Dans le Philopatris, le pseudo-Lucien nous représente une scène étrange. Je m’en allais par la grande rue, dit un personnage du dialogue, quand j’aperçois une multitude de gens qui se parlaient tout bas. Je m’approche, et je vois un petit vieux tout cassé, qui, après avoir bien toussé et craché, se mit à dire d’une voix grêle : Oui, il abolira les arrérages des tributs ; il paiera les dettes publiques et privées, et recevra tout le monde sans s’inquiéter de la profession, et mille autres sottises pareilles que la foule écoutait avidement. Survint un autre frère sans chapeau ni souliers et couvert d’un manteau en loques. J’ai vu, dit-il, un homme mal vêtu, les cheveux rasés, qui arrivait des montagnes. Il m’a montré le nom du libérateur écrit en signes. Il couvrira d’or la grande rue. — Ah ! m’écriai-je enfin, vous me faites l’effet d’avoir beaucoup dormi et longtemps rêvé ; vos dettes s’augmenteront au lieu de diminuer, et tel qui compte sur beaucoup d’or perdra jusqu’à sa dernière obole. Cependant un des assistants me prévient de me trouver au rendez-vous de ces fourbes. Je monte au haut d’un escalier tortueux, et j’entre, non dans la salle de Ménélas toute brillante d’or, d’ivoire et de la beauté d’Hélène, mais dans Un méchant galetas, où je vois des gens pâles, défaits, courbés contre terre. Dès qu’ils m’aperçoivent, ils me demandent tout joyeux quelles mauvaises nouvelles je leur apporté. Mais tout va bien dans la ville, leur répondis-je, et l’on s’y réjouit fort. Eux, fronçant le sourcil et secouant la tête : Non pas, dirent-ils, la ville est grosse de malheurs. Alors, comme des gens sûrs de leur fait, ils commencent à débiter mille folies : que le monde va changer de face, que la ville sera en proie aux dissensions, que nos armées seront vaincues. Ne pouvant plus me contenir, je m’écrie : Misérables, cessez vos indignes propos, et que les malheurs où vous voulez voir votre patrie plongée retombent sur vos têtes ![1] Quels sont ces pessimistes à outrance qui s’entretiennent des affaires publiques et attendent leur joie des désastres et du deuil universel ? Si le Philopatris était de Lucien et ne contenait nombre de traits qui forcent la critique à en avancer la date de près de deux siècles, cette scène serait tout à fait vraisemblable dans les derniers jours du règne de Marc-Aurèle. L’empereur, après avoir marié son fils Commode, a quitté Rome le 5 août de l’année 178, pour aller combattre les Barbares qui menacent les frontières du Danube. La plupart des bons citoyens sont pleins d’espoir. La fortune dé l’empire, le courage des soldats, le dévouement et l’habileté d’un prince qui ne respire que pour la patrie suffisent à les rassurer. Des rancunes sourdement couvées, des vœux de revanche confiés au ciel et de chimériques espérances fermentent dans le cœur de quelques-uns, et se font jour dans le huis-clos des entretiens secrets. Ces mécontents, ce sont des opprimés et des suspects, des chrétiens. En Asie, en Gaule, on leur a couru sus comme à des bêtes fauves. On les met hors la loi et le droit commun. La foule les maltraité, et le pouvoir, à sa fantaisie, les frappe sans pitié. La paix leur est fatale. La guerre étrangère détourne les esprits, empêche de penser à eux. Ils se réjouissent de la guerre. La guerre les venge : tout bas, ils souhaitent des défaites. Et si l’empereur y restait ! Si les barbares qui, il y a quelques années, ont failli le prendre, réussissaient cette fois ! Si le flot de l’invasion qui est venu battre naguère les murs d’Aquilée emportait toutes les digues, se répandait dans l’empire, dévorait les cités avec leurs temples et leurs vaines idoles, détruisait cette fière civilisation avec toutes ses œuvres et toutes ses pompes ! Les Barbares ne peuvent-ils point être les instruments des vengeances de Dieu et les ouvriers de sa justice ? L’ordre véritable et le grand renouvellement des choses ne doivent-ils pas sortir d’un cataclysme inouï ? L’heure depuis longtemps attendue n’est-elle pas proche ? Quand le feu sortit des entrailles de la montagne en convulsion, que les ténèbres couvrirent le ciel riant de la Campanie, et qu’une pluie de cendres et de pierres calcinées engloutit plusieurs villes florissantes, quelques-uns crurent que le jour du Seigneur arrivait[2]. Combien de frères sont morts après l’avoir espéré jusqu’au bout ! Combien encore l’appellent et l’annoncent[3] ! Comme les bœufs blancs du railleur populaire[4], les chrétiens pouvaient dire aussi en parlant de Marc-Aurèle : S’il revient, c’est fait de nous. Le philosophe Celse, après leur avoir prodigué l’injure, l’ironie et les