I. — Persécutions partielles à Rome et en Gaule.Quand, après avoir défait en Mésie le dernier fils de Carus, Dioclétien se trouva maître incontesté de l’Empire, des problèmes de plus d’une sorte se posèrent devant l’ambitieux Dalmate. Le plus délicat et le plus grave regardait la conduite à tenir vis-à-vis de l’Église chrétienne. Parmi les prédécesseurs du nouveau souverain, les uns avaient tenté d’arrêter par la violence les progrès du christianisme ; d’autres avaient mieux aimé ne pas le voir, ou le confondre avec les associations tolérées : un seul, Gallien, avait essayé d’une reconnaissance légale, qui ne survécut pas à son auteur. Aujourd’hui, répandue sur tous les rivages du monde romain, et jusque chez les Barbares, comptant ses adhérents par millions, ralliant même, dans certaines parties de l’Orient, la majorité de la population, l’Église attendait que l’État prit à son égard un parti décisif et digne de tous deux. Fermer les yeux sur l’existence des chrétiens n’était plus possible : ils s’étaient fait trop large leur place au soleil. Affecter encore de ne voir dans l’Église que des associations de secours mutuels, des collèges de petites gens, paraissait désormais une fiction trop peu conforme à la réalité. Accorder même à la religion chrétienne une tolérance précaire et toujours révocable n’était qu’un expédient dilatoire, qui reculait la difficulté sans la résoudre : le nombre croissant des fidèles obligerait tût ou tard le pouvoir civil à y renoncer. Que resterait-il, un jour ou l’autre, probablement clans un avenir très prochain, sinon de travailler avec une suprême énergie à l’anéantissement du culte chrétien, au risque d’être vaincu soi-même dans cette dernière bataille ; ou d’accepter au contraire de bonne grâce les conquêtes du christianisme, de rendre définitive la solution éphémère tentée par l’impuissant Gallien, et de mettre fin pour jamais à des luttes qui avaient grandi les victimes et déshonoré les bourreaux ? Deux fois dans son long règne Dioclétien examinera cette alternative, et deux fois il décidera différemment. En 285, au lendemain de son élection, il n’a encore adopté aucune ligne de conduite, même provisoire. On le voit tolérer près de lui quelques chrétiens, tout en faisant ou laissant faire contre d’autres l’application cruelle des lois existantes. Plusieurs documents hagiographiques supposent que Dioclétien vint à Rome dans les premiers mois qui suivirent la défaite de Carinus[1]. Cette assertion est vraisemblable, malgré le silence des historiens profanes. Le nouveau souverain devait avoir hâte de paraître clans la ville où avait résidé son prédécesseur, et qui était encore pleine du bruit des fêtes que celui-ci avait données. Il était certain, d’ailleurs, d’être bien accueilli, sinon par le peuple, que Carinus avait amusé et flatté, du moins par les sénateurs et tous les grands, cruellement maltraités sous le règne de ce tyran. Le sénat, qui avait régi l’Empire après la mort d’Aurélien, qui avait élu Tacite et pensé régner sous son nom, possédait encore, à la fin du troisième siècle, une influence réelle : la dédaigner n’eût pas été d’un habite politique. Dioclétien voulut sans doute faire hommage de son pouvoir à la haute assemblée, et lui en demander la confirmation ; démarche habile de la part d’un prince qui, appelé par ses goûts comme par ses intérêts à résider surtout en Orient, avait besoin de trouver, en Occident, l’appui moral que seul, à cette époque, le sénat pouvait lui offrir. Pendant ce séjour à Rome, Dioclétien parait avoir eu près de lui des officiers et des serviteurs chrétiens. Les adorateurs du Christ étaient nombreux depuis longtemps parmi les prétoriens[2] ; le chef de la première cohorte de cette redoutable milice[3], Sébastien, faisait profession d’une piété fervente : il avait, dit-on, soutenu la foi de fidèles persécutés avec tous les gens de bien par Carinus. Les divers services de la domesticité impériale au Palatin comptaient aussi beaucoup de chrétiens : la foi s’était implantée dans la maison de César dès le règne de Néron[4], et depuis ce temps n’avait cessé de s’y propager : on se rappelle qu’au milieu du troisième siècle le palais impérial avait pu être comparé à une église. Entre tous les fidèles qui y servaient au moment où Dioclétien visita pour la première fois la, ville éternelle, le zétaire Castulus était cité pour l’ardeur de son zèle évangélique[5]. Des traditions malheureusement confuses semblent indiquer que ce zèle eut lieu de s’exercer au commencement du nouveau règne, et que la persécution commencée à Rome sous Carinus ne s’arrêta pas tout de suite après la mort de cet empereur[6]. On parle de fidèles encore inquiétés[7], de chrétiens de Rome se réfugiant en Campanie dans les domaines d’un riche converti[8], d’autres se rassemblant en secret dans l’appartement occupé par Castulus à l’un des étages supérieurs du Palatin[9]. Peut-être le pape Caïus[10] fut-il à ce moment l’objet de quelque menace, et jugea-t-il prudent de se cacher pour un temps dans les profondeurs du cimetière de Calliste[11], ou plus probablement dans quelqu’un des édifices bétis au-dessus de ses cryptes[12] : le nom de confesseur lui est demeuré[13], et la vénération dont plus tard sera entouré son tombeau[14] montre qu’il eut droit h ce titre, bien que mort avant la persécution générale. De cet état violent et passager un seul épisode est connut avec des détails précis et suffisamment surs : c’est le martyre du mime saint Genès[15]. Comme beaucoup de ses prédécesseurs[16], Dioclétien se plaisait aux représentations des mimes ; son esprit, imbu contre le christianisme de préjugés qui se dissiperont bientôt, — pour se reformer plus tard, hélas ! en une nuée plus épaisse, — aimait, dans les premiers temps de son règne, à voir ces histrions tourner en ridicule les dogmes et les cérémonies d’une religion dont il ne comprenait pas la grandeur. La farce romaine, sous quelqu’une de ses formes, atellane, mime ou pantomime, avait souvent bafoué sans nulle retenue les dieux de l’Olympe[17] : plus volontiers encore elle prenait la religion ou les mœurs chrétiennes pour sujet de ses grossières facéties. C’est ce que fit le chef d’une troupe de mimes[18], Genès, lorsque, appelé à jouer devant l’empereur, il annonça une pièce mêlée de chants, où seraient parodiés la conversion, le baptême, le martyre d’un fidèle. Au début de la pièce, on voyait Genès étendu sur un lit, feignant d’être malade. Il demandait le baptême. Eh ! les amis, criait-il, je me sens lourd, je veux devenir léger. Le chœur, qui jouait un grand rôle dans ces représentations[19], répondait : Et comment te rendrons-nous léger ? Sommes-nous des charpentiers et devrons-nous te passer au rabot ? Cette plaisanterie, dont le sel nous semble bien fade, amusa fort les spectateurs : sans doute ils y virent une allusion au métier manuel exercé par Jésus et par Joseph. Insensés ! reprenait Genès, je désire mourir chrétien. — Et pourquoi ? — Afin de fuir aujourd’hui dans le sein de Dieu. Deux mimes s’approchent pour imiter le prêtre et l’exorciste[20]. A ce moment se produisit clans l’âme de Genès une de ces soudaines révolutions, qui ne sont pas rares en ce temps de violentes commotions morales. L’acteur avait été élevé par des parents chrétiens : leurs enseignements, leurs vertus lui revinrent en mémoire. Il se sentit vaincu par la grâce. Quand les deux comédiens, assis près de son lit, lui demandèrent : Pourquoi nous as-tu appelés, mon fils ? ce fut sincèrement qu’il répondit, comme à de vrais ministres des autels : Parce que je désire recevoir la grâce du Christ, et, régénéré par elle, être délivré des ruines causées par mes iniquités. La cérémonie du baptême s’accomplit : l’eau coula sur le front et les membres de l’acteur, on le revêtit de la robe blanche des néophytes. La farce se continue, ou plutôt l’étrange scène se poursuit, sérieuse maintenant de la part de Genès, feinte pour tous les autres. Après l’acte du baptême vint l’acte du martyre. Des mimes s’avancent, costumés en soldats. Le nouveau chrétien est conduit sur le devant du théâtre, comme pour le présenter à l’empereur. Mais un incident imprévu se produit. Genès prend la parole. De même que, trois siècles auparavant, cet autre mime, à la fois auteur et acteur, qui, déposant son personnage imaginaire, s’adressa pour son propre compte à César et au peuple[21], Genès raconte, lui aussi, sa propre histoire : plus heureux cependant que Laberius, ce n’est pas un anneau d’or et la réintégration dans le rang de chevalier[22], c’est la gloire éternelle qui paiera son courageux discours. Empereur, dit-il, soldats, philosophes, peuple de cette ville, j’avais horreur des chrétiens, et j’insultais ceux qui s’avouaient tels. A cause du Christ j’ai détesté mes parents et tous mes proches : je me moquais tellement de ses disciples, que j’étudiais avec soin leurs mystères, afin de les tourner devant vous en ridicule. Mais dès que l’eau baptismale eut touché ma chair, et qu’aux interrogations j’eus répondu : Je crois, je vis une main s’abaisser du ciel sur moi[23] : des anges radieux planaient au-dessus de ma tète, ils lisaient dans un livre les péchés que j’ai commis depuis mon enfance, puis les effaçaient avec l’eau, et me montraient la page devenue blanche comme la neige[24]. Et maintenant, glorieux empereur, peuple qui avez ri avec moi de ces mystères, croyez avec moi que le Christ est le vrai Seigneur, et qu’en lui sont la lumière, la vie, la piété, afin qu’en lui vous puissiez aussi obtenir le pardon. La liberté extraordinaire qu’osait prendre le mime, l’audace de ce langage, indignèrent Dioclétien : il fit en sa présence fouetter Genès, puis le livra au préfet Plautien[25]. Celui-ci somma l’acteur de sacrifier aux dieux, et, pour l’y contraindre, le mit à la torture. Mais ni le chevalet, ni les ongles de fer, ni les torches ardentes ne changèrent la résolution du nouveau chrétien, qui ne cessait de confesser le Christ, s’accusant de l’avoir si longtemps méconnu. Plautien le fit alors décapiter, le 25 août[26]. Le choix de ce supplice semble montrer dans Genès un homme de condition honorable, jeté par la misère ou le goût du théâtre dans une profession pour laquelle il n’était point né[27]. De pareils exemples ne sont pas rares dans l’antiquité romaine : nous avons tout à l’heure fait allusion à l’un des plus célèbres. Dioclétien ne demeura probablement que peu de mois à Rome. Il paraît s’être fixé dès l’hiver de 285 à Nicomédie[28]. Des rivages de la mer de Marmara il pouvait surveiller à la fois le Tigre, le bas Danube et l’Euxin, par où entraient les envahisseurs de races diverses, attirés parles provinces d’Asie si riches quoi que, si souvent pillées. Métropole de la Bithynie[29], cité assez opulente pour avoir sous Trajan dépensé en travaux publics plus de trente millions de sesterces[30], Nicomédie était aussi in ardent foyer de paganisme : un des premiers temples dédiés à Auguste vivant s’était élevé dans ses murs[31], et servait encore de siège aux députés de la communauté d’Asie, de centre à leurs fêtes[32] ; elle portait le titre de deux fois néocore, ville sainte, lieu d’asile[33]. A la dévotion officielle les habitants de Nicomédie joignaient une superstition opiniâtre : jusqu’au troisième siècle ils avaient conservé sur leurs monnaies l’image du dieu inventé par Alexandre d’Abonotique, le serpent Glycon[34] ; au siècle suivant l’exercice de la divination et de la magie y sera encore florissant[35]. Un tel milieu était favorable au fanatisme, et contribuera peut-être à l’éclosion des idées persécutrices qui ensanglanteront la fin du règne de Dioclétien. Mais, au moment où il s’établit à. Nicomédie, d’autres pensées occupaient son esprit. Il y avait longtemps que les politiques sensés trouvaient
l’Empire trop’ vaste pour être gouverné par une seule tête, et surtout
jugeaient ses frontières trop nombreuses et trop menacées pour être défendues
par une seule épée. Dès le milieu du troisième siècle, Valérien avait senti
qu’un pouvoir unique devenait inégal à régir et à protéger ce grand corps :
aussi, près d’aller combattre et périr en Orient, avait-il laissé l’Occident
à son fils Gallien. La démonstration commencée alors s’était pour ainsi dire
achevée d’elle-même : après la chute de Valérien, on avait vu le monde romain
se diviser, afin d’opposer aux Barbares de l’est comme à ceux de l’ouest un
front toujours armé. L’énergique mais aveugle politique d’Aurélien avait
arrêté ce mouvement et rétabli par la violence une factice unité. Cependant
Carus, en confiant Officier de fortune comme Dioclétien, et comme lui sans naissance, sans éducation, sans lettres[38], Maximien avait de plus que lui l’activité militaire, l’énergie du commandement[39] : il n’oublia jamais sous la pourpre l’amitié qui, dans les camps, l’avait uni à Dioclétien et la reconnaissance due à l’homme qui avait fait sa fortune : toute sa carrière le montre loyal et fidèle. Mais de grands vices jettent une ombre sur ces qualités : Maximien, licencieux jusqu’à la débauche[40], avare et dissipateur tout ensemble[41], était naturellement cruel ; il prenait plaisir à verser le sang[42]. Dioclétien fera faire quelquefois à ce rude soldat de cruelles besognes, auxquelles, par calcul autant que par tempérament, lui-même se jugeait impropre[43]. Un tel choix ‘n’était pas pour relever le pouvoir souverain clans l’esprit des peuples ; cependant, dès la nomination du nouvel Auguste, Dioclétien laissa deviner la transformation que sa politique fera subir par degrés à la dignité impériale. Sept ans auparavant, Probus recevait, dit-on, les ambassadeurs du roi de Perse assis à terre dans son camp et mangeant comme un soldat un morceau de lard salé[44] ; mais cette simplicité républicaine ne suffisait plus à Dioclétien. Dans sa pensée, le pouvoir de l’empereur romain est trop fragile et trop menacé pour que celui-ci puisse impunément se contenter d’être le premier des magistrats et le premier des généraux. Il faut qu’un rayon du ciel tombe désormais sur le souverain et le rende inviolable en le transfigurant aux yeux des peuples ; sa robe de pourpre devra devenir le manteau de l’immortel Zeus[45]. Aussi, bien que personnellement peu dévot aux vieilles divinités de Rome, Dioclétien, lorsqu’il éleva Maximien à l’empire, prit-il pour lui-même le nom de Jupiter et donna-t-il à son collègue celui d’Hercule, que nous lui conserverons dans la suite du récit[46]. De graves nouvelles arrivées de Gaule avaient peut-être
hâté le choix de Dioclétien[47]. Dans ce pays
venait d’éclater une révolte de paysans, excitée à la fois par les
usurpations des riches et les exactions du fisc. Déjà, quelques années
auparavant, un rhéteur gallo-romain avait traduit en phrases d’une extrême
