I. — Abdication de Dioclétien et de Maximien. — Fin de la persécution en Occident (305).Après avoir dédié, en septembre, le cirque de Nicomédie, Dioclétien tomba dans une telle langueur, que sa vie parut menacée. Pendant deux mois, des prières s’élevèrent pour lui dans tous les temples[1]. Le 13 décembre, on le crut mort. Le palais était en larmes ; les tribunaux avaient suspendu leurs audiences[2]. Le lendemain, on apprit que l’empereur vivait encore[3]. Beaucoup, cependant, persistaient à en douter, et disaient que la crainte d’une révolution militaire faisait tenir sa mort secrète jusqu’à la prochaine arrivée de Galère[4]. Enfin, le 1er mars 305, Dioclétien parut de nouveau en public, mais tellement changé par la maladie, qu’il semblait méconnaissable[5]. La crise subie en décembre avait porté le dernier coup à une santé déjà ruinée ; le vieil Auguste n’avait plus que des intervalles lucides, hors desquels sa raison s’égarait[6]. Pendant que l’âge, la fatigue, peut-être un secret remords, faisaient ainsi leur œuvre à Nicomédie, la persécution se poursuivait dans les États encore soumis à l’autorité nominale de Dioclétien. Les nombreux interrogatoires qui ont déjà passé sous les yeux du lecteur lui ont permis de juger des différents procédés employés par les gouverneurs appelés à statuer sur le sort des chrétiens. Le moment me parait venu de les résumer en un tableau général, ou plutôt de reproduire celui qu’a tracé, d’une plume émue, un contemporain, témoin attentif des souffrances de ses frères. Les variétés de caractère et de méthode, qui distinguent si profondément les procès de cette époque, où les magistrats n’étaient pas coulés dans un moule uniforme, se montrèrent probablement avec d’autant plus de relief dans les pays gouvernés par Dioclétien, que cet empereur était devenu plus incapable d’imposer une direction personnelle aux poursuites exercées en son nom. Il est impossible, — écrit Lactance, — de représenter en particulier ce qui s’est passé dans toutes les parties du monde romain. Chaque gouverneur s’est servi, selon son humeur, de la puissance qu’il avait reçue. Les timides, qui craignaient qu’on ne leur reprochât de n’avoir pas fait tout ce qu’on leur avait ordonné, ont été les plus hardis à aller même au delà. D’autres les ont imités, ou parce qu’ils étaient naturellement cruels, ou par leur haine particulière pour les justes, ou pour plaire aux souverains et s’élever en flattant leur passion à des dignités plus éminentes. Il y en avait qui se hâtaient
de nous ôter la vie, comme celui qui fit un peuple entier de martyrs dans On ne saurait dire combien ces
magistrats ont inventé de tourments pour venir à bout de leurs desseins par
les voies les plus cruelles. Car ils s’y appliquaient comme à une chose où il
fallait qu’ils fussent victorieux ou vaincus, sachant fort bien que c’était
un vrai combat qu’ils avaient à soutenir contre les chrétiens. J’ai vu, dans Ils font donc toute sorte d’efforts comme en une chose où il y va de leur honneur, et tourmentent les corps par les douleurs les plus violentes, en évitant néanmoins surtout de les laisser mourir dans ces douleurs. Est-ce donc qu’ils s’imaginent que la mort seule nous rende heureux ? Les tourments ne suffisent-ils par pour nous acquérir la gloire d’une constance généreuse, et une gloire d’autant plus illustre que les tourments ont été plus grands ? Cependant, dans l’aveuglement où les met leur opiniâtreté, ils recommandent qu’on prenne grand soin de ceux à qui ils ont fait donner la question ; mais c’est pour la leur pouvoir donner encore une fois. Ils veulent qu’on répare leurs membres et qu’on rétablisse leurs forces ; mais c’est- afin qu’ils puissent souffrir de nouveaux tourments. Peut-on voir rien de plus doux, rien de plus charitable, rien de plus humain ? Ils n’en feraient pas tant pour leurs amis ! Voilà la bonté qu’inspire le culte des idoles. Certes, je ne trouve rien de si misérable que ces magistrats, obligés de devenir les ministres de la fureur d’un autre, les exécuteurs des commandements impies de leurs princes, et que cette malheureuse nécessité a trouvés ou rendus cruels. L’autorité qu’on leur a donnée n’a point été une dignité ni un honneur qui les ait relevés ; c’est un triste arrêt par lequel le prince les a condamnés à devenir des bourreaux, et Dieu à souffrir des peines sans fin[7]. Les paroles de Lactance font comprendre comment un grand
nombre de confesseurs purent survivre à la persécution ; mais elles montrent
en même temps quelle multitude de victimes pouvait faire, en certains lieus,
la passion d’un seul gouverneur. il est question, au commencement du passage
que nous venons de citer, d’un peuple de martyrs
immolé dans Cette tragédie n’avait pas ébranlé le courage des
chrétiens, car, un mois après, la capitale de A ce moment Galère arrivait en toute hâte à Nicomédie, sous prétexte de féliciter son beau-père de la santé recouvrée, mais en réalité pour contraindre le malade à l’abdication[12]. On prétend que celle-ci était depuis, longtemps résolue, et que, dès l’époque où il s’associa Maximien Hercule, le fondateur de la tétrarchie avait fixé à l’accomplissement de sa vingtième année d’empire l’époque où les deux Augustes se retireraient[13]. La construction d’un immense palais sur la côte dalmate montre au moins que Dioclétien avait prévu sa retraite, et tout préparé dans la pensée de survivre noblement et délicieusement à. son règne. Mais peu d’hommes sont assez philosophes pour descendre volontiers du trône. Comme un malade s’attache d’autant plus à la vie qu’il se sent plus près de la quitter, le vieux souverain s’attachait davantage au pouvoir, au moment où son état physique et moral le rendait moins capable de l’exercer. Il fallut toute la brutalité de Galère pour le décider à l’abdication. On connaît l’ascendant de ce César sur l’esprit timide et
cauteleux de son chef hiérarchique. Mais, jusqu’à ce jour, rien n’avait
révélé son influence sur l’autre Auguste. Aussi n’apprenons-nous pas sans surprise
qu’avant d’arriver à Nicomédie, Galère s’était assuré du désistement de
Maximien Hercule. Il l’avait menacé de la guerre civile[14], s’était probablement
prévalu auprès de lui d’une fausse mission de Dioclétien[15], et lui avait
enfin arraché la promesse de se retirer. Fort de cet engagement, il essaya d’abord,
vis-à-vis de Dioclétien, de la persuasion et de la douceur. Il lui représenta
sa vieillesse, le déclin de ses forces, la difficulté de gouverner, malade,
un si vaste Empire, la convenance de jouir enfin d’un repos acheté par tant
et de si glorieuses fatigues[16]. Il lui rappela
l’exemple de Nerva qui avait, vivant, transmis la pourpre à Trajan[17]. La défense du
vieillard fut pitoyable. Tantôt Dioclétien parlait de l’humiliation qu’il
éprouverait en quittant le faite de l’Empire pour redevenir simple citoyen ;
tantôt, des haines qu’il avait excitées pendant un si long règne, et qui n’attendaient
que sa retraite pour éclater[18]. Nerva, dont on
alléguait l’exemple, était monté vieux sur le trône, n’avait régné qu’un au,
et n’avait pas eu le temps de perdre l’habitude de la vie privée avant d’y
rentrer[19].
Lui, Dioclétien, avait depuis trop longtemps oublié qu’il était le fils d’un
greffier dalmate, et pris le langage et les sentiments d’un prince né dans la
pourpre ! Si Galère ambitionne seulement le titre d’empereur, qu’il le
reçoive : il n’y aura plus de Césars, les quatre souverains du monde romain
deviendront des Augustes[20]. Mais, à ce
prix, qu’on laisse Dioclétien mourir sur le trône ! De toutes les scènes de
comédie qui se jouèrent jamais dans le palais des rois, je n’en connais pas
qui eût été plus digne d’inspirer un Corneille ou un Shakespeare. Il faut
avouer que Galère y soutint spirituellement son rôle. Avec une exquise
ironie, il prit contre Dioclétien la défense de l’établissement politique
fondé par celui-ci. La hiérarchie si sagement établie devra, dit-il, être
éternellement maintenue, afin qu’il y ait toujours deux Augustes au sommet de
Telle est l’histoire de l’abdication, écrite par un homme
à qui sa position près de Constantin permit de savoir de première source ce
qui s’était passé[24]. Moins bien
renseigné pour le détail (car il se figure que la santé de Dioclétien ne fut jamais meilleure
qu’à cette heure critique), Aurelius Victor reconnaît aussi que la
peur fut la cause déterminante de sa retraite (De Cæsaribus). Mais le malheureux
empereur n’était pas au bout de ses humiliations. Il restait à rétablir la
hiérarchie, démembrée par l’abdication des deux. Augustes. Galère et
Constance succédant sans difficultés à’ ce titre, deux nouveaux Césars
devaient être choisis. Les convenances ou une règle déjà posée auraient voulu
que l’élection fût faite par tout le collège impérial[25]. A quoi bon ? dit Galère. Il faudra bien que les autres approuvent ce que nous
aurons fait. — Cela est vrai,
répondit Dioclétien : d’ailleurs, il est
nécessaire que nous nommions leurs fils[26]. Malgré un
orgueil insupportable, Maxence, fils de Maximien Hercule et gendre de Galère,
était en effet, par sa naissance au moins, désigné pour la pourpre[27] ; et mieux
encore le fils de Constance, le jeune Constantin, aimé des soldats pour ses
qualités militaires, de tous pour l’honnêteté de ses mœurs et la douceur de
son commerce, de Dioclétien lui-même, qui le gardait près de lui, et l’avait
élevé au grade de tribun du premier ordre[28]. Lesquels élirons-nous donc ? — Sévère. — Quoi !
Sévère, ce débauché, cet ivrogne, ce sauteur, qui fait de la nuit le jour et
dit jour la nuit ! — Oui, Sévère. Il
est digne de régner, car il a bien commandé mes soldats. D’ailleurs, je l’ai
déjà envoyé à Maximien pour être revêtu de la pourpre[29]. — Soit. Et pour le second, qui m’imposeras-tu ? —
Celui-ci, dit Galère, montrant le
jeune Daia, fils de sa sœur, un demi barbare auquel il avait récemment, en
signe d’adoption, donne son nom de Maximien ou Maximin[30]. Qui donc m’offres-tu ? s’écria Dioclétien
surpris. Mon parent. — Mais, continua en gémissant le vieil empereur, ces deux hommes ne sont pas de ceux à qui peut être confié
le soin de Le second acte de la comédie était joué. Il restait à faire accepter le dénouement au peuple et aux soldats. Le 1er mai, le cortège impérial se transporta sur une colline, à trois milles de Nicomédie. Ce lieu était déjà célèbre dans l’histoire du nouvel Empire : une colonne surmontée d’une statue de Jupiter y marquait la place où, vingt ans plus tôt, Maximien Hercule avait reçu la pourpre des mains de Dioclétien[32]. Les chefs militaires et des députations des légions étaient rassemblés. Tous s’attendaient à l’élévation du jeune et brillant officier qui avait déjà rendu populaire le nom de Constantin[33]. Le vieil Auguste prit la parole et dit en pleurant que sa santé le contraignait au repos, qu’il fallait laisser l’Empire à de plus forts, et nommer de nouveaux Césars[34]. Il prononce alors les noms de Sévère et de Maximin. Tons les yeux se tournent vers Constantin, débout sur l’estrade impériale. On se demande si son nom n’a pas été changé en ce-lui de Maximin par un caprice des Augustes. Mais soudain l’hésitation cesse. Galère s’avance brusquement, écarte de la main le fils de Constance, et pousse en avant Daia. Les soldats regardent cet inconnu, qui, bien qu’ayant passé en peu de temps par tous les grades de la garde impériale, restait ignoré de l’armée[35]. La surprise étouffé les protestations. Saisissant le moment favorable, Dioclétien jette son propre manteau de pourpre sur les épaules du neveu de Galère : puis, redevenu Dioclès, l’empereur vétéran monte en voiture, traverse la ville, et se fait conduire au port, où un vaisseau l’emporte vers Salone[36]. Le même jour, dans un temple de Milan, Maximien Hercule accomplissait une semblable cérémonie et donnait l’investiture à Sévère, devenu César au détriment de son fils Maxence[37]. Puis le vieil Hercule se retirait, non, comme Dioclétien, pour cultiver philosophiquement de beaux jardins à Salone, mais pour jouir de grossiers plaisirs dans ses villas de Lucanie. Les changements de personnes dans le collège impérial
amenaient, nécessairement, un remaniement dans les États, Pendant que Galère
étendait sa suzeraineté sur toute la partie orientale de l’Empire, tant en
Europe qu’en Asie, Constance prenait la suprématie sur l’Occident. Mais les
Césars, tout en demeurant, selon le plan de Dioclétien, subordonnés aux
Augustes, recevaient des provinces dans ces deux moitiés du monde romain.