menaces, les adjurait alors de servir l’État et de le défendre[5]. La riposte était facile. L’État n’avait-il pas abdiqué tout devoir de protection à leur égard ? Est-ce qu’il leur avait accordé ce qu’il ne refusait a personne, la liberté sous la loi commune, la sécurité, le droit de penser et de vivre ? Ils ne connaissaient l’État que par ses violences. Ils ne pouvaient craindre pis des Barbares. Quelle ironie de prétendre qu’ils aident à vivre une société qui les repousse, qu’ils servent de leurs vœux, de leurs conseils et de leurs bras ceux dont le premier soin, après la victoire, sera de se retourner contre eux et de travailler à les détruire ! On peut le croire, la guerre extérieure, qui pour tous était un sujet d’anxiété et d’alarmes, fut saluée par les chrétiens comme une libératrice. Les glaives étaient occupés ailleurs ; l’ennemi, celui vers qui montaient les protestations et les plaintes, celui qu’on accusait de tout ce qu’il laissait faire ou n’empêchait pas, était parti. S’il tombait là-bas, soit dans la mêlée, soit par quelque maladie, si l’empire s’entrouvrait sous le choc des Barbares, ne serait-ce pas la preuve que Dieu prend ses fidèles en pitié, les venge a la fin d’une manière souveraine, met un terme à des tribulations qui durent déjà depuis si longtemps ? Les mauvaises nouvelles, dans les cercles chrétiens, étaient souhaitées sans doute, inventées peut-être, rapidement répandues et avidement accueillies. Les circonstances, du reste, étaient favorables a la variété des rumeurs. Marc-Aurèle n’avait pas le génie militaire de Trajan, et son activité n’y suppléait qu’imparfaitement. La campagne traînait. Nul coup décisif n’était frappé. Une brillante victoire des Romains, avant le mois d’août 179, avait ébranlé la ligue des Barbares sans la dissoudre. Ils étaient plutôt fatigués que réellement battus, quand la peste emporta Marc-Aurèle à Vienne, le 17 mars 180. Il mourait au poste que la fortune et le malheur des temps lui avaient assigné, au milieu des soucis de son métier d’empereur qu’il remplissait en conscience, mais sans enthousiasme, l’âme plutôt faite pour la cité de Jupiter que pour celle de Cécrops. Lucius Ælius Aurelius Commode avait alors dix-neuf ans. Il était auprès de son père, associé plutôt à ses dignités qu’à ses travaux. Déclaré César a l’âge de cinq ans, proclamé Germanique à douze, revêtu de la puissance tribunitienne a quinze, salué imperator l’année suivante, puis consul et Auguste en 177, et consul pour la seconde fois en 178, décoré en 179 du titre d’imperator pour la quatrième fois, il était clairement désigné à la succession paternelle. Il prit donc l’empire sans embarras ni contestation, comme un bien d’héritage. Ses goûts et son entourage particulier le rappelaient à Rome. Il se hâta de traiter et y entra en triomphe. L’âge des Antonius, cet âge d’or, presque unique dans l’histoire (95-180), était fini. Le règne de Marc-Aurèle avait été grave et triste. Au dehors, sur presque toutes les frontières, les Barbares ligués, et d’une audace croissante et inouïe jusqu’alors ; au dedans des calamités de toute espèce, incendies, tremblements de terre, reste, famine. C’était peu ; en dépit de la mondaine et frivole Faustine, la cour était chagrine et morose, encombrée de philosophes, assombrie de fronts austères et de sourcils plissés. L’air du maître donnait le ton. L’empereur était une âme détachée, donnant aux graves méditations le temps qu’il pouvait dérober au service de l’État, dédaigneux des bruyants et grossiers plaisirs de la foule, paraissant rarement et de mauvaise grâce aux jeux publics, sachant mal y déguiser son ennui, ou y portant des soucis d’humanité que beaucoup trouvaient intempestifs et choquants. On ne pouvait s’empêcher de respecter Marc-Aurèle ; mais sous lui Rome ne s’amusa pas. Les belles fêtes reprirent sous Commode. Le plaisir à outrance fut la devise du nouveau règne. Les vrais philosophes s’éclipsèrent ; les faux laissèrent le masque. Bouffons, pantomimes, jockeys, rétiaires et mirmillons prirent le haut du pavé. L’empereur nouveau les traitait en camarades. Les prétoriens furent comblés, jouirent de toutes les licences. On revit les orgies de Néron, la vie du prince partagée entre les bains, les festins et les spectacles, la domination des affranchis et des femmes, l’étalage des plus monstrueuses débauches, l’effusion du sang tournée en jeu ou en moyen de remplir le trésor, et la servilité du sénat égale à la capricieuse tyrannie du prince et de ses créatures. Retiré au fond de son palais dont il avait fait un mauvais lieu, ou dans une villa des faubourgs, abandonnant