énergie les colères qui grondaient dans le cœur des prolétaires ruraux. D’un
côté, l’extension démesurée. des grandes propriétés submergeait en beaucoup
de lieux, comme une marée montante, les petits champs voisins ; de l’autre,
le fisc, levant l’impôt à l’aide du .fouet et de la torture, achevait la
misère des paysans[48]. Ceux-ci
cherchaient un refuge dans les opulents domaines qui s’étaient formés des
débris de la petite propriété : colons, ils se mêlaient aux esclaves et aux
serfs, et, attachés comme eux à la glèbe, finissaient par perdre les derniers
privilèges de l’homme libre[49]. Accablés de
prestations et de corvées, payant pour eux-mêmes, payant souvent pour le
propriétaire du sol[50], ces malheureux
finirent par ne plus prendre conseil que de leur désespoir. On nous pousse aux armes ; désormais, nous n’aurons plus d’autre
loi que notre colère : et, quelles que soient les forces de nos adversaires,
nous sommés aussi forts qu’eux, si nous ne tenons pas à la vie[51]. Ainsi se
formèrent sur divers points de Pour conduire et discipliner une telle armée, il fallait des chefs : deux hommes se rencontrèrent, qui se mirent à sa tête, et prirent même le titre d’Augustes. Ces empereurs, des esclaves et des paysans s’appelaient Ælianus et Amandus. On a prétendu qu’ils étaient chrétiens : une Vie de saint, écrite au septième siècle[59], dit même que ceux qui leur obéissaient s’étaient soulevés en haine du paganisme, et refusaient de se soumettre aux adorateurs des dieux. Il semble qu’au temps où cette légende fut rédigée, une tradition, dont il est impossible de découvrir l’origine, représentait l’insurrection des Bagaudes comme une révolte chrétienne. Rien, cependant, n’est moins fondé qu’une telle opinion. M. Duruy dit fort justement : Les chefs de brigands sont souvent populaires : la guerre qu’ils font aux riches semble aux pauvres des représailles légitimes. Les Bagaudes restèrent dans la mémoire du peuple comme les défenseurs des malheureux[60]. De là à en faire des chrétiens la distance n’était pas grande : l’imagination native du septième siècle la franchit sans peine. Qu’il y ait eu, mêlés aux paysans insurgés, quelques chrétiens, cela ne parait pas impossible : tous n’étaient pas des saints, quelques-uns étaient poursuivis par des créanciers ou par le fisc[61], et plusieurs de ces malheureux purent chercher un refuge dans le camp des rebelles, comme on avait vu, sous Valérien, des chrétiens faire cause commune avec les Barbares qui ravageaient la province du Pont[62]. Mais on ne saurait étendre au corps entier ce qui fut la faute d’un petit nombre d’individus seulement. Les chrétiens pris en masse n’ont jamais transgressé le devoir d’obéissance aux lois enseigné par l’Évangile et imposé par l’Église[63]. A cette observation générale j’ajouterai deux arguments, qui me paraissent décisifs. En 286, époque de la guerre des Bagaudes, les fidèles des Gaules n’étaient molestés nulle part : depuis 275, date de la mort d’Aurélien, ils jouissaient d’une paix complète. Comment auraient-ils choisi un tel moment pour se révolter, eux qui restèrent patients et soumis au milieu des plus dures épreuves des persécutions ? De plus, la révolte des Bagaudes fut essentiellement une révolte de pâtres et de paysans. Mamertin[64], Eutrope[65], Orose[66], Eusèbe, saint Jérôme[67], le disent en termes formels. Or le christianisme, très répandu dans les villes à la fin du troisième siècle, était à peu près inconnu dans les campagnes gauloises[68], que saint Martin, au siècle suivant, trouvera encore toutes païennes, attachées même avec un fanatisme sauvage au culte de leurs dieux[69]. Une insurrection dont tous les éléments furent pris dans la population rurale ne peut avoir eu pour mobile la haine du paganisme et la défense de la religion chrétienne[70]. Si quelque symbole religieux parut sur ses drapeaux, ce fut celui des vieilles divinités celtiques[71]. Chargé par Dioclétien de dompter cette redoutable révolte,
Hercule se hâta de quitter Nicomédie : par les provinces danubiennes, il
gagna le nord de l’Italie. La route traversait Aquilée : on dit que, de
concert avec le correcteur de Un des premiers soins d’Hercule fut la formation d’un
corps expéditionnaire, capable de lutter contre la multitude insurgée. Quand toutes ses troupes eurent été rassemblées, Hercule
se mit en route, au mois de septembre. Il se dirigea vers Parmi les troupes campées dans la vallée d’Agaune se
trouvait un détachement auquel la postérité a conservé le nom de légion, mais qui semble avoir été soit une vexillatio[86] empruntée à la
légion d’Égypte[87],
soit plus probablement une cohorte auxiliaire[88], composée de
cavaliers et de fantassins, choisie parmi celles qui gardaient l’extrême
frontière méridionale de Hercule venait d’ordonner à toute l’armée de se concentrer
à Octodure, pour prendre part, avec lui, à un sacrifice solennel destiné à
appeler la faveur des dieux sur l’expédition périlleuse qu’on allait
entreprendre. Dans les grands dangers publics, d’extraordinaires
démonstrations religieuses furent quelquefois accomplies. C’est ainsi que, en
de nombreuses circonstances, le sénat fit faire des supplications pour la
patrie menacée[92].
Vingt-six ans avant les événements que nous racontons, quand les Marcomans
eurent envahi l’Italie, Aurélien contraignit les sénateurs à ouvrir, malgré
leur répugnance, les livres sibyllins : un amburbium
solennel eut lieu, et l’on offrit même, semble-t-il, des sacrifices humains[93]. Parfois c’est
aux armées, en face de l’ennemi, que l’on recourait à des moyens inusités de
conjurer la colère des dieux. Dans la guerre des Quades, Marc Aurèle, après
avoir consulté le serpent Glycon, présida lui-même à des sacrifices offerts
devant les légions, sur les bords du Danube : deux lions vivants furent jetés
dans le fleuve[94].
Telles étaient les superstitions dont, en de rares circonstances, les soldats
furent rendus témoins et complices. On croira sans peine que le grossier
Maximien, né dans Aussi, les Thébéens refusèrent-ils d’accomplir les ordres d’Hercule, et non seulement de participer au sacrifice, mais même de prêter le serment. Au lieu de se mettre en marche vers Octodure, ils demeurèrent à Agaune. Dès, que l’empereur connut leur désobéissance, il fut saisi d’une violente colère. Probablement il vit dans le refus des Thébéens autre chose qu’une résolution inspirée par ta conscience : de bonne foi il put se figurer d’abord que ceux-ci faisaient alliance avec les rebelles. La docilité avec laquelle ils se soumirent au châtiment dut le détromper bientôt, sans toucher son âme farouche. Recourant tout de suite à la plus terrible des peines inscrites dans le code militaire, Hercule commanda de décimer les Thébéens[96]. On sait comment cette peine s’exécutait. En présence du reste de l’armée comparaissaient les soldats coupables de désobéissance ou de désertion[97]. On tirait au sort, et chaque dixième, après avoir été battu de verges, était décapité devant ses camarades[98]. Mais, l’exécution accomplie, les survivants ne se montrèrent pas plus traitables. Mis de nouveau, en demeure de suivre l’injonction sacrilège du tyran, les Thébéens protestèrent de leur attachement au Christ et de leur résolution de ne rien faire contre sa loi. Hercule les fit décimer une seconde fois[99]. Trois officiers soutenaient par leurs exhortations le courage de ces soldats chrétiens : c’étaient Maurice, Exupère et Candide[100]. Sommés une dernière fois de se soumettre, les Thébéens, dociles aux conseils de ces généreux chefs, refusèrent unanimement de trahir leur Dieu. On leur fait tenir un admirable langage, qui traduit bien, sinon leurs paroles exactes, du moins les sentiments dont ils étaient animés. Nous avons vu égorger les compagnons de nos labeurs et de nos périls ; nous avons été couverts de leur sang. Cependant nous n’avons point pleuré la mort de ces très saints camarades ; nous les avons estimés heureux de souffrir pour Dieu. Et maintenant, même l’extrême danger ne fait pas de nous des rebelles : le désespoir ne nous arme pas contre toi, ô empereur ! Nos mains tiennent des armes, et nous ne résistons pas ; nous aimons mieux mourir que tuer, mourir innocents que vivre coupables. Tout ce que tu ordonneras contre nous, le feu, les tourments, le glaive, nous sommes prêts à le souffrir[101]. Les Thébéens devinaient le sort qui les attendait. La violence d’Hercule était connue : on le savait cruel par goût autant que par politique ; et Dioclétien lui-même le comparait à Aurélien, dont la dureté pour les soldats restait célèbre[102]. Maximien n’ordonna pas de décimer une troisième fois les héros chrétiens ; il commanda de massacrer la troupe entière. On vit ces soldats frappés à coups d’épée, sans se défendre ; déposant leurs armes, jetant casque, bouclier, cuirasse, pour offrir leur gorge et leur poitrine au glaive des exécuteurs. Ni le nombre ni les armes ne leur inspirèrent la pensée de venger par le fer la justice de leur cause : ils se souvinrent seulement qu’ils représentaient Celui qui se laissa mener à la mort sans protester, l’agneau divin qui n’ouvrit pas la bouche pour se plaindre. Brebis du Seigneur, ils se laissèrent déchirer par les loups. La plaine fut bientôt couverte des cadavres des saints, et leur sang ruissela sur le sol[103]. On dit que quelques-uns, ayant pu s’échapper, furent rejoints et immolés en diverses villes ; mais deus seulement sont connus avec certitude, Ursus et Victor, tués à Soleure[104]. Un émouvant épisode marqua, dans la plaine d’Agaune, la fin du massacre. Les exécuteurs venaient de se partager les dépouilles de leurs camarades égorgés. Ces dépouilles (pannicularia), abandonnées aux bourreaux par d’anciennes lois contre lesquelles la jurisprudence essaya vainement de réagir, consistaient, aux termes d’un rescrit d’Hadrien, dans les objets trouvés sur les corps des condamnés : vêtements, bourses, anneaux, etc.[105] On se rappelle les soldats jouant aux dés, sur le Calvaire, la robe sans couture du Sauveur[106]. Hadrien refuse aux exécuteurs le droit de s’approprier les objets plus précieux laissés par les victimes, pierres fines, obligations de sommes d’argent[107]. Mais, dans ces tueries en masse, de telles règles étaient probablement oubliées, et les soldats avaient ou prenaient la permission de faire main basse sur toute espèce de dépouilles. Il ne fallait pas moins, peut-être, pour leur donner le courage d’accomplir une horrible besogne. Après le massacre des Thébéens, les exécuteurs, joyeux du butin qu’ils avaient recueilli, s’assirent par groupes et commencèrent un bruyant repas. A ce moment, un vétéran, nommé Victor, retiré du service militaire[108], fut amené par les hasards d’un voyage au lieu où s’était passée la scène sanglante, remplacée maintenant par l’orgie. Les soldats l’engagèrent à manger avec eux ; mais il se retira plein d’horreur. Ivres de sang et de colère, les meurtriers le poursuivirent, lui demandant s’il était chrétien. Je le suis, et le serai toujours, répondit le vétéran. Aussitôt l’on se jeta sur lui : et le cadavre d’un nouveau martyr tomba près de ceux qui couvraient déjà la plaine ensanglantée[109]. Après ces cruelles exécutions, Hercule entra en Gaule, où
il ne trouva pas les difficultés auxquelles il s’était attendu. Poussant
devant lui les bandes insurgées, les battant en détail, il atteignit enfin le
camp où le gros de leur armée s’était retranché, dans la presqu’île formée
par Des Actes de rédaction tardive et souvent gâtée par la
légende, mais dont l’accord et le rapprochement méritent cependant l’attention,
montrent l’empereur et ses lieutenants versant en plusieurs villes le sang
des fidèles. De nouveaux édits n’étaient pas nécessaires : celui d’Aurélien n’avait
pas été abrogé ; pour le faire revivre il suffisait d’une dénonciation
particulière, d’un incident local : les circonstances politiques s’y
prêtaient facilement. Aussi voyons-nous le magistrat chargé, apparemment
comme légat de Les documents hagiographiques ont conservé le souvenir d’un
magistrat plus cruel encore, Rictius Varus. Si ce n’est pas un personnage
tout à fait légendaire[116], son nom, mal
latinisé, est probablement celui d’un de ces Barbares qui, pendant tout l’Empire,
et surtout à partir du milieu du troisième siècle, servirent dans les armées
et à la cour des empereurs. Sous Valérien, on trouve dans les premières
charges militaires. Hartmund, Haldegast, Hildemund et Cariovise[117] ; Gallien
engage à son service le chef des Hérules, Naulobat, et le fait consul[118]. Sous Maximien
Hercule, Rictiovare put aisément s’élever jusqu’à la dignité de légat
impérial de la Belgique[119]. En cette
qualité, il nous est montré parcourant pendant au moins deux années les
principales villes de cette vaste province, et, au cours de ses tournées
officielles, condamnant des chrétiens : à Amiens, Fuscien et Victoric[120] ; à Augusta
Vermanduorum, l’évêque dont elle prendra le nom, Quentin[121] ; à Soissons,
Crépin et Crépinien[122] ; dans la même
ville, Rufin et Valère[123] ; à Reims, de
nombreux martyrs anonymes[124] ; à Fismes,
près de Reims, Macra[125] ; peut-être
Lucien, à Beauvais[126] ; probablement
Piaton, à Tournai[127]. On pourrait
admettre qu’en Les seuls martyrs de Maximien demeura dans les Gaules pendant six années,
occupé à préparer une expédition contre son ancien lieutenant Carausius, et
surtout à repousser les Alemans, les Burgondes et les Francs. Il eut pour,
résidence habituelle Trèves, l’ancienne capitale de Posthume : c’est là qu’au
ter janvier 288, prenant possession de son second consulat, on le vit tout à
coup en dépouiller les ornements, sauter à cheval et repousser une attaque
des Barbares ; c’est là que deux fois le rhéteur Mamertin prononça son
panégyrique ; c’est autour de Trèves qu’il établit des colons Lètes et
Francs. Mais il semble qu’avant de se fixer dans cette Rome du Nord, dans
cette ville auguste, comme on l’appellera
bientôt[141],
Hercule ait visité la région méridionale de Bien que déchue de son ancienne splendeur, Marseille
occupait dans Comme tous les grands ports de l’antiquité, Marseille
était aussi une ville dévote. Les voyageurs venus de tous les pays, et
particulièrement des contrées orientales, y avaient apporté leurs religions ;
près des dieux grecs florissait le culte des divinités étrangères. Le
