I — La peste et l’attente de la persécution.Après la mort de Dèce, l’armée romaine, enveloppée par les
Goths dans un marais de Le traité signé par Gallus ne fut pas glorieux. Les Goths, qui avaient déjà commencé leur retraite quand Dèce les attaqua[6], consentirent a la continuer ; mais ils y mirent deux conditions : un tribut annuel, et le droit d’emmener leurs prisonniers[7]. Un auteur chrétien de ce temps donne de curieux détails sur les captifs obligés de suivre les Goths. Dans un poème étrange, où des traits de lumière percent de place en place les ténèbres d’une composition tout apocalyptique[8], Commodien parle de nombreux sénateurs qui, au milieu des Barbares, pleurent leur défaite et blasphèment le Dieu du ciel[9]. Il nous apprend en même temps que les vainqueurs avaient une préférence instinctive pour les prisonniers chrétiens. Ces gentils nourrissent partout les fidèles ; pleins de joie, ils les traitent en frères, plutôt que les voluptueux adorateurs des idoles[10]. Quelle fut la cause de cette bienveillance, chez un peuple encore étranger à toute croyance évangélique ? Peut-être la faut-il chercher dans la pureté de mœurs que Salvien attribue aux Goths perfides, mais chastes[11] : les fêtes immorales du paganisme leur donnaient du mépris pour ses sectateurs ; l’attitude modeste, le langage réservé des disciples de Jésus éveillaient dans leur cœur une secrète sympathie. Ces sentiments les disposeront peu à peu à recevoir les enseignements chrétiens : bientôt nous verrons de nouveaux captifs semer au milieu des hordes gothiques les germes de la foi[12]. Les Goths se convertirent avant tous les autres envahisseurs de l’Empire romain. Pendant que Bien que l’immense majorité des fidèles demeurât soumise
aux vrais pasteurs, on se figure aisément quels eussent été la division des
forces et l’affaiblissement de la résistance, si une nouvelle persécution
avait surpris l’Église en cet état. Les siècles précédents avaient connu de nombreuses épidémies. En 66, en 77, en 80 la peste enleva des milliers de personnes[22]. Depuis la fin du second siècle, elle était devenue endémique ; elle ne cessait jamais tout à fait, sommeillait longtemps, avait de terribles réveils. Au lendemain de la persécution de Dèce, on la vit soudain reparaître, et, pendant douze années, dévaster toutes les provinces. Des villes perdirent la moitié de leurs habitants[23]. La dépopulation de l’empire, depuis longtemps commencée, devenait effrayante. Plus triste encore était l’état des âmes. Loin d’exciter les dévouements, de rapprocher les cœurs, le fléau développa presque partout l’égoïsme, l’exalta jusqu’à la férocité[24]. Les liens de famille furent rompus, les amitiés brisées : on ne connaissait plus ni parents, ni concitoyens. Chacun songeait à soi, les uns pour fuir la contagion, les autres pour profiter de ses ravages. A Rome, Gallus se rendit populaire en prenant soin des obsèques des pauvres[25] ; mais clans les grandes villes de province, comme Carthage, Alexandrie, les rues se remplissaient de cadavres sans sépulture. Les malades étaient jetés hors des maisons avant le dernier soupir, comme si l’on eût pu chasser ainsi la mort elle-même[26]. Au milieu de l’épouvante universelle, toutes les passions se déchaînaient. On se battait pour avoir les dépouilles des morts[27]. Des maisons étaient pillées en plein jour, des assassinats commis dans la lumière du forum. Quand la maladie ne venait pas assez vite, le poison la remplaçait. Les chasseurs d’héritages se tenaient à l’affût, prêts à obtenir ou à fabriquer des testaments[28]. Comme à Athènes lors de la grande peste décrite par Thucydide[29], la justice était interrompue, il n’y avait plus de police, les honnêtes gens se cachaient, laissant le champ libre aux malfaiteurs[30]. La crise que traversait le monde romain mit en lumière la différence entre les vertus chrétiennes, aidées par la grâce de Dieu, et les vertus païennes, privées de tout appui au milieu des défaillances de la nature. On vit ce que peuvent la charité mutuelle et l’espoir d’une autre vie, dans une épreuve qui semblait dépasser les forces humaines. Là, mes très chers frères, écrit saint Cyprien, là sont l’utilité, la nécessité de ce terrible fléau[31] ; il dévoile le fond des cœurs ; et, se tournant vers les païens : Un de vos griefs contre cette peste, ce sont les horreurs qu’elle révèle[32]. Dès le commencement de l’épidémie, l’évêque de Carthage rassembla son troupeau, l’entretint des œuvres de miséricorde, lui apprenant par les exemples des saints Livres les récompenses réservées par Dieu à la pitié. Il ajouta que secourir seulement les nôtres était un faible mérite : la vraie perfection appartient à celui qui assiste aussi le publicain et le païen, rend le bien pour le mal, prie pour les ennemis et les persécuteurs. Dieu fait luire son soleil et tomber ses pluies sur les semences jetées en terre par l’homme vertueux et par l’impie : le serviteur de Dieu doit suivre l’exemple de son maître, et rivaliser de bonté avec le Père céleste. Cyprien ajouta bien d’autres belles et grandes paroles ; s’il avait pu tenir de tels discours à la tribune du forum, peut-être tous les païens se seraient-ils convertis[33]. Les fidèles suivirent les conseils de leur pasteur. On se distribua les rôles selon les facultés et la position de chacun. Beaucoup, trop pauvres pour contribuer de leur argent, offrirent leur travail, mille fois plus précieux que toutes les richesses. Les secours de toute sorte affluèrent, non seulement sur les indigents et les malades de l’Église, mais sur tous sans distinction. On surpassa la piété de Tobie, qui ne procurait la sépulture qu’in, ceux de sa race et de sa religion[34]. Pendant que les chrétiens de Carthage se dévouaient ainsi, les fidèles d’Alexandrie montraient un courage héroïque. On ne parle point de leur charité envers les païens ; mais saint Denys les montre soignant les malades, recevant le dernier soupir des mourants, fermant les yeux des morts, leur donnant le baiser suprême, lavant les cadavres, les portant sur leurs épaules jusqu’au cimetière ou suivant en foule les funérailles. Des prêtres, des diacres, des laïques furent atteints par la contagion, et moururent dans l’exercice de la charité : genre de mort aussi glorieux et aussi méritoire que le martyre, écrit l’évêque d’Alexandrie[35]. Un mot de saint Cyprien permet de croire que de tels
exemples ne demeurèrent pas stériles, et qu’à défaut de discours prononcés du haut des rostres, le
spectacle de la charité chrétienne toucha les cœurs de quelques infidèles.
