Recherches nouvelles sur l’histoire ancienne

 

 

CHAPITRE XI. — Examen de la Genèse en particulier.

POUR rendre à Moïse ce qui peut lui appartenir dans cette composition, il faut la diviser en deux parties ; l’une, la partie religieuse et législative, contenant les ordonnances de rites et de cérémonies, les préceptes, commandements et prohibitions qui constituent. la loi de Moïse, et que l’on trouve répandus dans l’Exode, le Lévitique, les Nombres et le Deutéronome ; l’autre, la partie purement historique et chronologique qui expose les faits, leur série, la manière dont ils sont arrivés ; et celle-là dont le début est au Ier chapitre de l’Exode, est le travail du grand-prêtre Helqiah, qui en a fait la rédaction d’après les écrits et monuments anciens dont il a pu disposer. Le livre de la Genèse se trouve ici dans un cas particulier ; car, bien qu’il soit un livre historique, on ne saurait le considérer comme appartenant aux Juifs, ni comme un livre national, puisque son sujet comprend un espace de temps où ce peuple n’existait pas ; où il n’avait point d’archives, et ne pouvait rien conserver.... Or, si depuis Moïse, dans toute la période des juges, les Juifs en corps de nation n’ont point eu ou n’ont point su conserver d’annales ; si avant Moïse, le temps de leur séjour en Égypte, dans un état de servitude qui exclut tout autre soin, est resté dans une profonde obscurité faute de monuments, comment se pourrait-il qu’ils eussent conservé des annales Intérieures, surtout des annales aussi détaillées que celles des anecdotes de la vie : de Joseph, de son père Jacob et d’Abraham leur souche commune ? Et quand ce point serait accordé, alors qu’Abraham, de leur aveu, naquit Chaldéen, tout ce qui précède cet homme, vrai ou fictif, n’est-il pas un récit chaldéen, uniquement fondé sur les traditions et les monuments des Chaldéens ? La Genèse, du moins au-dessus d’Abraham, n’est donc pas une histoire juive, mais un monument que les Juifs ont emprunté d’un peuple étranger, qu’ils ont reconnu pour leur aïeul..... Or, comment a pu se faire une telle naturalisation, surtout lorsqu’un article de ce livre paraît contraire à la loi de Moïse ? Voilà un problème absolument inexplicable dans le système des opinions reçues, mais il s’explique naturellement dans le nôtre.

Le grand-prêtre Helqiah ayant conçu le projet de ranimer la ferveur des Juifs, de retremper leur esprit national, en ressuscitant la loi de Moïse, dut croire que son dessein, ne serait pas assez rempli ; s’il ne publiait que le code des rites et ordonnances des 4 livres. C’était la mode alors d’avoir des cosmogonies, et d’expliquer l’origine de toutes choses ; celle des nations et celle du monde ; chaque peuple avait son livre sacré ; commençant par une cosmogonie : les Grecs avaient la Cosmogonie d’Hésiode ; les Perses, celle de Zoroastre ; les Phéniciens, celle de Sanchoniaton ; les Indiens avaient les Vedas et les Pouranas ; les Égyptiens avaient les 5 livres d’Hermès, portés solennellement dans la procession d’Isis, que décrit Clément d’Alexandrie. Helqiah voulant donner aux Juifs un livre qui leur servît d’étendard, et, pour ainsi dire, de cocarde nationale, trouva nécessaire d’y joindre une cosmogonie. L’inventer de son chef eût compromis tout l’ouvrage ; son peuple d’origine chaldéenne, avait conservé plusieurs traditions maternelles ; Helqiah, qui comme Jérémie, son agent, penchait politiquement pour la Chaldée de préférence à l’Égypte, adopta avec quelques modifications la cosmogonie babylonienne ; voilà la source vraie et radicale de la ressemblance extrême que l’historien juif, Josèphe, et les anciens chrétiens ont remarquée entre les 11 premiers, chapitres de la Genèse et les antiquités chaldaïques de Bérose, sans que ces auteurs aient élevé le moindre soupçon de plagiat. Le droit d’aînesse des Chaldéens et l’antiquité de leurs monuments étaient alors trop notoires pour que personne imaginât qu’un peuple aussi puissant, aussi fier de ses arts et de ses sciences que les Babyloniens, eût emprunté les traditions mythologiques d’une petite tribu qu’il regardait comme schismatique et rebelle, et qu’il avait rendue son esclave. Aujourd’hui que par la bizarrerie des révolutions humaines, toute la gloire de Babylone a disparu comme un songe, et que Jérusalem couverte de ruines, de chaînes et de mépris, voit l’univers soumis à ses opinions, il est devenu facile de récuser des témoins qui n’ont plus de représentants, de réfuter des écrits dont il ne reste plus que des morceaux incohérents : cependant, si l’on recueille et confronte ces morceaux, on y trouve encore de quoi persuader tout esprit impartial de l’identité des cosmogonies juive et chaldéenne ; et de faire sentir que le système faussement attribué à Moïse, a été un système commun à beaucoup de peuples de l’ancien Orient, et dont on retrouve des traces jusqu’au Thibet et dans l’Inde.... Nous ne prétendons point approfondir ce sujet, qui serait la matière d’un gros volume ; mais par quelques exemples nous voulons prouver jusqu’à quel point une analyse exacte pourrait porter l’évidence.... Citons d’abord le témoignage de l’historien Josèphe, qui, vu son caractère, est du plus grand poids dans cette question.

 

 

CHAPITRE XII. — Du Déluge.

D’ABORD, dans la défense du peuple juif contre les attaques d’Apion[1], recueillant les témoignages répandus dans les écrits de diverses nations, maintenant, dit-il, j’interpellerai les monuments des Chaldéens, et mon témoin sera Bérose, né lui-même Chaldéen, homme connu de tous les Grecs qui cultivent les lettres, à cause des écrits qu’il a publiés en grec, sur l’astronomie et la philosophie des Chaldéens. Bérose donc, compulsant et copiant les plus anciennes histoires, présente les mêmes récits que Moïse, sur le déluge, sur la destruction des hommes par les eaux, et sur l’arche dans laquelle Noux[2] [Noé ] fut sauvé et qui s’arrêta sur les montagnes d’Arménie ; ensuite, exposant la série généalogique des descendants de Noux, il fixe le temps où vécut chacun d’eux, et il arrive jusqu’à Nabopolassar, etc.

Ainsi l’histoire de Noé, du déluge et de l’arche, est une histoire purement chaldéenne, c’est-à-dire que les chapitres 6, 7, 8, 9, 10 et 11, sont tirés des légendes sacrées des prêtres de cette nation, à une époque infiniment reculée. Il est très fâcheux que le livre de Bérose ne nous soit point parvenu ; mais la piété des premiers chrétiens le regardant comme dangereux[3], paraît l’avoir supprimé de bonne heure. Josèphe en cite un texte positif sur le fait du déluge, dans ses Antiquités Judaïques, livre 1er, chap. 6.

De ce déluge, dit-il, et de l’arche font mention tous les historiens asiatiques ; Bérose, entre autres, en parle ainsi : On prétend qu’une partie de cette arche subsiste encore sur les monts Korduens (Kurdestan) en Arménie ; et quelles dévots en retirent des morceaux de bitume, et vont les distribuant au peuple, qui s’en sert comme d’amulettes contre les maléfices. Josèphe continue.... Hiérôme, l’Égyptien, qui a écrit sur les antiquités phéniciennes, en parle aussi de même, que Mnaseas et plusieurs autres. Nicolas de Damas lui-même, dans son livré 96e, dit :

Au-dessus de Miniade, en Arménie, est une haute montagne appelée Baris ; où l’on raconte que beaucoup de personnes se sauvèrent au temps du déluge, qu’un homme, monté sur un vaisseau, prit terre au sommet, et que longtemps les débris de ce vaisseau y ont subsisté. Cet homme pourrait être celui dont parle Moïse, le législateur des Juifs.

On voit que Josèphe est loin d’inculper Bérose et les autres historiens, d’un plagiat envers Moïse, qu’il croit auteur de la Genèse ; qu’au contraire il invoque les monuments chaldéens, phéniciens, arméniens, comme témoins premiers et originaux, dont la Genèse n’est qu’une émanation ou un pair.

Quant au détail du déluge, nous les trouvons, 1° dans un fragment d’Alexandre Polyhistor, savant compilateur du temps de Sylla, dont le Syncelle nous a transmis plusieurs passages précieux : 2° dans un fragment d’Abydène, autre compilateur qu’Eusèbe nous représente comme ayant consulté les monuments des Mèdes et des Assyriens[4] ; ce qui explique pourquoi il diffère quelquefois de Bérose, dont le Syncelle l’appelle le copiste, avec Alexandre Polyhistor[5]. Ce que la Genèse raconte de Nouh ou Noé, ces auteurs le racontent de Xisuthrus, avec des variantes qui prouvent la diversité des monuments antiques, d’où émanaient ces récits. Un tableau comparé des textes sera plus éloquent que tous les raisonnements.

Monuments chaldéens, copiés par Alexandre Polyhistor, en son second livre[6].

Xisuthrus fut le 10e roi (comme Noé fut le 10e patriarche) : sous lui arriva le déluge.... Kronos (Saturne) lui ayant apparu en songe, l’avertit que le 15 du mois Dœsius, les hommes périraient par un déluge : en conséquence il lui ordonna de prendre les écrits qui traitaient du commencement, du milieu, et de la fin de toutes choses ; de les enfouir en terre dans la ville du soleil, appelée Sisparis ; de se construire un navire, d’y embarquer ses parents, ses amis, et de s’abandonner à la mer. Xisuthrus obéit ; il prépare toutes les provisions, rassemble les animaux quadrupèdes et volatiles ; puis il demande où il doit naviguer ; vers les Dieux, dit Saturne, et il souhaite aux hommes toutes sortes de bénédictions. Xisuthrus fabriqua donc un navire long de cinq stades et large de deux ; il y fit entrer sa femme, ses enfants, ses amis et tout ce qu’il avait préparé. Le déluge vint, et bientôt ayant cessé, Xisuthrus lâcha quelques oiseaux qui, faute de trouver où se reposer, revinrent au vaisseau : quelques jours après il les envoya encore à la découverte ; cette fois les oiseaux revinrent ayant de la boue aux pieds ; lâchés une troisième fois, ils ne revinrent plus : Xisuthrus concevant que la terre se dégageait, fit une ouverture à son vaisseau, et comme il se vit près d’une montagne, il y descendit avec sa femme, sa fille et le pilote ; il adora la terre, éleva un autel, fit un sacrifice, puis il disparut, et ne fut plus vu sur la terre avec les trois personnes sorties avec lui.... Ceux qui étaient restés dans le vaisseau ne les voyant pas revenir, les appelèrent à grands cris : une voix leur répondit en leur recommandant la piété, etc., et en ajoutant qu’ils devaient retourner à Babylone, selon l’ordre du destin, retirer de terre les lettres enfouies à Sisparis, pour les communiquer aux « hommes ; que’ du reste le lieu où ils se trouvaient était l’Arménie. Ayant ouï ces paroles, ils s’assemblèrent de toutes parts, et se rendirent à Babylone. Les débris de leur vaisseau, poussés en Arménie, sont restés jusqu’à ce jour sur les monts Korkoura ; et les dévots en prennent de petits morceaux pour leur servir de talismans contre les maléfices. Les lettres ayant été retirées de terre à Sisparis, les hommes bâtirent des villes, élevèrent des temples, et réparèrent Babylone elle-même.

Récit du livre hébreu, la Genèse.

Et les dieux (Elahim) dit à Noh : Fais-toi un vaisseau, divisé en cellules et enduit de bitume : sa longueur sera de 300 coudées, sa largeur de 50, sa hauteur de 30. Il aura une fenêtre d’une coudée carrée. Je vais amener un déluge d’eau sur la terre ; tu entreras dans l’arche, toi, tes fils, ta femme et les femmes de tes fils ; et tu feras entrer un couple de tout ce qui a vie sur la terre, oiseaux, quadrupèdes, reptiles : tu feras aussi des provisions de vivres pour toi et pour eux. Noh fit tout ce que Dieu (Elahim) lui avait ordonné : et Dieu (Iahouh) dit encore : Prends sept couples des animaux purs, et deux seulement des impurs ; sept couples aussi des volatiles.... Dans sept jours je ferai pleuvoir sur terre pendant 40 jours et 40 nuits : et Noh fit ce qu’avait prescrit (Iahouh) ; il entra dans l’arche âgé de 600 ans ; et après sept jours, dans le second mois, le 17 du mois, toutes les sources de l’Océan débordèrent, et les cataractes des cieux furent ouvertes ; et Noh entra dans le vaisseau avec sa famille et tous les animaux ; et la pluie dura 40 jours et 40 nuits ; et les eaux élevèrent le vaisseau au-dessus de la terre ; et le vaisseau flotta sur les eaux ; et elles couvrirent toutes les montagnes qui sont sous les cieux, à 15 coudées de hauteur ; et tout être vivant fut détruit ; et les eaux crurent pendant 50 jours ; et Dieu (Elahim) se ressouvint de Noh ; il fit souffler un vent ; les eaux se reposèrent ; les fontaines de l’Océan et les cataractes du ciel se fermèrent, et la pluie cessa ; et les eaux s’arrêtèrent au bout de 150 jours, et le 7e mois, au 17e jour, l’arche se reposa sur le mont Ararat en Arménie, et les eaux allèrent et vinrent diminuant jusqu’au 10e mois ; et le 10e mois au 1er jour, on vit les cimes des montagnes ; 40 jours après (le 10e du 11e mois), Noh ouvrit la fenêtre du vaisseau, et lâcha le corbeau, qui alla volant jusqu’à ce que les eaux se retirassent ; et Noh lâcha la colombe qui, ne trouvant point où reposer le pied (les cimes étaient pourtant découvertes), revint au vaisseau, et après 7 jours (le 17 du 11e mois), Noh la renvoya encore, et elle revint le soir portant au bec une feuille d’olivier ; et 7 jours après (le 24 du 11e mois), il la lâcha encore, elle ne revint plus. L’an 601 de Noh, le 1er du mois, 7 jours après le dernier départ de la colombe, la terre fut sèche, et Noh leva le couvercle du vaisseau, et il vit la terre sèche, et le 27e du second mois, la terre fut sèche ; et Dieu (Elahim) lui dit de sortir avec toute sa famille et tous les animaux ; et Noh dressa un autel et y sacrifia des oiseaux et des animaux purs ; et (Iahouh) Dieu en respira l’odeur avec plaisir, et dit : Je n’amènerai plus de déluge ; et il donna des bénédictions et des préceptes à Noh : ne pas manger le sang des animaux (précepte de Moïse : l’âme est dans le sang) ; de ne pas verser le sang des hommes, etc. ; et il fit alliance avec les hommes ; et pour signe de cette alliance, je placerai, dit-il, un arc dans les nues (l’arc-en -ciel), et en le voyant, je me souviendrai de mon alliance avec tout être vivant sur la terre, et je ne les détruirai plus.... ; et Noh en sortant du vaisseau avait trois enfants, et il se livra à la culture de la terre et il planta la vigne, etc.