Constance, dont Eutrope loue la modération[38], paraît avoir
joint là seule Espagne aux États précédemment administrés par lui. Cette
péninsule exceptée, Sévère eut les contrées sur lesquelles avait régné
Maximien Hercule, l’Italie, La révolution qui venait de s’accomplir montrait à la fois la faiblesse et la force du système de gouvernement inauguré par Dioclétien : la faiblesse, car il suffisait de l’ardente ambition et de la tenace volonté d’un seul des membres du collège impérial pour imposer aux autres une abdication prématurée ou des choix inspirés par son intérêt personnel au détriment de l’intérêt public ; la force en même temps, puisque des changements si considérables s’étaient faits sans troubles dans les cités, sans soulèvements militaires, dans une profonde paix. Mais une autre conséquence, déjà indiquée, du système allait apparaître sinon dans les rapports de l’Église et de l’État, car ces rapports violemment rompus ne se rétabliront qu’après plusieurs années, au moins dans la situation faite aux chrétiens des provinces placées sous l’autorité directe ou l’influence hiérarchique des deux nouveaux Augustes. Sans doute, les conséquences matérielles des édits ne disparurent pas encore dans ses États. Les églises et les cimetières ne furent pas rendus. Les communautés chrétiennes dissoutes ne reprirent pas l’existence légale qui leur avait appartenu pendant une partie du quatrième siècle[39]. La confiance dans les bonnes dispositions du gouvernement fut même lente à se rétablir. Aussi, tant que dura le règne de Sévère, l’Église de Rome ; éprouvée par tant d’assauts, ne fit point cesser l’état provisoire causé par la mort de Marcellin : les prêtres continuèrent à conduire le troupeau : le clergé et le peuple ne se croiraient pas encore assez sors du lendemain pour introniser un nouvel évêque dans la chaire apostolique. Mais au moins les arrestations, les emprisonnements avaient cessé : le sang des martyrs ne coulait plus dans la ville éternelle. Il en fut de même en Afrique, où la tempête s’apaisa, laissant le sol et les âmes couverts de ruines. Soit en 305, soit dans l’une des années suivantes, douze évêques numides purent tenir un synode à Cirta[40]. Les scandaleux reproches échangés par ces prélats, qui tous avaient plus ou moins faibli pendant la persécution, montrent que celle-ci ne durait plus. Mais le lieu choisi pour la réunion prouve que, en Afrique comme à Rome, il n’y eut d’abord qu’une tolérance de fait, sans restauration légale de l’ancien état de choses. Les évêques siégèrent, dit le procès-verbal, dans la maison d’Urbanus Donatus[41] ; saint Optat en donne la raison : c’est que les basiliques n’avaient pas encore été restituées[42]. Si précaire, cependant, que fût cette pais, elle
contrastait singulièrement avec l’état violent qui se perpétuait dans les
provinces soumises à Galère et à Maximin Daia. Eusèbe a fait nettement
ressortir ce contraste, en une page de son livre sur les martyrs de L’historien, interprétant les secrets conseils de II. — Nouveaux édits de persécution en Orient (306)Le curieux épisode que nous allons raconter vient confirmer les paroles d’Eusèbe, en montrant que des fidèles étaient encore immolés, à la fin de 305, dans les États de Galère, et que d’autres y demeuraient astreints au travail pénal des mines. Après que les affaires de l’abdication eurent été réglées, Galère dut quitter Nicomédie pour les provinces danubiennes, inquiétées par les Sarmates[44]. Il passa la fin de l’année dans ces rudes contrées, où s’était déjà écoulée la plus grande partie de sa vie d’empereur. L’administration des carrières de marbre que le fisc y
possédait attira naturellement ses regards. On sait quelle était l’importance
de cette nature de propriétés publiques, dans un Empire où les constructions
somptueuses, temples, palais, thermes, portiques, théâtres, s’élevaient de
toutes parts, décoraient les moindres villes perdues sur les sommets des
montagnes comme dans les sables des déserts, et où l’humble forum de la plus
petite bourgade renfermait parfois plus de statues qu’une capitale moderne.
Des immenses carrières ouvertes sur toute la surface du monde romain s’expédiaient
sans cesse, parfois tout taillés et prêts à être, mis en place, colonnes,
chapiteaux, corniches, vasques de fontaines. Des ouvriers de diverses
catégories étaient attachés à ces exploitations, sous la direction de
surveillants ou de contremaîtres auxquels la langue populaire donnait le nom
de philosophes[45].
La dernière classe de ces travailleurs, vouée aux obscurs et pénibles labeurs
qui s’accomplissaient dans l’intérieur de la mine, avait une condition
analogue à celle de nos forçats ou, si l’on veut une comparaison plus
topique, ressemblait aux condamnés de Les travailleurs libres d’une des carrières pannoniennes
que visita l’empereur étaient au nombre de six cent vingt[46] : si l’on y
Joint les femmes, les enfants, les soldats, les commerçants de toute sorte,
on peut imaginer autour de la mine une population de plusieurs milliers de
personnes. Les plus habiles de ces artisans (auxquels on eût donné de nos jours le nom d’artistes)
étaient capables de sculpter des bas-reliefs et même des statues. On comptait
parmi eux cinq chrétiens, Claude, Castorius, Symphorien, Nicostrate et
Simplicius ; les quatre premiers avaient été convertis par les secrètes
exhortations de l’évêque d’Antioche, Cyrille, qui travaillait enchaîné dans
la mine depuis le commencement de 303 ; le cinquième s’était trouvé gagné à,
la foi par l’exemple de ses compagnons. Bien que fermes dans leurs croyances,
au point de n’attaquer le marbre qu’après avoir tracé sur leurs poitrines le
signe de la croix, les cinq sculpteurs ne refusaient de faire aucun des
travaux qui n’étaient pas absolument défendus par l’Église. Non seulement ils
taillèrent des lions, des aigles, des cerfs pour des fontaines, mais encore
ils n’éprouvèrent aucun scrupule à sculpter pour des monuments semblables,
sur l’ordre de l’empereur, des Amours et des Victoires (Victorias et Cupidines). C’étaient la de simples
ornements, des figures décoratives, auxquels n’était attachée aucune idée de
culte[47]. Les cinq
artistes pannoniens consentirent même à sculpter une image du Soleil monté
sur son char et emporté par ses coursiers (simulacrum Solis cum
quadriga)[48] : représentation
appartenant au cycle cosmique, qui n’avait pas un sens absolument idolâtrique,
et que les premiers chrétiens toléraient même sur leurs sarcophages[49]. Mais on leur
demanda ensuite un Esculape destiné à être placé dans un temple ; ils
refusèrent de le faire parce que c’était une idole (Asclepii
simulacrum non fecerunt). Traduits devant un juge, ils
confessèrent leur foi, et ne purent être contraints à sacrifier au dieu de César, c’est-à-dire à l’image du Soleil
taillée de leurs propres mains. Le 8 novembre, par l’ordre de l’empereur, on
les enferma vivants dans des cercueils de plomb, et on les jeta à la rivière.
Peu de jours après, l’évêque Cyrille mourut de douleur en apprenant la mort
des cinq généreux artistes qu’il avait naguère enfantés à la foi[50]. Leur histoire
fut écrite par un agent du fisc, nommé Porphyre[51], employé au
recensement que Galère faisait opérer dans Cependant le caractère exceptionnel de ce martyre peut se concilier avec un ralentissement de la persécution ; l’émotion qu’il parait avoir causée semble montrer qu’en effet les rigueurs étaient, devenues, même en Orient, moins fréquentes et moins générales à la fin de 305. Comme on va le voir, les Églises de ces provinces, destinées à souffrir si longtemps encore, purent, dans les premiers mois qui suivirent l’établissement du nouveau régime, se tromper sur le sort qui les attendait. Les chrétiens étaient déjà si nombreux dans cette partie de l’Empire, particulièrement dans l’e diocèse d’Orient, devenu l’apanage de Maximin Daia, qu’un souverain improvisé, sans racines, sans prestige, comme était le neveu de Galère, se croyait d’abord obligé de compter avec eux. Même s’il était résolu a persécuter et obligé par ses engagements a se faire l’instrument des haines de son patron, le nouveau César devait attendre d’être plus affermi avant de déclarer la guerre à une partie considérable de ses sujets. Aussi voulut-il, par son premier acte public, apaiser les ressentiments et endormir les défiances de ceux en qui son préjugé païen redoutait des ennemis, en se faisant accompagner d’une sorte d’amnistie religieuse. Il est difficile, en effet, d’interpréter autrement un acte qu’il résumera lui-même, quelques années plus tard, en ces termes : Quand, pour la première fois,
je vins en Orient, sous d’heureux auspices, j’appris qu’un très grand nombre
d’hommes, qui auraient pu être utiles à Un très prochain avenir montrera la fausseté de cette dernière phrase, comme aussi le peu de sincérité de l’acte dont se vante Maximin. Ses paroles laissent voir, cependant, un fond d’illusion que peut seule expliquer l’inexpérience d’un jeune César. Ardent païen, il semble avoir cru pendant quelque temps que sa religion avait encore en elle-même des forces de séduction qui lui permettaient de lutter contre la doctrine chrétienne sans le secours de la violence. Cette foi naïve dans le pouvoir des dieux est attestée par les contemporains. Les sorciers et les magiciens, dit Eusèbe, recevaient de lui les plus grands honneurs : il était très superstitieux, entièrement livré à la vaine adoration des statues et des démons. Il n’osait rien commencer, rien toucher du bout du doigt, pour ainsi dire, sans avoir recours à la divination et aux oracles[54]. Tous les jours, ajoute Lactance, un sacrifice était offert dans son palais. La viande présentée sur sa table ne provenait pas d’animaux tués par ses cuisiniers, mais immolés par les prêtres : on n’y servait rien qui n’eût été d’abord offert devant les autels ou arrosé du vin des libations[55]. Les historiens rapportent à un autre moment de son règne le soin qu’il eut de réorganiser dans toutes les provinces et même dans toutes les villes les sacerdoces païens. Mais le dessein de ces réformes était peut-être dès lors arrêté dans son esprit : et probablement, dans son désir de relever la splendeur du culte, s’occupa-t-il tout de suite à restaurer les temples qu’un abandon chaque jour plus marqué laissait déjà partout tomber en ruines, et à en construire de nouveaux dans chaque cité[56]. Les chrétiens avaient un tel besoin de reprendre haleine et de se réorganiser eux-mêmes, qu’ils mirent tout de suite à profit la trêve accordée par Maximin, sans se demander si elle serait de quelque durée. Dans la première moitié de 306, Pierre, évêque d’Alexandrie, publia une série de’ canons disciplinaires, par lesquels il réglait la situation des fidèles de son Église qui avaient plus ou moins complètement failli dans les deux années précédentes[57]. Ce document est un des plus curieux et, à certains égards, un des plus touchants qui soient restés de celte époque troublée. Il offre un singulier mélange de fermeté et de miséricorde, de sévérité et de tendresse, et remet une fois de plus sous nos yeux ces principes de modération vraiment maternelle qui guidèrent toujours l’Église dans ses rapports avec s’es enfants tombés, si différents des excès de rigueur ou -des abus d’indulgence auxquels se portèrent les hérétiques. Les chrétiens qui n’ont pas commis la faute de se présenter eux-mêmes aux juges, mais, arrêtés, ont cédé à la violence des tourments, sont obligés à trois ans de pénitence et quarante jours de jeûne[58]. Ceux qui ont succombé, non à la torture, mais seulement aux souffrances ou aux ennuis de la prison, où cependant ils étaient secourus par les aumônes des frères, devront faire pénitence pendant un an de plus[59]. Quatre autres années seront infligées aux cœurs plus faibles encore qui ont apostasié sans avoir même passé par la prison, et que l’évêque compare au figuier stérile maudit par le Seigneur[60]. D’autres, pour éviter le sacrifice, avaient feint d’être épileptiques, ou promis par écrit qu’ils obéiraient, ou envoyé des païens jeter en leur nom l’encens sur l’autel : ceux-là feront en plus six mois de pénitence, quand même des confesseurs trop empressés, comme cinquante ans plus tôt à Carthage, leur auraient accordé des lettres de communion[61]. Des maîtres chrétiens avaient envoyé des esclaves à leur place devant le juge, et ces esclaves avaient renoncé à la foi : ceux-ci devront se repentir pendant un an[62], et les maîtres qui ont lâchement abusé de leur pouvoir et méprisé les recommandations apostoliques[63], pendant trois[64]. Mais il est des fidèles qui, après une première apostasie, se sont relevés d’eux-mêmes, sont retournés au combat, ont souffert l’emprisonnement et les tortures : ils seront reçus avec joie à la communion, tant des prières que de la réception du corps et du sang, et à la prédication[65]. » D’autres chrétiens ont oublié que le Seigneur commanda de ne pas s’exposer à la tentation, ordonna à ses disciples de fuir leurs ennemis de ville en ville, plusieurs fois évita lui-même ceux qui le poursuivaient, et qu’à son exemple Étienne et Jacques attendirent d’être arrêtés, comme aussi Pierre, qui fut crucifié à Rome, et Paul, qui fut décapité dans la même ville : témérairement, contre la discipline et tant de grands exemples, ces fidèles ont été d’eux-mêmes s’offrir aux juges : mais ils l’ont fait par zèle, peut-être par ignorance aussi devront-ils être reçus à la communion[66]. Quant aux clercs qui se sont rendus coupables de la même imprudence au lieu de s’appliquer au salut des âmes et à leur ministère, ils reçoivent aussi leur pardon ; cependant, si leur témérité a été suivie de l’apostasie, ils ne pourront plus exercer les fonctions cléricales, encore qu’ils se soient relevés par un nouveau combat[67]. Mais, en blâmant ainsi le zèle téméraire ; l’évêque d’Alexandrie n’étend pas ce blâme à ceux qui, témoins des procès et des souffrances des saints martyrs, se sont déclarés chrétiens dans un mouvement de généreuse émulation, ou, au contraire, ont fait cette déclaration pour protester contre l’apostasie de quelques-uns de leurs frères et endurer à leur place les ongles de fer, les fouets ; les feux, ou l’eau[68]. Quant aux infortunés qui ont succombé à la peur ou à la souffrance, l’évêque approuve que l’on prie pour eux[69]. Il exclut de toute censure les chrétiens qui ont payé pour n’être pas poursuivis, et ainsi montré au moins leur mépris pour l’argent. Aucun reproche ne doit atteindre ceux qui se sont dérobés à la persécution par la fuite, quand même d’autres auraient été arrêtés à leur place : Paul n’a-t-il pas été contraint de laisser Gaius et Aristarque aux mains de la populace d’Éphèse ? l’évasion de Pierre n’a-t-elle pas été cause de la mort de ses gardes ? les saints Innocents n’ont-ils pas péri au lieu de l’Enfant Jésus[70] ? Enfin, des confesseurs emprisonnés en Libye ou ailleurs avaient soumis le cas de chrétiens à qui l’on avait fait avaler de force le vin du sacrifice, ou dont on avait tenu la main pour leur faire offrir de l’encens ; ceux-ci n’ont point failli, méritent d’être honorés comme confesseurs, et peuvent même être promus au ministère ecclésiastique[71]. Au moment où, quelques semaines avant Pâques[72], Pierre d’Alexandrie publiait ces canons, qui supposent une Église en train de refaire ses cadres détruits, de reconstituer son clergé, de soumettre à la discipline les diverses catégories de ses pénitents, le calme nécessaire à l’application de règles si sages allait subitement cesser. Maximin n’avait pas tardé à s’apercevoir que le paganisme, même avec des temples neufs et des prêtres comblés des faveurs impériales, ne pouvait lutter par ses seules forces contre une religion qui s’emparait de toute l’âme et survivait à la destruction de ses sanctuaires, à la dispersion ou à l’immolation de son clergé, aux chutes mêmes de ses enfants, aux maux de toute sorte infligés à ses sectateurs. Aussi la trêve dictée par une politique où se mêlèrent peut-être à doses égales l’hypocrisie, la peur, quelque humanité et de naïves illusions, ne fut-elle pas de longue durée. Galère, qui avait permis au jeune César de tenter cette expérience vouée à l’insuccès, et avait probablement laissé la persécution sommeiller aussi dans ses propres États afin d’aider le nouveau régime à s’établir sans secousse, n’aurait point souffert une durable interruption de la lutte engagée contre le christianisme. D’ailleurs, la colère avait déjà envahi l’Âme de Maximin, qui, déconcerté par la vanité de ses efforts, va devenir, dit Eusèbe, un persécuteur plus cruel et plus passionné qu’aucun de ses prédécesseurs[73]. Aussi, dés les premiers mois de 306, la guerre religieuse
reprit-elle en Orient avec une nouvelle ardeur. Eusèbe, qui était alors à
Césarée, raconte ce qu’il vit durant cette
troisième année de la persécution générale[74]. Dans toutes les provinces de Maximin, dit-il, furent envoyés des édits de ce tyran, commandant aux
gouverneurs de contraindre les habitants de leurs villes à sacrifier
publiquement aux dieux. Des hérauts parcoururent les rues de Césarée et
convoquèrent les chefs de famille dans les temples par ordre du gouverneur.
