Les dernières persécutions du troisième siècle

CHAPITRE II — LE PREMIER ÉDIT DE VALÉRIEN.

 

 

I. — L’édit de 257.

Si tous avaient eu le droit de désigner par leurs suffrages un prince de leur choix, nul doute que Valérien n’eût été élu[1]. Cette phrase, écrite cinquante ans après la mort de l’empereur, n’est pas une flatterie : elle exprime le sentiment des peuples voyant monter sur le trône un prince qui n’avait pas trempé ses mains dans le sang de ses prédécesseurs, le premier capitaine d’alors, et l’ami dé tous les généraux dont l’épée, au nord et à l’est, défendait les frontières du monde civilisé. D’un homme mûri par l’âge et l’exercice des grandes charges on ne pouvait craindre les folies d’un jeune César, cet emportement ou cette mollesse qui perdent les empires. Valérien était doux, modéré, n’avait point d’ennemis à punir ou de fortune à faire. Tous les patriotes se réjouirent à la pensée de vivre sous un maître qui saurait épargner la vie des citoyens et tenir à distance les envahisseurs. Qui eût pu croire qu’un règne commencé sous d’aussi heureux auspices verrait couler à flots le sang des martyrs, toutes les frontières envahies, les Barbares foulant le sol national comme une terre sans défense, et, seul de tous les empereurs, Valérien mourant non seulement prisonnier, mais esclave d’un des ennemis séculaires du nom romain ?

Les fidèles, en particulier, étaient loin de ces prévisions sinistres. Après le court et violent orage suscité par Gallus, ils avaient retrouvé le calme. La faveur du prince leur semblait même acquise : Denys d’Alexandrie, toujours bien informé, dit qu’il était doux et bon pour les serviteurs de Dieu. Aucun de ses prédécesseurs, pas même ceux qui passent pour avoir été ouvertement chrétiens[2], n’eut pour nos frères un accueil aussi affectueux et aussi familier. Sa maison, remplie d’hommes pieux, paraissait une église[3]. Avec une curiosité qui probablement restera sans réponse, on se demande quelles circonstances inclinèrent ainsi l’âme de Valérien vers les disciples de Jésus. Ses vertus naturelles ne suffirent pas à lui donner cette sympathie : nous avons vu quelques-uns des meilleurs princes ; et même des plus vertueux, se montrer ennemis systématiques de l’Église. La bienveillance du nouvel empereur dépendit probablement de quelque influence personnelle : il cédait volontiers à l’opinion de ses amis, les remerciait de leurs conseils, se soumettait de bonne grâce à leur blâme[4]. Est-ce un ami, un serviteur qui se fit près de lui le protecteur des chrétiens ? Sa belle-fille Salonine aurait-elle plaidé leur cause[5] ? On l’ignore ; mais la facilité avec laquelle il changera bientôt de dispositions montre que sa faveur tenait à des motifs superficiels plutôt qu’à une conviction profonde. Un des défauts de Valérien était de se décider par autrui, et de manquer de suite dans ses desseins[6].

Des influences hostiles modifièrent peu à peu ses sentiments pour les chrétiens. Après leur avoir été favorable, il va se déclarer contre eux, sans pouvoir rien leur reprocher, car jamais l’Église ne donna moins d’ombrages à l’autorité civile. Elle était toute à ses affaires intérieures. Quelques-unes des plaies faites par Dèce avaient pu être pansées à la hâte ; mais il restait d’autres maux à guérir. Le schisme novatien conservait des adhérents dans le haut clergé : l’épiscopat gaulois réclama et probablement obtint du pape saint Étienne, successeur de Lucius, la déposition de l’évêque d’Arles, qui refusait d’admettre les tombés à la pénitence[7]. Ailleurs c’étaient les partisans de la morale relâchée qui remuaient encore : les évêques libellatiques de Léon et de Mérida[8] essayaient de tromper le Pape et d’être maintenus sur leurs sièges malgré les protestations de l’Espagne chrétienne[9]. Bientôt s’émut la querelle des rebaptisants, qui agita l’épiscopat de plusieurs provinces, et mit des hommes tels que saint Cyprien et saint Firmilien[10] en désaccord avec l’ancienne tradition de l’Église, que maintenait fermement saint Étienne[11]. Cette grave controverse montra sans doute l’activité intellectuelle et morale du clergé ; mais elle révéla en même temps de passagères divisions, heureusement réparées par la vigilance et l’autorité du pontife romain[12]. Un tel spectacle n’était pas pour inquiéter l’empereur. D’autres faits lui prouvaient la modération des chefs de l’Église. Dans leurs rapports avec des populations récemment sorties du paganisme, les évêques montraient en général une grande tolérance. C’est ainsi que saint Grégoire le Thaumaturge, instituant des solennités religieuses près des tombeaux des martyrs, permettait d’y faire des festins publics, à l’exemple des confréries profanes[13]. Ces allures aimables et douces du christianisme primitif n’étonneront aucun de ceux qui ont quelque habitude de ses monuments : la simplicité, la grâce, une honnête joie respirent dans les peintures des catacombes comme dans les coutumes des bons fidèles du Pont. L’Église ne demandait pas à ses enfants d’être moroses, mais d’être purs. Elle condamnait l’idolâtrie et les mauvaises mœurs, non les réjouissances et les festins. L’empire eût pu s’entendre avec elle sans que l’aspect de la société fût changé, sans que celle-ci perdit aucune de ses parures, sans que la laideur et la tristesse prissent la place de l’antique beauté.

Valérien l’aurait peut-être compris. Il avait vu de trop près les chrétiens pour s’effrayer soit de leur nombre, comme Septime Sévère[14], soit de leur hostilité prétendue, comme Dèce[15]. Mais on lui présenta d’autres motifs de défiance, que laissent apercevoir les documents relatifs à sa persécution. L’Église lui fut dénoncée comme une société puissante par sa, hiérarchie, et surtout par la grandeur de ses domaines et l’abondance de ses richesses. Pour comprendre l’effet de cette dénonciation, il faut mettre en regard les merveilles de la charité chrétienne et la crise économique dont souffrait l’empire. La caisse de l’Église était sans cesse remplie et vidée par l’aumône. Les cotisations mensuelles[16] et les dons volontaires[17] servaient à l’entretien des ministres du culte, aux frais du service divin, aux dépenses des cimetières, au rachat des captifs, au soulagement des détenus, des forçats et des exilés, à l’assistance des pauvres, des infirmes, des veuves[18]. Rome chrétienne nourrissait quinze cents indigents sous le pape Corneille[19]. Les libéralités de chaque Église dépassaient fréquemment les limites de son territoire : nous avons vu celle de Carthage envoyer cent mille sesterces en Numidie ; saint Cyprien offre à un évêque voisin d’assister des deniers de sa communauté un comédien converti, qui n’a pas encore trouvé de métier honnête[20]. Les aumônes des pontifes romains allaient parfois jusqu’aux extrémités de l’empire : le pape saint Étienne fait parvenir des secours aux Églises de Syrie et d’Arabie[21]. Les païens s’étonnaient d’une société dans laquelle les pauvres étaient moins pauvres, parce qu’on procurait aux uns du travail, aux autres des aliments, et les riches plus riches, parce que leur patrimoine ne se consumait pas à offrir au peuple des spectacles voluptueux ou cruels[22]. Cette prospérité contrastait singulièrement avec la décadence d’un État où le commerce et l’agriculture dépérissaient, où l’or et l’argent ne circulaient plus, où la détresse du trésor public contraignait les empereurs à faire de la fausse monnaie et à lui donner cours forcé[23]. Dans les crises de cette nature, les convoitises s’allument vite ; sans rechercher les vraies causes d’une ruine dont tout le monde souffre, et dont chacun est plus ou moins complice, on demande des explications imaginaires, on croit aux remèdes empiriques. Au lieu d’attribuer l’altération monétaire, l’espèce de banqueroute qui en était la conséquence, à l’abandon du commerce, à l’épuisement des campagnes, aux excès du luxe improductif, à l’esclavage, aux raisons morales inséparables des motifs économiques, on aima mieux supposer qu’une association occulte accaparait l’or et l’argent, les frappait de stérilité, amenait la ruine publique. Les païens ne comprenaient pas que l’Église, comme le dit saint Cyprien, ne fit point d’économies, et que tout ce qu’elle recevait allât aux pupilles et aux veuves[24] : leur imagination entrevoyait dans l’ombre des sanctuaires d’immenses piles d’argent monnayé, des métaux précieux laissés en lingots ou transformés en objets d’art, une mystérieuse réserve constituée peu à peu aux dépens des mourants et des orphelins[25]. Le peuple demande cet argent, disait-on ; le fisc, le trésor le réclament : il faut en aider le souverain[26]. Valérien finit par ajouter foi aux rumeurs qui couraient dans le public, et se résolut à dissoudre les associations chrétiennes pour s’emparer de leurs domaines et de leurs richesses. La question d’argent va jouer un grand rôle dans sa guerre à l’Église.

On le vit dès les violences isolées qui précédèrent l’édit et préludèrent à la persécution officielle. Une famille venue de Grèce à Rome[27], composée du père et de la mère, Hadrias et Pauline, des enfants, Néon ou Nion[28] et Marie, avait été convertie par un de leurs parents, Hippolyte, qui vivait dans une sablonnière de la voie Appienne, travaillant à la transformer en cimetière[29]. Après avoir reçu du prêtre Eusèbe et du diacre Marcel les éléments de la doctrine évangélique, les néophytes furent baptisés par le pape Étienne. Leurs richesses étaient grandes ; ils les distribuèrent aux pauvres. Maxime, préfet de Rome entre 255 et 256, fut prévenu : la générosité des nouveaux chrétiens lui parut suspecte : il avertit Valérien de la présence de riches étrangers qui répandaient l’argent dans le peuple et le détournaient du culte des dieux[30]. Hippolyte, Hadrias, Pauline, Néon, Marie, Eusèbe et Marcel furent traduits à plusieurs reprises devant l’empereur ou quelqu’un de ses conseillers. La même question, reproduite dans la plupart de leurs interrogatoires, fait connaître le mobile de la poursuite : Dis-nous, demandait Valérien au chef de la famille, dis-nous d’où te viennent ces grandes richesses, ces immenses trésors dont tu te sers pour séduire le peuple ?La fortune est le fruit de l’épargne et du travail de mes parents, répondait le chrétien[31] ; évidemment, dans la pensée de l’empereur, elle avait une origine plus mystérieuse, et provenait de quelque caisse secrète. Le procès dura longtemps : Hadrias et Hippolyte furent mis à mort après tous les autres[32], quand on eut perdu l’espoir de s’emparer des fantastiques trésors que leur prêtait l’imagination des persécuteurs. Un greffier nominé Maxime, chargé de surprendre les chrétiens, s’était laissé convertir par eux, et périt également. Les martyrs furent enterrés à un mille de Rome, sur la voie Appienne, dans le souterrain où vécut Hippolyte[33].