Nous ne transcrivons point le récit d’Abydène qu’Eusèbe a conservé dans sa Préparation évangélique (liv. IX, chap. 12), parce qu’il est infiniment abrégé, et qu’il ne diffère que dans deux circonstances. Dans son récit tiré des monuments mèdes et assyriens, Xisuthrus lâche les oiseaux 3 jours après que la tempête se fut calmée ; ils reviennent 2 fois, ayant de la boue aux ailes et non aux pieds ; à la troisième fois ils ne reviennent plus.

Ces textes seraient la matière d’un volume de commentaires : bornons-nous aux remarques les plus nécessaires pour tout homme sensé : lès deux récits sont un tissu d’impossibilités physiques et morales ; mais ici le simple bon sens ne suffit pas ; il faut être initié à la doctrine astrologique des anciens, pour deviner ce genre de logogriphe, et pour savoir qu’en général tous les déluges mentionnés par les Juifs, les Chaldéens, les Grecs, les Indiens, comme ayant détruit le monde sous Ogygès, Inachus, Deucalion, Xisuthrus, Saravriata, sont un seul et même événement physico-astronomique qui se répète encore tous les ans, et dont le principal merveilleux consiste dans le langage métaphorique qui servit à l’exprimer. Dans ce langage, le grand cercle des cieux s’appelait mundus, dont l’analogue mondala signifie encore cercle en sanscrit : l’orbis des Latins en est le synonyme. La révolution de ce cercle par le soleil, composant l’année de 12 mois fut appelée orbis, le monde, le cercle céleste. Par conséquent, à chaque 12 mois, le monde finissait, et le monde recommençait ; le monde était détruit, et le monde se renouvelait. L’époque de cet événement remarquable variait selon les peuples et selon leur usage de commencer l’année à l’un des solstices ou des équinoxes : en Égypte, c’était au solstice d’été. A cette époque, le Nil donnait les premiers symptômes de son débordement, et dans 40 jours, les eaux couvraient toute la terre d’Égypte à 15 coudées de hauteur. C’était et c’est encore un océan, un déluge. C’était un déluge destructeur dans les premiers temps, avant que la population civilisée et nombreuse eût desséché les marais, creusé des canaux, élevé des digues, et avant que l’expérience eût appris l’époque du débordement. Il fut important de la connaître, de la prévoir : l’on remarqua les étoiles qui alors paraissaient le soir et le matin à l’horizon : Un groupe de celles qui coïncidaient fut appelé le navire ou la barque, pour indiquer qu’il fallait se tenir prêt à s’embarquer ; un autre groupe fut appelée le chien, qui avertit ; un troisième avait le nom de corbeau ; un quatrième, de colombe[7] ; un cinquième s’appelait le laboureur, le vigneron[8] ; non loin de lui était la femme (la vierge céleste) : tous ces personnages qui figurent dans le déluge de Noh et de Xisuthrus sont encore dans la sphère céleste ; c’était un vrai tableau de calendrier dont nos deux textes cités ne sont que la description plus ou moins fidèle. Au moment du solstice et au début de l’inondation, la planète de Kronos ou Saturne, qui avait son domicile dans le cancer, ou plutôt le génie ailé, gouverneur de cette planète, était censé avertir l’homme ou le laboureur de s’embarquer. Il avertissait pendant la nuit, parce que c’était le soir ou la nuit que l’astre était consulté. Le calendrier des Égyptiens et leur science astrologique ayant pénétré dans la Grèce encore sauvage, ces tableaux non appropriés au pays y furent mal. compris, et ils y devinrent les fables mythologiques de Deucalion, d’Ogygès et d’Inachus, dont le nom est Noh même, écrit en grec Noch et Nach. La Chaldée avait aussi son déluge, par les débordements du Tigre et de l’Euphrate, au moment où le soleil fond les neiges des monts Arméniens. Mais ce déluge avait un caractère malfaisant, par la rapidité et l’incertitude de son arrivée. Ce pays, d’une fertilité extrême, par conséquent peuplé de toute antiquité, dut avoir son calendrier propre ainsi que ses légendes : cependant les historiens nous assurent que les rites de l’Égypte y furent introduits avec une colonie de prêtres, peut-être par le moyen de Sésostris qui, vers l’an 1350, traversa ces régions en conquérant ; peut-être par la voie des Ninivites ou, plus anciennement, ce put être déjà une cause de variantes dans les légendes chaldéennes. Les déluges du Nil et de l’Euphrate n’arrivaient pas aux mêmes époques ; une autre cause fut la précession des équinoxes qui, tous, les 71 ans, change d’un degré la position du soleil dans les signes. Enfin les physiciens ayant étendu leurs connaissances géographiques, et ayant constaté que l’hémisphère du nord était comme noyé de pluies dans l’intervalle hybernal des cieux équinoxes, il en résulta que l’idée et le nom de déluge furent appliqués au semestre d’hiver, tandis que le nom d’incendie fut donné au semestre d’été, ainsi que nous l’apprend Aristote. De là l’expression amphibologique que le monde éprouvait des révolutions alternatives d’incendie et de déluge ; de là aussi une nouvelle source de variantes adoptées par l’écrivain juif, lorsqu’il fait durer la pluie 150 jours (près de 6 mois), après avoir dit qu’elle n’en dura que 40 ; il n’est donc pas étonnant qu’il y ait des discordances entre les divers compilateurs des monuments, puisqu’il a dû s’en introduire très anciennement entre les monuments eux-mêmes et entre les calendriers tant indigènes qu’étrangers.

La différence la plus remarquable entre le récit chaldéen et le récit hébreu, est que le premier conserve le caractère astrologico-mythologique, tandis que le second est tourné dans un sens et vers un but moral. En effet selon l’hébreu, dont nous n’avons donné qu’un extrait, puisque le texte contient plus de 100 versets, le genre humain s’étant perverti, et des géants, nés des anges de Dieu et des filles des hommes, exerçant toutes sortes de violences, Dieu se repent d’avoir créé l’espèce ; il se parle, il délibère, il se fixe au parti violent d’exterminer tout ce qui a vie. Cependant il aperçoit un homme juste, il en a pitié ; il veut le sauver : il lui fait part de son dessein, il lui annonce le déluge, lui prescrit de bâtir un navire, etc. Quand le déluge a tout détruit, l’homme fait un sacrifice d’animaux purs (selon la loi de Moïse) ; Dieu en est si touché, qu’il promet de ne plus faire de déluge ; il donne des bénédictions, des préceptes, un abrégé de loi ; il fait alliance avec tous les êtres vivants ; et pour signe de cette alliance, il invente l’arc-en-ciel qui se montrera en temps de pluie, etc. ; tout cela chargé de redites avec quelques contradictions. Par exemple, la pluie dura 40 jours.... ; les eaux crûrent 150 jours, un vent souffla, et la pluie cessa. Le premier jour du dixième mois, l’on vit les cimes des monts ; 40 jours après, la colombe ne trouve pas où poser le pied, etc.

Tout ce récit n’est-il pas un drame moral, une leçon de conduite que donne au peuple un législateur religieux, un prêtre ? Sous ce rapport, on pourrait l’attribuer à Moïse ; mais le nom pluriel Elahim, les dieux, très mal traduit au singulier, Dieu, ne saurait se concilier avec l’unité dont Moïse fait la base de sa théologie. Le Dieu de Moïse est Iahouh : on ne voit jamais que ce nom dans ses lois et dans les écrits de ses purs sectateurs, tels que Jérémie. Pourquoi l’expression Elahim, les dieux, se trouve-t-elle si souvent et presque uniquement dans la Genèse ? Par la raison que le monument est chaldéen, et parce que dans le système chaldéen comme dans la plupart des théologies asiatiques, ce n’est pas un Dieu seul qui créait, c’étaient les dieux, ses ministres, ses anges, et spécialement les décans et les génies des 12 mois qui créèrent chacun une partie du monde (le cercle de l’année). Le grand-prêtre Helqiah empruntant cette cosmogonie, n’a osé y changer une expression fondamentale qui peut-être avait cours chez les Hébreux, depuis leurs relations avec les Syriens ; il est même possible qu’il n’ait rien ajouté de son chef à ce texte, quoique les animaux purs (selon la loi), et le nombre 7, indiquent une main juive, avec d’autant plus de raison, que le nom de Iahouh y est joint.

Longtemps avant Helquiah ; la Grèce avait l’apologue de Ioupiter irrité contre les géants et contre la génération coupable, lui annonçant la fin du monde, submergeant la terre de torrents qui se précipitent des cataractes du ciel, etc. (Voyez Nonnus, Dionysiaq., lib. VI, vers. 230.)

Tout le système du Tartare et de l’Élysée tenait à cette théologie d’origine égyptienne et d’antiquité assez reculée, puisqu’elle était la base des mystères et des initiations : ce fut dans ces mystères que la science astrologique prit un caractère moral qui altéra de jour en jour le sens physique de ses tableaux hiéroglyphiques, etc.

Selon l’hébreu, après le déluge, Noh cultive la terre ; plante la vigne ; en cela, il est Osiris et Bacchus qui tous deux sont le soleil dans la constellation Arcturus ou le Bouvier qui, après la retraite du Nil, annonçait au plat pays le temps de semer ; et sur les coteaux du Fayoum, le temps de vendanger.

Ici les fragments de Bérose et de ses copistes ont une lacune qui correspond au chapitre X de la Genèse, où l’auteur juif décrit le partage de la terre entre les trois prétendus enfants de Noh, et donne la nomenclature de leurs prétendus enfants, selon leurs langues et nations : nous disons prétendus, parce que toute cette apparente généalogie est une véritable description géographique des pays et des peuples connus des Juifs à cette époque ; description dans laquelle chaque nation est désignée, tantôt par un nom collectif, selon le génie de la langue, tantôt par un nom pluriel ; et cela, dans un ordre méthodique de localités contiguës et d’affinités de langage. Imaginer que les noms pluriels de Medi, les Mèdes, Saphirouim, les Saspires, Rodanim, les Rhodiens, Amrim, les Amorrhéens, Aradim, les Aradiens, Masrim, les Égyptiens, Phélastim, les Philistins, etc., etc., soient des noms d’individus, et imaginer que ces individus fussent la troisième ou quatrième génération de trois familles qui seules sur le globe s’en seraient fait le partage, est un excès de crédulité et d’aveuglement qui passe toutes bornes ; mais ce sujet nous écarterait trop : nous le traiterons dans un article particulier.

 

 

CHAPITRE XIII. — De la tour de Babel ou pyramide de Bel à Babylone.

VIENNENT ensuite dans le chapitre XI, la séparation des familles, l’entreprise de la tour de Babylone et la confusion des langues. Nous trouvons l’équivalent de ce récit dans un fragment de Polyhistor. (Voyez le Syncelle, p. 44, et Eusèbe, Prœpar. evang., lib. IX, c. XIV) : la Sibylle porte ce texte :

Lorsque les hommes parlaient (encore) une seule langue, ils bâtirent une tour très élevée, comme pour monter au ciel, mais les dieux (Elahim) envoyèrent des tempêtes qui la renversèrent, et ils donnèrent à chaque (homme) un langage : de là est venu le nom de Babylone à cette cité. Après le déluge, existèrent Titan et Prométhée, etc.

Ici, dit le Syncelle, Polyhistor oublie que selon ses auteurs, existait depuis des milliers d’années cette ville de Babylone, dont le nom n’est donné qu’à cette époque. Le même Syncelle poursuit son récit par ce fragment d’Abydène, qui porte, p. 44 : Il y en a qui disent que les premiers hommes nés de la terre, se fiant en leur force et en leur taille énorme, méprisèrent les dieux, dont ils voulurent devenir les supérieurs ; que dans ce dessein, ils bâtirent une tour très haute, mais que les vents, venant au secours des dieux, renversèrent l’édifice sur ses auteurs ; et les décombres prirent le nom de Babylone : jusqu’alors le langage des hommes avait été un et semblable, mais de ce moment il devint multiple et divers ; ensuite survinrent des dissensions et des guerres entre Titan et Saturne, etc.

En nous offrant plusieurs versions, ces fragments nous montrent qu’il existait diverses sources dont le récit juif n’était qu’une émanation, sans être le type primitif, comme on le voudrait établir.

Quelle fut cette sibylle citée par Polyhistor ? On ne nous le dit point ; ruais nous pensons la retrouver dans Moïse de Chorène, dont les premiers chapitres se lient à notre sujet, de manière à prouver l’authenticité et l’identité des sources communes. Cet écrivain, qui date du cinquième siècle avant J.-C., établit d’abord comme faits notoires : Que les anciens Asiatiques, et spécialement les Chaldéens et les Perses ; eurent une foule de livres historiques ; que ces livres furent partie extraits, partie traduits en langue grecque, surtout depuis que les Ptolémées eurent établi la bibliothèque d’Alexandrie, et encouragé les littérateurs par leurs libéralités ; de manière que la langue grecque devint le dépôt et la mère de toutes les sciences. Ne vous étonnez donc pas, continue-t-il, si pour mon histoire d’Arménie, je ne vous cite que des auteurs grecs, puisqu’une grande partie des livres originaux a péri (par l’effet même des traductions). Quant à nos antiquités, les compilateurs ne sont pas d’accord sur tous les points entre eux, et ils diffèrent de la Genèse sur quelques autres : cependant Bérose et Abydène, d’accord avec Moïse, comptent dix générations avant le déluge ; mais selon eux, ce sont des princes, et des noms barbares avec une immense série d’années, qui diffèrent non seulement des nôtres (qui ont 4 saisons), et des années divines, mais encore de celles des Égyptiens, etc. Abydène et Bérose comptent aussi 3 chefs illustres avant la tour de Babel ; ils exposent fidèlement (c’est-à-dire comme la Genèse) la navigation de Xisuthrus en Arménie ; mais ils mentent, quant aux noms, (c’est-à-dire qu’ils diffèrent de la Genèse).... Je préfère donc de commencer mon récit d’après ma véridique et chérie, sibylle bérosienne, qui dit : Avant la tour et avant que le langage des hommes fût devenu divers, après la navigation de Xisuthrus en Arménie, Zérouan, Titan et Yapétosthe gouvernaient la terre : s’étant partagé le monde, Zérouan, enflammé d’orgueil, voulut dominer les deux autres : Titan et Yapétosthe lui résistèrent, et lui firent la guerre, parce qu’il voulait établir ses fils rois de tout. Titan dans ce conflit s’empara d’une certaine portion de l’héritage de Zérouan : leur sœur Astlik, en se mettant entre eux, apaisa le tumulte par ses douceurs. Il fut convenu que Zérouan resterait chef ; mais ils firent serment de tuer tout enfant mâle de Zérouan, et ils préposèrent de forts Titans à l’accouchement de ses femmes.... Ils en tuèrent deux ; mais Astlik conseilla aux femmes d’engager quelques Titans à conserver les autres, et de les porter à l’orient, au mont Ditzencets ou Jet des Dieux, qui est l’Olympe.