En outre, les tribuns des soldats firent, d’après des registres, l’appel nominal.
Tout était bouleversé par un orage inexprimable[75]. Cette deuxième déclaration de guerre eut Maximin pour
auteur[76]. Eusèbe parle
seulement ici des faits dont il fut témoin, car, à la même époque, le nouvel
édit était publié aussi dans les États de Galère : on ne peut douter que les
deux souverains ne se fussent mis d’accord pour recommencer de concert les
hostilités, ou plutôt que Galère n’ait été le véritable auteur de la reprise
de la persécution. Les Actes du centurion saint Acace, en garnison dans D’autres Actes emploient comme Eusèbe l’expression seconde déclaration de guerre pour indiquer la
persécution renouvelée en Orient par Galère et Maximin. Bien que plusieurs
détails paraissent suspects dans le récit du martyre de saint Hadrien et de
ses compagnons[79],
le préambule semble inspiré des documents historiques et peint de couleurs
vives et naturelles l’effet produit par les nouveaux édits dans la capitale
de Le tyran Maximien (Galère) avait résolu pour la seconde fois de persécuter les disciples du Christ. Il entra bientôt à Nicomédie dans le dessein de faire périr tous les fidèles, et, s’étant rendu d’abord dans un temple des dieux, il leur offrit des sacrifices et ordonna que tous les citoyens de la ville fissent aussi leurs offrandes. Aussitôt le peuple s’empressa de toutes parts pour obéir à ce commandement impie. Cette ville était très adonnée au culte des idoles, et tous les habitants sacrifiaient à l’envi dans les rues, sur les places publiques, dans l’intérieur des maisons, au point que l’odeur et la fumée de ces nombreux sacrifices remplissaient tous les lieux environnants. Des crieurs publics parcouraient aussi tous les quartiers de la ville[80], proclamant à haute voix que tous les citoyens devaient, par l’ordre des empereurs, offrir des sacrifices et des libations aux idoles, et que les chrétiens qui seraient découverts allaient être livrés aux flammes. Plusieurs personnages de distinction furent ensuite désignés pour visiter toutes les maisons, avec ordre, s’ils découvraient quelques disciples du Christ, hommes ou femmes, de les amener devant le tribunal du juge, afin qu’on pût les soumettre aux plus affreux supplices. D’autres envoyés de l’empereur répandaient l’argent à pleines mains pour engager les habitants de Nicomédie à dénoncer les chrétiens et à les livrer aux bourreaux. Alors on vit les voisins, les amis, les parents se dénoncer mutuellement[81], entraînés les uns par l’appât des récompenses, les autres par la crainte du supplice, des châtiments terribles ayant été annoncés contre ceux qui cacheraient les chrétiens[82]. De ces Actes se détache un épisode admirable. Hadrien était le chef des gardes de Galère ; il était marié depuis treize mois. Un jour, à Nicomédie, il assistait, aux côtés de l’empereur, à l’interrogatoire de plusieurs chrétiens qui avaient été découverts cachés dans une caverne près de la ville. L’intrépidité de leurs réponses, le courage qu’ils montraient dans les tortures, l’éloquence enflammée avec laquelle ils parlaient du ciel, remuèrent le cœur du jeune officier : il eut comme la révélation subite d’une vie morale qui lui avait été inconnue jusque-là : il s’élança au milieu des martyrs, en criant aux greffiers : Mettez mon nom avec ceux de ces hommes respectables, car moi aussi je suis chrétien. L’empereur, irrité, le fit conduire en prison avec les confesseurs de la foi. Un des esclaves d’Hadrien, qui avait assisté à cette scène, court en toute hâte avertir sa femme Natalie. Celle-ci, qui était née de parents chrétiens, et qui professait le christianisme en secret, se sent transportée de joie : son amour se transforme en quelque sorte, et la sève surnaturelle, qui l’alimentait à son insu, fait tout à coup de la jeune femme timide une créature nouvelle, plus tendre que jamais, mais d’une héroïque tendresse. Elle court à la prison, se jette aux pieds d’Hadrien, baise ses chaires, l’exhorte. Hadrien la renvoie chez elle en lui disant : Ma sœur, je te promets de te faire prévenir, afin que tu sois présente à ma dernière heure. Natalie, après avoir baisé respectueusement les chaînes des vingt-deux confesseurs de la foi qui étaient enfermés avec son mari, et leur avoir recommandé l’âme de celui qu’elle aime, revient vers Hadrien, l’exhorte encore une fois, le salue, et retourne chez elle, joyeuse ; disent les Actes. Au bout de quelques jours, Hadrien apprend que son jugement approche : il obtient du geôlier la permission de se rendre secrètement dans sa maison, pour avertir sa femme. Le voyant venir, celle-ci croit que par une apostasie il a recouvré sa liberté : elle pleure, et refuse de le recevoir. Hadrien la rassure : Ouvre-moi, lui dit-il, ouvre-moi, ma Natalie ; je viens te chercher pour que tu assistes avec moi à mon combat : ouvre-moi bien vite, car mes instants sont comptés, je ne te verrai plus, et toi-même tu regretteras de ne m’avoir point vu avant que je meure. Persuadée par ces tendres plaintes, Natalie ouvre enfin ; et quand Hadrien fut entré dans la maison, le mari et la femme s’agenouillèrent l’un devant l’autre, par un sentiment de respect mutuel. Ils se relèvent bientôt, et se rendent ensemble dans la prison. Natalie y passe sept jours, essuyant de ses propres mains les blessures des confesseurs enfermés avec son mari, et qui avaient déjà subi la torture. Hadrien est enfin appelé devant le tribunal de l’empereur : sa, femme l’y suit. On commence à le torturer. Natalie court l’apprendre aux confesseurs, qui se prosternent et prient pour lui ; et, pendant toute la durée de la torture, elle ne cesse daller du tribunal à la prison, des confesseurs à son mari, apportant aux saints, dans sa fierté, les réponses courageuses d’Hadrien, et courant ensuite le retrouver, pour ne rien perdre de sa présence et de ses tourments. La torture finie, elle rentre avec son mari dans la prison, qu’elle emplit de sa joie. Comme beaucoup de chrétiennes y venaient pour soigner les martyrs, l’empereur ordonna d’en renvoyer toutes les femmes. Natalie, pour demeurer avec Hadrien, coupe ses cheveux et prend un habit d’homme. Seule, alors, elle panse les plaies de tous, et, ce service fini, revient s’asseoir aux pieds de son mari. Je t’en prie, ô mon seigneur et mon époux, dit-elle, n’oublie pas ta femme, qui t’a assisté dans ton martyre, qui a préparé ton âme pour le combat... Pour prix de ma vie chaste et pure, permets-moi de mourir avec toi... Tu connais la perversité des habitants de cette ville, l’impiété de l’empereur : après ta mort, je crains qu’on ne veuille me livrer à un païen, et que notre couche nuptiale ne soit un jour souillée. Jeune, belle, riche, de haute naissance, ce qu’elle avait prévu arriva ; après le martyre d’Hadrien, brûlé vif en même temps que ses compagnons de captivité, Natalie fut demandée en mariage, avec l’autorisation de l’empereur, par un habitant de Nicomédie, officier supérieur de l’armée. Il envoya vers elle, pour solliciter sa main, plusieurs des femmes les plus considérables de la ville. Natalie leur fait une réponse évasive, et demande trois mois de délai ; puis, entrant dans sa chambre, se prosternant près de son lit, elle s’écrie : Seigneur, abaissez vos regards sur votre servante, et ne permettez pas que la couche de votre martyr Hadrien soit profanée. Elle parvient enfin à s’enfuir, avec un grand nombre de chrétiens ; arrivée par mer à Argyropolis, près de Byzance, elle s’agenouille sur le rivage, brisée de fatigue, et meurt après avoir vu dans son sommeil son époux martyr qui venait la chercher[83]. Je ne prétends pas que tout soit historique dans ce récit, mais je ne puis croire que tout y soit inventé, car le compilateur anonyme à qui nous le devons serait un trop grand et trop délicat poète. Hadrien, selon ses Actes, était un soldat ; cependant ce n’est
pas comme tel qu’il a. été mis à mort. D’autres récits nous montrent que,
conformément aux indications données dans Théodore, laissé en liberté, employa ce temps de répit tout autrement que n’espérait le magistrat : il s’approcha d’un temple de la bière des dieux situé au milieu de la ville, au bord de la rivière Iris, et y mit le feu. Quand l’incendie fut aperçu, le jeune soldat, loin de se cacher, se vanta tout haut de son acte. Il ignorait probablement les règles de l’Église, défendant de tels attentats[86], et n’avait écouté que la haine d’un cœur chaste pour un des cultes les plus impurs du paganisme. Arrêté et conduit sur-le-champ devant le tribunal, il répondit avec son intrépidité accoutumée ; on l’entendit même railler le juge qui, essayant par tous les moyens de le séduire, avait été jusqu’à offrir au brûleur de temples un pontificat païen. Comme ses railleries atteignaient même les empereurs, dont il s’amusait à tourner en ridicule le titre et les fonctions de souverains pontifes, les magistrats perdirent patience : on l’attacha au chevalet comme impie envers les dieux et irrespectueux envers les princes ; les bourreaux se mirent à le déchirer avec des ongles de fer, pendant qu’il chantait ce verset du psaume : Je bénirai le Seigneur en tous lieux, ses louanges seront toujours dans ma bouche. Conduit ensuite en prison, où de célestes visions vinrent l’encourager au dernier combat, il en fut tiré bientôt pour entendre la sentence qui le condamnait à être brûlé vif[87]. Le martyre de Théodore eut lieu probablement le 18 février, jour où il est honoré par les Grecs ; après lui, d’autres soldats de la même garnison souffrirent aussi pour la foi : Eutrope et Cléonique, crucifiés le 3 mars ; Basilique, décapité quelques mois plus tard[88]. Pendant que ces scènes se passaient dans les États de
Galère, ceux de Maximin Daia voyaient d’horribles excès. On peut rapporter à
ce temps l’histoire d’une noble femme, Julitta, qui, avec son enfant âgé de
trois mois, passa de Près de lui, dans sa maison de Césarée, un jeune homme de vingt ans lisait les saintes Écritures, au moment où la voix du héraut appela tous les fidèles au sacrifice. C’était un ancien étudiant en droit, nommé Aphien. Né à Paga, en Lycie, de parents païens, il avait suivi les cours de jurisprudence dans la savante et délicieuse Beyrouth[90], gardant parmi des séductions de toute sorte une exemplaire pureté de mœurs. De retour dans sa ville natale, il s’effraya promptement des périls que ses croyances allaient courir dans la maison paternelle. Césarée, dont l’école et la bibliothèque ecclésiastiques étaient célèbres depuis Origène, lui parut le meilleur refuge pour sa foi studieuse[91]. Mais ni les pratiques d’un rigoureux ascétisme, ni les études profondes auxquelles il se livrait, n’avaient éteint chez Aphien l’ardeur intrépide de la jeunesse. Dès qu’il entendit retentir dans la rue l’appel sacrilège, il se leva, sortit secrètement de la maison, pénétra sans être vu des sentinelles dans le palais du gouverneur Urbain, et arriva vers celui-ci au moment où, la patère à la main, le magistrat se préparait à faire une libation. Aphien lui saisit brusquement le bras, et interrompit le sacrifice, puis se mit à lui reprocher ses erreurs, l’exhortant à quitter le culte des démons pour celui du vrai Dieu. Les soldats accoururent, se jetèrent sur l’audacieux chrétien, l’accablèrent de coups et le conduisirent en prison. Il y demeura une nuit et un jour, les pieds aux ceps, puis fut mené devant le gouverneur, qui lui commanda de sacrifier, et, sur son refus, le fit mettre à la torture. Plusieurs fois on lui déchira les flancs, de manière à laisser à nu les os et les entrailles ; sa bouche et son crâne reçurent tant de coups de balles de plomb, que les chairs gonflées et meurtries étaient devenues méconnaissables. Comme aucune douleur ne pouvait le vaincre, Urbain ordonna aux bourreaux de lui envelopper les pieds de linges imbibés d’huile, et d’y mettre le feu. La peau fut consumée, les os apparurent, la chair fondait comme de la cire et coulait en gouttes brûlantes. On put encore le ramener vivant dans la prison, puis, après trois jours, le porter de nouveau devant le gouverneur. Le martyr, interrogé une dernière fois, répondit avec la même fermeté ; son corps demi-mort fut jeté dans la mer[92]. La suite du récit ne peut se résumer ; il faut traduire. Ce qui advint alors, continue Eusèbe, paraîtra incroyable à ceux qui ne l’ont pas vu de leurs yeux. Et cependant je n’en puis dérober la connaissance à la postérité, car presque tous les habitants de Césarée ont été témoins du miracle. Certes, aucun siècle ne vit un pareil prodige. Après que les bourreaux eurent jeté en pleine mer, dans l’abîme, comme ils croyaient, ce saint et bienheureux jeune homme, tout à coup un tel mouvement, un tel fracas ébranla non seulement la mer, mais encore le ciel, que la terre aussi et toute la ville de Césarée en sentirent l’agitation. Au moment même de ce soudain et merveilleux tremblement de terre, le corps du martyr, que les flots de la mer lie pouvaient garder, fut jeté par eux devant la porte de la cité. Telle fut la fin de cet admirable Aphien, le second jour du mois Xanticos, quatre des nones d’avril (2 avril)[93]. Presque au même moment, à Tyr, un jeune chrétien, nommé Ulpien, après avoir été torturé et cruellement battu, était précipité dans la mer, cousu dans une peau de bœuf où l’on avait enfermé un chien et un aspic[94]. Quelques jours plus tard, dans une autre partie des États de Maximin, le frère d’Aphien, Edesius, mourut aussi pour le Christ. Plus âgé que le martyr de Césarée, Edesius avait plusieurs fois déjà rendu témoignage à la religion chrétienne. Depuis le commencement de la persécution, il avait comparu devant divers gouverneurs et longtemps vécu en prison. Il avait même été envoyé par l’un d’eux aux mines de Palestine. La courte amnistie promulguée par Maximin lui permit d’en sortir. A la reprise de la persécution, il habitait Alexandrie, et, revêtu du manteau des philosophes, étudiait dans cette ville devenue le centre littéraire et philosophique du inonde grec. Peut-être fût-il, malgré les nouveaux édits, resté inaperçu dans la foule des lettrés, si son âme, ardente comme celle de son frère et aussi incapable de maîtriser une généreuse indignation, ne l’avait forcé de se trahir. Le misérable Hiéroclès, qui du gouvernement de Palmyre avait passé à celui de Bithynie, où il s’était signalé par sa cruauté envers les chrétiens, était alors préfet d’Égypte. Il se montrait sans pitié pour les fidèles. Non seulement il les poursuivait avec acharnement, mais sa haine de sophiste et de libertin prenait plaisir à les outrager de toutes les manières. Les hommes les plus vénérables étaient exposés à ses insultes ; d’honnêtes femmes, des mères de famille, des vierges consacrées à Dieu, étaient livrées par lui aux entrepreneurs de débauche. Edesius ne put supporter ces infamies. Allant droit au préfet, par ses paroles et même par ses gestes il lui manifesta son dégoût. La vengeance ne se fit pas attendre : Edesius fut riais à la torture, puis jeté dans la mer, comme son frère et tant d’autres victimes de cette persécution[95]. Pendant que cet héroïque chrétien périssait à Alexandrie,
l’évêque Pierre mettait en pratique les humbles et sages conseils donnés à
ses ouailles dans les canons que nous avons résumés, et vivait dans une
retraite inconnue des persécuteurs[96]. Mais, alors
comme dans toutes les persécutions, la modestie d’une telle conduite
scandalisa des esprits emportés. L’ambitieux Mélèce, évêque de Lycopolis,
affecta de considérer comme vacant un siège dont le titulaire se tenait
caché. On assure que ce Mélèce avait naguère renié la foi : peut-être n’y
a-t-il là qu’une rumeur populaire, recueillie après coup ; cependant l’exemple
de prélats traditeurs qui, par un singulier renversement de faits et d’idées,
deviendront ailleurs lés chefs du mouvement donatiste et les censeurs des
doctrines modérées, ne permet point de repousser sans preuves une assertion reproduite
par saint Athanase[97] et l’historien
Socrate[98].