les soins du gouvernement à des favoris de bas étage, les renvoyant comme des valets quand il en était fatigué, ou les livrant aux vengeances de la foule ameutée avec la même facilité qu’il les avait tirés du néant ; inepte à toute application sérieuse, farouche à défendre ses plaisirs, ne sortant de sa retraite que pour paraître aux jeux, parader dans l’arène, jouer à l’Hercule contre des hommes déguisés en monstres, ou percer de loin et abattre sans péril des bêtes féroces, le fils de Marc-Aurèle donna au monde romain le spectacle de saturnales de près de treize ans. Commode n’était pas méchant, écrit Dion Cassius à la première ligne du chapitre qu’il lui a consacré[6]. C’était un esprit faible, que n’avaient pu former ni les sages conseils de son père, ni les leçons des meilleurs maîtres dont son enfance avait été entourée. La faiblesse d’esprit de Commode est écrite sur les marbres antiques qui le représentent. Les traits de sa physionomie sont réguliers ; mais elle est fade, neutre et terne, avec on ne sait quoi d’étonné et comme d’hébété. C’est un visage que nulle pensée n’éclaire, et qu’ont pu traverser seulement des éclairs de féroce malice. Ses médailles nous montrent de même une tête absurde, allongée en forme de citron, un crâne étroit où la place manque pour un cerveau de volume ordinaire, tête d’idiot ou de mystique[7]. Qui voudrait juger l’homme devrait avoir égard à l’imbécillité native dont ses portraits portent la visible marque, et qui seule permet de s’expliquer cette vie de mineur en constante tutelle volontaire, où les instincts de la brute grandirent avec l’âge. La dernière année de la vie de Commode est vide de moments lucides. Il faudrait considérer aussi que cette âme misérable d’enfant capricieux fut aigrie et ensauvagée, si l’on peut dire, par les fréquents complots que son indignité excita, et que nombre de condamnations prononcées par lui furent des actes de défense personnelle. Quoi qu’il en soit de la conduite personnelle du prince, l’empire sous son règne goûta la paix. Les inscriptions monétaires : temporum felicitas, sœculi felicitas, publica felicitas, sont plus vraies au temps de Commode qu’au temps de Marc-Aurèle. Par un jeu singulier de la fortune, de ces deux princes, dont l’un fut presque un saint et l’autre un scélérat achevé, c’est le second sous lequel le plus grand nombre vécut heureux et tranquille. Qu’importaient aux provinciaux les scandales de la cour ? Les tragédies sanglantes ou les comédies ridicules se jouaient à Rome. Commode était la terreur des riches, le dégoût ou la risée secrète des honnêtes gens.  Rome même, qu’importait à la masse du petit peuple ? La foule aime les princes qui s’amusent. La grande machine du gouvernement et de l’administration souffrait peu des excentricités du prince. Hors de Rome, on ne sentait nul contrecoup de la stupidité ou de l’avilissement du souverain. De solides généraux commandaient les armées, et les provinces avaient en somme des gouverneurs d’habileté et de sagesse moyenne, comme toujours. .Les chrétiens surtout furent heureux sous le régna de Commode, et durent bénir le ciel d’avoir donné au monde un roi fainéant, uniquement occupé de ses plaisirs. Sous le règne de l’empereur Commode, écrit Eusèbe, les affaires de la religion demeurèrent dans un état tranquille, et par la grâce de Dieu l’Église put jouir de la paix par toute la terre[8]. Cette paix bienfaisante, ajoute l’historien, lui permit de faire les plus précieuses conquêtes dans les rangs supérieurs de la société. Ce ne fut pas sans doute un changement à vue. La guerre faite aux chrétiens n’avait été, sous Marc-Aurèle, ni universelle, ni continue, ni partout d’égale rigueur. Il convient de remarquer qu’en cette matière nous n’avons que des témoins à charge, et des témoins intéressés ; les protestations de ceux qui se plaignent : et il est naturel qu’on grossisse les injustices dont on se dit victime. Les partis crient aisé-, ment, si peu qu’ils soient touchés, appellent violence ce que les autres nomment justice, excellent à effacer leurs méfaits ou leurs torts, et se font parfois des martyrs a bon marché. Celse, il est vrai, est un adversaire, et il semble, à le lire, que la persécution ait eu le caractère d’une extermination. Mais ce sont façons de parler de polémiste. Si en 178 les chrétiens se comptaient sur les doigts et n’étaient plus que quelques fugitifs[9], le même philosophe eût-il songé à leur offrir comme un traité de paix ? eût-il pris la peine de les adjurer de ne point bouder l’empire et de concourir de bon cœur au service et à la défense de l’État[10] ? A