Énumérant les bienfaits cachés par Au moment où la fureur populaire le désignait ainsi pour le supplice, le grand évêque préparait son troupeau à la persécution. A peine les chrétiens avaient eu quelque repos après la mort de Dèce, et voici qu’ils entendaient de nouvelles menaces. L’heure était solennelle : on devait craindre que beaucoup d’entre eux, déjà éprouvés par la maladie, se laissassent aller au désespoir, ou s’endormissent dans cette inertie, dans cette résignation passive qui retire peu à peu à l’être moral le gouvernement de soi-même et le dispose à toutes les défaillances. Il fallait ranimer les énergies, en donnant un but commun aux efforts de tous. Pour une telle œuvre, Cyprien était un grand maître. Ce que j’admire le plus en lui, ce n’est pas le docteur, le polémiste toujours sur la brèche, l’homme attentif aux divers souffles de l’opinion et prêt, comme d’illustres évêques de nos jours, à intervenir dans toutes les luttes d’idées dans ce rôle, Cyprien a pu se tromper, et, une fois au moins, son incontestable bonne foi ne le préservera pas de l’erreur. Mais où il est incomparable, c’est dans le gouvernement de son Église, dans la direction des âmes au milieu des crises les plus délicates ou les plus violentes. Toujours maître de lui-même et des autres, il relève les courages et abat les résistances. On l’a vu, pendant la persécution de Dèce, veiller à tout du fond de sa retraite, exhorter les martyrs, pacifier son clergé, soumettre les confesseurs révoltés[44]. Maintenant, c’est un péril tout différent qu’il doit conjurer : il regarde en face les difficultés, et il en triomphe. La peste lui est un moyen de détacher les âmes de la vie
présente et de les armer pour les luttes qui s’annoncent. Il écrit dans ce
but son traité De la mortalité. Quand on est à la veille du supplice,
qu’importe la maladie ? Bienheureux ceux qu’elle enlève ! ils auraient
peut-être succombé aux délices du siècle ou faibli devant les bourreaux.
Bienheureuses, vous surtout, femmes et filles chrétiennes, auxquelles les
persécuteurs réservaient peut-être des supplices plus horribles que le fer et
le feu, et qui par la mort échappez à toute souillure[45] ! Mais vous qui
devez survivre, vous qui assisterez à la persécution, remerciez Dieu de vous
rendre l’idée de la mort tellement familière, qu’elle n’aura plus rien pour
vous effrayer. Ces deuils que vous contemplez, ces funérailles qui vous
brisent le cœur, sont pour vous d’utiles exercices, c’est la préparation au
martyre[46].