Le lecteur voit qu’ici nous avons une sibylle, comme dans Polyhistor ; et elle est appelée Bérosienne. Les anciens nous apprennent que Bérose eut une fille dont il soigna beaucoup l’éducation, et qui devint si habile, qu’elle fut comptée au rang des sibylles. N’avons-nous pas lieu de voir ici cette femme savante, surtout quand il s’agit d’antiquités de son pays ? Le fragment cité à une analogie marquée avec le Sem, Cham et Iaphet de la Genèse, et c’est par cette raison que le dévot auteur arménien le préfère aux récits de Bérose et d’Abydène ; mais ce fragment nous reporte, comme les autres, à des traditions mythologiques qu’il nous importe de multiplier pour en éclaircir le. sens. Notre Arménien en rapporte une très ancienne de son pays, qui dit :

Un livre qui n’existe plus, a dit de Xisuthrus et de ses trois fils : Après que Xsisutra eût navigué en Arménie, et pris terre, un de ses fils, nommé Sim, marcha entre le couchant et le septemtrio ; et arrivé à une petite plaine sous un mont très élevé, par le milieu de laquelle les fleuves coulaient vers l’Assyrie, il se fixa deux mois au bord du fleuve, et appela de son nom Sim, la montagne ; de là il revint par le même (chemin), entre orient et midi, au point d’où il était parti ; un de ses enfants cadets, nommé Tarban, se séparant de lui avec 30 fils, 15 filles et leurs maris, se fixa sur la rive du même fleuve.... ; d’où vint à ce lieu le nom de Taron, et à celui qu’il avait quitté, le nom Tseron, à cause de la séparation qui s’y était faite de ses enfants.

Or, les peuples de l’Orient appellent Sim, Zerouan, et ils montrent un pays appelé Zaruandia[9]. Voilà ce que nos anciens Arméniens chantaient dans leurs fêtes ; au son des instruments, ainsi que le rapportent Gorgias, Bananus, David, etc.

Nous touchons ici aux sources où a puisé l’auteur juif. Notre Arménien cite un autre écrit plus intéressant par son origine et ses développements ; c’est le volume que le Syrien Mar I Bas trouva dans la bibliothèque d’Arshak, 80 ans après Alexandre, et qui portait pour titre :

Ce volume a été traduit du chaldéen en grec. Il contient l’histoire vraie des anciens personnages illustres, qu’il dit commencer à Zerouan, Titan et Yapetosth ; et il expose par ordre la série des hommes illustres nés de ces 3 chefs.

Le texte commence : Ils étaient terribles et brillants, ces premiers des dieux, auteurs des plus grands biens, et principes du monde et de la multiplication des hommes.... D’eux vint la race des géants, au corps robuste, aux membres (ou bras) puissants (ou vigoureux), à l’immense stature, qui, pleins d’insolence, conçurent le dessein impie de bâtir une tour. Tandis qu’ils y travaillaient, un vent horrible et divin, excité par la colère des dieux (Elahim), détruisit cette nasse immense, et jeta parmi les hommes des paroles inconnues qui excitèrent (ou causèrent) le tumulte et la confusion : parmi ces hommes, était le Iapétique Haïk, célèbre à vaillant gouverneur (præfectus), très habile à lancer les flèches et à manier l’arc[10]. Ce Haïk, beau, grand, à chevelure brillante, aux bras puissants, à l’œil perçant, plein d’hilarité, se trouvant l’un des géants les plus influents, s’opposa à ceux qui voulurent commander aux autres géants, et à la race des dieux, et il excita du tumulte contre l’impétueux effort de Belus. Le genre humain, dispersé sur la terre, vivait au milieu des géants, qui, mus de fureur, tirèrent leurs sabres les uns contre les autres, et luttèrent pour le commandement. Belus ayant eu des succès, et s’étant rendu maître de presque toute la terre, Haïk ne voulut pas lui obéir, et après avoir vu naître son fils Armenak dans Babylone, il alla vers le pays d’Ararat, placé au nord, avec son fils, ses filles et des braves, au nombre de 300, sans compter des étrangers qui s’y joignirent : il se fixa ou s’assit au pied d’un certain mont très étendu dans la plaine, où habitaient quelques-uns des hommes dispersés. Haïk le soumit et y établit son domicile, etc.

Voilà donc un livre original chaldéen qui, à raison de sa célébrité, excita la curiosité d’Alexandre, et qui, par ce léger fragment, nous prouve 1° l’antiquité réelle des traditions recueillies par Bérose, par Abedène, par la Sibylle ; 2° l’analogie de ces traditions avec celles du livre juif appelé la Genèse. Cette analogie est sensible dans ce qui concerne le, déluge, l’homme sauvé dans un navire ; les trois princes ou chefs du genre humain issu de cet homme ; la séparation de leurs enfants ; l’entreprise de la tour de Babel, la confusion qui en résulte, etc. ; enfin dans ces géants, nés des enfants des dieux (Elahim) et des filles des hommes, géants grands de corps et fameux de nom dans les temps anciens (Genèse, ch. VI, v. 2 à 5) ; ce sont les propres expressions de la Genèse. Leur entreprise de monter aux cieux est la même que celle des géants chantés par les mythologues, grecs, et cette ressemblance vient confirmer l’origine chaldéenne de toutes ces allégories, dont l’explication nous écarterait trop de notre sujet[11]. Nous nous bornerons à remarquer ; que ces mêmes allégories se trouvent dans les récits cosmogoniques, des sectateurs de Budha, réfugiés au Thiliet ; et qui, sous le nom de Samanéens, étaient une secte indienne célèbre et déjà ancienne : au temps d’Alexandre. Leur cosmogonie qui, sous d’autres rapports, ressemble singulièrement à celle de la Genèse, parle comme ce livre, de la corruption des hommes, de la colère de Dieu, des déluges dont il punit le genre humain ; et ils tournent dans un sens moral tout ce que les mythologues grecs présentent sous un aspect astrologique. Or, si l’on considère que les récits des Grecs se rapportent à une époque où la constellation du taureau, ouvrait l’année et la marche clés signes, c’est-à-dire au delà de 4000 ans avant notre ère, tandis que les récits, des Juifs et des Perses indiquent l’agneau ou bélier comme réparateur, l’on pensera que les Grecs ont mieux gardé le type originel, parce qu’ils sont plus anciens que lés antres, et que les autres l’ont altéré, parce qu’ils sont venus plus tard en sorte que le système moral et mystique, dans lequel il faut comprendre l’Élysée, le Tartare, et, toute la doctrine des mystères, n’aurait pas une origine plus reculée que 2500 à 2300 ans avant notre ère, et ce serait de l’Égypte et de la Chaldée que se seraient répandues dans l’Orient et dans l’Occident toutes ces idées, comme s’accordent à le témoigner tous les anciens auteurs grecs et même les arabes, qui ont eu en main d’anciens livres échappés aux ravages des guerres et du temps. Il est remarquable qu’un de ces livres, cité par le Syncelle sous le nom de livre d’Énoch, présente l’histoire des géants, nés des anges et des filles des hommes, presque dans les mêmes termes que les livres de Boudhistes du Thibet, et le livre de la Genèse ; sans doute le livre d’Énoch est apocryphe quant au nom que lui a donné l’auteur anonyme, pour imprimer le respect, mais non quant à sa doctrine qui est chaldéenne et de haute antiquité. Revenons à nos confrontations.

Après le déluge de Noh ou de Xisuthrus, le partage de la terre entre 3 personnages puissants et brillants, dont Titan est un, ressemble beaucoup à ce que les Grecs nous disent des 3 frères, Jupiter, Pluton et Neptune[12]. La construction de la tour de Babylone semblerait prendre un caractère plus historique, et lorsqu’on se rappelle que pour bâtir cette ville et la pyramide de Bel aux sept étages (comme les sept sphères), Sémiramis employa deux millions d’hommes tirés de tous les peuples de son empire, par conséquent parlant une multitude de dialectes divers, on serait tenté de croire que cette confusion de langage a donné lieu à une tradition ensuite altérée. Mais Sémiramis était trop récente pour être oubliée et méconnue ; l’événement porte un caractère mythologique beaucoup plus ancien : et comme en langage astrologique, le zodiaque s’appelait la grande Tour Burg, en grec, pyrg-os, la partie de cette tour, composée de six signes ou six étages, qui, depuis le solstice d’hiver jusqu’à celui d’été, s’élevait vers le nord où était le mont Olympe (Ararat et Merou), était censée élevée ou bâtie par les géants, c’est-à-dire par les constellations ascendantes de l’horizon au zénith. Il faudrait connaître tous les détails de ces mystères chaldéens, pour expliquer tous ceux du récit.... Il est du moins évident que le repeuplement de la terre en 5 ou 6 générations, est une rêverie au physique comme au moral. Par suite de cette impossibilité, l’on ne peut admettre, à la onzième génération, l’apparition d’Abraham comme homme et comme personnage historique ; et les soupçons s’accroissent lorsqu’on lit ce qu’en rapportent Bérose, Alexandre Polyhistor et Nicolas de Damas.

 

 

CHAPITRE XIV. — Du personnage appelé Abraham.

BÉROSE, dit Josèphe[13], en supprimant le nom d’Abraham, notre ancêtre, l’a cependant indiqué par ces mots :

A la dixième génération après le déluge, exista chez les Chaldéens, un homme juste et grand, qui fut très versé dans la connaissance des choses célestes.

Effectivement, dans la généalogie juive, Abraham se trouve à la dixième génération depuis le déluge, et cela prouve, l’identité continue et l’origine commune des deux récits.

Josèphe ajoute : Hécatée a écrit sur Abraham un volume entier. Nicolas de Damas, au quatrième livre de son recueil d’histoire, dit : Abraham régna à Damas ; c’était un étranger venu du pays des Chaldéens ; au-dessus, de Babylone, à la tête d’une armée[14]. Peu de temps après, il quitta le pays avec tout son monde, et il émigra dans la contrée appelée alors Canaan, aujourd’hui Judée.

D’autre part, Alexandre Polyhistor, citant Eupolème, dit[15] : Qu’Abraham naquit à Camarine, ville de la Babylonie, appelée Ouria, ou ville des Devins ; cet homme surpassait tous les autres en naissance et en habileté. Il inventa l’astrologie et la chaldaïque[16] ; par sa piété il fut agréable à Dieu. Les Arméniens ayant attaqué les Phéniciens, Abraham les chassa (comme le dit la Genèse). Il eut en Égypte de longs entretiens avec les prêtres sur l’astrologie.

Artapan, écrivain persan, cité par Eusèbe (l. 9, chap. 18), parlait également de ce séjour d’Abraham en Égypte, où il enseigna pendant 20 ans l’astrologie ; il ajoutait qu’Abraham se rendit ensuite à Babylone chez les géants, qui furent exterminés par les dieux, à cause de leur impiété.

Enfin Josèphe parle, comme tous ces auteurs, de la grande connaissance qu’Abraham avait des changements qui arrivent dans le ciel ; et de ceux que subissent le soleil et la lune (les éclipses), etc.[17] ; ce qui signifie, en mots décents, qu’Abraham était versé en astrologie.

En examinant ces récits, l’on s’aperçoit que, semblables à ceux sur le déluge, ils viennent d’une source antique où la Genèse a puisé ; mais parce qu’ils ont mieux conservé le caractère mythologique qu’ils avaient originairement, ils suscitent plus de doutes et de soupçons sur l’existence d’Abraham, comme individu humain. En effet, dès lors que le déluge chaldéen n’est qu’une fiction astrologique, que peuvent être les personnages et les générations mis à la suite d’un événement qui n’a pas existé ? Si un déluge détruisait aujourd’hui la race humaine, à l’exception d’une famille de 8 personnes, cette famille, isolée et faible, accablée de tous ses besoins, ne vaquerait qu’aux soins pressants de sa conservation ; et avant 3 générations, sa race serait retombée dans un état sauvage, qui ne permettrait ni écriture, ni conservation de souvenirs anciens. Chez les peuples policés eux-mêmes, personne, sans l’écriture, n’a idée de la 6e génération antérieure ; comment donc la prétendue généalogie d’Abraham eût-elle pu se conserver ; surtout chez les Juifs, qui n’ont conserver aucun monument régulier et suivi, ni de la période des juges ; ni du séjour de leurs ancêtres en Égypte ? cette généalogie ne leur appartient point ; ils l’ont empruntée des Chaldéens ; elle est toute chaldéenne. Or chez les Chaldéens elle est du temps mythologique, comme le déluge et comme les géants avec qui Abraham eut des relations ; c’est pour cette raison que tous les détails ont tant de précision. Dans l’habitude où nous sommes de regarder Abraham comme un homme, il est choquant, au premier aspect de dire que ce personnage est fictif et allégorique, et qu’il n’est que le génie personnifié d’une planète ; cependant tel est le cas d’une foule de prétendus rois, princes et patriarches des anciennes traditions de l’Orient. Qui ne croirait qu’Hermès a été un sage, un philosophe, un astronome éminent chez les Égyptiens ? et néanmoins Hermès analysé, n’est que le génie personnifié, tantôt de l’astre Sirius, tantôt de la planète Mercure. Qui ne croirait que chez les Indiens, les 7 richis ou patriarches ont été de saints pénitents qui ont enseigné aux hommes des pratiques dévotes encore subsistantes ? et cependant les 7 richis ne sont que les génies des 7 étoiles de la constellation de l’ourse, réglant la marche des navigateurs et des laboureurs, qui la contemplent. Du moment que par la métaphore naturelle de leurs langues, les anciens Orientaux eurent personnifié les corps célestes, l’équivoque introduisit un désordre d’idées, qui s’accrut de jour en jour, et par l’ignorance d’un peuple crédule, superstitieux, et par l’usage mystérieux, énigmatique, qu’en firent les initiés à la science, et par la tournure poétique que lui donnèrent des écrivains à imagination. Il ne faudrait donc pas s’étonner si Abraham, roi, patriarche et astrologue chaldéen, analysé dans ses actions et son caractère ; ne fût que le génie d’un astre ou, d’une planète.

D’abord tout génie d’astre est loi : il gouverne une portion du ciel et de la terre soumise à son influence ; ses images on idoles portent toujours une couronne, emblème de son pouvoir suprême[18] : Abraham, nous dit-on, avait régné à Damas ; son nom y était resté. S’il n’eût été qu’un chef d’armée passager, il n’eût pas laissé une impression si durable. Il était allé en Égypte et y avait enseigné l’astrologie ; il l’avait même inventée, dit Eupolème, ainsi que la chaldaïque.

Un étranger enseigner l’astrologie aux Égyptiens, et cela 16 ou 17 siècles avant notre ère, quand les Égyptiens étaient, depuis tant d’autres siècles, les maîtres et les inventeurs de cette science ! cela est inadmissible et décèle la fable : Abraham a ici les caractères de Thaut ou Hermès, qui inventa l’astrologie et les lettres de l’écriture[19] ; surpassa tous les hommes dans la connaissance des choses célestes et naturelles ; qui fut un sage et un roi, mais qui, dans son type originel, n’est que le génie de l’astre Sothis ou Sirius, qui annonçait l’inondation du Nil, etc.

Abraham, dans le sacrifice homicide de son fils unique, retrace une autre divinité également célèbre par sa science.

Écoutons Sanchoniaton, qui écrivit environ 1300 ans avant notre ère.

Saturne, que les Phéniciens nomment Israël, eut d’une nymphe du pays, un enfant mâle qu’il appela Iêoud, c’est-à-dire un et unique. Une guerre survenue, ayant jeté le pays dans un grand danger, Saturne dressa un autel, y conduisit son fils paré d’habits royaux, et l’immola.

