La persécution de Dioclétien et le triomphe de l’Église

CHAPITRE TROISIÈME — LE PREMIER ÉDIT DE PERSÉCUTION GÉNÉRALE (303).

 

 

I. — La promulgation de l’édit et les événements de Nicomédie.

Galère passa les derniers mois de 302 et les premiers de 303 à Nicomédie, près de son beau-père Dioclétien[1]. Excité lui-même par les conseils de sa mère, cette fanatique paysanne qui haïssait les chrétiens, il ne cessait, à son tour, de les dénoncer au vieil Auguste[2]. Des colloques à leur sujet avaient lieu quotidiennement entre les deux empereurs, clans le vaste palais de Nicomédie encore tout peuplé de fidèles.

Pour échapper à la surveillance incessante que les courtisans et les serviteurs exercent sur les souverains, l’Auguste et le César se rencontraient dans l’ombre, comme des conspirateurs. Personne n’était admis à leurs entretiens[3]. On les croyait occupés des grands intérêts de l’État, de la préparation des lois, de la marche des armées[4]. Si quelqu’un, cependant, avait pu surprendre leurs paroles à travers les portes soigneusement fermées, il eût éprouvé, pour l’un des deux interlocuteurs cette sorte de sympathie dans laquelle il entre un peu d’estime et beaucoup de pitié. A Galère méprisant et impérieux Dioclétien répondait lentement, en vieillard qui défend pied à pied sa politique, son œuvre, sa fortune contre un héritier impatient de tout bouleverser[5]. Il montrait les païens et les chrétiens unis dans une commune obéissance aux lois, le monde jouissant partout de la paix religieuse, et suppliait le furieux César de ne pas détruire un si bel ordre, fruit de dix-huit ans de sagesse. Rendu humain par les années et par le long exercice du pouvoir, il parlait de sa répugnance à verser le sang, de la facilité avec laquelle les chrétiens affrontaient la mort, de l’affreux carnage qu’entraînerait une déclaration de guerre à l’Église[6]. Mais aucune considération d’humanité ou de politique ne pouvait arrêter Galère. En vain Dioclétien lui offrait une sorte de transaction : on continuerait à chasser les chrétiens de l’armée, on exclurait même du palais les courtisans, les employés et les serviteurs qui professaient leur foi ; à ce prix, la masse de la population chrétienne fie serait pas inquiétée[7]. Galère ne voulut rien entendre, et ne se contentait pas à moins d’une proscription universelle[8].

Las de résister, Dioclétien demanda que la responsabilité d’une décision fût partagée[9]. Il aimait à garder pour lui le mérite de ses bonnes actions ; mais, se voyant acculé à la nécessité de faire mal, il ne s’y résignait qu’à la condition d’or paraître contraint par un semblant d’opinion publique[10]. Sur ces bases, l’entente se fit aisément : d’un commun accord on décida de mettre fin au secret dont avaient été jusque-là enveloppées les délibérations des deux empereurs. Quelques fonctionnaires civils et militaires furent convoqués en conseil privé, afin de statuer sur le sort des chrétiens[11].

Le résultat fut ce qu’on pouvait attendre. Chacun parla à son tour, d’après son rang et son grade[12]. Plusieurs de ces conseillers partageaient les haines oit les préjugés de Galère. Il y avait parmi eux des magistrats civils, imbus des principes néoplatoniciens, et voyant dans le christianisme une secte rivale de leur philosophie. Lactance cite le plus influent et le plus passionné, cet Hiéroclès dont nous avons parlé déjà, et dont le nom se retrouvera encore dans l’histoire de la persécution[13]. Peut-être la rivalité philosophique n’animait-elle pas seule de tels hommes, qui avaient souffert avec indignation la concurrence de collègues chrétiens dans le gouvernement des provinces, la direction des finances ou l’administration des cités, et saisissaient avec joie l’occasion de leur fermer l’accès des carrières publiques. On peut croire que les militaires appelés au conseil y portaient des sentiments moins complexes. C’étaient probablement des camarades et des admirateurs du vainqueur de la Perse, unissant comme lui à la vaillance guerrière une complète ignorance ou un grossier dédain des choses de l’âme. Ceux-ci votèrent de bonne foi l’extermination des ennemis des dieux, des adversaires de la religion nationale[14]. D’autres conseillers, qui ne pensaient ni comme les amis d’Hiéroclès, ni comme les compagnons d’armes de Galère, se prononcèrent dans le même sens. Habitués à lire dans la pensée impériale, ces habiles gens avaient compris que le débat s’agitait entre une volonté inflexible et une volonté défaillante, et que la première triompherait de tous les obstacles : soit par crainte de déplaire, soit par désir de flatter, ils sacrifièrent les chrétiens sans hésitation, sinon sans remords[15]. La race des Pilate n’était pas éteinte après trois siècles : ses imitateurs tremblaient, comme lui, de ne pas paraître assez amis de César.

Le malheureux Auguste, cependant, ne céda pas encore tout à fait. Il cherchait à retarder l’acte impolitique et cruel qu’on exigeait de sa faiblesse. Il résolut ou plus probablement on lui suggéra une démarche dont l’issue ne pouvait être douteuse. Un aruspice (peut-être un de ceux-là mêmes qui naguère l’avaient décidé à expulser les soldats chrétiens) fut envoyé par lui à Milet pour consulter l’oracle d’Apollon Didyméen[16]. Celui-ci répondit en ennemi de notre divine religion, nous apprend simplement Lactance[17]. Constantin, qui vivait alors près de Dioclétien, donne des détails plus précis. L’oracle caché au fond de l’immense et magnifique temple[18] se plaignit d’être réduit à l’impuissance. Des justes répandus sur la terre l’empêchaient d’annoncer l’avenir : du trépied sacré ne tombaient plus que des avis trompeurs. Se lamentant de sa déchéance, le prêtre d’Apollon agitait ses cheveux hérissés, comme en proie à l’esprit du dieu[19]. Cette parole ambiguë, cette plainte étrange fut rapportée à Dioclétien. Son esprit naturellement superstitieux en resta plus frappé que d’une réponse directe. II interrogea, dans son trouble, les personnes qui l’entouraient, officiers du palais ou prêtres païens. On fut unanime à reconnaître les chrétiens dans les justes dénoncés par Apollon[20]. Sans prendre garde à l’hommage involontaire rendu à la vertu de ceux qu’on lui demandait de proscrire, Dioclétien sentit ses hésitations dissipées. Il avala ces paroles comme du miel, dit Constantin[21]. Désormais la lutte pénible qu’il soutenait avec les autres et avec lui-même était terminée. Ne pouvant résister à ses amis, à César et à Apollon ligués ensemble, il se rendit[22]. En échange de sa défaite, il obtint à son tour une concession. Le fanatique Galère avait demandé que tous les chrétiens fussent mis en demeure de sacrifier aux dieux, et ceux qui refuseraient brûlés vifs ; Dioclétien essaya de rester modéré dans l’injustice, et voulut que la persécution enfin décidée n’entraînât pas d’effusion de sang[23]. Galère l’accorda : il savait bien qu’il ne dépendrait que de lui de faire naître ensuite quelque incident, par où les intentions de l’empereur seraient encore une fois changées.

On se hâta d’engager celui-ci dans la voie de la violence. Avant même que l’édit de persécution fût lancé, un premier acte d’hostilité eut lieu à Nicomédie, par l’ordre et sous les yeux de l’Auguste et du César. Le jour fut choisi avec ce mélange de superstition et de subtilité qui caractérise une époque de décadence. Le sept de calendes de mars (27 février) était la fête des Terminalia, destinée à célébrer les limites des champs, et marquée par des sacrifices à Jupiter Terminus[24]. Il partit que cette date conviendrait à une solennelle démonstration contre le christianisme, arrivé, dans la pensée des empereurs, à la limite extrême, au terme définitif de son existence[25].

Dès le point du jour, à la lumière encore douteuse du crépuscule, une troupe armée se mit en marche : le préfet du prétoire la commandait, accompagné de chefs supérieurs et de tribuns, comme pour une expédition militaire ; des agents du fisc suivaient, car il s’agissait aussi d’un acte de confiscation et de pillage régulier[26]. On arrive à la principale église. Les portes sont arrachées[27] : les soldats se répandent dans le saint lieu, cherchant, disent-ils, la statue du dieu des chrétiens[28]. Cette vaine recherche les conduisit à la tribune absidale, sur laquelle s’ouvraient les armoires ou chambres destinées à contenir d’un côté les vases sacrés, de l’autre les saintes Écritures, les livres liturgiques, les ouvrages composant la bibliothèque de l’église[29]. Ils jetèrent au feu tous les manuscrits, et se partagèrent les objets précieux[30]. La basilique était remplie de soldats et d’employés, pillant, s’agitant, courant çà et là[31]. Durant cette scène de désordre, les deux empereurs se tenaient à une fenêtre du palais, d’où ils apercevaient l’édifice chrétien, construit sur une hauteur. Longtemps ils délibérèrent sur son sort. Galère, toujours porté aux mesures extrêmes, voulait qu’on le brûlât[32]. Dioclétien résistait, craignant que de l’église l’incendie se communiquât aux maisons contiguës, et que tout un quartier de Nicomédie, plein de grands et beaux monuments[33], périt avec elle[34]. Enfin son avis prévalut : on se contenta d’envoyer une escouade de prétoriens chargés de la démolir. Ils s’avancèrent en ordre de bataille, la hache et les outils à la main, investirent l’église, et, avec l’adresse des soldats romains exercés à tous les travaux[35], commencèrent à renverser les murailles. En peu d’heures la haute cathédrale fut rasée[36].

Le lendemain, païens et chrétiens pouvaient lire sur les murs de Nicomédie l’édit de persécution. Il contenait quatre articles principaux. Les assemblées chrétiennes étaient absolument interdites[37]. Les églises devaient être abattues[38]. Les livres sacrés qu’elles contenaient ou que possédaient les clercs et les fidèles devaient être jetés au feu[39]. Les chrétiens de rang élevé perdaient tous leurs privilèges, et tombaient à la condition de personnes infâmes ; en conséquence ils pourront être mis à la torture, devenir l’objet de toutes les poursuites ; et n’auront le droit d’intenter aucune action devant un tribunal, même pour injure, adultère, ou vol[40]. Quant aux fidèles n’appartenant point à l’aristocratie ou au monde officiel, ils perdaient la liberté, s’ils persistaient à se dire chrétiens[41]. Ceux qui étaient déjà esclaves ne pourront jamais être affranchis[42].

Par quelques dispositions cet édit rappelle celui que Valérien promulgua en 255. Comme alors, les chrétiens illustres par la naissance ou les fonctions sont dégradés[43]. Mais sur divers points la législation de Valérien est aggravée. Les édifices ecclésiastiques ne seront pas seulement ‘séquestrés, mais détruits. Une clause spéciale ordonne la suppression des livres, dont Valérien n’avait pas parlé. Enfin, sous cet empereur, seuls les chrétiens de la maison de César devenaient esclaves du fisc[44] ; maintenant tous les gens du peuple[45] qui persisteront dans la croyance prohibée pourront être revendiqués par lui, et tous les esclaves chrétiens seront à jamais rivés à la servitude[46].

Sur d’autres points, au contraire, Dioclétien se montre moins rigoureux que Valérien : son édit ne fait pas mention du clergé, que cet empereur en 257 punissait de l’exil[47], en 258 de la mort[48] ; il n’inflige pas non plus ce dernier châtiment aux chrétiens de haut rang qui, après leur, dégradation, refuseraient d’abjurer[49], La peine de mort n’est encore prononcée nulle part : c’était, on s’en souvient, la concession que Dioclétien avait obtenue de Galère.

La lecture de l’édit impérial, dut exciter dans la population chrétienne des sentiments diverse : chez les faibles, la consternation et la stupeur ; chez les saints, une ferme résolution et même une pieuse allégresse ; chez les jeunes, les ardents, une indignation généreuse. Les historiens rapportent d’un de ceux-ci un acte incorrect, sans- doute, selon la rigueur de la règle, mais trop courageux pour qu’on lui puisse refuser l’admiration[50]. Un chrétien distingué par sa naissance et ses emplois[51] ne put lire avec calme la pièce hypocrite par laquelle il voyait une partie des fidèles atteinte dans ses privilèges, une autre partie menacée dans sa liberté. En public, sur le forum[52], il arracha la copie de l’édit et la mit en pièces[53], s’écriant : Voilà, donc, ô empereurs, vos victoires sur les Goths et les Sarmates ![54] L’acte était outrageant pour la majesté impériale ; peut-être le reproche politique contenu dans ces mots, allusion railleuse aux titres de Gothiques et de Sarmatiques pris par les empereurs, mais surtout blême contre des souverains assez mal inspirés pour employer contre leurs sujets les plus soumis une énergie mieux faite pour combattre les Barbares, toucha-t-il davantage Dioclétien. L’intrépide chrétien fut arrêté sur l’inculpation de lèse-majesté commise à la fois par les actions et par les paroles[55]. On le mit tout de suite à la torture[56], non pas tant par application de l’édit qu’en vertu du droit commun : dès qu’un crime de cette sorte était découvert, le coupable, sans égard au rang ou à la naissance, devait être torturé sur-le-champ, afin de rechercher quels étaient ses complices, de quelle faction il se faisait l’instrument[57] ; les ennemis du christianisme ne laissèrent pas échapper une aussi excellente occasion de mettre en suspicion tous les fidèles pour le fait d’un seul. Puis on condamna le coupable au feu, selon la loi, dit Lactance[58]. La loi punissait le crime de lèse-majesté de peines différentes, suivant la condition des personnes ; les humbles, humiliores, étaient livrés aux bêtes ou brillés vifs ; les gens distingués, honestiores, étaient décapités[59]. Déchu de son ancienne dignité en vertu d’une des dispositions de l’édit, le chrétien ; noble encore la veille, n’était plus maintenant qu’un humilior : comme tel il fut conduit au bûcher. Sa joie et sa tranquillité persistèrent jusqu’au dernier soupir[60].