Car l’alternative est devenue inévitable : le chrétien, à l’heure présente,
voit la mort de toutes parts : s’il échappe à la peste, il périra sous les
coups du bourreau. Qu’il accepte son sort, et n’essaie pas de retenir
lâchement une vie qui s’échappe. Un jour, un prêtre gravement malade vit un
jeune homme d’une taille extraordinaire, d’une beauté céleste. Vous craignez de souffrir, vous ne voulez pas mourir ; que
ferai-je de vous ? cria l’apparition d’une voix indignée[47]. Ces mots
n’étaient pas pour le prêtre, car il avait demandé a sortir de ce monde, mais
pour lés fidèles qui ne sauraient pas accepter d’une âme ferme l’alternative
imposée par En même temps que par ses paroles, par ses écrits, saint Cyprien, commentant d’avance une devise héroïque, préparait ses ouailles à souffrir ou mourir, il travaillait à réunir tous les combattants du Christ et à ramener ceux qui pour un temps avaient été exclus de la milice divine. Le jour de l’épreuve est déjà sur nos tètes ; ce qui va venir sera plus terrible encore que les luttes passées ; à cette guerre nouvelle doivent se préparer les soldats du Christ, comprenant qu’ils boivent tous les jours le calice du sang du Seigneur, afin de répandre à leur tour leur sang pour lui : Les hommes s’exercent aux combats du siècle, et considèrent comme un grand honneur d’être couronnés à la vue du peuple et en présence de l’empereur. Voici le combat sublime, qui aura Dieu pour témoin et où la couronne sera décernée par le Christ. Que les soldats de Dieu s’avancent, que ceux dont la foi est demeurée intacte s’arment, afin de ne pas perdre le mérite de leur fermeté passée ; que ceux qui naguère sont tombés s’arment aussi, afin de reconquérir tout ce qu’ils ont perdu. Que l’honneur excite les uns au combat, que le repentir y anime les autres[48]. Ces paroles, adressées aux habitants de Thibaris, que Cyprien s’excuse de ne pouvoir visiter à cause de la persécution imminente, annoncent l’acte qu’il se hâta d’accomplir. Un synode fut convoqué à Carthage : quarante et un évêques s’y rendirent. Ils convinrent d’abréger les délais de la pénitence et de rendre la communion aux tombés vraiment repentants, qui, se déclarant prêts à soutenir le combat du Seigneur[49], demanderaient, en quelque sorte, des armes dès à présent. La décision du concile fut mandée sur-le-champ au pape Corneille, dont le cœur paternel, écrivaient les prélats, se réjouirait de cet acte de miséricorde[50]. Grâce à l’influence et à l’énergie de son évêque, l’Église de Carthage se trouvait prête, au moment où recommença la persécution. L’exercice de la charité avait maintenu les chrétiens dans le devoir, car, aux heures critiques, ce n’est point par la méditation, mais par l’action que l’homme échappe à lui-même et refoule les lâches pensées. Loin d’affaiblir les courages, l’épidémie achevait d’élever les fidèles au-dessus des affections terrestres, les accoutumait à la pensée de la mort, les formait à la souffrance. Enfin, les fautes anciennes venaient d’être effacées par une amnistie, et l’armée chrétienne avait recouvré tous ses soldats. Rappelons-nous le désarroi où l’édit de Dèce trouva l’Église de Carthage, les chutes si nombreuses et si faciles, puis l’orgueil des confesseurs et l’arrogance des tombés. Moins de deux ans après, la même Église est debout, unie, vaillante, les tombés humblement réconciliés demandent à confesser le Christ. Ce rapide changement révèle mieux encore que ses écrits l’administrateur, l’organisateur, et, pour tout dire en un mot, le grand capitaine que fut saint Cyprien. II. — La persécution de Gallus.L’événement que prévoyait l’évêque de Carthage ne se fit pas attendre. Gallus, effrayé des progrès de l’épidémie, voulut fléchir la colère des dieux, et ordonna de célébrer dans toutes les villes des sacrifices solennels[51]. La religion des chrétiens leur interdisait d’y prendre part : cette abstention fut remarquée du peuple, et souleva les passions, rendues plus violentes par la terreur que répandait le fléau. Un des sacrifices commandés par l’empereur[52] venait d’avoir lieu à Carthage : les habitants s’étaient ensuite rassemblés au cirque c’est alors que des cris de mort furent poussés contre saint Cyprien[53]. Le même mouvement d’opinion eut lieu probablement dans toutes les grandes villes. L’édit de Dèce était tombé en désuétude, mais n’avait pas été officiellement abrogé : pour que la persécution recommençât, il suffit d’un accord tacite entre la superstition populaire et la volonté du souverain, non moins superstitieux peut-être que son peuple. Les ravages de la peste faisaient oublier la terrible leçon donnée par la mort de Dèce : Gallus, dit saint Denys d’Alexandrie, refusa de la comprendre, et alla se heurter contre la pierre, visible cependant, où Dèce avait été brisé. Alors que son empire était prospère, il attaqua les saints qui demandaient à Dieu de lui donner la paix et la santé, et, les obligeant à fuir, fit cesser des prières qui eussent été sa sauvegarde[54]. Gallus, au lieu de s’effrayer du sort de Dèce, semble avoir pris cet empereur pour modèle. La première victime de la précédente persécution avait été l’évêque de Rome ; sur l’évêque de Rome tomba cette fois encore l’effort du persécuteur. Il commença, dit saint Cyprien, par attaquer une personne seule, pour en venir plus aisément à bout[55]. Cette personne seule désigne évidemment Corneille, à qui l’évêque de Carthage écrivit pour le féliciter de sa glorieuse confession (Ép. 59.). Une sentence d’exil fut prononcée contre le Pape : on le