L’exécution des martyrs grecs et, vers le même temps, la tragique histoire des époux chrétiens Chrysanthe et Daria[34], ensevelis vivants dans un arénaire de la voie Salaria nouvelle[35], furent sans doute connus au dehors : c’est probablement après les avoir appris que des chrétiens d’Afrique, sentant la persécution imminente, demandèrent à saint Cyprien de les y préparer. Cher Fortunat, répond-il à celui qui lui avait présenté cette requête, comme la menace de la persécution pèse déjà sur nous et que l’heure de l’Antéchrist approche, tu as désiré me voir chercher dans les saintes Écritures des exhortations pour fortifier les âmes de nos frères et animer au céleste combat les soldats du Christ. Il me faut obéir à un désir aussi légitime. Dans la mesure de mes forces, avec l’aide de la grâce divine, je vais recueillir dans les préceptes du Seigneur des armes et des munitions pour ceux qui doivent prendre part à la bataille. Car c’est peu de sonner la trompette et d’éveiller le peuple de Dieu : je dois affermir par les divines leçons la vaillance et la foi des croyants[36]. L’écrit de saint Cyprien, composé pendant cette veillée des armes qui précède les grandes luttes, n’est pas un livre ou un discours, mais une sorte de table des matières, de cadre d’instructions : il laisse à l’éloquence des prédicateurs ou à l’intelligence des fidèles le soin d’y ajouter. J’envoie la laine teinte dans le sang de l’Agneau ; à vous d’en tisser des habits, dit-il ingénieusement.

Comme toujours, Cyprien avait été prévenu à temps. Les défiances adroitement semées dans l’esprit de l’empereur portaient maintenant leurs fruits. Habitués à découvrir partout des complots, effrayés et jaloux de la prospérité matérielle de l’Église, ses conseillers lui répétaient qu’une tolérance plus longue serait un péril pour l’empire. Les paroles de Valérien au martyr Hadrias montrent qu’il avait fini par écouter ces insinuations. Craignit-on, rependant, que la présence de ses amis et serviteurs chrétiens, dont la loyauté lui était connue, ne le fit encore une fois changer de sentiments ? Nous serions tentés de le croire, en voyant des influences d’un, ordre tout nouveau mises en œuvre par les fauteurs de la persécution. Dans le grand monde romain de cette époque à la fois sceptique et crédule, la politique prit souvent la superstition pour alliée. Valérien vieillissait : les empereurs païens, que nulle foi positive ne défendait contre les terreurs d’une autre vie, devenaient avec l’âge accessibles aux sorciers, aux charlatans, à quiconque prétendait parler au nom du monde invisible. Tel fut Hadrien, malgré son érudition et le tour railleur de son esprit[37] ; tel fut Marc-Aurèle, malgré sa philosophie[38]. L’ambitieux Macrien, qui détestait les chrétiens et pratiquait les arts magiques[39], réussit à s’emparer de l’âme de l’empereur. On fit voir à Valérien des spectacles étranges : les prestiges dans lesquels ont excellé de tout temps les enchanteurs de l’Égypte furent mis sous ses yeux ; le sang des jeunes enfants, libation préférée des divinités infernales, arrosa les marbres de ce palais naguère comparé à une église. Dans chacune des séances les chrétiens étaient maudits : si le prodige attendu ne paraissait pas, la faute en était à ces ennemis des dieux, à ces sacrilèges qui empêchaient les manifestations surnaturelles[40]. Attaqué de tous côtés, par la cupidité, par la politique, par la superstition, prêtant tour à tour ou simultanément l’oreille aux hommes d’État et aux magiciens[41], le malheureux empereur céda : un édit fut lancé contre les hommes en qui il avait longtemps vu ses meilleurs amis. Les jours sombres de ce règne jusque-là si prospère allaient commencer.

Bien que le texte n’existe plus, l’édit de 257 peut être facilement reconstitué : ses dispositions sont citées à plusieurs reprises dans des interrogatoires authentiques. On y remarque une différence importante avec l’édit promulgué sept ans auparavant par Dèce. Celui-ci commandait aux fidèles de renier Jésus-Christ ; aux cérémonies idolâtriques ils devaient joindre un acte formel d’abjuration[42]. Valérien ne demande pas tant : moins absolu que Dèce, ou craignant un échec, ou peut-être conservant quelque pitié pour les chrétiens, il leur propose un moyen terme. Son dessein est de les faire rentrer dans les cadres de la religion nationale ; il se contentera d’un sacrifice aux divinités de l’empire, nais il n’exige point d’abjuration. Que les fidèles, par un syncrétisme dont les païens de cette époque n’eussent point été surpris, continuent à rendre individuellement un culte au Christ, l’empereur se déclarera satisfait, pourvu qu’en même temps ils prennent part aux cérémonies officielles et fassent filmer avec tous ses sujets l’encens aux pieds des dieux.

Une seconde partie de l’édit en manifeste le but politique et lés tendances spoliatrices. La main de l’État va s’étendre sur les cimetières, siège légal du collège funéraire dont les principales églises ont pris civilement la forme. Défense aux chrétiens d’entrer dans ces lieux de repos et de tenir des assemblées. C’est le premier effort tenté pour dissoudre la corporation chrétienne et retirer à l’Église la base juridique sur laquelle, grâce à la propriété collective, elle s’appuyait depuis un siècle et demi. L’édit se borne encore à mettre les cimetières sous séquestre : dans d’autres persécutions le fisc les saisira définitivement.

Telles sont les dispositions principales de l’acte de 257. On y reconnaît les ménagements d’un souverain qui resta longtemps favorable aux chrétiens et se résout malgré lui à les poursuivre. Aussi ne prend-il même pas une mesure générale : seuls les évêques, prêtres, diacres sont nommés ; d’eux seuls est exigée une marque de soumission. Valérien ne cherche pas à faire de nombreuses victimes, ni même, comme Dèce, de nombreux apostats : il lui suffit que, par l’organe de leurs chefs hiérarchiques, les membres de l’Église donnent une adhésion officielle aux dieux de l’État. L’obéissance des chefs entraînera naturellement la suppression de la hiérarchie et la dissolution des communautés. Quant au peuple chrétien, à la foule des laïques, l’édit ne s’en occupe que s’ils reconstituent celles-ci en violant la défense de fréquenter les cimetières et de tenir des assemblées.

Dans la sanction pénale se montrent les défiances auxquelles de perfides conseillers ont ouvert l’âme de Valérien. Le délit qui naguère eût paru le plus grave, le refus par un membre du clergé de rendre honneur aux dieux, est puni de la peine relativement douce de l’exil. Mais le second délit, l’entrée dans un cimetière ou l’assistance à une réunion chrétienne, fait encourir la mort. Le fidèle qui l’a commis est considéré comme fauteur d’une association illicite, d’autant plus dangereuse qu’elle s’est abritée jusque-là sous le couvert d’une corporation légale[43]. Quiconque établissait un collège illicite était, dans la rigueur du droit, traité comme le brigand qui s’empare à main armée de temples ou d’édifices publics[44]. La peine devient celle de la loi de lèse-majesté, crime à peu près identique au sacrilège[45] et méritant la mort[46]. La torture peut être infligée au coupable, quelle que soit sa condition[47] ; mais le supplice variera : les honnêtes gens seront décapités, les humbles livrés aux bêtes ou au bûcher[48]. De l’arsenal des lois romaines, si hostiles jadis au droit d’association, Valérien tire, ce châtiment exceptionnel et le tourne contre les chrétiens coupables de s’être assemblés. L’impiété envers les dieux n’entraîne que l’exil, et encore pour les seuls membres du clergé ; l’association illicite est punie de mort, que le coupable soit un des chefs ou le plus humble membre de la communauté chrétienne.

Aucune mesure aussi grave n’a encore été prise par un persécuteur. Dèce lui-même avait respecté les domaines funéraires de l’Église. Quand Valérien retire aux chrétiens le droit de s’associer pour la sépulture, et séquestre leurs cimetières, il dépasse l’intolérance de son prédécesseur : lui qui parfois semble répugner aux violences matérielles, commet ici une violence morale dont l’Église et plus encore l’État se ressentiront pendant un demi-siècle.

 

II. — L’exécution de l’édit.

Saint Denys d’Alexandrie applique à Valérien ces paroles de l’Apocalypse[49] : Une bouche lui fut donnée qui se glorifiait insolemment et qui blasphémait, et il reçut le pouvoir de faire la guerre durant quarante-deux mois[50]. Le règne de Valérien se termina vers le milieu de 260[51] ; si l’on remonte à quarante-deux mois en arrière, on placera en 257 l’ouverture officielle de la persécution[52].

