Nombre d'hommes et de navires qui la composent. — Départ. — La Loire et l'Argus laissés en arrière. — Reconnaissance des îles de Madère et de Ténériffe. — Petit fort français, où une poignée de Français se couvrent de gloire. — Feu à la frégate.Une partie de nos colonies fut restituée à la France par le traité de 1814 ; nos établissements sur la côte occidentale d'Afrique furent de ce nombre ; mais le gouvernement Anglais ne manqua pas de garder nos plus belles possessions, au nombre desquelles se trouvaient Malte et l'Ile-de-France ou Saint-Maurice. La première est dans leurs mains depuis 1800, et la seconde depuis 1810 : je prie Dieu qu'ils nous les rendent ! Le Ministre de la marine s'occupa, dès 1814, de préparer des expéditions pour prendre possession des divers pays qui venaient de nous être rendus. Ses premiers soins eurent pour objet la Martinique et la Guadeloupe ; le tour du Sénégal allait arriver, lorsque les événements de 1815 dérangèrent ou du moins suspendirent tous les projets ; cependant, l'expédition du Sénégal fut ordonnée, préparée, et, en peu de temps, en état de mettre à la voile. L'Expédition était composé, en matériel de transport, de la frégate la Méduse, des corvettes l'Echo, la Flûte, la Loire, et du brick l'Argus, qui avaient pour capitaines Duroys de Chaumareys, Cornet de Venancour, Gisquet Destouche, de Parnajon, en nombre d'hommes, environ 400, savoir : Un colonel, chargé de la direction supérieure de l'administration, commandant supérieur de toutes les dépendances de la colonie du Sénégal et de l'île de Gorée, M. Schemaltz. Un chef de bataillon, commandant en chef l'île de Gorée, M. Fonsain ; Un chef de bataillon, commandant le bataillon du Sénégal, M. Poincignon ; Trois compagnies de cent hommes chaque ; Un lieutenant d'artillerie, M. Courreau, aide-de-camp du colonel, administrateur-général du Sénégal et de ses dépendances ; Un commissaire supérieur de marine, chef de l'administration ; Quatre gardes-magasin ; Six commis ; Quatre guetteurs ; Un préfet apostolique ; Deux instituteurs ; Deux greffiers ; Deux directeurs d'hôpitaux ; Deux pharmaciens ; Cinq chirurgiens ; Deux capitaines de port ; Trois pilotes ; Dix-huit femmes ; Huit enfants ; Quatre boulangers ; Un ingénieur des mines, pour Galam ; Un ingénieur géographe ; Un naturaliste. Pour la presqu'ile du Cap-Vert : Deux ingénieurs géographes ; Un médecin ; Un naturaliste cultivateur ; Deux cultivateurs ; Vingt ouvriers ; Trois femmes. Ces derniers, désignés pour la presqu'île du Cap-Vert, étaient partis de leur bonne volonté ; ils s'étaient engagés à ne demander au Ministre de la marine, principalement l'ingénieur géographe, M. Correard, rien autre chose, sinon les objets convenus et portés sur le traité du 16 mai 1816, par lequel Son Excellence avait fixé les concessions faites à ces explorateurs. Ils ne devaient correspondre avec le Ministre, que par l'intermédiaire du gouverneur du Sénégal, et ne pouvaient rien entreprendre sans sa volonté. Nous partîmes de la rade de l'île d'Aix, près Rochefort, le 17 juin 1816, à huit heures du matin, sous le commandement du capitaine de frégate Duroy de Chaumareys, monté sur la Méduse, sur laquelle je me trouvais moi-même avec ma compagnie. L'Etat-major était sur le même navire. A l'instant où les voiles imprimaient à la frégate son premier mouvement, j'étais sur le pont, tournant mes regards vers cette noble France, qui disparaissait à chaque instant pour nous. Père éternel, Maître absolu de nos destinées, m'écriai-je ! conservez les jours de ceux que je viens de quitter et qui me sont si chers, et accordez-moi la grâce de revoir un jour ma patrie ! A peine avais-je prononcé ces dernières paroles, que le ciel et l'eau se confondirent à l'horizon, et la terre vint à disparaître. Ma prière fut exaucée, car j'ai revu ma patrie et mes parents. Cependant, le capitaine voulut profiter de la supériorité que la frégate avait dans sa marche sur les autres navires, et à peine ayant dépassé la rade des Basques, il se détacha de sa division et marcha séparément. La corvette l'Echo, fine voilière, fut la seule, pendant quelque temps, qui ne nous perdit pas de vue ; mais aussi a-t-elle plusieurs fois compromis sa mâture. Les malheurs inouïs arrivés à la Méduse proviennent, à n'en pas douter, de cette funeste détermination du capitaine, qui ne voulut pas naviguer de conserve avec toute la division. En effet, quand la frégate a été perdue, il ne s'est pas trouvé un seul navire pour nous porter secours. Le 21 juin, nous doublâmes le cap Finistère. Sept jours après nous aperçûmes Madère et Porto-Santo. Le 10 au matin nous reconnûmes l'île de Ténériffe. Dès l'aurore, je m'étais placé sur le pont, pour voir le soleil jeter ses premiers rayons sur une terre qui m'était inconnue. A mesure que nous approchions, des masses de vapeur dérobaient à mes yeux les formes gigantesques du Pic, dont la hauteur est à 3.711 mètres au-dessus du niveau de la mer. Etonné de ce magnifique spectacle, je ne prévoyais pas alors tous les malheurs qui nous menaçaient. Le canot du commandant se dirigea vers la terre pour se procurer des filtres et du vin de Malvoisie. Nous louvoyâmes durant huit heures à l'entrée de la rade de Sainte-Croix, capitale de Ténériffe, en attendant son retour. C'est un temps bien précieux que nous perdîmes ; le vent était favorable, nous aurions pu gagner au moins vingt-cinq lieues. A notre départ, nous longeâmes une partie de l'île, et passâmes sous le canon d'un petit fort, nommé le Fort Français ; nous éprouvâmes la joie la plus complète ; en entendant articuler ces mots : Vive les Français ! vive la France ! Cette petite forteresse avait été construite par quelques-uns de nos compatriotes. C'est là que l'amiral anglais Nelson, est venu échouer devant une poignée de Français, qui s'y couvrirent de gloire et sauvèrent Ténériffe. Dans ce combat, long et opiniâtre, l'amiral Nelson perdit un bras, et se vit forcé de chercher son salut dans une honteuse fuite. Comme nous ne fîmes que côtoyer cette île, sans descendre à terre, je ne me permettrai pas d'en donner la description. Je laisse à M. Correard, la responsabilité de l'esquisse, assez scandaleuse, qu'il a donnée des mœurs des habitants dans sa relation, page 35. Dans la nuit du 28 au 29 juin, un incendie se déclara dans l'entrepont, par suite de la négligence du maître boulanger, mais on parvint facilement à arrêter les progrès du sinistre. Cet accident se renouvela le lendemain et la nuit d'après : il n'y eut alors d'autres moyens à employer que de démolir le four, qui fut reconstruit dans la journée suivante. |