L’importance de ce texte pour établir la réalité de la persécution de Claude le Gothique nous oblige à le donner tout entier, en le faisant suivre du commentaire de M. de Rossi : Post menses vero novem, venit Romam de genere eorum quædam femina nomine blartana, natione græca, cum filia sua nomine Valeria christianissima, tamen ex gentibus Græcorum, requirentes eos. Et cum audivissent et cognovissent quia omnes martyres consummati sunt pro fide Christi, gavisæ sunt et gaudio magno repletie venerunt ad beatum Stephanum episcopum, et miserunt se ad pedes ejus ut demonstraret eis ubi sepulta sunt corpora eorum. Et dura invenissent locum, diebus vitæ suie omni tempore erant ibi vigiliis et orationibus instantes. Et dura complerentur dies vitæ earum per annos tredecim, vitam æternam adeptæ sunt. In eodem loco persecutio imminebat. Exierat enim edictum ut nullus auderet emere neque vendere panem, neque haurire aquam, nisi prius sacrificaret. M. de Rossi, qui le premier a reconnu la valeur historique de ce texte, le commente ainsi : La fin de la légende dit que treize années après la mort des martyrs grecs, quand leurs parentes Valeria et Martana sortirent de cette vie, la persécution était recommencée in eodem loco, c’est-à-dire à Rome, et qu’un édit avait été promulgué défendant d’acheter ou de vendre du pain, de puiser de l’eau, si l’on ne sacrifiait auparavant. Ces paroles semblent transcrites des Actes de saint Sébastien et des histoires, de la persécution de Dioclétien. Mais dans l’intervalle de Valérien à Dioclétien les anciens historiens marquent une longue trêve pour l’Église, à peine interrompue par Aurélien vers 274, c’est-à-dire environ dix-huit ans, non treize, après la mort des martyrs grecs. Les treize années à partir de 256 nous conduisent à 269, sous l’empire de Claude le Gothique, époque à laquelle les Actes des martyrs assignent une violente persécution, non générale, mais spéciale à Rome et aux cités circonvoisines. La réalité de cette persécution a été contestée par les critiques ; à Tillemont cependant elle ne semble pas improbable. En voici aujourd’hui une confirmation inattendue dans les Actes des martyrs grecs et dans le calcul chronologique qui en résulte, auquel certainement ne pensa pas le rédacteur de la légende. Qu’une persécution ait éclaté à Rome en 269, cela paraît démontré par le synchronisme exact et tout à fait fortuit que présente le grossier texte que j’ai publié. Quant aux paroles relatives à l’édit, elles peuvent avoir été empruntées aux Actes de saint Sébastien, et adoptées par le paraphraste pour dépeindre une persécution dont il ignorait l’auteur, l’année précise et le mode[1]. On remarquera que, dans ce passage, l’illustre archéologue romain n’invoque pas à l’appui de son opinion un monument souvent cité pour établir la réalité de la persécution de Claude : je veux parler de la célèbre épitaphe de Severa, découverte en 1730 dans un cimetière de la voie Salaria, et commentée par le P. Lupi[2]. Cette épitaphe est datée du consulat de Claude et de Paternus, c’est-à-dire de 269. Un mot à peu près effacé, à l’avant-dernière ligne, avait été interprété par le P. Lupi ΜΑΡΤΟΥΡΑ ou ΜΑΡΤΟΡΑ, c’est-à-dire martyra : de cette lecture hypothétique le savant jésuite avait conclu que la chrétienne enterrée sur la voie Salaria était une martyre de la persécution de Claude. Mais une lecture plus attentive a fait reconnaître que le mot vraiment écrit était ΜΟΡΤΟVΑ, mortua[3]. Il n’y a donc aucune conclusion historique à tirer du marbre de Severa. |
[1] Roma sotterranea, t. III, p. 212.
[2] Lupi, Dissertatio ad Severæ martyris epitaphium, Palerme, 1734.
[3] De Rossi, Inscriptiones christianæ urbis Romæ, t. I, n° 11, p. 18. — Je ne comprends même pas comment ce mot a pu être mis en doute. Toute personne qui examinera de près au Musée de Latran, comme je l’ai fait, le marbre original lira sans hésiter ΜΟΡΤΟVΑ. Les lettres M...T..VA sont encore nettement gravées (le T et le second jambage de l’A un peu plus effacés) ; quant aux lettres OP..O, elles se reconnaissent très bien, quoique en grande partie effacées. L’ensemble du mot est encore assez visible pour qu’on puisse le dessiner en fac-similé.