La persécution de Dioclétien et le triomphe de l’Église

CHAPITRE DIXIÈME — LA BATAILLE DU PONT MILVIUS ET L’ÉDIT DE MILAN (312-313).

 

 

I. — La bataille du pont Milvius (312).

Entre Constantin et Licinius, qui observaient scrupuleusement l’édit de Galère, et Maximin, qui l’avait sournoisement, puis ouvertement enfreint, Maxence, maître de l’Italie et de l’Afrique, tenait une situation intermédiaire. Il avait rendu la paix à l’Église, mais exilé deus papes. Ayant reconquis l’Afrique sur le tyran Alexandre, il semble avoir confondu les chrétiens de ce pays avec les rebelles. On le voit réclamer à Mensurius, évêque de Carthage (le même dont nous avons dit la sage conduite au commencement de la persécution), un diacre accusé d’avoir écrit un libelle diffamatoire, puis, sur le courageux refus du prélat, mander celui-ci à sa cour. Mensurius, qui connaissait l’humeur sanguinaire de Maxence, et avait assisté aux horribles représailles exercées par lui contre les Africains, pensa ne revoir jamais son siège : il fit, avant de le quitter, ses dernières dispositions, et confia à des mains sûres ce qui restait des biens de l’Église ; puis il partit pour l’Italie. Contre son attente, il parvint à se justifier, et reçut la permission de rentrer à. Carthage ; mais il mourut en chemin. C’est seulement après sa mort, dit saint Optat, que la tempête cessa, tout à fait, et que Maxence laissa en repos les chrétiens d’Afrique[1].

A Rome, la tolérance de fait dont l’Église jouissait depuis quelques années reçut enfin, en 311, une sorte de consécration, par un acte de Maxence dont les motifs nous échappent, et qui ne parait pas avoir été étendu hors des limites de la ville éternelle. Le pape nouvellement élu, Miltiade, fut autorisé â reprendre possession des propriétés ecclésiastiques, demeurées depuis 303 sous la main du fisc. Celle-ci s’était peut-être déjà relâchée, car on a rencontré dans le cimetière de Calliste, au pied de l’escalier de l’arénaire d’Hippolyte, une épitaphe portant la date de 307[2] ; mais si l’autorité romaine fermait plus ou moins complètement les yeux sur la fréquentation des catacombes par les fidèles, la possession ne leur en avait cependant pas été régulièrement rendue. Maxence accorda au pape un rescrit, l’autorisant à. réclamer au préfet urbain la remise des loca ecclesiastica. Une lettre adressée au même magistrat par le préfet du prétoire accréditait prés de lui le chef de l’Église. Munis de ces pièces, les diacres envoyés par Miltiade reçurent du préfet urbain tous les lieux qui avaient été confisqués aux chrétiens pendant la persécution[3]. Cet acte de Maxence équivalait à une reconnaissance régulière de Miltiade comme chef de la communauté chrétienne de Rome, et à une reprise des relations qui avaient existé pendant une partie du troisième siècle entre l’autorité ecclésiastique et l’autorité civile : aussi le nom de Miltiade semble-t-il avoir été inscrit à ce moment sur les registres de la préfecture urbaine, où depuis 304 n’avaient point figuré ses prédécesseurs[4].

Rentré en possession du cimetière officiel de l’Église romaine, le premier soin de Miltiade fut d’y déposer les restes du pape Eusèbe, mort en Sicile : L’autre pontife exilé, Marcel, avait pu recevoir facilement les honneurs de la sépulture, car, à l’exemple de Marcellin, il avait choisi son tombeau sur la voie Salaria, où les cimetières, demeurés de droit privé, ne furent point confisqués[5]. Mais Eusèbe, n’ayant point fait un tel choix, et la restitution des biens ecclésiastiques ayant suivi d’assez près sa mort, il était convenable de lui préparer une sépulture dans la nécropole de la voie Appienne où reposaient les papes du troisième siècle. L’enterrer dans leur caveau même paraissait encore dangereux ; la paix était trop récente, trop dépendante des caprices d’un tyran, pour qu’on osât enlever des galeries environnantes l’amas de sable qui avait pendant sept ans mis les tombes papales hors de l’atteinte des persécuteurs. Mais il était facile de trouver un lieu digne de recevoir les restes d’Eusèbe dans une autre partie de la catacombe de Calliste, où des galeries et des chambres avaient été creusées pendant les années tranquilles qui précédèrent la dernière persécution[6]. Le corps du pontife, ramené — peut-être de Sicile aussi solennellement que l’avait été, au milieu du troisième siècle, celui de Pontien[7], — fut déposé dans une crypte du second étage du cimetière, distincte et assez éloignée du caveau papal[8]. Sous la direction de Miltiade, la chambre qu’on lui consacra reçut une riche et gracieuse parure. Marbres, mosaïques, image du Bon Pasteur, voûte a caissons ornée de canthares, d’oiseaux, de génies, cette décoration des premières heures de la paix garde quelque chose de la simplicité classique, et n’annonce pas encore le midi splendide et lourd qui, dans l’art, va succéder à cette fraîche aurore[9].

Y a-t-il, dans une autre région de la catacombe, dont la construction remonte aussi au commencement du règne de Dioclétien, trace de la translation d’un martyr, opérée comme celle d’Eusèbe après la restitution des loca ecclesiastica ? Dans l’aire qui joint le cimetière proprement dit de Calliste à celui de Sotère, et où se trouve la crypte célèbre de Severus, diacre du pape Marcellin[10], un fragment d’inscription s’est rencontré, qui contient le mot PASSVS. Ce mot ne peut guère faire allusion à autre chose qu’aux souffrances d’un martyr[11] : sans émettre une hypothèse trop hasardeuse, on peut supposer que le petit morceau de marbre où il a été lu appartenait à l’épitaphe d’un des chrétiens qui versèrent à Rome leur sang pour la foi pendant la dernière persécution, héros inconnu déposé avec honneur dans le cimetière quand l’Église en eut repris possession[12].

Cependant, au moment même où se reconstituait à Rome le domaine ecclésiastique, des chrétiens souffraient du despotisme et des grossières passions de l’empereur. Il ne régnait qu’avec l’appui des prétoriens, et leur livrait tout en proie. Ceux-ci, pour venger un des leurs tué dans une émeute, avaient massacré des milliers de citoyens[13]. Pendant que les soldats donnaient ainsi licence à leurs caprices, Maxence ne souffrait aux siens aucun frein. Tous les jours, sur de fausses accusations, des sénateurs, des consulaires, étaient jetés en prison ou mis à mort, afin d’avoir un prétexte de confisquer leurs biens[14]. Beaucoup d’hommes libres étaient réduits en servitude[15]. Mais surtout les femmes, dès qu’elles étaient belles et de haut rang, devaient tout craindre du brutal souverain. Maxence n’était pas moins débauché que Maximin[16]. Souvent, pour arracher une épousé à son mari, il la contraignait au divorce, puis la renvoyait déshonorée dans sa maison[17]. Mais, s’attaquant à des chrétiennes, il rencontra de courageuses résistances. 0n en vit préférer la mort à ses caresses[18]. Une anecdote rapportée par Eusèbe montre l’intrépidité d’une de ces généreuses filles de l’Évangile, en même temps que la peur et la servilité auxquelles cédaient, en ce temps, les plus hauts magistrats. La chrétienne Sophronie[19] était l’épouse du préfet de Rome, de celui-là même, peut-être, qui en 311 remit les biens de l’Église aux diacres de Miltiade. Un jour, les pourvoyeurs des honteux plaisirs du prince entrèrent dans la maison du préfet. Tout de suite le mari et la femme comprirent ce que signifiait cette visite. Le préfet, tremblant, n’osa protester, et permit d’emmener sa femme. Mais elle, imitant la ruse qui, à Antioche, avait sauvé la vertu de Pélagie[20], demanda un délai pour passer dans sa chambre et se parer. Laissée seule, elle saisit une épée, et, Lucrèce chrétienne, se l’enfonça dans la poitrine. Quand on vint la chercher, on ne trouva qu’un cadavre[21].

Malgré ses cruautés, ses vices, une nonchalance extrême[22], Maxence était ambitieux. Il ne pouvait souffrir la supériorité de son beau-frère Constantin, dont le gouvernement sage et modéré lui était un perpétuel reproche. Faire la guerre au souverain des Gaules, l’abattre, et s’emparer de tout l’Occident, devint son idée fixe. Les sorciers qu’il consultait sans cesse lui annonçaient la victoire ; les démons évoqués devant lui répondaient favorablement à ses vœux ; il lisait dans les entrailles de lions égorgés ses triomphes futurs ; des sacrifices plus cruels encore, le sang de femmes et d’enfants, lui promettaient un avenir heureux[23]. Il n’avait point négligé, pour se l’assurer, les combinaisons de la politique. Un rapprochement fut négocié entre lui et Maximin. Ces deux vilains hommes, si bien faits pour s’entendre, s’unirent par un traité secret[24]. Une très nombreuse armée fut rassemblée en Italie : aux légions qui y campaient à demeure, Maxence joignit de nouvelles troupes, recrutées de gré ou de force dans la péninsule, ou levées en Mauritanie[25]. Ceci fait, il trouva aisément un prétexte à déclarer la guerre : ce mauvais fils, qui n’avait pu régner à Rome avec Hercule, envoya demander raison à Constantin de la mort violente du vieil Auguste, et, pour bien marquer la rupture, abattit dans tous ses États les statues de son beau-frère[26].

Constantin n’avait pas attendu cet outrage pour se préparer à une rencontre inévitable. Une alliance avait été contractée entre lui et Licinius, et comme, dans ces familles impériales renouvelées par les divorces et les seconds mariages, il y avait toujours de jeunes princesses prêtes à devenir le prix ou l’enjeu des combinaisons politiques, la sœur consanguine du maître de l’Occident, Constantia, fut fiancé au souverain de l’Europe orientale[27]. L’équilibre des forces se trouvait de la sorte assuré. Licinius, placé entre Maxence et Maximin, pouvait contenir ce dernier, s’il essayait de se mêler à la lutte, ou, s’il demeurait inactif, se porter lui-même en Italie. Constantin, dans tous les cas, n’aurait affaire qu’au seul Maxence. Ainsi paraissait réparée, en une certaine mesure, la faiblesse de son armée ; car, obligé de laisser garnis les postes du Rhin, il ne pouvait opposer aux légions de son adversaire que des troupes numériquement très inférieures[28].

Cette infériorité, bien que compensée par l’habile politique de Constantin, et surtout par sa supériorité personnelle, ne laissait pas que de rendre hasardeuse l’issue de la lutte. Le souverain des Gaules n’était pas homme à se tenir sur la défensive. Il avait l’habitude de marcher en avant et de frapper de grands coups. Dirigée par lui, la guerre ne serait pas une série d’escarmouches entre les postes établis de chaque côté des Alpes, mais les Alpes franchies, l’Italie choisie comme champ de bataille, et un choc décisif sous les mur de Rome. Rome, cependant, formait la principale force de Maxence. La possession de la ville éternelle doublait, en quelque sorte, les troupes de ce tyran, tant paraissait grand encore le prestige des sept collines, si découronnées qu’elles fussent depuis l’établissement de la tétrarchie. Il semblait que le génie de l’Empire veillât toujours sur le Capitole, pour foudroyer les audacieux qui tenteraient d’en approcher. Deux fois l’expérience venait d’être faite : la mort de Sévère, la fuite précipitée de Galère, prenaient aux yeux des soldats et des chefs je ne sais quoi de surnaturel. Nul, autour de Constantin, ne songeait à se défendre de cette impression. L’allégresse que ressentirent tant de fois les armées du Nord au moment de descendre vers les pays du soleil était remplacée dans celle-ci par une crainte vague, qui glaçait tous les courages. Les généraux eux-mêmes, accoutumés à lutter contre des Bretons ou des Francs, murmuraient à la pensée de combattre les prétoriens de Maxence[29]. Constantin n’eût pas été de son temps, s’il était demeuré insensible aux communes préoccupations. Trop brave pour y subordonner ses desseins militaires on politiques, il avait donné sans hésitation l’ordre de passer les Alpes ; mais il partageait clans une certaine mesure les inquiétudes de ses soldats, pensait que la guerre dans laquelle on s’engageait n’était pas une guerre ordinaire, que l’habileté du commandement ou la valeur des bataillons n’y déciderait pas seule de la victoire.