christianisme, répandu dès les premiers temps sur les tûtes de Celui-ci, voulant faire tin exemple, commanda de lier Victor et de le traîner à travers les rues de la ville. En d’autres lieux, le peuple, devenu indifférent ou même sympathique aux chrétiens[162], avait cessé de manifester contre eux de la haine : mais, dans cette ville pleine de fanatiques, les vieilles passions duraient encore : ce fut au milieu des coups et des outrages que le martyr subit cette première épreuve[163]. Sa résolution n’en fut pas ébranlée : ramené devant les préfets, il confessa le Christ[164]. Les magistrats se disputèrent, dit-on, au sujet des tortures à lui infliger : l’un d’eux, Eutychius, se retira ; Asterius, demeuré seul, livra le soldat chrétien aux coups des licteurs[165]. L’auteur des Actes raconte qu’à ce moment Jésus apparut au patient pour l’encourager. Dans la prison, où il reçut de nouveau la visite céleste, Victor convertit trois soldats, Alexandre, Longin et Félicien, qui reçurent aussitôt le baptême[166]. Par l’ordre du grand dragon Maximien[167], il fut conduit avec les néophytes au forum ; le peuple y courut en foule. On commanda à Victor de ramener au culte des dieux ceux qu’il en avait détournés : L’édifice que j’ai bâti, je ne le détruirai pas, répondit-il. Les trois soldats persistèrent dans leur nouvelle foi, et furent décapités. Victor, après avoir subi le chevalet, fut encore une fois mis en prison. Après trois jours, il comparut de nouveau devant Hercule. Celui-ci voulut le contraindre à sacrifier. Un prêtre s’approcha, tenant dans la main un autel. Offre de l’encens, apaise Jupiter, et sois notre ami, dit l’empereur. Mais, saisi d’une soudaine indignation, Victor arrache l’autel des mains du prêtre, le jette à terre et pose sur lui le pied[168]. Hercule commanda de couper ce pied sacrilège, puis, inventant un supplice horrible, fit conduire Victor aux pistrines publiques, où son corps, froment choisi de Dieu, fut à demi broyé sous la meule. Comme il respirait encore, on lui trancha la tête. Les restes des martyrs, jetés à la mer, furent recueillis par les chrétiens, qui creusèrent dans un rocher une crypte pour les recevoir. Ces cruautés, exercées par Maximien Hercule en personne ou
par des gouverneurs dociles à son impulsion, cessèrent probablement quand il
se fut fixé à Trèves, tournant tous ses regards vers l’Angleterre, où régnait
Carausius, et le Rhin, que franchissaient sans cesse les Germains. Aussi
peut-on supposer que, deux ans après qu’il eut passé les Alpes, la condition
des chrétiens s’améliora dans II. — Les Églises, le néo-paganisme et la philosophie.Depuis la courte persécution d’Aurélien, l’Orient, plus heureux, n’avait point vu la paix troublée. C’est à peine si deux ou trois épisodes locaux, que nous avons racontés en leur temps[169], en avaient fait sentir la fragilité. Celle-ci même avait bientôt cessé d’être aperçue : presque partout, on s’était accoutumé à regarder comme définitif le repos dont on jouissait. Les deux sociétés, païenne et chrétienne, vivaient l’une auprès de l’autre, sans se mêler beaucoup, mais sans se heurter. Le christianisme, encore nouveau dans quelques parties de l’Occident, ne l’était plus dans aucune des provinces de la presqu’île asiatique. En Syrie, en Galatie, en Bithynie, en Phrygie, dans l’Asie proconsulaire, il datait de l’aurore même de la prédication évangélique. Ses dogmes, ses cérémonies, ses mœurs, n’étaient là pour personne une chose inconnue. Les païens n’avaient même plus sous les yeux le spectacle irritant de conversions en masse opérées par la parole enthousiaste et persuasive de quelque missionnaire. Ces contrées évangélisées de longue date avaient cessé d’être, comme nous dirions aujourd’hui, des pays de mission : l’Église y avait la vie forte et traditionnelle d’une institution plusieurs fois séculaire. D’innombrables familles lui appartenaient depuis maintes générations : le mouvement qui faisait entrer dans son sein de nouveaux prosélytes s’opérait maintenant d’une façon régulière, insensible, comme une marée qui monte, non comme une inondation qui se précipite. Le mot de Tertullien : Fiunt, non nascuntur christiani[170], avait depuis longtemps cessé d’être vrai en Orient : la population chrétienne s’y recrutait d’elle-même, par sa fécondité propre ; plus elle devenait nombreuse, plus elle attirait, en vertu d’une loi naturelle, les âmes hésitantes, partagées entre les charmes de la nouvelle foi et la peur de l’inconnu. Comme on avait de moins en moins à craindre de se singulariser en devenant chrétien, on cédait plus facilement aux touches délicates de la grâce ou au généreux entraînement dé l’exemple. Il n’était pour ainsi dire pas de ville dans l’Empire romain, où les fidèles ne formassent une minorité compacte, disciplinée, puissante par le nombre comme par l’autorité morale : en quelques cités même, la majorité paraissait leur appartenir déjà[171]. Mais, tandis qu’en Occident les populations urbaines comptaient presque seules des fidèles, le christianisme était, en Asie, aussi répandu clans les campagnes que clans les villes[172]. Sans doute, la proportion numérique des sectateurs des deux cultes variait suivant les lieus : même en plein quatrième siècle, le paganisme sera dominant en certaines parties de l’Asie[173], alors qu’en d’autres il aura : presque disparu : à plus forte raison, ces différences locales étaient sensibles sous Dioclétien. Cependant, si l’on se contente d’une appréciation générale, où il entre nécessairement une grande part d’inconnu, on ne se trompera peut-être pas en estimant que, dans les provinces orientales de l’Empire, les chrétiens formaient, à cette époque, entre le dixième et le cinquième des habitants[174]. Les historiens évaluent à cent millions la population totale de l’Empire[175] : l’Asie romaine, alors très peuplée, en comprenait probablement le tiers, ce qui donne, pour cette région, de trois à six millions de chrétiens environ. Loin de mettre obstacle à la paix religieuse, la venue de Dioclétien en Asie contribua plutôt à la consolider et à l’étendre. Les sentiments défavorables aux chrétiens, qu’il avait montrés à Rome et que combattaient peut-être déjà des influences domestiques, cédèrent promptement à l’action bienfaisante d’un milieu nouveau. Le séjour de la superstitieuse Nicomédie ne suffit pas à entretenir ou à réveiller en lui le fanatisme. Des contacts plus intimes et plus doux achevèrent d’incliner son âme à la tolérance. Il ne parait pas douteux que sa femme Prisca et sa fille Valeria aient été soit chrétiennes complètes, soit au moins catéchumènes[176]. Bien que nul document n’indique l’époque de leur conversion, on peut la reporter avec vraisemblance au temps de l’établissement définitif de Dioclétien en Orient. Peut-être est-elle due à quelqu’un de ces serviteurs chrétiens que l’histoire nous montre aussi nombreux pour le moins dans le palais impérial de Nicomédie que dans celui de Rome. Eusèbe rapporte que Dioclétien les aima comme ses propres enfants[177]. Que dirai-je, ajoute-t-il, de ceux de nos coreligionnaires qui servaient dans le palais ? A eux, à leurs femmes, à leurs enfants, à leurs esclaves, on laissait la faculté de suivre ouvertement leur religion : libres de se glorifier de leur foi, ils étaient préférés par le souverain à tous ses autres serviteurs. Parmi eux fut Dorothée, qui montra tant de bienveillance à nos frères, et pour cette cause mérita d’être élevé en dignité au-dessus de tous les magistrats et de tous les gouverneurs de provinces[178]. On doit lui joindre le célèbre Gorgonius, et tant d’autres qui, dociles à la parole de Dieu, partagèrent leur gloire[179]. Un de ceux-ci, Pierre, est nommé ailleurs par l’historien[180] : il était, comme les précédents, au nombre des intimes serviteurs du prince, eunuques ou cubiculaires[181], qui, dans une cour déjà façonnée à l’étiquette orientale, approchaient seuls la divine personne du maître, et obtenaient quelquefois, à ce titre, un pouvoir ou des honneurs supérieurs à ceux des plus hauts magistrats[182]. La faveur de Dioclétien ne s’arrêtait pas aux chrétiens du palais impérial : elle s’étendait à ceux des fidèles qui voulaient servir l’État dans les charges publiques. Les fidèles s’en abstenaient ordinairement, parce qu’à l’exercice des magistratures étaient presque toujours attachées des obligations contraires à leur conscience : offrir des sacrifices, donner des jeux, par conséquent renier le Christ soit dans sa religion, soit dans sa morale[183]. Mais toutes les fois que des empereurs tolérants avaient permis à ceux que leur naissance appelait aux honneurs de s’abstenir de ces accessoires de leur charge, et d’en remplir seulement les devoirs essentiels, on les avait vus accepter avec joie l’occasion de se rendre utiles au public. Quelques exagérés, souvent plus voisins des sectes hérétiques que de l’Église orthodoxe, persistaient seuls dans une abstention systématique : la grande masse des chrétiens, docile à l’enseignement modéré de ses chefs, ne les suivait pas dans cette voie fausse. Aussi les vrais fidèles s’empressèrent-ils de mettre à profit les bienveillantes dispositions de Dioclétien. Celui-ci nomma au gouvernement de plusieurs provinces des chrétiens déclarés, en les dispensant des sacrifices[184], comme s’en dispensaient déjà, sous ses yeux mêmes, sa femme et sa fille[185]. Eusèbe nous fait connaître cieux de ces fonctionnaires, qui furent plus tard martyrs : Philorome, investi dans Alexandrie d’une charge élevée de l’administration impériale, et qui, d cause de sa dignité et de son rang parmi les Romains, rendait chaque jour la justice entouré de soldats[186] ; Adauctus, italien de naissance, ayant passé par toutes les charges de la cour, et obtenu celle d’intendant des finances et du domaine impérial, qu’il exerçait avec la réputation d’une grande intégrité[187]. L’aristocratie chrétienne des villes put aussi remplir, sans faire acte d’idolâtrie, des charges municipales, là du moins où ne dominait pas une intolérante majorité de païens. D’un concile tenu apparemment avant la dernière persécution, pendant la période de paix qui nous occupe[188], nous apprenons que, même en Occident, des fidèles eurent la dignité de flamines municipaux sans sacrifier et sans donner des jeux[189]. Cependant ces fonctions, exercées sous le regard des habitants d’une même ville, jaloux de leurs coutumes et de leurs pompes locales[190], pouvaient entraîner quelque concession apparente aux usages idolâtriques : il était difficile aux flamines de ne pas porter au moins la couronne des prêtres, insigne de leurs fonctions[191], aux duumvirs de ne pas veiller à l’entretien des temples et des théâtres[192] : l’Église les toléra néanmoins, en leur imposant de légères pénitences[193]. Mais dans certaines cités, surtout en Orient, cette indulgence ne fut pas nécessaire. Soit que la masse de la population y professât déjà le christianisme, soit que le gouverneur de la province fût lui-même chrétien, ou au moins très tolérant, on vit les charges municipales de plusieurs villes gérées par des fidèles, sans aucun compromis entre leurs fonctions et leur foi. Une ville de Phrygie avait tous ses magistrats chrétiens, le logiste, le stratège, les membres de la curie[194]. En Thrace, un des décurions d’Héraclée put même être diacre sans cesser de siéger dans l’assemblée municipale et d’entretenir des rapports amicaux avec les bureaux du gouverneur[195]. Telle était, dit Eusèbe[196], la grande bienveillance que les souverains montraient alors à notre religion. Cette bienveillance fut naturellement imitée par les officiers publics, surtout dans les régions où résidait l’empereur. Eusèbe, témoin oculaire, note les égards, le respect, les grands honneurs accordés à l’évêque de chaque Église par tous les magistrats et les gouverneurs[197]. Depuis longtemps déjà les évêques avaient été, par la force des choses, tirés de l’obscurité et de la retraite, pour prendre rang parmi les personnages principaux des cités. On se souvient de Gallien reconnaissant leur dignité et leur adressant nominativement des rescrits. On n’a pas oublié la grande place occupée par Paul de Samosate dans une cité aussi considérable qu’Antioche. En Espagne, des évêques comme saint Fructueux avaient gagné naguère l’affection des païens. Maintenant, les hommages officiels consacraient la situation acquise, et les gentils eux-mêmes s’accoutumaient à regarder avec respect des hommes auxquels les magistrats rendaient honneur. Les évêques se hâtèrent de mettre à profit ce moment favorable. Se croyant sûrs de l’avenir temporel, de leurs communautés, voyant leurs ressources accrues, leurs entreprises protégées, ils voulurent donner au culte chrétien la splendeur qui lui manquait encore. Une soudaine émulation s’empara d’eux, comparant aux beaux temples du paganisme les humbles édifices, cachés souvent dans les faubourgs, dont s’étaient jusqu’à ce jour contentés les chrétiens. il fallait d’ailleurs préparer des abris plus spacieux a leur multitude, chaque jour croissante à la faveur de la paix[198], et que les anciennes églises ne suffisaient plus à contenir[199]. Aussi vit-on non seulement celles-ci embellies et agrandies, mais de nombreux et vastes édifices chrétiens, neufs depuis les fondations, s’élever dans toutes les villes et prendre place parmi leurs monuments[200]. A Nicomédie, l’église principale, fort haute[201], fut construite sur une colline, en vue du palais impérial. Une des églises de Carthage, la basilica novorum, dont nous parlerons plus tard en racontant la persécution, fut probablement aussi bâtie à cette époque[202]. Au même temps remonte le canon du concile d’Illiberis prohibant dans les églises les peintures de tout ce qui est honoré et adoré[203] ; discipline rigoureuse et tout exceptionnelle, qui s’explique apparemment par des circonstances locales, mais fait supposer qu’en Espagne comme ailleurs on renouvelait alors et-on décorait les édifices sacrés. Il semble qu’on ressentit une fièvre de construction religieuse égale à celle qui agita certaines années du moyen âge, et que l’on ait pu dire dès lors, comme fera sept siècles plus tard un chroniqueur, que le monde se revêtait de la blanche robe des églises. Ce mouvement se fit sentir à Rome comme dans le reste de l’Empire[204]. Il n’est pas
douteux que, parmi les églises titulaires qu’on y comptait au cinquième
siècle, beaucoup n’aient été fondées avant la dernière persécution[205]. Probablement
lés plus anciennes furent agrandies ou même reconstruites pendant la paix
dont jouirent les fidèles après les orages qui, à Rome, les avaient agités au
début du règne de Dioclétien. Cependant, en cette capitale où le paganisme
étalait ses pompes officielles, où ses grands sacerdoces avaient leur siège,
où l’aristocratie lui restait presque entière attachée par intérêt et par
politique autant que par conviction, le chef de l’Église, malgré sa
suprématie reconnue de la puissance publique elle-même[206], ne pouvait
entretenir avec les sénateurs et les consuls des rapports analogues à ceux
qui s’étaient noués entre les autres évêques et les fonctionnaires des villes
de province[207].