La renommée de saint Cyprien le désignait aux persécuteurs : il fut mandé devant le proconsul d’Afrique. Ce que le prêtre de Dieu répondit alors, ses Actes sont là qui le rapportent, écrit son biographe[53]. Le procès-verbal de la comparution de Cyprien avait été recueilli par les chrétiens ; l’admiration de ses ouailles en répandit des copies dans toute l’Afrique romaine. Nous le voyons cité non seulement par Pontius, mais encore par des confesseurs remerciant le saint évêque des enseignements qu’ils ont trouvés dans ses Actes[54]. Cette pièce, d’une valeur inestimable, se lit encore[55] ; commenter un tel document serait superflu, il suffit de traduire :

L’empereur Valérien étant consul pour la quatrième fois et Gallien pour la troisième, le 3 des calendes de septembre (30 août), à Carthage, dans son cabinet[56], Paternus, proconsul[57], dit à Cyprien, évêque : Les très saints empereurs Valérien et Gallien ont daigné m’adresser des lettres par lesquelles ils ordonnent à ceux qui ne suivent pas la religion romaine d’en observer désormais les cérémonies. C’est pourquoi je t’ai fait venir : que réponds-tu ? — Cyprien, évêque, dit : Je suis chrétien et évêque. Je ne connais pas de dieux, si ce n’est le seul et vrai Dieu qui a fait le ciel et la terre, la mer et tout ce qu’ils contiennent. C’est ce Dieu que nous, chrétiens, nous servons ; c’est lui que nous prions jour et nuit, pour nous et pour tous les hommes, et pour le salut des empereurs eux-mêmes[58]. — Paternus, proconsul, dit : Tu persévères dans cette volonté ? — Cyprien, évêque, répondit : Une volonté bonne, qui connaît Dieu, ne peut être changée. — Paternus, proconsul, dit : Pourras-tu donc, suivant les ordres de Valérien et de Gallien, partir en exil dans la ville de Curube ? — Cyprien, évêque, dit : Je pars. — Paternus, proconsul, dit : Ils ont daigné m’écrire au sujet non seulement des évêques, mais aussi des prêtres. Je veux donc apprendre de toi les noms des prêtres qui demeurent en cette ville. — Cyprien, évêque, dit : Vous avez bien et utilement défendu la délation par vos lois. C’est pourquoi je ne puis les révéler et les trahir. On les trouvera dans leurs villes. — Paternus, proconsul, dit : Je les trouverai. Et il ajouta : Ils (les empereurs) ont aussi défendu de tenir aucune réunion et d’entrer dans les cimetières[59]. Celui qui n’observera pas ce précepte salutaire encourra la peine capitale. — Cyprien, évêque, répondit : Fais ce qui t’a été commandé. Alors le proconsul Paternus ordonna que le bienheureux Cyprien, évêque, serait exilé[60].

L’exil ne fut pas très dur, de l’aveu du biographe. La résidence assignée à Cyprien était une ancienne colonie romaine[61], séparée de Carthage par la péninsule étroite et montagneuse qui forme de ce côté la pointe extrême de la province. Pontius se plaint de l’âpreté du site, de l’absence d’eau potable et de verdure, et de l’éloignement du rivage[62] ; mais il dit qu’une demeure bien exposée fut choisie pour le confesseur de la foi, et loue l’accueil aimable et discret des habitants, l’affluence des visiteurs[63]. D’austères pensées occupèrent dès le premier jour l’esprit de l’évêque séparé de son troupeau. Un songe lui montra le proconsul assis sur son tribunal : derrière le magistrat se tenait un jeune homme de très haute taille. Le proconsul écrivait sur des tablettes. Le jeune homme, après avoir lu, indiqua d’un geste à Cyprien qu’une sentence le condamnait à la décapitation. Cyprien demanda un délai pour mettre ordre à ses affaires. Un second geste avertit qu’un jour était accordé. A son réveil, l’évêque raconta la vision à Pontius : tous deus y reconnurent l’annonce d’un prochain martyre ; mais ils comprirent que celui-ci ne serait pas immédiat, et que Cyprien aurait le temps de disposer de son patrimoine au profit des pauvres. En effet, ajoute Pontius, un an, jour pour jour, s’écoula entre ce songe prophétique et son accomplissement[64].

Je les trouverai facilement, avait répondu le proconsul à saint Cyprien qui refusait de donner le nom et la demeure des membres du clergé. Bientôt furent arrêtés des évêques, des prêtres, des diacres, et avec eux beaucoup de laïques de tout sexe et de tout âge. On envoya la plupart aux travaux forcés des mines. La sévérité de la peine comparée à l’exil plus doux de saint Cyprien, et aussi les laïques mêlés aux clercs, font penser que cette condamnation fut prononcée pour une double contravention à l’édit. Traduit devant le gouverneur dès l’arrivée des lettres impériales à Carthage[65], Cyprien n’avait pas eu le temps de leur désobéir en tenant des réunions religieuses ; mais ses collègues dans l’épiscopat et dans le sacerdoce continuèrent, malgré la loi, les assemblées du culte et l’usage des cimetières, et attirèrent sur eux et sur le peuple fidèle de plus grandes rigueurs. La mort pouvait être prononcée, et paraît l’avoir été pour quelques-uns[66] ; les magistrats crurent user d’indulgence en condamnant le reste aux mines, la première des peines capitales après elle[67]. De Curube, Cyprien se mit tout de suite en correspondance avec les confesseurs. Aidé par le riche et charitable Quirinus[68], il leur fit parvenir des secours, avec ses éloges et ses encouragements. Sa lettre est adressée à Nemesianus, Félix, Lucius, un autre Félix, Litteus, Polianus, Victor, Jader[69], Dativus, mes collègues dans l’épiscopat, et aussi à mes collègues dans la prêtrise, et aux diacres, et à tous les autres fidèles qui, dans les mines, rendent témoignage à Dieu le Père tout-puissant et à Jésus-Christ notre Seigneur, notre Dieu, notre protecteur[70].

Les confesseurs répondirent à Cyprien par trois épîtres distinctes. L’une est écrite au nom de Nemesianus, Dativus, Félix et Victor[71] ; la seconde au nom de Lucius et de ses compagnons[72] ; la troisième a pour auteurs Félix, Jader, Polianus, avec les prêtres et tous les autres détenus dans les mines de Sigus[73]. Il est difficile de savoir si les trois groupes travaillaient à Sigus, dans des puits différents[74], ou si deux des groupes étaient employés dans d’autres mines. Mais on voit par la lettre de Cyprien que tous ces condamnés exploitaient les veines d’or et d’argent cachées dans les flancs des montagnes[75]. Leur existence était affreuse. Autour des mines comme des camps se formaient souvent des cités improvisées, offrant aux ouvriers quelques-unes des douceurs de la civilisation : on y trouvait des temples, des écoles, des bains, des ateliers de foulons, jusqu’à des boutiques de coiffeurs[76]. Mais les travailleurs libres et les soldats chargés de la police ou de la garde de la mine en profitaient seuls. Les condamnés restaient soumis au plus dur régime, sans adoucissement à leurs souffrances. Avant même de descendre dans la mine leur supplice commençait. On les flagellait[77] ; on les marquait au front[78] ; un forgeron leur rivait aux pieds des anneaux de fer, joints par une courte chaîne quelquefois reliée à la ceinture, qui laissait la faculté de marcher, mais prévenait toute fuite[79]. Assimilés en droit à l’esclave, par une condamnation entraînant la mort civile[80], ils lui étaient désormais assimilés en fait, par le traitement qu’on leur infligeait : ils devenaient u la race ferrée » dont parle Plaute[81]. Non seulement, comme l’esclave des champs, ils avaient les jambes liées et le visage marqué[82], mais, comme à lui encore, on leur avait rasé la moitié des cheveux, afin de les reconnaître s’ils parvenaient à s’échapper[83]. En cet état, des évêques, des prêtres, des laïques de tout rang, des vieillards, des jeunes filles, des enfants[84] travaillaient dans des ténèbres que rendait plus sensibles la vapeur empestée des torches[85] ; à peine nourris[86], tremblant de froid sous leurs haillons dans l’air glacé des souterrains[87], sans lits, sans même un matelas[88], sans bains[89], privés surtout des consolations spirituelles et de l’exercice du culte[90]. Mais dans ces peines l’âme des généreux confesseurs restait libre : leurs lettres simples et touchantes montrent que l’ardeur de la foi, la joie de souffrir pour Jésus-Christ, la charité mutuelle, élevaient la nature au-dessus d’elle-même et la rendaient supérieure à toutes les défaillances. ils n’étaient point plongés, comme leurs compagnons païens, dans les cercles désespérés d’un Enfer digne de celui de Dante : sur leurs tètes déformées et souffrantes rayonnait déjà la douce splendeur du Paradis[91].

Pendant que les chrétiens de l’Afrique proconsulaire et des provinces voisines rendaient témoignage à leur Dieu par l’exil ou la captivité, des scènes analogues se passaient en Égypte. Le renom et l’autorité de saint Denys égalaient dans Alexandrie ceux de saint Cyprien à Carthage. Cité devant le préfet Émilien, il se rendit au tribunal accompagné du prêtre Maxime, des diacres Faustus, Eusèbe et Chérémon ; un chrétien de Rome, qui se trouvait la, entra avec eux dans le prétoire[92]. La relation officielle, les actes du procès ont, cette fois encore, été conservés ; saint Denys lui-même les cite dans une lettre à l’évêque Germanus. Voici ce document, digne de celui que nous avons traduit plus haut :

Denys, Faustus, Maxime, Marcel et Chérémon[93] ayant été introduits, le préfet dit : Je vous ai fait connaître non seulement par écrit, mais même de vive voix la bonté de nos princes envers vous. Ils vous ont laissé le moyen de vous sauver, si vous voulez, conformément aux lois de la nature, adorer les dieux gardiens de leur empire et oublier ce qui est contraire à ces lois. Que répondez-vous ? Car j’espère que vous ne vous montrerez pas ingrats envers la clémence qui s’efforce de vous ramener dans une voie meilleure. Denys répondit : Les mêmes dieux ne sont pas adorés par tous ; chacun adore ceux qu’il croit. Nous reconnaissons et nous adorons un seul Dieu, créateur de toutes choses, qui a confié l’empire à ses très aimés Valérien et Gallien Augustes. C’est à lui que nous offrons de continuelles prières pour le salut et la stabilité de leur empire[94]. Le préfet Émilien dit alors : Qui vous empêche d’adorer ce Dieu, s’il l’est vraiment, et de rendre en même temps un culte à ceux qui sont dieux par nature[95] ? car on vous ordonne d’adorer les dieux, c’est-à-dire ceux que tout le monde reconnaît pour tels. Denys répondit : Nous n’en adorons point d’autre. Le préfet Émilien dit : Je vois que vous êtes des ingrats et que vous méconnaissez la clémence des Augustes. Aussi ne resterez-vous pas dans cette ville ; vous serez envoyés en Libye, dans un lieu appelé Kephro. C’est la résidence que j’ai choisie pour vous, selon l’ordre de nos Augustes. Il n’est permis ni à vous ni à nul autre de tenir des réunions ou d’aller dans ce qu’on appelle des cimetières[96]. Celui qui aura manqué de se rendre au lieu que j’ai assigné ou qui aura pris part à une assemblée sera l’artisan de son malheur. Car la peine méritée ne fera pas défaut. Allez donc où l’on vous commande.