Pour comprendre les réflexions qui se présentèrent à son esprit, le tour que prirent ses méditations, la crise morale par laquelle il passa, la solution qui finit par s’imposer avec la clarté de l’évidence, il faut se rendre compte des idées religieuses professées par Constantin à cette époque de sa vie. Elles étaient moins le résultat d’une étude personnelle que des sympathies et des antipathies entre lesquelles s’était partagée sa jeunesse. A’son père Constance Chlore, dont l’influence semble avoir été d’autant plus grande sur la direction de son esprit qu’il avait plus souffert clans sa tendresse et dans son orgueil d’en être séparé, Constantin devait la croyance en un Dieu suprême, réglant par sa providence les destinées des empires[30] ; mais, pas plus qu’à Constance, les travaux de la souveraineté ou les soucis de l’ambition ne lui avaient laissé le loisir de réfléchir sur la nature de ce Dieu, le culte qu’il exige et les vertus qu’il commande. Le monothéisme de Constantin était surtout fait d’aversion pour les ridicules ou dégradantes cérémonies du polythéisme, auxquelles il avait dû prendre part pendant la demi captivité où Dioclétien, puis Galère l’avaient retenu, et qui se confondaient avec les souvenirs les plus amers de sa vie. Jamais, cependant, il n’avait songé à répudier les formes extérieures de la religion officielle, que le syncrétisme commode de ce temps permettait de concilier, par une sorte de réserve mentale, avec des croyances plus simples et plus épurées : on l’avait vu, comme tous les empereurs, dédier des temples et offrir des sacrifices[31]. Entre lui et les chrétiens aucune intimité n’existait encore. La tolérance qu’il leur marqua dès la première heure de son règne était héritée de son père, et fortifiée par l’indignation que les excès jadis commis sous ses yeux avaient fait naître dans un esprit naturellement humain, que la suite des événements montrera capable de soudaines colères, mais incapable de cruautés réfléchies et prolongées. Si les disciples de l’Évangile lui inspiraient déjà quelque sympathie, celle-ci provenait moins d’un penchant pour leurs doctrines que d’une affinité naturelle avec leurs mœurs, de cette chasteté louée par les contemporains[32] et formant un si frappant contraste avec les débauches furieuses des Augustes qui régnaient en ce moment même ‘à Nicomédie et à Rome. Mais rien, dans le passé de Constantin ou dans ses dispositions présentes, ne faisait prévoir qu’il dût suivre, en religion, une voie plus nettement tracée que celle de Constance, et sortir d’un vague déisme pour devenir le champion d’une Église aux dogmes arrêtés, aux commandements impérieux, aux cadres invariables. Il était religieux, vertueux et tolérant à la façon de son père ; aucun signe d’une recherche plus ardente ou d’une inquiétude plus profonde n’avait trahi clans son âme le travail intérieur de la conversion.

La conversion par laquelle les destinées du monde vont être changées ne ressemble, en effet, à aucune de celles qui l’ont précédée ou qui la suivront. Ni Paul, frappé par l’aiguillon divin et tombant terrassé sur le chemin de Damas ; ni Justin, ayant traversé toutes les philosophies pour rencontrer enfin la doctrine qu’il cherchait sans la connaître ; ni Augustin, ballotté par tous les orages de la pensée, du cœur et des sens avant de se reposer à jamais en Dieu ; ni aucun des innombrables convertis que des voies diverses ont conduits ou ramenés vers la foi chrétienne, n’a suivi des motifs semblables à ceux qui persuadèrent Constantin. C’est à cheval, à la tête de ses troupes, sur quelque route gauloise ou quelque col escarpé des Alpes, qu’il fit les réflexions dont Eusèbe a reçu la confidence. Le petit nombre de ses soldats frappait ses regards ; il était témoin du découragement des chefs ; en même temps il se rappelait, avec une terreur superstitieuse, les opérations magiques auxquelles recourait Maxence. La nécessité de s’appuyer sur un secours plus haut lui apparut avec une force irrésistible : il comprit qu’il ne pourrait rien, s’il n’avait Dieu pour lui. La plupart de ceux qui gouvernèrent l’Empire romain s’étaient fiés à la multitude des dieux, avaient cria aux mensonges des oracles, et à la fin avaient péri misérablement, sans que nulle des divinités adorées par eux ne leur prêtât d’assistance. Leurs enfants avaient aussi disparu, et de leur race ou de leur mémoire nul souvenir ne demeurait. Ceux mêmes qui récemment tentèrent l’entreprise qu’il poursuivait aujourd’hui et s’attaquèrent à Maxence avaient tragiquement ou honteusement échoué. Un seul, dans ces derniers temps, suivit sans obstacle une glorieuse carrière et mourut avec la consolation de se survivre à lui-même : c’était celui qui avait refusé sa foi à l’idolâtrie et n’avait reconnu qu’un Être suprême, conservateur de son empire et auteur de tout bien ; c’était le monothéiste Constance. Ces réflexions achevèrent de convaincre Constantin de la folie qu’il y avait à honorer des dieux qui n’existent pas et de la nécessité de rendre un culte au seul Dieu que reconnaissait son père[33]. Cependant cet examen ne lui apportait rien de nouveau. Il venait de faire, en quelque sorte, le tour de ses idées, l’inventaire de ses espérances, et se confirmait dans ses propres sentiments. Le pas décisif n’était pas accompli. Il le fit presque à son insu, par le mouvement logique de sa pensée. Le Dieu de son père, le Dieu unique, qui était-ce ? comment le reconnaître ? comment s’assurer sa protection ? Pour la première fois des questions aussi précises se posaient devant l’esprit de Constantin, rendu plus attentif par le péril extrême où il se voyait. L’empereur se mit alors, dit Eusèbe, à implorer le secours de ce Dieu, le priant, le suppliant de se faire connaître à lui, et, dans la crise présente, de lui tendre une main favorable[34]. Ce souci de savoir qui est le vrai Dieu, ce désir de connaître la vérité, cet appel à la grâce, voilà ce qui distingue dès lors Constantin des simples déistes, de Constance lui-même, adorateurs silencieux d’une divinité presque impersonnelle, avec laquelle l’homme n’entre point en relation. Si intéressée, au contraire, que soit la prière de Constantin, c’est une vraie prière, c’est-à-dire un humble aveu de misère et de faiblesse. Si mêlé d’ambition que soit son désir de la vérité, ce désir existe. Si égoïste qu’en paraisse le mobile, sa conversion est sincère. C’est vers le Dieu vivant et personnel qu’il se tourne, c’est à ce Dieu qu’il demande de sortir du nuage, de se montrer, de combattre pour lui.

Ce récit d’Eusèbe sera difficilement taxé d’inexactitude, car il ne flatte pas l’empereur, lui prête des motifs assez terre à terre, et le montré conduit surtout par l’intérêt et la crainte au culte qu’il pratiquera désormais. Constantin a fait le calcul des chances, la balance des forces, et s’est tourné vers la religion qui peut donner la victoire. Cette religion même n’est pas encore désignée clairement : si le Christ parait sous-entendu, il n’est pas nommé : le royal néophyte semble attendre qu’il se manifeste, et mettre son adhésion au prix du secours imploré. On sent que le travail intérieur si naïvement décrit ne se passe point dans les plus hautes régions de l’âme, qu’une conversion due à de tels motifs ne renouvellera pas tout l’homme, qu’après comme avant Constantin demeurera avec ses passions et ses faiblesses ; mais la grossièreté même des pensées que lui prête le narrateur, leur accord avec ce que l’histoire nous apprendra du premier empereur chrétien, garantit la vérité du récit : il contiendrait plus d’idéal, s’il était inventé.

L’incontestable bonne foi d’Eusèbe dans cette partie de sa narration devrait, ce semble, en faire accepter la suite : Constantin n’était pas de ces rimes à qui suffit la touche délicate et à demi voilée de la grâce, qui croient sans voir, et qui entendent sans parole la réponse de Dieu. Pour faire d’un converti tel que lui l’instrument providentiel d’une grande révolution, il fallait qu’un signe matériel vint lui apporter la certitude. Pendant que l’empereur, continue Eusèbe, priait avec supplication, un signe merveilleux lui fut envoyé de Dieu. Si quelque autre le rapportait, ses auditeurs le croiraient difficilement. Mais comme longtemps après le victorieux Auguste nie le raconta à moi-même, quand je fus parvenu à son intimité, et me le confirma par serment, qui pourrait le mettre en doute ? Il déclare avoir vu de ses yeux, après midi, quand déjà le soleil s’inclinait à l’horizon, une croix lumineuse paraître clans les cieux au-dessus du soleil, avec cette inscription : Sois vainqueur par ceci[35]. Cette apparition le frappa de stupeur, ainsi que les soldats qui le suivaient et qui en furent témoins. Il se demanda, m’a-t-il dit, ce que signifiait ce phénomène. Il y pensa longtemps ; puis la nuit vint, et pendant son sommeil le Christ lui apparut, avec le signe qui avait été vu dans le ciel, et lui commanda de faire une enseigne militaire sur le modèle de l’apparition, pour s’en servir comme d’une salutaire protection dans les combats[36].

Ce songe était connu du seul Constantin[37] : mais l’apparition lumineuse, le signe céleste[38] avait eu de nombreux témoins. La première stupeur fit bientôt place à des sentiments divers. Pendant que les chrétiens s’entretenaient avec admiration de ce qu’ils avaient vu, les païens le commentaient avec effroi. Les aruspices qui accompagnaient l’armée, et pour qui la croix était un objet de funeste augure, parlèrent de présage mauvais (adversum omen)[39] et dissuadèrent de continuer l’expédition. Mais la ferme réponse de l’empereur leur imposa silence[40]. Peu a peu, chez les tenants mêmes de l’ancien culte, l’impression favorable prit le dessus. Un récit eut cours, dans lequel on reconnaîtra soit une version altérée des faits, soit au moins un indice de la croyance de tous dans une intervention surnaturelle en faveur de Constantin. Toute la Gaule, dira quelques années plus tard un rhéteur païen, s’entretint d’une troupe céleste qui avait été vue planant au-dessus des légions en marche : malgré la grossièreté des regards humains, on avait pu, pendant un rapide instant, apercevoir ses armes lumineuses, ses boucliers qui jetaient de terribles éclairs ; des voix avaient été entendues dans les airs, criant : Nous cherchons Constantin, nous allons au secours de Constantin[41]. Cette promesse de victoire n’est-elle pas une allusion détournée aux paroles lues par l’empereur autour du signe du Christ ? et ce signe lui-même, la croix superposée au soleil, dont les païens auraient rougi de confesser l’apparition triomphale, n’a-t-il pas été déguisé par eux sous l’allégorie classique des guerriers célestes, à l’épée rayonnante et au bouclier de feu[42] ?

L’empereur, du reste, coupa court à tout commentaire en faisant fabriquer l’étendard dont l’image lui avait été montrée[43]. Eusèbe le décrit en ces termes : C’était une haste allongée revêtue d’or et munie d’une antenne transversale en forme de croix. Le sommet portait une couronne d’or et de pierreries. Au centre de la couronne paraissait le signe du nom salutaire (de Jésus-Christ), c’est-à-dire un monogramme désignant ce nom sacré par ses deux premières lettres (grecques) groupées, le P au milieu du X. A l’antenne oblique traversée par la haste pendait un voile de pourpre, enrichi de pierres précieuses artistement combinées entre elles, qui éblouissaient les yeux par leur éclat, et de broderies d’or d’une beauté indescriptible. Ce voile fixé à l’antenne était aussi large que long, et avait à sa partie supérieure les bustes de l’empereur chéri de Dieu et de ses enfants, brodés en or[44]. Constantin se servit toujours dans la suite de cet étendard salutaire, et en fit faire un semblable pour chacune de ses armées[45]. Telle est l’enseigne connue sous le nom de labarum[46] et dont la copie se retrouve, avec quelques variantes, sur de nombreux monuments[47].

Le nouvel étendard put être porté en tête de l’armée sans exciter les protestations des soldats païens. Par sa forme il différait peu de l’enseigne ordinaire de la cavalerie, pique coupée d’une barre transversale, à laquelle pendait un voile de couleur éclatante. La seule différence était que les bustes impériaux remplaçaient, sur l’étoffe, le numéro de l’escadron ou de la cohorte, et qu’au sommet de la pique rayonnait, dans un cercle d’or, le monogramme formé du chi et du rhô entrelacés. La croix proprement dite était encore dissimulée, ou plutôt elle résultait seulement du croisement de la haste avec l’antenne, qui, dès le temps de Tertullien, en avait offert aux soldats chrétiens la secrète image[48]. Mais, surmontée désormais des lettres sacrées, cette image prenait à leurs yeux toute sa signification : elle devenait le signe de la victoire promise, ou plutôt le symbole de la victoire déjà gagnée, le gage de la conversion de l’empereur et de l’Empire.

Les Alpes franchies, Constantin se rendit maître, en quelques mois, du nord de l’Italie. Suse, Turin, Milan, Brescia, Vérone, Aquilée, Modène, tombèrent successivement dans ses mains[49]. Un échec éprouvé en approchant de Rome ne ralentit pas son ardeur[50]. Résolu à vaincre ou à périr, Constantin rallia ses troupes, et, traversant rapidement l’Étrurie, se porta vers la ville éternelle à marches forcées. Maxence, cependant, ne remuait pas. Pendant que ses généraux combattaient, il continuait sa vie de plaisirs, et préparait tranquillement les fêtes qui allaient, dans quelques jours, célébrer l’accomplissement de sa sixième année de règne. Sa foi dans les oracles et les devins lui avait inspiré une telle sécurité, qu’au lieu de se couvrir du Tibre pour en disputer le passage à son adversaire, il envoya ses soldats au-devant de Constantin par la voie Flaminienne, avec ordre de passer le fleuve et d’appuyer leur arrière-garde à la rive droite, sans autre ligne de retraite que le pont Milvius, flanqué à la hâte d’un pont de bateaux[51]. Eusèbe attribue cette absurde manœuvre à une sorte d’aveuglement providentiel : Dieu, dit-il, voulait perdre Maxence hors de Rome, afin d’épargner aux habitants les souffrances d’un siège[52]. Rencontrant l’avant-garde ennemie à deux heures de marche environ en deçà du Tibre, vers les Roches Rouges, près de l’ancienne villa de Livie[53], Constantin se réjouit d’une faute qui mettait toute l’armée de Maxence à la merci d’une première attaque[54]. Cependant il n’oublia pas d’élever encore une fois son âme vers le Dieu qui lui avait promis la victoire. Si l’on en croit Lactance, un songe lui montra de nouveau le Christ, donnant l’ordre de graver sur les boucliers des soldats de monogramme qui brillait déjà sur leurs drapeaux[55].