relégua à Centumcelles (Civita Vecchia)[56]. Cette condamnation, loin d’intimider les chrétiens de Rome, excita leur émulation et leur courage. Saint Corneille s’était, comme saint Cyprien, efforcé de préparer ses ouailles à une persécution qu’il savait imminente. Il avait appris à son peuple à ne pas se séparer dans le péril, et en avait fait comme une armée, où prêtres et fidèles marchaient ensemble au combat[57]. Chacun se sentait responsable de ses frères : ce n’étaient point des soldats isolés, mais tout un camp qui s’avançait au nom du Seigneur[58]. La surprise des païens fut grande. Ils connaissaient les divisions dont l’Église avait récemment souffert, et même en voyaient avec tant de complaisance les auteurs qu’ils se gardèrent, dit-on, de molester Novatien et ses partisans[59]. Croyant encore le troupeau désuni, ils se figuraient que la première menace le disperserait[60]. Au contraire, les fidèles, animés par la résistance de leur chef, affrontèrent à son exemple l’exil, la prison ou le martyre. Parmi les plus dévoués furent ceux qui, sous Dèce, avaient succombé à la peur : ces malheureux que Novatien voulait exclure du pardon, et que Corneille avait reçus à la pénitence, se réhabilitèrent en confessant le Christ : plusieurs versèrent même leur sang pour lui[61]. Rome n’était pas seule témoin des souffrances de l’Église. L’énergie avec laquelle saint Denys d’Alexandrie reproche à Gallus d’avoir persécuté les saints qui priaient pour l’empire, fait voir que l’Égypte ne fut pas épargnée. Nous connaissons déjà les sentiments du peuple de Carthage, manifestés par les clameurs qu’il poussa contre saint Cyprien : le traité adressé par celui-ci à Demetrianus parle des supplices infligés aux fidèles de la métropole africaine dès la reprise de la persécution[62]. Demetrianus était un magistrat romain, ennemi acharné de l’Évangile. Nul ne propageait plus activement les bruits absurdes dont se nourrissait la crédulité populaire : à l’entendre, les chrétiens provoquaient la colère des dieux, et attiraient sur les hommes la sécheresse, la grêle, la peste, tous les fléaux. Saint Cyprien, qui avait connu ce païen, lui adresse une éloquente apologie, ou plutôt répond dans une longue lettre à dès rêveries inventées par la haine et la superstition. Il n’imite pas saint Justin, Minucius Félix ou Tertullien, qui s’efforçaient de laver les fidèles d’accusations outrageantes, et de montrer dans ces incestueux et ces cannibales prétendus les plus innocents des hommes. Au temps de saint Cyprien, le bon sens public a fait justice de telles calomnies ; mais la superstition n’a pas désarmé. Concurremment avec une fausse raison d’État, elle est désormais la plus dangereuse ennemie des chrétiens ; c’est elle que saint Cyprien doit combattre. Prenant l’offensive, il découvre dans les crimes des païens la vraie cause de la colère divine, et rappelle leur lâcheté pendant la peste : il va plus loin, et d’avance esquissant la thèse de Lactance sur la mort des persécuteurs, il fait voir dans de récents désastres le châtiment mérité de ceux qui ont déclaré la guerre au Christ. Prends garde, dit-il à Demetrianus, prends garde au sort qui t’attend, vieux comme tu l’es, et déjà proche de ta fin[63]. Car vous ne craignez pas d’insulter et d’opprimer les disciples du Christ. Toi, en particulier, tu les chasses de leur demeure, tu les dépouilles de leur patrimoine, tu les charges de chaînes, tu les jettes en prison, tu les livres au glaive, aux bêtes, au feu. Non content de supplices rapides, tu prends plaisir à les faire périr en détail, à déchirer lentement leurs corps : ton ingénieuse cruauté invente de nouveaux tourments[64]... Cependant aucun de nous ne résiste quand il est arrêté, et les chrétiens, malgré leur prodigieuse multitude, refusent de repousser ou de punir votre injuste violence[65]. Pendant que la persécution sévissait en Afrique avec tant de force, saint Corneille s’endormait glorieusement dans son exil de Centumcelles[66], au mois de juin 253. L’expression employée par le Catalogue libérien[67] exclut l’idée de mort violente, mais montre que les contemporains honoraient Corneille à l’égal d’un martyr. Il avait succombé aux douleurs, aux privations, sans doute aux mauvais traitements de l’exil comme, dix-huit ans plus tôt, le pape Pontien[68]. Aussi le titre de martyr fut-il écrit sur sa tombe. Son corps, rapporté à Rome[69], ne fut point déposé dans le cimetière de Calliste, avec ses prédécesseurs : on l’enterra clans une crypte adjacente[70], où reposaient des membres des plus grandes familles de Rome, avec lesquels saint Corneille paraît avoir eu des liens de parenté. Divers indices font croire qu’il appartenait à l’illustre famille des Cornelii, dont plusieurs membres furent chrétiens[71]. Ainsi l’Église vit, en moins de cinquante ans, se succéder sur la chaire du pécheur de Galilée un esclave fugitif[72] et un petit-fils de Sylla ! Lucius fut élu vers juillet 253. Mais l’autorité impériale, qui laissait en repos les novatiens, ne pouvait supporter la présence d’un évêque orthodoxe à Rome une sentence d’exil atteignit presque aussitôt le nouveau Pape, auquel Cyprien envoya sur-le-champ des félicitations[73], comme il avait fait à Corneille. On ne sait en quel lieu fut relégué Lucius. Cependant, malgré les rigueurs exercées sans relâche contre les chrétiens, la colère des dieux ne semblait pas apaisée : des fléaux de toute sorte continuaient à ravager l’empire. En Numidie, les tribus nomades, profitant de ce que la frontière était moins bien gardée