Le procès terminé par cette exécution n’avait amené aucune charge contre les fidèles. L’acte illégal si cruellement expié par l’un d’eux émanait certainement de lui seul. Galère dut chercher ailleurs le moyen de compromettre la population chrétienne[61]. Tout à coup le feu éclata dans le palais que l’Auguste et le César habitaient ensemble à Nicomédie[62]. L’incendie s’alluma si soudainement, que plusieurs l’attribuèrent à la foudre : telle était encore, bien des années plus tard, l’opinion de Constantin[63]. Eusèbe parle d’un cas fortuit, sans marquer lequel[64]. Lactance n’hésite pas à dénoncer Galère[65] : soit que ses affidés aient mis directement le feu, soit qu’ils aient entretenu l’incendie accidentel que la foudre ou quelque autre hasard avait produit. Quand même la passion aurait ici égaré l’historien, il ne se trompe pas en nous montrant le haineux et perfide César profitant avec habileté d’un événement qui avait porté la terreur jusqu’au fond de l’âme de son timide collègue. Si Galère n’alluma pas le feu, il le fit si bien servir à ses Vues, qu’on serait excusable de l’avoir soupçonné. Le palais, s’écriait-il devant les murailles embrasées, le palais est rempli d’eunuques chrétiens ; ils ont voulu payer par le crime la confiance aveugle que leur montrait Dioclétien : un complot a été formé entre eux et leurs coreligionnaires du dehors ; grâce à cet accord scélérat, deux empereurs ont failli périr dans les flammes ! Les chrétiens ont enfin paru ce qu’ils sont en effet : des ennemis publics ![66] Dioclétien, malgré sa finesse de vieux politique, ne devina pas la ruse, peut-être le crime de Galère[67]. La fureur obscurcit son habituelle pénétration. Il fit mettre tous ses gens à la torture[68]. Lui-même siégeait au milieu des bourreaux et voyait d’un œil sec les membres des accusés se tordre sous l’action des flammes[69]. Tous les magistrats présents à là cour avaient été requis, et chacun, de son côté, administrait la question. C’était à qui découvrirait les coupables[70]. Galère était présent, entretenant la colère de son collègue, ne lui laissant pas le loisir de réfléchir ou de se calmer[71]. Mais il avait eu soin de dérober à l’enquête et à la torture ses propres serviteurs : c’est pour ce motif, dit malicieusement Lactance, qu’on ne put rien découvrir[72]. Les poursuites allaient-elles être abandonnées ? Le César n’était pas homme à subir un tel échec. II fallait à tout prix le conjurer. Quinze jours après le premier incendie, un second éclata[73]. Galère, qui depuis le milieu de l’hiver avait fait en secret ses préparatifs de départ, quitta le jour même Nicomédie, déclarant qu’il fuyait de peur d’être brûlé vif[74].

Malgré les plus promptes recherches, le coupable fut encore introuvable[75]. Lactance persiste à désigner Galère. Si la participation du César au premier incendie reste douteuse, il semble difficile de le disculper du second. Galère n’était pas homme à reculer devant un aussi lâche moyen de compromettre ses ennemis : on ne saurait prétendre que des considérations d’humanité ou de prudence l’eussent arrêté, lui qui, naguère, avait voulu brûler l’église de Nicomédie au risque de détruire un quartier de la ville. Sa fuite même, par laquelle il accusait avec ostentation les chrétiens, parait suspecte : emmenant ses officiers et ses serviteurs, il les mettait à l’abri d’une nouvelle enquête qui eût pu tourner contre lui si Dioclétien s’était avisé de faire, cette fois, interroger sans distinction tous les hôtes du palais. La précaution, cependant, était superflue : Dioclétien n’éprouvait plus d’hésitation. La peur avait eu raison de sa sagesse. Il était maintenant crédule à toutes les calomnies. Il jugeait sa vie menacée : et par qui l’eût-elle été, sinon par ces chrétiens[76] que Galère lui avait dénoncés comme des ennemis publics, et dans lesquels son imagination troublée voyait désormais les secrets alliés des Goths et des Sarmates ? Le vieux souverain se figurait être enveloppé dans les filets d’une vaste conjuration : le clergé de Nicomédie en était l’âme, et les serviteurs baptisés de tout état et de tout rang qui remplissaient la demeure impériale y prêtaient leurs bras ! Ses défiances montaient plus haut encore : il se demandait si sa femme Prisca, si sa fille Valeria, l’épouse délaissée que Galère n’avait pas songé à emmener dans sa fuite, ne faisaient pas partie, elles aussi, du complot. En un mot, tous les chrétiens de son entourage et de sa capitale, même les plus illustres, même les plus chers, lui paraissaient conjurés contre lui. Aussi résolut-il de changer la procédure suivie lors du premier incendie. Au lieu de faire porter l’enquête sur le fait lui-même, il la mit sur la religion. Ceux qui nieront le Christ démontreront par là leur innocence ; ceux qui le confesseront s’avoueront coupables de conspiration contre la personne sacrée des empereurs et seront punis comme incendiaires. On revenait aux jours de Néron : la dernière des persécutions débutait, comme avait fait la première.

Les souffrances des chrétiens furent à Nicomédie presque aussi cruelles qu’elles l’avaient été après l’incendie de Rome : non que Dioclétien se complût aux horribles mascarades inventées alors par l’histrion couronné du premier siècle ; mais il était trop romain pour hésiter à verser le sang, et, comme il arrive souvent aux gens qui ont eu peur, il était devenu d’autant plus impitoyable qu’il avait été plus effrayé.

Ou sacrifier, ou mourir : tous les suspects, c’est-à-dire tous les chrétiens de la cour et de la ville, durent choisir entre ces deux termes. Les défaillances paraissent avoir été peu nombreuses, du moins l’histoire n’en a retenu qu’une, celle des deux impératrices[77]. La nombreuse domesticité chrétienne montra un grand courage. Les plus puissants des eunuques, sur lesquels reposait tout le palais, qui avaient possédé la confiance du maître et été aimés de lui comme des fils, se laissèrent tuer plutôt que de trahir leur foi[78]. Eusèbe a décrit le supplice du chambellan Pierre. Après son refus de sacrifier, on l’éleva sur le chevalet, et on lui déchira tout le corps avec des fouets. Quand ses os parurent à nu, du sel et du vinaigre furent mis dans les plaies. Puis on l’étendit sur un gril, pour consumer à petit feu ce qui lui restait de chair[79]. Il mourut ainsi, inébranlable comme son nom[80]. Dorothée, chef des chambellans, Gorgone et beaucoup d’autres cubiculaires furent étranglés après de longues tortures[81]. L’empereur assistait en personne à l’exécution de ses serviteurs[82]. Il ne s’opposa point d’abord. à ce qu’une sépulture convenable leur fût donnée. Mais bientôt il changea d’avis : craignant, dit Eusèbe, que la dévotion populaire ne s’attachât à leurs tombes, et qu’on ne les honorât comme des dieux, il commanda de déterrer et de jeter à la, mer les restes des martyrs[83]. Lactance, avec son éloquence vengeresse, compare Dioclétien à la bête féroce qui fouille les tombeaux et s’acharne sur les cadavres. Qu’importe ? s’écrie le vigoureux polémiste. Est-ce qu’on s’imagine que ceux qui souffrent la mort pour le nom de Dieu se mettent fort en peine que l’on vienne à leurs sépulcres ? S’ils veulent mourir, c’est pour aller eux-mêmes à Dieu[84].

Pendant que Dioclétien immolait clans le palais ses anciens amis, la terreur pesait sur la ville. Des juges se tenaient dans les principaux temples, obligeant tous les suspects à sacrifier[85], condamnant à mort ceux qui refusaient. Ni le sexe ni l’âge n’exemptaient de cette épreuve[86]. Cependant, un certain ordre semble avoir été suivi. On commença par le clergé. L’évêque Anthime, ses prêtres, tous les ministres des autels, furent jugés sommairement et exécutés, les uns par le glaive, d’autres par des supplices divers[87]. Avec eux périrent toutes les personnes de leur maison, parents ou domestiques, les femmes mêmes et les enfants, massacrés en masse[88] : tantôt on les mettait dans des barques et on les jetait en pleine mer, une pierre au cou ; tantôt on les entourait de bois enflammé et on les brûlait par troupes[89]. Un saint enthousiasme saisissait quelquefois les condamnés : on vit des hommes et des femmes sauter d’eux-mêmes dans le feu[90].

Pendant ce temps les prisons ne cessaient de s’emplir[91]. Après les clercs et leurs familles, les laïques passèrent à leur tour en jugement[92]. Des supplices inouïs furent inventés[93]. On ne sait si ce tragique épisode se termina par la complète extermination de la population chrétienne de Nicomédie, ou par la lassitude de l’empereur et des bourreaux. J’incline à cette dernière opinion. Lactance rapporte, en effet, que des autels furent placés dans les prétoires, afin que les juges pussent s’assurer de la religion des plaideurs[94]. Cette mesure, si tyrannique qu’elle soit, montre qu’on revint après quelque temps à l’application régulière de l’édit, qui frappait les chrétiens de mort civile et non de mort sanglante : quand un plaideur, avant d’exposer son procès, refusait de brûler de l’encens, le juge le renvoyait de l’audience en vertu de la clause qui retirait aux chrétiens le droit d’ester en justice. Il restait donc encore de ceux-ci à Nicomédie, après les affreux massacres auxquels le second incendie du palais servit de prétexte.

 

II. — L’exécution de l’édit.

L’édit avait été rendu au nom des deux Augustes et des deux Césars : mais il était l’œuvre des seuls Dioclétien et Galère : leurs collègues n’avaient pas été consultés, et n’apprirent un acte aussi considérable que par un message qui leur fut envoyé de Nicomédie[95]. Sa publication fut donc assez tardive en Occident. Même dans les provinces orientales, elle n’eut pas lieu partout à la même époque : en Palestine, l’édit ne fut connu qu’aux approches de la Passion du Sauveur[96], vers la fin de mars ou le commencement d’avril[97] ; à Antioche, il fut exécuté, par la fermeture des églises, le jour même de la Passion[98], qui se trouvait, en 303, le 16 avril[99]. Près de deux mois s’étaient écoulés depuis la destruction de l’église de Nicomédie.

Si l’on se rappelle les détails donnés par Eusèbe sur le relâchement où étaient tombés, à la faveur de la paix, beaucoup des fidèles des Églises orientales, on comprendra que la connaissance de l’ordre impérial ait produit parmi eux de nombreuses défections. Autant les chrétiens de Nicomédie, animés par l’exemple de leur évêque, s’étaient montrés héroïques, autant ceux d’Antioche, privés de leur pasteur Cyrille[100], qui venait d’être déporté aux mines de Pannonie, marquèrent de faiblesse. Bien qu’un traitement moins cruel les menaçât, puisque la peine de mort, appliquée à Nicomédie à la suite de circonstances exceptionnelles, ne devait pas l’être ailleurs, on les vit déserter en foule les autels du vrai Dieu et offrir des sacrifices aux idoles[101].

Peut-être cette honteuse déroute eut-elle, sinon pour excuse, au moins pour cause la terreur inspirée par la présence de Galère, qui, après sa fuite retentissante, s’était rendu à Antioche. Cependant ce troupeau, sans chef finit par rencontrer un homme capable de le rassembler et de le conduire. Romain, diacre de Césarée, se trouvait à ce moment dans la capitale de la Syrie. Ému du triste spectacle qui s’offrait à ses regards, il résolut de ranimer la foi défaillante des chrétiens. Il y travailla avec succès par ses exhortations publiques, par des discours prononcés jusque sur les marches des temples, d’où il écartait les hésitants, où il allait chercher les apostats pour les ramener au devoir. Mais l’intervention généreuse de cet étranger parut aux autorités publiques un acte de rébellion[102]. Romain, arrêté, fut condamné au feu[103]. Le cruel Galère, pour qui la mort d’un chrétien était une fête, voulut assister à l’exécution. Déjà le martyr, attaché à un poteau, était environné de flammes, quand une pluie soudaine éteignit le bûcher. Où donc est le feu ? demanda Romain en riant[104]. La raillerie déplut à l’empereur, qui commanda de couper la langue de l’intrépide diacre. Un médecin renégat fut obligé de faire l’opération. Contrairement à toutes les prévisions, Romain n’en mourut pas ; conduit en prison, il parlait clairement. Le médecin, soupçonné de complaisance, se justifia en montrant la langue du martyr, qu’il avait conservée comme une relique : un condamné, sur qui l’on expérimenta le même supplice, mourut aussitôt. Romain, que Dieu venait de glorifier par un si éclatant miracle, fut gardé pendant de longs mois en prison[105] : nous le verrons plus tard y consommer son martyre.

Cet épisode méritait d’être recueilli, car les renseignements sont rares sur les effets du premier édit dans les États de Dioclétien. Ils se laissent surtout deviner, grâce à des témoignages indirects. On reconnaît que beaucoup d’églises furent abattues en Asie, au soin avec lequel, dès le lendemain de la paix, les évêques les rebâtirent de toutes parts[106]. Ce sont surtout les constructions neuves de l’âge postérieur qui racontent les ruines de 303. Si nous possédions les discours prononcés pour l’inauguration des nouveaux sanctuaires, nous apprendrions sans doute, au sujet de ceux qu’ils remplaçaient, ce que raconte le panégyrique par lequel on célébra la dédicace de la seconde cathédrale de Tyr : l’ancien édifice, déjà magnifique dans son état primitif, avait été entièrement ravagé après l’édit de Dioclétien ; on avait vu ses portes abattues à coups de hache, ses livres détruits, ses murailles incendiées ; sur ses décombres s’était établi un dépôt d’immondices[107].

Il faudrait, cependant, mal connaître l’administration romaine pour s’imaginer que la démolition des églises chrétiennes eut lieu partout en même temps, et fut aussi complète dans toutes les provinces. Les gouverneurs ne ressemblaient que de loin à nos préfets. Une latitude beaucoup plus grande leur était laissée dans l’exécution des lois. Ils les appliquaient plus ou moins complètement, selon les lieux, et en considérant soit leurs dispositions personnelles, soit celles de peuples qu’ils administraient. Servie par des moyens de communication moins rapides, la centralisation impériale n’avait pas les exigences de celle de nos jours : l’unité de l’action générale, non l’uniformité presque mécanique des mouvements particuliers, était demandée à ses agents. Aussi voyons-nous, pendant plusieurs mois, pour des causes diverses, des églises rester debout en certaines contrées, malgré l’édit qui commandait leur destruction. Peu nombreuses apparemment sont celles qui échappèrent tout à fait à la ruine, comme l’église bâtie au siècle précédent par saint Grégoire le Thaumaturge à Néocésarée du Pont[108] ; mais, en d’autres contrées, cette ruine parait avoir été retardée : il en fut ainsi même dans des provinces assez voisines de la résidence impériale.