Or Saturne avait été roi en Phénicie, ayant pour secrétaire Thaut ou Hermès, et après sa mort on lui avait consacré l’astre de son nom.

Dira-t-on que Sanchoniaton, qui consulta un prêtre hébreu nommé Ierombal, à défiguré le récit de la Genèse ? Nous disons, au contraire, que les récits de cet écrivain tendent à prouver qu’elle n’existait pas de son temps, vu leur différence absolue. La vérité est que les Phéniciens, périple bien plus ancien que les Hébreux, ont eu leur mythologie propre et particulière, à laquelle ce trait appartient, et qu’ils ne l’ont pas emprunté des Juifs, qu’ils haïssaient : pourquoi donc cette ressemblance ? Parce qu’une tradition semblable existait chez les Chaldéens, peuple d’origine arabique, comme les Cananéens ; mais l’écrivain juif, auteur de la Genèse, a pris à tâche d’effacer tout ce qui retraçait l’idolâtrie, pour donner à son récit le caractère historique et moral convenable à son but.

L’analogie ou plutôt l’identité d’Abraham et de Saturne ne se borne pas à ce trait. Les plus savants auteurs persans, dit le docteur Hyde[20], assurent que dans les anciens livres chaldéens, Abraham porte le nom de Zerouan et Zerban, qui signifie riche en or, gardien de l’or (il est remarquable que la Genèse appelle Abraham, très riche en or et en argent[21] ; elle l’appelle aussi prince très puissant[22], ce qui se retrouve dans les anciens livres où il est appelé roi) ; ces mêmes livres l’appellent encore Zarhoun et Zarman[23], c’est-à-dire vieillard décrépit. Les Perses lui appliquent l’épithète spéciale de grand, et il est de tradition antique que l’on voyait son tombeau à Cutha en Chaldée : Sa réputation ne se bornait pas à la Judée, elle était dans tout l’Orient.

Maintenant rappelons-nous que le nom de Zerouan se trouve dans la Sibylle bérosienne, et dans le fragment de Mar I Bas, cités au 5e siècle de notre ère, par Moïse de Chorène, et copiés par le livre chaldéen traduit par ordre d’Alexandre. Déjà la bonne information des auteurs persans est prouvée : ajoutons qu’une autre sibylle, dans la même circonstance, au lieu de Zerouan, nomme Saturne ; qu’Abydène associe Saturne au lieu de Zerouan à Titan[24] ; l’identité de Saturne, de Zerouan et d’Abraham devient palpable. Les accessoires cités complètent la démonstration : Abraham est nommé Zerouan, Zerban, riche en or. Saturne fut le roi de l’âge d’or : Abraham est nommé Zarhoun et Zarman, vieillard décrépit ; Saturne, dans les légendes grecques, est un vieillard, emblème du temps que sa planète mesure par la marche la plus lente et la carrière la plus longue de toutes les planètes. L’on a donné à ce vieillard le caractère habituel de son âge ; on l’a peint avare, aimant l’or et entassant l’or : on lui a aussi donné la faux, parce qu’il moissonne tous les êtres, et qu’il fait mourir tout ce qu’il fait naître ; c’est sous ce rapport que, de temps immémorial ; les Arabes et les l’erses l’ont appelé l’ange de la mort, Ezrail : or Israël, chez les Phéniciens, était le nom de Saturne, dit Sanchoniaton : l’une des épithètes d’Abraham, en Bérose, est Mégas[25], grand ; son épithète spéciale chez les Perses, est Buzoug, qui signifie aussi grand. Sa femme Sarah portait primitivement le nom d’Ishkah, signifiant belle et beauté : la Genèse en fait la remarque spéciale (chap. 12, v. 14) ; et dans le fragment de Sanchoniaton[26], Saturne épouse la beauté que son père avait envoyée pour le séduire. Enfin le nom primitif d’Abram[27] désigne Saturne ; car il est composé de deux mots, Ab-ram, signifiant père de l’élévation ; et dans l’hébreu, comme dans l’arabe, c’est la manière d’exprimer le superlatif très élevé, très haut, tel qu’est Saturne, la plus élevée, la plus distante des planètes.

Tout s’accorde donc à démontrer qu’Abraham n’a point été un individu historique, mais un être mythologique, célèbre sous divers noms chez les anciens Arabes que nous nommons Phéniciens et Chaldéens, et chez leurs successeurs, les Mèdes et les Perses. Si l’auteur juif de la Genèse en a fait un personnage purement historique, c’est parce que voulant faire remonter l’origine de sa nation jusqu’aux temps les plus reculés, il a, sciemment ou par ignorance, commis une méprise qui se retrouve à d’autres égards chez la plupart des historiens de l’antiquité.

Mais, nous dira-t-on, si l’histoire d’Abram-Zérouan n’est réellement qu’une légende astrologique, comme celle d’Osiris, d’Hermès, de Ménou, de Krishna, etc., l’histoire de son fils Isaak, de son petit-fils Jacob, et même des 12 fils de celui-ci, tombera dans la même catégorie ; alors où s’arrêtera la mythologie des Hébreux ? à quelle époque commencera leur histoire véritable, et comment expliquerez-vous la tradition immémoriale d’après laquelle ils se sont appelés enfants de Jacob, d’Israël et d’Abram ?

Ces difficultés puisent leur solution dans la nature même des choses.

D’abord il est dans le génie des langues arabiques, dont l’hébreu est un dialecte, que les habitants d’un pays, les partisans d’un chef, les sectateurs d’une opinion, soient appelés enfants de ce pays, de cette opinion, de ce chef : c’est le style habituel de tous leurs récits, de toutes leurs histoires.

2° Chez les anciens, comme chez les modernes, un usage presque général fut que chaque peuple, chaque tribu, chaque individu eussent un patron ; et ce patron fut le génie d’un astre, d’une constellation on d’une puissance physique quelconque. Tous les clients ou sectateurs de cette divinité tutélaire étaient appelés et se disaient ses enfants ; la Grèce, dans ses origines soi-disant historiques, offre dé nombreux exemples de ce cas.

En troisième lieu, l’origine des anciens peuples est généralement obscure, comme celle de tous les êtres physiques, parce que ce n’est qu’avec le temps que ces êtres ; d’abord petits et faibles, font des progrès et acquièrent un volume ou une action qui les font remarquer. D’après ces principes, combinant lés récits divers sur le0lébreux avec les faits avérés, nous pensons que ce peuplé dérive d’une secte on tribu chaldéenne qui, pour des opinions politiques ou religieuses, émigra de gré ou de force de la Chaldée, et vint, à la manière des Arabes, camper sur la frontière de Syrie, puis sur celle de l’Égypte, où elle trouvait à subsister. Ces étrangers durent être appelés par les Phéniciens, Eberim, c’est-à-dire gens d’au delà, parce qu’ils venaient d’au delà du grand fleuve (l’Euphrate), et encore béni Abram, béni Israël, enfants d’Abram et d’Israël, parce qu’Abram et Israël étaient leurs divinités patronales. Ce que l’Exode raconte de leur servitude sous le roi d’Héliopolis, et de l’oppression des Égyptiens, leurs hôtes, est très vraisemblable : là commence l’histoire ; tout ce qui précède, c’est-à-dire le livre entier de la Genèse, n’est que mythologie et cosmogonie. Les chances de la fortune voulurent qu’un individu de cette race fût élevé par les prêtres égyptiens, fût instruit de leurs sciences, alors si secrètes, et que cet individu fût doué des qualités qui font les hommes supérieurs. Moïse, ou plutôt Moushah, selon la vraie prononciation, conçut le projet d’être roi et législateur, en affranchissant ses compatriotes ; et il l’exécuta avec des moyens appropriés aux circonstances et une force d’esprit vraiment remarquable. Son peuple, ignorant et superstitieux, comme l’ont toujours été et le sont les Arabes errants, croyait à la magie dont est encore infatué tout l’Orient ; Moïse exécuta des prodiges, c’est-à-dire qu’il produisit des phénomènes naturels, dont les prêtres astronomes et physiciens avaient, par de longues études et par d’heureux hasards, découvert les moyens d’exécution.... Quand on lit comment des feux lancés du tabernacle s’attachèrent aux séditieux qui le voulaient lapider au retour des espions, et comment ces feux les dévorèrent, on touche au doigt et à l’œil ce feu grégeois, composé de naphte et de pétrole, qui d’époque en époque s’est remontré dans l’Orient. On pourrait ramener à un état naturel tous les miracles dont Moïse sut grossir les apparences ; mais il faudrait écarter de leur récit les circonstances exagérées et fausses dont lui-même ou les écrivains posthumes ont entouré les faits réels. Ainsi l’on verrait le passage de la mer Rouge fait par les Hébreux à gué et à basse marée, comme il se fait encore ; tandis que les Égyptiens voulant passer au moment du flux, en furent surpris, comme ils le seraient encore, car à peine le connaissent-ils. On verrait le passage du Jourdain, projeté par Moïse, exécuté par Josué, en dérivant cette petite rivière, comme Krœsus dériva l’Halys ; les murailles de Jéricho renversées par une mine pratiquée, et par le feu mis aux étançons dont on les avait étayées ; on verrait Coré, Dathan et Abiron engloutis dans une fosse recouverte, où des combustibles cachés prirent feu par leur chute ; et enfin l’on verrait que cette vois qui parlait dans le propitiatoire[28], et que l’on croyait être la voix de Dieu causant avec le prophète, n’était que la voix du jeune Josué, fils de Noun, qui[29] ne sortait point du tabernacle où il servait Moïse, et qui fut son successeur plus habile et plus heureux que ne fut Ali, le Josué de Mahomet. Mais ce sujet curieux nous écarterait trop de notre sphère ; qu’il nous suffise de dire que Moïse a dû être le véritable créateur du peuple hébreu, l’organisateur d’une multitude confuse et poltronne[30], en un corps régulier de guerriers et de conquérants. Le séjour dans le désert fut employé à cette œuvre difficile. La division en douze corps ou tribus fut très probablement son ouvrage ; mais lors même qu’elle eût existé auparavant, elle ne prouverait point encore la réalité de l’histoire de Jacob et de ses enfants ; d’abord, parce que nous n’avons qu’un seul témoin déposant, l’auteur juif, qui, après toutes les déceptions que nous avons vues sur d’autres articles, ne peut mériter notre confiance ; et ensuite parce que la légende de Jacob porte des détails du genre fabuleux, tels que sa vision des anges montant au ciel avec des échelles, ses conversations avec Dieu, sa lutte contre l’homme divin qui lui paralysa la cuisse, et lui donna le nom d’Israël, tout à fait suspect en cette occasion. Si l’on nous eût transmis sur Jacob des détails vraiment chaldéens, comme sur Abraham, nous y trouverions sûrement la preuve de son caractère mythologique déguisé par le rédacteur juif. Mais revenons aux analogies de la Genèse avec la cosmogonie chaldéenne.

 

 

CHAPITRE XV. — Des personnages antédiluviens.

CES ANALOGIES que nous avons vues se suivre depuis le déluge, se continuent au delà, et remontent jusqu’à l’origine première, dite la création. Les anciens auteurs, chrétiens en ont tous fait la remarque, en se plaignant d’ailleurs de l’altération, c’est-à-dire de la différence des noms et des âges que les livres chaldéens donnent aux personnages antédiluviens appelés par nous patriarches, et rois par les Chaldéens. Le Syncelle[31] nous a rendu le service d’en conserver la liste, copiée d’Alexandre Polyhistor ou d’Abydène, copistes eux-mêmes de Bérose.

Patriarches antédiluviens selon la Genèse

 

Rois chaldéens antédiluviens selon Bérose

Noms

Âges en années

 

Noms

Âges en sares

En années

Adam

930

 

Alor

10

36 000

Seth

912

 

Alaspar

3

10 800

Énos

905

 

Amélon

13

46 800

Kaïnan

910

 

Aménon

12

43 200

Mahlaléel

862

 

Metalar

18

64 800

Iared

895

 

Daôn

10

36 000

Énoch

365

 

Evedorach

18

64 800

Mathusala

969

 

Amphis

10

36 000

Lamech

777

 

Otiartes

8

28 800

Noé

950

 

Xisuthrus

18

64 800

 

 

 

Total

120

432 000

Voilà les prétendus rois que les Chaldéens disaient avoir régi le monde pendant 120 sares, équivalant à 432.000 ans. Ce calcul seul nous montre qu’il s’agit ici d’êtres astronomiques ou astrologiques ; et le Syncelle lui-même nous en avertit, lorsque, page 17, il dit que les Égyptiens, les Chaldéens et les Phéniciens se donnent une antiquité extravagante ; au moyen de certaines supputations astrologiques. L’Arménien Moïse de Chorène, environ 300 ans avant le Syncelle, avait fait les mêmes remarques. L’origine du monde, dit-il (chap. 3), n’est pas exposée par nos saints livres, de la même manière que par les historiens ; j’entends le très savant Bérose et Abydène ; dans, Abydène, les chefs de famille diffèrent quant au temps et aux noms (mais non quant au nombre qui est également de 10). Ces auteurs présentent même le chef du genre humain, Adam, sous un autre caractère que la Genèse, car ils disent : Dieu très prévoyant fit Alorus pasteur et directeur du peuple, et il régna 10 sares, qui sont 36.000 ans. De même, ils donnent à Noyi (Noé), un autre nom (Xisuthrus) et un temps immense, d’accord d’ailleurs sur la corruption des hommes, et la violence du déluge. Ils établissent dix chefs (ou rois) avec Xisuthrus ; et leurs années diffèrent, non seulement de nos années qui ont quatre saisons, et des années divines, mais encore ils ne comptent point les levers de lune comme les Égyptiens, ni les levers dont le nom se tire des dieux (les constellations personnifiées). Néanmoins les auteurs qui les prennent pour des années (ordinaires), les adaptent aux calculs grecs, etc.

On voit que les Chaldéens nous ont donné une sorte de logogriphe à résoudre ; il ne faut pas s’étonner s’il a été mal compris de beaucoup d’auteurs anciens et même modernes, puisque sa solution exige la connaissance d’une doctrine astrologique assez compliquée, et qui, longtemps tenue secrète, a été trop négligée depuis qu’elle a perdu son empire. Pour donner quelques idées claires sur cette énigme, il faut les reprendre à leur origine.