Aussi l’expansion extérieure et pour ainsi dire monumentale du christianisme
paraît-elle s’être faite à Rome avec moins d’assurance qu’ailleurs. Au lieu
qu’en Orient Eusèbe montre les nouveaux sanctuaires chrétiens s’élevant au
centre même des villes[208], à Rome presque
toutes les églises titulaires occupent une zone relativement excentrique[209]. La partie
centrale, le cœur de la ville, où se trouvaient le Capitole, le Palatin, Aussi semblent-ils avoir porté surtout leur attention sur les catacombes, où l’un d’eux avait, dit-on, cherché naguère un refuge[212]. Ils profitent de la sécurité momentanément rendue aux chrétiens pour y faire de grands travaux. La nature même de ces travaux montre que ceux qui les ordonnèrent sentaient l’instabilité de la situation présente, et craignaient une persécution future. Avant la dernière moitié du troisième siècle, les assemblées liturgiques qui avaient lieu à certains jours dans les cimetières s’étaient surtout tenues dans les salles ou petites basiliques élevées à la surface du sol, entre les limites de l’enclos extérieur[213]. Après les édits seulement qui, violant le droit commun des sépultures, interdirent sous Valérien la fréquentation des cimetières chrétiens, les fidèles s’accoutumèrent à tenir secrètement des réunions dans leurs parties souterraines. L’architecture intérieure des catacombes commença de se transformer à partir de cette époque : les chambres funéraires s’agrandirent, prirent la forme de salles de réunion ou même de petites basiliques, afin de rendre possible la célébration des saints mystères devant un grand nombre d’assistants[214]. Les dernières années du troisième siècle furent employées à multiplier dans les catacombes ces chapelles souterraines : les papes semblent avoir songé dès lors au jour où non seulement les sanctuaires extérieurs des cimetières seraient de nouveau interdits, mais où même les églises de la ville ne pourraient plus être fréquentées. De là, dans la partie du cimetière de Calliste qui parait avoir été aménagée vers cette époque par une branche chrétienne de la gens Aurélia[215], l’excavation de vastes salles, recevant l’air et le jour par des luminaires[216], communiquant souvent entre elles par groupes de deux, trois ou même quatre[217], et pouvant contenir de nombreux fidèles[218] : l’une, creusée par les soins de l’archidiacre Severus, porte la date du pontificat de Marcellin, jussu papæ sui Marcellini[219]. Au cimetière Ostrien, sur la voie Nomentane, plusieurs cryptes, garnies d’une sorte de tribune où devaient être posés l’autel avec le siège du pontife, appartiennent à cette époque[220] : une inscription donne la date de 291[221]. La prévision des papes paraît avoir été plus loin encore : redoutant que les cimetières possédés en commun par l’Église romaine fussent, dans un jour prochain, l’objet d’une confiscation, ils paraissent avoir obtenu des possesseurs de l’antique hypogée connu sous le nom de Priscille, sur la voie Salaria, et demeuré propriété privée, l’autorisation de creuser des galeries et des chambres à l’étage inférieur[222] : ce travail, dont on admire les vastes proportions et la régularité extraordinaire, fut commencé en vue de préparer un nouvel asile aux sépultures des fidèles. On voit qu’à Rome l’autorité ecclésiastique ne s’endormait pas, et se tenait prête à tout événement. Ailleurs, il n’en était pas de même : une sécurité exagérée avait pénétré les âmes, et, comme il arriva plusieurs fois dans les premiers siècles[223], amolli les courages. Une messe latine contient une prière qui porte en elle sa date, et appartient à ces époques incertaines où le christianisme naissant flottait, pour ainsi dire, entre la paix et la persécution ; avant la récitation des diptyques renfermant les noms des martyrs, des confesseurs, des fidèles défunts, le prêtre demande à Dieu, si le repos sourit, de continuer à le servir, si la tentation survient, de ne pas le renier, si quies adridat, te colere, si temptatio ingruat, non negare[224]. Beaucoup d’Églises avaient oublié l’un et l’autre péril : se croyant assurées contre le retour de la tempête, elles s’abandonnaient aux douceurs de là paix, sans songer qu’il y a plusieurs manières de renier Dieu, et que dans la paix comme dans la tempête on lui peut devenir infidèle. Plusieurs canons du concile d’Illiberis montrent les abus qui, même en Occident, s’introduisaient dans les mœurs et la discipline. On y voit non seulement les vices que la morale chrétienne eut à réprimer dans tous les temps, mais encore les désordres particuliers aux époques de prospérité. Les mariages entre chrétiens et infidèles[225], les divorces[226], la cruauté envers les esclaves[227], la possession d’esclaves de luxe et de plaisir[228], l’usure[229], la délation[230], la diffamation publique[231], la négligence des offices chrétiens[232], la fréquentation des cérémonies païennes[233], les jeux de hasard[234], les sortilèges[235], sont reprochés au peuple et frappés de peines canoniques ; de plus, nous apprenons du concile que des vierges consacrées à Dieu oubliaient leurs engagements[236], que des évêques, des prêtres et des diacres menaient une vie scandaleuse[237], ou abandonnaient leurs églises pour fréquenter les marchés et faire le négoce[238], que des clercs prêtaient à intérêt[239]. Sans doute, de ce que des fautes sont énumérées et punies par les canons, il serait téméraire de conclure qu’elles étaient communes à tous, et autre chose que des exceptions[240] ; cependant le soin avec lequel elles sont ici notées montre que ces exceptions se produisaient quelquefois, et que les évêques réunis à Illiberis de tous les points de l’Espagne[241] sentaient la nécessité de guérir des maux qui menaçaient de s’étendre à leurs Églises, grâce au relâchement universel produit par la paix. Nous n’avons point pour l’Orient de documents aussi précis : mais plusieurs phrases d’Eusèbe, malheureusement trop oratoires, nous font connaître la situation des chrétiens dans ces contrées où leur sécurité paraissait encore plus grande. Même en taxant de quelque exagération[242] les paroles d’un contemporain plus frappé, comme il arrive souvent, du mal que du bien, plus empressé à condamner les fautes de ceux : qui manquaient à leurs devoirs qu’à, rappeler les vertus de tant d’autres qui demeuraient fidèles, on doit avouer que beaucoup d’Églises d’Orient étaient en décadence. La liberté dont elles jouissaient avait fait tomber leurs membres dans la négligence et la mollesse. De là étaient sorties les rivalités, les guerres intestines, où les paroles blessent comme des armes. On avait vu les évêques s’élever contre les évêques, les peuples contre les peuples... Sourds aux avertissements de la justice divine, les chrétiens semblaient croire avec les impies que les choses humaines vont au hasard, sans providence qui les conduise ; aussi multipliaient-ils tous les jours leurs crimes : les pasteurs, méprisant les règles de la religion, se déchiraient mutuellement : chacun voulait le pouvoir, pour en faire une tyrannie[243]. Eusèbe laisse dans l’ombre les désordres moraux, soit que les Églises d’Orient en eussent été heureusement préservées[244], soit que les divisions qui y régnaient et surtout les rivalités des chefs lui parussent le trait principal du triste tableau offert par ces Églises aux regards des chrétiens et des païens[245]. Les païens intelligents observaient avec soin ces défaillances, et s’efforçaient d’en profiter pour attirer les chrétiens douteux. On connaît l’évolution insensiblement accomplie par le polythéisme, et parvenue à son apogée dans la seconde moitié du troisième siècle. Ses forces dispersées jadis se sont concentrées en une sorte de monothéisme solaire, donnant satisfaction tout ensemble à la raison qui tend chaque jour davantage vers l’unité divine, et aux habitudes idolâtriques, qui veulent un Dieu matériel. Les autres divinités ne sont plus que des émanations, des vertus ou des symboles du dieu Soleil, adoré seul sous tant de noms différents[246]. C’est lui qui parait dans Apollon aux flèches lumineuses, dans Mithra, feu purificateur[247], dans Sérapis[248] ou dans Baal[249]. Jupiter, bien qu’assimilé parfois aux divinités solaires[250], demeure cependant le dieu politiqué, personnification de la souveraineté : quand Dioclétien veut entourer son pouvoir d’une auréole sacrée, il choisit le nom de Jovius, pour faire entendre qu’il est la tête pensante de l’empire, dont son collègue Hercule sera le bras. Mais s’il est appelé à se justifier devant l’armée du meurtre d’un de ses prédécesseurs, c’est un dieu plus certain[251], le Soleil, qu’il prend à témoin[252] ; et, plus tard, avant de se décider à proscrire les chrétiens, il ira consulter un oracle d’Apollon. Même pendant les années de paix qui précédèrent cette résolution, suprême, les chrétiens furent plus d’une fois sollicités d’adhérer à leur tour au culte nouveau, qui absorbait et résumait tous les autres. Déjà, de telles avances avaient été repoussées par l’inébranlable foi de l’Église ; mais le moment paraissait favorable pour les renouveler. A en croire les polémistes païens, la transition était ménagée d’avance par l’enseignement chrétien lui-même. Jésus n’est-il pas appelé la lumière du monde ? le soleil de justice ? Dieu n’a-t-il pas, selon les Écritures, placé son tabernacle dans le soleil ? Un hérésiarque de la fin du second siècle, Hermogène, avait appliqué ce texte au Christ, et prétendu que le corps ressuscité du Sauveur habitait le soleil[253] : peut-être en souvenir de cette traduction grossière d’une, poétique métaphore, dès le temps de Tertullien on imputait aux chrétiens d’adorer l’astre radieux[254]. Que leur restait-il à faire, sinon de prendre à la lettre les paroles des prophètes, des évangélistes et du Sauveur lui-même, et, sans abjurer le dogme de l’unité divine, sans renoncer même aux formes particulières de leur culte, d’entrer dans le concert que formaient maintenant toutes les religions antiques ? Cet appel venait bien en son temps, alors que beaucoup d’Églises étaient envahies par l’esprit du monde, tandis que la .religion païenne s’expliquait dans un sens chaque jour plus spiritualiste et plus raisonnable. Ses défenseurs, ou plutôt ses réformateurs, s’appliquaient à écarter d’elle tout reproche d’idolâtrie. A les en croire, les statues des dieux n’eurent jamais d’autre objet que de perpétuer leur souvenir et de les rendre présents à la pensée des adorateurs[255] ; même les mythes les plus obscènes et les plus révoltantes pratiques prenaient une haute signification religieuse ou morale[256] ; les sacrifices étaient simplement le symbole de l’amour et de la reconnaissance des hommes envers l’Être suprême dont ils ont reçu tous les biens[257]. Les chrétiens, disaient ces avocats du paganisme, imitent nos temples, puisqu’ils construisent de grands édifices pour leurs assemblées religieuses, quoiqu’ils puissent prier Dieu dans leurs maisons, car Dieu sans doute écoute partout les prières[258]. Entre le culte païen, dont au pris de bien des contradictions on épurait ainsi la théorie, et le culte chrétien qui rivalisait maintenant de splendeur avec lui, n’y avait-il donc pas de conciliation possible ? Des églises comme des temples, l’encens et les prières ne pourraient-ils pas s’élever vers un même Être suprême, le Dieu visible, la lumière dont les rairons éclairent tout homme qui vient,en ce monde ? Ces raisonnements reposaient sur une équivoque rien, dans
le fond, ne se ressemblait moins que le Dieu du syncrétisme païen, informe
conciliation de tous les systèmes, depuis les grossières religions de la
nature jusqu’au spiritualisme le plus raffiné, et le Dieu unique, vivant,
personnel, distinct du monde qu’il a créé, le Dieu jaloux de Tous deus adoptèrent les doctrines néoplatoniciennes, qui depuis Porphyre se posaient de plus en plus en rivales du christianisme. Il est difficile de saisir dans son essence cette mobile philosophie : elle se modifie selon ses interprètes, paraissant avec Porphyre une libre pensée presque aussi éloignée du néo-paganisme que de la religion chrétienne, redevenant païenne avec Jamblique par la théurgie et la divination, plus tard s’attachant avec Julien à la dévotion officielle et au culte solaire. Hais tous les Alexandrins de la fin du troisième siècle et du commencement du quatrième ont un sentiment commun, la haine du christianisme. Porphyre, si près quelquefois de l’Évangile par la pureté de sa morale et la sublimité de ses aspirations religieuses[259], est acharné à en poursuivre les sectateurs. Entre 290 et 300, il composa un ouvrage en quinze livres contre les chrétiens[260]. On ne saurait, avec quelque vraisemblance, faire de lui aussi un transfuge du christianisme, comme l’ont essayé quelques écrivains[261] : mais peut-être des circonstances domestiques autant qu’une rivalité de philosophe le tournèrent-elles contre l’Église. Un passage de la lettre à sa femme Marcella insinue que les concitoyens de celle-ci essayaient de la détacher des doctrines de son mari[262], comme pour l’attirer à l’Évangile[263]. Quoi qu’il en soit, les livres de Porphyre contre les chrétiens, dont beaucoup de passages ont été conservés par les écrivains du quatrième siècle, montrent qu’il avait étudié avec le plus grand soin l’Ancien et le Nouveau Testament. Comme Celse, il annonce une partie des objections que l’irréligion moderne croit avoir inventées. Mais par plus d’un trait il diffère de Celse. Celui-ci, tout à la raillerie et à l’invective, est le Voltaire du paganisme : Porphyre en serait plutôt le Renan. Il reconnaît la beauté morale, la sainteté de Jésus, et cite des oracles qui le proclamaient un grand homme de bien, un sage, un immortel[264]. Mais c’est pour taxer de folie les disciples qui adorent comme un Dieu leur maître né d’une femme et mort sur une croix[265]. Sa critique paraît d’hier : il affirme que les prophéties de Daniel ont été écrites après coup, puisque l’événement les montre accomplies[266]. Très habilement surtout il bat en brèche le système d’interprétation allégorique des livres saints, appliqué avec excès par Origène[267], et, après avoir ramené tout à la lettre, il soumet celle-ci à un minutieux examen. Le Nouveau Testament est particulièrement passé au crible. Comme fera Strauss, il s’efforce d’y montrer des contradictions, des inexactitudes, des invraisemblances[268]. S’élevant parfois à des vues plus hardies, il devance l’école de Tubingue en mettant en lumière le prétendu antagonisme de saint Pierre et de saint Paul[269]. Par le souvenir de la fortune qu’ont eue de nos jours cette recherche des antinomies ou ces hautaines affirmations, accompagnées parfois d’hommages attendris à la personne de Jésus séparé de ses disciples et de son œuvre, on se rendra compte de l’effet que les quinze livres de Porphyre durent produire sur l’opinion des contemporains[270]. Pour le dissiper, les vrais fondateurs de l’exégèse chrétienne n’auront pas trop de tout un siècle. Porphyre ne demeura pas sans imitateurs. Dès leur apparition, ses livres firent école : toute une littérature antichrétienne s’en inspira. Porphyre, du moins, avait écrit avant la persécution, et jamais n’appela contre ses adversaires les rigueurs de la puissance publique. D’autres seront moins généreux : nous assisterons au répugnant spectacle d’écrivains officiels insultant par la plume les chrétiens au moment de lés poursuivre comme magistrats. Mais avant de raconter l’effort suprême de l’Empire contre l’Église, et la part qu’y prirent les sophistes, il nous reste à exposer les réformes politiques et administratives de Dioclétien, qui auront une grande influence sur les vicissitudes locales de la prochaine persécution. |
[1] Voir Tillemont, Histoire des Empereurs, t. IV, p. 6 ; Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique, t. IV, note sur saint Genès.