En Galatie, par exemple, il y avait encore, un an après l’édit, à quinze lieues il est vrai de la capitale, une église de campagne non seulement debout, mais ouverte[109] ; à Ancyre même, vers la même date, les églises étaient fermées, mais non rasées, comme portait cependant l’ordonnance impériale[110]. Cela parait, à première vue, d’autant plus surprenant qu’au gouvernement de cette province fut appelé le renégat[111] Théotecne, qui s’était fait fort de ramener au culte des dieux tous les chrétiens qui l’habitaient[112]. Mais sa nomination ne suivit peut-être pas immédiatement l’édit. Qui sait s’il ne remplaça point un gouverneur soit chrétien, soit au moins favorable aux chrétiens ? La présence d’un administrateur animé de tels sentiments parait avoir été la cause du retard que subit, en Thrace[113], la persécution. Nous verrons que la principale église d’Héraclée ne fut fermée qu’au commencement de 304[114]. Une aussi longue patience serait inexplicable sans ce que l’on sait du gouverneur Bassus[115]. Une pièce contemporaine semble dire qu’il connaissait Dieu[116]. Au moins sa femme était-elle chrétienne[117]. Lui-même descendait peut-être de ce Iallius Bassus qui fut en 164 gouverneur de la Mésie Inférieure[118] et dont la fille était enterrée dans le cimetière de Calliste[119] : les sympathies pour le christianisme ne cessèrent probablement jamais dans cette famille et les Bassi du quatrième siècle seront célèbres par leur piété[120].

Si, en dehors des événements de Nicomédie, l’on a peu de détails sur les débuts de la persécution dans les États de Dioclétien, les renseignements sont moins nombreux encore sur ses commencements dans les provinces gouvernées par Galère. Comme le César demeura quelque temps en Asie avant de retourner dans son apanage, peut-être faut-il attribuer à son absence la langueur avec laquelle s’engagèrent les poursuites. Il parait cependant qu’à Thessalonique, capitale de la Macédoine, la recherche des Écritures saintes et de tous les livres composant la bibliothèque des églises fut faite rigoureusement. C’est alors qu’une chrétienne dévouée, Irène, avant de s’enfuir dans les montagnes, cacha dans sa maison, avec l’aide de ses sœurs, un grand nombre de manuscrits[121] ; nous retrouverons ces saintes femmes dans la suite de cette histoire. On rapporte aussi au commencement de la persécution (mais peut-être la date n’est-elle pas bien assurée) le martyre, à Thessalonique, du diacre Agathopode et du lecteur Théodule ; arrêtés parce qu’au lieu de s’enfuir comme les autres ils restaient dans l’église et prêchaient hardiment, les deux clercs furent conduits en prison, pressés de sacrifier, de manger des viandes immolées et de livrer les Écritures : sur leur refus, le juge les fit mettre dans une barque, une pierre au cou, et jeter dans la mer[122]. Bien qu’aux termes de l’édit la qualité de chrétien ne fit pas encore encourir la mort, la peine capitale était quelquefois prononcée contre des chrétiens plus hardis qui encourageaient les autres à la résistance, ou contre ceux qui, mis en demeure de livrer les ouvrages proscrits, refusaient de le faire. De ces derniers étaient naturellement Agathopode, chargé comme diacre du temporel de l’église, et Théodule, investi spécialement du soin des livres.

Si de l’Orient, où la persécution prit naissance, nous passons à l’Occident, où ses effets se firent bientôt sentir, nous verrons que ceux-ci ne furent pas les mêmes clans les États des deux souverains qui se partageaient cette moitié de l’Empire.

Les sujets chrétiens de Constance l’éprouvèrent assez pour s’apercevoir qu’elle avait été déclarée, à peine assez pour en souffrir. Le César ne pouvait sans doute refuser toute obéissance aux commandements de ses supérieurs, les Augustes, ou toute attention à un édit en tête duquel son nom se lisait avec ceux de ses trois collègues. Mais il en adoucit l’exécution au point de la rendre presque insensible.

Eût-il partagé la haine des autres empereurs pour le christianisme, la politique aurait suffi à le détourner d’y donner cours. Moins puissante et moins répandue en Bretagne et même en Gaule qu’en Orient, l’Église ne prêtait dans ces contrées aucun prétexte aux craintes imaginaires que les souverains avaient manifestées ailleurs. Jamais un acte quelconque d’opposition, un refus de service militaire, par exemple, ne s’était produit parmi les paisibles chrétientés bretonnes ou gallo-romaines. Les souvenirs mêmes de la tyrannie de Maximien Hercule n’y avaient point laissé de ressentiment dans les âmes, facilement réconciliées avec l’Empire par la bienfaisante administration de Constance. La prudence conseillait à celui-ci de ne pas éveiller les passions par une persécution nouvelle, qui, pour être d’abord moins meurtrière que le court orage de 287, serait pourtant plus insupportable, parce qu’au lieu de frapper quelques chrétientés seulement elle les atteindrait toutes. Le César se sentait aimé et vénéré de tous ses sujets, sans distinction de culte : cette popularité, contrastant avec les haines qu’avaient attirées sur Dioclétien et sur Hercule les exactions fiscales du premier, les cruautés et les débauches du second, lui était chère, et il ne voulut pas la perdre. Par inclination autant que par politique, il résolut de préserver ses provinces des maux qui désolaient déjà, l’Orient et allaient fondre sur une partie de l’Occident[123].

Ne voulant pas, cependant, rompre ouvertement avec ses collègues, Constance leur donna un témoignage matériel de soumission par la destruction de quelques églises. Mais, au prix de quelques murailles, qu’il sera facile de relever, il se dispensa d’attenter au vrai temple de Dieu, qui est dans le cœur des hommes[124] ; il ne demanda pas aux membres du clergé de livrer les Écritures sacrées[125] ; en un mot, il laissa voir clairement sa résolution de respecter autour de lui la liberté des consciences. Si, alors ou plus tard, des excès furent commis dans ses États contre les chrétiens, cela eut lieu à son insu, par -la tyrannie locale d’un petit nombre de gouverneurs[126] ; mais la direction générale donnée par Constance à sa politique religieuse fut toute dans le sens de la tolérance. Alors que les palais de ses collègues ne contenaient plus un seul officier ou serviteur chrétien, le sien, qui en était rempli, continua de ressembler h une église, dit Eusèbe[127], répétant une expression naguère employée par saint Denys d’Alexandrie à propos d’un autre empereur favorable au christianisme[128]. Si l’on en croit l’historien, Constance donna même une noble et spirituelle leçon aux courtisans qui croient faire preuve de fidélité aux princes en réglant leur conscience sur les ordres de ceux-ci. Il feignit d’imiter Dioclétien, et d’exiger comme lui de tous ceux qui l’entouraient une adhésion au paganisme. Employés du palais, magistrats, gouverneurs, les chrétiens qui obéiront, dit-il, continueront de jouir de leurs honneurs et privilèges, mais ceux qui refuseront perdront leurs charges. Les uns se montrèrent disposés à l’obéissance ; d’autres refusèrent de renier le Christ. Quand le prince eut ainsi pénétré le caractère de chacun, il blâma les premiers de leur faiblesse et se plaignit de ne pouvoir compter pour lui-même sur la fidélité d’hommes capables de renier leur Dieu. Ceux-ci furent, en conséquence, exclus de la cour, tandis que les chrétiens courageux qui s’étaient, par devoir, exposés à déplaire restèrent en possession de la faveur du loyal César[129].

Maximien Hercule différait trop de Constance pour ne pas accueillir avec joie la persécution[130]. Aussi, tandis qu’en Bretagne et en Gaule la paix religieuse était à peine troublée, l’édit fut rigoureusement appliqué dans les États du second Auguste, c’est-à-dire en Italie, en Afrique et en Espagne.

Pour ce dernier pays, nous avons le témoignage du poète Prudence, qui montre les soldats pillant les livres sacrés, et attribue à la destruction de documents qui eut lieu alors l’oubli où tomba la mémoire des anciens martyrs[131].

La guerre aux manuscrits ne fut certes pas moindre à Rome. Mais nous manquons de détails sur ce qui s’y passa. Les seuls qui nous soient parvenus découlent d’une source suspecte. Il y aurait eu dans cette capitale du monde chrétien de nombreux traditeurs, si l’on en croit des Actes allégués un siècle plus tard par les donatistes[132]. Cependant, deux seulement’ y sont désignés par leurs noms, Straton et Cassien[133]. Les donatistes accusent, il est vrai, le pape Marcellin, ses prêtres Miltiade, Marcel, Silvestre, d’avoir livré les Écritures ; mais aucune pièce n’est apportée à l’appui de cette assertion[134]. Saint Augustin la repousse comme dénuée de preuves[135]. Nous verrons tout à l’heure les habiles et laborieux efforts de Marcellin pour dérober aux profanateurs les sépultures les plus vénérées des catacombes. Apparemment, si la police romaine avait dît recourir à la trahison ou d, la faiblesse pour se faire livrer les manuscrits, ce n’aurait été que dans quelques-unes dés églises paroissiales ou tituli, situées pour la plupart dans les quartiers excentriques de la ville : les plus anciennes, n’étant point distinguées par leur architecture comme les somptueuses basiliques de l’Orient, pouvaient être jusque-là demeurées inconnues de l’autorité civile. Mais celle-ci avait entretenu des rapports officiels avec le chef de la communauté chrétienne : elle connaissait certainement l’existence des archives et de la bibliothèque pontificales, situées clans un des lieux les plus fréquentés de la ville, près du théâtre de Pompée et des écuries de la faction Verte des jeux du cirque[136]. Sans doute elle n’eut besoin d’aucun délateur pour s’emparer d’un dépôt déjà considérable à cette époque[137], et que sa richesse même n’avait pas dû permettre de déménager furtivement. Le petit nombre des Actes, des documents, des écrits antérieurs au quatrième siècle qui nous soient restés d’un siège mêlé comme celui de Rome aux affaires de la chrétienté universelle, prouve que cette saisie eut lieu, et montre que nulle part peut-être la destruction ne fut plus complète et plus systématique[138].

Mais à Rome, pas plus qu’ailleurs, on ne se contenta de détruire des livres ou de disperser des archives. L’autorité publique démolit les sanctuaires chrétiens, et confisqua les vastes propriétés que l’Église possédait en vertu des donations des fidèles, et qu’elle faisait servir pour la plupart à la sépulture de ses membres. Si nous avions soit les Actes auxquels se référèrent plusieurs fois les donatistes dans les controverses postérieures, soit les lettres officielles données après la persécution pour permettre de recouvrer les loca ecclesiastica, nous pourrions nous rendre compte de la nature et de l’étendue des biens ravis aux chrétiens. Malheureusement ces documents ne sont connus que par quelques allusions[139], et n’ont été nulle part reproduits intégralement ou même cités avec détail. Bien rares sont les renseignements, que l’on peut glaner ailleurs : comme ces passages du Livre Pontifical où il est question de la confiscation du cimetière de Cyriaque, sur la voie Tiburtine[140], et de celle d’un domaine de la Sabine appartenant au nom des chrétiens et devenu ensuite propriété d’Auguste[141]. Si l’on veut comprendre et, pour ainsi dire, toucher du doigt la crise violente alors subie par le patrimoine ecclésiastique, il faut descendre aux catacombes.

Quand fut connu l’édit, les chrétiens voulurent soustraire aux profanations les tombes (fort rares à Rome) qui se trouvaient à la surface du sol, au-dessus des cimetières souterrains. Telle fut probablement la pensée d’Aelius Saturninus, époux de la clarissime Cassin Feretria, car une épitaphe de celle-ci a été trouvée à fleur de terre, dans l’aire extérieure du cimetière de Calliste, et une seconde épitaphe toute semblable ferma un humble loculus, dans une des galeries souterraines antérieures à la paix de l’Église : sans doute les restes de la noble femme y furent transportés hâtivement, à la première nouvelle de la persécution[142]. Cependant un tel abri n’offrait encore qu’une sécurité relative. S’il pouvait protéger dans une certaine mesure les tombes des simples fidèles, il ne devait point garantir, les sépulcres déjà célèbres des martyrs et des saints contre les insultes des persécuteurs, jaloux d’en abolir la mémoire. On avait probablement appris déjà à Rome les outrages subis par les restes des martyrs de Nicomédie, que Dioclétien, après les avoir laissé d’abord ensevelir honorablement, fit ensuite déterrer et jeter à la mer. Aussi l’autorité ecclésiastique, en vue du moment prochain où la confiscation ordonnée par l’édit allait être appliquée aux cimetières, s’empressa-t-elle d’y mettre, partout où elle le put, les tombes saintes hors de la portée des païens : elle y réussit parfois si bien que, la persécution finie, les chrétiens eux-mêmes auront souvent beaucoup de mal à les retrouver[143].

Un des moyens les plus coûteux, mais aussi les plus sûrs, consistait à combler de terre les cryptes où reposaient des martyrs illustres : il parait avoir été employé dans celle des saints Protus et Hyacinthe, sur l’ancienne voie Salaria[144]. Dans le cimetière de Calliste, le pape Marcellin et son diacre Severus usèrent du même procédé pour rendre inaccessible aux persécuteurs l’aire de la catacombe où avaient été inhumés les pontifes du troisième siècle et de nombreux martyrs ; environ seize cent trente-sept mètres cubes de terre furent transportés de loin et à grands frais : le caveau papal, la chambre funéraire de sainte Cécile, les chambres ornées de fresques célèbres qui font allusion aux sacrements, les principales galeries de cette région, furent ainsi enterrés, et demeurèrent en cet état, en partie jusqu’aux travaux de déblaiement exécutés par le pape Damase, dans la seconde moitié du quatrième siècle, en partie même jusqu’à nos jours[145].

Peut-être est-ce après s’être vus déjoués de cette manière, que les païens voulurent se venger en abattant des édifices construits dès le troisième siècle au-dessus des principaux cimetières[146] : l’exèdre à trois absides, servant aux réunions chrétiennes, qui s’élève sur celui de Calliste[147], paraît avoir été démoli au début de la persécution, pour n’être rebâti qu’après la paix de l’Église[148].

 

III. — Les traditeurs.

La persécution eut toujours une violence particulière dans l’Afrique romaine, comme si, chez les assaillants et les défenseurs du christianisme, les âmes y fussent montées à un ton plus élevé qu’ailleurs. Aussi les cimetières, qui là n’étaient pas souterrains, et ne pouvaient être protégés de la même manière que ceux de Rome, durent-ils voir de lugubres scènes. Quand on tonnait le caractère des habitants de cette ardente province, et qu’on se rappelle les émeutes dirigées à Carthage contre les tombes chrétiennes dès le temps de Septime Sévère, on se figure l’acharnement que montrèrent les exécuteurs de la loi de confiscation contre ses enclos à ciel ouvert, remplis de tombeaux et d’édifices[149], l’aire des martyrs[150], à Cirta, l’aire des sépultures[151], avec sa chapelle pour les réunions, à Césarée[152], l’aire des chrétiens, à Carthage[153]. D’horribles profanations furent probablement commises dans ces lieux sacrés, qu’à d’autres époques la loi avait protégés d’une barrière souvent impuissante contre les impatiences de la foule païenne.