Quoi qu’il en soit, Mélèce n’hésita pas à faire des ordinations[99] et à exercer le
pouvoir épiscopal tant dans le diocèse d’Alexandrie que dans ceux de quatre
évêques, Hesychius[100], Pachumius,
Théodore et Philéas, alors détenus dans les prisons de la métropole
égyptienne. Les quatre prélats captifs lui adressèrent une lettre de
remontrance, dans laquelle ils lui donnent le nom de très cher compagnon de ministère dans le Seigneur,
dilectus comminister in Domino. Ils avaient, disent-ils, entendu depuis quelque temps de vagues rumeurs à son sujet
; on l’accusait de troubler l’ordre divin et les règles ecclésiastiques. Tout
récemment ces bruits avaient été même confirmés par un grand nombre de
témoins ; aussi se voyaient-ils dans la nécessité d’écrire cette lettre.
Comment dépeindre la tristesse et l’émotion causées par les ordinations que Mélèce
avait faites dans des diocèses étrangers ? Il connaissait cependant cette
loi, si ancienne et si conforme avec le droit divin et le droit humain, qui
défend à un évêque de faire une ordination dans un diocèse qui n’est pas le
sien. Mais lui, sans égard pour cette loi, sans respect pour le grand évêque
et père, Pierre, et pour ceux qui étaient dans les chaînes, il avait tout
bouleversé. Peut-être dira-t-il, pour se disculper, que la nécessité l’a
contraint d’agir ainsi parce que les villages étaient sans pasteurs. Mais
cette allégation était fausse, car on avait institué plusieurs visiteurs[101], et, dans le cas où ceux-ci eussent été négligents, il
aurait dû porter l’affaire devant les évêques incarcérés. Dans le cas où on
lui aurait dit que ces évêques avaient déjà été exécutés, il aurait pu
facilement vérifier le fait ; et même, en supposant que la nouvelle de leur
mort eut été avérée, son devoir était encore de demander au premier des Pères
(c’est-à-dire
à Pierre, évêque d’Alexandrie, qui avait juridiction sur les Églises de l’Égypte,
de La lettre collective avait probablement été rédigée par le
plus célèbre des prélats captifs, Philéas, évêque de Thmuis dans Les bienheureux martyrs qui ont vécu avec nous... ont souffert pour le Christ toutes les douleurs, tous les tourments que l’on put inventer ; et quelques-uns non pas une fois, mais plusieurs. Quand les soldats s’efforçaient de leur inspirer de la crainte, moins encore par leurs paroles que par leurs actes, ils ne se sont point laissé fléchir, car la parfaite charité faisait évanouir la crainte. Quelles paroles exprimeraient leur courage au milieu des tourments ? Tout le monde avait la permission de les insulter ; on les frappait avec des verges, avec des fouets, avec des courroies, avec des cordes. Le spectacle de leurs souffrances changeait sans cesse, mais la malice de leurs ennemis restait invariable. Quelques-uns, les mains liées derrière le dos, étaient étendus sur le chevalet, pendant qu’au moyen d’une machine on leur tirait tous les membres. Ensuite, par l’ordre du juge, les bourreaux leur déchiraient, avec des ongles de fer, non seulement les flancs, comme on fait aux homicides, mais le ventre, les jambes, et jusqu’au visage. Il y en avait de suspendus à un portique par une seule main, de sorte que la tension des articulations était le plus cruel des supplices. Plusieurs étaient attachés à des colonnes, les uns vis-à-vis des autres, sans que leurs pieds portassent à terre, afin que la pesanteur de leurs corps serrât de plus en plus leurs liens. Ils supportaient cette torture non seulement pendant que le juge leur parlait ou les interrogeait, mais presque pendant une journée entière. Quand il passait à d’autres, il laissait des gens de l’officium pour observer les premiers, et voir si l’excès de la souffrance ébranlait leur résolution ; il ordonnait de les serrer sans pitié dans leurs liens, et faisait traîner honteusement ceux qui expiraient. Car il disait que nous ne méritions aucun égard, et que tous devaient nous considérer et nous traiter comme si nous n’étions plus des hommes. C’est là le second genre de torture que nos ennemis avaient inventé pour le faire succéder aux coups. Il y en avait, cependant, qui, après avoir subi la question, étaient mis dans les entraves, les pieds étendus jusqu’au quatrième trou : ils étaient obligés de rester couchés sur le dos, car les plaies dont leur corps était tout Couvert ne leur permettaient pas de se dresser. D’autres, jetés par terre, y demeuraient étendus, brisés par l’excès des tourments, et les traces de leurs blessures étaient encore plus horribles à voir que le supplice lui-même. Quelques-uns mouraient pendant la torture, et par leur constance faisaient honte à leurs ennemis. Plusieurs, rapportés demi-morts dans la prison, après peu de jours y rendaient le dernier soupir. D’autres, ranimés par les remèdes, ont vu leur courage croître par la durée même de la captivité. Aussi, quand on leur donnait ensuite le choix entre un honteux acquittement s’ils voulaient se souiller par un sacrifice, et une sentence capitale s’ils persistaient dans leur refus, tous, sans hésiter, allèrent volontiers à la mort. Car ils savaient ce qui nous est commandé dans les saintes Lettres : Celui qui sacrifie aux dieux étrangers périra, dit l’Écriture ; et encore : Vous n’aurez pas d’autres dieux que moi[107]. Parmi les martyrs d’Alexandrie, il en est dont la vue dut
causer, parmi le peuple, un vif mouvement de curiosité et de surprise. Un
solitaire de la Thébaïde[108], Apollonius, n’avait
cessé pendant la persécution de visiter les chrétiens de cette province pour
les encourager au martyre. Mis lui-même en prison, plusieurs païens vinrent l’y
voir et insulter à ses souffrances : l’un d’eux était le joueur de flûte
Philémon, qui l’accabla d’injures. Que Dieu ait
pitié de toi, mon fils, lui répondit doucement l’anachorète, et qu’il ne t’impute point tes paroles à péché.
Ce simple et affectueux langage perça le cœur du musicien : converti, il
courut au tribunal, et, s’adressant au gouverneur de III. — Avènement de Constantin et de Maxence (306).Les premiers mois de 306 avaient été en Orient remplis par la persécution ; d’autres soucis agitaient cependant son instigateur. La vengeance de Dieu se faisait déjà sentir, non sur la personne, mais sur l’œuvre politique des ennemis de l’Église[113]. Dioclétien et Maximien Hercule obligés de se démettre, Galère avait espéré régner sur tout le monde romain, et, dans ce dessein, avait rétabli la tétrarchie à sa guise ; mais déjà cette nouvelle construction menaçait ruine, et la pierre même qu’il avait tenté d’en exclure allait s’y faire violemment une place, au risque d’ébranler tout l’édifice dans ses fondements. Constantin, traité naguère en ami par Dioclétien[114], vivait maintenant près de Galère avec les honneurs dus à son brade, mais considéré comme un otage, ou même comme un rival dont on cherche à se débarrasser[115]. Sa vaillance naturelle le faisait tomber aisément dans les pièges qui lui étaient tendus : toujours placé dans les expéditions militaires au poste le plus dangereux, on le voyait tantôt combattre corps,à corps un Sarmate d’une taille gigantesque, tantôt entrer le premier dans un marais profond, entraînant l’armée après lui[116] ; dans les fêtes de la cour, il ne refusait pas l’invitation de Galère, quand celui-ci l’engageait à descendre sur l’arène pour lutter contre un lion[117]. La main de Dieu le protégea dans ces rencontres et déjoua les ruses de ses ennemis[118]. Lui-même, cependant, sentait que l’heure était venue d’échapper à une tutelle que sa fierté jugeait humiliante et dont son courage même ne pouvait lui cacher les périls. Bien que vivant en simple particulier, tout entier à ses devoirs militaires, Constantin était loin d’avoir renoncé au rang où l’appelait sa naissance[119]. La santé déclinante de Constance faisait prévoir l’ouverture d’une nouvelle succession impériale. Sur le point de prendre la mer pour une expédition en Bretagne dont il craignait de ne pas revenir, celui-ci réclamait son fils[120]. Galère, qui avait plus d’une fois déjà laissé sans réponse les messages de son collègue, ne put résister plus longtemps. Il accorda enfin à Constantin l’autorisation de partir et lui remit le brevet qui lui permettait de disposer des relais publics. Cette autorisation était à peine accordée, que le soupçonneux Auguste s’en repentit ; niais, quand il voulut empêcher le départ de Constantin, celui-ci avait fui Nicomédie depuis la veille, et rendu la poursuite impossible en emmenant ou en mutilant tous les chevaux de poste sur la route qu’il suivait[121]. Le fils de Constance venait de quitter la capitale, de Galère au moment où tout retentissait des gémissements des chrétiens traînés au supplice. Tout le long de sa route, en Thrace, en Norique, sur le haut Danube, les croix étaient dressées, les bûchers en flammes, tout l’appareil des supplices déployé. Dans beaucoup d’endroits, les bourgs étaient dépeuplés, les chrétiens se cachaient dans les montagnes et dans les vallées[122]. L’extrême hâte avec laquelle voyageait Constantin[123] ne l’empêcha sans doute pas de remarquer le contraste entre ces provinces désolées et celles de Sévère, où la population chrétienne, sans oser reconstruire encore les églises en ruines, avait quitté ses retraites et reparu au grand jour, et surtout les États de Constance, entièrement épargnés par la tempête. Ce spectacle confirmait ses sentiments héréditaires de tolérance, en lui mettant sous les yeux, par des nuances successives, le résultat visible et matériel des deux politiques. C’était, comme on dit aujourd’hui, une leçon de choses, dont un esprit pénétrant et réfléchi ne pouvait méconnaître la valeur. Constantin, traversant rapidement Constantin se hâta d’adresser aux autres princes, selon l’usage, son portrait entouré de lauriers. Galère le reçut avec une- véritable fureur. Il fut au moment de brûler l’image et le messager ; mais ses amis lui représentèrent qu’un tel outrage amènerait la guerre, et que les armées, mécontentes de tant de choix impériaux faits sans leur agrément, se rallieraient toutes autour du prince élu par l’une d’elles[128]. Galère dut se résigner à reconnaître Constantin. Mais c’était l’écroulement de toutes ses espérances. Si l’on en croit ce qui se racontait dès lors à Nicomédie ou plus tard dans l’entourage de Constantin, Galère avait ainsi réglé l’avenir : son ami d’enfance et son plus intime conseiller, Licinius, devait succéder à Constance avec le titre d’Auguste ; Galère lui-même, à l’expiration de ses vicennales, se retirerait comme Dioclétien, faisant Sévère Auguste en sa place, et donnant son bâtard Candidien, que l’impératrice Valeria avait adopté, pour collègue au César Maximin ; il s’assurerait ainsi une tranquille vieillesse, que protégerait, comme un mur inexpugnable, l’accord de ces quatre personnages qui lui auraient dû toute leur grandeur[129]. L’élection de Constantin dissipait ce beau rêve. Galère, prudemment conseillé, consentit enfin à la ratifier, et envoya la pourpre à son nouveau collègue[130] ; mais il témoigna sa mauvaise humeur en lui refusant le titre d’Auguste, qu’il donna à Sévère comme plus âgé, et en obligeant le fils de Constance à ne prendre place dans le collège impérial qu’en qualité de César, au quatrième rang, après Maximin[131]. Constantin, qui préférait aux apparences la réalité du pouvoir et se sentait maître de l’avenir, accepta sans protester ce semblant de déchéance[132]. Un si grand échec exaspéra les instincts cruels de Galère. A partir de ce moment, il devint vraiment la mauvaise bête, comme l’appelle Lactance. Le portrait qu’on a tracé de lui est horrible. Il se croyait tout permis : Le vainqueur des Perses, disait-il, doit être aussi absolu due les rois des Perses, qui ne connaissent pas de bornes à leur pouvoir[133]. Il se mit à traiter tout le monde comme il avait traité les chrétiens[134]. Dégrader les hommes élevés en dignité[135] ; torturer malgré les lois non seulement les décurions, mais les premiers magistrats des cités et jusqu’aux egregii et aux perfectissimes[136] ; punir de la croix, du feu ou des bêtes les moindres offenses[137] ; faire dévorer sous ses yeux, pendant ses repas, les condamnés par des ours dressés à les déchirer lentement, membre à membre[138] ; n’accorder qu’à de rares privilégiés, et comme un bienfait, la simple mort par le glaive, la bonne mort[139] ; abuser des femmes libres ou nobles comme de viles esclaves[140] ; enfin, après avoir épuisé les provinces par des tributs levés avec la dernière brutalité[141], se débarrasser de ceux qui ne payaient pas, les mendiants, en les faisant conduire sur des barques en pleine mer et noyer[142] : n’était-ce pas étendre, dans son aveugle fureur, à ses sujets païens les traitements réservés jusque-là aux seuls chrétiens, et prendre plaisir à venger ceux-ci en faisant partager aux autres leurs souffrances ? On pourrait multiplier ces rapprochements, où semble se marquer la justice de Dieu. Traçant le tableau de la persécution, saint Jean Chrysostome montre tout le monde contraint par les édits à dénoncer les chrétiens qui se cachaient, sans excepter ni maris, ni pères, ni enfants, ni frères, ni amis[143] ; au même moment, les agents du fisc, raconte Lactance, poursuivaient partout les contribuables, suspendant les fils au chevalet pour leur faire dénoncer leurs pères, torturant les serviteurs les plus fidèles pour les contraindre à trahir leurs maîtres, les épouses pour les obliger à livrer leurs époux[144]. Cependant, même eu frappant indistinctement sur tous, le tyran n’oubliait pas sa haine particulière pour les chrétiens. Il avait perfectionné à leur usage le supplice du feu. Il voulait qu’ils ne fussent plus bridés que lentement. Quand un fidèle avait été attaché au poteau, une flamme légère était d’abord allumée sous ses pieds jusqu’à ce que la peau du talon, carbonisée, se détachât des os. On promenait ensuite sur tout son corps des torches éteintes et réduites à l’état de tisons ardents. De temps en temps on lui faisait avaler de l’eau ou on lui en jetait sur le visage, de peur qu’il ne mourut trop vite. Quand il était demeuré pendant la plus grande partie du jour dans cet état, la peau toute rôtie, on laissait enfin le feu pénétrer jusqu’aux entrailles. Le cadavre desséché était mis ensuite sur un bûcher, et consumé entièrement ; puis les os échappés aux flammes étaient réduits en poudre et jetés dans le fleuve ou dans la mer[145]. Pendant que Constantin, à peine entré en possession des