[2] Bullettino di archeologia cristiana, 1865, p. 49-50 ; Armellini, Antichi cimiteri cristiani di Roma, p. 172-174. Des inscriptions de prétoriens chrétiens se rencontrent dans les catacombes, surtout dans celles des voies contiguës à leur camp, entre les portes Tiburtine et Nomentane. M. de Rossi pense qu’un hypogée adjacent au cimetière de Saint-Nicomède servait à la sépulture des prétoriens chrétiens. Leurs épitaphes appartiennent aux trois premiers siècles, puisque la milice prétorienne fut abolie par Constantin.
[3] Princeps prime cohortis. Acta S. Sebastiani, 1, dans les Acta Sanctorum, janvier, t. II, p. 265. L’importance que parait avoir eue Sébastien me fait voir en lui le tribun d’une cohorte prétorienne plutôt que d’une cohorte urbaine ou d’une cohorte de vigiles.
[4] Saint Paul, Philipp., IV, 22.
[5] Acta S. Sebastiani, 69.
[6] Tillemont, Mémoires, t. IV, art. VI sur saint Sébastien ; t. V, art. III sur la persécution de Dioclétien ; De Rossi, Roma sotterranea, t. III, p. 47.
[7] Acta S. Sebastiani, 64, 65.
[8] Acta S. Sebastiani, 66.
[9] Acta S. Sebastiani, 69.
[10] Les Actes légendaires de sainte Suzanne (Acta SS., août, t. II, p. 624 ; Surius, Vitæ SS., t. VIII, p. 99), rejetés par Tillemont (Mémoires, t. IV, note I sur saint Caïus), poco o nulla stimati, selon l’expression de M. de Rossi (Bull. di arch. crist., 1870, p. 96), l’ont du pape Caïus le frère du sénateur Gabinius. Ce dernier, père de sainte Suzanne, était, disent-ils, parent de Dioclétien. Ces détails de parenté viennent d’une source trop suspecte pour être retenus ; mais ce que disent les Actes de la contiguïté de la maison de Caïus avec celle qu’habitaient Gabinius et la vierge Suzanne, clans la sixième région, parait confirmé par la tradition. Le titre de Sainte-Suzanne fut de tout temps appelé ad duas domos : cette appellation se rencontre dans le très ancien texte du martyrologe hiéronymien découvert par M. de Rossi à Berne (Roma sotterranea, t. II, p. XII ; Bull. di arch. crist., l. c.). En 1869 ont été retrouvées plusieurs salles d’une magnifique maison romaine, contiguë à l’église de Sainte-Suzanne, et qui firent peut-être partie d’une des duæ domus apud vicum Mamurri ante Sallustii forum dont parlent les Actes (Lanciani, Bull. Bell’ instituto di correspondenza archeologica, 1869, p. 229-230). Ce ne serait pas la première fois que les découvertes archéologiques confirmeraient un détail de topographie donné par un document légendaire.
[11] Hic fugiens persecutionem Diocletiani in cryptis habitando... Liber Pontificalis, Gaius, éd. Duchesne, t. I, p. 161.
[12] Cf. De Rossi, Roma sotterranea, t. III, p. 462.
[13] ... Confesser quievit, dit la première édition du Liber
Pontificalis (530) ; Duchesne, t. I, p. LXI, XCVII, 72-73. L’expression martyrio coronatur, introduite dans la
rédaction postérieure, provient probablement d’un document légendaire
(Duchesne, p. XCVIII), mais ne peut s’accorder avec l’histoire, puisque Caïus
mourut en 296, en pleine paix : aussi son nom se lit-il dans
[14] On a retrouvé l’inscription d’une défunte qui avait voulu être enterrée IN CALLISTI AD DOMNum GAIVM, dans le cimetière de Calliste, près de saint Gaius ; Roma sotterranea, t. III, p. 260-265 ; l’expression domnus, domna, est employée pour désigner des martyrs ou confesseurs illustres près desquels de pieux fidèles ambitionnaient de placer leur tombeau ; Bullettino di archeologia cristiana, 1863, p. 6 ; 1875, p. 136.
[15] Tillemont appelle
[16] Friedlænder, Mœurs romaines d’Auguste aux Antonins, trad. Vogel, t. II, p. 201-203.
[17] Tertullien, Apologétique, 15 ; Prudence, Peri Stephanôn, X, 220.230 ; cf. Friedlænder, t. II, p. 196.
[18] Magister mimithemelæ artis, qui stans cantabat super
pulpitum, et rerum humanarum erat imitator. Passio S. Genesii,
dans Ruinart, Acta martyrum sincera, p. 283. Cf. MAGISTER MIMARIORVM, Orelli, Inscr. lat.,
2631 ; ARCHIMIMVS, Corp.
inscr. lat., t. VI, 1063, 1064, 4649 ; ARCHIMIMA
DIVRNA,
[19] Friedlænder, Mœurs romaines d’Auguste aux Antonins, t. II, p. 219 ; Marquardt, Römische Staatsvewaltung, t. III, p. 530.
[20] Evocato auteur presbytero et exorcista. Passio S. Genesii, 2. On exorcisait les catéchumènes avant le baptême ; saint Cyrille de Jérusalem, Procatech. ; 9 ; Catech., I, 5. Voir Duchesne, Origines du culte chrétien, p. 288. Dès le milieu du troisième siècle, le clergé de Rome comptait cinquante-deux exorcistes, lecteurs et portiers ; saint Corneille, lettre à Fabius, dans Eusèbe, Hist. Ecclés., VI, 43, 12.
[21] Ribbeek, Comicorum latinorum reliquiæ, Leipzig, 1855, p. 251.
[22] Suétone, César, 29 ; Sénèque, Controverses, III, 18 ; Macrobe, Saturnales, II, 3. Voir Patin, Études sur la poésie latine, t. II, p. 361.
[23] Dans l’art chrétien des premiers siècles, Dieu est symbolisé souvent par une main sortant d’un nuage : ainsi, dans la crypte dite delle pecorelle, au cimetière de Calliste (fin du troisième siècle ou commencement du quatrième), devant Moïse ôtant sa chaussure la main divine parait dans le ciel ; De Rossi, Roma sotterranea, t. II, pl. B ; t. III, pl. IX ; dans une fresque du cimetière de Domitille, représentant le sacrifice d’Abraham (quatrième siècle), la main de Dieu sort d’un nuage ; Garrucci, Storia Dell’ arte cristiana, pl. XXIV. Voir Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, 2e éd., art. Dieu, p. 245, 247 ; Smith, Dictionary of chistian antiquities, art. God the Pather, p. 737 ; Kraus, Real-Encyclopädie der christlichen Alterthümer, art. Gott, t. I, p. 629.
[24] Dans les fresques des catacombes, les anges sont représentés sons la figure de jeunes hommes, vêtus de la tunique et du pallium ; Kraus, art. Engelbilder, t. I, p. 416. Dans le Pasteur d’Hermas, les six anges qui construisent la tour mystérieuse paraissent également sous les traits de six jeunes hommes ; Visio III, 8 ; l’ange de la pénitence se montre en costume de berger ; Mand., proæm.
[25] Plautiano præfecto. Passio S. Genesii, 3. Les Actes parlent-ils du préfet du prétoire ou du préfet urbain ? En 285, année où Dioclétien parait avoir été à Rome, et où se place vraisemblablement le martyre de Genès, ni l’un ni l’autre de ces préfets ne portait le nom de Plautien ; nous ne trouvons de préfet de ce nom dans aucune des années où Dioclétien peut avoir séjourné à Rome. Mais, bien avant Dioclétien, le préfet du prétoire eut des suppléants : a præfecto prætorio vel eo qui vice præfecti ex mandatis principum cognoscet, dit Ulpien, au Digeste, XXXII, 1, 1, § 4 ; cf. Wilmanns, Exempta inscript., 1208, 1295 ; Mommsen, Römische Staatsrecht, 2e édit., t. II, p. 934. Plautien est probablement un de ces vice préfets : on comprendrait qu’en 285 Dioclétien, qui avait confirmé dans sa charge le préfet du prétoire nommé par Carus (Tillemont, Histoire des Empereurs, t. IV, p. 6), eût voulu avoir en même temps dans cette haute magistrature un homme qui fût complètement à lui.
[26] VIII Kal. Septembris. Passio, 3. — VIIII Kal. Sept... Romæ natl. Sci Genesi martyr. Martyrologe hiéronymien (De Rossi-Duchesne, p. 110). — ... Kal. Sept. sancti Genesi mimi. Calendrier de l’Église de Carthage (Ruinart, p. 694). La date indiquée par les martyrologes varie entre le 24 et le 25 août. — Saint Genès fut enterré au cimetière de saint Hippolyte, sur la voie Tiburtine ; De Rossi, Roma sotterranea, t. I, p. 178. — Un verre chrétien offert au pape Léon XIII, à l’occasion de son jubilé, par M. Wilshere représente les figures de saint Luc et de saint Genès. Comme ce verre provient des catacombes de Rome, il est probable que le Genès qui y est figuré est le martyr de cette ville, non son homonyme d’Arles. Bull. di arch. crist., 1894, p. 50.
[27] Cependant le cognomen Genesius ou Genesis parait de forme servile ; Wilmanns, 367. Mais c’est peut-être un nom de guerre, comme en prennent les comédiens.
[28] Tillemont, Histoire des Empereurs, t. IV, p. 7.
[29] Marquardt, Römische Staatsverwaltung, t. I, p. 355. Nicomédie fut érigée par Dioclétien en colonie, et parait être la dernière ville à laquelle ait été donné ce titre, qui dès lors tomba en désuétude ; ibid., p. 126.
[30] Pline, Lettres, X, 46, 47, 50, 58.
[31] Dion Cassius, LI, 20.
[32] Corpus inscr. græc., 1720, 3428 ; Waddington, Voyage archéol., t. III, 1176.
[33] Corpus inscr. græc., 3771.
[34] Cavedoni, Bull. dell’ instituto di correspondenza archeologica, 1840, p. 107-109 ; L. Fivel, Gazette archéologique, sept. 1879, p. 184, 187.
[35] Libanius, Prosphoneticus, éd. Reiske, t. I, p. 408.
[36] Sur cette date, donnée par la chronique d’Idace, voir Tillemont, Histoire des Empereurs, t. IV, p. 597, note V sur Dioclétien.
[37] Peut-être
l’avait-il fait César dès l’année précédente. C’est ce qu’admet Otto Seek (Die
Ehrebung des Maximian zum Augustus, dans Commentationes Woelfinianae,
Leipzig, 1897). Celui-ci place en 285 l’élévation de Maximien au rang de César,
en 285 également la guerre des Bagaudes, admet qu’en 286, après les succès sur
les Bagaudes, Maximien, proclamé imperator
par ses soldats, fut déclaré Auguste par Dioclétien ; ce qui permet d’expliquer
qu’il ait pu, en celte même année 286 ;
[38] Aurelius Victor, De Cæsaribus, 39 ; Eutrope, Brevarium, XI.