Malheureusement les documents qui nous sont parvenus racontent seulement la guerre impitoyable faite aux églises et aux livres. La passion portée dans cette guerre par les païens, la résistance courageuse d’un grand nombre de pasteurs, de clercs et de laïques, les longs et cruels reproches dont fut poursuivie la mémoire de ceux qui avaient eu la faiblesse de livrer aux persécuteurs les meubles liturgiques et les Bibles, les outrages prodigués par plusieurs aux hommes modérés qui cherchaient à sauver le saint dépôt tout en se sauvant eux-mêmes, l’importance enfin que la question des traditeurs, germe du schisme donatiste, garda longtemps en Afrique, nous obligent à donner une attention particulière aux incidents qui marquèrent la première phase de la persécution dans cette partie des États de Maximien Hercule.

Sur la lueur des incendies où se consument les murailles des sanctuaires chrétiens et les manuscrits des Écritures, se détachent d’abord, avec une singulière netteté, les figures des dépositaires infidèles qui abandonnèrent aux représentants de l’autorité païenne les trésors artistiques ou littéraires de leurs Églises. Elles prennent à nos yeux d’autant plus de relief, qu’avec la fougue naturelle à l’esprit africain quelques-uns de ces prévaricateurs s’adressèrent ensuite de mutuels reproches et mirent la postérité dans la confidence de leurs plus pénibles secrets. Nous connaissons ainsi les fautes de Purpurins, évêque de Limata, homme indigne, déjà soupçonné d’homicide, puis convaincu d’être traditeur[154] ; la faiblesse de Donat, évêque de Maxula, dans la province proconsulaire[155] ; celle de Victor, évêque de Rusicade, en Numidie, qui avait brûlé lui-même, par ordre du curateur de la cité, un manuscrit des quatre Évangiles, et prétendait s’excuser en disant que les lettres étaient presque effacées[156] ; celle (si l’on en croit un écrit donatiste) de Fundanus, évêque d’Abitène : mais au moment où les magistrats jetaient ses livres dans le feu, une tempête soudaine s’éleva, la pluie tomba, accompagnée d’éclairs, et le bûcher s’éteignit[157].

De tous les traditeurs, ceux dont l’histoire est la mieux connue et, à plusieurs égards, la plus intéressante sont l’évêque et le clergé de Cirta. Leur chute est attestée par un procès-verbal officiel, précieux document qui suppléera à la perte de beaucoup d’autres, et permettra de se faire une idée de la manière dont procédaient les agents municipaux, chargés par les gouverneurs, sous peine de mort[158], de faire les perquisitions ordonnées par l’édit. C’est une scène de persécution, prise sur le vif ; c’est en même temps un regard jeté sur l’intérieur des églises chrétiennes, leur mobilier liturgique, leurs magasins remplis de vêtements pour les pauvres et de provisions pour les agapes.

Malgré la longueur de la pièce, je dois la traduire en entier.

Dioclétien étant consul pour la huitième fois, et Maximien pour la septième, le quatorze des calendes de juin (19 mai 303), procès-verbal dressé par Munatius Félix, flamine perpétuel, curateur de la colonie de Cirta[159]. Quand on fut arrivé à la maison où s’assemblaient les chrétiens, Félix, flamine perpétuel, curateur, dit[160] à Paul, évêque : Apportez les Écritures de votre loi, et tous les autres écrits que vous avez ici, afin d’obéir aux ordres des empereurs. Paul, évêque, dit : Ce sont les lecteurs qui ont les Écritures : ce que nous avons ici, nous vous le donnons. Félix, flamine perpétuel, curateur, dit : Montrez les lecteurs, ou les envoyez chercher. Paul, évêque, dit : Vous les connaissez tous. Félix, flamine perpétuel, curateur, dit : Réservant les lecteurs, que nos officiers produiront, donnez ce que vous avez. Paul, évêque, étant assis, entouré de Montan, Victor, Deusatelio, Memorius, prêtres ; Mars, Helius et Mars, diacres ; Marcuclius, Catulinus, Silvain et Carosus, sous-diacres ; Januarius, Meraclus, Fructuosus, Miggin, Saturninus, Victor, fils de Samsuricus, et autres, fossoyeurs[161], Victor, fils d’Aufidius, rédigea l’inventaire suivant[162] :

Deux calices d’or, sis calices d’argent, six burettes d’argent[163], un petit chaudron d’argent[164], sept lampes d’argent, deux grands chandeliers[165], sept petits chandeliers d’airain avec leurs lampes[166], onze lampes d’airain avec leurs chaînes[167], quatre-vingt-deux tuniques de femmes, trente-huit voiles (mafortea), seize tuniques d’hommes, treize paires de chaussures d’hommes, quarante-sept paires de chaussures de femmes, dix-neuf capes de paysan[168].

Félix, flamine perpétuel, curateur, dit à Marcuclius, Silvain et Carosus, fossoyeurs : Apportez ce que vous avez[169]. Silvain et Carosus répondirent : Tout ce que nous avions ici, nous l’avons jeté dehors. Félix, flamine perpétuel, curateur, dit : Votre réponse sera inscrite au procès-verbal.

On se rendit ensuite à la bibliothèque ; mais on en trouva les armoires vides. Là, Silvain présenta un chapiteau d’argent et une lampe d’argent, qu’il dit avoir trouvés derrière un grand vase. Victor, fils d’Aufidius, dit, à Silvain : Tu aurais été mis à mort, si tu ne les avais pas trouvés. Félix, flamine perpétuel, curateur, dit à Silvain : Cherche soigneusement s’il ne reste rien. » Silvain dit : Il ne reste rien, nous avons tout mis dehors. Quand le triclinium[170] eut été ouvert, on y trouva quatre tonneaux et sept vaisseaux en terre[171]. Félix, flamine perpétuel, curateur, dit : Apportez les Écritures que vous possédez, afin d’obéir aux ordres des empereurs. Catulinus remit un très gros volume. Félix, flamine perpétuel, curateur, dit à Marcuclius et à Silvain : Pourquoi n’avez-vous donné qu’un volume ? Apportez les Écritures que vous possédez. Catulinus et Marcuclius dirent : Nous n’en avons pas plus, parce que nous sommes sous-diacres ; mais les lecteurs ont les volumes. Félix, flamine perpétuel, curateur, dit à Marcuclius et Catulinus : Montrez-nous les lecteurs. Marcuclius et Catulinus dirent : Nous ne savons où ils demeurent. Félix, flamine perpétuel, curateur, dit à Catulinus et Marcuclius : Si vous ne savez pas où ils demeurent, donnez au moins leurs noms. Catulinus et Marcuclius dirent : Nous ne sommes pas des traîtres ; nous voilà : fais-nous tuer plutôt. Félix, flamine perpétuel, curateur, dit : Qu’on les arrête.

Quand on fut arrivé à la maison d’Eugène[172], Félix, flamine perpétuel, curateur, dit à celui-ci : Donne les Écritures que tu possèdes, afin de montrer ton obéissance. Il apporta quatre volumes. Félix, flamine perpétuel, curateur, dit à Silvain et à Carosus : Faites connaître les autres lecteurs. Silvain et Carosus dirent : L’évêque vous a déjà déclaré que les greffiers Edusius et Junius les connaissent tous ; que ceux-ci vous indiquent leurs maisons. Les greffiers Edusius et Junius dirent : Nous vous les indiquerons, seigneur. Et quand on fut à la maison de Félix le marbrier[173], celui-ci remit cinq volumes. Quand on fut arrivé à celle de Victorin, il remit huit volumes. Quand on fut arrivé à celle de Projectus, il remit cinq gros volumes et deux petits. Et quand on fut arrivé à la maison du grammairien Victor[174], Félix, flamine perpétuel, curateur, lui dit : Donne les Écritures que tu as, afin de te montrer obéissant. Le grammairien Victor offrit deux volumes et quatre cahiers. Félix, flamine perpétuel, curateur, dit à Victor : Apporte les Écritures, tu en as davantage. Le grammairien Victor dit : Si j’en avais eu d’autres, je les aurais données. Quand on fut arrivé à la maison d’Euticius de Césarée, Félix, flamine perpétuel, curateur, lui dit : Obéis, et livre les Écritures que tu possèdes. Euticius dit : Je n’en ai pas. Félix, flamine perpétuel, curateur, dit : Ta réponse sera au procès-verbal. Quand on fut arrivé à la maison de Codéon, sa femme apporta six volumes. Félix, flamine perpétuel, curateur, dit : Cherchez si vous en avez d’autres encore, et apportez-les. La femme répondit : Je n’en ai pas. Félix, flamine perpétuel, curateur, dit à Bos, esclave public : Entre, et cherche si elle en a davantage. L’esclave public dit : J’ai cherché, et n’en ai pas trouvé. Félix, flamine perpétuel, curateur, dit à Victorin, Silvain et Carosus : Si vous n’avez pas fait tout ce que vous deviez, vous en serez responsables[175].

L’évêque et les clercs de Cirta manquèrent de courage. On ne saurait cependant lire sans quelque attendrissement cette brève et sèche relation. Elle montre que, faibles sur un point, ces pauvres chrétiens s’efforçaient au moins de se retenir sur la pente qui les eût entraînés à une trahison plus complète. Le concile tenu en 314 dans la ville d’Arles distinguera trois sortes de traditeurs : ceux qui ont livré les vases sacrés, ceux qui ont livré les Écritures, ceux qui ont livré les noms des frères[176]. A Cirta, deux de ces degrés ont été successivement descendus, mais les traditeurs ont trouvé encore en eux-mêmes assez de force pour refuser d’aller plus loin. Ils avaient d’abord abandonné le mobilier de l’Église, se flattant de sauver au moins sa bibliothèque. Par de nouvelles recherches, le curateur a pu cependant arracher vingt-neuf volumes des mains des lecteurs. Mais les noms de ceux-ci furent découverts par sa police, ils ne furent pas livrés par leurs frères. Fais-nous tuer plutôt, nous ne sommes pas des traîtres, répondirent Catulinus et Marcuclius. On se console en rencontrant ces restes de courage, d’honneur et de foi au milieu même de fâcheuses défaillances.

Cirta n’est pas la seule ville où l’autorité ecclésiastique ait essayé, avec plus ou moins de succès, de faire la part du feu. Marin, évêque d’Aquæ Thibilitanæ, abandonna aux enquêteurs les archives de son Église, mais sauva les livres sacrés[177]. Malgré ce résultat heureux, Marin était coupable, et reçut à bon droit la flétrissante appellation de traditeur. Ce nom ne saurait être attribué à Donat, évêque de Calame, qui fit accepter â la naïveté ou à la complaisance des païens des ouvrages de médecine[178]. L’évêque de Carthage, Mensurius, s’avisa d’un plus piquant artifice. Il retira de la basilique tous les livres de religion, qu’il remplaça par des ouvrages hérétiques : les bibliothèques des grandes Églises conservaient quelquefois, â titre de renseignements utiles, ces monuments des erreurs de l’esprit humain[179]. Les agents les prirent, sans demander autre chose. Cependant quelques décurions, s’apercevant de la méprise, allèrent trouver le proconsul et dénoncèrent l’évêque. Heureusement, le proconsul ne manquait ni d’esprit ni de tolérance. Il refusa de faire des perquisitions clans la maison de Mensurius, où on lui disait que les saints livres étaient cachés[180]. Ainsi fut sauvée la bibliothèque de l’Église de Carthage : qui sait si nous ne devons pas à l’habileté de son évêque d’avoir conservé tant d’Actes authentiques des martyrs africains ?

Mensurius représentait le parti prudent et modéré, qui, fidèle aux enseignements et aux exemples de saint Cyprien, ne s’expose pas inutilement, ne court pas au-devant du martyre, en fuit même les occasions, prêt à l’affronter avec courage quand il ne pourra plus être évité. Beaucoup de prêtres et de laïques imitèrent cette sagesse. Hais, dociles à cet esprit montaniste que nous retrouvons toujours en Afrique, identique à lui-même malgré les noms divers sous lesquels il se cache, d’autres, plus emportés ou plus présomptueux, tinrent à honneur de provoquer les bourreaux. On vit des fidèles devancer les recherches, déclarer qu’ils gardaient des exemplaires de l’Écriture sainte, et, mis en demeure de les livrer, encourir un martyre volontaire. Mensurius parle d’eux avec blâme dans une lettre à Secundus, évêque de Tigisis. Aussi refusa-t-il de reconnaître de tels martyrs[181], se conformant sinon à la lettre, du moins à l’esprit du concile d’Illiberis, qui défendait d’honorer les chrétiens qui avaient attiré les rigueurs de leurs ennemis en brisant les idoles (Canon 60). D’autres furent plus compromettants encore. Mensurius cite des gens couverts de crimes ou perdus de dettes, qui virent avec joie arriver la persécution, et se dénoncèrent eux-mêmes, soit avec le périlleux espoir de se réhabiliter devant les hommes ou devant leur propre conscience, soit avec le désir intéressé de jouir, dans la prison, des aumônes et des dons de toute sorte que la charité des fidèles y faisait affluer[182].

La conduite de Mensurius et son jugement sévère sur celle de quelques exagérés trouvèrent des censeurs, dont les ressentiments donneront naissance, quelques années plus tard, au schisme donatiste. Pendant que les uns faisaient courir sur sa conduite et sur celle de son diacre Cécilien d’odieuses calomnies[183], d’autres, plus mesurés dans leur blâme sans être peut-être plus sincères, lui objectaient ‘de fières paroles adressées ailleurs aux agents des gouverneurs ou des municipalités. C’est ainsi que Secundus, évêque de Tigisis en Numidie, qui jouera un rôle considérable à l’origine du schisme, sommé par un centurion et un soldat bénéficiaire de livrer les manuscrits de son Église, avait répondu : Je suis chrétien et évêque, je ne suis pas traditeur. Les militaires se seraient volontiers contentés d’un semblant d’obéissance : ils le pressèrent de leur abandonner quelques objets sans valeur. L’évêque refusa, résolu, dit-il, à imiter le martyr juif Éléazar, qui n’avait pas voulu feindre de manger des viandes défendues, de peur d’autoriser par son exemple la violation de la loi[184]. C’est Secundus qui raconte lui-même ces faits dans une lettre à 1liensurius, avec le désir visible d’opposer son attitude à celle de son prudent collègue ; mais nous devons ajouter que, quelques années plus tard, au synode de Cirta, après avoir convaincu de faiblesse plusieurs évêques de sa province, ce prélat si enclin à faire connaître son courage ne put répondre à la question qu’ils lui posaient : Comment, n’ayant point pris la fuite, et étant demeuré longtemps entre les mains des hommes de la police, as-tu été ensuite renvoyé indemne, si tu n’as rien livré ?[185] Il est permis de croire que Secundus se vantait, et de donner la préférence, entre toutes les vertus des temps de persécution, à la prudence qui évite les chutes et à l’humilité qui voile les mérites.