États de son père, publiait en faveur de l’Église une ordonnance dont nous n’avons
malheureusement ni le texte ni le résumé[146], la persécution
redoublait de fureur en Orient. Il n’y a pas de distinction à établir entre
les provinces de l’Auguste et celles du César : la poursuite des chrétiens
était aussi acharnée dans les unes et dans les autres. Le second accusé, Astère, fut présenté par le greffier Eustathius. Tu as vu, lui dit le président, les tourments préparés à ceux qui désobéissent ; crois donc, et sacrifie aux dieux. — Il n’y a qu’un Dieu, répondit Astère, et seul il doit venir ; il habite au ciel, d’où il protège les plus humbles. Mes parents m’ont appris à l’honorer et à, le chérir. Quant à ceux que tu adores en les appelant dieux, je ne les connais pas. Ta religion n’est pas la vérité, mais une vaine invention, perte de tous les hommes qui l’acceptent. Lysias le fit suspendre au chevalet ; on lui lacéra les flancs, en l’invitant à sacrifier. Astère répondit : Je suis le frère de celui que tu interrogeais tout à l’heure. Nous avons une même âme, une même croyance. Fais ce que tu peux. Tu es maître de mon corps, mais non de mon âme. » On lui lia les pieds et on le déchira plus cruellement. Insensé, dit le martyr, pourquoi me tourmentes-tu ? ne songes-tu pas au compte que tu en rendras à Dieu ? Le juge lui fit alors poser des charbons ardents sur les pieds et frapper de verges et de nerfs de bœuf le dos et le ventre. Quand on eut fini : Tu es aveugle, dit Astère. Je te demande une grâce, c’est de ne laisser sans blessure aucune partie de mon corps. — Qu’on le garde avec les autres, répondit seulement Lysias. Le troisième frère, Néon, fut amené. Approche, mon enfant, et sacrifie aux dieux pour éviter les tourments, lui dit le gouverneur. Si tes dieux ont quelque force, répondit le jeune homme, qu’ils nous punissent sans ton aide. Mais je suis meilleur que tes dieux et que toi, car je ne vous obéis pas, et ne reconnais qu’un Dieu, qui a fait le ciel et la terre. Lysias ordonna aux bourreaux de le frapper au visage, en lui défendant de blasphémer. Est-ce que je blasphème quand je dis la vérité ? demanda Néon. Comme on avait fait à Astère, on lui mit des charbons sur les pieds et on le flagella. Ce que tu fais, dit le chrétien, est utile et avantageux à mon âme. Je ne puis changer de résolution. Lysias rendit alors la sentence : Que les trois frères soient conduits hors de la ville, sous la surveillance du greffier Eustathius et du bourreau. Archelaüs, et que là on les crucifie, afin que leurs corps deviennent la proie des oiseaux. Après l’exécution, les femmes furent amenées au tribunal. Selon l’ordre de ta clarté, Domnina est présente, dit le greffier. Tu vois, femme, lui dit Lysias, les tortures et le feu qui te sont préparés. Si tu veux y échapper, approche et sacrifie aux dieux. — Pour éviter le feu éternel et les tortures qui ne cessent pas, répondit-elle, j’adore Dieu et son Christ, qui a fait le ciel, la terre et tout ce qu’ils contiennent. Vos dieux sont de pierre et de bois, œuvre de la main des hommes. — Otez-lui ses vêtements, commanda le gouverneur, étendez-la nue, et frappez de verges tous ses membres. — Par ta sublimité, Domnina est déjà, morte, dit le bourreau. Ce cœur délicat s’était brisé à la seule menace de l’outrage. Qu’on jette le cadavre dans le fleuve, ordonna Lysias. Théonilla est présente, reprit le greffier. Femme, dit le juge, tu vois le feu, les tourments préparés pour ceux qui osent désobéir. Approche donc, rends honneur aux dieux, sacrifie, afin d’éviter la souffrance. — Je crains le feu éternel, qui peut perdre l’âme et le corps de ceux-là, surtout qui ont abandonné Dieu pour les idoles et les démons. — Donnez-lui des soufflets, s’écria Lysias exaspéré, jetez-la par terre, attachez-lui les pieds, et torturez-la fortement. — N’as-tu pas honte, dit Théonilla, de traiter ainsi une femme de naissance libre, une étrangère[152] ? Dieu voit ce que tu fais. — Suspendez-la par les cheveux et souffletez-la. — Ne te suffit-il pas de m’avoir exposée nue ? Ce n’est pas moi seule, c’est ta mère, c’est ton épouse que tu as couverte de confusion en ma personne. Car nous avons reçu toutes la même nature, que tu déshonores[153]. — As-tu un mari, ou es-tu veuve ? — Il y a aujourd’hui vingt-trois ans que je suis veuve, et à cause de mon Dieu je suis demeurée telle, persévérant dans le jeûne et dans la prière, depuis que j’ai abandonné les idoles et connu Dieu. — Rasez sa tête, afin qu’elle apprenne enfin à rougir, dit Lysias ; ensuite, entourez-la d’épines ; attachez-lui les pieds et les mains à quatre poteaux, et frappez avec des courroies non seulement son dos, mais tout son corps. Ce mode de flagellation avait encore été introduit par Galère[154]. Posez de plus, continua le gouverneur, des charbons sur son ventre ; afin qu’elle meure ainsi. Le geôlier et le bourreau dirent ensemble : Seigneur, elle vient de rendre l’âme. Lysias fit alors mettre dans un sac et jeter à l’eau le corps de la martyre[155]. C’est encore par le lâche supplice de la noyade que périt, sur l’ordre de Maximin lui-même, un martyr dont l’exécution avait été longtemps différée. Condamné aux bêtes, à Gaza, dès 304, Agapius n’avait pas été exécuté[156]. Depuis deux ans on le : gardait en prison. Trois fois il en fut tiré pour être conduit au stade avec des malfaiteurs destinés au dernier châtiment : puis, soit espoir de lasser ça patience, soit pitié soudaine, on le fit rentrer sans le livrer au supplice. Le 10 novembre, Maximin vint à Césarée, où l’anniversaire de sa naissance devait être célébré en grande pompe. Des jeux étaient offerts par le César lui-même au peuple de la métropole palestinienne. La fête fut magnifique ; des bêtes de l’Inde, de l’Éthiopie, des contrées les plus lointaines parurent dans l’amphithéâtre ; les plus habiles des jongleurs et les plus souples des funambules furent exhibés ; puis on voulut terminer les réjouissances publiques par un spectacle toujours agréable à la cruauté romaine, le supplice æ condamnés. Deux prisonniers furent produits successivement sur l’arène. L’un était un esclave, assassin de son maître ; l’autre, le chrétien Agapius. Il parait que le meurtrier combattit vaillamment contre les bêtes ; car Maximin charmé lui accorda sa grâce avec la liberté, aux acclamations des spectateurs[157]. Après le pardon octroyé à l’émule de Barabbas, il ne restait plus qu’à frire mourir le fidèle imitateur de Jésus. C’est ce qui eut lieu. L’empereur somma Agapius d’abjurer. Je n’ai commis aucun crime, répondit le martyr ; aussi tous les supplices que vous m’infligerez, je les supporterai pour l’amour du Dieu créateur, non seulement volontiers et d’une âme ferme, mais encore avec joie. Ayant ainsi parlé, il courut au-devant d’une ourse lancée contre lui ; quand elle l’eut déchiré, on le reporta en prison, saignant encore. Le lendemain, des pierres furent liées à ses jambes, et on le jeta dans la mer[158]. Pendant que ces horreurs se commettaient en Palestine, on voyait, à Antioche, des chrétiens grillés à petit feu, ou d’autres, plutôt que de faire aux dieux les libations commandées, laisser les persécuteurs leur brûler les mains[159]. De ceux-ci fut sans doute Barlaam, paysan illettré, mais martyr intrépide, qui laissa poser sur sa main, comme sur un autel, des charbons ardents, et la vit, sans faiblir, traversée par les flammes. Sur le tombeau de ce vaillant athlète, devenu célèbre par les miracles qui s’y opéraient, l’éloquence chrétienne prononcera un jour ses plus belles harangues[160]. Si quelque caractère particulier distingue la persécution dans les provinces de Maximin, c’est l’outrage prodigué aux femmes. Aucun des tyrans qui se partagèrent le monde romain au commencement du quatrième siècle n’eut des mœurs aussi dépravées que le neveu de Galère et n’encouragea par d’aussi ignobles exemples la licence des gouverneurs ou des magistrats. Les eunuques de sa cour pourvoyaient ouvertement au recrutement de son sérail. Les femmes qui avaient eu le malheur de lui plaire étaient arrachées à leurs maris, les filles à leurs pères[161]. Le refus de se prêter à ses passions passait pour un crime de lèse-majesté, et la malheureuse qui avait résisté était punie de la noyade, supplice favori de ce triste temps[162]. Ses compagnons, ses gardes, presque tous choisis parmi les Barbares, imitaient la conduite du prince et portaient dans les familles le déshonneur et le désespoir[163]. Tout l’Orient, dit Lactance, leur servait de jouet. On vit des maris se donner la mort pour ne point survivre à l’outrage dont leur femme avait été victime[164]. On vit d’autres suicides plus émouvants encore, ceux de chrétiennes, qui, placées entre la mort et la honte, choisirent la mort[165]. L’Église, en les honorant comme martyres, a couvert de son autorité et de son admiration ce qu’un tel acte avait d’irrégulier[166], et attribué à la grâce de Dieu le mouvement de foi sublime par lequel ces colombes en proie au vautour ont rompu elles-mêmes les liens qui les attachaient à la vie, pour voler libres et pures vers le ciel : Laqueus contritus est, et nos liberati sumus. C’est surtout à Antioche, capitale de Maximin et sa résidence fréquente, que de tels faits se produisirent. Saint Jean Chrysostome et saint Ambroise ont célébré le courage, la décision rapide, montrés par sainte Pélagie. Cette jeune chrétienne fut surprise dans sa maison par les soldats au moment où elle était seule, n’ayant près d’elle ni père, ni mère, ni sœurs, ni nourrice, ni servante, ni amie. Elle avait quinze ans, et savait, par l’exemple de beaucoup d’autres infortunées, le sort qui l’attendait si elle se laissait conduire au tribunal. D’un ton calme, d’un visage presque gai, elle demande aux soldats la permission de se retirer dans sa chambre pour changer de vêtements. Elle monte alors sur le toit, ce toit en terrasse des maisons d’Orient, et de là se précipite dans le vide. Son corps en tombant, dit éloquemment saint Jean Chrysostome, frappa les yeux du démon plus vivement qu’un éclair, et l’abattit comme par un coup de foudre[167]. Eusèbe cite dans la même ville, parmi les femmes chrétiennes poursuivies par les persécuteurs, deux jeunes filles, deux sœurs, que tout mettait en relief, la splendeur de la naissance, la richesse, la jeunesse, la beauté, mais que distinguaient plus encore la modestie, la piété, l’application à l’étude et au travail. Celles-ci ne furent pas obligées de recourir à un expédient héroïque pour sauver leur pureté : les adorateurs des démons les firent jeter à la mer[168]. D’autres furent plus menacées. Il y avait à Antioche une sainte femme, âme vraiment forte ; elle était riche, noble, renommée entre toutes par sa vertu ; ses deux filles, élevées par elle dans la religion chrétienne, étaient belles et dans la fleur de l’âge[169]. La mère s’appelait Domnina, les filles Bernice et Prosdosces. Quand les nouveaux édits eurent été publiés, toutes trois, craignant les dénonciations domestiques, se hâtèrent de quitter Antioche. Elles se réfugièrent dans une contrée où depuis longtemps la foi était florissante, en Osrohène, et demandèrent un refuge à la ville d’Édesse[170]. Mais le mari de Domnina, cédant à la crainte, consentit à guider les soldats vers les fugitives. Il vint avec eux à Édesse, et, trahies, les trois chrétiennes durent suivre leurs gardes sur le chemin de la Syrie[171]. La voie reliant Édesse à Antioche descendait d’abord à Carrha, puis se dirigeait par Batna vers l’Euphrate, le traversait, et atteignait Hiéropolis. Au delà de cette ville, la petite troupe arriva près d’une rivière. On dit que le mari de Domnina, repentant de son infamie, consentit, sur la prière de la chrétienne, à détourner l’attention