Rome particulièrement, les chrétiens avaient peu souffert. C’est le privilège des capitales populeuses que la vie privée y est mieux murée, l’œil de la police et celui des voisins moins bien ouvert, les préjugés et le fanatisme moins susceptibles, la liberté individuelle plus assurée et plus au large. Les lois peuvent peu contre la force des choses et la vitalité des sentiments. La loi qui frappait les collèges illicites n’avait pas empêché la société chrétienne de se former et de s’accroître, ni ses assemblées de se tenir eu quelque sorte en permanence. La loi était tournée ou plutôt non appliquée. On ne peut supposer que la police ignorât la tenue des assemblées chrétiennes. Elle eût ignoré ce que trop de gens ne .pouvaient manquer de savoir. Qu’on songe qu’au milieu du troisième siècle l’état-major de la société — nous entendons tous ceux qui, à un degré quelconque de la hiérarchie, avaient charge de l’administration des âmes ou des intérêts — comptait à Rome un évêque, quarante-quatre prêtres, sept diacres et autant de sous-diacres, et quatre-vingt-douze agents ou servants inférieurs, et que quinze cents veuves, pauvres ou malades, sans parler de ceux qu’on aidait au loin, formaient la clientèle mobile des personnes assistées par l’Église[11]. Même en réduisant notablement ces chiffres, on doit supposer, soixante-dix ans auparavant, un clergé nombreux, des fidèles se comptant par milliers et un budget considérable, c’est-à-dire toute une cité organisée dans la cité. La réunion de l’évêque, des prêtres et des diacres seuls exigeait sans doute bien des précautions, pour ne pas offusquer une opinion mal intentionnée en général. Les fidèles apparemment se voyaient entre eux, communiquaient par petits groupes séparés, lesquels, fréquemment visités par des frères venus des diverses villes de la Gaule, de l’Afrique ou de l’Orient, offraient un terrain commode de prédication et de propagande aux subtils docteurs syriens ou alexandrins. Les prêtres pouvaient former le lien de ces réunions domestiques, sur lesquelles le pouvoir avait peu de prise. On peut croire, du reste, qu’il n’en prenait pas souci en général. Une saisie et une exécution en masse, quand elles n’eussent pas répugné à l’humanité de Marc-Aurèle, n’étaient pas possibles. Les poursuites d’office étaient exceptionnelles, même en matière criminelle. L’État n’instruisit contre quelques chrétiens que par accès : il ne frappa sans doute que ceux qui faisaient scandale, étaient signalés comme remuants ou dangereux, ou particulièrement déférés aux tribunaux comme sacrilèges ou perturbateurs des cérémonies publiques. La grosse masse était prudente et laissée en repos. La tolérance sous Commode, dont Eusèbe témoigne, ne fut pas établie par décret. Elle exista de fait, non de droit, et le fait même souffrit çà et là, dit-on, plus d’une exception. Commode, au commencement, suivit les conseils des amis de son père et laissa à la tête du gouvernement ceux qu’il y trouva, Paternus au prétoire et Aufidius Victorinus à la préfecture urbaine[12]. L’année même de l’exécution de Paternus (183), Victorinus fut fait consul pour la seconde fois, et garda vraisemblablement jusqu’à sa mort le gouvernement de la ville, 185 ou 186. Il eut pour successeur comme préfet Seius Fuscianus, lequel obtint un second consulat en 188, et fut destitué, peut-être mis à mort, l’année suivante. Au printemps de cette même année 189, Helvius Pertinax, au retour de son proconsulat d’Afrique, devint préfet de Rome, succédant immédiatement à Fuscianus. Ces trois personnages, qui tinrent la préfecture urbaine, pendant le règne de Commode, n’étaient pas des hommes nouveaux. Ils avaient fait leurs preuves sous Marc-Aurèle ; ils étaient de son intimité, hommes d’âge et de mœurs graves ; attachés aux maximes d’ordre et de bonne discipline. L’un deux, Fuscianus, avait le renom d’une extrême sévérité[13]. De même, la règle du tirage au sort des provinces sénatoriales ne fut pas troublée. La liste presque complète que nous avons des gouverneurs de l’Asie proconsulaire ne contient que des personnages ayant obtenu le consulat sous le régner précédent[14]. Entre ces mains expérimentées, la justice ne dut ni s’avilir, ni se relâcher. Elle put cependant s’attendrir et s’humaniser à l’égard des chrétiens, par suite de diverses et toutes-puissantes influences. Le temps est la première a noter. Il travaillait pour les chrétiens. A mesure qu’il s’écoulait, le fameux grief de la nouveauté de la secte devenait moins fondé. Chez un peuple où la tradition avait tant d’autorité qu’elle seule pouvait légitimer l’absurde, et