Mensurius, heureusement, n’est pas le seul prélat africain qui ait montré l’exemple de ces vertus. Plus d’un, parmi les chefs des Églises, trouva, lé salut dans la fuite ; car la tempête, dit saint Optat, épargna ceux qui se tenaient cachés[186]. De ce nombre était Félix, évêque d’Aptonge, plus tard accusé faussement de tradition par les donatistes, et réhabilité dans un jugement solennel. Son peuple avait été pris, à la nouvelle de la persécution, d’une de ces terreurs paniques, non moins fréquentes et aussi contagieuses que les accès d’héroïsme, dans une province où se rencontraient sans cesse les extrêmes. Voici en quels termes le païen Affius Cæcilianus, duumvir d’Aptonge, retraçait, onze ans plus tard, les faits qui se passèrent sous ses yeux. Ce furent les chrétiens eux-mêmes qui m’envoyèrent trouver dans le prétoire, me demandant : Le précepte sacré des empereurs vous est-il parvenu ? Je répondis : Non, mais je l’ai déjà vu exécuter à Zama et à Furnes[187], où l’on a démoli les basiliques et brûlé les Écritures. Apportez donc celles que vous avez, afin d’obéir au sacré précepte. Ils envoient alors à la maison de l’évêque Félix, pour en retirer les Écritures et les livrer au feu conformément à la loi Galatius m’accompagna au lieu où ils avaient auparavant coutume de se rassembler. Là, nous primes la chaire (épiscopale) et des épîtres salutatoires[188] ; toutes les portes furent brûlées, selon l’ordre impérial. Mais les agents que j’avais envoyés à la maison de l’évêque me répondirent qu’il était absent[189]. Peut-être Félix, connaissant la faiblesse de ses ouailles, s’était-il enfui afin de leur épargner la tentation de le livrer lui-même. Mais, avant de partir, il avait eu soin de déposer entre les mains de chrétiens qu’il croyait plus fermes que les autres (et qui trahirent sa confiance) les manuscrits précieux de son Église[190].

Cependant, si belle que soit la prudence et si louable que soit la retraite, d’autres exemples sont quelquefois nécessaires pour ranimer les courages et réveiller la foi. La raison n’est persuasive que si de temps en temps l’enthousiasme vient animer son langage. Après les conseils de la sagesse, les peuples aiment à goûter la poésie du sacrifice. Celle-ci ne manqua point à la crise que nous étudions. Il y eut des héros, d’autant plus vrais et plus touchants qu’ils attendirent le péril au lieu de l’aller chercher, et n’écoutèrent que la voix du devoir, sans y mêler d’ostentation ou d’amour-propre.

De ce nombre fut un autre Félix, évêque de Tibiuca, clans l’Afrique proconsulaire[191]. L’édit ne fut affiché dans cette ville que le 5 juin. Le jour même, Magnilianus, curateur de la cité, fit comparaître les anciens du peuple chrétien, c’est-à-dire les membres du clergé. En l’absence de l’évêque, qu’une affaire avait appelé à Carthage, le prêtre Aper, les lecteurs Gyrus et Vital, furent amenés devant le magistrat. Avez-vous les livres divins ?[192] leur demanda celui-ci. Nous les avons, répondit Aper. Donnez-les, pour qu’ils soient brûlés, commanda le curateur. Ils sont chez notre évêque, dit Aper. Où est-il ?Je l’ignore. — Vous serez détenus, jusqu’au jour où vous comparaîtrez devant le proconsul Anulinus. Le lendemain, l’évêque revint de Carthage. Magnilianus se le fit amener. Évêque Félix, dit-il, donne les livres et les papiers que tu possèdes. — Je les ai, mais je ne les donne pas. — L’ordre des empereurs doit prévaloir sur tes paroles. Donne les livres, afin qu’on les brûle. — Mieux vaut me brûler moi-même que les divines Écritures : il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. — La volonté des empereurs doit être préférée à la tienne. — La volonté de Dieu doit être préférée à celle des hommes. — Réfléchis, dit le magistrat.

Le troisième jour, il fit comparaître de nouveau Félix. As-tu réfléchi ?Ce que j’ai répondu, je le répète, et suis prêt à le redire devant le proconsul. — Tu iras donc au proconsul et tu lui rendras raison. Le décurion Celsinus fut chargé de le conduire. Mais le voyage ne se fit pas tout de suite, car Félix ne partit, chargé de chaînes, que le 24 juin : arrivé le même jour dans la capitale de la province, il fut mis en prison. Le lendemain, dès l’aube, on le mena devant le proconsul. Pourquoi ne livres-tu pas tes vaines Écritures ? lui dit Anulinus. Je les ai, mais je ne les donnerai pas, répondit Félix. Le proconsul commanda de l’enfermer dans le cachot souterrain (In ima parte carceris), réservé aux grands criminels. Après seize jours on l’en tira, tout enchaîné, pour le conduire de nouveau devant le proconsul : c’était la quatrième heure de la nuit, environ dix heures du soir. Pourquoi ne donnes-tu pas tes vaines Écritures ? demanda encore Anulinus. Je ne les donnerai pas, répondit toujours l’évêque. Anulinus, qui répugnait à verser le sang pour une telle cause, comme on l’a vu par la facilité avec laquelle il accepta le subterfuge de Mensurius, semble avoir voulu, cette fois encore, se soustraire à la nécessité de prononcer une condamnation capitale. Comme le gouverneur de la province proconsulaire, par privilège, ne relevait pas du vicaire chargé de l’administration supérieure du diocèse d’Afrique, mais dépendait directement de l’empereur[193], il rendit, le 25 juillet, une sentence par laquelle était ordonné le renvoi de Félix au tribunal de Maximien.

L’évêque, neuf jours après, fut embarqué. On le mit avec les animaux, au fond du navire, sans air, sans lumière et sans nourriture. Les matelots firent escale à Agrigente, oit les frères vinrent visiter le martyr ; puis à Catane, où il fut encore l’objet de la vénération des fidèles ; enfin à Messine. Repoussé peut-être par les vents contraires, le navire ne franchit pas le détroit, et redescendit le long de la côte orientale de la Sicile, jusqu’à Tauromenium. Dans cette dernière ville, l’évêque reçut encore les hommages des chrétiens. De là, suivant les rivages de la Grande Grèce, les navigateurs arrivèrent d’ l’entrée du golfe de Tarente : Félix fut débarqué à Rulo ; petit port de Lucanie aujourd’hui inconnu, et conduit en Apulie, au pied de l’Apennin, dans la ville de Venouse. Le plus haut représentant de l’empereur, le préfet du prétoire d’Italie, s’y trouvait. Il fit délivrer le martyr de ses chaînes, puis lui dit : Félix, pourquoi ne donnes-tu pas les Écritures du Seigneur[194] ? est-ce parce que tu ne les possèdes pas ?Je les possède, répondit l’évêque, mais je ne les donne pas. La sentence ne se fit pas attendre : Tuez Félix avec le glaive, dit le préfet. Grâces vous soient rendues, ô Seigneur, qui avez daigné me délivrer ! s’écria le martyr. On le mena au lieu de l’exécution. C’était le 30 août : la lune était rouge comme du sang, rapporte le narrateur. Félix leva les yeux au ciel, et dit à haute voix : Mon Dieu, je vous rends grâces. Voilà cinquante ans que je suis en ce monde. J’ai conservé la virginité, j’ai gardé vos Évangiles, j’ai prêché la foi et la vérité. J’incline devant vous la tête pour être immolé, ô Seigneur Jésus-Christ, Dieu du ciel et de la terre ; Dieu éternel, à qui soit gloire et magnificence dans les siècles des siècles. Amen. Ayant prononcé cette belle oraison, il tendit le cou et fut décapité[195].

La province proconsulaire n’eut pas seule des martyrs : la Numidie, témoin de chutes nombreuses, vit aussi de belles victoires dès cette première phase de la persécution[196]. Bien différents dés évêques traditeurs dont nous avons parlé, ou de cette lâche population d’Aptonge qu’on a vue se ruant à l’apostasie, des laïques numides surent mourir plutôt que de livrer aux agents du président Florus[197] les Écritures sacrées. Beaucoup, arrêtés à cause de leur refus, souffrirent des maux de toute sorte, affrontèrent les plus cruels supplices, et furent mis à mort : aussi les honore-t-on à bon droit comme martyrs, et les loue-t-on de n’avoir pas donné leurs Bibles, imitant cette femme de Jéricho, qui ne voulut pas livrer à ceux qui les cherchaient les deux espions juifs, figures de l’Ancien et du Nouveau Testament[198]. Parmi ces courageux chrétiens on comptait non seulement des gens de rien, mais encore des pères de famille[199] : patresfamilias est ici opposé à infimi, non sans cloute pour marquer cette distinction légale de l’humilior et de l’honestior qui n’avait pas de raison d’être dans la langue chrétienne, mais pour montrer que plusieurs des laïques martyrisés par Florus eurent le mérite de sacrifier, avec leur vie, ce qui lui donne surtout dit pris en ce monde, les joies de la famille, les charges honorables de la propriété, les avantages et la dignité d’une haute situation sociale[200].

Comme il arriva dans toutes les persécutions, le courage des martyrs, les excès de leurs ennemis, touchèrent des cœurs généreux. C’est ainsi qu’Arnobe, païen zélé, parait avoir été amené au christianisme. Il professait la rhétorique à Sicca, dans la province proconsulaire[201], et avait eu Lactance pour élève[202]. De même que beaucoup de lettrés, Arnobe attaqua souvent la religion du Christ dans ses leçons ou ses lectures publiques[203]. Cependant, voyant renverser des édifices qui n’avaient jamais abrité que des réunions innocentes, ou brûler des livres remplis de hautes et pures pensées, il eut un mouvement de révolte. Le sincère penseur s’indigna de destructions barbares, qui contrastaient avec la tolérance de l’autorité publique pour des théâtres déshonorés par des fêtes impures, ou pour des poèmes dans lesquels les bonnes mœurs n’étaient pas moins outragées que les dieux[204]. Il lui parut que le paganisme, fermant les yeux sur l’impiété vulgaire, avait peur de la vérité : il se demanda si, quelque jour, on ne détruirait pas aussi les livres des philosophes, de Cicéron par exemple, coupables d’attaquer par la raison ce polythéisme croulant de toutes parts, que les chrétiens battaient en brèche au nom de la révélation[205]. Le spectacle des souffrances de ceux-ci, eu Afrique et en Numidie, acheva ce travail intérieur : un songe ou une vision, dit saint Jérôme, pressa enfin Arnobe de se soumettre au Christ[206]. C’est alors que, obligé de rassurer les fidèles de Sicca, qui l’avaient eu longtemps pour adversaire et voyaient avec défiance venir à eux un tel prosélyte, le rhéteur converti écrivit ses Disputes contre les païens[207], composées, ainsi que l’indique maint passage, parmi les souffrances et les menaces de la persécution[208].

 

 

 



[1] Lactance, De mortibus persecutorum, 10.

[2] Lactance, De mortibus persecutorum, 11.

[3] Cum nemo admitteretur. Lactance, De mortibus persecutorum, 11.

[4] Et omnes de summo statu reipublicæ tractari arbitrarentur. Lactance, De mortibus persecutorum, 11.

[5] Diu senex furori ejus repagnavit. De mort. pers., 11.

[6] Ostendens quam perniciosum esset inquietari orbem terræ, fundi sanguinem multorum, et illos libenter mori solere. De mort. pers., 11.

[7] Satis esse si palatinos tantum ac milites ab ea religione prohiberet. De mort. pers., 11.

[8] Nec tamen deflectere potuit pricipitis hominis insaniam. De mort. pers., 11.

[9] Placuit ergo amicorum sententiam experiri. De mort. pers., 11.

[10] Nam erat hujus malitiæ. Cum bonum quid facere decrevisset, sine consilio faciebat, ut ipse laudaretur. Cum auteur malum, quoniam id reprehendendum sciebat, in consilium multos advocabat, ut aliorum culpæ ascriberetur quidquid ipse deliquerat. De mort. pers., 11.

[11] Admissi ergo judices pauci et pauci militares. De mort. pers., 11.

[12] Ut dignitate antecedebant, interrogabantur. De mort. pers., 11.

[13] Hieroclem ex vicario prœsidem, qui auctor et consiliarius ad faciendam persecutionem fuit. De mort. pers., 16. — L’expression ex vicario prœsidem a souvent embarrassé les historiens. Elle signifie qu’avant d’entrer dans les charges publiques, telles que celle de président d’une province, Hiéroclès avait passé par les emplois de cour, et débuté par être vicarius a consiliis sacris, fonction instituée par Dioclétien après la réorganisation du consilium principis. Le cursus honorum de C. Cælius Saturninus, publié dans le Corpus inscr. lat., VI, 1704, montre de même ce magistrat occupant successivement diverses fonctions du palais, devenant enfin vicarius a consiliis sacris avant d’arriver aux grandes charges financières et politiques. Voir Édouard Cuq, le Conseil des empereurs, d’Auguste à Dioclétien, dans les Mémoires présentés par divers savants à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1884, p. 466-476.

[14] Quidam proprio adversus christianos odio inimicos deorum et hostes religionum publicarum tollendos esse censuerunt. De mort. pers., 11.

[15] Qui aliter sentiebant, intellects hominis voluntate, vel timentes vel gratificari violentes, in eamdem sententiam congruerunt. De mord. pers., 11.

[16] Nec sic quidem flexus est imperator ut accommodaret assensum, sed deos potissimum consulere statuit, misitque aruspicem ad Apollinem Milesium. De mord. pers., 11.

[17] Respondit ille ut divinæ religionis inimicus. De mord. pers., 11.

[18] Strabon, Géographie, XIV, I, 5.

[19] Eusèbe, De vita Constantini, II, 50.

[20] Eusèbe, De vita Constantini, II, 51.

[21] Eusèbe, De vita Constantini, II, 51.