Lorsque l’expérience eut fait connaître aux anciens peuples agricoles, les rapports intimes qui se trouvent entre la production des substances terrestres et la marche du soleil dans le cercle céleste, un premier système astronomique et physique fut organisé, conforme aux besoins de l’agriculture, et aux phénomènes des corps célestes les plus remarquables : Ce système, inculqué dans tous les esprits, par l’éducation civile et religieuse, et par l’habitude, devint la base de tous les raisonnements, le type de toutes les hypothèses qui firent naître ensuite des idées plus étendues. Le grand cercle céleste avait été divisé en douze maisons (les douze signes du zodiaque), d’après les lunes qui se montraient tandis que le soleil le parcourait ; chacune de ces maisons était subdivisée en 30 parties (ou degrés), d’après les jours de chaque lune. Les étoiles, individuellement et en groupes, avaient reçu des noms tirés des opérations de l’homme ou de la nature pendant la révolution solaire ; et le ciel astronomique était devenu comme un miroir de réflexion de ce qui se passait sur la terre. Cet ordre de choses, si intéressant pour le peuple, en fut d’abord bien compris ; mais par le laps du temps plusieurs causes introduisirent dans les idées une confusion qui eut des suites à la fois ridicules et graves. Une classe d’hommes, livrés spécialement à l’observation des astres, était parvenue à découvrir le mécanisme des éclipses, à en prédire les retours. Le peuple, frappé d’étonnement de cette faculté de prédire, imagina qu’elle était un don divin qui pouvait s’étendre à tout : d’une part, la curiosité crédule et inquiète, qui sans cesse veut connaître l’avenir ; d’autre part, la cupidité astucieuse, qui sans cesse veut augmenter ses jouissances et ses possessions, agissant de concert, il en résulta un art méthodique de tromperie et de charlatanisme que l’on a appelé astrologie, c’est-à-dire, l’art de prédire tous les événements de la vie par l’inspection des astres et par la connaissance de leurs influences et de leurs aspects. La véritable astronomie étant la base de cet art, ses difficultés le restreignirent à un petit nombre d’initiés, qui, sous les divers noms de voyants, de devins, de prophètes, de magiciens, devinrent une corporation sacerdotale très puissante chez tous les peuples de l’antiquité. Quant aux influences des corps célestes, leur préjugé dut sa naissance aux premiers observateurs, qui, remarquant un rapport habituel entre le lever et le coucher de tel astre, avec l’apparition de tel phénomène ou de telle substance terrestre, supposèrent une action secrète de cet astre, par un fluide subtil, tel que l’air, la lumière ou l’éther. Ce préjugé devint le grand levier de toute l’astrologie ; les astres étant censés les moteurs et régulateurs de tout ce qui arrive dans le monde, le mortel qui connut leurs lois, put tout connaître, et par conséquent tout prédire.

Ces lois semblèrent d’abord assez simples, parce que l’on crut que le ciel avait un état fixe, comme il semble au premier aspect. Mais lorsque des observations séculaires eurent montré des changements considérables dans le premier ordre arrangé, il fallut inventer de nouvelles théories, que les progrès des sciences mathématiques rendirent plus savantes et plus compliquées.

Une première école d’astronomie avait divisé le grand cercle céleste (le zodiaque) en douze parties, subdivisées chacune en 30 degrés, faisant au total 360, et ce nombre avait été regardé comme suffisant aux horoscopes du calendrier. Une seconde école d’astronomes plus raffinés, le trouva insuffisant aux horoscopes bien plus nombreux de la vie humaine : elle divisa chaque signe zodiacal en douze sections, dites dodécatémories, puis chacune de ces sections en soixante particules ou minutes, partagées elles-mêmes en soixante secondes, etc. Cette division avait l’inconvénient de couper les 30 degrés de chaque signe par une première fraction de 2 ½. Une troisième école voulut y remédier en y appliquant un calcul décimal ; et elle partagea chaque signe en trois sections ou décatémories, comprenant chacune 10 degrés ; puis chaque section en soixante minutes, et chaque minute en soixante secondes, etc. Ptolémée, qui nous apprend ce fait, ajoute que cette dernière méthode est chaldaïque, c’est-à-dire qu’elle fut inventée par les Chaldéens ; de là ne semble-t-il pas résulter que les Arabes de Chaldée sont les inventeurs des chiffres qui la constituent, et qui portent le nom d’Arabes ; tandis que la méthode duodécimale appartiendrait aux astronomes égyptiens. Quoi qu’il en soit, la méthode chaldaïque, en donnant dix sections à chaque signe, divise le cercle zodiacal en 120 parties ; et parce que chaque section se subdivise en soixante multiplié par soixante, il en résulte une subdivision de 3.600 parties pour chacune, et une somme de 432.000 pour la totalité du cercle. Maintenant il est remarquable que ce nombre 432.000 est précisément l’expression de la période antédiluvienne, c’est-à-dire du temps écoulé entre le commencement du monde et sa destruction par le déluge ; et que les parties élémentaires de ce nombre sont exactement les sares, les sosses et les nères mentionnés par le chaldéen Bérose. En effet, selon lui, le sare vaut 3.600 ans ; et nous voyons que la section décutémorie vaut 3.600 secondes : le nère valait 600 ans, et nous trouvons que chaque signe contient 600 minutes, savoir, 10 sares, de 60 minutes chaque : selon Bérose, le sosse, qui est la moindre période, vaut 60 ans ; et nous trouvons que 60 secondes sont la dernière sous division du sare. On voit que le logogriphe commence à se dévoiler ; mais d’où vient cette conversion du zodiaque mathématique en valeurs chronologiques ? Pour expliquer ceci, il faut savoir ou se rappeler que chez les anciens, le mot année, qui signifie un cercle, un anneau[32], une orbite, ne fut point restreint à l’année solaire, mais qu’il fut étendu à tout cercle dans lequel un astre, une planète quelconque, exécute, une révolution ; bien plus, il devint chez les astronomes l’expression des révolutions simultanées de plusieurs astres partis d’un même point du ciel, et s’y retrouvant après une longue série de leurs mouvements inégaux : ainsi ayant, appelé année de Mars, la révolution de cette planète, qui dure deux ans solaires ; année de Jupiter, celle qui dure 12 ans ; année de Saturne, celle qui dure 31 ans ; ils appelèrent encore année de restitution, et grande année, l’espace de temps que le soleil, les planètes et les étoiles fixes employaient ou étaient censés employer à revenir et à se trouver tous ensemble à un point donné du ciel ; par exemple, au premier degré d’Aries, d’où ils étaient partis. Cette dernière idée ne put avoir lieu que lorsque le phénomène de la précession des équinoxes eut été connu, et que l’on eut vu l’ordre du premier planisphère dérangé de plusieurs degrés, par l’anticipation que fait le soleil dans le cercle zodiacal à chacune de ses révolutions. Cette grande année fut d’abord estimée 25.000 ans, puis 36.000, puis enfin 432.000. Et voilà ces années divines dont nous venons de voir l’indication dans Moïse de Chorène, et dont les livres indous nous ont conservé une mention clairement détaillée, en disant : qu’une année de Brahma est composée de plusieurs années des nôtres, et qu’un jour des dieux est précisément une année des hommes[33], etc.

Ce premier équivoque n’a pu manquer d’occasionner beaucoup de confusions d’idées ; un second vint compléter le désordre. Dans la langue des premiers observateurs, le grand cercle s’appelait mundus et orbis, le monde. Par conséquent, pour décrire l’année solaire, ils disaient que le monde commençait, que le monde naissait dans le signe du Taureau ou du Bélier ; que le monde finissait, était détruit dans un tel autre signe ; que le monde était composé de 4 âges (les 4 saisons) ; et parce que leur année commençait, selon l’ordre rural, au printemps où tout naît, et finissait en hiver où tout dépérit, ils disaient que ces âges allaient en se détériorant ; que le. monde allait de mal en dis. Ces idées naturelles et vraies, au sens physique, s’imprimèrent dans tous les esprits : Lorsque ensuite par le laps de temps, par les progrès ou l’altération du langage, les mots année et monde prirent un sens plus précis, les idées attachées à l’un ne se détachèrent pas de l’autre, et les astrologues et les moralistes profitèrent de l’équivoque pour dire que le monde subissait des naissances et des destructions successives ; que la méchanceté des hommes était la cause de ces destructions ; que, dans les premiers âges, les hommes étaient bons, mais qu’ensuite ils se pervertirent ; et ils ajoutèrent que le monde périssait tantôt par des incendies, tantôt par des déluges ; parce que, selon que nous l’apprend Aristote, la saison brûlante de l’été avait été appelée incendie, et que la saison pluvieuse de l’hiver avait été appelée déluge[34] ; or le monde, c’est-à-dire, l’année ayant eu son commencement tantôt au solstice d’été, comme chez les Égyptiens, tantôt au solstice d’hiver, on avait dû dire que sa fin arrivait dans ces saisons.

Ainsi c’est par l’équivoque des mots, et par l’association vicieuse des idées, que le Zodiaque matériel fut converti en Zodiaque chronologique, et que l’on supposa pour durée infinie du monde, ce qui ne fut primitivement que la durée limitée d’une révolution circulaire. Voilà toute l’illusion du calcul chaldéen et le mot de son logogriphe. Les 432.000 ans de Bérose ne sont qu’un calcul fictif de la grande période qui, selon les mathématiciens, devait rétablir toutes les sphères célestes dans un premier état donné. Cette grande période avait d’abord été supposée de 36.000 ans ; mais l’observation avant fait connaître que le concours de toutes les sphères n’était pas parfait, qu’il restait des intervalles et des fractions, les mathématiciens, pour atténuer ces fractions et les rendre insensibles, imaginèrent de les reverser sur plusieurs révolutions ; multipliant 36.000 par 12, ils obtinrent le nombre cité 432.000. Ils ne s’en sont pas tenus là ; il paraît que leur doctrine s’étant introduite dans l’Inde, à une époque plus ou moins reculée, leurs successeurs, dans cette contrée, ont voulu ajouter un nouveau degré de précision, et ont, pour cet effet, multiplié ces 432.000 par 10, ce qui leur a produit les 4.320.000 qu’aujourd’hui les Indous nous présentent comme durée du monde, avec des circonstances semblables à celles des Chaldéens ; car ils terminent cette durée par un déluge, et ils remplissent le prétendu temps antérieur par dix avatars ou apparitions de Vishnou, qui répondent aux dix Rois antédiluviens. Ces analogies sont remarquables et mériteraient d’être approfondies ; mais elles nous écarteraient trop de notre sujet ; il doit nous suffire, pour terminer cet article, de dire que les 432.000 ans étant une fiction, les dix prétendus Rois en sont une autre du même genre : chacun d’eux doit désigner une période partielle ; et en effet, Alor et Dâon nous en offrent un exemple connu dans leur nombre 36.000, qui est une période élémentaire de 432.000 ans. Par cette analyse, les 10 patriarches de la Genèse, identiques aux 10 rois de Bérose, se trouvent jugés ; mais pourquoi portent-ils tous des noms et. des chiffres différents ? ne serait-ce pas que cette légende serait plus ancienne que celle de Bérose, et qu’elle aurait été faite avant l’ampliation décimale des nombres ? D’ailleurs les écoles arabe et chaldéenne étant diverses, chacune d’elles a pu avoir son système particulier calqué sur un fond commun. Celui qu’a préféré l’auteur de la Genèse doit être antérieur à Moïse, puisque le dogme des 7 jours qui se lie à l’histoire d’Adam, se trouve consacré dans la législation de ce réformateur : le nom même d’Adam se trouve dans son cantique[35], en admettant cette pièce comme autographe. Si les détails des légendes nous fussent parvenus sur chacun des t o rois et patriarches ; nous y eussions trouvé le monde leurs énigmes respectives[36] ; nous en sommes dédommagés par l’histoire d’Adam, d’Ève et de leur serpent, dont le caractère astrologique est d’une évidence incontestable.

 

 

CHAPITRE XVI. — Mythologie d’Adam et d’Ève.

En effet, prenez une sphère céleste dessinée à la manière des anciens ; partagez-la par le cercle d’horizon en deux moitiés : l’une supérieure, qui sera le ciel d’été, le ciel de la lumière, de la chaleur, de l’abondance, le royaume d’Osiris, dieu de tous les biens ; l’autre moitié sera le ciel inférieur (infernus), le ciel d’hiver, le séjour des ténèbres ; des privations et des souffrances, le royaume de Typhon, dieu de tous les maux. A l’occident et vers l’équinoxe d’automne, la scène vous présente une constellation figurée par un homme tenant une faucille[37], un laboureur qui chaque soir descend de plus en plus, dans le ciel inférieur, et semble être expulsé du ciel de lumière ; après lui vient une femme, tenant un rameau de fruits beaux à voir et bons à manger : elle descend aussi chaque soir et semble pousser l’homme, et causer sa chute : sous eux est le grand serpent, constellation caractéristique. des boues de l’hiver, le Python des Grecs, l’Ahriman des Perses, qui porte l’épithète d’Aroum dans l’hébreu. Près de là est le vaisseau attribué tantôt à Isis, tantôt à Jason, à Noé, etc. ; à côté se trouve Persée, génie ailé, qui tient à la main une épée flamboyante, comme pour menacer : voilà tous les personnages du drame d’Adam et d’Ève, qui a été commun aux Égyptiens, aux Chaldéens, aux Perses, mais qui reçut des modifications selon les temps et les circonstances. Chez les Égyptiens, cette femme (la Vierge du Zodiaque) fut Isis, mère, du petit Horus, c’est-à-dire du soleil d’hiver qui, languissant et faible comme un enfant, passe 6 mois dans la sphère inférieure pour reparaître à l’équinoxe de printemps, vainqueur de Typhon et de ses géants : Il est remarquable que dans l’histoire d’Isis, c’est le Taureau qui figure comme signe équinoxial, tandis que chez les Perses, c’est le Bélier ou l’Agneau, sous l’emblème duquel le dieu Soleil vient réparer les maux du inonde : de là naît l’induction que la version des Perses est postérieure au vingt et unième siècle avant notre ère, dans lequel le Bélier devint signe équinoxial ; tandis que là version des Egyptiens peut et doit remonter à près de 4200 ans, époque où le Taureau devint signe de l’équinoxe du printemps[38].

L’auteur juif, qui sans cesse écarte les indices de l’idolâtrie, et substitue un sens moral au sens astrologique, a supprimé ici plusieurs détails ; mais il a conservé un trait qui forme un nouveau lien dé sa version à celles des Égyptiens et des Perses ; lorsqu’il fait dire à Dieu, maudissant le serpent : J’établirai la haine entre la race de la femme et entre la tienne, et son rejeton écrasera ta tête[39]. Ce rejeton est l’enfant que dans les anciennes sphères célestes, la vierge (Isis, Ève) portait dans ses bras ; et dont l’histoire, prise en contresens, est devenue si célèbre dans le monde. Le lecteur qui désirera plus de détails sur ce sujet, en trouvera de démonstratifs dans l’ouvragé de Dupuis, aux articles Apocalypse et Religion chrétienne. Et nous bornant au récit de la Genèse, relativement à Adam et au lieu de délices où il fut placé ; nous observons que deux des fleuves mentionnés comme y ayant leur source, savoir, le Tigre et l’Euphrate, indiquent encore une origine chaldéenne, car ils appartiennent spécialement à la Chaldée. Le troisième, appelé Gihoun, est sans contredit le Nil, puisqu’il entoure la terre de Kus, qui est l’Éthiopie ou l’Abyssinie.