Le lendemain, 28 octobre, jour anniversaire de l’avènement de Maxence, Constantin marcha vers le fleuve. Pendant que sur les sommets des sept collines chargées de temples, de palais, de souvenirs et d’années, tous les dieux du monde antique semblaient se dresser pour découvrir dans le lointain des airs l’étendard de la croix[56], Maxence, sûr du succès, et comme indifférent au péril que couraient ses soldats, contemplait de la loge impériale les jeux célébrés dans le cirque en son honneur. Les huées du peuple indigné, qui acclamait d’avance la victoire de Constantin, finirent par l’en chasser[57]. Passant bientôt de la sécurité à la terreur, il envoya en toute hâte consulter les livres sibyllins ; mais leur réponse le rassura : les quindécemvirs avaient lu que l’ennemi de Rome périrait sûrement[58], et l’ennemi de home ne pouvait être que celui de Maxence ! Il se décida enfin à joindre l’armée, et, par le pont de bateaux, qui, peu solide, se rompit après son passage[59], il arriva dans la plaine au plus fort de l’action. A sa vue, la mêlée devint furieuse[60] ; mais les prétoriens eux-mêmes, poussés par l’élan irrésistible des soldats de Constantin, se trouvèrent acculés au fleuve : la retraite, ou plutôt la fuite, commença dans le plus grand désordre ; des milliers d’hommes s’écrasèrent sur l’étroite chaussée du pont Milvius, ou disparurent par les fentes du pont de bateaux. Une partie de l’armée de Maxence fut ainsi culbutée dans le Tibre. Maxence, avec les gardes du corps qui essayaient de le protéger, céda à, l’effroyable poussée : on le vit tomber dans le fleuve, où sa lourde cuirasse le fit enfoncer comme une masse de plomb[61]. Chantons au Seigneur, s’écrie Eusèbe après Moise : il vient de glorifier sa puissance ! Il a jeté à l’eau le cheval et le cavalier. Il s’est montré notre protecteur et notre sauveur... Qui est semblable à vous parmi les dieux, Seigneur, qui est semblable à vous, grand en sainteté, terrible, digne de toute louange, et opérant des merveilles ?[62]

L’entrée de Constantin à Rome fut un vrai triomphe : la foule se pressait autour de lui, non avec cette curiosité banale qui la porte vers tous les vainqueurs, mais avec le sentiment d’une vraie délivrance. Les sénateurs, les uns tirés de prison, les autres affranchis de la terreur qui avait pesé sur leur ordre, applaudissaient l’étendard libérateur, et oubliaient leurs vieux préjugés païens pour s’incliner devant les boucliers marqués du signe du Christ[63]. Non seulement les grands, mais les humbles, femmes, enfants, esclaves, saluaient d’une immense acclamation le protégé du ciel[64]. Le peuple le suivit jusqu’au Palatin ; longtemps ses flots bruyants battirent les murailles de la colline impériale ; peu s’en fallut qu’ils ne fissent irruption jusque dans le palais, et qu’une émeute d’amour et de reconnaissance n’en franchît le seuil sacré[65].

Dans ce premier séjour à Rome, Constantin se montra digne de la religion au nom de laquelle il venait de vaincre. Il n’exerça point de représailles, réprima les délateurs[66], et sut résister aux désirs du peuple altéré de vengeance[67]. Le fils de Maxence et les plus intimés agents de sa tyrannie furent seuls conduits au supplice[68]. En même temps, la milice prétorienne fut cassée, son camp démantelé, les autres milices urbaines diminuées en nombre[69]. Rome, délivrée de l’oppression militaire, redevint une ville libre, la capitale d’un grand empire. Les bienfaits du régime nouveau s’étendirent sans délai au reste de l’Italie, à l’Afrique, et à tout l’ancien domaine de Maxence ; les prisons s’ouvrirent partout pour ses victimes, les biens injustement saisis furent restitués, les exilés revirent leur patrie[70] ; d’intelligentes distributions d’argent, de vivres, de vêtements, des secours discrètement donnés aux veuves et aux orphelins, vinrent atténuer la misère publique[71]. Les chrétiens ne furent pas oubliés clans ces largesses : le Palatin étonné vit des hommes pauvrement vêtus, d’humbles ministres de l’Évangile s’asseoir à la table dû prince et se mêler à ses conseils[72] ; le trésor public reçut pour la première fois l’ordre de contribuer à la construction des églises[73] ; le vieux palais des Laterani, qui venait de prendre le nom de l’impératrice Fausta, fut donné au pape Miltiade pour devenir sa demeure, le siège de l’administration ecclésiastique et la première cathédrale de la chrétienté[74].

Cette faveur si tôt montrée au clergé catholique ne suscita de la part des païens aucun mouvement de jalousie : le sentiment de la délivrance était trop vif encore pour ne pas dominer toute autre impression. Les sectateurs des deux cultes paraissent, dans ces premiers temps, n’avoir rivalisé que d’hommages envers l’empereur. Le sénat célébra par la fondation de jeux annuels la défaite du tyran et l’avènement de Constantin[75] ; se trompant peut-être aux égards dont celui-ci se montrait prodigue envers les pères conscrits[76], il se crut appelé à régler les préséances dans le collège impérial ; aussi pensa-t-il honorer le vainqueur en lui décernant par une délibération solennelle le titre de premier des Augustes[77]. La haute assemblée ne borna point à ce vote les marques de sa reconnaissance : le petit temple rond bâti par Maxence sur la voie Sacrée en l’honneur de son fils Romulus fut dédié à Constantin[78] ; et l’on commença, aux dépens d’autres édifices dépouillés pour lui de leurs bas-reliefs, la construction de l’arc triomphal qui s’élève entre le Palatin et le Colisée[79]. Sur ce monument, oit la décadence artistique, sensible dans les détails, n’a point encore altéré l’harmonie des proportions et la grâce robuste de l’ensemble, fut mise la célèbre inscription dans laquelle le sénat en majorité païen et le peuple partagé entre les deux cultes attribuent au secours d’en haut la victoire remportée sur l’ennemi de Rome : A l’empereur César Flavius Constantin, très grand, pieux, heureux, auguste, le sénat et le peuple romain ont dédié cet arc de triomphe, parce que, grâce à l’inspiration divine et à la grandeur de son génie, il a, avec son armée, vengé dans une guerre juste la République du tyran et de toute sa faction[80]. L’examen des lettres et des blocs sur lesquels elles sont gravées a montré que les mots INSTINCTV DIVINITATIS ne forment pas, comme on l’avait supposé, une addition postérieure et appartiennent au texte primitif[81] : la valeur singulière qui s’y attache résulte, non de l’expression employée par le sénat, qui était au quatrième siècle entrée dans la langue courante[82], mais de l’allusion qu’il est difficile d’y méconnaître : cet aveu, si voilé qu’il soit, peut être mis à coté d’un passage déjà cité d’un panégyrique, comme indice de l’état de l’opinion païenne au sujet des circonstances qui préparèrent ou accompagnèrent le succès de Constantin.

A l’exemple du sénat, les particuliers, les villes, les provinces, voulurent honorer par des monuments et des fêtes le libérateur de Rome, le fondateur du repos public. Pendant que l’on travaillait encore à l’arc de triomphe, commençait à s’élever presque en regard, au sommet de l’Esquilin, une basilique[83] construite aux frais d’un consul[84], qui rappellera par ses décorations de marbres découpés, incrustées de nacre, la défaite de Maxence, la tête du tyran portée par les soldats, les courses et les spectacles par lesquels fut célébrée la victoire[85]. Mais nulle part l’enthousiasme ne parut aussi grand qu’en Afrique, où la cruauté de Maxence s’était fait plus durement sentir. La tête du vaincu, montrée d’abord au peuple de Rome, avait été envoyée à la malheureuse province comme signe sensible de sa délivrance. La joie éclata de toutes parts. Cirta, presque entièrement ruinée lors de la guerre contre Alexandre, se hâta de prendre le nom de Constantine[86]. Les manifestations populaires et les hommages officiels se produisirent à l’envi. On promenait processionnellement dans les villes des tableaux représentant la bataille du pont Milvius[87] ; les autorités provinciales instituaient un collège de prêtres pour célébrer, au nom de l’Afrique, le culte civil de la famille Flavia, c’est-à-dire présider à des jeux périodiques en son honneur[88].

En acceptant la dédicace de ces temples sans idoles, en autorisant l’institution de ces sacerdoces sans sacrifices, Constantin, qui paraît s’être abstenu personnellement â Rome de toute cérémonie païenne[89], ne se montrait point infidèle au culte nouveau qu’il avait embrassé[90]. Il recevait de bonne grâce les hommages de ses sujets idolâtres, et se contentait, sur les monuments qu’ils lui élevaient, de formules ambiguës et d’aveux involontaires ; mais, sur ceux qu’il élevait lui-même, il ne craignait pas de laisser voir ses vrais sentiments. Quand sa statue fut érigée sur une des places de Rome, Constantin voulut qu’on lui mit dans la main une lance en forme de croix : le piédestal reçut, par son ordre, l’inscription suivante, qu’il est intéressant de comparer à celle que les pères conscrits gravèrent au fronton de l’arc de triomphe : Par ce signe salutaire, emblème du vrai courage, j’ai délivré votre ville du joug du tyran. Au sénat et au peuple romain, rendus à la liberté, j’ai restitué leur première gloire et la splendeur due à leur noblesse[91]. Cette phrase n’avait rien de blessant pour les païens, nais elle rappelait des circonstances qu’ils eussent aimé à laisser dans l’ombre, et empêchait l’équivoque de se produire ou de se perpétuer[92].

Ces nuances diverses n’échappaient pas aux chrétiens de Rome. Rien, dans les relations écrites ou dans les monuments figurés, ne fait croire qu’ils se soient livrés aux éclats d’une joie bruyante, peu compatible avec les ménagements voulus dont l’empereur accompagnait encore la déclaration de ses croyances. Accoutumés à traduire leurs pensées par des symboles à la fois expressifs et discrets, c’est de cette même manière, exempte de toute ostentation, qu’ils voudront, au lendemain de la victoire, célébrer le royal converti. A partir de ce moment se répand l’usage d’inscrire dans tous leurs monuments, et jusque sur les moindres ustensiles, le monogramme triomphal que Constantin a mis sur ses étendards. Au fronton des églises ou sur l’humble loculus des catacombes, ce signe du Christ, et de l’empereur victorieux par le Christ, apparaît comme le symbole d’une ère nouvelle, en même temps que comme une perpétuelle allusion à l’événement extraordinaire qui en a marqué le début. Quelquefois cette allusion est rendue plus claire par la reproduction de la promesse maintenant accomplie : Sois victorieux, tu vaincras par ce signe, par ce signe tu seras toujours vainqueur[93]. D’autres fois, sur des bas-reliefs de sarcophages[94] ou des fresques des catacombes[95], le monogramme est représenté au milieu des airs, conduisant les Mages au berceau du Christ ; ailleurs, il resplendit, comme un astre nouveau, sur un fond clair semé d’étoiles[96]. Jusque dans les obscures profondeurs des cimetières souterrains, l’art chrétien du quatrième siècle semble illuminé par la croix de feu que vit Constantin.

 

II. — L’édit de Milan (313).

Parmi les adulations et les fêtes, Constantin n’oubliait pas la cause dont il était devenu le champion. Pendant qu’il luttait contre Maxence, les chrétiens n’avaient pas cessé de souffrir en Orient : seule la diversion causée par la peste et par la malheureuse guerre d’Arménie avait apporté quelque ralentissement à la persécution : celle-ci durait cependant. D’accord avec son allié Licinius, Constantin résolut d’y mettre un terme. De ce ton de maître qu’il prenait volontiers maintenant, il écrivit à Maximin une lettre menaçante[97]. Maximin n’osa résister : après avoir donné une dernière satisfaction à ses haines en faisant noyer secrètement quelques chrétiens[98], l’incorrigible païen adressa au préfet du prétoire Sabinus un rescrit aussi maussade, mais plus hypocrite que la circulaire dictée, l’année précédente, à ce magistrat.

Dans cette pièce[99], Maximin commence par rappeler que Dioclétien et Maximien Hercule avaient voulu ramener par les supplices au culte des dieux la presque totalité des hommes qui s’en était éloignée pour se donner à la secte des chrétiens. Puis, racontant l’histoire à sa manière, il parle de la tolérance que lui-même montra au commencement de son règne, et grâce à laquelle il eut le bonheur de rendre à la religion officielle beaucoup de ceux qui l’avaient quittée. Enfin il s’étend avec complaisance sur le voyage fait il y a un an dans toute l’Asie romaine, les pompes païennes déployées lors de son entrée à Nicomédie, les pétitions que toutes les villes lui adressèrent pour demander l’exil des chrétiens. Après ces longs préambules, il arrive à l’objet de sa lettre :

Bien que souvent, dit-il à Sabinus, je t’aie, par écrit ou de vive voix, donné pour instructions d’empêcher les gouverneurs de poursuivre rigoureusement les provinciaux qui persévèrent dans la religion chrétienne, et de leur conseiller l’indulgence, cependant, de peur que les bénéficiaires (soldats de police) ou tous autres n’usent à leur égard d’injustice ou de concussion, j’ai voulu te rappeler que nos provinciaux devaient plutôt être ramenés aux dieux parla douceur et la persuasion. Si quelqu’un d’eux leur revient spontanément, on doit l’accueillir à bras ouverts. Que si d’autres préfèrent garder leur religion, il faut les laisser à leur libre arbitre. Telle est la règle que doit suivre ta dévotion : n’accorder à personne la permission d’opprimer les habitants des provinces ; regagner par la douceur ceux-ci à notre culte. Pour que nos ordres soient connus de tous nos provinciaux, tu auras soin de les résumer dans un édit[100].