depuis le licenciement d’une légion et l’affaiblissement de la garnison de Lambèse[74], envahirent la province et se retirèrent avec de nombreux prisonniers : parmi ceux-ci il y avait des fidèles et même des vierges consacrées à Dieu. Dans tous les grands désastres de l’Afrique chrétienne, les regards se tournaient vers Cyprien : des évêques de Numidie lui écrivirent pour lui demander de contribuer au rachat des captifs. Une collecte faite dans le clergé et le peuple de Carthage produisit cent mille sesterces (environ vingt-cinq mille francs)[75]. Cyprien se hâta d’envoyer ce don magnifique[76] à ses collègues de Numidie. C’est le Christ, leur écrivit-il, que nous contemplons dans nos frères captifs : il nous a rachetés par son sang de l’esclavage du démon : à nous de le racheter par notre or des mains des Barbares. Nous devons faire pour les autres ce que nous voudrions qu’on fit pour nous-mêmes si nous tombions en captivité. Quel père, quel époux ne doit trembler en songeant à ces fils envoyés au loin, à ces épouses dont l’honneur est en péril ? et qui de nous ne serait ému de tant de vierges, qui ont moins à craindre les fers des Barbares que les hontes dont elles sont menacées ?[77] Grâce aux sacrifices de l’Église de Carthage, de nombreux chrétiens rentrèrent libres et purs dans leurs foyers, au lieu de servir sous les tentes des ravisseurs ou d’être exposés sur les marchés de l’empire : ce fut une des plus grandes joies de Cyprien. Son peuple était vraiment fait à son image ; après en avoir obtenu, pendant la peste, des prodiges de charité, il en obtenait maintenant, en pleine persécution, d’abondantes aumônes. Cependant la persécution touchait à sa fin. Pour avoir
imité Dèce, Gallus était à la veille de périr comme lui. Une invasion de
Goths venait de désoler Cependant une ombre se mêlait à la joie de Lucius il
voyait s’éloigner la grâce du martyre, et portait envie à son prédécesseur
Corneille, mort en exil. Cyprien le console avec une extrême délicatesse : Dans nos prières, dans l’oblation du saint sacrifice,
écrit l’évêque de Carthage, nous demandons à
Dieu, et à Jésus-Christ, son Fils, Notre-Seigneur, que lui, qui est le
parfait et l’auteur de toute perfection, conserve et perfectionne en toi la
couronne que tu as gagnée par une confession glorieuse[82]. Il ajoute que
probablement Lucius a été rappelé afin de verser un jour son sang à Rome
même, en présence de toute l’Église[83]. Cette
prédiction ne s’accomplit pas, car le court pontificat de Lucius s’acheva peu
de mois après son retour, le |
[1] C. Vibius Trebonianus Gallus. Wilmanns, Exempta inscriptionum latinarum, 1021, 1022.
[2] Zosime, Hist. rom., I, 23, 24 ; Aurelius Victor, De Cœsaribus ; Jornandès, De rebus geticis, I, 18.
[3] Pour détourner les soupçons, Gallus adopta le second fils de Dèce, Hostilianus, et lui donna le titre d’Auguste ; il fit César et bientôt Auguste son propre fils Volusien. Voir Tillemont, Histoire des Empereurs, t. III, p. 383-385, 6i8 ; Eckhel, Doctrina nummorum veterum, t. VII, p. 352-353.
[4] Voir Histoire des persécutions pendant la première moitié du troisième siècle, 2e édit., p. 235.
[5] Ibid., p. 269.
[6] Voir Histoire des persécutions pendant la première moitié du troisième siècle, 2e édit., p. 458.
[7] Voir Zosime, Aurelius Victor, Jornandès, cités plus haut.
[8] Je crois, comme M. Aubé (l’Église et l’État dans la seconde moitié du troisième siècle, p. 520 et suiv.), que les vers du Carmen apologeticum où il est question du passage du Danube par les Goths, de leur victoire sur les Romains, de leurs nombreux captifs, du châtiment des persécuteurs, racontent après coup sous forme prophétique la défaite de Dèce. — La date de Commodien, contemporain de la persécution de Dèce et des temps qui la suivirent, résulte de divers passages de son autre, écrit, les Instructions : allusion au schisme novatien (47) ; aux thurificati et aux libellatici (52) ; à la subdola pax, qu’on peut entendre, soit avec Cave de la pacification de Gallien, soit plus probablement de la courte trêve qui suivit la chute de Dèce (66) ; à l’agonia popinqua, persécution prochaine, où l’on peut reconnaître une allusion à cette attente de nouvelles épreuves où nous allons voir les chrétiens vivre pendant le règne de Gallus, préparés aux souffrances futures par saint Cyprien. Tout cela concorde avec le temps où nous sommes, et dénote un contemporain, peut-être un compatriote de saint Cyprien.
[9] Commodien, Carmen apologeticum, 808-809.
[10] Ibid., 310-312.
[11] Salvien, De gubernatione Dei, VII.
[12] Voir plus bas, chapitre IV.
[13] Voir Histoire des persécutions pendant la première moitié du troisième siècle, 2e édit., p. 368.
[14] Au printemps de 251 ; ibid., p. 307, note 3. Cf. Duchesne, le Liber Pontificalis, t. I, p. CCXLVIII.
[15] Saint Cyprien, Ép. 52 ; saint Pacien, Ép. 3 ; Eusèbe, Hist. ecclés., VI, 43, 1.
[16] Lettre de saint Corneille à Fabius, dans Eusèbe, Hist. ecclés., VI 43. — Sur les prétendus Actes du martyre de Novatien, réfutés par le patriarche d’Alexandrie Euloge, voir la note de Valois sur Socrate, Hist. ecclés., IV, 23.
[17] Saint Corneille, Ép. 46 inter Cyprianicas. — L’auteur du Catalogue libérien semble attribuer le retour des confesseurs à l’indignation que leur avait fait éprouver la consécration sacrilège de Novatien comme antipape : Hoc facto confessores qui se separaverant à Cornelio cum Maximo presbytero... ad Ecclesiam sunt reversi.
[18] Eusèbe, Hist. ecclés., VI, 43, 46 ; saint Cyprien, Ép. 52, 54, 68 ; Théodoret, Hist. ecclés., III, 5.