Le quatrième, appelé Phishoun ou Philon, n’est point aussi facile à désigner, parce que la terre d’Hevila, qu’il entoure, n’a pas une position claire, ainsi que nous le dirons bientôt ; seulement on peut assurer qu’il n’y a point de raison solide à le prendre pour le Phase de Colchide. D’ailleurs lorsque le texte nous dit que ces quatre fleuves sortaient d’une même source, il nous avertit qu’il y a encore ici de l’allégorie, puisque rien de tel n’existe dans la géographie connue, à moins qu’il n’ait voulu indiquer, pour cette source l’Océan, duquel les anciens peuples ont souvent cru que sortaient les fleuves et les rivières ; mais ici le mot de l’énigme est plus compliqué, plus ingénieux : il faut, le trouver dans cette même doctrine astrologique qui vient de nous en éclaircir d’autres. Or dans cette doctrine, et conformément au génie oriental, qui exprime tout par figures, il paraît que les adeptes représentèrent le Zodiaque sous l’image d’un fleuve dont le cours entraîne tous les événements du ciel et de la terre. Pour exprimer ce qui se passe pendant la saison d’été, ils peignirent au bord de ce fleuve, à la porte, c’est-à-dire à l’équinoxe du printemps qui ouvre labelle saison, ils peignirent un arbre, vêtu de ses feuilles, emblème sensible de la végétation, ce fut l’arbre de vie, le lignum vitæ de l’Apocalypse, portant 12 fruits, un pour chaque mois. Jusqu’à l’automne le jardin où étaient ce fleuve et cet arbre, était un lieu de délices ; mais venait ensuite le semestre d’hiver, saison de ténèbres, de souffrances, empire du mal. L’homme qui goûta les fruits de cette seconde période, acquit l’expérience des deux états ; il eut la science du bien et du mal ; et lorsqu’il revint à la porte du printemps, l’arbre de vie ne fut plus que l’arbre de cette science. Ce texte fut trop riche pour être négligé par les prêtres moralistes ; en suivant cette première idée du Zodiaque, devenu fleuve, le monde se trouva entouré de l’Océan ; par la raison que Océan et fleuve s’expriment par un seul et même mot chaldéen arabe, Bahr. De là cette antique opinion exprimée par Hésiode et par Homère, que l’Océan est comme une ceinture autour de la terre ; ici nous avons la sphère terrestre (la géographie) confondue avec la haute sphère : cette confusion dont nous voyons un trait dans les quatre fleuves de la Genèse, est devenue un système complet dans les livres non moins anciens des sectes indiennes de Bouddha. Tout ce que ces livres, conservés au Thibet, à Ceylan, au Birmah et dans l’Inde ; nous disent du monde entouré de 7 montagnes ; de 7 mers entre ces 7 montagnes, formant 7 grandes îles ; chaque mer et chaque montagne avec un nom distinct et des qualités relatives aux métaux, l’or, l’argent, etc., et aux couleurs, rouge, vert, etc. ; aux pierres précieuses ; tout ce qu’ils disent de la division du monde en quatre parties, et des quatre faces du mont Righel ou Merou (qui est l’Olympe) : tout cela, qui au sens littéral est absurde et sans type physique, devient raisonnable et vrai, quand on le prend pour une description du monde céleste et de ses divisions physiques, selon les systèmes anciens. Il ‘y a cette particularité dans la cosmogonie du Thibet, que près d’un grand arbre ; qui est la figure du monde, sont placés 4 rochers, desquels sortent quatre fleuves sacrés, dont l’un fait face à l’orient, l’autre au midi, le troisième au couchant, et le quatrième au nord ; c’est-à-dire qu’ils sont placés aux quatre portes du cercle zodiacal (les 2 solstices et les 2 équinoxes) ; et afin que l’on ne s’y trompe point, chacun de ces 4 fleuves est caractérisé par la tête d’un animal[40] qui, dans le Zodiaque lunaire indien, est affecté à l’un de ces points du cercle céleste. Nous avons ici une analogie sensible avec les quatre fleuves de la Genèse qui, chez les Chaldéens comme chez les Indiens, ont été la figure des influences célestes s’écoulant du grand fleuve Zodiaque par les quatre portes du ciel, c’est-à-dire par les coupures des solstices et des équinoxes qui ouvraient chaque saison et. déterminaient son caractère. Il est à remarquer que l’historien Josèphe, qui, en sa qualité de prêtre, ne fut pas étranger à la doctrine secrète, dit que le fleuve Phison est le Gange, ce qui indique une sorte de parenté entre les deux systèmes : il ajoute que chacun de ces fleuves a un sens moral ; que l’Euphrate signifie dispersion (il a voulu dire division, séparation, pharat)[41] ; le Tigre, rapidité ; le Phison, multitude ou abondance ; et le Gihoun, venant d’Orient. Ne serait-ce point ici la cause des noms de ces 4 fleuves qui, par l’effet du hasard, se seraient trouvés avoir le nom des qualités attribuées aux époques des influences. Au reste les Indiens ont aussi leur paradis, et les 4 fleuves qui en sortent, viennent également d’une source commune, placée au point de partage des eaux de l’Indus, de l’Oxus (appelé Gihoun par les Arabes) et de deux autres rivières. Chaque peuple a dû chercher et trouver chez lui ces fleuves d’un monde primitivement fictif, et la ressemblance des noms qu’ils portent est un indice de la source commune de toutes ces idées. Prétendre, avec les missionnaires chrétiens, que cette source est dans les livres de Moïse, d’où elle se serait répandue chez tous les peuples, est une hypothèse insoutenable, surtout quand ces livres sont une énigme qui ne s’explique que par les livres des autres peuples. La vérité est que le petit peuple hébreu, plus obscur chez les anciens que les Druses chez les modernes, a pris sa part des idées que le commerce et la guerre répandirent dès la plus haute antiquité, et rendirent communes aux grandes nations civilisées, telles que les Égyptiens, les Chaldéens, les Assyriens, les Mèdes, les Bactriens, et les Indiens, qui tous eurent leurs collèges de prêtres astronomes et astrologues, livrés aux mêmes travaux, par conséquent soumis aux mêmes révolutions de découvertes, de disputes, d’erreurs de perfectionnement que nous voyons dans tous les siècles agiter les corps savants et même ignorants. Plus on a pénétré, depuis 30 à 40 ans, dans les sciences secrètes, et spécialement dans l’astronomie et la cosmogonie des Asiatiques modernes, les Indous, les Chinois, les Birmans, etc., plus on s’est convaincu de l’affinité, de leur doctrine avec celle des anciens peuples nommés ci-dessus[42] ; l’on peut dire même qu’elle s’y est transmise plus complète à certains égards, et plus pure que chez nous, parce qu’elle n’a pas été aussi altérée par des innovations anthropomorphiques qui ont tout dénaturé... Cette comparaison du moderne à l’ancien est une miné féconde, qui n’attend que des esprits droits et dégagés de préjugés pour fournir une foule d’idées également neuves et justes en histoire ; mais, pour les apprécier et les accueillir, il faudra aussi des lecteurs affranchis de ces mêmes préjugés ennemis de toute idée nouvelle, etc.

 

 

CHAPITRE XVII. — Mythologie de la création.

POURSUIVONS nos recherches sur la Genèse, et montrons que son récit de la création se retrouve, comme les précédents presque littéralement exprimé, dans les cosmogonies anciennes, et toujours spécialement dans celles des Chaldéens et des Perses. Notre traduction va être plus fidèle que celles du grec et du latin :

Au commencement, les dieux (Elahim) créa (bara) les cieux et la terre. Et la terre était (une masse) confuse et déserte, et l’obscurité (était) sur la face de la terre.... Et le vent (où esprit) des dieux s’agitait sur la face des eaux. Et les dieux dit : Que la lumière soit ! et la lumière fut ; et il vit que la lumière était bonne ; et il la sépara de l’obscurité. Et il appela jour la lumière, et nuit l’obscurité ; et le soir et le matin furent un Premier jour.

Et les dieux dit : Que le vide (Raqîa) soit (fait) au milieu des eaux, et qu’il sépare les eaux des eaux ; et les dieux fit le vide séparant les eaux qui sont sous le vide, des eaux qui sont sur le vide ; et il donna au vide le nom de cieux ; et le soir et le matin furent un second jour ; et les dieux dit : Que les eaux sous les cieux se rassemblent en un seul lieu, et que la terre sèche se montre ; cela fut ainsi ; et il donna le nom de terre à la sèche, et le nom de mer à l’amas d’eaux ; et il dit : Que la terre produise les végétaux avec leurs semences ; et le soir et le matin furent un troisième jour, etc.

Et le quatrième jour, il fit les corps lumineux (le soleil et la lune), pour séparer le jour de la nuit, et pour servir de signes aux temps, aux jours et aux années.

Au cinquième jour, il fit les reptiles d’eau, les oiseaux et les poissons.

Au sixième jour, les dieux fit les reptiles terrestres, les animaux quadrupèdes et sauvages, et il dit : Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance, et il créa (bara) l’homme à son image ; et le créa (bara) à son image ; et il les créa (bara) mâle et femelle ; et il se reposa au septième jour, et il bénit ce septième jour.

Or, il ne pleuvait point sur la terre ; mais une source (abondante) s’élevait de la terre, et arrosait toute sa surface.

Et il avait planté le jardin d’Éden (antérieurement ou à l’Orient) ; il y plaça l’homme. Au milieu du jardin était l’arbre de vie : et l’arbre de la science du bien et du mal. Et du jardin d’Éden sortait un fleuve qui se divisait en 4 têtes appelées le Phison, le Gihoun ; le Tigre et l’Euphrate.

Et Iahouh-les-dieux[43] dit : Il n’est pas bon que l’homme soit seul ; et il lui envoya un sommeil, pendant lequel il lui retira une côte, de laquelle il bâtit la femme, etc., etc.

Si un tel récit nous était présenté par les brahmes ou par les lamas, il serait curieux d’entendre nos docteurs contrôler ses anomalies. Voyez, diraient ils, quelle étrange physique ! Supposer que la lumière existe avant le soleil, avant les astres, et indépendamment d’eux ; et ce qui est plus choquant, même dans le langage, dire qu’il y a un soir et un matin, quand le soir et le matin ne sont que l’apparition ou disparition de l’astre qui fait le jour ! Et ce vide produit au milieu des eaux, qui suppose qu’au-dessus du ciel visible, il y a un amas d’eaux subsistant ! aussi cette physique nous parle-t-elle des cataractes du ciel ouverte au déluge ; et l’un de ses interprètes ne craint pas de nous dire que la voûte du ciel est de cristal[44]. Et cette terre sans pluies, sans nuages, par conséquent, sans évaporation, ayant une seule source qui arrose sa face ! et cet homme créé tout seul et cependant mâle et femelle ! en vérité ces Indous avec leurs Shastras et leurs Pouranas nous font des contes arabes.

Nous le pensons comme nos docteurs ; mais parce que ce côté de la question est jugé pour tout esprit de sens rassis et non imbu des préjugés de l’enfance, nous allons nous borner à considérer le côté allégorique, et à développer le sens : Tout lecteur aura été choqué de notre traduction les dieux créa ; néanmoins telle est la valeur du texte, de. l’aveu dé tous les grammairiens. Pourquoi. ce pluriel gouvernant un singulier ? parce . que le rédacteur juif, pressé par deux autorités contradictoires ; n’a vu que ce moyen de sortir. d’embarras. D’une part, la loi de Moïse proscrivait la pluralité des dieux ; d’autre part, les cosmogonies sacrée, non seulement des Chaldéens, mais de presque tous les peuples, attribuaient aux dieux secondaires, et non à ce grand Dieu unique, l’organisation du monde. Le rédacteur n’a osé chasser un mot consacré par l’usage. Ces Elahim étaient les décans des Égyptiens, les génies des mois et des planètes chez les Perses et les Chaldéens, génies-dieux cités sous leur propre nom par l’auteur phénicien Sanchoniaton, lorsqu’il dit : les compagnons d’Il ou El qui est Kronos (Saturne), furent appelés Eloïm ou Kroniens[45] et on les disait les égaux de Kronos.

Or Kronos ou Saturne est, comme on sait, l’emblème du temps, mesuré par la planète de, ce nom : ses égaux furent donc naturellement des génies de la même espèce. La lettre h manquant à l’alphabet grec, le mot Eloïm a rendu le mieux possible le phénicien arabe Elahim, pluriel hébreu de Elah, Dieu. Mais pourquoi leur attribuait-on l’organisation de la création du monde ? Par la raison simple et naturelle, que le monde dans son sens primitif fut le grand orbe des cieux, et spécialement l’orbe ou cercle du Zodiaque. Or, comme à partir de l’équinoxe du printemps les êtres terrestres, engourdis et comme morts pendant l’hiver, prenaient une vie nouvelle ; que la production des feuilles, des fleurs et de tout le règne végétal, semblait être une véritable création, les génies qui présidaient à chaque signe du Zodiaque furent considérés comme les auteurs et moteurs de tout ce mouvement de vie ; et parce que cette période de vie, d’abondance et de délices, ne durait que jusqu’à l’équinoxe d’automne, la création fut dite ne durer que six mois, qui, par d’autres équivoques, ont été appelés dans les diverses cosmogonies tantôt des jours, tantôt des mille, etc.

Avec le progrès des connaissances, les astronomes physiciens ayant considéré le monde sous un point de vue plus vaste, des esprits subtils raisonnèrent sur l’origine de tous les êtres visibles ; et alors naquirent ces systèmes plus ou moins extravagants qui de l’Inde et de la Chaldée passèrent dans l’ancienne Grèce, et qui, commentés par Pythagore, par Thalès, par Platon, par Zénon, par Aristote, ont donné naissance à d’autres systèmes que l’on peut appeler des délires organisés. Quant au mot création, pris dans ce sens de produire de rien, de tirer du néant des substances solides et sensibles, il est douteux que cette idée abstraite, due à l’exaltation des cerveaux jeûneurs des pays chauds, ait été connue ou reçue par les anciens juifs ; ce qu’il y’a de certain, c’est que le mot bara ; traduit par (les dieux) créa, ne comporte point ce sens, puisqu’on le trouve en beaucoup d’occasions employé comme dans le sens de fabriquer, former : nous en avons trois exemples dans le morceau cité, où il est dit que Dieu créa l’homme à son image, qu’il les créa mâle et femelle, etc. Le limon rouge dont l’homme fut formé existait ; et la distinction du sexe n’est qu’une disposition de la matière déjà formée : il n’y eut donc point là une création dans le sens de tirer du néant, de produire quelque chose avec rien.

Nous avons dit que les six mois de la création furent considérés sous des rapports et sous des noms divers, selon les divers systèmes des anciens astrologues. Leurs livres, chez les Perses et chez les Étrusques, nous en offrent deux exemples d’une analogie sensible avec la Genèse.

Un auteur toscan très instruit, dit Suidas[46], a écrit que le grand Démi-ourgos, ou architecte de l’univers, a employé 12.000 ans aux ouvrages qu’il a produits, et qu’il les a partagés en 12 temps distribués dans les 12 maisons du soleil (les 12 signes du Zodiaque).

[Notez que ce grand architecte, ou son type originel, est le soleil, qui dans toutes les premières théogonies, est le créateur, le régulateur du monde supérieur et inférieur.]

Au premier mille, il fit le ciel et la terre. Au deuxième mille, il fit le firmament (le grand vide) qu’il appela le ciel.

Au troisième mille, il fit la mer et les eaux qui coulent dans la terre.

Au quatrième, il fit les deux grands flambeaux de la nature.

Au cinquième, il fit l’âme des oiseaux, des reptiles, des quadrupèdes, des animaux qui vivent dans l’air, sur la terre et dans les eaux.

Au sixième mille, il fit l’homme.