Par cette pièce, qui ne promettait rien, ne rétractait rien, et, jusque dans sa modération affectée, respirait l’ardeur du prosélytisme, qui Maximin espérait-il tromper ? ses sujets chrétiens, ou Constantin ? Ni celui-ci, ni ceux-là ne crurent à d’aussi vagues assurances. Les premiers savaient leur maître capable de toutes les palinodies : ils l’avaient déjà vu passer, sans scrupule, de la tolérance promise à la persécution déclarée, et n’ignoraient pas que, tout en se pliant aux circonstances, Maximin n’avait jamais abandonné l’intention de rétablir, par force ou par ruse, la complète domination du culte païen. Aussi ne crurent-ils pas la persécution terminée ; ceux qui s’étaient cachés demeurèrent dans leurs retraites ; on ne se hâta pas de reprendre possession des édifices consacrés au culte et de recommencer les assemblées religieuses[101]. Les chrétiens restèrent sur le qui-vive, et refusèrent de considérer comme une paix, ou même. une trêve durable, ce qui était seulement, à leurs yeux, une courte suspension d’armes. Constantin ne prit qu’en apparence une autre attitude. Il venait de trouver à Rome des preuves écrites du traité conclu entre Maximin et Maxence : aussi savait-il à quoi s’en tenir sur les secrets desseins du tyran de l’Asie[102] ; mais il entrait dans sa politique de retarder un conflit que la divergence de leurs sentiments ferait éclater tôt ou tard. Il feignit de se contenter de la réponse indirecte donnée à sa lettre, puis, au commencement de l’année 313, après avoir reçu dans la ville éternelle les insignes de son troisième consulat[103], il partit pour Milan, où l’attendait Licinius.

Le premier objet de leur réunion était la célébration des noces de Licinius avec la sœur de Constantin. Mais d’importantes délibérations devaient se poursuivre au milieu des fêtes du mariage impérial ; aussi les deux Augustes jugèrent-ils convenable d’y convoquer le vieux Dioclétien, moins sans doute pour faire figurer dans le cortège nuptial ce doyen de la pourpre, que pour s’éclairer de ses conseils et donner par son autorité plus de force aux réformes qu’ils méditaient. C’est ainsi que, six ans plus tôt, Galère avait considéré la présence de Dioclétien comme une sanction nécessaire de l’élection de Licinius. Mais Dioclétien n’était plus le vétéran résigné à son sort, l’ermite heureux et consolé par la contemplation de ses beaux jardins. Le désespoir qu’il avait ressenti naguère en apprenant que ses statues avaient été abattues en Gaule avec celles d’Hercule, venait de se raviver à la nouvelle du même affront subi à Rome par l’ordre de Constantin. Mari sans épouse, père privé de sa fille, empereur accablé d’humiliations, malade affaibli par la souffrance, que viendrait-il faire aujourd’hui dans les fêtes des princes ou dans les congrès des souverains ? il s’excusa, sur sa vieillesse et ses infirmités. Constantin, dont l’esprit s’ouvrait facilement au soupçon, lui répondit avec dureté, l’accusant d’avoir favorisé Maxence et même (ce qui est invraisemblable) d’être actuellement d’accord avec Maximin. Le malheureux empereur ne put supporter ces reproches, dans lesquels il crut voir le présage d’une condamnation future. Voulut-il, comme l’affirment quelques historiens, prévenir cette condamnation par le suicide[104] ? Succomba-t-il, comme d’autres le pensent, à l’âge, à la maladie et an chagrin[105] ? On sait seulement qu’il mourut vers le milieu de 313[106], et sa mort, quel que soit le récit auquel on s’attache, laisse l’impression d’un de ces coups que la justice divine frappa successivement sur tous les persécuteurs du quatrième siècle[107]. Peut-être son vrai châtiment fut-il de n’avoir pu mêler son nom à l’œuvre qui se poursuivit sans lui à Milan. Elle aurait plus valu pour honorer ou réhabiliter sa mémoire que les hommages posthumes qui lui furent prodigués, le titre de divas que lui décerna le sénat[108], et le superbe mausolée, couvert d’un voile de pourpre[109], dans lequel on enferma ses cendres.

Il ne s’agissait de rien moins que d’effacer les dernières traces de la persécution qui, par la faiblesse de Dioclétien, depuis dix ans dévastait l’Empire. Galère, l’avait tenté ; mais l’édit rédigé en 310 et promulgué au commencement de 311, n’était en vigueur que clans une partie du inonde romain. Les provinces qu’avait possédées Maxence ne le connaissaient point : bien que ce prince y eût rétabli depuis assez longtemps la paix religieuse, elle manquait pour ses anciens sujets d’un titre légal. L’édit n’avait encore force de loi ni en Italie ni en Afrique. A plus forte raison demeurait-il lettre morte en Orient. Promulgué du vivant de Galère dans tout le nord de l’Asie romaine, il y avait été abrogé de fait quand cette portion de ses États était tombée aux mains de Maximin. On se rappelle que dans les États propres de celui-ci, c’est-à-dire en Syrie et en Égypte, il n’avait jamais été publié officiellement. La récente lettre à Sabinus, qui contenait seulement de vagues conseils de tolérance, ne faisait même aucune allusion à l’édit. La Gaule, l’Espagne et la Belgique, domaine de Constantin, les pays situés entre l’Adriatique et le Bosphore, apanage de Licinius, considéraient seuls comme une loi de l’Empire l’acte autrefois arraché par la maladie à l’impuissant repentir du vieux Galère. Le reste du monde romain ou ne l’avait pas reçu, ou ne le recevait plus. Une question se posait aux deux empereurs, devenus par leur étroite alliance et par la victoire de Constantin les maîtres incontestés : allaient-ils promulguer l’édit dans les provinces conquises sur Maxence, et contraindre par la menace ou par la force Maximin à faire la même promulgation en Asie et en Égypte ? Cette conduite paraissait la plus simple ; mais elle ne répondait plus aux sentiments de Constantin. En ouvrant les yeux à la foi nouvelle, il s’était aperçu que certaines dispositions, qui d’abord ne l’avaient point choqué, marquaient de la part du législateur une défiance injurieuse à l’égard des chrétiens : telle était la condition de ne rien faire contre la discipline, dont la formule élastique pouvait se plier aux interprétations les plus diverses ; telles étaient surtout les instructions particulières jointes au texte, sortes d’articles organiques dont la teneur ne nous est point parvenue, mais qui apparemment restreignaient dans la pratique la liberté octroyée en théorie. Une autre partie de l’édit lui paraissait prêter à la critique : en autorisant les chrétiens à rétablir leurs assemblées, Galère n’avait pas réglé la manière dont ils reprendraient possession des biens confisqués, en particulier les droits que leurs communautés pourraient faire valoir sur ceux des biens ecclésiastiques dont le fisc avait déjà disposé. Enfin, le langage employé par Galère, ce style outrageant, cette manière haineuse de donner la paix, contrastaient trop avec les pensées actuelles de Constantin pour qu’il en acceptât désormais la responsabilité. Ni pour le fond, ni pour la forme, ni en raison des circonstances mêmes qui l’avaient amené, l’acte de 311 ne lui paraissait la charte définitive de la liberté religieuse. Une nouvelle loi devait donc être rédigée, qui effacerait les conditions défavorables aux chrétiens, réglerait toutes les questions restées en litige, établirait la paix des consciences sur un fondement inébranlable, et la proclamerait en des termes dignes d’une telle cause.

Licinius n’avait rien à refuser au vainqueur de Maxence. Son scepticisme politique lui permettait de feindre des sentiments religieux conformes à ceux que professait sincèrement son impérial beau-frère. Il entra donc sans peine dans la pensée de Constantin et se mit d’accord avec lui pour adresser à tous les magistrats la constitution suivante, dont le texte officiel nous a été conservé par Lactance[110], à l’exception du préambule que nous connaissons seulement par la traduction grecque d’Eusèbe[111] :

Depuis longtemps déjà nous avions reconnu que la liberté de religion ne doit pas être contrainte, mais qu’il faut permettre à chacun d’obéir, pour les choses divines, au mouvement de sa conscience. Aussi avions-nous permis à tous, y compris les chrétiens, de suivre la foi de leur religion et de leur culte. Mais parce que, dans le rescrit où leur fut concédée cette faculté, de nombreuses et diverses conditions avaient été énumérées[112], peut-être à cause de cela quelques-uns y renoncèrent après un certain temps[113]. C’est pourquoi, quand moi, Constantin Auguste, et moi, Licinius Auguste, nous nous sommes rencontrés heureusement à Milan[114], pour y traiter de tous les intérêts qui importent à la tranquillité publique, nous avons cru que l’affaire la plus considérable, et qui devait être réglée la première, était celle du respect dei à la Divinité, et qu’il fallait donner aux chrétiens et à tous les hommes la liberté de suivre chacun la religion de leur choix : puisse cette pensée plaire à la Divinité qui réside dans le ciel, et la rendre propice à nous et à tous ceux qui nous sont soumis[115] ! Nous avons donc jugé salutaire et raisonnable de ne refuser à personne la permission de donner sa préférence au culte des chrétiens, afin que la Divinité suprême, dont nous suivons par un choix libre la religion, nous accorde en toutes choses sa faveur accoutumée et sa bienveillance. Sache donc Votre Excellence (Dicatio tua) qu’il nous a plu de supprimer toutes tes conditions qui, dans les rescrits que vous avez précédemment reçus, étaient imposées au sujet des chrétiens[116] ; nous voulons simplement aujourd’hui que chacun de ceux qui ont la volonté de suivre la religion chrétienne le puisse faire sans crainte d’être aucunement molesté. Voilé, ce que nous avons cru devoir signifier à votre sollicitude, afin que vous compreniez que nous avons donné à ces chrétiens l’absolue liberté d’observer leur religion. Ce que nous leur accordons, Votre Excellence doit comprendre que nous l’accordons aussi aux autres, qui auront la liberté de choisir et de suivre le culte qu’ils préfèrent, comme il convient à la tranquillité de notre temps, afin que nul ne soit lésé dans son honneur ou dans sa religion.

Telle est la première partie de la constitution des deux empereurs. Sans entrer encore dans aucun détail d’application, elle pose, en un langage grave et serein qui contraste singulièrement avec celui de Galère, le principe général de la liberté religieuse. Cela seul suffit à consacrer là victoire du christianisme. De religion persécutée ou seulement tolérée, il passe tout d’un coup au rang de religion licite, selon l’expression du droit romain, c’est-à-dire devient aux yeux de l’État l’égal des cultes païens. Le pouvoir civil, qui depuis trois siècles s’était armé pour l’anéantir, renonce même à le surveiller, puisque les mesures de police prévues dans l’édit de 311 sont formellement abrogées par celui de 313. Tel est le terrain gagné ou plutôt conquis depuis moins de deux ans. Le nouvel édit proclame, sans réserves, la liberté des consciences, mais pour assurer d’abord celle des consciences chrétiennes, la seule qui, dans la société romaine, ait jamais été menacée[117].

De plus, au sujet des chrétiens, — continuent les deux empereurs, — nous avons décidé que si les lieux où ils avaient auparavant coutume de se réunir, et dont il a été déjà question dans les instructions envoyées à votre office, ont été auparavant aliénés soit par le fisc, soit par quelque particulier, ils soient restitués aux chrétiens sans indemnité, sans aucune répétition de prix, sans délai et sans procès. Ceux qui les ont reçus en don ou même qui les ont achetés seront obligés de les rendre aussi promptement que possible ; s’ils pensent avoir droit, en retour, à quelque marque de notre bienveillance, qu’ils nous adressent une requête pour obtenir un équivalent[118]. Mais toutes ces choses devront être immédiatement remises au corps des chrétiens. Et comme ces mêmes chrétiens ne possédaient pas seulement des lieux d’assemblées, mais aussi d’autres propriétés appartenant à leur corporation, c’est-à-dire aux églises, non à des particuliers, vous ordonnerez, en vertu de la même loi, que sans aucune excuse ou discussion ces propriétés soient rendues à leur corporation et à leurs communautés, en observant la règle ci-dessus posée, c’est-à-dire en faisant espérer une indemnité de notre bienveillance à ceux qui auront restitué sans répétition de prix. En toutes ces choses vous devrez prêter votre assistance à ce même corps des chrétiens, afin que notre ordre soit rapidement accompli, car il est favorable à la tranquillité publique. Veuille, comme il a été dit plus haut, la faveur divine, que nous avons déjà éprouvée en de si grandes choses, nous procurer toujours le succès, et en même temps assurer la félicité de tous ! Afin que cet acte de notre bienveillance ne demeure ignoré de personne, ayez soin de lui donner en tout lieu la publicité officielle.