L’attente du préfet fut trompée : loin de mettre un terme aux assemblées chrétiennes, l’exil de l’évêque d’Alexandrie les multiplia en des lieux où le nom du Christ était à peine connu. Avant de se mettre en route, Denys s’entendit avec les membres du clergé laissés dans la ville, et toutes les précautions furent prises pour qu’en son absence les fidèles se réunissent régulièrement : Je les présidais, dit-il, absent de corps, mais présent d’esprit[97]. A Kephro, sur la limite du désert, d’autres assemblées se tenaient en même temps : beaucoup de fidèles avaient suivi leur évêque, et de toutes les parties de l’Égypte des chrétiens venaient le voir. Non content de réunir tant d’adorateurs du Christ, Denys voulut le faire connaître aux Libyens. Il annonça dans Kephro la parole évangélique. D’abord les habitants jetèrent des pierres au prédicateur, puis quelques-uns se laissèrent toucher[98]. Dieu nous avait visiblement conduits en ce lieu, dit saint Denys ; maintenant que la semence est jetée il nous emmène ailleurs. Inquiet du mouvement chrétien qui se produisait à Kephro, Émilien fit transporter les condamnés dans la Maréote, région plus âpre, plus Libyque, selon le mot de Denys, mais plus rapprochée d’Alexandrie : la surveillance y serait facile. On eut soin de ne pas laisser les chrétiens habiter ensemble : ils furent dispersés dans des bourgs différents : Denys, sur lequel l’autorité voulait avoir les yeux, eut ordre de résider dans la région du Colluthion, au bord de la grande voie qui, par la Cyrénaïque, reliait Alexandrie et la Méditerranée avec l’Afrique proconsulaire[99]. Dans sa relation pleine de franchise, il raconte que le changement de lieu lui causa d’abord quelque appréhension ; il s’était attaché aux rudes habitants de Kephro : de plus, il s’effrayait d’être sur le passage des caravanes et dans un pays infesté de brigands[100]. Plais le voisinage d’Alexandrie le consola. Ses amis, ses fidèles vinrent le visiter : les assemblées, que le préfet avait cru interdire, reprirent non seulement autour de lui, mais en tous les lieux habités par ses compagnons d’exil. Comme il le raconta plus tard dans un mandement adressé à son troupeau à l’occasion de la Pâque, les condamnés ne cessèrent pas de célébrer régulièrement toutes les fêtes. L’endroit où chacun se trouvait, champ, désert, navire, hôtellerie, prison, tenait lieu d’église[101]. Denys eût joui dans l’exil dé toutes les consolations chères à son cœur d’évêque et d’apôtre, si la calomnie, qui n’épargne pas les saints, n’était venue l’y chercher. De Kephro ou de Colluthion il eut à se défendre contre un de ses collègues, Germanus, qui, sans avoir fait preuve d’héroïsme, dans aucune persécution, lui reprochait sa fuite sous Dèce, et probablement de n’être pas encore mort sous Valérien. Denys répondit à ces attaques par une longue lettre, où il raconte son histoire. A l’exemple de saint Paul, il y rappelle ses titres aux égards de tous, et particulièrement au respect de son adversaire : les sentences des juges, la confiscation, la vente et le pillage de ses biens, le renoncement aux dignités, le mépris de la gloire du siècle, le dédain des louanges des préfets et des grands, les menaces courageusement affrontées, les clameurs, les accusations, les persécutions, la fuite, les privations, les souffrances de toutes sortes supportées sans faiblir, tant d’épreuves subies sous Dèce et Sabinus, et aujourd’hui sous Émilien[102]. Après avoir ainsi parlé, Denys s’excuse de cet excès de folie où Germanus l’a fait tomber[103] ; folie, non assurément, ni orgueil, mais fierté légitime de l’évêque, du prêtre, du chrétien qui a été jugé digne de confesser Jésus-Christ, et ne permet pas que les calomnies des envieux flétrissent sa couronne !

Nous avons peu de renseignements sur l’application de l’édit de 257 à Rome et en Italie. La mort du pape saint Étienne (2 août) paraît avoir coïncidé avec sa promulgation. Lut-on le temps de l’inquiéter ? La tradition fort ancienne de son martyre permet de le supposer ; mais les détails donnés par les documents qui y font allusion sont inexacts et proviennent d’une confusion avec la mort dramatique de son successeur[104]. Le silence gardé par les tables philocaliennes[105] montre que si Étienne eut la gloire de périr pour la foi, ce fut comme saint Corneille, d’une manière non sanglante, soit en exil, soit en prison[106]. On déposa ses restes dans la crypte papale[107].

Les travaux commencés dès le règne de Septime Sévère pour donner à la catacombe de Calliste des issues secrètes[108] durent être repris à cette époque afin de déjouer l’interdiction de fréquenter les cimetières et d’y tenir des assemblées. On abattit vers ce temps les marches de plusieurs escaliers et l’on ferma par des murs l’entrée de certaines galeries : l’accès des principaux sanctuaires devint ainsi presque impossible pour quiconque n’était pas initié[109]. L’acolyte Tarsicius, qui faisait probablement partie du clergé attaché au cimetière de Calliste, circulait entre Rome et le domaine chrétien de la voie Appienne, porteur des saintes espèces[110], quand il fut arrêté par une troupe de soldats chargés apparemment de garder l’entrée de la catacombe. Il refusa de trahir le secret du dépôt eucharistique et de livrer aux chiens enragés les membres de son Dieu ; on le tua sur place[111]. Les chrétiens assemblés près de là purent recueillir son corps : le martyr de l’eucharistie fut enterré dans le caveau papal[112].

La surveillance dont les cimetières étaient l’objet amena un meurtre plus horrible encore. Lors du premier anniversaire de Chrysanthe et Daria, martyrisés l’année précédente, des chrétiens s’assemblèrent pour aller prier dans l’arénaire de la voie Salaria nouvelle, près du caveau muré où reposaient les deux saints. Pendant l’oblation du saint sacrifice, des soldats apportèrent des pierres, du sable, bouchèrent à la hâte le souterrain : les pèlerins furent, à leur tour, enterrés vivants[113]. Le lieu où reposaient tant de victimes finit par être oublié[114]. Quand la tombe de Chrysanthe et de Daria eut été retrouvée, après la paix de l’Église, on aperçut dans cette crypte deux fois vénérable non seulement les reliques des chrétiens qui y avaient péri, des squelettes d’hommes, de femmes, d’enfants étendus sur le sol, mais encore les vases d’argent apportés pour la célébration des saints mystères. Saint Damase, restaurant la catacombe[115], ne voulut point toucher à cette scène de martyre. Il s’abstint de faire des travaux dans la crypte, et d’y mettre aucun ornement étranger ; il se contenta d’y poser une inscription[116] et d’ouvrir dans la muraille une petite fenêtre, afin que tous pussent contempler les restes épars des pèlerins morts au milieu de leur prière[117]. On les voyait encore au sixième siècle. Espérons que de nouvelles fouilles nous en rendront quelque souvenir[118], peut-être des fragments de l’inscription damasienne, peut-être la fenêtre même par laquelle nos pères ont contemplé cet émouvant spectacle, une messe célébrée au troisième siècle et interrompue par le martyre.

 

 

 



[1] Trebellius Pollion, Valerianus, I.

[2] Allusion aux deux Philippe.

[3] Saint Denys d’Alexandrie, lettre à Hermammon, dans Eusèbe, Hist. Ecclés., VII, 10, 3.

[4] Cf. Trebellius Pollion, Triginta tyranni, 17 ; Vopiscus, Claudius, 15 ; Probus, 14.

[5] Sur le christianisme de Salonina, voir l’hypothèse de M. de Witte, dans Cahier et Martin, Mélanges d’archéologie, t. III, p. 193. Nous l’examinerons dans un autre chapitre.

[6] Multum iners, dit Aurelius Victor, Épitomé. Cf. Zosime, I, 36.

[7] Saint Cyprien, Ép. 67. La réponse de saint Étienne n’a pas été conservée, mais il semble que le Pape se rendit à la demande et consentit à faire usage contre Marcien de son autorité apostolique, car le nom de celui-ci ne se trouve pas dans la liste des évêques d’Arles, telle que nous la possédons aujourd’hui. Voir Mabillon, Annales, t. III, p. 432 ; cf. Tillemont, Mémoires, t. IV, art. XXXV sur saint Cyprien.

[8] Voir Histoire des persécutions pendant la première moitié du troisième siècle, 2e édit., p. 325, et Revue des questions historiques, janvier 1886, p. 13-16.

[9] Saint Cyprien, Ép. 69. On connaît l’affaire par cette lettre seule. Peut-être apparaîtrait-elle sous un jour différent si quelque document contradictoire, émané de Rome ou d’Espagne, était venu jusqu’à nous.

[10] Sur saint Firmilien, voir Tillemont, Mémoires, t. IV, et le P. Bossue, dans les Acta SS., octobre, t. XII, p. 470-510.

[11] Voir saint Cyprien, Ép. 70, 71, 72, 73, 74, 76 ; saint Firmilien, lettre à saint Cyprien (75 inter Cyprianicas) ; actes du troisième concile tenu à Carthage sur la question du baptême des hérétiques, dans Migne, Patrol. lat., t. III, p. 1051 et suiv. ; anonyme du troisième siècle, De rebaptismate, ibid., p. 1184 et suiv. ; lettres de saint Denys d’Alexandrie, dans Eusèbe, Hist. Ecclés., VII, 2-9 ; saint Augustin, De baptismo contra Donatistas, II-VII ; Contra Cresconium, II, 31 et suiv. ; III ; Contra Gaudentium, II ; Ép. 93 ; saint Vincent de Lérins, Commonitorium, I, 6 ; saint Basile, Ép. canonica ad Amphilochium, 1. — Pour la bibliographie des auteurs modernes, voir Blanc, Cours d’histoire ecclésiastique, t. I, p. 303 ; de Smedt, Dissertationes selectæ in primam ætatem historiæ ecclesiastiæ, p. 236. L’un de ceux qui ont le plus complètement élucidé la question est Héfélé, Histoire des conciles, t. II, p. 98-115 (trad. Delare).