où beaucoup jugeaient la valeur des institutions et des croyances sur leur âge, un siècle et demi de durée était comme un commencement de consécration. Le succès est la seconde. La vogue du christianisme avait été constamment croissante depuis la prédication des apôtres. Les chrétiens gagnaient chaque jour du terrain : ils étaient partout, et déjà, sans trop faire sourire, ils pouvaient parler de la conquête pacifique du monde romain[15]. La proscription, semblait être pour la secte la plus féconde des propagandes. Tertullien écrivait que la sécession des chrétiens ferait le désert dans l’État[16], évidente exagération oratoire, il est vrai II n’y a pas de parti qui ne s’appelle volontiers tout le monde. Les chrétiens étaient, au point de vue numérique, une très petite minorité, mais active, vivante, ouvrant ses voiles à l’avenir, et chaque jour s’étendant et s’accroissant. La qualité des personnes qui s’affiliaient et entraient dans la communauté est un signe de l’incontestable succès des chrétiens. Ils se recrutaient moins, comme on sait, par les naissances que par les conversions[17], et celles-ci commençaient a entamer la classe des honestiores. La majorité des chrétiens appartenaient encore aux couches populaires : cependant la société, parmi ses adeptes, ses champions et ses amis, pouvait depuis un demi-siècle compter des philosophes, des lettrés, des avocats, des hommes classés, bien posés et riches. Des recrues comme les philosophes saint Justin et Athénagore, comme Minutius Félix et Tertullien, et tant d’autres, amis avoués ou secrets, donnaient du relief à la société, et étaient de nature à faire réfléchir les païens. Une autre cause spéciale dut modifier sous Commode la situation des chrétiens : c’est la présence à la cour de Marcia, sa favorite, l’influence durable et toute-puissante qu’elle exerça sur le faible esprit du prince, et la sympathie profonde de cette femme pour les chrétiens, dont elle partageait, croyons-nous, la foi[18]. D’autres chrétiens faisaient encore partie de la domesticité du palais : Prosenès, Carpophore et Calliste, esclave de ce dernier, plus tard le conseiller de l’évêque Zéphyrin et son successeur. Dans le palais du prince, si humbles que fussent leurs fonctions, les chrétiens étaient les défenseurs naturels de la cause et de la famille chrétiennes. Le fait seul de leur présence a la cour, en admettant chez eux une foi sincère, devait, en ce temps de servilité, servir de bouclier à la secte. Comment accuser ceux que le maître semblait couvrir lui-même en les abritant sous son toit ? Marcia pouvait davantage. Sa position de femme aimée et d’impératrice de la main gauche, et plus encore sa virilité dame, lui donnaient le franc parler et lui permettaient d’oser beaucoup. C’était une jeune femme de basse extraction. Elle avait été élevée par un eunuque nommé Hyacinthe, prêtre de l’église de Rome, qui sans doute l’avait initiée aux croyances dont il faisait profession. En 183 elle passa avec Eclectus de la maison d’Ummidius Quadratus, mis à mort après une conspiration avortée, dans la maison de l’empereur Commode, s’insinua dans la faveur du prince, et bientôt fut toute-puissante sur cette âme molle, qu’elle gouverna a son gré. Le peu que l’on sait d’elle par les historiens du temps permet de se la représenter comme une femme de tête et de cœur. Elle le fit voir en diverses circonstances, et jusque dans le meurtre de Commode, qui fut de sa part un acte de légitime défense. Dion nous dit qu’elle aimait les chrétiens et leur rendit nombre de bons offices[19]. Ceux-ci ne pouvaient avoir en effet auprès de l’empereur un avocat dont la voix fût plus sympathique et mieux écoutée. Ils ne demandaient en somme que la liberté. Marcia la leur assura directement ou indirectement, en sachant faire dire et faire savoir de près ou de loin à ceux qui avaient le droit du glaive ce qu’il était utile a ses amis qu’on sût et qu’on apprît : c’est que les condamnations pour affaire d’opinion et de croyances religieuses n’étaient pas agréables au pouvoir. Le préfet de Rome, qui peut-être au commencement avait suivi les errements de quelques-uns de ses prédécesseurs, se le tint pour dit. Sa sévérité proverbiale apparemment n’excluait pas la sagesse pratique du courtisan et le désir de ne point déplaire aux puissants du jour. Il se garda désormais des excès d’un zèle qui eût été mal vu en haut lieu. Dans une circonstance où un chrétien, un esclave, était déféré à son tribunal pour un grave délit de droit commun, il semble qu’il sut faire abstraction du fait de christianisme, lequel, en un autre temps, et un