[22] Quoniam nec amicis, nec Cæsari, nec Apollini poterat reluctari. De mort. pers., 11.

[23] Hanc moderationem tenere conatus est, ut eam rem sine sanguine transigi juberet, cura Cæsar vivos cremari vellet qui sacrificio repugnassent. De mort. pers., 11.

[24] Marquardt, Römische Staatsverwaltung, t. III, p. 196.

[25] Ut quasi terminus imponeretur huic religioni. De mortibus persecutorum, 12.

[26] Qui dies cum illuxisset,... repente adhuc dubia lute ad ecclesiam præfectus cum ducibus et tribunis et rationalibus venit. De mortibus persecutorum, 12.

[27] Revulsis foris. De mortibus persecutorum, 12.

[28] Simulacrum dei quæritur. De mortibus persecutorum, 12.

[29] De Rossi, De origine, historia, indicibus scrinii et bibliothecæ sedis apostolicæ, p. XVII.

[30] Scripturæ repertæ incenduntur, datur omnibus præda. De mortibus persecutorum, 12.

[31] Rapitur, trepidatur, discurritur. De mortibus persecutorum, 12.

[32] Ipsi vero in speculis (in alto enim constituta ecclesia ex palatio videbatur) dia inter se concertabant, utrum ignem potius supponi eporteret. De mortibus persecutorum, 12.

[33] Sur la beauté de Nicomédie à cette époque, voir Ammien Marcellin, XXII, 9 : ita magnis retro principum amplificatam impensis, ut ædium multitudine privatarum et publicarum reste noscentibus regio quædam Urbis æstimaretur æternæ.

[34] Vicit sententia Diocletianus, cavens ne magno incendio facto pars aliqua civitatis arderet. Nam multæ ac magnie domus ab omni parte cingebant. De mort. pers., 12.

[35] Sur les constructions d’édifices, de ponts, de canaux, de tunnels, de routes, exécutées dans les provinces par les légions, voir Lacour-Gayet, Antonin le Pieux, p. 165-171. — La paix avait des travaux plus rudes que la guerre pour ces armées intelligentes. Par elles, la terre de la patrie était couverte de monuments ou sillonnée de larges routes et le ciment romain des aqueducs était pétri, ainsi que Rome elle-même, des mains qui la défendaient. A. de Vigny, Servitude et Grandeur militaires.

[36] Veniebant igitur et prætoriani, acie structa, cura securibus et aliis ferramentis ; et immissi undique, tamen illud editissimum (œdificium ou fanum ?) paucis horis solo adæquarunt. De mort. pers., 12.

[37] Eusèbe, Hist. Ecclés., IX, 10, 8.

[38] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 2, 4. — Ut omnes ubique ecclesiæ cum suis altaribus æquarentur solo. Passio S. Theodoti Ancyrani, 4, dans Ruinart, p. 355.

[39] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 2, 4.

[40] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII. 21, 4. — Ut religionis illius carerent muni honore ac dignitate, tormentis subjecti essent quicumque ordine aut gradu venirent, adversus eos omnis actio caleret, ipsi non de injuria, non de adulterio, non de rebus ablatis agere possent. Lactance, De mort. pers., 13. — Cf. Digeste, XLVIII, II, 4, 8 ; V, 2.

[41] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 2, 4. — Libertatem denique ac vocero non haberent. Lactance, De mort. pers., 13.

[42] Si quis servorum permansisset christianus, libertatem consequi non posset. Rufin, Hist. Ecclés., VIII, 2.

[43] Voir les Dernières Persécutions du troisième siècle.

[44] Les Dernières Persécutions du troisième siècle.

[45] Τούς έν οίxετίαις. Je ne saurais voir dans cette expression l’équivalent de δούλους, et je la traduis : Les gens de condition commune, les gens qui mènent la vie domestique, par opposition à ceux qui suivent les carrières publiques et la voie des honneurs. Zonare, au douzième siècle, interprète comme je le fais τούς έν οίxετίαις, et rend ces mots par l’équivalent τούς δέ τύχης ίδιωτίδος όντας, les gens de condition privée, les simples particuliers, qui, dit-il, deviendront esclaves, δουλοΰσθαι (Ann., XII, 32). Parmi les modernes, le même sens est adopté par Valois (Adnot. ad Euseb., VIII, 4), Mason (the Persecution of Diocletian, p. 344-345), Görres (Christenverfolgungen, dans Kraus, Real-Encykl. der christl. Alterth., t. I, p. 245), Champagny (les Césars du troisième siècle, t. III, p. 335), Duruy (Histoire des Romains, t. VI, p. 602).

[46] La phrase de Rufin : Si quis servorum permansisset christianus libertatem consequi non potest, que Nicéphore Calliste, au quatorzième siècle, rend par τούς οϊxέτας έξομνυμένους έλευθεριά τιμάν (Hist. Ecclés., VII, 43), ne doit pas être prise (comme l’ont fait Baluze, Tillemont, Mosheim, Neander, Unziker) pour une traduction exacte du passage d’Eusèbe discuté dans la note précédente, mais au contraire comme l’insertion dans le texte de celui-ci, par son très libre interprète, d’une clause de l’édit omise par Eusèbe aussi bien que par Lactance. Telle est la solution indiquée par Görres, et adoptée implicitement par Champagny et Duruy.

[47] Les Dernières Persécutions du troisième siècle, 2e éd.

[48] Les Dernières Persécutions du troisième siècle, 2e éd.

[49] Les Dernières Persécutions du troisième siècle.

[50] Etsi non recte, magno tamen animo. Lactance, De mort. pers., 13. Eusèbe dit, avec un sentiment d’approbation sans réserve : ζήλω τώ xατά Θεόν ; Hist. Ecclés., VIII, 5.

[51] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 5.

[52] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 5.

[53] Edictum... deripuit et concidit. De mort. pers., 13. — Άνελών σπαράττει. Eusèbe, l. c.

[54] Cum irridens diceret victorias Gothorum et Sarmatorum præpositas. De mort. pers., 13.

[55] Quod crimen non solum facto, sed et verbis impiis et maledictis maxime exacerbatur. Paul, Sentent., V, 29, § 1.

[56] Statim quoque productus, non modo extortus... De mort. pers., 13.

[57] In reum majestatis inquiri Arius convenit quibus opibus, qua factione, quibus hoc auctoribus fecerit... Cum de eo quæritur, nulla dignitas, a tormentis excipitur. Paul, Sentent., V, 29, § 2.

[58] ... Sed etiam legitime coctus. De mort. pers., 13.

[59] Humiliores bestiis objiciuntur vel vivi exuruntur, honestiores capite puniuntur. Paul, Sentent., V, 29, § 1.

[60] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 5. — Cum admirabili patientia postremo exustus est. De mort. pers., 13.

[61] Sed Cæsar non contentas est edicti legibus : aliter Diocletianum aggredi parat. De mort. pers., 13.

[62] Le palais impérial de Nicomédie était probablement composé de plusieurs palais à la fois distincts et contigus, où chaque souverain et même chaque souveraine pouvait tenir sa cour à part. Lactance parle ailleurs (De mort. pers., 7) des maisons que Dioclétien avait bâties pour sa femme et pour sa fille (hic uxori domus, hic filiæ), au détriment de nombreux édifices privés. L’ensemble de ces constructions diverses devait offrir à peu près l’aspect du groupe de palais qui couvrait à nome le mont Palatin ; mais à Rome chaque siècle ou même chaque règne avait apporté son œuvre différente : à Nicomédie, tout avait été improvisé.

[63] Constantin, oratio ad sanctorum cœtum, 25, 2.

[64] Eusèbe, Hist. Ecclés., VI, 6.

[65] Nam ut illum (Diocletianum) ad propositum crudelissimæ persecutionis impelleret, occultis ministris palatio subjecit incendium. De mort. pers., 14.

[66] Christiani arguebantur velut hostes publici, et cum ingenti invidia simul cum palatio christianorum nomen ardebat. Illos consilio cum eunuchis habito de exstinguendis principibus cogitasse, duos imperatores domi suæ pene vivos esse combustos. Lactance, De mortibus persecutorum, 14.

[67] Diocletianus vero, qui semper se volebat videri astutum et intelligentem, nihil potuit suspicari. De mortibus persecutorum, 14.

[68] Sed ira inflammatus excarnificari omnes suos protinus præcepit. De mortibus persecutorum, 14.

[69] Sedebat ipse, atque innocentes igne torquebat. De mortibus persecutorum, 14.

[70] Item judices universi, omnes denique qui erant in palatio magistri, data potestate, torquebant. Erant certantes quis prior aliquid inveniret. De mortibus persecutorum, 14.

[71] Aderat ipse et instabat, nec patiebatur iram inconsiderati senis deflagrare. De mortibus persecutorum, 14.

[72] Nihil usquam reperiebatur, quippe cum familiam Cæsaris nemo torqueret. De mortibus persecutorum, 14.

[73] Sed quindecim diebus interjectis, aliud rursum incendium molitus est. De mort. pers., 14.

[74] Tunc Cæsar, medio hieme profectione parata, prorupit eodem die contestans fugere se ne vivus arderet. De mort. pers., 14.

[75] Sed celerius animadversum, nec tamen auctor apparuit. De mort. pers., 14.

[76] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 6, 6.

[77] Primam omnium filiam Valeriam conjugemque Priscam sacrificio pollui coegit. Lactance, De mort. pers., 15.

[78] Potentissimi quondam eunuchi necati, per quos palatium et ipse constabat. De mort. pers., 15. — Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 6.

[79] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 6, 2.

[80] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 6, 4.

[81] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 6, 5.

[82] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 6, 2. — Eusèbe se trompe en nommant ici les empereurs ; Galère avait quitté Nicomédie, au témoignage formel de Lactance : Dioclétien put donc seul assister au supplice.

[83] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 6, 7. — Cependant la colline où, selon la tradition locale, ils avaient été mis à mort continua d’être honorée ; on y enterrait par dévotion. Du règne de Constantin ou de ses premiers successeurs date probablement une curieuse inscription, en grec et en latin, trouvée en ce lieu, et dont voici le texte latin : FLAVIVS MAXIMINUS, SCVTARIVS, SENATOR, LEVAVI STATVAM FILIO MEO OCTEMO. VIXCSIT ANNOS II, DIES XII. PRECISVS A MEDICO, HIC POSITVS EST AD MARTYRES. Bulletin de la société des Antiquaires de France, 1895, p. 225-227.

[84] Lactance, Div. Inst., V, 11.

[85] Judices per omnia templa dispersi, universos ad sacrificia cogebant. De mort. pers., 15.

[86] Omnis sexus et ætatis homines... De mort. pers., 15.

[87] Comprebensi presbyteri ac ministri, et sine ulla probatione ad confessionem damnati... De mort. pers., 15. — Eusèbe, Hist. Ecclés., VI, 6, 6. — Une inscription récemment découverte témoigne de la vénération dont a joui saint Anthime aux siècles suivants ; elle a trait à son église de Pompeiopolis, en Cilicie, à laquelle les empereurs chrétiens accordèrent le droit d’asile, Bull. de corresp. Hellénique, t. XIII, 1889, p. 293.

[88] Cam omnibus suis deducebantur. Lactance, De mortibus persecutorum, 15.

[89] Nec singuli, quoniam tanta erat multitudo, et gregatim circumdato igne ambiebantur domestici, alligatis ad collum molaribus mari mergebantur. De mortibus persecutorum, 15. — Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 6, 6.

[90] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 6, 6.

[91] Pleni carceres erant. De mort. pers., 15.

[92] Nec minus in ceterum populum persecutio violenter incubuit. De mort. pers., 15.

[93] Tormentorum genera inaudita excogitabantur. De mort. pers., 15.

[94] Et ne cui temere jus dieretur, aræ in secretariis ac pro tribunali positæ, ut litigatores prius sacrificarent, atque ita causas suas dicerent : sic ergo ad judices tanquam ad deos adiretur. De mort. pers., 15. Bien que cette phrase soit reliée par la conjonction et à celle qui est cité dans la note précédente, il me paraît certain qu’elle se rapporte à un ordre de choses tout différent de la persécution sanglante, dans laquelle il s’agissait, non de refuser aux chrétiens le droit de plaider leurs causes civiles, mais de les mettre à mort sur simple refus de sacrifier.

[95] Et jaco litterie ad Maximianum atque Constantium commeaverunt ut eadem facerent. Eorum sententia in tantis rebus expectata non erat. De mort. pers., 15.

[96] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 2, 4.

[97] Dans l’Histoire ecclésiastique, au chapitre 2 du livre VIII, Eusèbe nomme le mois de Dystrus, correspondant au mois de mars dans le calendrier syro-macédonien ; dans le prologue du livre sur les martyrs de la Palestine, il nomme le mois de Xanthicus, correspondant au mois d’avril selon le même calendrier.

[98] Théodoret, Hist. Ecclés., V, 38.

[99] Tillemont, Mémoires, t. V, art. X sur la persécution de Dioclétien.

[100] Sans doute par application de l’article de l’édit qui permettait de traiter toute une classe des chrétiens en esclaves du fisc. Sur saint Cyrille, évêque d’Antioche, voir Eusèbe, Hist. Ecclés., VII, 32 ; Chron. ad ann. 44 Probi. La Passio SS. Quatuor Coronatorum dit qu’il passa trois ans dans les carrières impériales de marbre de la Pannonie : in custodia relegatus pro nomine Christi vinctus, qui jam multis verberibus fuerat maceratus per annos tres. Or l’élection de son successeur Tyrannus au siège d’Antioche est fixée par Eusèbe à l’an 305. Du commencement de 303 aux derniers mois de 305, il y a près de trois ans ; la date de l’élection de Tyrannus oblige à placer la condamnation de Cyrille dès le début de la persécution. Voir Bull. di archeologia cristiana, 1879, p. 53, 61-62, 71.

[101] Eusèbe, De martyribus Palestinæ, 2.

[102] Eusèbe, l. c. et De resurrectione, II. — Prudence suit une autre version, d’après laquelle, au moment où le gouverneur de la province entra, accompagné de soldats, dans la principale église pour la profaner, il y trouva la population chrétienne de la ville rassemblée par Romain et prête à mourir plutôt que de renier sa foi, Peri Stephanôn, X, 41-65. Ce récit est en contradiction avec celui d’Eusèbe, qui déplore au contraire la lâcheté des chrétiens d’Antioche. Le témoignage de l’historien, contemporain des faits, ayant vécu près d’Antioche, et certainement renseigné sur des événements qui intéressaient son Église de Césarée, doit être préféré à celui du poète, qui n’a jamais visité l’Orient, et écrivit prés d’un siècle après le commencement de la persécution.