[12] On voit, avant la mort de saint Cyprien, les rapports affectueux rétablis, sous le successeur d’Étienne, entre le siège de Rome et l’Église de Carthage. Le troisième siècle ne s’achèvera pas sans que les évêques d’Afrique et d’Asie aient renoncé à leurs opinions particulières sur le baptême pour revenir à la tradition maintenue par le Pape. Saint Jérôme, Adv. Luciferianos, 23 ; saint Augustin, Contra Cresconium, III, 2.

[13] Saint Grégoire de Nysse, Vita S. Gregorii Thaumaturgi (Migne, Patr. Græc., t. XLVI, col. 953). — C’est absolument ce que devait recommander, trois siècles plus tard, un autre Grégoire, traçant aux missionnaires les règles pour convertir les Anglo-Saxons ; saint Grégoire le Grand, Ép., XI, 70.

[14] Voir Histoire des persécutions pendant la première moitié du troisième siècle, 2e édit., p. 66.

[15] Ibid., p. 293-287.

[16] Coïmus ad Deum... arcæ genus est... modicam unusquisque stipem menstrua die... apponit. Tertullien, Apologétique, 39. Cf. Marcien, au Digeste, XLVII, XXII, 3, § 1 ; inscription du collège funéraire de Lanuvium, Orelli-Henzen, 6086.

[17] L’importance attachée par l’Église à ces dons volontaires, distincts des cotisations mensuelles, parait dans le traité de saint Cyprien sur les Bonnes Œuvres et l’Aumône. Quelle autorité dans ses conseils ! quel accent dans ses paroles ! Telle opulente et puissante matrone est venue le dimanche à l’église sans mettre une offrande dans le tronc (corbona) destiné à recevoir les aumônes ; l’évêque la voit, fait en deux mots son portrait : elle se reconnaîtra, la rougeur au front, en lisant son livre. — Mais, disent quelques chrétiens prudents, nous craignons de nous appauvrir. — Soyez plus braves et plus confiants, répond saint Cyprien : la fortune partagée avec Dieu ne s’épuise pas ; et d’ailleurs ne sommes-nous pas entourés d’ennemis, toujours à la veille d’une persécution ? Ce qu’on donne à Dieu est dérobé d’avance à la main violente de l’État, aux usurpations du fisc, aux sentences iniques des juges. — Mais nous avons beaucoup d’enfants ! — Plus votre maison abrite d’enfants, et plus vous devez faire de bonnes œuvres, car plus nombreux sont ceux dont il vous faut racheter les péchés, purifier les consciences, délivrer les âmes. De opere et eleemosynis, 9, 10, 11, 12, 13, 15.

[18] Tertullien, Apologétique, 39 ; saint Cyprien, Ép. 36, 37, 60, 61, 77 ; saint Ambroise, Off., II, 28.

[19] Saint Corneille, lettre à Fabius, dans Eusèbe, Hist. Ecclés., VI, 43, 11.

[20] Saint Cyprien, Ép. 61. L’ancien histrion gagnait encore sa vie en enseignant son art. Saint Cyprien offre de le nourrir s’il veut renoncer à ses levons. Sur les efforts de l’Église pour assurer des métiers honnêtes aux convertis de ce genre, voir mes Esclaves chrétiens, p. 389.

[21] Saint Denys d’Alexandrie, lettre à saint Étienne, dans Eusèbe, Hist. Ecclés., VII, 5, 2. Cf. Bullettino di archeologia cristiana, 1866, p. 9, 21 ; 1868, p. 18-21.

[22] Sur le grand nombre des magistrats païens qui se ruinaient en donnant des jeux, voir Pline, Ép., X, 111 ; Hermogène, au Digeste, I, III, 8 ; Corpus inscr. lat., t. II, 4514. Saint Cyprien félicite les chrétiens de remplacer de telles dépenses par l’aumône : Les païens s’enorgueillissent de donner des jeux devant un empereur on un proconsul : on n’épargne alors aucune dépense ; on engage ou l’on vend ses biens afin de subvenir à des frais énormes ; on s’expose, en cas d’échec, aux injures, aux sifflets, aux projectiles ; et si l’on réussit, qu’a-t-on gagné ? la faveur mobile du peuple, la promesse d’un consulat. Chrétiens, votre charité est donnée en spectacle à Dieu et à son Christ ; les anges et les vertus du ciel y applaudissent ; dans ces jeux, les hommes ne meurent pas, mais sont consolés, assistés, nourris, vêtus ; votre patrimoine n’est pas dissipé, il va grossir votre trésor dans le ciel. De opere et eleemosynis, 21, 22.

[23] Presque tous les empereurs de ce temps méritent le nom de faux monnayeurs. L’altération des monnaies était fréquente, et leur taux variait sans cesse. Au milieu du troisième siècle, les pièces d’argent ne furent plus que du cuivre saucé, véritables assignats dont la valeur nominale dépassait beaucoup la valeur réelle : l’État leur donnait cours forcé dans les transactions entre particuliers, mais leur fermait ses caisses, où il ne voulait recevoir que de l’or. Une des plus curieuses conséquences de l’altération des monnaies d’argent, c’est que les pièces de cuivre, dont la fabrication était réservée au sénat, se trouvèrent posséder une valeur intrinsèque supérieure à celle des pièces impériales de soi-disant argent. Aussi, pendant les invasions ou les guerres civiles du troisième siècle, ce sont les pièces de cuivre, et non celles d’argent, que l’on enfouit de préférence. Voir Mommsen, Histoire de la monnaie romaine, trad. Blacas, t. III, p. 111-136 ; T. Lenormant, la Monnaie dans l’antiquité, t. I, p. 172.

[24] Universa quæ dantur, et pupillis et viduis conferuntur. Saint Cyprien, De opere et eleemosynis, 15.

[25] Prudence, Peri Stephanôn, II, 68.

[26] Prudence, Peri Stephanôn, II, 89-92.

[27] L’inscription mise par saint Damase dans la crypte papale célèbre parmi les martyrs de la nécropole callistienne (en y comprenant les hypogées successivement réunis) les CONFESSORES SANCTI QVOS GRAECIA MISIT (De Rossi, Roma sotterranea, t. II, pl. II ; cf. Rome souterraine, pl. XI). — La Notitia portarum, viarum, ecclesiarum circa urbem Romani, reproduite par Guillaume de Malmesbury, et faisant connaître l’état des cimetières romains à la fin du septième siècle, mentionne, près de l’église de Sainte-Solère, sur la voie Appienne, les sépultures des martyrs Hippolyte, Adrien, Eusèbe, Marie, Pauline, Marcel (Roma sotterranea, t. I, p. 181, col. V). — Deux inscriptions appartenant à la fin du cinquième siècle ou au commencement du sixième, et conservées dans un recueil épigraphique (le sylloge de Tours, ms. de Klosterneuburg) compilé au septième, racontent l’histoire de Marie, Néon, Hippolyte, Adrien, Pauline, le groupe autrefois sacrilège que la Grèce envoya, OLIM SACRILEGAM QVADI MISIT GRAECIA TVRBAM, et font allusion à leur Passion, PASSIO LECTA DOCEBIT (Roma sotterranea, t. I, p. 263 ; t. III, p. 194 ; Inscriptiones christ. urbis Romæ, t. II, p. 66 ; fragment du marbre original retrouvé en 1887, Bull. di arch. crist., 1887, p. 60-65 et pl. V). — Enfin un lectionnaire du douzième siècle, aujourd’hui à la Bibliothèque vaticane, ms. 5696, fol. 90 v°, contient des Actes de ces martyrs, publiés peu fidèlement par Baronius (Ann., ad ann. 259, § 7) et intégralement par M. de Rossi (Roma sotterranea, t. III, p. 201-203), œuvre de basse époque, peut-être distincte de la Passion à laquelle fait allusion l’inscription citée plus haut, mais remarquable par certains détails qui paraissent puisés à bonne source, et en particulier par l’exactitude des indications topographiques. Voir la discussion critique de ces Actes, ibid., p. 203-213 ; consulter, cependant, des observations beaucoup moins favorables des Analecta Bollandiana, 1897, p. 239-240.

[28] La Passion donne à celui-ci le nom de Neo : la copie de l’inscription dans le sylloge de Tours dit Nio (cum fratre Nione) : cette forme paraît être la vraie, car les quelques mots conservés par le fragment original retrouvé en 1887 sont précisément, pour la première ligne, CVM FRATRE NIOne.

[29] QVEM MONACHI RITV TENVIT SPELVNCA LATENTEM

CHRISTICOLIS GREGIBVS DVLCE CVBILE PARANS.

Inscription du cinquième ou sixième siècle ; Roma sotterranea, t. III, p. 1911. — La transformation des sablonnières ou arénaires en cimetières eut très rarement lieu, leur sol trop friable ne se prêtant pas facilement à. l’excavation des galeries et des tombes. L’arénaire d’Hippolyte est un des trois ou quatre cas d’adaptation d’une ancienne sablonnière à un usage sépulcral. Voir Rome souterraine, p. 460-474.

[30] Divulgatum est Valeriano a quodam Maximo prsefecto Urbis (Passio, dans Roma sotterranea, t. III, p. 202). Le nom de Maxime a été emprunté à un document plus ancien ; Valerius Maximus est marqué comme préfet de Rome en 255, sur la liste donnée par l’almanach philocalien. Il faut se rappeler que les préfets de Rome n’avaient point de temps réglé, et que ceux qui sont marqués pour une année avaient quelquefois commencé dans celle de devant et n’ont fini que dans la suivante. (Tillemont, Histoire des Empereurs, t. III, p. 395 ; De Rossi, l. c., p. 211.) Maxime commença le procès, mais ne le termina pas ; il dut sortir de charge dans les premiers mois de 256 et fut remplacé, d’après la même liste, par Mummius Albinus. Cette coïncidence chronologique a une grande valeur, dit M. de Rossi, Roma sotterranea, t. III, p. 211. Les auteurs de légendes plus ou moins imaginaires n’avaient pas coutume de consulter les fastes, très rares à l’époque où ils écrivaient, des préfets de Rome, et de donner une couleur de vérité à leurs compositions apocryphes au moyen d’une concordance chronologique étudiée avec soin. Maxime, préfet de Rome, ne fut pas connu à l’auteur de la Passion par d’autres légendes : un Valerius Maximus apparaît dans celle du pape saint Étienne, mais en qualité de consul, non de préfet. Aussi le Maximus præfectus Urbis et le rapport fait par lui à Valérien sur l’augmentation du nombre des chrétiens par la propagande d’Hippolyte me paraissent-ils des données vraiment historiques. Mais autant la mention de Maxime offre de valeur chronologique, autant la date consulaire donnée par la Passion, Valeriano et Lucillo, est-elle manifestement erronée. Valérien (second fils de l’empereur de ce nom) et Lucillus furent consuls en 265, époque où la persécution était depuis longtemps apaisée. M. de Rossi (Bull. di arch. crist., 1887, p. 65) explique cette indication inexacte par un emprunt maladroit du passionnaire à certains manuscrits des Actes, contenant des apostilles marginales qui, à raison de leur longueur, se terminaient en regard d’une année autre que la date véritable à laquelle elles se rapportaient. Ce n’est pas le seul exemple d’une erreur produite par cette cause ; voir Bull. di arch. crist., 1884-1885, p. 116-120.