[19] Eusèbe, ibid., 44, 46.
[20] Saint Cyprien, Ép. 67.
[21] Saint Cyprien, Ép. 52, 55. — Novatus..., extra Ecclesiam ordinavit... Nicostratum in Africa. Catalogue libérien.
[22] Eusèbe, Chron. ; Dion Cassius, Hist. Rom., LXVI, 24 ; LXXII ; Suétone, Titus, 8 ; Carm. Sibyll., IV, 142 ; Orose, Adv. pag. hist., VIII, 15 ; Galien, De methodo medendi, V, 12 ; De præsagitione ex pulsibus, III, 3, 4 ; in III Hippocr. de morbis vulg., III, 57, 58, 72.
[23] Eusèbe, Hist. ecclés., VII, 21, 9.
[24] Saint Cyprien, De mortalitate, 16 ; Pontius, Vita S. Cypriani, 9 ; saint Denys d’Alexandrie, lettre pastorale, dans Eusèbe, Hist. ecclés., VII, 22, 10.
[25] Aurelius Victor, De Cæsaribus.
[26] Pontius, l. c.
[27] Saint Cyprien, Ad Demetrianum, 10.
[28] Inter populum frequenti strage morientem... passim discurritur, rapitur, occupatur. Prœdandi dissimulatio nulla, nulla cunctatio... Avaritia palans sævit, et ipsa audacia sua tuta, in fori luce abruptæ cupiditatis arma prostituit. Inde falsarii, inde venefici, inde in media civitate sicarii. Saint Cyprien, Ad Demetrianum, 11.
[29] Guerre du Péloponnèse, II, 53. — La peste, telle que la décrit saint Cyprien, n’offrit pas tous les symptômes de celle que raconte Thucydide : elle ne fut accompagnée ni d’éruption, ni d’affection cérébrale, ni de désordres pulmonaires.
[30] A nocente crimen admittitur, nec innocens qui vindicet invenitur. De accusatore vel judice metus nullus. Impunitatem consequuntur mali, dura modesti lacent, timent conscii, veneunt judicaturi. Saint Cyprien, Ad Demetrianum, 11.
[31] De mortalitate, 16.
[32] Ad Demetrianum, 10.
[33] Pontius, Vita S. Cypriani, 9, 10.
[34] Pontius, Vita S. Cypriani, 10.
[35] Saint Denys, dans Eusèbe, Hist. Ecclés., VII, 22, 7, 8, 9. — Ces héros de la charité sont inscrits à la date du 28 février dans le martyrologe romain.
[36] Gentiles coguntur ut credant. Saint Cyprien, De mortalitate, 15.
[37] Saint Grégoire de Nysse, Vita S. Greg. Thaumat. (Migne, Patr. Græc., t. XLVI, col. 956-957.)
[38] Corruente jam mundo. Saint Cyprien, De mortalitate, 25.
[39] Si in habitaculo tuo parietes vetustate nutarent, tecta desuper tremerent, dorons jam fatigata, jam lassa, ædificiis senectute labentibus, ruinam proximam minaretur, nonne omni celeritate migrares ?... Mundus ecce nutat et labitur, et ruinam suam non jam senectute rerum, sed fine testatur. Ibid.
[40] Hoc scias esse prædictum, in novissimis temporibus multiplicari mala, et adversa variari, et appropinquante jam judicii die magis ac magis in plagas generis humani censuram Dei indignantis accendi. Ad Demetrianum, 5.
[41] Viget apud nos spei robur et firmitas fidei ; inter ipsas sæculi labentis ruinas erecta mens est et immobiles virtus. Ibid., 20.
[42] Ad Demetrianum, 2, 3, 4, 5, 7.
[43] Ob sacrificia quæ edicto proposito celebrare populus jubebatur, clamore popularium ad leonem denuo postulatus in circo. Saint Cyprien, Ép. 55.
[44] Voir Histoire des persécutions pendant la première moitié du troisième siècle, 2e édit., p. 357 et suiv.
[45] Excedunt ecce in pace cura gloria sua virgines, venientis Antechristi minas et corruptelas et lupanaria non timentes, pueri periculum lubricæ ætatis evadunt, ad continentiæ atque innocentiæ prœmium féliciter perveniunt, tormenta jam non timet delicata matrona, metum persecutionis et manus eruciatusque carnificis moriendi celeritate lucrata. Saint Cyprien, De mortalitate, 15.
[46] Pavore mortalitatis et temporis accenduntur tepidi, constringuntur remissi, excitantur ignavi... ad aciem recens et copiosus exercitus robore fortiore colligitur, pugnaturus sine metu mortis cura prælium venerit... Ut nihil aliud mortalitas ista contulerit, hoc Christianis et Dei servis plurimum præstitit, quod martyrium cœpimus libenter appetere, dura mortem discimus non timere. Exercitia sont nobis ista, non funera. Dant animo fortitudinis gloriam, contemptu mortis præparant ad coronam. Saint Cyprien, De mortalitate, 15, 16.
[47] Pati timetis, exire non vultis, quid iaciam vobis ? Ibid., 19.
[48] Saint Cyprien, Ép. 56. — Remarquez dans la dernière phrase le mot honneur employé avec un sens tout moderne et chevaleresque.
[49] Se ad pugnam paratos esse, et pro Domini sui nomine ac pro sua salute stare fortiter ac pugnare profiterentur. Saint Cyprien, Ép. 54.
