qu'elles ne soient aidées d'auteurs anciens. Le doute, qui avait peu d'importance sous l'ancien système, fut éminemment subversif sous le nouveau. Quand la monarchie devient une religion, l'incrédulité devient une révolution[46]. Or la transformation de la royauté féodale en royauté de
droit divin rencontrait dès le début de la résistance. On parlait déjà sous
Richelieu de réformer les royaumes et de changer
leur gouvernement ; il était question du
public et du siècle. Rapine déplorait la
liberté mourante, et le mal de Le plus fâcheux est qu'une fois séparés par la main maladroite de Richelieu, et par l'enchaînement logique des faits qui résultèrent de cette séparation, le peuple et le Roi, marchant en sens inverse, s'éloignaient d'autant plus l'un de l'autre qu'ils marchaient davantage, et que plus le temps passait, plus la distance augmentait. Aussi se trouva-t-elle si grande, le jour où après un siècle et demi ils se trouvèrent en présence, qu'ils ne parvinrent pas à s'entendre un seul instant. |
[1] Les institutions de l'Angleterre ne sont que le développement naturel de ses anciens usages, successivement modifiés dans leurs détails par la suite des générations, et développés sans cesse, suivant les besoins de chaque époque. Les habitations politiques qui subsistent indéfiniment sont celles qui ont été bâties autour d'un noyau primitif et massif, en s'appuyant sur quelque vieil édifice central, plusieurs fois raccommodé, mais toujours conservé, élargi par degrés, approprié par tâtonnements, et rallongé aux besoins des habitants. (H. TAINE, Ancien Régime, p. 3.)
[2] Le despotisme, dit M. de Sainte-Aulaire, fut proclamé dans un pays où la liberté avait toujours été mal comprise, mais où la servitude n'avait jamais été reconnue. Le droit de remontrances du Parlement, disait d'Aguesseau, était un élément nécessaire entre l'abus de la domination de la part des souverains, et l'abus de la liberté de la part des sujets. Et il ajoutait ce mot profond : C'était un contrepoids au pouvoir plus que monarchique.
Duclos concevait de la même façon la monarchie française, quand il disait : Le pouvoir arbitraire ne détruit-il pas toute monarchie ? (Mémoires secrets, p. 569.)
[3] Mirabile fortuna e stata della Maesta del presente Re, di
aver resi soggetti ed obedienti tutti li principi, umili li parlamenti, a suoi
piedi e gli Stati del proprio regno in maniera che ninno più ardisce di
contrariare alla sue voluntà. Simul termine pero lo rende più temuto, che
amato, e sottoposto il suo governo a cambiamenti tanto più periculosi quanto
che
[4] Le baron de l'Isola en 1668.
[5] Mémoires, t. I, p. 150.
[6] Mémoires, t. I, p. 252. (En 1621.)
[7] Mémoires, t. I, p. 212.
[8] BALZAC, le Prince, p. 83.
[9] Ne semblerait-il pas, écrit Boulainvilliers, que les historiens ont eu peur d'offenser le gouvernement présent en faisant seulement connaître quel a été celui des siècles passés ? (Ancien Gouvernement, t. I, p. 317.)
[10] RICHELIEU, Mémoires, t. II, p. 421.
[11] MONTALEMBERT, Avenir politique de l'Angleterre.
[12] Richelieu tint plus d'une fois le même langage dans ces conseils platoniques qu'il adressait à son souverain, et dont il se gardait de profiter lui-même. En 1629, il dit : que les Rois sont obligés d'user soigneusement de leur puissance, et de n'en abuser pas, étendant l'exercice de la royauté au delà des bornes qui leur sont prescrites. (RICHELIEU, Mémoires, t. I, p. 580.)
[13] TALON, Mémoires, t. I. C'est chose dure et étrange, disait-il encore, qu'il soit défendu de se plaindre, et de faire entendre au Roi ses raisons, après lesquelles l'autorité demeurant en sa main tout entière, il aurait toujours le moyen de se faire obéir... Il ne faut jamais, s'il se peut, heurter directement les volontés du Roi, mais plutôt, par prières et remontrances, lui donner le moyen de faire une partie de ce que l'on désire de lui. (Ibid., p. 58.)
[14] TALON, Mémoires, t. I, p. 158.
[15] Souveraineté du Roy, par C. LE BRET, p. 1.
[16] Souveraineté du Roy, p. 512.
[17] Souveraineté du Roy, chap. IX.
[18] Édit de février 1641.