[31] Die tamen ex quo jure tibi abundantia divitiarum, et pecuniarum enormitas innumerabilis, ut seducas populum. — In nomine Domini mei Jesu Christi, de paupertate et labore parentum meorum (Passio, dans Roma sott., t. III, p. 205). — La formule de paupertate et labore parentum meorum est de goût antique ; cf. sur les tombeaux : FRVCTVM LABORIS SVIINSTANTIA ET LABORIBVSDE SVA PARCIMONIAEX SVA FRVGALITATEE MEDIOCRITATE SVAEX SVA PAVPERTATE (Orelli, 4728, 4729 ; Marini, Atti degli Arvali, p. 184, 691). Paupertas a ici le sens d’épargne, d’économie ; et non de pauvreté.

[32] Le 5 des ides de novembre (9 novembre). Cette date est donnée en tête du fragment trouvé en 1887 : SVB D V ID NOV (sub die quinto ides novembres). Pauline, Eusèbe et Martial avaient péri le 13 des calendes de novembre (20 octobre), Néon et Marie, le 6 des mêmes calendes (27 octobre). Tous les martyrs, y compris Maxime, dont nous parlons plus loin, moururent dans l’automne de 256. Sur les dates, voir Roma sotterranea, t. III, p. 197-200.

[33] Sepelivit via Appia ex præcepto sancti Stephani episcopi, milliario ab urbe Roma primo, juxta corpora sanctorum, in arenario ubi frequenter conveniebant. — Le commentariensis Maxime ne fut pas enterré dans l’arénaire, mais dans le cimetière de Calliste proprement dit, in cimeterio Callisti, via Appia. Voir De Rossi, Roma sotterranea, t. II, p. 180.184. Sa translation dans ce cimetière eut lieu le 13 des calendes de décembre (19 novembre), mais sa mort parait de quelques jours au moins antérieure à cette date. — L’arénaire d’Hippolyte, réuni plus tard au cimetière de Calliste, a été très probablement retrouvé par M. de Rossi ; la nature du sol y rend difficiles les recherches. Voir carte du cimetière de Calliste, dans Roma sotterranea, t. III, pl. XLII-XLV. L’arénaire est marqué n° XIII. Cf. p. 193-229, 301-312, et Bullettino di archeologia cristiana, 1868, p. 8 et suiv. ; 1875, p. 134-137 ; 1876, p. 31. — Dans la Rome souterraine française, l’arénaire d’Hippolyte est également marqué n° XIII sur le plan du cimetière de Calliste.

[34] La grande Passion des saints Chrysanthe et Daria, comme les Actes abrégés et les Menées grecques, les met vingt-huit ans plus tard, sous Numérien ; mais elle dit, dans son dernier paragraphe, que ces auteurs l’écrivirent par ordre du pape Étienne. L’erreur est évidente pour le texte que nous possédons, composition légendaire rédigée vraisemblablement au cinquième siècle ; mais l’indication chronologique me parait devoir être retenue. Elle contredit celle qui est donnée an commencement de la Passion, puisque Étienne, mort en 257, fut contemporain de Valérien, et non de Numérien, qui régnait en Orient pendant l’année 284. Mais il est facile de corriger Numerianus en Valerianus, et de supposer que ce dernier nom, lu dans un document ancien, a été ensuite mal copié. Surtout si les Actes furent d’abord en grec, ΟΥΑΛ devint aisément ΟΥΜ et ΝΟΥΜ. C’est l’opinion de Tillemont (Mémoires, t. IV, note I sur saint Caius) ; c’est aussi celle des PP. Bénédictins de Solesmes (Les Actes des Martyrs, t. II, p. 171), peu portés à suivre aveuglément Tillemont. Le P. Bossue, dans sa Préface à la Passion des SS. Chrysanthe et Daria, Acta SS., octobre, t. X, p. 414, § 20, refuse, quoique avec hésitation, de s’y rallier : je la crois cependant plus vraisemblable et mieux en harmonie avec les faits généraux. M. de Rossi exprime la même pensée, Roma sotterranea, t. I, p. 201. — Saints Chrysanthe et Daria sont commémorés par divers martyrologes aux 12 août, 17 octobre, 29 novembre, 1er décembre ; dates qui peuvent se rapporter à la Passion, à l’invention des reliques, à leur translation, à la dédicace du monument. Acta SS., octobre, t. X, p. 438-439. — Dans mon hypothèse, le martyre des deux saints se place entre août et décembre 256.

[35] Sur l’arénaire, voir De Rossi, Bullettino di archeologia cristiana, 1873, p. 9-12. Cf. Rome souterraine, p. 133, 134, 471. — Dans une crypte du même arénaire reposaient les martyrs Claude, Hilaire, Maur, Jason, et soixante-douze soldats, dont les Actes de Chrysanthe et Daria rattachent, avec plus ou moins d’exactitude, l’histoire à celle de ces saints. Acta SS., octobre, t. X, p. 481. Les topographes du septième siècle notent leurs sépultures ; voir De Rossi, Roma sotterranea, t. I, p. 176, 177. Les Actes disent que les corps de ces martyrs furent déposés dans un ancien aqueduc, approprié à un usage sépulcral par les chrétiens. Précisément dans l’étage cémétérial qui se trouve au-dessus de l’arénaire on rencontre d’anciens conduits d’aqueduc, dont l’eau avait été détournée ; cette observation, faite d’abord par Bosio, Roma sotterranea, p. 488-503, est confirmée par M. de Rossi, Bullettino di archeologia cristiana, 1873, p. 11.

[36] Saint Cyprien, De exhortatione martyrii, proœmium.

[37] Voir Histoire des persécutions pendant les deux premiers siècles, 2e édit., p. 276.

[38] Ibid., p. 341. Cf. Keim, Rom und das Christenthum, p. 580.

[39] Saint Denys d’Alexandrie, lettre à Hermammon, dans Eusèbe, Hist. Ecclés., VII, 10, 4, donne à Marcien le titre de τών άπ’ Αίγύπτου μάγων άρχισυνάγωγος, qui étonnera peut-être d’un Romain de haut rang ; mais il faut se rappeler qu’aux troisième et quatrième siècles les plus grands personnages se faisaient initier aux cultes étrangers et en recevaient les sacerdoces ; des clarissimes prennent à Rome dans les inscriptions le titre de sacerdos Isidis et même de propheta Isidis : Corpus inscr. lat., t. VI, 504, 846 ; sur les prophètes d’Isis, voir Lafaye, Histoire du culte des divinités alexandrines hors de l’Égypte, p. 133. Même en province, à Marseille, dans la dernière moitié du second siècle, le patron de la corporation des drapiers porte le titre de prophète d’Isis ; voir C.Jullian, Un prophète marseillais, dans le Bulletin épigraphique, 1886, p. 117 et suiv. On tonnait la dévotion de Commode, de Pescennius Niger, de Caracalla, d’Alexandre Sévère pour Isis et Osiris ; Lampride, Commode, 9 ; Alexandre Sévère, 26 ; Spartien, Pescennius Niger, 6 ; Caracalla, 9 ; cf. Keim, l. c., p. 294, 636.

[40] Saint Denys d’Alexandrie, l. c. — De nombreux témoignages montrent, du deuxième au quatrième siècle, la présence des chrétiens,. faisant taire les oracles, cesser les manifestations poursuivies par les prêtres ou, les magiciens du paganisme : Passio S. Symphorosæ, dans Ruinart, p. 18 ; Passio S. Pionii, 7, ibid., p. 118 ; Tertullien, Apologétique, 23, 27 ; Ad Scapulam, 4 ; Arnobe, Adv. Gentes, 1, 45 ; Lactance, Div. Inst. ; IV, 27 ; Prudence, Apotheosis, 449-505 ; Peri Stephanôn, V, 85-92 ; Sozomène, Hist. Ecclés., V, 19 ; Théodoret, Hist. Ecclés., III, 10.

[41] Le début des Actes arméniens de saint Étienne pape dit de même que Valérien fut trompé par les magiciens. P. Martin, Revue des questions historiques, avril 1877, p. 577. Mais ce passage n’apporte pas une autorité nouvelle, car les premières lignes des Actes arméniens ne sont guère qu’une traduction de saint Denys et d’Eusèbe.

[42] Voir Histoire des persécutions pendant la première moitié du troisième siècle, 2e édit., p. 332, et le Christianisme et l’Empire romain de Néron à Théodose, 2e édit., P. 97-98.

[43] Ne sub prætextu hujusmodi collegium illicitum coeat. Marcien au Digeste, XLVII, XXII, 1.

[44] Quisquis illicitum collegium usurpaverit ea pœna tenetur qua tenentur qui hominibus armatis lova publica vel templa occupasse judicati sunt. Ulpien, ibid., 2.

[45] Proximum sacrilegio crimen est, quod majestatis dicitur. Majestatis auteur crimen illud est, quod adversus populum romanum, vel adversus securitatem ejus committitur. Quo tenetur is cujus opera dolo malo consilium initum erit... quo armati homines cura telis lapidibusve in orbe sint, conveniantur adversus rempublicam, locave occupentur, vel templa ; quove cetus conventusve fiat, hominesve ad seditionem convocentur. Ulpien, ibid., LXVIII, IV, 1.

[46] Marcien, ibid., 3.

[47] Cum de eo (crimine) quæritur, nulla dignitas a tormentis excipitur. Paul, Sententiæ, V, XXXIX, 2.

[48] Humiliores bestiis objiciuntur, vel vivi exuruntur ; bonestiores capite puniuntur. Ibid., I. Voir plus bas le commentaire de cette distinction juridique, ch. VI, à propos du martyre de Dorymédon.