[39] Lactance, De mort pers., 8.
[40] Aurelius Victor, De Cæsaribus, 39 ; Julien, Cæsares.
[41] Lactance, De mort. pers., 8.
[42] Eutrope, Brevarium, X, 1 ; Lactance, De mort. pers., 15.
[43] Eutrope, l. c., IX, 26 ; X, 1 ; Lactance, 15 ; cf. Suidas, s. v. πάσαν σxληράν πράξιν έτέροις άνατιθείς.
[44] Synesius, De regno, éd. 1610, p. 19.
[45] Jean Malalas, Chronogr., XII, éd. Bonn., p. 310.
[46] Aurelius Victor, De Cæsaribus, 39 ; Eckhel, Doctr. numm. vet., t. VIII, p. 9, 19 ; Corp. inscr. lat., t. III, 3231, 4413.
[47] Aurelius Victor, l. c.
[48] Lactance, De mort. pers., 7.
[49] Vallon, Histoire de l’esclavage dans l’antiquité, t. III, p. 282 et suiv.
[50] Loi de 286, au Code Justinien, IX, X, 3.
[51] Jam ad arma mittimur... in vicem legis ira succedit... placeas licet tibi opum tuarum fiducia, dives, si mihi vivere non expedit, pares sumus. Declam. XIII, 1 (dans les Œuvres de Quintilien).
[52] Voir Du Cange, Gloss. lat., v° Bagaudæ.
[53] Omnia pene Galliarum servilia in Bagaudam conspiravere. Prosper d’Aquitaine, Chron.
[54] Vopiscus, Proculus, 2.
[55] On défendit plus tard aux pâtres l’usage du cheval, à cause de leurs brigandages ; Code Théodosien, IX, XXIX, 2 ; XXXI, 1.
[56] Quum militares habitus ignari agricolæ appetiverunt, quum arator equitem... imitatus est. Mamertin, Paneg. Maxim. Aug.
[57] Specu aut abditis saltibus. Pomponius Mela, III, 2.
[58] Lampride, Alexandre
Sévère, 60 ; Vopiscus, Aurélien, 44 ; Carinus, 14. Les restes du druidisme ont survécu longtemps à la ruine du
grand corps sacerdotal qui avait gouverné
[59]
[60] Duruy, Histoire des Romains, t. VI, p. 528.
[61] Saint Augustin, Brevarium coll. cum donat., III, 25 ; Edmond Le Blant, les Actes des martyrs, § 39, p. 105-108.
[62] J’ai cité ailleurs les paroles indignées que leur adresse saint Grégoire le Thaumaturge : voir les Dernières Persécutions du troisième siècle, 2e éd.
[63] Tillemont, Histoire des Empereurs, t. III, p. 599, note VI sur Dioclétien.
[64] Mamertin, Paneg. Max. Aug.
[65] Eutrope, Brevarium, IX, 20 : Levibus præliis agrestes domuit.
[66] Orose, VII, 15.
[67] Saint Jérôme, Chron. Euseb. : Diocletianus consortem regni Herculium Maximianum assumit, qui, rusticorum multitudine oppressa quæ factioni suæ Bacaudarum nomen inciderat, pacem Gallis reddit.
[68] Le fidèle aux anciens dieux fut le paganus, le paysan, toujours réfractaire au progrès, en arrière de son siècle. Renan, Marc Aurèle, p. 583. Sur le sens du mot paganus, voir Bullettino della commissione archeologica comunale di Roma, 1877, p. 241 et suiv.
[69] Voir Beugnot, Histoire
de la destruction du paganisme en occident, t. I, p. 295-304 ; t. II, p.
203, 209, 252 ; Lecoy de
[70] Voir sur le même
sujet une page excellente de M. Dareste de
[71] Sur la persistance de la langue et des croyances celtiques, voir les Dernières Persécutions du troisième siècle, 2e éd.
[72] Sur l’origine des correcteurs, voir C. Jullian, les Transformations politiques de l’Italie sous les empereurs romains, p. 149 et suiv. Inscription d’un corrector Venetiæ et Histriæ sous Maximien Hercule ; Orelli, 1050 ; Corpus inscr. lat., t. V, 2818.
[73] Marquardt, Röm. Staatsverwaltung, t. I, p. 233.
[74] Si l’on place cette exécution lors du passage de Maximien Hercule en Vénétie, on admettra facilement que, parti de Nicomédie dans les premiers jours d’avril, lui ou sa suite ait traversé Aquilée à la fin de mai.
[75] En 284, Carinus
avait défait le correcteur de
[76] Les Actes des
saints Cantius, Cantianus et Cantianilla (Acta SS., mai, t. VII, p. 420)
sont des plus mauvais, et méritent le jugement sévère qu’en a porté Tillemont (Mémoires, t. V, note LXI sur la persécution de Dioclétien).
Cependant plusieurs détails doivent être retenus, qui proviennent peut-être
d’une source antique. — Le premier est la curieuse mention de deux magistrats
pour juger les martyrs, fait exceptionnel que peuvent seules expliquer les
circonstances que nous venons de rappeler. L’un des juges est Sisinnius,
qualifié cornes (cf.
Mommsen, Römische Staatsrecht, t. II,
2e éd., p. 807) ; l’autre est le præses d’Aquilée,
c’est-à-dire le correcteur de l’Istrie et de
[77] E. Desjardins, Géographie
historique de
[78] E. Desjardins, Géographie
historique de
[79] Surius, Vitæ SS., t. IX, p. 221 ; Tillemont, Histoire des Empereurs, t. IV, p. 11 ; Mémoires, t. IV. art. et note II sur saint Maurice.
[80] Acta S. Sebastiani, 73-76 ; cf. Tillemont, Mémoires, t. IV, art. VI et note III sur saint Sébastien. Peut-être Zoé fut-elle enterrée au cimetière de Calliste, et doit-on la reconnaître dans une des orantes du cubiculum dit des cinq saints au-dessus de laquelle est écrit : ZOAE IN PACE. Ce cubiculum et les peintures qui le décorent appartiennent aux derniers temps du troisième siècle. Une conjecture vraisemblable est que les autres personnages représentés près de Zoé, c’est-à-dire Dionysius, Nemesius, Procopius, Eliodora, Arcadia, sont des victimes inconnues de la persécution commencée à Rome sous Carinus et continuée dans les premières années de Dioclétien. Voir De Rossi, Roma sotterranea, t. III, pl. I-II et p. 56-57.
[81] Parmi les martyrs
immolés en même temps que Zoé et Tranquillin, les Actes de saint Sébastien
nomment Nicostrate (dont
ils font le mari de Zoé), Claude, Castorius et Symphorien ; mais c’est
une des nombreuses erreurs de cette pièce si peu sûre dans les détails.
Nicostrate, Claude, Castorius et Symphorien sont de célèbres martyrs de
[82] Voir E.
Desjardins, Géographie historique de
[83] Tillemont, Histoire des Empereurs, t. IV, p. 10 ; Duruy, Histoire des Romains, t. VI, p. 533.
[84] Epistola Eucherii episcopi ad Salvium episcopum de passione SS. Mauricii et sociorum, 2, dans Ruinart, p. 290. — Sur l’importance ancienne d’Agaune ; voir E. Desjardins, t. II, p. 242. — Sur les changements géologiques survenus depuis le quatrième siècle dans la vallée d’Agaune, voir Ducis, Saint Maurice et la légion Thébéenne, p. 22.
[85] Epistola Eucherii, prœemium. — Eucher, évêque de Lyon dans la première moitié da cinquième siècle, produit, à l’appui des faits qu’il raconte, une série de témoins remontant jusqu’à Théodore, évêque d’Agaune dans la première moitié du quatrième. Voir l’Appendice.
[86] Cf. Tacite, Hist., II, 100 ; III, 22. Voir Marquardt, Römische Staatsverwaltung, t. II, p. 449-452 ; Wilmanns, Exempla inscript., indices, p. 595-596.
[87]
[88] Voir Marquardt, t. II, p. 452-455 ; Wilmanns, indices v° Cohors, p. 590-594.
[89] Marquardt, t. III, p. 442, note 6 ; Mommsen, Römische Geschichte, t. V, p. 594.
[90] Hi in auxilium Maximiano a partibus Orientis acciti. Epistola Eucherii, 2.
[91] Les antiques
constitutions de l’Église égyptienne règlent les devoirs des soldats chrétiens (Const. Ecc. Egypt., II, 41). Pendant la persécution de Dèce,
l’attitude du détachement qui était de garde près du tribunal fit trembler le
préfet d’Alexandrie et ses assesseurs, occupés à juger des chrétiens (Eusèbe, Hist. Ecclés., VI, 41, 22 ; et Histoire
des persécutions pendant la première moitié du troisième siècle, 2e
éd.). Eusèbe nomme seulement quatre soldats ; en effet, tout poste
romain se composait de ce nombre de légionnaires (Origène, In
Matth., III, 55 ; Juste Lipse, De
Cruce, II, 16) ; mais que ces quatre soldats, pris au hasard, se soient
trouvés tous chrétiens, est un indice du grand nombre de fidèles que comprenait
la légion d’Égypte. Il n’est donc nullement invraisemblable que le corps de
troupes auquel on a donné le nom de Thébéens ait été composé de soldats
professant le christianisme. Que dans tel régiment
il se soit rencontré une plus large proportion de chrétiens que dans l’ensemble
de l’Empire romain, cela n’a rien d’impossible. Les Anglo-Indiens nous disent
que les troupes du rajah de Gwalior contenaient un nombre de chrétiens tout à
fait disproportionné avec le faible pourcentage des convertis de
l’Hindoustan ; et les résidents anglais à Malte, en 1878, trouvèrent une plus
grande quantité de chrétiens dans les régiments indigènes amenés cette année-là
des Indes, que leur connaissance de l’état général du christianisme en ces
contrées ne leur aurait fait présumer. Une semblable observation pourrait être
faite relativement au nombre de presbytériens et de catholiques dans tel
régiment de l’armée anglaise. La composition religieuse d’une troupe dépend du
lieu de son recrutement.
[92] Voir Marquardt, Römische Staatsverwaltung, t. II, p. 562 ; t. III, p. 48 et suiv.
[93] Vospiscus, Aurelianus, 18-20.
[94] Lucien, Alexander,
48 ; Bellori,
[95] Tite Live, XXI, 53. Ammien Marcellin, XXI, 5, parle aussi du serment prêté à l’empereur Julien par ses soldats en approchant de leur tête la pointe de leur épée nue, et en prononçant les plus terribles exécrations, gladiis cervicibus suis admotis sub exsecrationibus diris.
[96] Epistola Eucherii, 3.
[97] Ceux qui abandonnent les rangs ou désertent les drapeaux, dit Denys d’Halicarnasse, Ant. rom., IX, 50. Le fait de refuser de prendre part au sacrifice d’entrée en campagne ou de prêter le serment exigé par l’imperator pouvait être facilement assimilé à ces cas.
[98] Voir dans Marquardt, Römische Staatsverwaltung, t. II, p. 553, note 9, de nombreux exemples de décimation militaire.
[99] Epistola Eucherii, 3.
[100] Epistola Eucherii, 3. — La lettre de saint Eucher donne à Maurice le titre de primicerius, à Exupère celui de campiductor, à Candide celui de senator militum. Le premier et le troisième de ces emplois sont cités par saint Jérôme (Contra Joann. Hierosolym., 19), dans une phrase où il semble énumérer, en ordre descendant, plusieurs grades à la suite de celui de tribun : Ante primicerius, deinde senator, ducenarius (cf. Wilmanns, Exempla inscript. lat., 2152), centenarius, biarchus (Wilmanns, 1649), circitor, pour aboutir aux simples soldats : eques, dein tiro. Le grade de campiductor ou campidoctor est rappelé par de nombreux textes : on les trouvera indiqués dans Marquardt (Römisches Staatsverwaltung, t. II, p. 548), Masquelez (Dict. des antiquités, s. v., t. I, p. 864-865), Mommsen (Ephemeris epigraphica, t. V, p. 113, 5), Gatti (Bull. della comm. arch. com., 1889, p. 91), Beurlier (Mélanges Graux, p. 297-303). Le campidoctor, ou instructeur, à sa place aussi dans la légion ; mais le primicerius et le senator militum ne sont pas des titres légionnaires. La troupe dont parle saint Jérôme parait se composer de cavaliers et de fantassins : eques, dein tiro. Cela ressemble bien à une cohorte auxiliaire, troupe mixte, formée d’hommes combattant à pied et à cheval (Dict. des antiquités, art. Cohors, t. I, p. 1280). Précisément il existait en Égypte une cohors I Thebæorum et une cohors II Thebæorum (Corpus inscr. græc., 5054, 5117 ; Ephem. epigr., t. V, p. 613 ; cf. Dict. des antiquités, art. Equites, t. II, p. 781 ; Exercitus, t. II, p. 917).
[101] Epistola Eucherii, 4.
[102] Aurelius Victor, De Cæsaribus, 93.
[103] Epistola Eucherii, 5.
[104] Epistola Eucherii, 6. — Saint Eucher ne nomme que ceux-ci, et dit clairement qu’il n’en connaît pas d’autres. Les martyrs, immolés en divers lieux, que des traditions postérieures rattachent à la légion Thébéenne, peuvent avoir péri, soit dans la persécution spéciale dirigée quelques années plus tard contre les chrétiens de l’armée, soit pendant la persécution générale, soit même dans quelqu’une des persécutions précédentes.
[105] Rescrit d’Hadrien et commentaire d’Ulpien, au Digeste, XLVIII, XX, 6.
[106] Saint Matthieu, XXVII, 35 ; saint Marc, XV, 24 ; saint Luc, XXIII, 34 ; saint Jean, XIX, 23, 24. Cf. saint Jean Chrysostome, In Joann., XIX, 23 ; saint Cyrille d’Alexandrie, In Joann., XI.
[107] Digeste, l. c.