autre vent soufflant à la cour, eût suffi seul à lui faire prononcer une sentence capitale. Il s’agit de l’affaire, de Calliste, racontée dans le livre des Philosophumena[20]. Calliste, chargé par son maître de gérer une banque, avait reçu en son nom de diverses mains des sommes importantes. Fut-il malhonnête ou malhabile ? car ne saurait dire. Il perdit cet argent ; l’auteur dit qu’il le gaspilla. Lui, Calliste, prétendait qu’il l’avait prêté et savait à qui. Après diverses aventures, une fuite et une noyade volontaire manquées, un dur travail sous la chaîne chez son maître, l’intervention bénévole des frères, qui obtinrent qu’il fût détaché, il promit de retrouver l’argent qu’on l’accusait d’avoir dissipé. Un jour de sabbat, il se rendit bravement à la synagogue où les juifs étaient assemblés, apparemment pour y relancer des débiteurs récalcitrants. Il y eut un grand vacarme ; des gros mots et des coups furent échangés. Finalement Calliste fut appréhendé par un groupe de juifs et mené au préfet. Ceux-ci disaient que c’était un chrétien qui avait envahi leur assemblée de prières et avait osé les troubler dans l’exercice de leurs droits. Les faits n’étaient pas niables. Carpophore, le maître de Calliste, prévenu à temps, défendait son esclave avec tiédeur ou plutôt l’abandonnait, alléguant qu’il n’était pas chrétien. Fuscianus le fit fouetter et le condamna aux travaux forcés des mines de Sardaigne[21]. Assurément, la peine était grave ; mais le délit était de ceux que la loi qualifiait de crimen atrocioris injuriœ, avec des circonstances aggravantes à cause du lieu, de la nature du fait et de la condition de l’accusé[22]. On ne voit pas que dans cette affaire le préfet de Rome ait fait acception de la qualité de chrétien que les accusateurs faisaient sans doute sonner bien haut, et que Calliste ne niait pas. Et la preuve que cette qualité n’avait pas déterminé la condamnation, c’est que l’Église, par la bouche de son chef autorisé, ne reconnut pas au condamné le titre de confesseur souffrant pour la foi, puisque, de propos délibéré, celui-ci omit son nom sur la liste de ceux dont Marcia, fort peu de temps après, se fit fort d’obtenir la grâce. Ce fait est sans doute un de ceux auxquels Dion fait allusion dans le passage que nous avons cité plus haut. Il y avait aux mines de Sardaigne plusieurs chrétiens précédemment condamnés. On ignore en quelles circonstances, en quel nombre et par qui — les historiens et les chroniqueurs ne descendant pas dans les détails jusqu’à l’infiniment petit. — Or, Marcia, dit l’auteur des Philosophumena, Marcia, concubine de Commode, qui aimait Dieu, voulant faire une bonne œuvre, appela auprès d’elle le bienheureux Victor, alors évêque de l’Église, lui demanda quels étaient les martyrs qui se trouvaient aux mines de Sardaigne. Victor lui remit tous les noms, hors celui de Calliste dont il savait les méfaits. Marcia ayant obtenu de Commode ce qu’elle souhaitait, confia la lettre de délivrance à un eunuque du nom de Hyacinthe, prêtre de Rome. Celui-ci passa en Sardaigne, et ayant remis la lettre à celui qui gouvernait le pays, délivra les martyrs, à l’exception de Calliste. Alors Calliste se jetant à ses pieds, tout en larmes, le supplia de l’en mener avec les autres. Hyacinthe, touché par ses pleurs, demanda au gouverneur de le laisser aller : il ajoutait qu’il avait élevé Marcia et qu’il prenait tout sur lui. Le gouverneur céda et élargit aussi Calliste. Cependant, quand ce dernier arriva à Rome, Victor fut très contrarié de ce qui s’était fait ; mais comme il avait bon cœur, il ne dit rien. Toutefois, pour éviter les récriminations de plusieurs — car les méfaits de Calliste n’étaient pas bien vieux — et pour satisfaire Carpophore, qui protestait, il lui assigna pour séjour Antium, avec une pension alimentaire mensuelle[23]. Voilà des faits curieux : l’évêque de Rome appelé au palais pour donner des renseignements, venant conférer avec la belle Marcia, la toute-puissante favorite, lui remettant la liste nominative des chrétiens qui étaient au bagne de Sardaigne ; Marcia obtenant des lettres de grâce pour les condamnés et étendant si loin son influence, qu’il suffit de son nom prononcé pour faire lever l’écrou d’un des derniers venus dont le nom cependant n’est pas marqué sur le décret d’amnistie. Qui pouvait après cela, à Rome même, en l’absence de délits de droit commun, songer à accuser les chrétiens et à les poursuivre ? Quel juge eût eu la hardiesse de les condamner quand on savait quelles influences régnaient à la cour, et que celle qui avait dans sa main l’esprit du prince les couvrait de