Cette distribution des ouvrages est d’une telle ressemblance, qu’on ne peut douter qu’elle ne vienne de la même source. Or, et si l’on considère, d’une part, que tout ce que nous connaissons des arts et de la religion étrusques, a une analogie frappante, avec les arts et la religion de l’Égypte[47] ; d’autre part, que Moïse a imité une foule d’institutions de ce dernier pays, l’on sera porté à y placer l’origine de ces idées, surtout lorsqu’elles se lient à l’institution de la semaine qui est attribuée aux Égyptiens et qui date de la plus haute antiquité. Dans la citation que nous venons de faire, nous avons des mille à la place des jours ; mais il ne faut pas oublier que les anciens théologues ou cosmologues ont donné des acceptions très diverses aux mots jours et années.

Le soleil, dit l’ancien livré indien attribué à Mènou, cause la division du jour et de la nuit qui sont de deux sortes, ceux des hommes et ceux des dieux. Le mois (où temps d’une lune) est un jour ou nuit des Richis (ou Patriarches). La moitié brillante est destinée à leurs occupations, et la moitié obscure à leur sommeil. Une année est un jour et une nuit des dieux (censés habiter le pôle ou mont Merou) ; leur jour a lieu quand le soleil se meut (de l’équateur) au nord (en effet le pôle nord est éclairé, six mois) ; (de l’équateur) au midi (ou pôle sud) ; or 4.000 années des dieux, composées de tels jours, font un âge appelé krïta, etc.[48]

Quant aux mille employés ici comme synonymes des mois et des signes du Zodiaque ; nous avons vu et nous allons voir encore que cette division décimale de chaque signe fut usitée par les Chaldéens, sans néanmoins prétendre en exclure les Égyptiens. Avec un tel langage et de telles acceptions de mots, l’on sent que les mystiques anciens et modernes ont pu se faire un dictionnaire très embarrassant pour ceux qui n’en ont pas la clef. En cette occasion, elle nous donne le moyen de reconnaître entre les six jours des Hébreux et les six mille des Étruriens, une synonymie difficile à contester. L’auteur étrurien ajoute que les six premiers mille ans ayant précédé la formation de la race humaine, elle semble ne devoir subsister que pendant les six mille autres qui complètent la période de douze mille ans au bout desquels le monde finit.

Ici nous avons la source de l’Opinion des millénaires si célèbres dans les premiers siècles du christianisme, et qui fut commune à presque tout l’Orient : en même temps nous voyons l’effet bizarre produit par l’équivoque du monde ou orbe zodiacal avec le monde pris pour une durée systématique de l’univers.

D’un autre côté, cette durée de douze mille, et cette création pendant six, se retrouve chez les Parsis, successeurs des anciens Perses, et dans leur Genèse intitulée Boun Dehesch.

Le temps, dit ce livre ancien, page 420, est de douze mille ans ; il est dit dans la loi que le peuple céleste fut trois mille ans à exister, et qu’alors l’ennemi (Ahriman) ne fut pas dans le monde. Kaïomorts et le Taureau furent trois autres mille ans dans le monde, ce qui fait six mille ans....

Les mille de Dieu parurent dans l’Agneau, le Taureau, les Gémeaux, le Cancer, le Lion et l’Épi, ce qui fait six mille ans. (Ici l’allégorie est sans voile.) Après les mille de Dieu, la Balance vint ; Ahriman (ou le mal) courut dans le monde (l’hiver commença.)

Idem, page 345. Le temps (ou destin) a établi Ormuzd, roi borné pendant l’espace de douze mille ans.

Page 348. Des productions du monde, la première que fit Ormuzd fut le ciel. La deuxième fut l’eau ; la troisième fut la terre ; la quatrième furent les arbres ; la cinquième furent les animaux ; la sixième fut l’homme. »

Page 400. Ormuzd parlant dans la loi dit encore, j’ai fait les productions du monde en 365 jours ; c’est pour cela que les 6 gahs gahanbars (les mois) sont renfermés dans l’année.

Enfin, dans l’origine de toutes choses, l’auteur dit, page 344 et suivantes, que les ténèbres et la lumière étaient d’abord mêlées et formant un seul tout ; qu’ensuite étant séparées par le temps (ou destin), elles formèrent Ormuzd et Ahriman, etc.

Ces passages nous offrent, d’une part, l’explication la plus claire de la période de douze mille ans, supposée devoir être la durée physique du monde ; d’autre part, une analogie marquée avec le récit que la Genèse fait de la création : la différence principale est que, dans l’hébreu, le premier œuvre est la séparation de la lumière, tandis que dans le Parsi, c’est la formation du ciel ; mais abstractivement de l’ordre numérique, l’un et l’autre placent d’abord le chaos ténébreux, puis la séparation de la lumière, et l’auteur juif semble faire une allusion directe aux idées zoroastriennes, quand il dit que la lumière fut bonze : néanmoins, comme le dogme du bien et du mal existe également dans le système égyptien d’Osiris et de Typhon, cette allusion ne peut faire preuve pour la date de la composition.

Une comparaison suivie de la Genèse juive avec la Genèse parsie, multiplierait les exemples d’analogie ; mais ce travail nous écarterait trop de notre but ; nous nous bornerons à remarquer avec le traducteur (Anquetil du Perron) que le Boun Dehesch[49] est une compilation évidente de livres anciens dont il s’autorise, et que cette compilation, quoiqu’elle cite dans ces trois derniers versets les dynasties Sasanide, Aschkanide, et le règne d’Alexandre, doit néanmoins remonter à une époque antérieure : ces trois versets ont dû être ajoutés après coup, comme il est arrivé aux livres de l’Inde. On a droit de croire, vu l’analogie de plusieurs de ses passages avec certaines citations des anciens auteurs grecs, et entre autres de Plutarque, que le compilateur eut sous les yeux quelques livres de Zoroastre ; mais en lisant le Boun Dehesch avec attention, nous y trouvons d’autres citations singulières qui ne peuvent venir de cette source. Par exemple, à la page 400, ch. XXV, il est dit : que le plus long jour de l’été est égal aux deux plus courts de l’hiver ; et que la plus longue nuit d’hiver est égale aux deux plus courtes nuits d’été.

Un tel état de choses n’a lieu que par le 49e degré 20 minutes de latitude, où le plus long jour de l’année est de 16 heures 10 minutes, et le plus court, de 3 heures 5 minutes. Or cette latitude est d’environ 12 degrés plus nord que les villes de Bactre ou Balhh et Ourmia, où l’histoire place le théâtre des actions de Zoroastre. Cette latitude sort infiniment au delà des frontières de l’empire persan, à quelque époque qu’on le prenne. Elle tombe dans la Scythie, soit au nord du lac Aral et de la Caspienne, soit aux sources de l’Irtisch, de l’Ob, du Ienisseï et de la rivière Selinga : elle se trouve dans le pays des anciens grands Scythes (ou Massagètes), qui disputèrent d’antiquité avec les Égyptiens, selon Hérodote. Aurait-il donc existé dans ces contrées, à ce parallèle, un ancien foyer d’observations astronomiques, chez un peuple policé et savant ? ou l’observation citée par le Boun Dehesch serait-elle tirée de temps plus modernes ? Ammien Marcellin nous apprend avec Agathias, que, postérieurement à Zoroastre, le roi Hystasp ayant pénétré dans certains lieux retirés de l’Inde supérieure, arriva à des bocages solitaires dont le silence favorise les profondes pensées des Brames. Là, il apprit d’eux, autant qu’il lui fut possible, les rites purs des sacrifices, les causes du mouvement des astres et de l’Univers, dont ensuite il communiqua une partie aux mages. Ceux-ci se sont transmis ces secrets de père en fils, avec la science de prédire l’avenir ; et c’est depuis lui (Hystasp) que dans une longue suite de siècles jusqu’à ce jour, cette foule de mages composant une seule et même race (ou caste), a été consacrée au service des temples et au culte des dieux.

Ce passage nous indique clairement une réforme ou, une innovation introduite par Hystasp dans la religion de Zoroastre. Quel fut, cet Hystasp ? Ammien Marcellin dit que ce fut le père du roi Darius ; mais Agathias, auteur instruit, dit que cela n’était point clair chez les Perses : et Hérodote, presque contemporain de Darius, atteste que ce prince, promu à la royauté par l’élection, était le fils d’un simple particulier ou seigneur persan. N’est-il pas à croire que le roi Hystasp est Darius lui-même, appelé par abréviation, du nom de son père Hystasp ? L’innovation indiquée lui conviendrait par bien des raisons : lorsqu’il fut élu roi, les mages de Zoroastre subirent un massacre général dans tout l’empire perse, en vengeance de la tromperie du mage Smerdis, usurpateur du trône de Cambyse. Darius, qui organisa le gouvernement, jusqu’alors purement militaire, qui partagea l’empire en vingt satrapies, qui fit battre une monnaie générale et régla les tributs de chaque peuple, qui établit une police et des lois, porta sûrement son attention sur le culte qui n’avait plus de ministres et qui partageait leur discrédit ; il voulut, comme tous les rois, donner cet appui à son trône : Hérodote, garant de tous ces détails, nous apprend que la vingtième satrapie, la plus riche de toutes[50], était celle des Indiens (des sources de l’Indus ou Pendjab) : n’est-il pas probable que Darius Hystasp visita cette partie de ses sujets, et que le fait cité par Ammien date de cette époque. Ce prince aurait donc alors consulté les Brahmes ou plutôt les Bouddhistes-Samanéens, dont la doctrine était dominante. Or, en examinant la cosmogonie des Bouddhistes réfugiés à Ceylan, telle qu’elle est exposée dans le tome septième des Asiatik researches[51], nous trouvons plusieurs traits de ressemblance entre cette cosmogonie d’origine indienne et celle des Perses ; ce qui est surtout frappant,, c’est que des quatre dieux ou anges qui gardent et surveillent les quatre coins du monde, l’un en Parsi, s’appelle Tashter, et en Bali, ou langue sacrée de Ceylan, der Terashtré ; l’île de l’est en Bali, se nomme pouya wevidehé ; et en Parsi l’est se nomme pouroué weedesieh ; l’ouest en Parsi est appelé appéré godamé et en Bali apré godami : le nord, en Parsi, outourou kourou offre, le même mot outourou, que les Indiens appliquent au pôle du sud, par une transposition dont on trouve un autre exemple entre les Ceylanais et les Birmans.

Maintenant, s’il existe une analogie marquée entre les Bouddhistes et les Parsis, quant au système cosmogonique, n’est-il pas à croire, que la cause de cette analogie se trouve dans la réforme ou innovation de Darius Hystasp, qui rapporta de l’Inde ces idées qu’il communiqua aux mages, dont il fit une création nouvelle. Alors le Boun Dehesch aura été composé après cette époque, et probablement peu après la ruine de l’empire perse par Alexandre, lorsque les livres sacrés devinrent plus rares par les troubles et les incendiés des guerres. D’autre part, les Brahmes et les Bouddhistes s’accordent à dire qu’ils ne sont point indigènes de l’Indostan ; qu’ils sont originaires du nord, et leur figure ovale porte le caractère scythe : leur berceau ancien et premier aurait-il été par les 49 degrés 20 minutes de latitude, et aurait-il existé là très anciennement un peuple policé, auteur de l’observation, citée ? L’illustre Bailly, dans son Astronomie ancienne, a cité beaucoup de faits à l’appui de cette opinion ; son émule, Lalande, qui ne fut point versé en littérature ancienne, a voulu beaucoup la déprécier, mais si quelque jour un homme doué de talent réunit aux connaissances astronomiques l’érudition de l’antiquité que l’on en sépare trop, cet homme apprendra à son siècle bien des choses que la vanité du nôtre ne soupçonne pas. Revenons à notre cosmogonie juive, et à nos douze mille ans étrusques et parsis.

Astronomiquement parlant, il n’existe point de périodes de 12.000 ans, c’est-à-dire que ce nombre ne convient à aucune révolution simple ou compliquée d’astres ou de planètes. Pourquoi donc se trouve-t-il employé en ce sens par les anciens ? Ceci est encore un logogriphe astrologique dont il faut demander la solution aux adeptes de la science secrète. Cette solution nous est donnée par l’ingénieux et savant Dupuis, dans son Mémoire sur les grands Cycles ou Périodes de restitution. En comparant avec attention diverses périodes des Indiens et des Chaldéens, dit-il en substance, l’on s’aperçoit que leur composition est due à une addition ou soustraction croissante ou décroissante d’un premier nombre élémentaire qui suit l’ordre arithmétique direct 1, 2, 3, 4, ou l’ordre inverse 4, 3, 2, 1 ; c’est ce que démontre l’analyse

1° L’Ezour-Vedam rapporte une tradition indienne[52] d’après laquelle les quatre âges du monde, ont eu la durée suivante : savoir,

Le premier âge : 4.000 ans.

Le second : 3.000

Le troisième : 2.000

Le quatrième :1.000

Otez les zéros, vous aurez 4, 3, 2, 1.

Le Baga-Vedam, autre livre sacré indou, cite une tradition d’une autre source ; il dit que, selon les anciens, le premier âge du monde

dura : 4.800 ans.

Le second : 3.600

Le troisième : 2.400

Le quatrième, où nous sommes, doit durer : 1.200

TOTAL  : 12.000

Voilà encore l’ordre 4, 3, 2, 1, dans les premiers chiffres ; et il se retrouve le même, quoique double, dans les seconds, 8, 6, 4, 2. De plus, prenez pour élément le nombre le plus simple 1.200, élevé à 2 ou à son double, vous avez 2.400 ; à son triple (3) 3.600 ; à son quadruple (4) 4.800, et la somme des quatre est 12.000. Les mystiques indiens ont figuré ce système par une vache dont les quatre pieds représentent les quatre âges du monde. Au premier âge, la vache se tenait sur ses quatre jambes ; au second sur 3 ; au troisième sur 2 ; au quatrième, sur 1. Toujours 1, 2, 3, 4, ou 4, 3, 2, 1. Ce n’est pas tout ; ces mêmes Indiens, dans d’autres livres plus savants[53], ayant établi la durée totale du monde à 4.320.000 ans,

disent que le premier âge a duré : 1.728.000 ans.

Le second : 1.296.000

Le troisième : 864.000

Le quatrième : 432.000

TOTAL  : 4.320.000

Voilà une grande différence de nombre, et cependant l’ordre de composition et de décomposition est le même, car prenant pour élément le plus petit nombre 432.000 = 1 ans. Nous avons, en l’élevant à 2

son double....    : 864.000 = 2

En l’élevant à 3, son triple.       : 1.296.000 = 3

En l’élevant à son quadruple    : 1.728.000 = 4

TOTAL  : 4.320.000.

D’autre part, les Indiens disent qu’une année des dieux se compose de 360 années des hommes : les 4.320.000 étant des années de cette dernière espèce, divisons cette somme par 360, qui est le dénominateur des années divines ; le quotient qui vient est la période 12.000 ; n’est-il pas singulier de voir les calculs indiens prendre leurs éléments chez les Perses et chez les Étruriens ?

En outre, dans la période indienne nous avons pour élément premier la fameuse période chaldaïque de Bérose, 432.000 ans.