[50] Paternæ misericordiæ contemplatione placiturum. Ibid.
[51] Sacrificia quæ edicto proposito populus celebrare jubebatur. Saint Cyprien, Ép. 55. — M. Doulcet (Essai sur les rapports de l’Église chrétienne avec l’État romain, p. 169) voit dans cette ordonnance un édit formel de persécution, analogue à celui par lequel Dèce avait voulu contraindre tous les chrétiens à sacrifier. Cette opinion n’est point vraisemblable ; on doit seulement reconnaître que les sacrifices ordonnés à cause de la peste furent l’occasion indirecte de nouvelles rigueurs contre les chrétiens. — Supplications à Saturne et à Apollon ; monnaies de Gallus, Cohen, Médailles impériales, t. IV, p. 270 ; Banduri, Num. imp. rom., t. I, p. 58.
[52] Et non, comme Dodwell l’a prétendu, par une simple ordonnance du proconsul d’Afrique. Voir Görres, Christenverfolgungen, dans Kraus, Real-Encyklopädie der christlichen Alterthümer, t. I, p. 238.
[53] Saint Cyprien, Ép. 55.
[54] Saint Denys d’Alexandrie, lettre à Hermammon, dans Eusèbe, Hist. ecclés., VII, 1.
[55] Saint Cyprien, Ép. 57.
[56] Post hoc Centumcellis expulsus. Catalogue libérien.
[57] Docuistis plebem sacerdotibus in periculo jungi, in persecutione fratres a fratribus non separari. Saint Cyprien, Ép. 59.
[58] Non singulos milites, sed tota simul castra prodiisse. Ibid.
[59] Saint Cyprien, Ép. 58 ; saint Pacien, Ép. 3.
[60] Prosilierat adversarius terrore violento Christi castra turbare : sed quo impetu venerat, eodem impetu pulsus est. Saint Cyprien, Ép. 59.
[61] Ad Novatianum (dans les Œuvres de saint Cyprien). — On aimerait à connaître les noms des fidèles arrêtés et martyrisés dans cette persécution. De ce groupe font peut-être partie Cerealis, Sallustia et leurs vingt et un compagnons. Rien qu’ils soient seulement connus par les Actes de saint Corneille (Schelstrate, Antiquitas Ecclesiæ illustrata, t. I, p. 188), document apocryphe, leur existence est certainement historique : l’auteur de cette composition légendaire vivait avant le sixième siècle (Duchesne, le Liber Pontificalis, p. XCVI), à une époque où les sépultures des catacombes étaient encore intactes, et il vit leurs tombeaux dans la crypte de Lucine, près de celui du pontife (De Rossi, Roma sotterranea, t. I, p. 276). Cette indication du passionnaire a été confirmée par la découverte d’une inscription relative à saints Cerealis, Sallustia et leurs compagnons (ses Cerealis et Sallustia cum XXI), gravée en caractères cursifs par quelque pèlerin sur l’un des pilastres du tombeau de saint Corneille (Roma sotterranea, t. I, p. 279 et pl. IV ; cf. Rome souterraine, p. 271). Le fait que ces martyrs furent enterrés dans l’endroit préparé pour la sépulture du Pape indique peut-être quelque lien entre leur histoire et la sienne. La découverte des tituli pourrait seule faire juger s’ils sont contemporains de saint Corneille, ou s’ils remontent, comme plusieurs inscriptions voisines, à une époque plus ancienne. Quant à l’auteur des Actes de saint Corneille, son autorité ne vaut que pour établir, par un témoignage de visu, la coexistence au même lieu des tombeaux de Cerealis et de ses compagnons et de celui du pape, coexistence démontrée par la découverte du graffito. Mais ce rapprochement a pu lui suffire pour placer les vingt-trois martyrs au temps de Corneille. On ne peut donc, sur ce point, que proposer des conjectures.
[62] La date de ce traité, et des faits de persécution qu’il rapporte, est bien établie. Il fut écrit après la mort de Dèce, puisque cette mort est rappelée par allusion. Dans l’énumération des écrits de saint Cyprien, où l’ordre chronologique est soigneusement observé, le diacre Pontius le met après les traités De lapsis, De unitate Ecclesiæ, De oratione Dominica, composés au lendemain de la persécution de Dèce, et avant le De bono patientiæ, publié pendant la dispute relative au baptême qui précéda la persécution de Valérien. La lettre ou le traité Ad Demetrianum se place donc nécessairement sous Gallus.
[63] Ad Demetrianum, 25. — Ce mot suffirait à montrer que Demetrianus n’est pas, comme on l’a supposé, un personnage imaginaire, une sorte d’abstraction : Cyprien le connaît, parle des rapports qu’ils ont eus, nous apprend que Demetrianus est un vieillard. Les fonctions exercées par lui ne sont pas indiquées : nous voyons seulement qu’il poursuivait et condamnait les chrétiens. C’était soit le proconsul d’Afrique, soit plus probablement un de ses assesseurs.
[64] Ad Demetrianum, 12 ; cf. 13.
[65] Ad Demetrianum, 16.
[66] ... Ibi (Centumcellis) cum gloria dormitionem accepit. Catalogue libérien.
[67] Probablement empruntée au continuateur de la chronique d’Hippolyte. Voir Duchesne, le Liber Pontificalis, p. IV, IX.
[68] Voir Histoire des persécutions pendant la première moitié du troisième siècle, 2e édit., p. 210.