sa protection ; quand on savait que Commode, qui, si ce n’est sur ses plaisirs, ne pouvait rien refuser à Marcia, venait à sa prière d’amnistier ceux qui avaient été condamnés dans les formes ? Les lettres de grâce signifiaient à chacun la volonté du prince et sonnaient comme un ordre. Quelques-uns peut-être blâmaient tout bas cette abdication du pouvoir désarmant devant des factieux dont l’audace, par suite, serait accrue, estimaient fâcheuse cette dérogation aux traditions de la politique sérieuse, trouvaient que le prince avait d’étranges faiblesses, en abaissant la majesté de la loi devant les caprices d’une femmelette éprise de dangereuses folies et encanaillée en de suspectes accointances. Mais si, en secret, on jugeait sévèrement les actes du souverain, force était de paraître au moins penser comme lui, de ne pas aller à rencontre d’une volonté assez clairement exprimée, de réputer inviolables ceux, quels qu’ils fussent, sur lesquels il étendait Une main protectrice. Il serait fort intéressant de savoir si l’amnistie accordée aux chrétiens des mines de Sardaigne fut généralisée et étendue à tous les autres bagnes et lieux de détention de l’empire où pouvaient se trouver des chrétiens. On peut le supposer, car le bon vouloir de Marcia embrassait sans doute tous les membres de l’Église, et sa toute-puissante influence allait aussi loin que l’autorité de Commode. Mais nous n’avons sur ce point aucune donnée positive. Sans le récit de l’auteur des Philosophumena, nous ignorerions même la démarche qu’elle fit auprès du prince et l’envoi des lettres de grâce aux groupes des condamnés de Sardaigne. N’y a-t-il pas autre chose sous l’expression générale dont Dion s’est servi[24] ? L’amnistie fut-elle partielle ou plénière ? L’élargissement de ceux qui souffraient pour la foi épuisa-t-elle la bienveillance de Marcia ? Essaya-t-elle davantage en faveur des chrétiens ? L’Église entière était captive dans l’empire. Voulut-elle et pût-elle lui faire obtenir plus d’air et de joui1, assurer a ses réunions plus de liberté ? On l’ignore. Elle ne pouvait guère changer l’opinion publique, faire taire les défiances et les préventions ; c’était affaire au temps et à la sagesse des fidèles. On pouvait imposer le silence aux délateurs et l’abstention à la police. Mais vider une seule prison, c’était déjà empêcher presque sûrement les autres de se remplir ; car le fait répandu était une claire indication el une règle de conduite donnée aux proconsuls, aux gouverneurs et aux autorités locales. Bien peu, parmi les présidents provinciaux, sévissaient de bon cœur contré les chrétiens. La plupart estimaient ce devoir ingrat et fâcheux. C’était leur être certainement agréable que de les en dispenser. Quant aux mêlés et aux fougueux, il était à croire qu’ils comprendraient, par l’acte du prince, ce qui pouvait déplaire à la cour. Donc, en admettant même que le fait raconté dans le livre des Philosophumena ait été isolé, il ne put manquer d’avoir au loin une heureuse influence dans un temps où les moindres signes du pouvoir valaient des décrets. L’histoire de Calliste, qu’on lit dans les Philosophumena, bien que l’esprit de parti et la haine ecclésiastique y percent çà et là, nous fournit aussi de précieuses clartés sur l’état de la société chrétienne au temps de Commode. Les purs modèles d’exquise vertu évangélique ne manquaient pas assurément alors dans l’Église : cependant beaucoup mêlaient déjà aux nobles soucis de la vie intérieure des préoccupations d’ordre subalterne. Le chrétien Carpophore, affranchi du palais, fait la banque ; Calliste, son esclave, tient boutique de prêts à intérêt ; nombre de fidèles lui portent leur argent pour le faire valoir et fructifier... Calliste, dans ses spéculations, est d’honnêteté contestée. Il fait banqueroute, sinon par improbité démontrée, au moins pour avoir voulu trop gagner. Il se sauve, veut se tuer, se jette à l’eau, est enchaîné à la meule. Les fidèles réclament vivement leur argent, font détacher Calliste, moins peut-être par humanité que pour rentrer dans leurs fonds. Carpophore altère sciemment la vérité devant le tribunal de Fuscien. Tout cela n’est pas absolument édifiant. Certes, il serait injuste de juger de l’Église tout entière par ce petit coin de tableau. Mais ce récit défend aussi d’étendre trop généreusement à tous les fidèles les traits d’humilité, d’abnégation, de désintéressement et de pardon des injures qu’on rencontre ailleurs. Les bonnes âmes étaient probablement fort nombreuses dans la communauté chrétienne ; mais, comme dans toute société vivante, où la plupart s’accommodent aux