[108] Emeritæ jaco militiæ veteranus. Epistola Eucherii, 6. Cf. Lucain, Pharsale, I, 343 ; VII, 258 ; Wilmanns, Exempla inscript., 1483, 2867, 2868, 2869 ; Ferrero, l’Ordinantento delle armate romane, p. 51, 52, etc.
[109] Epistola Eucherii, 6. — L’épisode des Thébéens parait s’être passé dans la seconde moitié de septembre : les martyrologes le placent tous au 22. Entre l’arrivée en Vénétie, vers la fin de mai, et le passage des Alpes, Maximien Hercule peut être demeuré plusieurs mois en Italie, opérant la concentration des troupes appelées de diverses provinces. — Je n’ai pu discuter ici, soit dans le texte, soit dans les notes, les divers problèmes que soulève l’histoire de la légion Thébéenne, et donner les raisons de la solution que j’ai adoptée ; je renvoie à l’Appendice.
[110] Saint-Maur des Fossés.
[111] Salvien, De gubernatione Dei, V, 6.
[112] La tradition qui
place sur la colline de Montmartre (Mons Martis ou Mons
Mercurii, devenu Mons martyrum)
le lieu du supplice de saint Denys a paru confirmée par la découverte, en 1611,
d’une crypte ou martyrium fréquentée par les pèlerins aux premiers siècles du
moyen âge (Edmond Le
Blant, Inscriptions chrétiennes de
[113] Dans le Vexin français, en deçà de la rivière d’Epte. — Sur saint Nicaise, voir le P. de Bye, dans les Acta SS., octobre, t. V, p. 510-550. Cf. les §§ 7-13 de la dissertation du P. Bossue, ibid., t. XI, p. 554 et suiv., et M. l’abbé Sauvage, Actes de saint Mellon, Rouen. 1884, p. 24-41.
[114] In urbe Namnetica, dit
[115] Passio sanctorum Rogatiani et Donatiani, dans Ruinart, p. 295. Les Actes de saint Donatien sont graves par le style et par les pensées, dit Tillemont. Il n’y a point de faits extraordinaires et incroyables. Ils sont même assez bien écrits, et ils paraissent être du cinquième siècle. Mais je ne crois pas aussi qu’ils soient plus anciens, ni qu’ils puissent passer pour originaux. Mémoires, t. IV, note XXVIII sur saint Denys de Paris. Ces Actes appartiennent à la catégorie de ceux de saint Maurice et de la légion Thébéenne par saint Eucher, que nous avons déjà résumés, et de saint Victor, que nous étudierons plus loin. Comme ces pièces, ils portent, dit encore Tillemont, que Dioclétien et Maximien condamnoient à la mort par des édits publics tous les chrétiens qui ne renonceroient pas à leur religion. Cela ne peut convenir qu’au terris de la grande persécution de 303... Mais aussi comme il n’est pas nécessaire de s’arrêter précisément aux termes de ces Actes, s’ils ne sont pas originaux, je ne crois pas qu’il faille trop s’assurer sur ce point, ni qu’il soit défendu de croire que saint Donatien a souffert lorsque Maximien étoit dans les Gaules, par quelque occasion particulière, et sans qu’il y e0t de persécution générale. Ibid. — M. Duchesne (les Anciens catalogues épiscopaux de la province de Tours, Paris, 1890, p. 101) pense qu’il y aurait plutôt lieu de reporter ces deux martyrs à quelqu’une des persécutions précédentes.
[116] Cf. Franz Görres, dans Westdeutsche Zeitschrift, t. VIII, 1, p. 22-35.
[117] Vopiscus, Aurelianus, 38.
[118] Tillemont, Histoire des Empereurs, t. III, p. 481 ; Ozanam, les Germains avant le christianisme, p. 338.
[119] Les Actes
des saints Fuscien et Victoric (Bosquet, Ecclés. Gall. hist.,
t. I, p. 156) disent qu’au temps où le très
cruel empereur Maximien parcourait
[120] Bosquet, l. c. ; Tillemont, Mémoires, t. IV, art. VI sur saint Denys de Paris.
[121] Surius, Vitæ SS., t. X, p. 102 ; Tillemont, Mémoires, t. IV, art. et notes sur saint Quentin.
[122] Acta SS., octobre, t. XI, p. 395 ; Tillemont, Mémoires, t. IV, art. VIII sur saint Denys de Paris.
[123] Acta SS., juin, t. II, p. 795 ; Tillemont, l. c.
[124] Acta SS., l. c. ; Tillemont, t. IX, art. XXII sur saint Denys de Paris.
[125] Acta SS.,
janvier, t. I, p. 125 ; Tillemont, t. IV, art. XXII et note XXXIII sur saint Denys de Paris ; Castan, les Capitoles
provinciaux du monde romain, dans les Mémoires de
[126] Acta SS.,
janvier, t. I, p. 159 ; Tillemont, t. IV, art. sur saint Lucien de Beauvais. Sa
Passion, celles de saint Quentin, des saints Puscien et Victoric, le font
contemporain de saint Denys, et le comptent parmi les hommes apostoliques par
qui, à la même époque, furent évangélisés le nord et l’est de
[127] Voir Tillemont, Mémoires,
t. IV, art. VII
sur saint Denys ; et surtout les nombreux textes cités par M. l’abbé Bernard,
les Origines de l’Église de Paris, 1870, p. 181-182. Les vraisemblances
me font attribuer au légat de
[128] Actes des saints Fuscien et Victoric.
[129] Actes de saint Quentin.
[130] Acta SS., octobre, t. III, p. 263.
[131] Le cognomen Foi, Fides, Πίστις, est fréquent, sous sa forme grecque ou latine, dans l’antiquité chrétienne : voir De Rossi, Roma sotterranea, t. II, p. 171-175.
[132] On trouve également dans l’antiquité chrétienne et dans l’antiquité païenne des cognomina dérivés de Capra : voir Kraus, Real. Encykl. der christl. Alterthümer, art. Namen, t. II, p. 477 et fig. 316.
[133] Il se peut, dit Tillemont, que le même Dacien ait gouverné l’Aquitaine vers l’an 290 (ou un peu auparavant), avant que de gouverner l’Espagne en 303 et 304. Mais, comme les Actes de sainte Foi sont d’assez basse époque, on peut admettre aussi qu’ils n’ont été écrits que par ceux qui, volant une partie de l’Aquitaine unie à l’Espagne sous la domination des Goths, se sont imaginé que cela avoit été de même du teins des Romains, sous qui les gouverneurs d’Espagne n’avoient aucune juridiction dans les Gaules : et comme le martyre de saint Vincent à Valence a rendu le nom de Dacien célèbre en Espagne, on lui a aussi attribué les martyrs de l’Aquitaine. Tillemont, Mémoires, t. IV, note I sur sainte Foy. M. Le Blant cite de même l’exemple d’Anulinus, célèbre sous Dioclétien pour sa cruauté envers les martyrs d’Afrique et qui, devenu pour les narrateurs de seconde main le type du magistrat persécuteur, fut mis en scène par eux dans les pays et les temps les plus dissemblables ; les Actes des martyrs, p. 25-26.
[134] Voir les auteurs
cités par Alford, Annales Britannorum, anno 286, § 11. Mais Maximien
Hercule n’étant venu dans les Gaules qu’en septembre 286, il est probable que
la persécution ne put être étendue par lui à
[135] Gildas, De excidio Britanniæ, 8 ; Bède, Hist. Ecclés., I, 7.
[136] Saint Germain, évêque d’Auxerre, visita le tombeau d’Alban à Verulam vers 429 ; Constance, Vita S. Germani.
[137] Gildas, Bède, l. c.
[138] Voir Acta SS., janvier, t. I, p. 82.
[139] Bède, l. c.
[140] Marcus Aurelius Mausœus Carausius (287-293). Remarquer le caractère gaulois ou germain des deux derniers noms, et comparer avec ce qui a été dit plus haut. On a trouvé à Carlisle, comté de Cumberland, une borne milliaire, avec cette nomenclature ; en 306, sous le gouvernement du César Constantin, elle fut enterrée du côté de la première inscription, et sur l’extrémité opposée fut gravé le nom du nouveau souverain. Voir Bulletin de la société des Antiquaires de France, 1895, p. 146.
[141] Ausone, Mosella, 421.
[142] Passio SS. Victoris, Alexandri, Feliciani atque Longhi martyrum, dans Ruinart, p. 300. Dans la première édition de son recueil, Ruinart n’exprime point d’opinion sur l’âge de cette pièce ; mais dans la seconde (reproduite dans l’édition de Ratisbonne, p. 333) il dit : Hæc Acta, etsi tantæ antiquitatis esse non videantur, ut ab auctore æquali, vel etiam fere æquali scripta dici possint, talla tamen viris eruditis visa sunt, quæ Joanni Cassiano, aut alicui ex illuslribus viris qui sæculo quinto ineunte istis in partibus florebant, possint tribui. Tillemont dit de même que les Actes de saint Victor ne sont pas assurément originaux : le style et les harangues font assez voir qu’ils ont été composez à loisir et avec étude ; et la fin marque que c’étoit assez longtemps après la mort du saint. Mais aussi ils sont écrits d’une manière tout à fait digne des grands hommes qui fleurissoient en France au commencement du cinquième siècle : de sorte qu’il semble qu’on les peut mettre sur le rang de ceux de saint Maurice par saint Eucher. Mémoires, t. IV, note I sur saint Victor.
[143] Maximianus enim cum pro sanctorum sanguine, quem per totum
orbem crudelius aliis maximeque per totas Gallias recentius fuderat, et
præcipue pro famosissima illa Thebæorum apud Agaunum cæde, nostrorum plurimis
nimium terribilis factus Massiliam advenisset... Passio, 2.
Comme saint Eucher, l’auteur de
[144] E. Desjardins, Géographie historique de
[145] Strabon, Géographie, IV, 1, 5.
[146] Mommsen, Römische Geschichte, t. V, p. 72.
[147] Τοΰτο μέν xοινόν Ίώνων άπάντων. Strabon, IV, 1, 4.
[148] Τό Έφέσιον. Strabon, IV, 1, 4.
[149] Strabon, IV, 1, 5. Cicéron, Pro Valerio Flacco, 26.
[150] Varron, cité par saint Jérôme, Com. in Ep. ad Gal., 3.
[151] Athénée, Deipn., XII, 5.
[152] Valère Maxime, II, 6.
[153] Valère Maxime, II, 6.
[154] Valère Maxime, II, 6.
[155] Passio, 1.
Cf. Strabon, IV, 1, 4. L’étendue de la ville ancienne et de son port était
cependant bien inférieure à celle de la ville moderne ; voir le plan comparé,
dans Desjardins, Géographie historique de
[156] Pulchritudine gloriosa. Passio, 1.
[157] Passio, 1. Cf. Ammien Marcellin, XV, II, 14.
[158] Cf. Histoire
des persécutions pendant les deux premiers siècles, 2e éd. M. Edmond Le
Blant, les Sarcophages chrétiens de
[159] Inscription
funéraire du second siècle ; Edmond Le Blant, Inscriptions chrétiennes de
[160] Inscription paraissant appartenir à cette époque, et contenir une allusion à des martyrs par le feu :
SenTRIO
VOLVSIANO
...
EVTVCHETIS FILIO
...
O FORTVNATO QVI VIM
ignis
PASSI SVNT
.....................
Edmond Le Blant, Inscriptions chrétiennes de
[161] Præfectorum tribunatibus præsentatur. Passio,
3. Je vois ici des préfets militaires (cf. Tertullien, De corona militis,
1) et je crois celte interprétation préférable à celle qui reconnaîtrait
des magistrats civils. Le proconsul de
[162] Voir les Dernières Persécutions du troisième siècle, 2e éd. Les Actes de sainte Foi et de saint Caprais, martyrisés à Agen vers 287, montrent la foule pleurant pendant que Caprais subissait la torture, et s’écriant : Quelle impiété ! quel jugement inique ! Pourquoi faire périr cet homme de Dieu, si vertueux et si bon ? Malheureusement, ces Actes sont d’une rédaction trop tardive pour qu’on puisse ajouter foi à tous leurs détails.
[163] Passio, 5.
[164] L’auteur de
[165] Passio, 10.
[166] La conversion et le baptême des gardes par les martyrs est un fait assez fréquemment rapporté dans les documents hagiographiques ; dans son Panégyrique de saint Victor, Bossuet rappelle à ce propos le gardien de la prison de Philippes converti et baptisé par Paul et Silas (Act. Apost., XVI, 33).
[167] Magnus ille draco Maximianus. Passio, 11. Cf. la lettre du confesseur Lucien à saint Cyprien, où Dèce est appelé : ipsum anguem majorem metatorem Antechristi.
[168] Interea Maximianus Jovis aram jubet afferri. Mox igitur coram ipso ara componitur, sacrilegus quoque sacerdos assistit. Tunc imperator ad sanctum Victorem : Pone, inquit, thura, placa Jovem, et poster amicus esto. Hoc audito, fortissimus Christi miles, sancti Spiritus ardore inflammatus, seseque amplius ita ferre non sustinens, velut litaturus propius accedit, aramque de manu sacerdotis solo tenus prosternit... Passio, 15. Cette violence exceptionnelle, que l’hagiographe explique par un soudain mouvement de l’Esprit Saint ; mais dans laquelle il est permis de voir un effet de l’ardent tempérament d’un soldat, contraste avec la modération ordinaire des martyrs. Les détails donnés par l’auteur sont, du reste, conformes aux usages antiques. Les musées possèdent de nombreux autels portatifs ; voir Saglio, art. Ara, dans le Dictionnaire des antiquités, t. 1, p. 349 el, fig. 415, 416. De cette sorte devaient être les autels placés devant les tribunaux et sur lesquels les chrétiens étaient invités par les magistrats à brûler de l’encens ; voir Edmond Le Blant, les Actes des martyrs, § 20, p. 63. Prudence y fait clairement allusion dans ces vers (Peri Stephanôn, X, 916-913) :
Reponit
aras ad tribunal denuo
Et
thus et ignem vividum in carbonibus,
Taurina
et exta, vel suilla abdomina.
[169] Les Dernières Persécutions du troisième siècle, 2e éd.
[170] Apologétique, 18.