Cette seconde partie de l’édit ne proclame plus des principes applicables à tous les cultes : elle est faite, comme dit le texte, spécialement pour les chrétiens. C’est un acte de réparation. La propriété ecclésiastique, constituée par les communautés chrétiennes dès le temps de Septime Sévère, et comprenant à la fois les édifices nécessaires au culte et à l’enseignement, les terrains consacrés à la sépulture, déjà peut-être quelques immeubles de rapport destinés à subvenir aux multiples dépenses d’une société organisée, avait, depuis son établissement, souffert diverses atteintes : mise des cimetières sous séquestre au milieu du troisième siècle, confiscation complète des églises et des cimetières au commencement du quatrième. Plusieurs fois déjà les empereurs, effaçant les effets d’une persécution précédente, avaient reconnu le droit de l’Église à être propriétaire ; sans parler des restitutions faites par Gallien eu 260, on vient de voir Galère, en 311, rendre aux chrétiens leurs lieux d’assemblées, Maxence, la même année, remettre aux diacres du pape Miltiade les propriétés de l’Église de Rome. Mais on a vu aussi que ces mesures n’avaient encore reçu qu’une exécution incomplète, que dans une partie de l’Occident les Églises chrétiennes n’étaient pas rentrées régulièrement en possession de leurs biens, qu’en Orient la persécution de Maximin était venue troubler la reconstitution du domaine ecclésiastique. Là même où la restitution avait été faite, elle n’avait probablement compris que les biens restés entre les mains du fisc : toute la partie du domaine ecclésiastique déjà sortie de ces mains n’avait pu être rétablie. L’Église n’avait pas encore recouvré ceux de ses immeubles que le fisc avait précédemment aliénés, qui avaient été l’objet de donations ou de ventes, sur lesquels des tiers avaient acquis des droits de diverse nature, et dont quelques-uns avaient pu même être déjà transmis par l’hérédité à une seconde génération de possesseurs. Une véritable loi d’expropriation devait intervenir, si l’on voulait faire rentrer cette catégorie de biens dans le patrimoine de l’ancien propriétaire. Un souverain assez fort pour faire passer avant toute autre considération ce qu’il estimait la justice pouvait seul prendre une telle mesure, analogue à ce qu’aurait été, au commencement de notre siècle, un acte de Napoléon enlevant à leurs nouveaux possesseurs et restituant à l’Église tous les biens confisqués pendant la période révolutionnaire et déjà entrés dans le mouvement économique. Ce que Napoléon n’aurait pas voulu, ce que Pie VII ne demanda pas, est précisément ce que fit Constantin ; mais, pour rendre supportable un acte qui blessait tant d’intérêts, il essaya de tempérer la justice par l’équité, et de donner immédiatement confiance à, ceux de ses sujets qui allaient se trouver atteints : de là cette promesse d’indemnité deux fois répétée dans l’édit.

Telles sont les dispositions de sa seconde partie on en comprend aisément toute la portée. Dans la première, Constantin et Licinius ont solennellement reconnu aux individus la liberté de professer le Christianisme ; dans celle-ci, ils reconnaissent l’existence de la société chrétienne : tous les mots qui peuvent la désigner, corpus, conventiculum, ecclesia, sont successivement employés : elle est distinguée avec soin des particuliers, ad jus corporis eorum, id est Ecclesiarum, non hominum singulorum, pertinentia ; son domaine collectif est nettement mis àpart de la propriété individuelle : son droit d’être et de posséder, antérieur aux persécutions et supérieur aux lois qui l’avaient contesté, est avoué par l’effet rétroactif donné aux mesures prises pour le rétablir ; l’Église acquiert définitivement, vis-à-vis de l’État, cette personnalité morale et civile qu’elle essaya jadis d’abriter sous le couvert des lois relatives aux associations funéraires, et qu’un édit solennel lui permet aujourd’hui de prendre sans subterfuge, au grand soleil, à la face de tous. Désormais elle pourra, dans la sphère immense où Dieu l’appelle à se mouvoir, exercer utilement tous ses droits et remplir toute sa mission. Pendant que la religion païenne, à laquelle rien n’a encore été changé, demeure confondue avec l’État, la religion chrétienne apparaît vis-à-vis de lui, pouvoir distinct, non rival, vivant de sa vie propre, et munie de tous les organes extérieurs qui lui permettront de la manifester. Le pape au Latran, César au Palatin, telle est l’image de la situation nouvelle qui résulte de la conversion de Constantin et de l’édit de Milan.

 

III. — La fin de Maximin.

En préparant l’édit de Milan, les deux empereurs s’étaient peut-être demandés avec inquiétude par quels moyens ils contraindraient Maximin à l’observer sincèrement. Celui-ci les tira d’embarras. Le cauteleux Barbare, profitant de l’éloignement de Licinius, jeta soudain le masque. Les fêtes du mariage n’étaient pas terminées[119], qu’en plein hiver il s’était rendu de Syrie en Bithynie, avait passé de là en Thrace, pris Byzance, et mis le siège devant Héraclée. Licinius courut défendre son empire. Ses troupes, rassemblées à la hâte, étaient inférieures en nombre à celles de Maximin : aussi se proposait-il de retarder les mouvements de l’ennemi et de secourir les villes investies plutôt que de combattre en rase campagne. Cependant, après la prise d’Héraclée, les deux armées se trouvèrent si proches, qu’un combat devint inévitable[120].

Constantin était à ce moment sur les bords du Rhin, où une invasion de Francs l’avait appelé pendant que son beau-frère se rendait en Thrace[121] ; mais le souvenir de sa victoire sur Maxence animait les soldats de Licinius : ils comptaient sur le secours du Dieu qui était si visiblement intervenu en sa faveur. On racontait dans leur camp que Maximin venait de promettre à Jupiter la complète extinction du nom chrétien si le succès restait à, ses armes[122]. La guerre, ainsi entendue, devenait une guerre religieuse. Soit conviction passagère, soit calcul habile, Licinius entra dans les dispositions où il voyait ses soldats. Par ses ordres une formule de prières qui, sans contenir une profession de foi nettement chrétienne, séparait cependant la cause pour laquelle on allait combattre de celle du polythéisme[123], fut lue devant les troupes le matin de la bataille. Officiers et soldats, ôtant leurs casques, posant à terre leurs boucliers ; répétèrent trois fois : Dieu souverain, nous te prions. Dieu saint, nous te prions. Nous te recommandons notre juste cause, nous te recommandons notre salut, nous te recommandons notre empire. Par toi nous vivons, par toi nous sommes heureux et vainqueurs. Dieu saint et souverain, nous te prions. Nous tendons vers toi nos bras. Exauce-nous, saint et souverain Dieu[124]. Puis, remettant leurs casques, ramassant leurs boucliers, ils attendirent le signal du combat. L’armée de Maximin, rangée à l’autre extrémité d’une vaste plaine, entendit les voix, vit le mouvement : une vague terreur la saisit. Peut-être ce sentiment ne fut-il pas étranger à la condescendance avec laquelle son chef se prêta à une entrevue ; mais, dans le colloque rapide échangé avec Licinius, au milieu de la plaine, sous les regards des deux armées, il ne voulut entendre à aucune proposition de paix[125]. Bientôt le clairon sonna, lés étendards s’agitèrent : en un instant la mêlée devint terrible. La foi au Dieu qu’ils venaient d’invoquer doublait les forces des soldats de Licinius. La victoire se déclara promptement pour eux. Des meilleures troupes de Maximin une partie périt, une autre partie l’abandonna. Les gardes du corps eux-mêmes firent défection[126]. Quand le malheureux souverain vit la bataille perdue, il quitta son manteau de pourpre, jeta sur ses épaules une misérable casaque d’esclave, et, fuyant à travers la plaine jonchée de cadavres, gagna le rivage, où il s’embarqua[127].

Sa désertion fit déposer les armes à ceux qui luttaient encore. Ce qui restait de l’armée de Maximin se soumit, et passa sous les drapeaux de Licinius. L’empereur fugitif arriva à Nicomédie le 1er mai, huitième anniversaire du jour où cette même pourpre, qu’il venait d’abandonner honteusement, lui avait été remise par Dioclétien[128]. De là, sans s’arrêter, il passa en Cappadoce, rassembla quelques troupes, et reprit le costume et les allures d’un empereur. Pendant ce temps Licinius traversait le Bosphore et entrait à son tour dans la capitale de la Bithynie. Un de ses premiers soins fut la promulgation de l’édit de Milan[129]. Le 13 juin, on put le lire sur les principales places de la ville, au lieu même où, dix ans et quatre mois plus tôt, avait été affiché le premier édit de Dioclétien, ordonnant la fermeture des églises. Licinius engageait maintenant les chrétiens à les rouvrir, à rebâtir celles qui avaient été abattues, à rentrer en possession de leurs biens confisqués. Non content de publier les articles de loi qui en réglaient minutieusement la restitution, il exhortait de vive voix les fidèles à reprendre leur vie de communauté, que la peur de Maximin avait suspendue : et déjà les ouvriers se mettaient à l’œuvre pour relever de ses ruines la cathédrale de Nicomédie, rasée par les prétoriens en 303[130].

Maximin s’était retiré en Cilicie, à l’abri du Taurus, dont il avait fortifié les passages[131]. Derrière cette ligne de montagnes, la résistance paraissait encore possible ; mais, pour se défendre avec succès, il fallait n’avoir pas d’ennemis intérieurs, et pouvoir compter sur le dévouement de toute la population. Maximin s’aperçut enfin de la lourde faute commise en persécutant les chrétiens. Il les voyait défiants, indignés, tandis qu’au nord leurs Églises se reformaient joyeusement et bénissaient Licinius comme un sauveur. Sans doute, l’expérience lui avait montré que les chrétiens ne se révoltent pas contre les pouvoirs établis ; comme tous les persécuteurs, il avait eu sous les yeux des exemples d’héroïque patience : cependant il craignait que les fidèles de ses dernières provinces ne jetassent des regards d’envie au delà du Taurus, et ne fissent au moins des vœux secrets pour le succès de son adversaire. A ce sentiment tardif se joignait chez Maximin une sourde colère contre les conseillers auxquels il attribuait ses échecs. Qui lui avait inspiré tant d’ambition et d’audace, sinon les prêtres, les mages, les devins dont il remplissait naguère sa maison, et qui, en inspectant les victimes ou en faisant parler les oracles, l’avaient excité à prendre les armes ? Maximin fit massacrer un grand nombre de ces malheureux[132], dupes de leur fanatisme ou flatteurs du sien ; puis, s’imaginant peut-être avoir par ce sang apaisé les chrétiens, il rédigea en faveur de ces derniers un édit dont les dispositions étaient calquées sur l’édit de Milan, mais dont le langage trahit à chaque ligne le mensonge et la peur[133].

L’empereur César Caius Valerius Maximin, Germanique, Sarmatique, pieux, heureux, invincible, auguste. Toujours et de toutes les manières nous nous efforçons de procurer l’avantage des habitants de nos provinces, et de favoriser par nos bienfaits tout à la fois la prospérité de la République et le bien-être des particuliers : personne ne l’ignore, et nous avons la confiance que chacun, interrogeant sa mémoire, en est persuadé. Aussi, ayant appris précédemment qu’en vertu de la loi rendue par nos divins parents Dioclétien et Maximien, pour ordonner la destruction des lieux où s’assemblaient les chrétiens, beaucoup d’excès et de violences avaient été commis par les officiers publics, et que le mal s’était chaque jour fait sentir davantage à nos sujets, dont les biens sont, sous ce prétexte, lourdement atteints, nous avons, l’année dernière[134], par des lettres adressées aux gouverneurs des provinces, déclaré que si quelqu’un voulait s’attacher à cette secte et observer cette religion, il lui serait permis de suivre sans empêchement son dessein, et personne n’oserait le lui interdire ; mais que tous les chrétiens jouiraient d’une liberté complète, à l’abri de toute crainte et de tout soupçon. Cependant nous n’avons pu entièrement ignorer que certains de nos magistrats avaient mal compris nos ordres, et qu’à cause de cela nos sujets se défiaient de nos paroles et ne reprenaient qu’avec hésitation le culte de leur choix[135]. C’est pourquoi, afin qu’à l’avenir toute inquiétude et toute équivoque soient dissipées, nous avons voulu publier cet édit, par lequel tous comprendront que ceux qui veulent suivre cette secte en ont pleine liberté, et que, par l’indulgence de notre Majesté, chacun peut observer la religion qu’il préfère ou à laquelle il est accoutumé. On leur permet aussi de rétablir les maisons du Seigneur[136]. Du reste, pour faire comprendre l’étendue de notre indulgence, nous avons voulu ordonner encore que si quelque maison ou quelque lieu appartenant auparavant aux chrétiens avaient été dévolus au fisc par l’ordre de nos divins parents, occupés par quelque ville[137], vendus ou donnés, ils reviendront à leur ancienne condition juridique et à la propriété des chrétiens, afin que tous puissent reconnaître notre piété et notre sollicitude[138].