des soldats : peut-être les engagea-t-il à manger et à boire[172]. Demeurée seule avec ses filles au bord de l’eau, celte mère intrépide leur parla des périls qui les attendaient. De tous les maux, leur dit-elle, le plus affreux, c’est le déshonneur, dont nous ne pouvons même entendre parler sans rougir. Toute mort est préférable, avec le secours du Christ. Les filles étaient dignes de la mère : elles consentirent au sacrifice, et les trois chrétiennes, ayant attaché modestement leurs vêtements, se jetèrent ensemble dans la rivière[173]. Dans tous les lieux où passait Maximin, il laissait après lui la désolation et la honte. En Égypte, à Alexandrie, ses débauches furent horribles : les femmes les plus nobles furent déshonorées par lui[174]. Une des plus illustres et des plus savantes dames de la métropole égyptienne lui résista cependant. C’était une chrétienne. Souvent amenée au tyran, sollicitée par son infâme passion, menacée d’être décapitée si elle ne cédait, elle lui répondait toujours par les mêmes refus, et se déclarait prête à mourir. Mais, comme elle possédait d’immenses richesses, la colère du tyran céda devant la cupidité, et il se contenta d’exiler la chrétienne en confisquant tous ses biens[175]. De quels attentats durent se rendre coupables les gouverneurs, les magistrats, les agents du pouvoir à tous les degrés, dans un État régi par un tel monstre ! Sûrs de l’impunité, ils imitaient les vices du prince et’, à son exemple, se faisaient dans leurs provinces un jouet de la vertu des femmes et de la sainteté des foyers domestiques[176]. On a déjà vu les excès d’Hiéroclès, qui arrachèrent au martyr Edesius une protestation indignée. D’innombrables chrétiennes, dit Eusèbe, menacées du déshonneur par les gouverneurs des provinces, ne purent entendre même leurs infâmes propositions : elles aimèrent mieux souffrir toutes les douleurs, toutes les tortures, toutes les espèces de supplices[177]. Cependant il est probable que toutes ne furent pas sauvées soit par la mort, soit par les providentielles ou miraculeuses interventions que nous avons plusieurs fois racontées. Parmi tant de chrétiennes condamnées à la plus ignominieuse des servitudes ou enlevées par la brutale passion de magistrats sans honneur et sans frein, plus d’une, dit un écrivain du quatrième siècle, souffrit par violence des outrages contre lesquels sa volonté se révoltait en vain, et subit la prostitution plutôt que de manquer de foi à l’éternel Époux[178]. A celles-ci, les plus infortunées des martyres, notre compassion et notre respect appliqueront une belle page écrite par saint Augustin pour consoler d’autres victimes non plus des persécutions, mais des invasions barbares. Non, s’écrie-t-il, que la vie ne vous soit point à charge, ô fidèles servantes du Christ outragées par ses ennemis dans votre pureté ! Vous avez une grande et vraie consolation, si votre conscience vous rend témoignage de n’avoir point consenti au péché de ceux qui ont péché envers vous... Peut-être était-il, en certaines de vous, quelque faiblesse cachée qui eût pu dégénérer en vaine gloire si, dans cette désolation publique, elles eussent échappé à l’humiliation qu’elles ont soufferte. De même donc que quelques-unes ont été enlevées de ce monde par la mort, de peur que la contagion du mal qui y règne ne les atteignit, ainsi quelque chose a été ravi ê d’autres chrétiennes par la violence, de peur que la prospérité ne corrompit leur modestie. Par là celles qui étaient fières de leur pureté, extérieure, et celles qui le pouvaient devenir si cette disgrâce ne leur fût pas arrivée, n’ont pas cessé d’être chastes, mais elles ont appris et être humbles[179]. Si les persécuteurs eussent été capables de recevoir, eux
aussi, une leçon d’humilité, les événements qui se passaient alors en Italie
la leur eussent utilement donnée. Après l’élection de Constantin, une autre
élection, plus inattendue encore, ouvrait une nouvelle brèche dans l’édifice
politique élevé par l’égoïsme de Galère. Lors de la formation de la seconde
tétrarchie, Maxence, fils de Maximien Hercule, avait été laissé de côté comme
le fils de Constance. Il vivait depuis ce temps en simple particulier, dans
une voluptueuse retraite, aux portes de Rome[180]. Quand dans les
rues, sur les places, sur les monuments de la ville éternelle il aperçut l’image
laurée de Constantin, une soudaine émulation s’empara de lui. Le moment était
favorable. Dans leur mépris de la vieille Rome, Galère et Sévère se
préparaient à faire tomber les derniers fleurons de sa couronne. L’immunité
dont avait joui 1jusqu’à ce jour le peuple-roi allait être supprimée ; des
agents étaient déjà nommés pour le recenser et le soumettre à la capitation[181]. En même temps,
ce qui restait de cohortes prétoriennes dans l’ancienne capitale du monde,
milice bien déchue depuis Dioclétien en nombre et en importance[182], mais qui
semblait encore garder, en vue de l’avenir, le Palatin désert, reçut l’ordre
de quitter son camp[183]. La révolution
était mûre : le fils de Maximien Hercule n’eut qu’à la cueillir. Le C’était porter le dernier coup à l’œuvre de Galère. Celle
de Dioclétien avait duré vingt ans ; une année suffisait à faire voir la
fragilité des espérances conçues par son ambitieux successeur. Une autre
humiliation était réservée à celui-ci. Un revenant, qu’il croyait bien mort à
la politique, surgissait tout à coup de la tombe somptueuse où Galère s’était
flatté de l’ensevelir. A la nouvelle de la révolution, le vieil Hercule avait
quitté La tétrarchie n’existait plus : il y avait maintenant six empereurs, sans compter Dioclétien qui, de Salone, assistait tristement aux préparatifs de la guerre civile. |
[1] Deinde ita languore oppressus ut per omnes deos pro vita ejus rogaretur... Lactance, De mort. pers., 17.
[2] Idibus Decembribus luctus repente in palatio, mœstitia et lacrymæ, judicum trepidatio, et silentium. Lactance, De mort. pers., 17.
[3] Tota civitas jam non modo mortuum sed etiam sepultum dicebant, cum repente mine postridie pervagari fama quod viveret. Lactance, De mort. pers., 17.
[4] Non defuerunt qui suspicarentur celari mortem ejus donec Cæsar veniret, ne quid a militibus novaretur. Lactance, De mort. pers., 17.
[5] Quæ suspicio tantum valuit, ut nemo crederet eum vivere nisi kalendis Martiis prodisset vix agnoscendus. Lactance, De mort. pers., 17.
[6] Et ille idibus Decembribus morte sopitus animam receperat, nec tamen totam. Demens enim factus est, ita ut certis horis insaniret, certis resipisceret. Lactance, De mort. pers., 17. — Ces paroles de Lactance sont bien d’un homme qui vivait alors à Nicomédie et assistait avec tout le peuple au lamentable déclin de l’empereur. C’est la vivacité d’expression d’un témoin, relevée parfois par un coup de pinceau digne de Tacite. Cependant des historiens modernes ont contesté la véracité du tableau. Lactance, dit M. Duruy, tient à montrer le persécuteur des chrétiens privé de sa dignité d’homme par la justice divine, Histoire des Romains, t. VI, p. 617. Mais Lactance n’est pas seul à peindre de telles couleurs l’état de Dioclétien. Eusèbe (Hist. Ecclés., VIII, 13, 11), Constantin (Oratio ad sanctorum cœtum, XXV, 2), s’expriment comme lui. On aurait mauvaise grâce à voir dans leurs paroles une calomnie intéressée des chrétiens, car Eumène (Paneg. Max. et Const., 9), Eutrope (Brev., X), Julien (Cæsares, éd. Hertlein, p. 405), s’accordent à reconnaître l’état de maladie ou d’extrême fatigue où était tombé Dioclétien.
[7] Lactance, Div. Inst., V, 11. — Pour rendre ce long passage je me suis servi de l’excellente traduction de Tillemont, Mémoires, t. V, art. XX sur la persécution de Dioclétien.
[8] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 10, 12.
[9] Lactance, Div. Inst., V, 11 ; Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 11 ; Rufin, ibid. — Je pense avec Tillemont que le martyre d’Adauctus, raconté par Eusèbe dans le même chapitre que l’incendie de la ville chrétienne, et sans transition, eut lieu en mime temps.
[10] Cf. Lactance, De mort. pers., 7. — L’histoire, hélas ! se répète. En 1895, lors des massacres de chrétiens par les musulmans en Anatolie, deux mille cinq cents ou trois mille, à Orfa, ont été la proie des flammes dans une église incendiée à l’aide du pétrole. Voir Revue des Deux-Mondes, 1er août 1898, p. 518.
[11] Eusèbe, De mart. Pal., 3, 2-4.
[12] Nec multis post diebus Cæsar advenit, non ut patri gratularetur, sed ut eum cogeret imperio cedere. Lactance, De mort. pers., 18.
[13] Duruy, Histoire des Romains, t. VI, p. 617.
[14] Jam conflixerat nuper Maximiano sene, eumque terruerat injecto armormn civilium motu. Lactance, De mort. pers., 18.
[15] Eutrope (Brev., IX, 27) dit que Maximien, en consentant à l’abdication, céda avec peine aux ordres de Dioclétien, cui ægre collega obtemperavit. Aurelius Victor (De Cæsaribus, 39, 48) dit de même : Cum iu sententiam Herculium ægerrime traduxisset (Diocletianus). Eutrope et Aurelius Victor, contemporains de l’empereur Julien, sont probablement moins bien renseignés que Lactance, qui nous montre Maximien Hercule décidé à la retraite par Galère avant même que celui-ci en ait parlé à Dioclétien. Si leur témoignage a quelque valeur, il veut dire probablement que Galère s’était servi du nom et de l’autorité de Dioclétien pour peser sur la volonté d’Hercule.
[16] Aggressus est ergo Diocletianum, primum molliter et amice, jam senem esse dicens, jam minus validum et administrandæ reipublicæ inhabilem, debere illum requiescere post labores. Lactance, De mort. pers., 18.
[17] Simul et exemplum Nervæ proferebat, qui imperium Trajano tradidisset. Lactance, De mort. pers., 18.
[18] Ille vera aiebat ei indecens esse si post tantam sublimis fastigii claritatem in humilis vitæ tenebras decidisset, et minus tutum, quod in tam longo imperio multorum sibi odia quæsisset. Lactance, De mort. pers., 18.
[19] Nerva vero uno anno imperante, cum pondus et curam tantarum rerum vel ætate vel insolentia ferre non quiret, abjecisse gubernaculum reipublicæ, atque ad privatam vitam redisse, in qua consenuerat. Lactance, De mort. pers., 18.
[20] Verum si nomen imperatoris cuperet adipisci, impedimento nihil esse quominus omnes Augusti nuncuparentur. Lactance, De mort. pers., 18.
[21] Respondit debere ipsius dispositionem in perpetuum conservari, ut duo sint in republica majores, qui summam rerum teneant, item duo minores, qui sint adjumento. Inter duos facile posse concordiam servari, inter quatuor pares nullo modo. Lactance, De mort. pers., 18.
[22] Lactance, De mort. pers., 18.
[23] Lactance, De mort. pers., 18.
[24] On a contesté encore ici le témoignage de Lactance. M. Duruy (Histoire des Romains, t. VI, p. 617) voit dans son récit une page de rhétorique que de complaisants écrivains ont prise pour une page d’histoire. Il demande ironiquement si le rhéteur chrétien a vu au fond du palais les larmes de Dioclétien ou entendu les menaces de Galère. C’est oublier que Lactance était alors à Nicomédie, devint le précepteur du fils de Constantin, et a vraisemblablement appris les détails de la scène soit de quelqu’un de la cour, soit de Constantin lui-même qui vivait en 305 près de Dioclétien, dans le palais. La même réponse me parait pouvoir être opposée aux doutes de Coen, l’Abdicazione di Diocleziano (voir Revue critique, 1899, 1), et de Morosi, Intorno al molivo dall’ abdicazione dell’ imperatore Diocleziano (dans Archivio storico italiano, t. V, 1880). Le fait, mis en lumière par Otto Seek (Die Anfange des Constantin’s des Grossen, dans Deutsche Zeitschrift für Geschichtwissenschaft, t. VIII, 1897), que le partage nouveau de l’Empire fut accompli dans le sens favorable à Galère, confirme le témoignage de Lactance.
[25] Supererat ut communi omnium consilio Cæsares legerentur. Lactance, De mort. pers., 18.
[26] Lactance, De mort. pers., 18.
[27] Erat autem Maximiano Filius Maxentius, hujus ipsius Maximiani (Galerii) gener, homo perniciosæ ne malæ mentis, adeo superbus et contumax ut neque patrem neque socerum solitus sit adorare. Lactance, De mort. pers., 18.
[28] Lactance, De mort. pers., 18.
[29] Lactance, De mort. pers., 18.
[30] Esto. Alterum quem dabis ? — Hunc, inquit, ostendens Daiam adolescentem quemdam semibarbarum, quem recens jusserat Maximinum vocari de suo nomine. Jam et ipsi Diocletianus nomen ex parte mutaverat ominis causa, quia Maximianus fidem summa religione præstabat. Lactance, De mort. pers., 18. On voit par cette dernière phrase que Dioclétien avait jadis obligé le César Galère à prendre le nom de Maximien qui paraissait de bon augure parce qu’il rappelait l’inviolable fidélité du second Auguste, Maximien Hercule. Les inscriptions l’appellent Galerius Valerius Maximianus, et donnent à Daia les noms de Galerius Valerius Maximinus.
[31] Lactance, De mort. pers., 18.
[32] Cum hæc essent constituta, proceditur kalendis Maiis... Erat locus altus extra civitatem ad millia fere tria, in cujus summo Maximianus ipse purpuram sumpserat ; et ibi columna fuerat erecta cum Jovis signo. Eo pergitur. Concio militum convocatur. Lactance, De mort. pers., 19.