[103] Prudence, Peri Stephanôn, X, 41, donne au magistrat le nom d’Asclépiade.

[104] Eusèbe, De martyribus Palestinæ, 2.

[105] Eusèbe, De martyribus Palestinæ, 2. — A ces faits Prudence relie (Peri Stephanôn, X, 646-845) le touchant épisode d’un enfant martyr, raconté aussi par saint Jean Chrysostome, Homilia XLVIII, mais dont Eusèbe ne parle nulle part. Les martyrologes lui donnent le nom de Barulas. Les martyres d’enfants ne sont pas sans exemple dans l’histoire des premiers siècles (voir les Dernières Persécutions du troisième siècle, 2e éd.) ; mais celui-ci me parait devoir être rapporté à un autre moment de la persécution de Dioclétien, quand elle prit le caractère d’une guerre d’extermination.

[106] Eusèbe, Hist. Ecclés., X, 2.

[107] Eusèbe, Hist. Ecclés., X, 4, 26, 33.

[108] Ό μέχρι τοΰ παρόντος δειxνύμενος, écrit saint Grégoire de Nysse, Vita S. Gregorii Thaumaturgi, 3.

[109] Passio S. Theodoti Ancyrani et septem virginum, 10-12, 32 ; dans Ruinart, p. 358-359, 369.

[110] Passio S. Theodoti Ancyrani, 16, p. 361. — Les églises, auxquelles fait allusion ce passage de la Passion, portaient les noms d’église des Patriarches (confessio Patriarcharum) et d’église des Pères (confessio Patrum). Le premier au moins de ces édifices religieux était reconnaissable à sa disposition architecturale, car il avait une abside, concha, près de laquelle saint Théodote, ne pouvant entrer, se mit en prières. Sur ce mot, voir Martigny, Dict. des antiquités chrétiennes, art. Abside, p. 9, et Basiliques, p. 90 ; Kraus, Real-Encylcl. der christlich en Alterthümer, t. I, art. Apsis, p. 70, et Concha, p. 317.

[111] Desertor pietatis. Passio S. Theodoti Ancyrani, 4, p. 355.

[112] Passio S. Theodoti Ancyrani, 4, p. 355.

[113] Ou plutôt dans la partie du diocèse de Thrace qui depuis Dioclétien formait une province séparée sous le nom d’Europe, et dont Héraclée était une des métropoles ; Marquardt, Römische Staatsverwaltung, t. I, p. 316 ; Mommsen, Mémoire sur les provinces romaines, trad. Picot, p. 42.

[114] Passio S. Philippi, 2, dans Ruinart, p. 443.

[115] Il peut avoir été parent du consul ordinaire de 289, M. Magrius Bassus.

[116] Passio S. Philippi, 8, p. 448.

[117] Mitior enim fuerat Bassus..., eo quod uxor ejus Deo aliquanto jam tempore serviebat. Passio S. Philippi, 8, p. 448.

[118] Léon Renier, Inscriptions de Troesmis, extrait des Comptes rendus de l’Acad. des inscriptions, 1865, p. 25 ; De Rossi, Bull. di archeologia cristiana, 1865, p. 77-79.

[119] De Rossi, Bull. di arch. crist., 1865, p. 78, et Roma sotterranea, t. I, p. 309 et pl. XXXI, n° 12.

IALLIAE IALLII RAss

I ET CATIAE CLEme

NTINAE FILIAE PIIssim

AE MATRI CLEMen

TINAE IN PACE

AEL. CLEMENS fi

LIVS

[120] Prudence, Contra Symmachum, I. 548 ; De Rossi, Inscr. christ. urbis Romæ, t. I, n° 141, p. 80.

[121] Tot membranas, libros, tabellas, codicillos et paginas Scripturarum. Acta SS. Agapes, Chioniæ, Irenes, 5 ; dans Ruinart, p. 423.

[122] Acta SS., avril, t. I, p. 42 et suiv. — Sur les difficultés de ces Actes quant à la date et à diverses circonstances peu croyables, voir Tillemont, Mémoires, t. V, notes XII et XIII sur la persécution de Dioclétien. Nous avons extrait de cette pièce, écrite en forme oratoire et postérieure à la paix de l’Église, la substance seule du récit, qui, ramené à ces termes, devient vraisemblable.

[123] Vir egregius et præstantissimæ civilitatis... hic non modo amabilis Gallis fuit, præcipue quod Diocletiani suspectam prudentiam et Maximiani sanguinariam temeritatem imperio ejus evaserant. Eutrope, Brevarium, I, 1. Ce jugement d’un païen concorde avec celui d’Eusèbe, De Vita Const., II, 49.

[124] Nam Constantius, ne dissentire a majorum praceptis videretur, conventicula, id est parietes, qui restitui poterant, dirui passus est, verum auteur Dei templum, quod est in hominibus, incolume servavit. Lactance, De mort. pers., 15. — Sur la destruction des églises en Bretagne, voir Bède, Hist. Ecclés., II, 8.

[125] C’est ce que diront, plus tard, les donatistes, demandant à Constantin de leur donner pour juges des évêques de la Gaule, parce que parmi ceux-ci il ne pouvait y avoir eu de traditeurs : De genere justo es, cujus pater inter ceteros imperatores persecutionem non exercuit, et ab hoc facinore immunis est Gallia. Saint Optat, De schism. donat., I, 22.

[126] Ainsi périrent saint Ferréol, à Vienne, et saint Julien, à Brioude, si leur martyre eut lieu dans la dernière persécution ; mais cette date n’est nullement assurée. Voir Tillemont, Mémoires, t. V, note III sur saint Ferréol. Quant à saint Mitre, patron d’Aix en Provence, dont on fait un martyr de la persécution de Dioclétien, le plus ancien texte de sa vie, publié par les Bollandistes au tome VIII (1889) de leurs Analecta, montre que ce généreux esclave d’un païen fut victime d’une longue persécution domestique, mais survécut à son maître : son histoire, que l’on peut placer avec vraisemblance à la fin du troisième siècle ou au commencement du quatrième, fait comprendre les vexations auxquelles étaient exposés les esclaves chrétiens, mais n’a rien à voir avec la persécution officielle.

[127] Eusèbe, De Vita Const., I, 17.

[128] Eusèbe, Hist. Ecclés., VII, 10, 3 ; cf. les Dernières Persécutions du troisième siècle.

[129] Eusèbe, De Vita Const., I, 16.

[130] Et quidem senex Maximianus libens paruit per Italiam, homo non adeo clemens. Lactance, De mort. pers., 15.

[131] Prudence, Peri Stephanôn, I, 73-78.

[132] Saint Augustin, Breviculus collations cum donatistis, III, 34. Même si ces Actes étaient authentiques, rien ne prouverait qu’ils fussent relatifs à des chrétiens de Rome ; car, dit saint Augustin, ni le magistrat, ni le lien n’étaient nommés : nec præfectus ipse..., nec locus legebatur.

[133] Saint Augustin, Breviculus collations cum donatistis, III, 34-36.

[134] La plus ancienne mention qui nous en soit parvenue est dans le Liber Genealogus, ouvrage composé par un donatiste, en Afrique, entre 405 et 427 ; à l’article sur la persécution de Dioclétien, on lit : Marcellinus Urbis (episcopus), Straton et Cassianus diaconus Urbis publice in Capitolio evangelia concremarunt. Voir Mommsen, Chronica minora sæculorum IV, V, VI, VII ; cf. Bullettino di archeologia cristianas, 1894, p. 52.

[135] Saint Augustin, Contra litt. Petit., II, 502 ; De unico baptismo, 27 ; Brev. coll. cum donat., III, 34-36 ; Ad donat. post coll., 17.

[136] De Rossi, De origine, historia, indicibus scrinii et biblioth. sedis apost., p. XXXVII ; La biblioteca della sede apostolica, dans Studi e Documenti di Storia e Diritto, 1884, p. 334.

[137] De origine, etc., p. XI-XXVII.

[138] De origine, etc., p. XVIII ; La biblioteca, etc., p. 336.

[139] Brev. coll. cum donat., III, 34-36.

[140] Possessio cujusdam Cyriacæ religiosæ feminæ, quod fiscus occupaverat tempore persecutionis. Lib. Pont., Silvester, 25 ; Duchesne, t. I, p. 182.

[141] Possessio Augusti, territorio Sabinense, præst. nomini christianorum. Lib. Pont., Silvester, 25. — Sur la valeur de ces expressions, voir Duchesne, t. I, p. CL.

[142] De Rossi, Roma sotterranea, t. II, p. 285 et pl. LV ; t. III, p. 561-562.

[143] Le pape saint Damase, après 366, se voua à cette recherche : multa corpora sanctorum requisivit et invenit, dit le Liber Pontificalis, Duchesne, t. I, p. 212. L’inscription en vers qu’il mit sur le tombeau de saint Entychius, dans la catacombe de saint Sébastien, dit : QUAERITUR, INVENTVS COLITVR. De Rossi, Inscr. christ. urbis Romæ, t. II, p. 66, 90, 105. Celui de saint Nemesius fut longtemps sans honneurs, parce qu’on était incertain sur sa situation : INCVLTAM PRIDEM DVBITATIO LONGA RELIQVIT. Ibid., p. 102.

[144] Tel est probablement le sens de ces vers des deux inscriptions mises plus tard dans leur crypte par le pape Damase :

EXTREMO TVMVLVS LATVIT SVB AGGERE MONTIS

QVEM CUM IAM DVDVM TEGERET MONS, TERRA, CALIGO

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Voir De Rossi, Roma sotterranea, t. I, p. 213 ; Inscr. christ., t. II, p. 30, 104, 108. Cf. les Dernières Persécutions du troisième siècle, 2e éd., appendice G.

[145] Roma sotterranea, t. I, p. 213 ; t. II, p. 106, 259, 379, et 2e partie, p. 52-58 ; voir aussi pl. LIII, n° 7. Cf. Rome souterraine, p. 495, 499.

[146] Liber Pontificalis, Fabianus ; Duchesne, t. I, p. 148. Cf. De Rossi, Roma sotterranea, t. I, p. 117, 199 ; t. II, p. 278.

[147] Roma sotterranea, t. III, p. 412-471 et pl. XXXIX.

[148] Roma sotterranea, t. III, p. 469-470.

[149] Bullettino di archeologia cristiana, 1884-1885, p. 45-49.

[150] Area martyrum. Gesta apud Zenophilum consularem (à la suite des Œuvres de saint Augustin, éd. Gaume, t. IX, col. 1112).

[151] Area ubi orationes facitis. Gesta proconsularia quibus absolulus est Felix (à la suite des Œuvres de saint Augustin, éd. Gaume, t. IX, col. 1088).

[152] AREAM AT SEPVLCRA CVLTOR VERBI CONTVLIT ET CELLAM STRVXIT SVIS CVNCTIS SVMPTIBVS. Corp. inscr. lat., t. VIII, 9585. — L’area chrétienne de Césarée a été retrouvée par le cardinal Lavigerie. Bull. di archeol. crist., 1878, p. 73.

[153] Lavigerie, de l’Utilité d’une mission archéologique permanente à Carthage, p. 41-53.

[154] Actes du concile de Cirta, dans saint Augustin, Contra Cresconium, III, 30.

[155] Actes du concile de Cirta, dans saint Augustin, Contra Cresconium, III, 30.

[156] Valentianus mater fuit. Ipse me coegit ut mitterem illa in ignem. Sciebam illa delititia fuisse. Actes du concile de Cirta, dans saint Augustin, Contra Cresconium, III, 30.

[157] In isto namque foro jam pro Scripturis dominicis dimicaverat cælum, cum Fundanus civitatis quondam episcopus Scripturas dominicas traderet exurendas : quas cum magistratus sacrilegus igni apponeret, subito imber sereno cœlo diffunditur, ignis Scripturis sacris admotus exstinguitur, grandines adhibentur, omnisque ista regio, pro Scripturis dominicis, elementis furentibus, devastabatur. Acta SS. Saturnini, Dativi, 3, dans Ruinart, p. 410.

[158] Sub exitio. Saint Augustin, Brev. coll. cum donat., III, 27. — Ad discrimen capitis. Ibid., 31.

[159] Ex actis Munatii Felicis, flaminis perpetui, curatoris coloniæ Cirtensium. — Le curator civitatis, que nous voyons chargé en Afrique de rechercher les livres chrétiens, avait, depuis Dioclétien, cessé d’être un fonctionnaire de l’État pour devenir un simple magistrat municipal, quoique toujours nommé par l’empereur. Il avait le droit d’imposer certaines amendes, de ch9tier les esclaves, d’arrêter les perturbateurs du repos public, de faire des perquisitions et dé commencer les enquêtes. Voir Camille Jullian, les Transformations politiques de l’Italie sous les empereurs romains, p. 113 et suiv. ; Lacour-Gayet, art. Curator civitatis, dans le Dict. des antiquités, t. I, p. 1621. — En Numidie et probablement en Mauritanie, la charge de curateur était j ointe, depuis Septime Sévère, à celle de flamen perpetuus ou prêtre municipal préposé an culte des Augustes. Le titre donné dans les inscriptions aux magistrats investis dé ce double office est conforme à nos Actes : FL. PP. CVR. REIP. Voir Henzen, Ann. dell’ Inst. di corr. arch., 1851, p. 26 ; 1866, p. 98 ; Hirschfeld, ibid., 1866, p. 35 ; De Rossi, Bull. di arch. crist., 1878, p. 29 ; Léon Renier, Mélanges d’épigraphie, p. 45. — Le flaminat, même sans la curatelle, donnait probablement qualité pour instrumenter contre les chrétiens ; c’est ainsi qu’à Smyrne, sous Dèce, le néocore, ministre du culte de Rome et d’Auguste, fit les informations préalables dans le procès de Pionius : voir Hist. des persécutions pendant la première moitié du troisième siècle, 2e éd.

[160] Dans la rédaction des procès-verbaux officiels l’emploi du mot dixit était tellement de style qu’on l’exprimait par un simple sigle, comme en témoigne l’inscription des fullones, au Corp. inscr. lat., t. VI, p. 266. Voir Edmond Le Blant, les Actes des martyrs, p. 161.

[161] La présence des fossores parmi les membres du clergé de Cirta est un des arguments sur lesquels s’appuient ceux qui reconnaissent en eux des clercs inférieurs. Voir Martigny, art. Fossores, p. 330 ; Kraus, t. I, art. Fossores, p. 537 ; De Rossi, Roma sotterranea, t. III, p. 535.