Telles sont, dit Eusèbe, les paroles du tyran. Voilà comment il s’exprime maintenant, lui qui, l’année dernière, faisait graver sur l’airain ses édits contre les chrétiens. Récemment il nous traitait de profanes, d’impies, de gens nés pour la ruine du genre humain ; il déclarait que nous devions être exclus non seulement des cités, mais des campagnes et des déserts et aujourd’hui il publie des constitutions et des lois en notre faveur ! Ceux qui, en présence du tyran lui-même, périssaient par le feu, le fer, les dents des bêtes ou le bec des oiseaux, et souffraient tous les tourments et toutes les morts sous l’imputation d’impiété et d’athéisme, sont invités maintenant à pratiquer leur religion, engagés à rebâtir la maison du Seigneur : le tyran avoue et reconnaît leurs droits[139]. Le souvenir de la persécution était trop récent, ses plaies encore trop saignantes pour que les chrétiens éprouvassent, de la soudaine bienveillance de leur ennemi, d’autres sentiments que ceux que vient d’exprimer Eusèbe. Ils acceptaient avec reconnaissance les bienfaits de Constantin et même de Licinius, avec une dédaigneuse pitié les réparations intéressées de Maximin.

Celles-ci précédèrent de bien peu sa mort. Licinius venait de forcer les passes du Taurus : il s’avançait vers Tarse, où Maximin s’était retiré. Probablement sa flotte bloquait en cet endroit les côtes de Cilicie, car Lactance dit que toute retraite, par terre et par mer, se trouvait désormais fermée au tyran de l’Asie[140]. Désespéré, Maximin s’empoisonna ; mais, comme il venait de faire un copieux repas, son estomac fatigué rejeta une partie du breuvage vénéneux ; ce qui resta n’agit que lentement, et termina sa vie dans de lentes et atroces souffrances. On dit qu’il perdit les yeux ; les écrivains chrétiens ne manquent pas de rappeler qu’au temps de la persécution il avait fait crever ceux d’innombrables martyrs. Lui-même semble avoir reconnu la main qui le frappait : dans son délire, il s’imaginait voir le souverain Juge, entouré de ministres vêtus de blanc ; on l’entendait invoquer en pleurant la pitié du Christ. Enfin, consumé d’un feu intérieur qui semblait avoir desséché ses membres, le malheureux rendit l’âme[141].

Licinius n’imita pas la douceur que Constantin avait montrée à Rome après la défaite de Maxence. L’ancien ami de Galère se fit l’instrument d’une réaction impitoyable. Maximin fut déclaré ennemi public ; ses statues renversées demeurèrent gisantes à terre, objet des continuelles insultes des passants : dans toutes les peintures où il figurait son visage fut noirci, afin de le rendre ridicule ou méconnaissable[142]. Mais la colère du vainqueur ne se borna pas à ces objets inanimés. Licinius se rendit à Antioche, emmenant l’épouse de Maximin, son fils et sa fille. La coupable impératrice fut noyée dans l’Oronte où souvent par ses ordres avaient été jetées de chastes femmes, c’est-à-dire probablement des chrétiennes[143]. Les deux enfants furent massacrés[144]. Avec eux périrent tous ceux qui par le sang, par l’amitié, par une complicité quelconque, tenaient à Maximin. On cite parmi les condamnés Peucetius, qu’il avait trois fois élevé au consulat et dont il avait fait son ministre des finances[145] ; Culcianus, le sanguinaire gouverneur de l’Égypte[146]. Un autre ennemi des chrétiens reçut alors le châtiment de ses crimes. Licinius venait de mettre â la torture les prêtres et les serviteurs du Dieu nouveau, Jupiter l’Ami, dont les réponses complaisantes avaient été l’un des moyens de règne de Maximin : ceux-ci révélèrent tous les artifices par lesquels on faisait parler l’oracle : l’inventeur de la fraude, Théotecne, la paya de sa tête[147].

D’autres victimes plus touchantes, dont Lactance lui-même semble avoir pitié, furent enveloppées dans ces terribles représailles. La fille et la veuve de Dioclétien, Valérie et Prisca, ne trouvèrent point grâce auprès de Licinius. Celui-ci ayant fait mourir Candidien, bâtard de Galère, que Valérie avait adopté, les deux infortunées princesses durent reprendre leur vie errante, en cachant leur nom et leur rang, on les arrêta à Thessalonique. Une barbare sentence les envoya au supplice. Devant une foule émue d’une si grande infortune, ces deux vertueuses femmes furent décapitées, puis jetées à la mer[148]. Contraintes naguère à l’apostasie par Dioclétien, persécutées par Maximin, poursuivies de nouveau par Licinius, après avoir connu toutes les grandeurs elles avaient bu à tous les calices d’amertume ; mais Dieu, en les faisant passer par d’aussi longues souffrances, leur réservait peut-être le temps et les moyens de se repentir : on aime à croire que, dans le douloureux mystère de leur destinée, brilla le rayon consolateur du pardon divin[149].

 

 

 



[1] Saint Optat, De schism. donat., I.

[2] C’est-à-dire la formule (expliquée plus haut) post sextum consulatum : voir De Rossi, Roma sotterranea, t. III, p. 225 et pl. XXX, n° 209.

[3] Ce fait résulte d’un document produit un siècle plus tard par les donatistes dans la conférence de 411, et résumé ainsi par saint Augustin : Gesta alia recitarunt, id quibus legebatur Melchiades misisse diaconos cum litteris Maxentii imperatoris et litteris præfecti prætorio ad præfectum urbis, ut ea reciperent quæ tempore persecutionis ablata memoratus imperator christiania jusserat reddi. Saint Augustin, Breviculus collations eum donatistis, III, 34. — Stratonem diaconum, quem cum aliis Melchiades ad recipienda loca ecclesiastica miserat. Ibid.

[4] De Rossi, Roma sotterranea, t. II, p. VII. La table pascale insérée dans le recueil de Philocalus commence à l’année 312, date de la restitution des biens ecclésiastiques.

[5] Marcel avait créé le cimetière de Novella, près de celui de Priscille. Il fut enterré in cimiterio Priscillæ, via Salaria, dit sa notice au Liber Pontificalis (Duchesne, t. I, p. 164). Cf. De Rossi, Roma sotterranea, t. I, p. 176, et Bull. di arch. crist., 1880, p. 25, 46.

[6] Area III du cimetière de Calliste, marquée VI sur les plans de la Roma sotterranea et sur ceux de la Rome souterraine.

[7] Quem beatus Fabianus adduxit cum clero per navim. Liber Pontificalis, Fabianus.

[8] Un des ms. du Liber Pontificalis dit qu’Eusèbe fut enterré in cimiterio Callisti in crypta ; formule employée pour les papes qui, comme Corneille et plus tard Miltiade, reposèrent dans une partie du cimetière distincte du caveau papal (Duchesne, le Liber Pontificalis, t. I, p. 167, note 6).

[9] Voir De Rossi, Roma sotterranea, t. II, p. 209 et pl. VIII. Cf. Rome souterraine, p. 248.

[10] Cette area est marquée VII sur les plans.

[11] Ce mot, dans une épitaphe de catacombe, n’appartient point au comput d’une distance mesurée par pas, mais est la formule ordinaire pour indiquer le martyre. De Rossi, Roma sotterranea, t. III, p. 68. — Cf. QVI VIM igni S PASSI SVNT (Edmond Le Blant, Inscriptions chrétiennes de la Gaule, t. II, p. 305, n° 548 A ; De Rossi, Inscr. christ. urbis Romæ, t. II, p. X-XI) ; QVI PASSI SVNT IN FLVMEN TIBERE (Roma sotterranea, t. III, p. 647).

[12] Malheureusement le précieux fragment fut volé avant que M. de Rossi ait pu l’étudier et tenter de le rapprocher d’autres morceaux.

[13] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 14, 3 ; De vita Constantini, 1, 35 ; Aurelius Victor, De Cæsaribus ; Zosime, II.

[14] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 14, 4 ; De vita Const., I, 35 ; Paneg. vet., 6, 7 ; Eutrope, Brev. ; Prudence, Contra Symmachum, 1, 470-471.

[15] Code Théodosien, V, VI, 1. — Cette tyrannie s’étendait de Home aux provinces de l’Italie ; une inscription en l’honneur d’un correcteur de la Campanie, en 312, le loue quod in correctura ejus quæ sævissimam tyrannidem incurrerat, nullam injuriam sustinuerit ordo populusque Atinas. Orelli, Inscr., 2285 ; Wilmanns, Exempla inscr., 1221 ; Corpus inscr. lat., t. X, 5061 ; Bull. della comm. arch. com., 1891, p. 110.

[16] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 14, 16.

[17] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 14, 2 ; De vita Const., 1, 33 ; Prudence, Contra Symmachum, I, 471-480.

[18] Eusèbe, De vita Const., I, 33.

[19] Eusèbe ne cite pas son nom, qui est donné par Rufin.

[20] Saint Jean Chrysostome, Homilia XL.

[21] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 14, 17 ; De vita Constantini, I, 34.

[22] Aurelius Victor, De Cæsaribus ; Paneg. vet., 6, 7 ; Lactance, De mort. pers., 18.

[23] Eusèbe, Hist. Eccles., VIII, 14, 5 ; De vita Const., I, 36.

[24] Lactance, De mort. pers., 43.

[25] Lactance, De mort. pers., 44 ; Zosime, II, 15.

[26] Lactance, De mort. pers., 43.

[27] Lactance, De mort. pers., 43.

[28] Paneg. vet., 6 ; Zosime, II, 15. — Zosime évalue l’armée de Maxence à cent soixante-dix mille fantassins et dix-huit mille cavaliers ; celle de Constantin n’atteignait pas cent mille hommes, dont vingt-cinq à trente mille seulement de troupes régulières. Voir Tillemont, Histoire des Empereurs, t. IV, p. 124.

[29] Paneg. vet., 6.

[30] Eusèbe, De vita Constantini, I, 13, 17.

[31] Paneg. vet., 9.

[32] Paneg. vet., 5, 6, 7 ; Eusèbe, De vita Const., I, 19.

[33] Eusèbe, De vita Constantini, I, 27.

[34] Eusèbe, De vita Constantini, I, 28.

[35] Τούτω νίxα. Eusèbe rapporte naturellement cette phrase en grec ; mais en quelle langue Constantin la vit-il écrite ? En latin, disent Philostorge, Nicéphore et Zonare. Les mots peuvent avoir été Hoc vince ou vinces, formule qui se développa et devint, sur les monnaies de Vetranion, Magnence et Constance Jeune : Hoc signo victor cris. Constantin et ses soldats parlaient latin.

[36] Eusèbe, De vita Constantini, I, 28.

[37] Il y est peut-être fait allusion dès 313 dans ce passage d’un panégyrique : Habes profecto aliquod cura illa mente divina, Constantine, secretum, quæ, delegata nostri diis minoribus cura, uni se tibi dignetur ostendere. Paneg. vet., 6.

[38] Cœleste signum. Expression de Lactance, De mort. pers., 44 ; de Porfirius Optatianus, Panegyricus (année 321).

[39] Paneg. vet., 6.

[40] Contra aruspicum monita. Paneg. vet., 6. — Cf. Baronius, Ann., ad ann. 312, § 11 ; Tillemont, Hist. des Empereurs, t. IV, p. 632 ; Newman, Essay on ecclesiastical miracles.

[41] Nazaire, dans Paneg. vet., 7.

[42] Outre les auteurs contemporains que j’ai cités dans le texte ou en note, la vision de Constantin est rapportée par des écrivains postérieurs : saint Grégoire de Nazianze, Oratio IV contra Julianum ; Sozomène, Hist. Ecclés., I, 3 ; Philostorge, 1, 6 ; Socrate, 1, 2 ; Nicéphore, VIII, 3 ; Cedrenus ; Zonare, XIII, 1 ; Suidas, v° Maxence ; la Chronique d’Alexandrie ; les Acta S. Artemii, dans Surius, Vitæ SS., t. X, p. 310.

[43] Comme le dit M. le duc de Broglie, si l’on trouve quelques difficultés dans le récit du prodige, on en trouve bien plus encore à expliquer l’apparition du fameux labarum sur la plupart des monnaies, des inscriptions et des insignes impériaux à partir de celte époque. Deux Portraits de Constantin, dans le Correspondant, 25 octobre 1888, p. 594, et dans Histoire et Diplomatie, 1889, p. 217.

[44] Les bustes ne furent brodés que plus tard, car en 311 Constantin n’avait encore d’autre fils que Crispus, né de son premier mariage.

[45] Eusèbe, De vita Constantini, I, 31. Cf. Prudence, Contra Symmachum, I, 464-466, 487-489.

[46] L’origine de ce mot est inconnue. M. Duruy le fait venir du chaldéen labar, qui dans la langue assyrienne avait le sens de durée, d’éternité (Histoire des Romains, t. VII, p. 42) : Saint Grégoire de Nazianze lui donne une origine latine, laborum salvendorum, l’étendard qui rend faciles les travaux (Oratio IV, 66). Voir d’autres étymologies, tirées du latin, du grec, du celte, dans Dictionary of christian antiquities, s. v., p. 909. D’après Sozomène (Hist. Ecclés., I, 4), l’étendard porté devant l’empereur s’appelait déjà labarum ou laboron, et fut seulement modifié par Constantin, qui y ajouta le monogramme du Christ.