[171] Porphyre, écrivant contre les chrétiens dans les dernières années du troisième siècle, fait en ces termes allusion à une ville qu’il ne nomme pas, mais qui était probablement située en Orient : Maintenant, on s’étonne que la maladie se soit emparée depuis tant d’années de la cité, lorsque ni Esculape ni aucun dieu n’y a plus d’accès. Depuis que Jésus est honoré, personne n’a ressenti un bienfait public des dieux. Cité par Théodoret, Græc. aff. curatio, XIII ; Migne, Patr. græc., t. LXXXII, col. 1150.
[172] La contagion de cette superstition s’est répandue non
seulement dans les villes, mais encore dans les bourgs et dans les campagnes,
écrivait déjà Pline le Jeune, parlant de
[173] Par exemple, Carrhes (les Dernières Persécutions du troisième siècle, 2e éd.), Gaza (Beugnot, Histoire de la destruction du paganisme en occident, t. I, p. 225 ; t. II, p. 196), etc.
[174] Gibbon (Decline and Fall of rom. Emp., t. II, p. 365) estime la
population chrétienne à un vingtième de la population totale de l’Empire ; mais
il s’occupe de l’époque de Dèce, et prend la ville de Rome pour base de ses
calculs. Richter (Das weström. Reich., Berlin, 1865, p.
85) adopte à peu près le même chiffre.
[175] C’est le chiffre généralement admis : Schültze, ouvrage cité, p. 22.
[176] Lactance, De mortibus persecutorum, 15 ; cf. De Witte, du Christianisme de quelques impératrices romaines, dans Cahier et Martin, Mélanges d’archéologie, t. III, p. 192 et suiv.
[177] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 6, 1.
[178] On sait les noms d’un grand nombre de personnages qui, dans l’emploi de grand camérier, parvinrent à un pouvoir étendu sur toutes choses et presque sana limites, mais qui furent aussi subitement renversés par un caprice du maître qui les avait élevés. Saglio, art. Cubicularius, dans le Dictionnaire des antiquités, t. I, p. 1577.
[179] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 1.
[180] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 6.
[181] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 6, 1, 4.
[182] Je n’ai pas cité parmi les serviteurs chrétiens du palais le prétendu grand camérier Lucien, auquel tous les historiens, depuis le prudent Tillemont (Mémoires, L. V, art. II sur la persécution de Dioclétien) jusqu’au dernier historien de cette persécution, Mason (the Persecution of Diocletian, p. 40, 348), attribuent en partie la conversion de tant de serviteurs impériaux. M. l’abbé Batiffol a démontré (Bulletin critique, 1886, p. 155-160) le caractère apocryphe de la célèbre lettre de Théonas à Lucien, publiée d’abord par d’Achéry, Spicilegium, t. XII, p. 545.
[183] Sur le petit nombre et l’époque des inscriptions relatives à des magistrats chrétiens, voir Kraus, art. Magistratus christianus, dans Real-Encykl. der christl. Alterth., t. II, p. 352.
[184] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 1, 2.
[185] Cela résulte de Lactance, De mort. pers., 15.
[186] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 9, 7. — Philorome était probablement soit le juridicus Alexandriæ, soit l’άρχιδιxαστής ; voir Marquardt, Römische Staatsverwaltung, t. I, p. 452-456.
[187] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 11, 2.
[188] La date tant débattue du concile d’Illiberis (Grenade) a été avec raison placée à cette époque par M. l’abbé Duchesne, le Concile d’Elvire et les flamines chrétiens, dans les Mélanges Renier, 1886, p. 159-162.
[189] Le canon 3 du
concile d’Illiberis frappe d’une peine canonique flamines
qui non immolaverint, sed munus lantum dederint. Il était donc à
cette époque permis d’être flamine en s’abstenant de l’un et de l’autre. Cf.
les canons 4 et
[190] Le canon 57 montre des chrétiens prêtant par faiblesse ou par entraînement leurs vêtements pour servir aux processions païennes.
[191] Canon 55. Sur les magistrats stéphanophores, voir Edmond Le Blant, les Actes des martyrs, § 112, p. 263-265.
[192] Héfélé, Histoire des conciles, trad. Delarc, t. I, p. 158.
[193] Les flamines qui ont porté des couronnes sont privés de la communion pendant deux ans (canon 55) ; aux duumvirs il est défendu d’entrer dans l’église pendant l’année de leur charge (canon 56). En se bornant à cette défense, le synode fit preuve d’une grande modération et de sages égards. La défense absolue d’exercer ces fonctions aurait livré aux mains des païens les charges les plus importantes des villes. Héfélé, l. c.
[194] Λογιστής τε αύτός xαί στρατηγός σύν τοϊς έν τελει πάσι. Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 11, 1. — Le λογιστής équivaut au curator civitatis, le στρατηγός à l’irénarque ; voir Marquardt, Römische Staatsverwaltung, t. I, p. 85, 162, 213, 228.
[195] Passio S. Philippi, 7, 10, dans Ruinart, p. 447, 450.
[196] Hist. Ecclés., VIII, 1, 12.
[197] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 1, 5.
[198] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII. 1, 5.
[199] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII. 1, 5.
[200] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII. 1, 5.
[201] Fanum illud editissimum. Lactance, De mort. persec., 12.
[202] Saint Augustin, Brevarium coll. cum donat., III, 13. L’emploi du mot basilica pour désigner les églises construites sous Dioclétien est assez fréquent en Afrique (saint Optat de Milève, De schism. donat., III, 1 ; Gesta purg. Felicis ; Gesta purg. Cæciliani), mais paraît spécial à ce pays. Les autres écrivains contemporains de Dioclétien, Lactance, Arnobe, Eusèbe, se servent seulement des mots ecclesiæ, conventicula, οϊxους προσευxτηρίων, εύxτηρίους. Voir De Rossi, Roma sotterranea, t. III, p. 461.
[203] Canon 36.
[204] De Rossi, Roma sotterranea, t. I, p. 202.
[205] Duchesne, Notes sur la topographie de Rome au moyen âge, II, p. 31-32 (extrait des Mélanges d’archéologie et d’histoire publiés par l’École française de Rome, L. VII, 1887).
[206] Eusèbe, Hist. Ecclés., VII, 30, 19.
[207] Voir les réflexions de Milman, History of christianity, t. I, p. 381.
[208] Άνά πάσας τάς πόλεις. Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 1, 5. Remarquez la force de la préposition άνά.
[209] Duchesne, p. 30 ; cf. Milman, l. c.
[210] IV Templum Pacis, VIII Forum romanum, X Palatinus, XI Circus Maximus.
[211] Duchesne, l. c.
[212] Liber Pontificalis, Gaius ; éd. Duchesne, t. I, p, 161.
[213] De Rossi, Roma sotterranea, t. III, p. 488.
[214] De Rossi, Roma sotterranea, t. III, p. 488.
[215] De Rossi, Roma sotterranea, t. III, p. 25-29.
[216] Sur la construction de nombreux luminaires dans les catacombes avant le quatrième siècle, et en particulier au temps de Dioclétien, De Rossi, Roma sotterranea, t. III, p. 422-423.
[217] De Rossi, Roma sotterranea, t. III, p. 425.
[218] De Rossi, Roma sotterranea, t. III, p. 45, 49, 61-64, 71-73, etc.
[219] De Rossi, Roma sotterranea, t. III, p. 46 et pl. V, 3.
[220] De Rossi, Roma sotterranea, p. 487-488.
[221] De Rossi, Inscriptiones christianæ urbis Romæ, n° 18, t. I, p. 25.
[222] De Rossi, Roma sotterranea, t. I, p. 203.
[223] Voir les plaintes d’Origène et de saint Cyprien, à la veille de la persécution de Dèce, Histoire des persécutions pendant la première moitié du troisième siècle, 2e éd.
[224] Mone, Lateinische und griechische Messes, Francfort, 1850, p. 22 ; cf. De Rossi, Bullettino di archeologia cristiana, 1875, p. 21 ; Roma sotterranea, t. III, p. 439.
[225] Canons 15-17.
[226] Canons 8-10.
[227] Canon 5.
[228] Canon 67.
[229] Canon 20.
[230] Canon 73.
[231] Canon 52 ; ce canon défend d’afficher des libelles diffamatoires dans les églises, et prouve encore l’existence d’édifices spécialement consacrés au culte.
[232] Canons 21, 45.
[233] Canons 57, 59.
[234] Canon 79.
[235] Canon 6.
[236] Canon 13.
[237] Canon 18.
[238] Canon 19. Déjà, au milieu du troisième siècle, saint Cyprien condamnait cet abus, De lapsis, 5, 6.
[239] Canon 20.
[240] On me saura gré de reproduire ici de justes observations de M. l’abbé Duchesne : Si nous trouvons dans le concile une énumération si complète et si précise des fautes qui affligeaient la société chrétienne à la fin du troisième siècle, nous y trouvons aussi une sévérité de répression, bien propre à nous donner une haute idée de l’idéal moral représenté par les prélats de ce temps et réalisé en somme dans leurs Églises. On n’aurait pas été si dur envers les pécheurs s’ils avaient été bien nombreux, s’ils avaient trouvé quelque appui dans l’opinion et la coutume. Bulletin critique, 1885, p. 335.
[241] Au nombre de dix-neuf ; Héfélé, Histoire des conciles, trad. Delarc, t. I, p. 131.
[242] Perhaps with something of the exaggeration of religious humiliation, dit Milman, History of christianity, t. I, p. 379.
[243] Eusèbe, Hist. Ecclés., VIII, 1, 7, 8.
[244] Christian charity had probably suffered more than christian purity, dit encore Milman (p. 378), dont les jugements sur cette époque sont très remarquables.
[245] Que ce tableau soit ou non complet, le lecteur impartial reconnaîtra l’injustice de l’appréciation de Gibbon, écrivant : Le plus grave des historiens ecclésiastiques, Eusèbe, avoue indirectement avoir raconté ce qui pouvait tourner à la gloire de la religion, et supprimé tout ce qui pouvait lui faire honte. Decline and Fall of rom. Emp., XVI.
[246] Diversæ virtutes Solis nomina diis dederunt, et omnes deos referri ad Solem. Macrobe, Saturnales, I, 17-23.
[247] Les Dernières Persécutions du troisième siècle, 2e éd.
[248] Médailles antiques avec Ήλιος Σέραπις, Sol Sarapis. Il porte comme Mithra le titre d’invictus deus (Corp. inscr. lat., t. VI, 574). Sérapis est très souvent identifié avec Jupiter ; mais c’est alors une sorte de Jupiter solaire : Jovi Soli optimo maximo Sarapidi (Corp. inscr. lat., t. III, 3). A Porto, un temple était consacré Jovi Soli magno Sarapidi (Visconti, Ann. Bell’ Inst. di corresp. arch., 1868, p. 381 ; Dessau, Bull. dell’ Instit., 1882, p. 152 ; Gatti, Bull. della comm. arch. comunale di Roma, 1886, p. 174).
[249] Les Dernières Persécutions du troisième siècle, 2e éd. ; Bull. della comm. arch. com., 1886, p. 144.
[250] Voir
l’avant-dernière note. Jupiter Dolichenus, qui tire son nom de la cité de
Doliche, dans
[251] Deus certus Sol. Expression d’Aurélien, Vopiscus, Aurelianus, 14.
[252] Vopiscus, Numérien, 13.
[253] Cité par Pantène, dans Routh, Reliquiæ sacræ, t. I, p. 339.
[254] Tertullien, Apologétique, 16.
[255] Cité par Macarius Magnès ; voir Dictionary of christian biography, t. III, p. 769.
[256] Sur le mythe d’Atys et la mutilation des prêtres dé Cybèle, voir Porphyre, dans Eusèbe, Præpar. evang., III, 11, et saint Augustin, De civ. Dei, VII, 25. Sur le culte de Vénus, de Priape, et même un culte plus obscène encore, voir Jamblique, Περί Μυστήριων, I, 11.
[257] Macarius Magnès, l. c.
[258] Macarius Magnès, l. c.
[259] Voir surtout le traité de l’Abstinence et la lettre à Marcella.
[260] Eusèbe, Hist. Ecclés., VI, 19 ; saint Augustin, Retract., II, 13 ; saint Jérôme, De viris illustr., 81.
[261] Socrate, Hist. Ecclés., III, 19.
[262] Ad Marcellam, 1, 3, 5. Porphyre prétend même avoir été par eux menacé de mort.
[263] Jules Simon, Histoire de l’École d’Alexandrie, t. II, p. 98-100.
[264] Eusèbe, Demonstr. evang., III, 6 ; saint Augustin, De civ. Dei, XIX, 23 ; De consensu evangel., I, 7, 15.
[265] Saint Augustin, De civ. Dei, X, 28.
[266] Saint Jérôme, Prolog.
in Daniel. C’est par des arguments analogues que M. Havet essaie de
démontrer ce qu’il appelle la modernité des
prophètes. Revue des Deux-Mondes, 1er et
[267] Eusèbe, Hist. Ecclés., VI, 19.
[268] Saint Jérôme, Ep. 57 ; 123 ; Comm. in Matth., I, 9 ; Quæst. hebr. in Genes., I, 10 ; Dialog. contra Pelag., II ; peut-être Macarius Magnès, II, 12 ; III, 4, 6.
[269] Saint Jérôme, Ep. 112 ; Comm. in Isaiam, LIV, 12 ; Prolog. comm. in Ep. ad Galat. ; Saint Augustin, Ep. 82.
[270] On n’en a pas de témoignage direct ; mais on sait par saint Cyrille d’Alexandrie que les livres publiés un demi-siècle plus tard contre le christianisme par l’empereur Julien, et contenant des arguments analogues à ceux de Porphyre, ébranlèrent un grand nombre et firent beaucoup de mal à la foi. Saint Cyrille, Contra Julianum, præf. On peut conjecturer, d’ailleurs, la gravité du péril par le nombre des réfutations de Porphyre ; Lucius Dexter en compte trente : les plus célèbres sont celles d’Eusèbe de Césarée, de Méthode de Patare, d’Apollinaire de Laodicée ; Diodore de Tarse attaque Porphyre en même temps que Platon et Aristote dans son livre contre les fatalistes ; l’historien ecclésiastique Philostorge mentionne (X, 10) un livre de lui-même, aujourd’hui perdu, contre Porphyre.