[49] Saint Denis d’Alexandrie, lettre à Hermammon, dans Eusèbe, Hist. Ecclés., VII, 10.

[50] Apocalypse, XIII, 6.

[51] Voir Tillemont, Histoire des Empereurs, t. III, p. 690-692, note XI sur Valérien.

[52] M. Aubé (l’Église et l’État dans la seconde moitié du troisième siècle, p. 542) voit avec raison une allusion aux quarante-deux mois de la persécution de Valérien dans ces vers (840-841) du Carmen apologeticum de Commodien :

Hæc Nero tutu faciet triennii tempore toto

Et anno dimidio : statuta tempora complet.

[53] Quid sacerdos Dei proconsule interrogante responderit, sunt Acta quæ referant. Pontius, Vita S. Cypriani, 11.

[54] Quasi bonus et verus doctor, quid nos discipuli secuti apud proconsulem dicere deberemus, prior apud acta proconsulis pronuntiasti. Lettre de Nemesianus, Dativus, Félix et Victor, 78 inter Cyprianicas.

[55] Samuel Basnage (Annales politico-ecclesiastici, Rotterdam, 1706, t. II, p. 392) et Görres (Christenverfolgen, dans Kraus, Real-Encyhlopädie der chrisitlichen Alterthümer, t. I, p. 239) disent que la pièce que nous possédons, bien que composée de matériaux antiques, n’est pas la relation originale ; mais ils n’apportent point de preuve sérieuse à l’appui de cette assertion.

[56] In secretario. Acta proconsularia S. Cypriani, dans Ruinart, p. 276. Les interrogatoires qui n’étaient pas accompagnés de la torture avaient lieu souvent dans le cabinet du magistrat : il en était néanmoins dressé procès-verbal, comme de ceux qui ont lieu sans publicité dans le cabinet de nos juges d’instruction. Mais, chez les magistrats romains, l’interrogatoire même secret pouvant être suivi de la sentence, les portes du secretarium restaient ouvertes ; Code Théodosien, I, XVI, 9. Voir J. Rambaud, Le Droit criminel romain dans les Actes des martyrs, p. 52.

[57] Aspasius Paternus était le petit-fils du proconsul d’Afrique de 205, Julius Asper, dont Tertullien loue la modération à l’égard des chrétiens (voir Hist. des persécutions pendant la première moitié du troisième siècle, 2e édit., p. 135). La femme d’Asper s’appelait Aspasia Paterna (voir De Rossi, Bull. di arch. crist., 1872, p. 110).

[58] Hunc deprecamur diebus ac noctibus, pro nobis et pro omnibus hominibus, et pro incolumitate ipsorum imperatorum. Acta proconsularia S. Cypriani, dans Ruinart, p. 216.

[59] Præceperunt enim ne in aliquibus lotis conciliabula fiant, nec cœmeteria ingrediantur. Si quis itaque hoc tam salubre præceptum non observaverit, capite plectetur. Acta S. Cypriani, p. 216.

[60] In exsilium deportari. Ibid. Il y avait trois sortes d’exil : l’un était l’interdiction de certains lieux, l’autre, appelé lata fuga, l’interdiction de tous lieux, excepté d’un seul, le troisième la relégation dans une île (Marcien, au Digeste, XLVIII, XXII, 5). C’est évidemment la seconde sorte d’exil que prononce ici le proconsul. L’expression deportari paraît impropre, car la déportation, peine beaucoup plus grave que l’exil, et qui faisait perdre les biens et le droit de cité (Ulpien, ibid., XIII, 3), ne pouvait être ordonnée par un gouverneur (ibid., XIX, 2, § 1). La déportation était une peine capitale (Paul, ibid., I, 2) ; or, Paternus distingue précisément entre l’exil qu’il infligera pour refus d’adorer les dieux et la peine capitale dont il menace pour une autre infraction à l’édit.

[61] Colonia Julia Curubis. Victor Guérin, Voyage archéologique dans la régence de Tunis, t. II, p. 23, n° 209.

[62] Fingamus locum illum situ sordidum, squalidum visu, non salubres aquas habentem, non amœnitatem viroris, non viciniam littoris, sed rupes vastas sylvarum inter inhospitas fautes deserte admodura solitudinis, avis mundi parte summotum. Pontius, Vita S. Cypriani, 11.

[63] ... Apricum et competentem locum, hospitium pro voluntate secretum..., frequentiam visitantium fratrum, ipsorum et inde civium caritatem. Pontius, Vita S. Cypriani, 12.

[64] Ibid., 12, 13.

[65] Nec sæculi primos impetus timuit, nec ire in exsilium recusavit, écrivent de lui les confesseurs Nemesianus, Dativus, etc. ; Ép. 73 inter Cyprianicas.

[66] Ut ex vobis pars jam martyrii sui consummatione præcesserit, meritorum suorum coronam de Domino receptura. Saint Cyprien, Ép. 77.

[67] Capitalium pœnarum isti gradus sunt : summum supplicium... ; deinde proxima morti pœna, metalli cœrcitio. Callistrate, au Digeste, XLVIII, XIX, 28.

[68] Lettre de Lucius, 79 inter Cyprianicas. — Ce Quirinus est probablement le chrétien du même nom qui demanda à saint Cyprien d’écrire le livre des Témoignages ; voir la préface de ce traité.

[69] Jader est un nom berbère ; cf. Corpus inscr. lat., t. VIII, 9923, et Comptes rendus de l’acad. d’Hippone, 1890, p. LXII.

[70] Saint Cyprien, Ép. 77. — Les neuf évêques nommés en tête de la lettre ont pris part au troisième concile tenu à Carthage sur la question du baptême ; mais cinq seulement peuvent être reconnus avec certitude : Nemesianus, évêque de Tubunæ, Polianus, évêque de Mileu, Dativus, évêque de Badia en Numidie, Litteus, évêque de Vicus Cemellæ, et Jader, évêque de Milidi ou Mididi, en Byzacène. Les Félix, les Victor et les Lucius étaient nombreux au concile.

[71] Ép. 78 inter Cyprianicas.

[72] Ép. 79.

[73] Metallum Siguense. Ép. 80. Baronius a identifié ce lieu avec Siga, dont parle Ptolémée (IV, 21), dans la Mauritanie Tingitane, près de Tlemeen. Mais Félix et ses compagnons auraient écrit dans ce cas metallum Sigense et non Siguense. On le chercherait plutôt à Sigus de Numidie, grand pagus voisin de Cirta, dont il reste de nombreuses inscriptions (Corpus inscr. lat., t. VIII, 5693-5879). A l’époque où fut publié le tome VIII du Corpus, l’emplacement de mines n’y avait pas été reconnu (ibid., p. 552). On a proposé depuis, comme étant le lieu où travaillèrent les correspondants de saint Cyprien, la carrière de marbre de Smittu, à 130 kilomètres de Sigus, dans laquelle furent trouvées des inscriptions du second siècle et une inscription chrétienne du quatrième ; Bull. di arch. crist., 1883, p. 82. Récemment une carrière de marbre a été découverte à Sigus même ; Nuovo Bull. di arch. crist., 1896, p. 152. Je dirai, dans l’une des notes qui suivent, pourquoi je ne puis reconnaître dans l’une et l’autre de ces carrières le metallum Siguense.

[74] Officina, puteus ; dans les carrières de marbre, puteus. Voir Bull. di arch. crist., 1868, p. 22-25 ; 1879, p. 55-56.

[75] Nunc metallorum natura conversa est, locaque quæ aurum et argentum dare ante consueverant, accipere cæperunt, dit saint Cyprien, Ép. 77, comparant, dans son style un peu apprêté, les confesseurs aux métaux précieux des mines. Cf. Ép. 78 : montes metalli. Ce détail montre que les mines où furent condamnés les confesseurs ne peuvent être identifiées avec des carrières de marbre ; cf. Bruzza, dans Bull. di. arch. crist., 1883, p. 82.

[76] Cf. la table de bronze d’Aljustrel, en Portugal, publiée et commentée par M. Giraud, Journal des Savants, avril 1877 ; Hübner et Mommsen, Éphém. epigr., t. III, fasc. 3 ; J. Flach, La table de bronze d’Aljustrel, étude sur l’administration des mines au premier siècle de notre ère, Paris, 1879. Près des carrières de Smittu, dont il a été question dans une des notes précédentes, Antonin le Pieux avait fait construire, pour l’amusement de la population industrielle et commerçante agglomérée en ce lieu, un amphithéâtre moitié en blocage, moitié en gros blocs de marbre ; Cagnat, Rapport sur une mission eu Tunisie, dans Archives des missions scientifiques, 3e série, t. XI, 1885, p. 111.

[77] Fustibus caesi prius graviter et afflicti, per ejusmodi pœnas initiastis confessionis vestræ gloriosa primordia. Saint Cyprien, Ép. 77. — Cf. Bull. di arch. crist., 1868, p. 17, et Hist. des persécutions pendant la première moitié du troisième siècle, 2e édit., p. 83.

[78] Confessores frontium notatarum secunda inscriptione notatos et ad exemplum martyrii superstites reservatos. Pontius, Vita S. Cypriani, 71. Par ces mots secunda inscriptione Pontius fait allusion aux deux inscriptiones imprimées sur le front de ces chrétiens : la première, du signum Christi dans la confirmation, la seconde, de la marque infamante des condamnés ad metalla. Bullettino di archeologia cristiana, 1868, p. 20. Jusqu’en 315 l’usage de marquer au front les condamnés se continua ; Constantin l’interdit, par sentiment religieux, dans une loi adressée au vicaire d’Afrique : Si quis fuerit... in metallum... damnatus, minime in facie ejus scribatur... quo facies, quæ ad similitudinem pulchritudinis cælestis est figurata, minime maculetur. Code Théodosien, IX, XL, 2 ; cf. le commentaire de Godefroy sur cette loi. Voir dans le Bullettino di archeologia cristiana, 1868, p. 25, un verre trouvé par Boldetti dans une catacombe de la voie Appienne ou de la voie Ardéatine, et représentant peut-être un confesseur de la foi marqué au front ; mais l’artiste a remplacé la marque ignominieuse par le signum Christi, la croix, symbole de la victoire. Cf. le commentaire de M. de Rossi, ibid., p. 20.