[47] L’étendard constantinien est représenté (mais sans le voile) sur un sarcophage du quatrième siècle, au musée de Latran ; deux soldats sont assis près de lui et semblent le garder (Rome souterraine, p. 443, fig. 45). On le rencontre soit dans la main de l’empereur, soit gardé par deux soldats, sur un grand nombre de médailles de Constantin et de ses successeurs ; mais souvent la forme est simplifiée, et le monogramme, au lieu d’occuper le sommet de la haste, est dessiné sur le voile qui y est suspendu. — Un cercle de bronze enfermant le monogramme, conservé au musée chrétien de la bibliothèque Vaticane, paraît avoir formé la cime d’un labarum. De Rossi, Roma sotterranea, t. III, p. 341, n° 2 ; Bullettino di archeologia cristiana, 1877, p. 56, 68.

[48] In tropæis cruces intestina sunt tropæorum... Omnes illi imaginum suggestus insignes, monilia crucum sunt : siphara illa vexillorum et cantabrorum stolæ crucum sunt. Tertullien, Apologétique, 16 ; cf. Minucius Felix, Octavius, 29.

[49] Paneg. vet., 6, 7.

[50] Lactance, De mort. pers., 44.

[51] Paneg. vet., 6, 7 ; Zosime, II, 15 ; Lactance, De mort. pers., 44.

[52] Eusèbe, Hist. Ecclés., IX, 9, 4 ; De vita Const., I, 38.

[53] Bullettino di arch. crist., 1863, p. 40.

[54] Aurelius Victor, De Cæsaribus, 40.

[55] Commonitus est in quiete Constantinus ut cœleste signum Dei notaret in scutis, atque ita prælium committeret. Fecit ut jussus est, et, transversa X littera summo capite circumflexo, Christum in scutis notat. Lactance, De mort. pers., 44. S’il n’y a pas confusion dans ce récit, le songe que raconte Lactance est différent de celui qui suivit l’apparition de la croix dans le ciel. L’ordre donné par le Christ n’est pas le même, puisqu’il n’a plus trait à l’étendard, nais à l’inscription du monogramme sur les boucliers. Y est-il fait allusion dans une médaille d’Eudoxie, qui représente la Victoire, assise, gravant sur un bouclier le monogramme constantinien ? Une allusion plus ancienne et plus précise est dans les vers de Prudence, qui montre, lors de l’entrée de Constantin à Rome, le chiffre du Christ brillant au sommet et sur le voile du labarum, et en même temps inscrit sur le bouclier des soldats :

Christus purpureum gemmanti textus in auro

Signabat labarum, clypeorum insignia Christus

Scripserat, ardebat summis crux addita cristis.

Contra Symmachum, I, 486.488.

[56] A. de Broglie, l’Église et l’Empire romain, t. I, p. 229.

[57] Lactance, De mort. pers., 44.

[58] Illo die hostem Romanorum esse periturum. Lactance, De mort. pers., 44. — Sur les consultations des livres sibyllins, voir les Dernières Persécutions du troisième siècle.

[59] Quo responso in spem victoriæ inductus procedit, in aciem venit. Pons a tergo ejus scinditur. Lactance, De mort. pers., 44. Eusèbe et Zosime disent que le pont avait été à dessein formé de bateaux mal attachés, afin de s’ouvrir sous l’armée de Constantin ; cela est peu vraisemblable.

[60] Eo viso pugna crudescit. Lactance, De mort. pers., 44.

[61] Lactance, De mort. pers., 44 ; Eusèbe, De vita Constantini, I, 38 ; Zosime, II, 15 ; Aurelius Victor, Épitomé ; Paneg. vet., 6.

[62] Eusèbe, Hist. Ecclés., IX, 9, 8 ; De vita Constantini, I, 38. — Exode, XV, 2, 11.

[63] Eusèbe, De vita Constantini, I, 39. Cf. Prudence, Contra Symmachum, I, 493-495.

[64] Eusèbe, Hist. Ecclés., IX, 9, 9 ; De vita Const., I, 39.

[65] Queri tam cito accessisse Palatium... pagine etiam sacrum limen irrumpere... eum a quo obsidione liberati fuerant, obsidere. Paneg. vet., 6.

[66] Code Théodosien, IX, X, 1 ; cf. 2, 3.

[67] Paneg. vet., 6.

[68] Paneg. vet., 7 ; Zosime, II, 17.

[69] Paneg. vet., 6 ; Zosime, II, 17 ; Aurelius Victor, De Cæsaribus, 40.

[70] Eusèbe, De vita Const., I, 41.

[71] Eusèbe, De vita Const., I, 43.

[72] Eusèbe, De vita Const., I, 44.

[73] Eusèbe, De vita Const., I, 44.

[74] Nous verrons en 313 le pape Miltiade présider in domo Faustæ in Laterano un concile de dix-huit évêques (saint Optat., De schism. donat., I, 33). L’Église de Rome étant en possession de tous ses tituli, le choix de ce lieu de réunion ne s’expliquerait pas si le Latran ne lui avait dès lors appartenu ; Baronius, Ann., ad ann. 312, § 82 ; De Rossi, Bull. di arch. crist., 1863, p. 52 ; Stevenson, Scoperte d’antichi edifizi al Laterano, dans Ann. dell’ Inst. di corr. arch., 1877, p. 232 ; Duchesne, le Liber Pontificalis, t. I, p. 191, note 28.

[75] Evictio tyranni, adventus Constantini. Calendrier philocalien, aux 28 et 29 octobre ; Corpus inscr. lat., t. I, p. 405.

[76] Paneg. vet., 6.

[77] Lactance, De mort. pers., 44.

[78] Ce petit temple servit ensuite de vestibule à l’église des saints Côme et Damien, construite elle-même par l’adaptation au culte chrétien d’une aula consacrée aux archives cadastrales de Rome ; voir De Rossi, Bullettino di arch., crist., 1867, p. 61-71 ; Lanciani, Bull. della comm. arch. comunale di Roma, 1884, p. 29-54.

[79] Dédié en 315.

[80] Sous l’arche centrale, d’un côté LIBERATORI VRBIS ; de l’autre FVNDATORI QVIETIS. Corpus inscr. lat., t. VI, 1039.

[81] Bullettino di archeologia cristiana, 1863, p. 49, 57-60, 86.

[82] De Champagny, les Antonins, t. t, p. 380, 395, 416 ; De Rossi, Bull. di arch. crist., 1863, p. 59 ; Duruy, Histoire des Romains, t. VII, p. 57.

[83] Devenue l’église de Saint-André, aujourd’hui détruite ; voir Duchesne, le Liber Pontificalis, t. I, p. 250, note 2 ; Armellini, le Chiese di Roma, p. 115-118.

[84] Junius Bassus, consul ordinaire en 317.

[85] Bull. di arch. crist., 1871, pl. I-IV et p. 53.

[86] Aurelius Victor, De Cæsaribus, 40.

[87] Table de marbre trouvée en Algérie, haute de 0m,47, large de 0m,36, malheureusement incomplète. A la partie gauche, seule subsistante, sont peints trois hommes en toge, la tête laurée, se dirigeant vers la droite ; l’un d’eux tient un rameau d’olivier. Derrière eux marchent quatre hommes en tunique, portant sur leurs épaules un tableau, où se reconnaît un pont de pierre chargé de chevaux et de chars, au bas duquel est amarrée une barque (allusion vraisemblable au pont de bateaux). Le sujet du tableau est indiqué par l’inscription :

PONS MVLVI

ESPEDITIO

IMPERATORIS

co N stantini.

Héron de Villefosse, Archives des missions scientifiques et littéraires, 1875, p. 380 ; Corpus inscr. lat., t. VIII, 9356. — Aujourd’hui au musée d’Alger.

[88] Per Africam sacerdotium decretum est Flavix genti. Aurelius Victor, De Cæsaribus, 40.

[89] Les panégyristes qui décrivent son entrée triomphale à Rome parlent des spectacles auxquels il assista, mais ne font mention ni de sacrifice, ni même de visite au Capitole. Cf. Baronius, Ann., ad ann. 312, § 58 ; Tillemont, Histoire des Empereurs, t. IV, p. 140 ; A. de Broglie, l’Église et l’Empire romain, t. I, p. 235.

[90] Une inscription, de quelques années postérieure, montre clairement la pensée de Constantin à ce sujet. Les habitants de Spello, dans l’Ombrie, lui demandèrent, vers 327, la permission d’élever un temple à la gens Flavia, la famille impériale. Constantin accorda l’autorisation par un long rescrit dont l’original, gravé sur une table de marbre, est conservé au palais municipal de Spello. Muratori, puis Orelli, ont douté de son authenticité ; celle-ci, défendue par Mommsen, Henzen, Wilmanns, est universellement admise aujourd’hui. Le temple que l’empereur permet d’ériger est, si l’on peut ainsi parler, un temple civil, quelque chose comme le Panthéon de Paris depuis qu’il a été profané, ou le temple de la Gloire qu’avait rêvé Napoléon et qui devint l’église de la Madeleine. Le prêtre qui devait le desservir avait l’unique fonction de faire célébrer des jeux. Aucun acte religieux ne devait être accompli dans son enceinte. Le rescrit le dit expressément : AEDEM FLAVIAE HOC EST NOSTRAE GENTIS VT DESIDERATIS MAGNIFICO OPERE PERFICI VOLVNVS EA OBSERVATIONE PERSCRIPTA NE AEDIS NOSTRO NOMINE DEDICATA CVIVSQVAM CONTAGIOSE SVPERSTITIONIS FRAVDIBVS POLLVATVR (Henzen, Suppl. Orelli, 5580). Dans ces mots : Que le temple dédié à notre nom ne soit souillé par les fraudes d’aucune contagieuse superstition, on reconnaîtra avec Henzen, Mommsen, Wilmanns, De Rossi, Aubé, l’interdiction formelle d’y offrir des sacrifices, d’y faire acte de paganisme. L’interprétation contraire de M. Duruy (Revue archéologique, mars 1882 ; Histoire des Romains, t. VII, p. 64) est insoutenable.

[91] Eusèbe, Hist. Ecclés., IX, 9,10, 11 ; De vita Constantini, I, 40. — Il serait intéressant d’avoir le texte latin de cette inscription ; mais on n’en possède que la traduction grecque d’Eusèbe. — Ne pas confondre cette statue avec la statue équestre de Constantin, érigée en 334 sur le Forum romain, et dont l’inscription est : D. N. CONSTANTINO MAXIMO PIO FELICI AC TRIVMPHATORI SEMPER AVGVSTO OB AMPLIFICATAM TOTO ORBE REMP. FACTIS CONSVLTISQ. S. P. Q. R. DEDICAVIT ANICIO PAVLINO IVNIORE C. V. COS. ORD. PRAEF. VRBI. Corpus inscr. lat., t. VI, 1141.

[92] Voir dans le même sens. V. Schultze, Untersuchung zu Geschichte Konstantius der Grosse, dans Zeitschrift für Kirchengeschichte, VII, p. 343 et suiv. ; cf. du même auteur, Geschichte des Untergangs des griechsch-römischen Heidenthums, 1887, t. I, p. 34.

[93] N (IKA)IN HOC VINCESIN HOC SIGNVM SEMPER VINCESIN HOC SIGNO vinces. Bosio, Roma sotterranea, p. 215 ; De Rossi, De titulis Carthaginiensibus, dans Spicil., Solesm., t. IV, p. 516, 518 ; Bull. di arch. crist., 1872, p. 32 ; 1875, p. 80 ; Armellini, Il cimitero di S. Agnese, p. 215 et pl. X.

[94] Edmond Le Blant, Annales de philosophie chrétienne, février 1863, p. 88 ; Inscriptions chrétiennes de la Gaule, t. II, p. 26 ; les Sarcophages chrétiens de la Gaule, p. 120 ; Roller, les Catacombes de Rome, t. II, p. 150 et pl. LXIX, fig. 2.

[95] Bull. di arch. crist., 1863, p. 76, 79.

[96] Niche absidale du mausolée constantinien de sainte Constance, sur la voie Nomentane ; Müntz, Revue archéologique, juin 1878, p. 359, 361 ; Bullett. di arch. crist., 1880, p. 62, 65 ; Armellini, le Chiese di Roma, p. 674. — Arcosolium dans le cimetière de Calliste : grande, étoile à huit rayons en forme de croix équilatérale combinée avec le X, dans un cercle, au milieu d’une voûte semée d’étoiles plus petites ; Roma sotterranea, t. III, pl. XXXV, 2.

[97] Constantini litteris deterretur. Lactance, De mort. pers., 37.

[98] Et tamen si quis inciderat, mari occulte mergebatur. Lactance, De mort. pers., 37.

[99] Eusèbe, Hist. Ecclés., IX, 9, 13. — Eusèbe semble placer le rescrit de Maximin après l’édit de Milan, ce qui s’accorde mal avec la chronologie et avec la suite logique des événements.

[100] Le préfet du prétoire devait faire connaître au public le rescrit de l’empereur, soit par une reproduction intégrale, soit par un résumé, auquel on donnait le nom d’édit, parce qu’il était adressé à tous. Post edictum meum quo secundum mandata tua hæterias esse vetueram, écrit Pline à Trajan, X, 97.

[101] Eusèbe, Hist. Ecclés., IX, 9, 10, 11.

[102] Romam... susceptus imperator Constantinus Maximini perfidiam cognoscit, litteras deprehendit, statuas et imagines invenit. Lactance, De mort. pers., 44.