[33] Constantinum omnes intuebantur. Nulla erat dubitatio. Milites qui aderant, et priores militum electi et acciti ex legionibus, in hunc unum intente gaudebant, optabant, et vota faciebant. Lactance, De mort. pers., 19.
[34] Inquit senex cum lacrymis, alloquitur milites se invalidum esse, requiem post labores petere, imperium validioribus tradere, alios Cæsares subrogare. Summa omnium expectatio quid atferret. Lactance, De mort. pers., 19.
[35] Daia vero sublatus nuper a pecoribus et silvis, statim scutarius, continuo protector, mox tribunus, postridie Cæsar... Lactance, De mort. pers., 19. Les scutarii et les protectores étaient les gardes des empereurs ; chaque cohorte de protectores était commandée par un tribun, trib. coh. primæ præt. protect. (Wilmanns, Exempla inscr., 1639), Daia était probablement tribun d’une des cohortes de protectores quand il fut promu César.
[36] Nemo tamen reclamare ausus est, cunctis insperatæ novitate rei turbatis. Huic purpuram Diocletianus injecit suam, qua se exuit, et Diocles iterum factus est. Tum descenditur, et rheda per civilatem veteranus rex foras exportatur, in patriarnque dimittitur. Lactance, De mort. pers., 19.
[37] Incert. Paneg., V, 12.
[38] Eutrope, Brev., X, 2.
[39] C’est peut-être dans ce sens qu’on lit au catalogue philocalien des papes et, d’après lui, au Liber Pontificalis, dans la notice du pape Marcellin : Quo tempore fuit persecutio et cessavit episcopaliis ann. VII, m. VI, d. XXV (Duchesne, le Liber Pontificalis, t. I, p. 6 et 16). Entre Marcellin, mort en 304, et Marcel, élu sous Maxence, en 308, quatre ans s’écoulent ; tandis que le chiffre de sept ans donné par le catalogue papal mène jusqu’en 311, époque où Maxence rendit au pape Miltiade les biens de l’Église romaine. Les sept ans paraissent donc se terminer à cette date, qui marque une nouvelle reconnaissance de la communauté chrétienne par l’autorité civile : l’épiscopat recommence alors aux yeux de celle-ci, pour qui le pape redevient le chef régulier du corpus christianorum. Aussi le chiffre de sept ans parait-il avoir été emprunté par le rédacteur du catalogue aux archives de la préfecture urbaine ; voir De Rossi, Roma sotterranea, t. II, p. 7.
[40] L’existence du concile de Cirta ne peut être raisonnablement contestée, malgré les difficultés de forme que présente peut-être le procès-verbal tel qu’il nous est parvenu (voir Héfélé, Histoire des conciles, trad. Delarc, t. I, p. 127 ; Duchesne, dans le Bulletin critique, 1886, p. 129). Mais si les faits révélés par ce concile doivent être retenus, sa date me parait moins bien établie. Dès le temps de saint Augustin elle était rapportée de deux manières différentes. Dans son traité Contra Cresconium, III, 30, elle est donnée ainsi en tête des Actes conciliaires : Diocletiano octies et Maximiano septies, quarto nonas Martii, c’est-à-dire le 4 mars 303 ; dans son Breviculus collationis cum donatistis, III, 32, elle est avancée de deux années : post consulatum Diocletiani novies et Maximiani octies, tertio nonas martias, c’est-à-dire le 5 mars 305. La première de ces deux dates est manifestement fausse : le 4 mars 303, on était tout au commencement de la persécution codicum tradendorum. Celle du 5 mars 305 laisse aussi des doutes. La persécution générale n’avait probablement pas cessé encore en Afrique, puisque l’abdication de Maximien Hercule n’est que du 1er mai : or, le concile de Cirta suppose la fin de cette persécution. La manière aussi dont la date est exprimée parait insolite : la formule post consulatum suivie des noms des consuls de l’année précédente ne devint officielle à Rome qu’en 308 (voir De Rossi, Inscriptiones christianæ urbis Romæ, t. I, p. 24). Bien qu’on puisse admettre qu’en province elle ait été quelquefois employée auparavant, et que saint Augustin ait parlé ici comme on faisait de son temps, sans s’astreindre à citer un texte exact, cette formule ne laisse pas que d’inspirer quelque défiance. L’expression vague d’Optat, disant que le concile de Cirta eut lieu dans une maison particulière post persecutionem, die III iduum maiarum, sans spécifier l’année, permet de le placer à une date quelconque postérieure à la persécution et antérieure à la restitution des loca ecclesiastica, entre 305 et 311. Que si l’on veut absolument, malgré la singularité de la formule post consulatum, garder la date de 305 indiquée au Breviculus, j’estime qu’il faudrait au moins corriger celle du mois par le texte de saint Optat et placer le concile die III iduum maiarum, le 18 mai, c’est-à-dire après que l’abdication de Maximien Hercule eut rendu la paix religieuse à l’Occident.
[41] In domo Urbani Donati. Contra Cresconium, III, 30.
[42] Quia basilicæ necdum fuerant restitutæ. De schism. donat., 1.
[43] Eusèbe, De mart. Pal., 13, 12-13.
[44] Tillemont, Histoire des Empereurs, t. IV, p. 89.
[45] Cf. De Rossi, Bull. di arch. crist., 1879, p. 57-59.
[46] Passio SS. Quatuor Coronatorunt. Bull. di arch. crist., 1879, p. 53.
[47] Tertullien, Adversus Marcionem, II, 2. Cf. De Rossi, Roma soterranea, t. II, p. 352 ; t. III, p. 558.
[48] En étudiant les Actes de ces saints (qui forment la première partie du récit communément appelé Passio SS. Quatuor Coronatorum), Tillemont n’y a vu qu’un tissu de contradictions et d’impossibilités. Ils font faire à ces saints, dit-il, des statues du Soleil et des Cupidons et leur font refuser de faire un Esculape jusqu’à aimer mieux mourir. Le grand critique était trop janséniste pour comprendre la conduite de l’Église primitive dans ses rapports avec l’art antique. Ce qui lui semble incohérence inacceptable et preuve manifeste de fausseté est au contraire, dit M. de Rossi, un indice éloquent de ce que les parties substantielles de ce récit ont d’antique et de sincère. La distinction si précise entre les œuvres d’art qui étaient considérées comme de simples ornements et celles qui étaient proprement idolâtriques a été faite par le sévère Tertullien et par les canons attribués à saint Hippolyte ; elle est confirmée par l’examen des monuments iconographiques créés, adoptés ou tolérés par les premiers fidèles. Celte distinction précise, ainsi mise en scène et en action, exemple pratique, pour ainsi dire, de cas de conscience résolu par cinq ouvriers chrétiens du temps de Dioclétien, donne un grand prix à ces Actes, et est une des preuves intrinsèques de la vérité de leur récit, au moins quant à la substance et aux circonstances principales. Bull. di archeol. crist., 1879, p. 49.
[49] Roma sotterranea, t. III, p. 448. Cf. mon livre sur l’Art païen sous les empereurs chrétiens, p. 250.
[50] Afflixit se, et transivit ad Dominum. — M. de Rossi voit une preuve d’antiquité dans la manière simple et laconique dont il est parlé de Cyrille et des autres condamnés ad metalla : l’auteur n’a pas besoin d’insister sur le détail, et se contente d’une simple allusion comme pour un fait contemporain. Bull. di arch. crist., 1879, p. 54.
[51] Censualis a gleba actuarius nomine Porphyreus gestam
scripsit. Manuscrit de
[52] Les Actes dont on
vient de lire le résumé ont été publiés d’abord par Mombritius, en 1480 (Vitæ
SS., t. I, p. 160 et suiv.) ; Baronius, les jugeant peu sûrs, y fit
seulement allusion dans ses Annales, ad ann. 303, § 115 ; Tillemont les
dédaigna comme un roman d’époque barbare (Mém., t. IV, note VI sur saint
Sébastien). Ils ont été de nos jours remis en lumière et sérieusement étudiés
par Wattenbach, Otto, Benndorf, Max Büdinger (1870) et Edm. Meyer (1878), qui
en ont discuté les difficultés chronologiques et ont fait ressortir la
vraisemblance archéologique du récit. M. de Rossi a résumé et complété ces
études, en apportant la solution des principales difficultés dans son
Bullettino de 1879 ; il a montré que les faits se sont passés au mois de
novembre 305, puisque l’évêque Cyrille, envoyé aux mines de Pannonie dès le
commencement de 303, est dit y avoir vécu environ trois ans, et eut, avant la
fin de cette même année 305, un successeur sur le siège d’Antioche ; de cette
date bien établie ressort la nécessité de corriger Dioclétien, qui est nommé
dans les Actes, en Galère, seul maître de
[53] Eusèbe, Hist. Ecclés., IX, 9, 13.
[54] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 14, 8.
[55] Lactance, De mort. pers., 37.
[56] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 14, 9.
[57] Routh, Reliquiæ sacræ, t. IV, p. 23 et suiv.
[58] Canon 1.
[59] Canon 2.
[60] Canon 3.
[61] Canon 5.
[62] Canon 6.
[63] Cf. saint Paul, Éphésiens, VI, 9 ; Colossiens, IV, 1.
[64] Canon 7.
[65] Canon 8.
[66] Canon 9.
[67] Canon 10.
[68] Canon 11.
[69] Canon 12.
[70] Canon 13.
[71] Canon 14.
[72] Puisque nous approchons de la quatrième Pâque depuis le commencement de la persécution, dit le préambule des canons. Celle-ci ayant commencé peu avant Pâques 303, la quatrième Pâque est celle de 306.
[73] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 14, 9.
[74] Eusèbe, De mart. Pal., 4, 8.
[75] Eusèbe, De mart. Pal., 4, 8.
[76] Eusèbe, De mart. Pal., 4, 8.
[77] Acta S. Acacii, 1, dans Acta SS., mai, t. I, p. 762.
[78] Acta S. Acacii, 1. — Sur les défauts de ces Actes, voir Tillemont, Mémoires, t. V, note I sur saint Acace.
[79] Voir Tillemont, Mémoires, t. V, art. LV et note LXI sur la persécution de Dioclétien.
[80] Cf. Eusèbe, De mart. Pal., 4, 8.
[81] Cf. saint Jean Chrysostome, Homilia LI.
[82] Acta S. Adriani, 1, dans Surius, Vitæ SS., t. IX, p. 88.
[83] Les exemples de riches veuves obligées de s’enfuir pour échapper à un second mariage avec un fonctionnaire puissant ne sont pas rares au quatrième siècle ; voir l’épisode raconté par saint Grégoire de Nazianze, Oratio XLIII, 56.
[84] S. Theodorus tiro. Ruinart, p. 531.
[85] Saint Grégoire de Nysse, De magno martyre Theodoro. — Il existe aussi des Actes de saint Théodore (Surius, Vitæ SS., t. XI, p. 228), qui sont d’un style fort simple et fort bon, dit Tillemont (Mémoires, t. V, art. sur saint Théodore d’Amasée), mais offrent cependant quelques difficultés (ibid., note II ; et Le Blant, les Actes des martyrs, p. 28). Je ne m’en suis pas servi, et j’ai suivi de tout point le récit de l’évêque de Nysse.
[86] Rappelant à ce propos le canon 60 du concile d’Illiberis, Tillemont fait l’observation suivante : Puisque Théodore, ayant déjà confessé Jésus-Christ, fust toujours mort sans cela, il ne tombe pas sous la censure de l’Église, qui par ce canon paroist avoir particulièrement désapprouvé ceux qui par des actions, non nécessaires attiroient sur eux une mort qu’ils eussent pu éviter par une sage et humble modération.
[87] Dans la basilique des Euchaites, près d’Amasée, où son martyre était peint, on l’avait représenté brillé dans une fournaise ardente. Saint Grégoire de Nysse, De magno martyre Theodoro, 1.
[88] Acta SS., mars, t. I, p. 335.
[89] Theodori episcopi Iconii epistola de martyrio S. martyris Cyrici et matris ejus Julittæ ; dans Ruinart, p. 527. — Ce narrateur, contemporain de Justinien, attribue aux édits de Dioclétien la persécution qui commençait. Mais en 304 le gouverneur de Cilicie s’appelait Maxime, tandis que le juge de Cyr et de Julitta porte le nom d’Alexandre. — Sur les martyres d’enfants, voir les Dernières Persécutions du troisième siècle, 2e éd.
[90] Berytus civitas valde deliciosa et auditoria legum habens, per quam omnia Romanorum judicia stare videntur. Totius orbis descriptio, dans Müller, Geogr. min., t. II, p. 517. Voir aussi saint Grégoire le Thaumaturge, Oratio paneg. ad Orig. ; saint Grégoire de Nazianze, Poemota qui spectant ad alios, V, 227.
[91] Eusèbe, De mart. Palest., 4, 2-7.
[92] Eusèbe, De mart. Pal., 4,-10.13. Les Analecta Bollandiana, t. XVI, 1897, p. 122-127, publient du martyre d’Aphien et de son frère Edesius un récit grec tiré de la recension plus longue du De martyribus (voir Introduction, p. XXXIV). Il n’ajoute pas de traits essentiels à la rédaction abrégée.
[93] Eusèbe, De
mart. Palest., 4, 14. Eusèbe ajoute que la mort d’Aphien eut lieu un
vendredi. Mais le
[94] Eusèbe, De mart. Palest., 5, 1.
[95] Eusèbe, De Mart. Palest., 5, 2-3.
[96] Socrate, Hist. Ecclés., I, 26. — Pierre suivait en ceci l’exemple d’un de ses plus illustres prédécesseurs, saint Denys ; voir Histoire des persécutions pendant la première moitié du troisième siècle, 2e éd.
[97] Saint Athanase, Apol. contra Arianos, 59.
[98] Socrate, Hist. Ecclés., I, 6.
[99] Socrate, Hist. Ecclés., I, 6.
[100] L’évêque
Hesychius est peut-être le célèbre correcteur de
[101] Circumeuntes, en grec περιοδευτές. Voir le P. de Smedt, Revue des Questions historiques, octobre 1891, p. 410.
[102] Ce récit des débuts du schisme mélécien est emprunté aux documents originaux découverts par Maffei à Vérone, imprimés dans ses Osservazioni letterarie, t. III, 1738, p. 11-18, puis par Routh, Reliquiæ sacræ, t. III, p. 38 et suiv., et enfin par Héfélé, Histoire des conciles, trad. Delarc, t. I, p. 333 et suiv. Voir dans ce dernier ouvrage, p. 335-343, les raisons de préférer les documents du manuscrit de Vérone, confirmés et complétés par saint Athanase et Socrate, à la version très différente, et favorable à Mélèce, que donne saint Épiphane, Hæres., LXVIII, 1-4.