[79] Imposuerunt quoque compedes pedibus vestris, et membra felicia ac Dei templa infamibus vinculis ligaverunt... O pedes feliciter vincti, qui non a fabro sed a Domino resolvuntur ! o pedes compedibus et traversariis interim cunctabundi, sed celeriter ad Christum glorioso itinere cursuri ! Saint Cyprien, Ép. 77. Cf. Plaute, Captivi, III, 75-77. Voir le camée antique reproduit au frontispice de l’Histoire de l’esclavage de M. Wallon. La différence entre la condamnation in metallum et in opus metalli était dans le plus ou moins de lourdeur des chaînes (Ulpien, au Digeste, XLVIII, XIX, 8, § 6). Il résulte des textes que les confesseurs furent condamnés in metallum.

[80] Marcien, ibid., 17. Cependant un condamné aux mines pouvait recevoir un legs d’aliments. Digeste, XXIV, VIII, 33.

[81] Cf. Plaute, Mostellaria, I, 1, 18 : Ferratile genus.

[82] At nunc eadem illa vincti pedes, damnatæ manus, inscriptique vultus exercent. Pline, Nat. Hist., XVIII, 4.

[83] Semitonsi capitis capillus horrescit. Saint Cyprien, Ép. 77. — Cf. Catulle, LIX : semirasus ustor ; Pétrone, Satiricon, 103 : radat utriusque non solum capita, sed etiam supercilia... fronces notans inscriptione ; Apulée, Métamorphoses, IX, 12 : capillum semirasi ; Artemidore, Oneir., I, 25.

[84] Exemplum vestrum multiplex plebis portio confessa est vobiscum pariter, et pariter coronata est, connexa vobis vinculo fortissimme caritatis, et a præpositis suis nec carcere nec metallis separata. Cujus numero nec virgines desunt... In pueris quoque virtus major ætate annos suie confessionis lande transcendit, ut martyrii vestri beatum gregem et sexus et ætas omnis ornaret. Saint Cyprien, Ép. 77. — Les femmes étaient condamnées non in metallum, mais in ministerium metallicorum (Ulpien, au Digeste, XLVIII, XIX, 8, § 8) ; les conséquences légales de la peine étaient les mêmes.

[85] Tetrum odorem fumi. Lettre de Nemesianus, 78 inter Cyprianicas.

[86] Panis illic exiguus. Saint Cyprien, Ép. 77.

[87] Vestis algentibus deest. Ibid.

[88] Nec fovetur in metallis lecto et culcitris corpus... Humi jasent essa laboribus vissera. Ibid.

[89] Squalent sine balneis membra, situ et sorde deformia. Ibid.

[90] Illic nec sacerdotibus Dei facultas datur offerendi et celebrandi sacrificia divina. Ibid.

[91] Omnis ista deformitas, detestabilis et tetra gentilibus, quali splendore pensabitur ! Saint Cyprien, Ép. 77.

[92] Lettre de saint Denys à Germanus, dans Eusèbe, Hist. Ecclés., VII, 11, 2.

[93] Eusèbe, nommé plus haut dans la lettre de saint Denys, ne l’est plus dans la version qui nous est parvenue des Actes ; est-ce une omission de copiste ? Quant au Marcel dont il est question, et qui n’avait pas été encore nommé, c’est probablement ce chrétien de Rome qui accompagna l’évêque d’Alexandrie devant le préfet.

[94] Eusèbe, Hist. Ecclés., VII, 8, 11.

[95] Ibid., 9.

[96] Ibid. Eusèbe, Hist. Ecclés., VII, 11, 10.

[97] Eusèbe, Hist. Ecclés., 12.

[98] Ibid., VII, 11, 13.

[99] Ibid., VII, 11, 14.

[100] Ibid., 16.

[101] Saint Denys, lettre pastorale, dans Eusèbe, VII, 22, 4.

[102] Lettre à Germanus, ibid., VII, 11, 18.

[103] Ibid., 19.

[104] Voir la critique des Actes de saint Étienne, dans De Rossi, Roma sotterranea, t. II, p. 80-87. Le martyre du Pape a été raconté d’une manière différente, dans une addition à sa notice rapportée par un manuscrit du onzième siècle du Liber Pontificalis ; mais cette version parait moins bonne encore que les Actes, car elle est défigurée par un grossier anachronisme, et place Étienne sous l’empereur Maximien ; voir De Rossi, Roma sotterranea, t. II, p. 85 ; Duchesne, le Liber Pontificalis, t. I, p. XCVII et 154, note 1.

[105] L’anniversaire de saint Étienne est marqué IV non. Aug. in Callisti, dans la Depositio episcoporum ; mais la Depositio martyrum n’en fait pas mention.

[106] Cf. Tillemont, Mémoires, t. IV, note III sur saint Étienne.

[107] L’épitaphe n’a pas été retrouvée. De Rossi, l. c. Les documents topographiques du septième siècle placent par erreur la sépulture de saint Étienne sur la voie Latine ; mais ils indiquent avec lui des membres de son clergé, cum clero suo, et des martyrs nommés dans ses Actes (Nemesius, Olympius, Symphronius, Theodulus, Tertullinus, Superius ou Exuperantia). Probablement le souvenir de ceux-ci, mêlé à son histoire d’une manière qu’il est difficile de déterminer avec certitude, à cause du peu de valeur des Actes, fit supposer ensuite qu’Étienne avait été déposé dans le même cimetière. L’un des topographes qui nomment Étienne parmi les martyrs enterrés sur la voie Latine le nomme aussi parmi les Papes inhumés au cimetière de Calliste. Voir De Rossi, Roma sotterranea, t. I, p. 180, 181 ; t. II, p. 82, 83.

[108] Voir Histoire des persécutions pendant la première moitié du troisième siècle, 2e édit., p. 84.

[109] De Rossi, Roma sotterranea, t. II, p. 258, 259, et 2e partie, p. 45-48 ; pl. LI-LII. Cf. Rome souterraine, p. 491, 506, 507, 512, 513.

[110] L’acolyte avait le droit de porter le pain consacré. La célèbre décrétale d’Innocent I (401-417), parlant de l’eucharistie consacrée le dimanche par l’évêque, et envoyée par lui aux prêtres des divers titres, dit : Fermentum a nobis confectum per acolythos accipiunt (cité par Duchesne, le Liber Pontificalis, t. I, p. 169, note 4). D’après le P. de Smedt (l’Organisation des Églises chrétiennes jusqu’au milieu du troisième siècle, 1888, p. 45-46), la décrétale fait allusion à un usage beaucoup plus ancien que le cinquième siècle, et certainement antérieur au milieu du troisième.

[111] Le souvenir de cet épisode certainement historique a été conservé par le rédacteur des Actes de saint Étienne, dont il forme comme l’épilogue, assez gauchement relié au récit principal. Nous croyons qu’il se rapporte à la première phase de la persécution, car s’il était de l’année suivante et contemporain du martyre de saint Sixte, les documents qui font allusion à celui-ci ne manqueraient probablement pas de le rappeler en même temps. Saint Damase a composé pour le tombeau de saint Tarsicius, qui reposait alors avec le pape Zéphyrin dans la basilique située au-dessus du cimetière, un de ses poèmes épigraphiques :

TARSICIVM SANCTVM CHRISTI SACRAMENTA GERENTEM

CVM MALESANA MANVS PREMERET VVLGARE PROFANIS

IPSE ANIMAM POTIVS VOLVIT DIMITTERE CAESVS

PRODERE QVAM CANIBVS BABIDIS COELESTIA MEMBRA.

[112] Sur la sépulture de saint Tarsicius, voir De Rossi, Roma sotterranea, t. II, p. 7-10, 89.

[113] Passio SS. Chrysanthi et Dariæ, II, 27, dans les Acta SS., octobre, t. X, p. 483 ; Acta breviora, ibid., p. 487 ; saint Grégoire de Tous, De Gloria martyrum, I, 38.

[114] Quæ crypta diu sub velamento permansit operta, donec urbs Romana, relictis idolis, Christo Domino subderetur. Jam procedente tempore nulli erat cognitus locus illius sepulturæ... Saint Grégoire de Tours, l. c. Comme le fait remarquer Tillemont, l’opinion qui place sous Valérien le martyre de Chrysanthe s’accordera mieux avec ce que dit saint Grégoire de Tours, que le lieu de la sépulture de ce martyr était tout à fait inconnu lorsque Rome devint chrétienne, longtemps avant le pontificat de Damase. Car depuis Numérien jusqu’à la paix de l’Église et même jusqu’à la mort de Maxence, il n’y a que vingt-huit ans. Tillemont, Mémoires, t. IV, note II sur saint Caius.

[115] Sur les travaux du pape saint Damase dans les catacombes voir Rome souterraine, p. 148.

[116] Voir les inscriptions de la crypte à la l’Appendice B.

[117] Cujus parte in una loci, interpositopariete, sepulchra martyrum Chrysanthi et Dariæ serregata ; parte in alia sanctorum reliquorum cadavera in unum sunt congregata. Veruntamen pariele illo, qui est in medio positus, fenestram structor patefactam reliquit, ut ad contemplanda sanctorum corpora aditus aspiciendi patesceret. Ferunt etiam quod eo tempore, quo ad sancta solemnia accedentes inclusi sunt, urceos argenteos ex metallo formatos cum vino, quod ad oblationem sacrificii divini offertur, secum homines detulissent, argentumque ibi remansisse manifestum est, idque hodie a conspicientibus terni. Saint Grégoire de Tours, De Gloria martyrum, I, 88. — Le pape Étienne VI (885-891) lit transporter dans Rome les corps de ces martyrs, qu’il déposa dans les églises de Saint-Philippe et de Saint-Jacques, près du forum de Trajan, et dans la basilique de Latran ; Armellini, Antichi cimiteri cristiani di Roma, p. 130.

[118] Cette espérance est fondée, j’oserais presque dire : elle sera remplie, ce sont les propres paroles de M. de Rossi, dans un travail composé en 1869 pour le recueil intitulé Rome dans sa grandeur, t. II, p. 6. Des fouilles ont été faites en 1873 dans l’arénaire des saints Chrysanthe et Daria ; mais ces travaux, entrepris pour réparer des dégâts causés par des ouvriers qui travaillaient au-dessus, ont été circonscrits dans un très petit espace, et n’ont pu amener la découverte du célèbre sanctuaire.