conditions de la vie commune, il y avait bien de l’ivraie mêlée au pur froment. Le divin se raréfie ou s’appauvrit ; l’élément humain déborde et se montre avec les traits ordinaires qu’il a partout. C’est un fruit, et par conséquent un témoignage de la paix extérieure dont jouissaient à ce moment les chrétiens dans l’empire. Il n’y a pas lieu de croire que la facilité de Commode, et particulièrement la remise de peine accordée par lui aux condamnés de Sardaigne, ait été autre chose qu’un cadeau fait à Marcia et un gage d’amour qu’il lui donna dans un instant de bonne humeur ou d’effusion. On ne saurait y voir le dessein réfléchi d’inaugurer a l’endroit des chrétiens une politique libérale, et moins encore un signe que l’empereur était intérieurement touché par la valeur morale des idées nouvelles. Ce grand enfant dépravé, généreux ou féroce, selon les heures, suspendu aux caprices de ceux de son entourage qui savaient le prendre, vivait au jour le jour, incapable de longues pensées, étranger aux gravités de la politique comme aux profondeurs du sentiment religieux. Lampride nous raconte qu’il faisait parfois office de victimaire et immolait de sa main[25] : c’est qu’il aimait à verser le sang devant les autels comme dans l’amphithéâtre. C’était plaisir de gladiateur. Il célébrait, nous dit-on, les cérémonies isiaques, la tête rasée et portant l’Anubis[26]. C’est qu’il aimait la représentation, les beaux costumes et les brillants spectacles. On ajoute même qu’il s’amusait a frapper rudement les têtes des officiants isiaques avec l’Anubis d’airain, et que, dans d’autres circonstances, il forçait les prêtres de Cybèle à s’enfoncer plus avant dans les chairs leurs couteaux sacrés[27]. Autant de jeux dont le sang et les grimaces de la douleur étaient un assaisonnement. Vainement on chercherait une croyance dans le cœur de Commode et une idée dans son étroite cervelle. Sous son règne cependant, surtout depuis que Marcia eut pris possession de cette âme molle, l’Église fut parfaitement tranquille. Le licet esse ne fut officiellement promulgué nulle part. Il fut partout sous-entendu que, par grâce tacite et bon plaisir souverain, les chrétiens auraient la permission d’être. Il va sans dire que cette permission, garantie fort précaire pour le présent, n’engageait en rien l’avenir. |
[1] Lucien, Philopatris, 19.
[2] Oracul. Sibyll., éd. Alexandre, liv. IV, vers 130-135.
[3] En Palestine, en Syrie, en Phrygie, il y avait à ce moment un réveil du prophétisme des premiers temps. Les visions et les révélations abondaient. (Eusèbe, Hist. ecclés., V, 16,17, 18 ; Contra Celse, VII, 3, 9).
[4]
Οί βοές οί
λευκοί Μάρκω
τώ Καίσαρι
χαίρειν
ήν δέ συ νικησης, άμμες άπωλολώμεθα
[5] Contra Celse, VIII, 72.
[6] Οΰτος (ό Κόμμοδος) πανοΰργος μέν ούκ έφυ, άλλ' έι καί τις άλλος άκακος (LXXII, 1).
[7] Voir, en particulier, les exemplaires en grand bronze du cabinet des médailles, qui portent la marque de la XVIIe puissance tribunitienne.
[8] Eusèbe, Hist. ecclés., V, 31.
[9] Contra Celse, VIII, 70.
[10] Contra Celse, VIII, 72.
[11] Lettre de l’évêque de Rome Corneille, dans Eusèbe, Hist. ecclés., VI, 43.
[12] Il avait succédé à Lucius Sergius Paulus, en 177 eu 178. (Notes inédites de Borghesi sur les préfets de Rome.)
[13] Hominem severum. (Capitolin, Pertinax, 4.)
[14] Waddington, Fastes des provinces asiatiques de l’empire romain, p. 238-245.
[15] Contra Celse, VIII, 71.
[16] Apologétique, 34.
[17] Tertullien, Apologétique, 18.
[18] Voir, dans la Revue archéologique (numéro de mars 1870), notre étude sur Le christianisme de Marcia, la favorite de l’empereur Commode, lue à l’Académie des inscriptions, en novembre 1878.
[19] Dion, LXXII, 4.
[20] Philosophumena, IX, 12.
[21] C’était la peine légale pour l’esclave, dans le cas d’atroæ injuria. On lit en effet, dans les Règles juridiques de Paul : Servus qui injuriam aut contumeliam fecerit, si quidem atrocem, in metattum damnatur. (Jul. Pauli, Receptœ sententiœ, V, tit. IV, 10.)
[22] Atrocem autem injuriam aut persona, aut tempore, aut re ipsa fieri. (Digeste, XLVII, X, 7, § 8.) — Des lois postérieures édictèrent la peine de mort contre celui qui, envahissant une église, insulterait les prêtres ou profanerait les objets sacrés. (Cod. Theod., XVI, II, 31.)
[23] Philosophumena, IX, 12.
[24] Dion, LXXII, 4.
[25] Habitu victimarii victimas immolaret. (Lampride, Commode, 6.) — Sacra Mithriaca homicidio vero polluit. (Id., ibid., 9.)
[26] Sacra Isidis coluit, ut et caput raderet et Anubim portaret.... quum Anubim portaret capita Isiacorum graviter obtundebat. (Lampride, Commode, 9.)
[27] Lampride, Commode, 9.