[19] RICHELIEU, Mémoires, t. I, p. 174. — Voyez Conseil secret, X1a, 8387, fol. 72. La doctrine a subsisté dans un certain parti. Un journal de 1829 s'exprimait ainsi : Quand le Roi a dit : Je veux, la loi même a parlé.
[20] Puisque le Roi avait fait mourir (le maréchal d'Ancre), le seul aveu de Sa Majesté couvrait tout autre manque de formalité, autrement ce serait révoquer en doute la puissance du Roi. (PONTCHARTRAIN, Mémoires, p. 464.)
[21] Mémoires, t. I, p. 384.
[22] Déclaration de mai 1634.
[23] BAILLY, Histoire
financière de
[24] TALLEMANT, Historiettes, t. VII, p. 34.
[25] Les autres Rois de l'Europe essayèrent aussi de faire prévaloir l'absolutisme, avec plus ou moins de succès. Celui d'Espagne y réussit, celui d'Angleterre y échoua. Le premier des Stuarts disait dans ses ouvrages que le devoir du souverain est d'ordonner, celui du sujet d'obéir. Que le Roi règne eu vertu du droit divin, que Dieu le place au-dessus de la loi. (The true law of free monarchies.) On sait quel fut le sort de Charles Ier, qui tenta de mettre ses maximes en pratique.
[26] Hæc prima mea cogitatio majestas Regis, altera magnitudo, regni... Dédicace latine citée par Sainte-Beuve dans ses Lundis. (Bibliothèque nationale, collection Bréquigny, t. CI.)
[27] Si petite que soit la diminution de l'autorité, dit le Cardinal dans ses Mémoires, elle est toujours de grande conséquence, l'expérience nous apprenant qu'il est beaucoup plus aisé de la maintenir inviolable, qu'il n'est pas d'empêcher son entière ruine, quand elle a reçu la moindre atteinte.
[28] BRIENNE, Mémoires, p. 42.
[29] RICHELIEU, Mémoires, t. I, p. 239.
[30] Le cardinal de Retz dit dans ses Mémoires que Louis XIII n'était jaloux de son autorité qu'à force de ne la pas connaitre.
[31] Histoire du tiers état, p. 179.
[32] La décadence de
[33] Le Prince, p. 33.
[34] Mémoires, t. I, p. 502.
[35] TALON, Mémoires, p. 87.
[36] J'observai le Roi (Louis XIII) pendant qu'on lui apportait le Saint Viatique ; je voyais de grosses larmes qui lui tombaient des yeux, qui faisaient connaître évidemment un commerce d'amour entre Leurs Majestés divine et humaine. (Mémoires de DUBOIS, sur la mort de Louis XIII, Édition Michaud, t. XI, p. 558.)
[37] GRANIER DE CASSAGNAC, Histoire
des causes de
[38] BOSSUET, Politique tirée des propres paroles de l'Écriture Sainte, liv. III, art. 2, proposit. 1 à 4 ; et liv. V, art. 1, proposit. 1.
[39] Esprit des lois, p. 407.
[40] On sait que Mariana, dans son livre : De Rege et institutione Regis, et toute son école, ne craignaient pas de faire l'apologie du régicide.
[41] Mémoires, t. I, p. 368. Sous le cardinal, un livre qui contenait les mêmes maximes : Optati Galli de cavendo schismate, fut condamné, par arrêt du Parlement du 23 mars 1640, à être brûlé au devant des degrés du Palais.
[42] Ce système était soutenu sur ordre du Roi, en 1561, par Claude Gousté, dans son Traité de la puissance et autorité des Rois, ouvrage de circonstance tiré des Écritures Saintes, des bons et fidèles auteurs, et des ordonnances de tous les conciles.
[43] Voyez la lettre que le P. Cotton écrivit en 1610, en réponse aux accusations dirigées contre les Jésuites. Il dit que qui résiste aux Rois, ou se rebelle contre eux, il acquiert sa damnation selon la doctrine de l'Apôtre... que l'obéissance leur est due, non parce qu'ils sont vertueux, sages, ou doués de quelques autres louables qualités, mais parce qu'ils sont Rois établis de Dieu.
[44] Servitude volontaire, p. 119.
[45] Servitude volontaire, p. 122.
[46] BALZAC, le Prince, p. 21.
[47] RAPINE, Recueil (sur les états généraux de 1614), p. 440.
[48] RICHELIEU, Mémoires, t. I, p. 286. Il ajoute : Des opinions perverses desquelles le P. Gautier et plusieurs autres ont écrit, cf. aussi l'ouvrage de Naudé, en 1626.
[49] En 1690, notamment, par Locke dans son Traité du gouvernement civil, publié à Londres.