[103] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 9, 7.
[104] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 9, 7.
[105] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 9, 7.
[106] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 9, 8 ; Acta SS. Phileæ et Philoromi, 1, 2, dans Ruinart, p. 549-550.
[107] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 10.
[108] Au nombre des confesseurs de cette province on peut compter l’ermite Anaph, dont Sozomène (Hist. Ecclés., III, 14) fait ce bel éloge : Depuis le temps où il confessa le Christ pendant la persécution suscitée contre notre foi, j’ai entendu dire qu’il n’a jamais proféré un mensonge, ni désiré une chose terrestre.
[109] Rufin, dont nous suivons la narration, ne nomme pas le gouverneur ; mais il est nommé par Métaphraste, et son nom s’est retrouvé dans beaucoup d’autres récits de martyres.
[110] Acta SS., janvier, t. II, p. 457.
[111] Le 7 mars, d’après les martyrologes.
[112] Rufin, De vitis Patrum, 19. Rufin ajoute que les corps des Martyrs furent rejetés par les flots, et parle des miracles qui se faisaient de son temps à leur tombeau.
[113] Jam propinquavit illi judicium Dei, secutumque tempus est quo res ejus dilabi et fluere cœperunt. Lactance, De mort. pers., 24.
[114] Eusèbe, De vita Constantini, I, 19.
[115] In insidiis sœpe juvenem adpetiverat. Lactance, De mort. pers., 24. Hunc Galerius objecit ante pluribus periculis. Anonyme de Valois, 3. Cf. Eusèbe, De vita Constantini, I, 20.
[116] Anonyme de Valois, 3 ; Zonare, Ann., XII, 33 ; Proxagoras, dans Photius, Biblioth., 62.
[117] Sub obtentu exercitii ac ludi feris illum objecerat. Lactance, De mort. pers., 24. Cf. Proxagoras, l. c., qui parle d’un combat contre un lion.
[118] Dei manus hominem protegebat, qui illum de manibus ejus liberavit. Lactance, l. c. ; cf. Eusèbe, De vita Constantini, I, 20.
[119] Cujus jam a puero ingens potensque animus imperitandi ardore agitabatur. Aurelius Victor, De Cæsaribus.
[120] Lactance, De mort. pers., 24 ; Zosime, II, 8 ; Anonyme de Valois, 4 ; Aurelius Victor, Épitomé.
[121] Lactance, De mort. pers., 24. — Otto Seek, Die Anfange des Constantin’s des Grossen (dans Deutsche Zeitschrift für Geschichtwissenchaft, t. VIII, p. 80), conteste ce récit de la fuite et croit que les divers écrivains qui la racontent le font d’après une source commune.
[122] A. de Broglie, l’Église et l’Empire romain au quatrième siècle, t. I, p. 193.
[123] Incredibili celeritate usus. Lactance, De mort. pers., 24.
[124] Eumène, Paneg., 7 ; Anonyme de Valois, 5.
[125] Lactance, De mort. pers., 24 ; Div. inst., II, 4 ; Eusèbe, De vita Constantini, I, 21 ; Eumène, Paneg. ; Julien, Oratio I ad Const. ; Orose, V, 26.
[126] Sur cette date, voir Tillemont, Histoire des Empereurs, t. IV, p. 618, note IX sur Constantin.
[127] Eusèbe, De vita Constantini, I, 22 ; Zosime, II, 9, dit seulement qu’il reçut la dignité de César.
[128] Paucis post diebus laureata imago ejus adlata est ad malam bestiam. Deliberavit diu an susciperet. In eo pene res fuit ut illam et ipsum qui attulerat exureret, nisi eum amici ab illo furore flexissent, admonentes eum periculi, quod universi milites, quibus invilis ignoti Cæsares erant facti, suscepturi Constantinum fuissent, atque ad eum concursuri alacritate summa, si venisset armatus. Lactance, De mort. pers., 25.
[129] Habebat ipse Licinium veteris contubernii amicum et a prima militia familiarem, cujus consiliis ad omnia regenda utebatur... Postea in Constantii locum nuncuparet Augustum atque fratrem, tunc vero ipse principatum teneret, ac pro arbitrio suo debacchatus in orbem terme vicennalia celebraret ; ac substituto Cæsare filio suo, qui tunc erat novennis, et ipse deponeret, ita cum imperii summam tenerent Licinius ac Severus, et secundum Cæsarum nomen Maximinus et Candidianus, inexpugnabili muro circumseptus securam et tranquillam degeret senectutem. Lactance, De mort. pers., 20.
[130] Suscepit itaque imaginem admodum invitas, atque ipsi purpuram misit, ut ultro ascivisse illum in societatem videretur. Lactance, De mort. pers., 25.
[131] Sed illud excogitavit, ut Severum, qui erat ætate maturior, Augustum nuncuparet, Constantinum vero non imperatorem, sicut erat factus, sed Cœsarem cum Maximino appellari juberet, ut eum de secundo loto rejiceret in quartum. Lactance, De mort. pers., 25.
[132] Cette nouvelle
organisation de la tétrarchie, destinée à si peu durer, se trouve exprimée par
quatre monnaies de bronze, frappées dans l’atelier de Rome, entre le
[133] Lactance, De mort. pers., 21.
[134] Quæ igitur in christianis excruciandis didicerat, consuetudinc ipsa in omnes exercebat. Lactance, De mort. pers., 22.
[135] In primis honores ademit. Lactance, De mort. pers., 21.
[136] Torquebantur ab eo non modo decuriones, sed primores etiam civitatum, egregii ac perfectissimi viri. Lactance, De mort. pers., 21.
[137] Et quidem in causis levibus atque civilibus, si morte digni viderentur, cruces stabant. Lactance, De mort. pers., 21. — Nulla pana penes eum levis, non insulæ, non carceres, non metalla, sed ignis, crux, feræ, in illo erant quotidiana et facilia. Lactance, De mort. pers., 22.
[138] Habebat ursos ferociæ ac magnitudinis sum simillimos, quos loto imperii sui tempore elegerat. Quotiens delectari libuerat, horum aliquem adferri nominatim jubebat. His homines non plane comedendi, sed absorbendi objectabantur : quorum artus cum dissiparentur, ridebat suavissime ; nec unquam sine humano cruore cœnabat. Lactance, De mort. pers., 21.
[139] In causa capitis animadversio gladii admodum paucis quasi beneficii (loco) deferebatur, qui ob vetera merita impetraverant bonam mortem. Lactance, De mort. pers., 22.
[140] Matres familias ingenum ac nobiles in gynecæum rapiebantur. Lactance, De mort. pers., 21.
[141] Lactance, De mort. pers., 23.
[142] Mendici supererant soli, a quibus nihil exigi posset, quos ab omni genere injuria tutos miseria et infelicitas fecerat. Atquin homo impius misertus est illis ut non egerent. Congregari omnes jussit, et exportatos naviculis in mare mergi. Lactance, De mort. pers., 23.
[143] Saint Jean Chrysostome, Homilia LI ; cf. Acta S. Adriani, 1.
[144] Filiiadversus parentes suspendebantur, fidelissimi quique servi contra dominos vexabantur, uxores adversus maritos. Lactance, De mort. pers., 23.
[145] Lactance, De mort. pers., 21.
[146] Suscepto imperio Constantinus Augustus nihil egit prius quam christianos cultui ac Deo suo reddere. Hæc fuit prima ejus sanctio religionis restitutæ. Lactance, De mort. pers., 24.
[147] Acta SS.
martyrum Claudii, Asterii et aliorium, dans Ruinart, p. 279. — Les Actes
nomment Égée, ville de Lycie ; mais il faut lire de Cilicie,
[148] Une des versions des Actes contient un préambule, donné en note par Ruinart, où on lit : Delati sunt ad judicem a noverca Claudius, Asterius et Neon, quod essent christiani, deos injuria africientes.
[149] Ce qui suit provient apparemment des Actes proconsulaires, c’est-à-dire lirez du greffe, où l’on rapporte les propres paroles du juge et des accusez telles qu’elles étoient prononcées. Ainsi il n’y a rien de plus authentique et de plus certain que ces sortes d’Actes. Tillemont, Mémoires, t. IV, art. sur les saints Claude, Astère et Néon.
[150] Acta SS.,
septembre, t. VII, p. 428. La prétendue distinction
entre deux ou trois groupes de martyrs de ce nom, l’un romain, les autres
orientaux, n’a pas de fondement, dit M. de Rossi (Bull. di arch.
crist.,
[151] Acta SS., octobre, t. XIII, p. 253.
[152] Voir, sur ce passage, les observations d’Edmond Le Blant, les Actes des martyrs, p. 263.
[153] Une martyre
chinoise, Lucie Y, dépouillée de ses vêtements par l’ordre brutal du mandarin,
écrie de même : Vous ne respectez même pas le sexe
qui vous a donné le jour ! Est-ce que vous n’avez pas de mère ?
Edmond Le Blant, les Martyrs de l’Extrême-Orient et les Persécutions
antiques, dans le Correspondant,
[154] Si quis esset verberandus, defixi in stabulo pali quatuor stabant, ad quos nullus unquam servus distendi solebat. Lactance, De mort. pers., 21.
[155] Les Actes se terminent par l’alinéa suivant, qui ne fait pas corps avec leur partie officielle et a été ajouté : Habita est passio hæc in civitate Ægea, sub Lysia præside, X kalendas Septembris, Augusto et Aristobulo consulibus ; de quibus sanctorum passionibus est Deo honor et gloria. Dioclétien et Aristobule furent consuls ensemble en 285. Comment cette date a-t-elle pu être indiquée ? Je l’ignore, mais sa fausseté me parait évidente. Les chrétiens, au rapport d’Eusèbe, jouissaient alors en Orient d’une profonde paix : il suffit de lire les Actes des saints Claude, Astère et Néron, pour voir que leur martyre se passe, au contraire, à une époque de persécution générale. Comme on a pu le remarquer, certains détails de ces Actes nous reportent vraisemblablement au temps où Galère régnait en Orient.
[156] Il ne faut pas confondre cet Agapius avec un autre martyr du même nom, dont il est question dans le § I de ce chapitre.
[157] Τιμής τε xαί έλευθερίας ήξιωμένου. La grâce, ici, entraînait de droit la liberté, car, par l’effet de sa condamnation, le meurtrier de son maître avait cessé d’être l’esclave des héritiers de celui-ci pour devenir l’esclave de la peine, servus pœnæ ; libéré maintenant de la condamnation, il était en même temps libéré de la servitude qui en avait été la conséquence.
[158] Eusèbe, De mart. Palest., 6.
[159] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 12, 2.
[160] Saint Basile, Homil. XVII, in Barlaam martyrem ; saint Jean Chrysostome, Oratio LXXIII, de sancto Barlaam. La préface mise par dom Carnier en tête de l’édition bénédictine de saint Basile (Migne, Patr. græc., L XXXI, p. 11-22) me parait avoir démontré que les deux discours ont été prononcés à Antioche, et sont l’un et l’autre de saint Jean Chrysostome. Dans celui qui a été attribué à saint Basile, l’orateur conseille aux peintres de représenter Barlaam sous les traits d’un athlète montrant sa main victorieuse, entourée de flammes.
[161] Lactance, De mort. pers., 38 ; Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 14, 12.
[162] Lactance, De mort. pers., 38.
[163] Lactance, De mort. pers., 38 ; Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 14, 12.
[164] Lactance, De mort. pers., 38.
[165] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 14, 14.
[166] Saint Augustin, De civitate Dei, I, 26.
[167] Saint Jean Chrysostome, Homilia XL ; saint Ambroise, De virginibus, III, 7 ; Ep. 37 ; Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 12, 2.
[168] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 12, 5.
[169] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 12, 3.
[170] Saint Jean Chrysostome, Homilia LI.
[171] Saint Jean Chrysostome, Homilia LI.
[172] Saint Jean Chrysostome, Homilia LI.
[173] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 12, 3, 4.
[174] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 14, 15.
[175] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 12, 3, 4. — Eusèbe ne nomme pas cette chrétienne. Rufin, Hist. Ecclés., VIII, 17, l’appelle Dorothée. Baronius a essayé de l’identifier avec sainte Catherine d’Alexandrie (Ann., ad. ann. 309, § 31), identification repoussée avec raison par Bollandus (Acta SS., février, t. I, p. 777) et Tillemont (Mémoires, t. V, art. V sur saint Pierre d’Alexandrie). — Sur les Actes de sainte Catherine tels que les a rédigés Métaphraste (Patrol. græc., t. CXVI, p. 275-302), voir les belles réflexions de Baronius (l. c.), qui peuvent se résumer en cette phrase énergique du grand et honnête annaliste : Melius silentium quant mendacium veris admixtum. Les récents travaux de M. l’abbé Viteau (Paris, 1897, et Ann. de Saint-Louis des Français, 1893) sont utiles pour l’établissement du texte des Actes, mais ne modifient pas sensiblement le jugement de Baronius sur leur valeur historique.
[176] Lactance, De mort. pers., 38.
[177] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 14, 16.
[178] De versa virgirnitatis integritate, 52 (livre attribué faussement à saint Basile, mais écrit certainement au quatrième siècle ; cf. Migne, Patr. græc., t. XXX, p. 670).
[179] Saint Augustin, De civitate Dei, I, 28. Cf. Ep. ad Victorianum et ad Honoratum. — Voir dans le très rare ouvrage du P. de Buck, De phialis rubricatis quibus martyrum romanorum sepulcra dignosci dicuntur (Bruxelles, 1855), le chap. XI, p. 83-98.
[180] In villa sex millibus ab urbe disereta, via Labicana. Aurelius Victor, Épitomé. — Quid haud procul urbe in villa publica morabatur. Eutrope, Brev., X, 2.
[181] Ad hanc osque prosiluit (Galerius) insaniam, ut... ne populum quidem romanum fieri vellet immunem. Ordinabantur jam censitores, qui Romam missi describerent plebem. Lactance, De mort. pers., 26. — Voir C. Jullian, les Transformations politiques de l’Italie sous les empereurs romains, p. 193.
[182] Aurelius Victor, De Cæsaribus, 39.
[183] Eodem fere tempore castra quoque prætoria sustulerat. Lactance, De mort. pers., 26.
[184] Lactance, De mort. pers., 26 et 44 ; Zosime, II ; Constantin, Oratio ad sanctorum cœtum, 22. — Sur la date exacte de l’avènement de Maxence, voir Tillemont, Histoire des Empereurs, t. IV, p. 95 et 633.