[162] Cf. Prudence, Peri Stephanôn, II, 129 : Tota digestim Christi supellex scribitur.

[163] Urceola argentes. L’urceolus était la même chose que l’ama ou amula, d’où l’on versait dans le calice le vin liturgique ; voir Martigny, art. Ama, p. 36, et surtout Kraus, art. Amula, t. I, p. 48.

[164] Cucumellum argenteum. Voir Kraus, t. I, p. 339. Cucumellum, que l’on trouve employé avec le même sens dans Paul Diacre (Chron. Casin., IV, 90), est le diminutif de cucuma (Pétrone, Satiricon, 136 ; Digeste, XLVIII, VIII, 1 ; voir sur ce mot le Dict. des ant., t. I, p. 1579). — Aux vases et ustensiles d’or et d’argent conservés dans le trésor des églises font allusion ces vers mis par Prudence dans la bouche d’un magistrat païen :

Libent ut auro antistites ;

Argenteis scaphis ferunt

Fumare sacrum sanguinem

Auroque nocturnes sacris

Adstare fixos cereos.

Peri Stephanôn, II, 68-74.

[165] Cereofala duo. Il s’agit des chandeliers que portent encore les acolytes, et qu’ils posent à terre pendant le saint sacrifice. La forme plus fréquente est cereoferarius ; voir Kraus, t. I, p. 207.

[166] Candelæ breves æneæ cum lucernis suis septem. Il s’agit ici de petits flambeaux ou candélabres portant des lampes adhérentes ou suspendues ; voir Dict. des ant., art. Candélabre, t. I, p. 874-875, fig. 1093-1100.

[167] Voir plusieurs lampes semblables dans Roller, Catacombes de Rome, pl. LC, et dans Kraus, art. Lamps, t. I, p. 268 et 270.

[168] Coplas rusticanas. Du Cange ne cite, au mot Copla, d’autre texte que celui que nous reproduisons ; son continuateur Carpentier supplée à cette lacune par la définition suivante, qui ne définit rien : Vestimenti species.

[169] Il s’agit probablement ici des registres du cimetière ou area. Cf. Roma sotterranea, t. III, p. 545.

[170] Salle à manger pour les agapes. Voir Rome souterraine, fig. 8, p. 106, les restes du triclinium construit au troisième siècle devant la catacombe de Domitille.

[171] Dolia quatuor et orcæ sex. Un dolium de terre cuite, étudié par Cavedoni (Opuscoli di Modena, 2e série, t. I, p. 325), porte l’image de deux poissons convergeant vers un monogramme formé des deux initiales de Ίησοΰς Χριστός : peut-être était-il destiné à contenir, comme à Cirta, de l’huile ou du vin, ou, comme à Aptonge, de l’huile on du froment pour les assemblées chrétiennes. Une amphore dont une partie, portant l’inscription VIVAS IN DEO, a été trouvée dans une catacombe par M. de Rossi et déposée par lui au musée de Latran, avait peut-être une destination semblable. M. de Rossi rapproche ces vases de deux ustensiles en bronze, mesures de capacité pour les liquides, appartenant au collège païen des Sodales Serrenses, qui ont été découverts aux environs de Rome en 1864 (Bull. di arch. crist., 1864, p. 57 et suiv.). — Des dolia sont quelquefois gravés sur les marbres des catacombes. Une fresque du cimetière Ostrien (Roller, pl. LVI, 3) représente plusieurs hommes transportant des tonneaux : cette scène inexpliquée aurait-elle pour sujet l’apport de provisions dans le triclinium destiné aux agapes ?

[172] Un des lecteurs.

[173] Sarsor. Ce lecteur exerçait une profession manuelle ; peut-être sculptait-il les sarcophages destinés à la sépulture des chrétiens. Voir dans Martigny, art. Sarcophage, p. 721, la représentation, d’après sa propre pierre sépulcrale, d’un marbrier chrétien occupé à sculpter des sarcophages. Cependant sarsorium opus désigne plutôt une sorte de mosaïque de marbre.

[174] Grammaticus. Ailleurs il dit de lui-même : Professor litterarum romanarum, grammaticus latinus. Les trois degrés de l’enseignement étaient représentés chez les chrétiens. On a trouvé dans le cimetière de Calliste une épitaphe du troisième siècle consacrée à un instituteur primaire, magister primas (Roma sotterranea, t. II, pl. XLV-XLVI, n, 43). Nous rencontrons, dans notre texte, la mention du grammaticus, dont les leçons correspondaient à ce qu’est chez nous l’enseignement secondaire (voir Émile Jullien, les Professeurs de littérature dans l’ancienne Rome, 1883). L’enseignement supérieur, qui comprenait la rhétorique et la philosophie, se trouve, dès le second siècle, dans les écoles ouvertes à Rome par saint Justin, à Alexandrie par saint Pantène. Il serait intéressant de savoir si les maîtres chrétiens professaient dans des écoles subventionnées par l’Église et destinées exclusivement aux fidèles, ou s’ils donnaient des leçons aux étudiants de tous les cultes. Ce dernier cas se présenta certainement. Cassien, à Imola, est mis à mort, comme chrétien, par ses écoliers païens. A l’école supérieure d’Alexandrie, les cours de Clément, puis d’Origène, étaient suivis par toute l’aristocratie de la ville, ceux d’Ammonius avaient pour auditeur le néo-platonicien Porphyre. Mais aucun texte ne nous apprend si, tout en permettant à des chrétiens de distribuer l’enseignement à tous sans distinction de religion, ce qui était un excellent moyen de propagande, l’Église entretenait aussi des écoles et des professeurs pour l’usage des seuls enfants des fidèles.

[175] Gesta apud Zenophilum consularem (à la suite du t. IX des Œuvres de saint Augustin, éd. Gaume, col. 1106-1107).

[176] Canon 13, De his qui Scripturas sacras, vasa dominica vel nomina fratrum tradidisse dicuntur.

[177] Dedi Pollio chartulas, nam codices mei salvi sunt. Actes du concile de Cirta, dans saint Augustin, Contra Cresconium, III, 30.

[178] Secundus Donato Calamensi dixit : Dicitur te tradidisse. Donatus respondit : Dedi codices medicinales. Actes du concile de Cirta, dans saint Augustin, Contra Cresconium, III, 30.

[179] Cf. De Rossi, De origine, historia, indicibus scrinii et bibliothecæ sedis aposiolicæ, p. LXX-LXXI.

[180] ... Non scripserat (Mensurius) se sanctos codices tradidisse, sed potius ne a persecutoribus invenirentur abstulisse atque servasse ; dimisisse autem in basilica Novorum quæcumque reproba scripta hæreticorum, quæ cum invenissent persecutores et abstulissent, nihil ab illo amplius postulasse. Verumtamen quosdam Carthaginensis ordinis viros postea suggessisse proconsuli quod illusi fuerant qui missi erant ad christianorum Scripturas auferendas et incendendas, quia non invenerant nisi nescio quæ ad eos non pertinentia ; ipsa autem in domo episcopi custodiri, unde deberent proferri et incendi : proconsulem vero ad hoc eis consentire noluisse. Saint Augustin, Breviculus coll. cum donat., III, 25.

[181] De l’un d’entre eux provenait peut-être la relique de je ne sais quel mort, peut-être martyr, mais non encore canonisé, nescio cujus hominis mortui, etsi martyris, sed necdum vindicati, que baisait avant la communion l’intrigante Lucille, future instigatrice du schisme donatiste (saint Optat, De schism. donat., I, 16). Cependant saint Optat semble dire que la réprimande attirée à Lucille par cette singulière dévotion eut lieu avant la persécution, ante concessam persecutionis turbinibus pacem, cum adhuc in tranquillo esset Ecclesia.

[182] In eisdem etiam litteris lectum est, eos qui se offerrent persecutionibus non comprehensi, et ultro dicerent se habere Scripturas, quas non haberent, a quibus hoc nemo quæsierat, displicuisse Monsurio, et ab eis honorandis prohibuisse christianos. Quidam etiam in eadem epistola facinorosi arguebantur et fisci debitores, qui occasione persecutionis vel carere vellent onerosa multis debitis vita, vel purgare se putarent, et quasi abluere facinora sua, vel certe acquirere pecuniam, et in custodia deliciis perfrui de obsequio christianorum. Saint Augustin, Brev. coll. cum donat., III, 25. — Ce passage de la lettre de Mensurius donna peut-être occasion à la calomnie des donatistes, imputant à l’évêque de Carthage et à son diacre Cécilien d’avoir empêché les fidèles d’assister les martyrs dans la prison ; voir Acta. SS. Saturnini, Dativi, etc., 17, 20 (paragraphes omis par Ruinart), dans Baluze, Miscellanea, t. I, p. 17-18.

[183] Voir la note précédente.

[184] Saint Augustin, Brev. coll. cum donat., III, 25. Cf. II Macchabées, VI, 21-28.

[185] Saint Augustin, Brev. coll. cum donat., III, 27. — Actes du concile de Cirta, dans Contra Cresconium, III, 30. — Saint Optat, De schism. donat., I, 14.

[186] (Persecutio) latentes dimisit illæsos. Saint Optat, I, 13.

[187] Il y avait un municipium Furnitanum et un Zama sur la limite de la Byzacène et de l’Afrique proconsulaire ; Ephemeris Epigraphica, t. VII, n° 75 et 81, p. 26 et 28.

[188] Epistolas salutatorias. Je pense que par ce mot il faut surtout entendre les épîtres que les évêques échangeaient pour recommander des frères en voyage, et qui furent connues au quatrième siècle sous le vocable d’epistolæ formatæ. De Rossi, De origine, historia, indicibus scrinii et bibliothecæ sedis apostolicæ, p. XV.

[189] Gesta proconsularia quibus absolutus est Felix (à la suite du t. IX des Œuvres de saint Augustin, éd. Gaume, col. 1087-1088).

[190] Gesta proconsularia quibus absolutus est Felix (à la suite du t. IX des Œuvres de saint Augustin, éd. Gaume, col. 1087-1088).

[191] La plupart des manuscrits attribuent à Félix le titre d’episcopus Tubizacensis ou Tubizocensis, Tubzoceusis, Tubzuzensis. Dans son édition des Actes, Surins l’appelle episcopus Tibiurensis. Baronius a mis Thibarensis, de la ville de Thibaris bien connue par l’épître 56 de saint Cyprien. Le martyrologe de Bède nomme Tibiuca, qui se retrouve dans (les manuscrits des Actes consultés parles Bollandistes. il résulte du texte même des Actes que la ville épiscopale de Félix était dans l’Afrique proconsulaire. Un grand nombre des villes de cette province, portent des noms se rapprochant plus ou moins de ceux que nous venons de citer : ainsi Tubernus, Thimida, Tuburbo, Thurris, Thuccabor, Thugga, Tuburnie, Tubursicum Bure. Morcelli (Africa christiana, t. I, p. 318 ; et Corpus inscr. lat., t. VIII, p, 177) pense que Félix était évêque de cette dernière ville, episcopus Tubursicuburensis. Tillemont suit Baronius, et fait saint Félix évêque de Thibaris, également située dans la province proconsulaire (cf. Wilmanns, Exempla inscript., 2351). J’incline plutôt vers Thibica, identique à Tibiuca du martyrologe de Bède et des manuscrits bollandiens. Bède dit que la ville habitée par Félix était distante de Carthage de 35 milles seulement, sunt inter Carthaginem et Tibiucam millia passuurn triginta quinque ; or entre Carthage et Thibica il n’y a guère, à vol d’oiseau, plus de 43 milles, distance approximativement peu différente.

[192] Libros deificos. Cf. dans les Gesta proconsularia de Félix d’Aptonge : codices deificos.

[193] Notitia Dignitatum, Occid., 2 ; Bœcking, t. II, p. 413 Cf. Willems, le Droit public romain, p. 597.

[194] Scripturas dominicas.

[195] Acta S. Felicis, episcopi et martyris, dans Ruinart, p. 376-378. — Il existe deux relations africaines de la Passion de saint Félix de Tibiuca. Nous n’avons plus que la première partie, plus quelques menus fragments, de la Passion antique. Dans celle-ci, le saint ne quitte point son pays ; il y subit le martyre, et est enterré in via quæ dicitur Scillinalorum, peut-être auprès des célèbres martyrs Scillitains. Delehaye, dans Analecta Bollandiana, t. XVI, 1897, p. 28. Si cette rédaction africaine représente vraiment la Passion antique, il faut, malgré la beauté de certains détails, abandonner la seconde partie des Actes publiés par Ruinart, et considérer leur texte, dit le P. Delehaye, comme une Passion authentique remaniée en l’honneur d’un saint Félix de Venouse auquel on aurait fait des Actes au moyen de ceux de saint Félix de Tibiuca, en transportant le théâtre de son martyre à Venouse.

[196] Persecutionem tradendorum codicum, dit saint Augustin, Contra Cresconium, III, 29.

[197] Saint Augustin, Contra Cresconium, III, 29. Cf. saint Optat, De schism. donat., III, 8.

[198] Saint Augustin, Brev. coll. cum donat., III, 25. Cf. Josué, II.

[199] ... Idem Secundus non quoslibet infimos, sed etiam patresfamilias, cum hoc idem persecutoribus respondissent, crudelissimis mortibus dixit occisos. Saint Augustin, Brev. coll. cum donat., III, 27.

[200] C’est dans un sentiment analogue qu’Origène mettait au-dessus du martyre que pourrait subir un homme comme lui, pauvre et sans famille, le sacrifice de son ami Ambroise, obligé d’abandonner pour le Christ femme, enfants, rang, richesses. Exhort. ad mart., 15.

[201] Dans la partie de la Numidie qui dépendait de la province proconsulaire.

[202] Saint Jérôme, De viris illustribus, 80.

[203] Saint Jérôme, De viris illustribus, 79.

[204] Arnobe, Adv. nat., IV, 18, 36.

[205] Arnobe, Adv. nat., III, 7.

[206] Saint Jérôme, De viris illustribus, 79.

[207] Saint Jérôme, De viris illustribus, 79. — Son livre a pour titre Disputationes adversus gentes, ou plutôt, selon l’autorité d’un manuscrit de la Bibliothèque nationale, adversus nationes.

[208] I, 26 ; II, 77 ; III, 36 ; IV, 36, etc. — Les erreurs théologiques qui se rencontrent dans le traité d’Arnobe, le peu de familiarité que montre son auteur avec le texte de l’Ancien et du Nouveau Testament, et son ignorance des institutions et des mœurs juives, semblent indiquer qu’il composa son livre peu après sa conversion, avant d’avoir reçu une complète instruction chrétienne.