[69] Le 18 des calendes d’octobre (14 septembre) ; mais l’année de cette translation est inconnue.
[70] La crypte de Lucine. Des travaux importants furent faits dans cet hypogée, pour y placer le sarcophage du pontife dans une niche carrée, revêtue de stuc. L’inscription primitive a été retrouvée en 1849 et 1852 par M. de Rossi : elle porte ces simples mots, en caractères de la fin du troisième siècle : Corneille, martyr, évêque, CORNELIVS MARTYR EP. Voir De Rossi, Roma sotterranea, t. I, p. 277, 281, 286, 293, et pl. IV, n° 2 ; Cf. Rome souterraine, p. 175, 176, 262, 263. La description détaillée du tombeau de saint Corneille est donnée dans l’appendice A.
[71] De Rossi, Roma sotterranea, t. I, p. 312 ; Rome souterraine, p. 260. Voir appendice A.
[72] Voir Histoire des persécutions pendant la première moitié du troisième siècle, 2e édit., p. 12.
[73] Cette lettre est aujourd’hui perdue.
[74] La légion III
Augusta, qui bardait
[75] Misimus auteur sestertia centum millia nummorum, quæ istic in Ecclesia cui de Domini indulgentia prœsumus, cleri et plebis apud nos cœxistentis collatione collecta sunt, quœ vos illic pro vestra diligentia dispensabitis. Saint Cyprien, Ép. 60.
[76] On peut juger par cette somme de l’importance de la population chrétienne à Carthage au milieu du troisième siècle. Une Église qui, appauvrie et décimée par la peste, trouvait encore moyen d’envoyer dans une province voisine vingt-cinq mille francs, produit d’une seule quête, devait être fort nombreuse.
[77] Saint Cyprien, Ép. 60.
[78] M. Æmilius Æmilianus. Wilmanns, Exempta inscriptionum latinarum, 1023.
[79] Eusèbe, Hist. ecclés., VII, 10, 3.
[80] Hic exul fuit, et postea nutu Dei ad Ecclesiam reversus est. Catalogue libérien.
[81] Quæ illic exaltatio omnium fratrum ! qui consensus atque complexus occurrentium ! Vix osculis adhærentium potest satisfieri, vix vultus ipsi atque oculi plebis possunt victendo satiari de adventus vertri gandio ! Saint Cyprien, Ép. 58.
[82] Saint Cyprien, Ép. 58.
[83] Ibid.
[84] Saint Cyprien, Ép. 67. — Dans les écrits des anciens, dit M. de Rossi, nous trouvons souvent appelés martyrs ceux qui, dans la stricte rigueur des termes, avaient dû être décorés seulement du titre de confesseurs. Bullettino di archeologia cristiana, 1874, p. 107. C’est ainsi que dans les Philosophumena, IX, 12, Marcia demande au pape Victor quels sont les martyrs déportés en Sardaigne, et par son ordre Hyacinthe délivre les martyrs, (voir Histoire des persécutions pendant les deux premiers siècles, 2e édit., p. 456). Saint Denys, évêque de Milan, mort exilé en Cappadoce pendant la persécution arienne, a reçu, dit saint Basile, l’honneur du martyre (Ép. 197). Probablement l’expression employée par saint Cyprien dans la lettre 67, combinée avec l’espèce de prédiction de la lettre 98, fit naître la tradition adoptée plus tard, et consignée dans le Liber Pontificalis, d’après laquelle saint Lucius aurait subi un martyre sanglant : martyrio coronatur. Mais cette tradition est incompatible avec la chronologie aujourd’hui bien établie, qui fait mourir le successeur de Corneille trois ans avant la persécution de Valérien, à une date où ce prince, au témoignage d’Eusèbe, était ouvertement favorable aux chrétiens. Les divers documents insérés dans le recueil philocalien excluent l’hypothèse du martyre sanglant. An catalogue des Papes, il est dit seulement : Hic exul fuit et postea nulu Dei ad Ecclesianr reversus est, et, dans les deux calendriers des Depositiones, la commémoration de Lucius, mort après son retour d’exil, est inscrite parmi les Depositiones episcoporum, tandis que celle de Corneille, mort dans l’exil même, se trouve omise parmi les Depositiones episcoporum, mais semble avoir été inscrite parmi les Depositiones martyrum (voir la restitution proposée dans Roma sotterranea, t. I, p. 175). Tout en tenant compte des réserves faites par M. de Rossi (ibid., t. I, p. 116 ; L. 11, p. v, 70), on doit reconnaître que l’omission de Lucius dans ce dernier calendrier, rapprochée des autres circonstances, parait décisive contre la tradition de son martyre.
[85] Sur la durée du pontificat de Lucius, voir Tillemont, Mémoires, t. IV, note XXXIII, sur saint Cyprien.
[86] L’inscription gravée sur son tombeau, ΑΟΥΚΙC, a été retrouvée (De Rossi, Roma sotterranea, t. II, p. 66 ; cf. Rome souterraine, p. 200, 207 ; pour la forme elliptique du nom grec, voir Roma sotterranea, t. II, p. 66, 68, et Rome souterraine, p. 207, 208). Malheureusement le marbre n’est pas entier et la cassure a lieu immédiatement après le nom (Roma sotterranea, t. II, pl. III, n 4 ; Rome souterraine, pl. XIV, n° 3) ; on ignore si le titre de martyr y fut gravé, comme sur l’épitaphe de son prédécesseur Corneille.