1° Éloge des martyrs immolés dans la crypte.
SANCTORVM QVICVNQVE LEGIS
VENERARE SEPVLCRVM. NOMINA NEC NUMERVM POTVIT
RETINERE VETVSTAS. ORNAVIT DAMASVS TITVLVM
COGNOSCITE RECTOR. PRO REDITV CLERI CHRISTO
PRAESTANTE TRIVMPHANS MARTYRIBVS SANCTIS REDDIT SVA VOTA SACERDOS. Vous tous qui lisez, vénérez le sépulcre des saints. La postérité n’a pu retenir ni leurs noms ni leur nombre. Sachez que le pape Damase a orné leur tombeau. Triomphant du retour de son clergé, obtenu par l’aide du Christ, le pontife rend ses hommages aux saints martyrs[1]. 2° Éloge des soixante-douze martyrs.[2]
TEMPORE QVO GLADIVS SECVIT PIA
VISCERA MATRIS SEXAGINTA DVO CAPTI FERITATE
TYRANNI EXTEMPLO DVCIBVS MISSIS TVNC
COLLA DEDERE. CONFESSI CHRISTVM SUPERATO
PRINCIPE MVNDI AETHERIAM PETIERE DOMVM REGNAQVE PIORVM. Au temps où le glaive déchira les sacrées entrailles de la mère, soixante-douze, pris par la cruauté du tyran, livrèrent aussitôt leur tête aux chefs envoyés contre eux[3]. Ayant confessé le Christ et vaincu le prince du monde, ils sont montés vers la demeure céleste et le royaume des saints[4]. 3° Éloge de saint Maurus.[5]
MARTYRIS HIC MAVRI TVMVLVS PIA
MEMBRA RETENTAT, QVEM DAMASVS RECTOR LONGO POST
TEMPORE PLEBIS ORNAVIT SUPPLEX CVLTV MELIORE
DECORANS INSONTEM PVERVM CVI POENA NVLLA DEFECIT. Ce tombeau garde les membres sacrés du martyr Maurus, que Damase, pasteur du peuple, orna, suppliant, après de longues années, honorant d’un culte meilleur l’innocent enfant auquel nul supplice ne manqua. 4° Réparations après la guerre des Goths.
HIC VOTIS PARIBVS TVMVLVM DVO
NOMINA SERVANT CRISANTI DARIAE NVNC VENERANDVS
HONOR EFFERA QVEM RABIES NEGLECTO IVRE
SEPVLCHRI SANCTORVM IN TVMVLOS PRAEDA
FVRENTIS ERAT[6]. PAVPERIS EX CENSV MELIVS NVNC
ISTA RESVRGVNT DIVITE SED VOTO PLVS PLACITVRA
DEO. PLANGE TVVM GENS SAEVA NEFAS
PERIERE FVRORES CREVIT ET IN TEMPLIS PER TVA DAMNA DECVS. Ici, d’un mérite égal, les deux noms de Chrysanthe et de Daria gardent leur tombeau. Maintenant, on peut le vénérer de nouveau ; mais naguère une rage impie, méprisant la religion des sépulcres, avait fait des tombeaux des saints la proie de sa fureur. Aujourd’hui, ils se relèvent plus beaux, grâce à l’argent d’un pauvre, qui plaira mieux à Dieu qu’une riche offrande. Pleure ton crime, ô race cruelle : tes fureurs ont été vaines, et l’on a vu croître la gloire des sanctuaires dévastés par toi. Ces paroles font allusion aux restaurations opérées après le siège de Rome par Vitigès, en 539. Les Goths avaient pénétré dans plusieurs catacombes, et y avaient dévasté les tombeaux des saints. Ecclesias (sic) et corpora martyrum sanctorum exterminata sunt a Gothis, dit le biographe du pape Silvère[7]. Ses successeurs Vigile[8] et Jean III[9] s’efforcèrent de réparer les dégâts. Vigile fit faire dans la crypte des saints Vital, Martial et Alexandre, sur la voie Salaria Nova[10], et dans le cimetière des saints Pierre et Marcellin, sur la voie Labicane[11], des copies d’inscriptions damasiennes dont le marbre avait été brisé. L’épitaphe métrique de saint Eusèbe, œuvre de Damase, fut de même recopiée dans le cimetière de Calliste : on possède la copie et des fragments de l’original[12]. Vigile fit aussi restaurer la chapelle sépulcrale de saint Hippolyte, sur la voie Tiburtine[13]. Parmi les restaurations de ce temps on connaît encore, par des inscriptions commémoratives, celles qui furent faites au tombeau de saint Diogène, sur la voie Salaria Vetus[14], et au tombeau des saints Chrysanthe et Daria[15]. A cette dernière, oeuvre d’un généreux chrétien, est consacré le poème épigraphique que nous avons reproduit. On l’avait longtemps cru de saint Damase, et l’on imputait aux païens les dévastations dont parle le poète[16] ; mais M. de Rossi a corrigé cette attribution vicieuse, en rapprochant l’inscription du tombeau des saints Chrysanthe et Daria d’autres inscriptions semblables, relatives à la réparation des ruines faites au sixième siècle par les Goths dans les cimetières chrétiens[17]. |
[1] Allusion à la fin des dissensions qui troublèrent l’Église de Rome après l’élection de Damase. Cf. Bullettino di archeologia cristiana, 1883, p. 63 ; Roma sotterranea, t. I, p. 213.
[2] Voir chapitre II, note 35.
[3] Allusion à la qualité de soldats ; ces martyrs paraissent avoir été jugés par leurs chefs militaires.
[4] Ces cinq vers offrent un curieux exemple de la monotonie du style damasien. Le premier vers se trouvé répété par le pontife-poète dans d’autres inscriptions métriques ; de même pour le second hémistiche du deuxième vers ; pour le troisième vers presque entier ; pour le dernier hémistiche du quatrième vers, et pour tout le cinquième vers. Voir Stornajolo, Osservazioni litterarie e filologiche sugli epigrammi Damasiani, dans les Studi e Documenli di Sloria e Diritto, 1886, p. 27-29.
[5] Voir chapitre II, note 35.
[6] Ainsi portent les manuscrits. M. de Rossi (Bullettino di arch. crist., 1880, p. 37, 38) propose de corriger ce vers, et de lire Sanctorum tumuli præda furentis erant. Il croit que l’inscription a été copiée incomplètement, et qu’il doit y avoir une lacune après le premier distique.
[7] Liber Pontificalis, Silverius ; Duchesne, t. I, p. 291.
[8] Le Liber Pontificalis ne parle pas des travaux faits par Vigile dans les cimetières ; mais il est nommé dans plusieurs inscriptions.
[9] Hic amavit et restauravit cymiteria sanctorum martyrum. Ibid., p. 305.
[10] De Rossi, Inscriptiones christianæ urbis Romæ, t. II, p. 100, 137 ; cf. Roma sotterranea, t. I, p. 217, 218 ; Rome souterraine, p. 158.
[11] Roma sotterranea, t. I, p. 218 ; Rome souterraine, l. c.
[12] Roma sotterranea, t. II, p. 195-201 et pl. III, IV ; Rome souterraine, p. 247-252 et pl. XII, XIII.
[13] Bullettino di archeologia cristiana, 1882, p. 59-66.
[14] Inscriptiones christianæ, t. II, p. 83, 100.
[15] Ibid., p. 84, 87, 116, 135.
[16] Sarazani, Damasi carmina, p. 94 ; Merenda, Damasi opera, p. 236 ; Ruinart, Greg. Turon. opera, p. 1315.
[17] Bullettino di archeologia cristiana, 1873, p. 47.