[103] Constantin, entré à Rome le 29 octobre 312, et y ayant pris le consulat le 1er janvier 313, y demeura un peu plus de deux mois. Quidquid mati sexennio toto dominatio feralis inflixerat, bimestris fere cum sanavit, dit le panégyriste Nazaire.

[104] Vixit annos sexaginta octo, ex qui bus communi habitu prope novem egit. Morte consumptus est, ut salis palet, formidine voluntaria. Quippe cum a Constantino atque Licinio vocatus ad festa nuptiarum per senectam, quo minus interesse valcret, excusavisset, rescriptis minacibus acceptis, quibus increpabatur Maxentio favisse, et Maximino favere, suspectans necem dedecorosam, venenum dicitur hausisse. Aurelius Victor, Épitomé, 39, 8. — Fame atque angore confectus est. Lactance, De mort, pers., 42.

[105] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, appendice, 3. — La Chronique d’Alexandrie parle d’hydropisie.

[106] Il résulte de Lactance, De mart. pers., 43, que Dioclétien mourut avant Maximin. Or, la mort de ce dernier est du mois d’août 313 (voir la note de Baluze sur Lactance, De mort. pers., 49, et Tillemont, Hist. des Empereurs, t. IV, p. 156). Celle de Dioclétien eut donc lieu entre cette date et les premiers mois de 313, époque du mariage de Constantia, où il avait été invité. Cf. Tillemont, Hist. des Empereurs, t. IV, p. 610, note XX sur Dioclétien.

[107] Saint Jérôme, In XIV Zach.

[108] Europe, Brev., IX, 28. — Comme il était, par son abdication, redevenu personne privée, le fait parut sans précédent : Solus omnium privatus inter deos refertur, dit la Chronique de saint Jérôme.

[109] Ammien Marcellin, XVI, 28.

[110] Lactance, De mort. pers., 48.

[111] Eusèbe, Hist. Ecclés., X, 5.

[112] Πολλαί xαί διάφοροι αίρεσεις. Eusèbe, Hist. Ecclés., X, 5, 2. — Celte phrase a donné lieu à une singulière méprise. On a traduit αίρεσεις par sectæ, et l’on a supposé qu’un premier édit, où il était question d’hérésies, avait été rendu par Constantin et Licinius. Valois, cité par Tillemont (Mémoires, t. V, art. XLVI sur la persécution de Dioclétien), croit que dans ce premier édit l’on avoit été choqué de ce que la religion chrétienne y avoit été tellement relevée, qu’il sembloit, que toutes les autres y eussent été défendues ; et encore de ce que les diverses sectes sorties des chrétiens y étoient qualifiées du nom odieux d’hérésies. M. de Broglie (l’Église et l’Empire romain au quatrième siècle, t. I, p. 239) suppose au contraire que ce premier édit était conçu dans des termes d’une généralité telle, qu’il semblait s’étendre à des sectes ennemies de toute morale et favoriser par là une licence périlleuse. Cet édit postérieur à la défaite de Maxence, antérieur à l’édit de Milan, et susceptible d’interprétations si diverses, n’est rapporté nulle part. Il a été cependant cité de confiance par un grand nombre d’historiens t aux noms que je viens d’indiquer on peut ajouter Beugnot (Histoire de la destruction du paganisme en occident, t. I, p. 57), Aubé (De Constantino imperatore pontifice maximo, p. 20), Boissier (l’Édit de Milan, dans la Revue des Deux-Mondes, 1er août 1887, p. 520). M. de Champagny (les Césars du troisième siècle, t. III, p. 454-455) ne l’admet qu’avec hésitation. Son existence parait ne reposer que sur une mauvaise traduction de la phrase grecque d’Eusèbe. Πολλαί xαί διάφοροι αίρεσεις ne veut pas dire de nombreuses et diverses hérésies, mais de nombreuses et diverses conditions. C’est ainsi que, plus loin, amotis omnino conditionibus, dans la partie du texte latin que nous a conservé Lactance, est traduit par Eusèbe : άφαιρεθεισών πανταλώς τών αίρέσεων. Hæresis, dans le sens de conditio, se rencontre même en latin : au Code Théodosien, XVI, VI, 9, 10, navalem hæresim est mis pour navalem conditionem, la condition, la fonction héréditaire du marin. Voir Baluze, Notes sur le De mort. pers., 48 ; Mason, The persecution of Diocletian, p. 327-329 ; Asclepiades, Kaiser Licinius, Excursus III, p. 79-81 ; Zahn, Constantin der Gross und die Kirche, 1876 ; Görres, Toleranzedicte, dans Kraus, Real-Encykl. des christlichen Alterthümer, t. II, p. 899.

[113] Ici se termine le préambule donné par Eusèbe seul.

[114] Cum féliciter tam ego Constantinus Augustus quam eliam ego Licinius Augustus apud Mediolanenses convenisseinus... — Comme je l’ai établi plus haut, la rencontre des deux empereurs eut lieu au commencement de 313 ; Constantin n’avait séjourné que deux mois à Home après le 28 octobre 312, date de la bataille du Pont Milvius, et s’était rendu ensuite à Milan. Le congrès de Milan ne dura lui-même que deux ou trois mois, puisque Licinius battra Maximin près d’Héraclée le 30 avril 313. On peut placer vraisemblablement en mars de la même année l’envoi de l’édit aux magistrats. M. Boissier se trompe donc en disant (l’Édit de Milan, dans la Revue des Deux-Mondes, 1er août 1887, p. 527) que depuis la bataille du Pont Milvius il s’était écoulé plus d’un an. L’édit de Milan ne lui est postérieur que d’environ cinq mois.

[115] Quod quidem divinitas in sede cœlesti nobis atque omnibus qui sub potestate nostra sunt constituti placatum ac propitium possit existere. — On remarquera, dans ce passage et dans plusieurs autres endroits de l’édit, cette vague expression Divinitas, dont nous avons déjà parlé, et qui était commune à toutes les religions. On n’en saurait conclure que Constantin n’était pas alors sincèrement converti au christianisme. Les chrétiens eux-mêmes se servirent quelquefois d’expressions plus vagues encore pour désigner Dieu : Quod Summitos dedit, lisons-nous sur un marbre funéraire du cimetière de Calliste (Bull. di arch. crist., 1865, p. 11). Dans une constitution qui ne comportait aucune profession de foi spéciale et devait être lue par ses sujets de tous les cultes, on comprend que Constantin ait employé un mot universellement accepté et compris. On doit se souvenir aussi que l’édit de Milan est publié en son nom et au nom de Licinius, et que ce dernier, bien qu’adhérant à la politique religieuse de son collègue, ne fit jamais un acte explicite de christianisme : il fallait trouver une expression qui ne dépassât point sa pensée. Ces considérations me paraissent rendre inutile l’hypothèse ingénieuse qui attribue le choix du mot Divinitas à quelqu’un des rédacteurs païens attachés à la chancellerie impériale.

[116] Allusion à l’édit de Galère et aux instructions en forme de commentaires dont il était accompagné.

[117] Je suis ici d’accord avec M. Boissier. Il faudrait être aveugle, écrit le savant critique, pour ne pas voir que l’édit de Milan, pris dans son ensemble, est fait par un chrétien et dans l’intérêt des chrétiens. Si celui qui l’a promulgué appartenait à ces éclectiques qui ne faisaient pas de distinction entre les cultes, il s’y préoccuperait de tous également, et ils seraient tous mis sur la même ligne, ce qui n’est pas. On voit bien qu’en réalité il ne songe qu’aux chrétiens ; ils sont les seuls qui soient expressément nommés, et même il est dit, en propres termes, que la tolérance qu’obtiennent les autres religions n’est qu’une conséquence de celle qu’on veut accorder au christianisme. L’Édit de Milan, dans la Revue des Deux-Mondes, 1er août 1887, p. 528.

[118] Etiam vel ii qui emerunt, vel qui dono erunt consecuti, si putaverint, de nostra benevolentia aliquid vicarium postulent. Par un singulier contresens, Eusèbe a pris le mot vicarium, qui signifie ici équivalent, pour un titre de magistrat, et a traduit τώ έπί τόπων έπάρχω διxάζοντι.

[119] Maximinus ubi eos intellexit nuptiarum solemnibus occupatos... Lactance, De mort. pers., 45.

[120] Lactance, De mort. pers., 45.

[121] Paneg. vet., 6. ; Zosime, II.

[122] Tunc Maximinus ejusmodi votum Jovi vovit, ut si victoriam cepisset, christianorum nomen exstingueret penitusque deleret. Lactance, De mort. pers., 46.

[123] Lactance, De mort. pers., 46, dit qu’un ange montra cette formule à Licinius pendant son sommeil. On peut trouver suspect ce récit, qui ne repose pas, comme celui de la vision de Constantin, sur des témoignages précis.

[124] Lactance, De mort. pers., 46. On remarquera le rythme de cette prière, faite pour être répétée en chœur, phrase par phrase, comme une sorte de litanie. Elle ressemble beaucoup à celle que Constantin fit composer pour être récitée en commun, le dimanche, par ceux de ses soldats qui n’étaient pas encore chrétiens ; Eusèbe, De vita Constantini, IV, 19-20.

[125] Lactance, De mort. pers., 40.

[126] Eusèbe, Hist. Ecclés., IX, 10, 4.

[127] Eusèbe, Hist. Ecclés., IX, 10, 4 ; Lactance, De mort. pers., 47.

[128] Lactance remarque que Maxence avait de même été vaincu le jour anniversaire de son intronisation.

[129] Lactance, De mort. pers., 48.

[130] His litteris propositis, etiam verbo hortatus est ut conventicula in statum pristinum redderentur. Sic ab eversa Ecclesia usque ad restitutam fuerunt anni decem, menses plus minus quatuor. Lactance, De mort. pers., 48.

[131] Lactance, De mort. pers., 49.

[132] Eusèbe, Hist. Ecclés., IX, 10, 6.

[133] Eusèbe, Hist. Ecclés., IX, 10, 7-11.

[134] Ce mot fait bien voir que le rescrit à Sabinus, cité plus haut, est de 312, par conséquent antérieur à l’édit de Milan.

[135] On ne peut confesser plus clairement le caractère illusoire du rescrit à Sabinus, auquel les magistrats eux-mêmes ne s’étaient pas crus obligés d’obéir.

[136] Τά xυριαxά οίxεϊς. En latin, dominica. — ACOLITO A DOMNICA CLEMENVS, acolyte de l’église de saint Clément. Bull. di archeologia cristiana, 1863, p. 25.

[137] Il n’est pas question dans l’édit de Milan d’immeubles chrétiens usurpés par les villes. Mais on a vu, par l’exemple de Tyr et d’Aricanda, que Maximin donnait aux municipalités de ses États le choix des récompenses qu’elles attendaient de lui en échange de leur intolérance à l’égard des chrétiens ; comme il ne put sans doute s’acquitter envers toutes par des remises d’impôts, il autorisa probablement quelques-unes à s’emparer du patrimoine confisqué des Églises chrétiennes.

[138] M. Aubé (De Constantino imperatore pontifice maximo, p. 24) a émis des doutes sur l’authenticité de l’édit de Maximin. Sa principale objection est la similitude des dispositions de cet édit avec celles de l’édit de Milan. L’enchaînement des faits rend suffisamment raison de cette similitude ; on trouve d’ailleurs dans l’édit de Maximin des détails topiques, comme l’allusion aux biens ecclésiastiques possédés par les villes, que nous avons expliquée dans une note précédente. Sur l’authenticité des documents officiels du quatrième siècle cités par Eusèbe, voir Introduction, t. I, p. XXXVIII.

[139] Eusèbe, Hist. Ecclés., IX, 10, 12.

[140] Cum jam terra marique perterretur, nec ullum speraret refugium. Lactance, De mort. pers., 49.

[141] Lactance, De mort. pers., 49 ; Eusèbe, Hist. Ecclés., IX, 10, 6, 14-16. Les historiens païens mentionnent simplement la défaite et la mort de Maximin. Aurelius Victor (Épitomé, 40) dit que : Apud Tarsum morte simplici occubuit. — La simplex mors a ici le sens de la mort par la maladie opposé à la mort par les supplices. Suétone (César, 74) et Prudence (Peri Stephanôn, X, 877) emploient ce mot dans le sens, un peu différent, d’exécution capitale sans torture. C’est alors l’équivalent de bona mors dans Lactance, De mort. pers., 22.

[142] Eusèbe, Hist. Ecclés., IX, 11, 2. — Saint Grégoire de Nazianze dit que de son temps on voyait encore des statues de Maximin renversées et honteusement mutilées (Oratio IV, 96).

[143] In Orontem prœcipitata est. Ibi sæpe illa castas feminas mergi usserat. Lactance, De mort. pers., 50.

[144] Lactance, De mort. pers., 50 ; Eusèbe, Hist. Ecclés., IX, 11, 7.

[145] Eusèbe, Hist. Ecclés., IX, 11, 4.

[146] Eusèbe, Hist. Ecclés., IX, 11, 4.

[147] Eusèbe, Hist. Ecclés., IX, 11, 5, 0.

[148] Lactance, De mort. pers., 50-51.

[149] Voir les notes de Cupert sur Lactance, De mort. pers., 50 ; Le Beau, Histoire du Bas Empire, l. II, § 53 ; J. de Witte, Du Christianisme de quelques impératrices romaines, dans Cahier et Martin, Mélanges d’archéologie, t. III, p. 194.