Maintenant, pour la composer suivons l’ordre arithmétique 1, 2, 3, 4 jusqu’à 8, en prenant comme élément premier la période

Etrusco-Perse  : 12.000 ans,

nous aurons, pour second degré : 24.000

Pour troisième  : 36.000

Pour quatrième : 48.000

Pour cinquième : 60.000

Pour sixième : 72.000

Pour septième  : 84.000

Pour huitième : 96.000

Pour total de toutes ces sommes : 432.000

Il n’est pas besoin de raisonner longuement sur cet exposé, que nous avons beaucoup abrégé ; le lecteur en voit facilement découler plusieurs conséquences.

1° Il est clair que toutes ces périodes sont des combinaisons mathématiques plus ou moins fictives et arbitraires, imaginées par les anciens pour faciliter leurs opérations d’astrologie plutôt que de véritable astronomie.

2° Il est sensible, que ces périodes qui, quoique éparses chez divers peuples à diverses époques, s’amalgament si parfaitement quand on les rassemblé, appartiennent à un seul et même corps de doctrine dont l’origine remonte à une très haute antiquité, et dont le foyer semble se placer de préférence chez les Égyptiens et les Chaldéens.

3° Enfin il nous semble également démontré que toutes ces idées, tous ces systèmes de création, de durée, de destruction et d’âges du monde ont eu leurs types primitifs dans les idées simples et naturelles d’un système originel dont les figures hiéroglyphiques mal interprétées, dont les termes équivoques mal compris, sont devenus une cause de désordre moral et métaphysique. Ainsi les 4 âges du monde, si célèbres dans l’Inde et la Grèce, quoique aucun mortel n’en pût avoir de notion, ces 4 âges n’ont point d’autre origine, d’autre type que les 4 saisons de l’année, ce grand cercle monde dont une révolution commence et finit toutes les opérations de la nature. La création n’est autre chose que la production nouvelle, que le mouvement, de vie spontané qui, chaque année, au printemps, a lieu dans tout le système des végétaux et des animaux. Ce printemps, saison de feuilles, de fleurs et de pâturages, d’abondance, de lumière et de chaleur, fut l’âge d’or, parce qu’il est sous l’influence du soleil, qui dans l’alchimie et l’astrologie a l’or pour emblème ; l’été, l’âge d’argent, parce que ses nuits longues et sereines sont sous l’empire de la lune, à l’emblème d’argent : Vénus au blason de cuivre, Mars an blason de fer, présidèrent à l’automne et à l’hiver ; et voilà l’ordre figuré sur lequel les moralistes bâtirent leurs systèmes de bonheur originel, de vertu première, de dégradation postérieure et successive, de vice et de malheur final, punis par une destruction à laquelle ils ne manquent jamais de faire succéder une nouvelle organisation calquée sur celle du monde ou cercle zodiacal. Voilà les bases de cette doctrine qui, professée d’abord secrètement dans les mystères d’Isis, de Cérès et de Mithra, etc., se répandit ensuite avec éclat dans toute l’Asie, et qui a fini par envahir toute la terre. Mais il est temps de clore cet article, et cependant ne passons point sous silence la différence apparente ou réelle qui existe entre la Genèse et Bérose au sujet de la création. Il est fâcheux que le récit de cet écrivain ne nous soit parvenu qu’après avoir été copié d’abord par Alexandre Polyhistor qui a pu y faire quelque changement, puis retouché par le Syncelle qui l’abrége et le censure selon ses idées, de manière qu’il y a plusieurs voiles entre nous et le texte originel et primitif des traditions chaldéennes traduites en grec et commentées par Bérose.

Selon cet historien, dans le fragment qui nous est transmis[54], : l’on avait conservé avec beaucoup de soin à Babylone, des archives ou registres contenant l’histoire de 15 myriades d’années et traitant du ciel, de la mer, de l’origine des choses, puis des (X) rois et de leurs, actions, etc. Bérose décrit d’abord l’état physique du pays de Babylone, ses productions, ses limites, sa population... Dans le principe, les hommes vivaient à la manière des brutes, sans mœurs et sans lois, lorsque de la Mer Érythrée (golfe persique), sur la plage chaldéenne, sortit un animal ayant la forme d’un poisson selon Apollodore, portant sous sa tête de poisson une autre tête et des pieds d’homme attachés près sa queue de poisson ; cet animal, appelé Oan, avait la voix et le langage des hommes, et l’on conserve encore (à Babylone) son effigie peinte. Cet être qui ne mangeait point, venait de temps à autre se montrer aux hommes, pour leur enseigner tout ce qui est utile, les arts mécaniques, les lettres, les sciences, la construction des villes et des temples, la confection des lois, la géométrie, l’agriculture, et tout ce qui rend une société policée et heureuse. Depuis cette époque l’on n’en a plus ouï parler. Cet animal Oan, au coucher du soleil, descendait dans la mer, et passait la nuit sous l’eau ou près de l’eau : par la suite, d’autres animaux semblables à lui se montrèrent aussi. Il avait écrit un livre qu’il laissa aux hommes, sur l’origine des choses et, sur l’art de conduire la vie. Un temps exista où tout était eau et ténèbres contenant des êtres inanimés informes, qui (ensuite) reçurent la vie et la lumière sous diverses formes et espèces étranges c’étaient des corps humains ; les uns à 2, les autres à 4 ailes d’oiseau avec 2 visages ; ceux-ci, sur un seul corps, portaient une tête d’homme et une tête de femme avec l’un et l’autre sexe ; ceux-là avaient des jambes et des cornes de chèvre ; d’autres, tantôt la tête, tantôt la croupe d’un cheval : il y avait aussi des taureaux à tête d’homme et une foule d’autres combinaisons bizarres de têtes, de corps, de queues de divers animaux, tels que les chiens, les chevaux, les poissons, les serpents, les reptiles, dont les figures se voient encore peintes dans le temple de Bel. Une femme nommée Omoroka présidait à toutes ces choses : ce mot chaldéen signifie en grec la mer et désigne la lune. Or Belus, divisant cette femme en deux moitiés, de l’une fit la terre, et de l’autre le ciel, d’où s’ensuivit la mort des animaux. Bérose observe que ceci est une manière figurée d’exprimer la formation du monde et des êtres animés avec une matière humide. Le dieu Bel ayant enlevé la tête de cette femme, d’autres dieux (Elahim) mêlèrent à la terre son corps qui était tombé, et dont furent formés les hommes ; c’est par cette raison qu’ils sont doués de l’intelligence divine. En outre le dieu Bel, qui est Youpiter, ayant partagé les ténèbres en deux moitiés, sépara le ciel de la terre, établit le monde dans l’ordre où il est, ci les animaux qui ne purent soutenir la lumière, disparurent. Bel, qui vit que la terre était déserte quoique fertile, ordonna aux autres dieux de se couper chacun la tête, de mêler leur sang à la terre, et d’en former des êtres qui supportassent l’air ; enfin Bel lui-même fit les astres, le soleil, la lune et les 5 autres planètes. Voilà ce que Polyhistor raconte en son livre 1er, d’après Bérose.

Ces récits, pris à la lettre, seraient, trop choquants, trop absurdes ; aussi le prêtre Bérose nous observe-t-il qu’il y faut voir une expression figurée des opérations de la nature ; et l’étude de l’histoire ancienne et moderne, en nous montrant, chez des peuples divers, tels que les Égyptiens, les Indiens, les Chaldéens, les Chinois, les Mexicains, etc. des systèmes entiers de figures monstrueuses du même genre que celles-ci, nous apprend que cette manière de peindre et de rendre sensibles à la vue les attributs et les rapports abstraits des corps, est la première opération dont s’avise l’entendement humain ; c’est cette écriture, dite hiéroglyphique, qui partout a précédé l’écriture dite alphabétique, née ensuite d’une abstraction et d’une observation comparée beaucoup plus subtile et raffinée. Dans le prétendu monstre Oan, la tête d’homme désigne l’intelligence, le raisonnement, tandis que la forme de poisson désigne l’habitude ou la nature aquatique combinées pour exprimer les effets et l’action de la constellation appelée poisson austral : l’étoile principale de cette constellation avait le mérite de mesurer exactement la plus courte nuit de l’année, en se levant le jour du solstice d’été, au moment où se couchait le soleil, et en se couchant au moment où il se levait : par cette raison, elle joua un rôle important en Égypte, où elle annonçait l’inondation, et en Chaldée, ainsi qu’en Syrie, où elle servait à régler l’époque de certains travaux agricoles, et à conjecturer certains accidents de la saison ou du climat. C’est le Dagon des Philistins[55]. Avec cette clef, l’on explique toutes les autres figures d’animaux monstrueux. On leur donnait des ailes pour désigner leur nature aérienne, des sexes, pour exprimer leur nature passive ou active ; des têtes de chien, pour exprimer leur propriété d’avertir comme l’animal qui aboie : tous étaient des symboles d’astres ou de constellations ; et voilà pourquoi leurs images étaient peintes sur les murs du temple de Bel, comme d’autres semblables l’étaient dans l’autre des Nymphes, dans la caverne de Zoroastre et dans tous les temples des dieux égyptiens où on les retrouve. Voilà aussi pourquoi l’auteur juif de la Genèse, ennemi des idoles, a répudié cette partie de la cosmogonie chaldéenne ; mais l’emprunt qu’il a fait des autres parties se retrouve dans plusieurs phrases de la formation ou création de l’univers par Bel. Un temps exista où tout était eau et ténèbres. Et Dieu, partagea les ténèbres en 2 moitiés, sépara le ciel de la terre, fit les astres, le soleil, la lune, etc. Toutes ces phrases, qui ne sont que des extraits peu fidèles du texte chaldéen, ont cependant une analogie marquée avec le texte de la Genèse ; dans Bérose, les dieux Elahim forment l’homme et lui donnent l’intelligence divine. Dans la Genèse les dieux disent : faisons l’homme à notre image ; par le mot notre, ils s’avouent plusieurs. Bel était le grand dieu, Elah-Adkbar : eux étaient les dieux Kabirim, ces douze grands dieux Cabires, adorés des Grecs.

Dieu Elahim fit le vide au ciel et au milieu des eaux.... Ce mot vide en hébreu est Râqia (ou Rakia) ; en chaldéen, om-o-raka signifie littéralement mère du vide ; c’est-à-dire l’espace sans bornes que le vulgaire, trompé par le mot mère, à pris pour une femme. Le sens vrai est que Bel partagea le vide en deux moitiés ; dont la supérieure fut le ciel ; l’inférieure fut la terre, et c’est littéralement le sens de l’hébreu, Dieu fit le vide (Râqia) au milieu des eaux ; et il donna le nom de ciel aux eaux de dessus, et les eaux d’au-dessous furent la mer et la terre. Dans la cosmogonie des Bouddhistes du Tibet, qui, comme nous l’avons déjà dit, paraît venir de l’école chaldéenne, le ciel n’a pas d’autre nom que le vide, l’immensité (om-oraka) ; et un vent impétueux, excité par le destin sur les eaux, fût le premier signe de la création de l’univers[56]. Dans la Genèse, ce qu’on traduit l’esprit de Dieu, n’est littéralement que le vent de Dieu s’agitant sur les eaux. Ce vent, premier moteur, ou premier mû, se retrouve dans la cosmogonie phénicienne, où nous lisons que le vent Kolpia eut pour femme Bâau, c’est-à-dire la nuit, l’obscurité ténébreuse.... Ce terme Bâau, dans la Genèse, est l’épithète de la terre informe, qui d’abord fut Tohou, Bahou, traduit par la version grecque et par Josèphe, invisible, ténébreuse. Les hébraïsants se fondant sur l’arabe, interprètent Bahou, par le vide immense ; et alors c’est la femme Om-o-raka du chaldéen. De ce vent Kolpia, premier moteur, comme le cœur (qui en arabe se dit aussi qolb et qalb), naissent Aïon et premier-né. En sanscrit adima signifie premier, et dans l’hébreu, Adam est le premier-né.

Ainsi à chaque instant, à chaque pas, nous trouvons de nouvelles preuves de notre proposition première et fondamentale, savoir, que la Genèse n’est point un livre particulier aux Juifs, mais un monument originairement et presque entièrement chaldéen, auquel le grand-prêtre Helqiah se contenta de faire quelques changements dictés par l’esprit de sa nation et adaptés au but qu’il se proposa.

Désormais le lecteur sait que penser de ces créations du monde, que l’on nous raconte comme s’il y eût eu des témoins à en dresser procès-verbal : il voit à quoi se réduisent ces prétendues chronologies qui tronquent l’histoire des nations, et restreignent la formation, les progrès, la succession de toutes les institutions, de toutes les inventions humaines, y compris le langage et l’écriture, à un petit nombre d’années, incompatible avec la nature de l’entendement et avec le témoignage des monuments subsistants.

 

 

 



[1] Contre Apion, liv. I, § XIX.

[2] Ce mot noux est la meilleure orthographe de l’hébreu nouh (Noé), parce que les Grecs n’ayant point l’aspiration h, la remplacent par x, qui est le ch allemand et latin.

[3] Voyez le Syncelle, pages 38 et 40, ligne 8. Cet auteur cite quelquefois le nom de Bérose ; mais tous les passages qu’il produit, finissant par être rapportés à Polyhistor, Abydène et autres copistes de Bérose, il nous semble que déjà l’original de Bérose n’existait plus.

[4] Præpar. Evang., lib. IX, cap. 12.

[5] Nec me fugit Berosum et sequaces ejus Alexandrum Polyhistorem, et Abydenum, etc., page 14.

[6] Le Syncelle, page 30, semble d’abord tirer ce passage de Bérose ; mais en le terminant, il dit : Voilà ce qu’écrit Alexandre Polyhistor.

[7] En Égypte ces oiseaux ne quittent pas la maison pendant que le sol est couvert d’eau : quand ils s’absentent, c’est le signe qu’ils trouvent à vivre et que la terre se découvre.

[8] Areturus, Bootes.

[9] Pline, lib. VI, cap. 27.

[10] Moses Chor., ch. 9. Ce Haïk a tous les caractères d’Apollon, chassé du ciel par Jupiter, qui, de l’aveu des Grecs, est identique au Belus babylonien.

[11] Voyez Dupuis, Origine des Cultes, Table des matières, tome III, in-4°, art. Déluge, Orion, Titan, Géants, Belus, et sa Dissertation sur les grands cycles.

[12] Pluton même est noir comme Cham.

[13] Antiq. jud., liv. I, chap. 7, § 11.

[14] Nicolas de Damas, dans son propre texte, ajoute ici : Son nom est encore célèbre à Damas, où l’on montre un faubourg qui l’a retenu.

[15] Eusèbe, Præpar. evang., liv. IX, chap. 17.

[16] Probablement l’écriture chaldaïque.

[17] Josèphe, liv. I, chap. 7.

[18] Voyez Moses Maimonides, More Nebuchim, et le livre intitulé Dabistan, publié à Calcutta, 1789, dans le New-Asiatick Miscellany, tome Ier. Ce livre contient à ce sujet des détails qui se lient très bien avec ceux de Maimonides.

[19] Voyez le fragment de Sanchoniaton, Eusèbe, Præpar. evang., lib. I, cap. ult.

[20] De Religione veter. Persarum, pages 77, 78.

[21] Genèse, chap. 13, v. 3.

[22] Genèse, chap. 23, v. 6.

[23] De Relig. veter. Persarum, pages 77, 78.

[24] Voyez Moïse de Chorène, Histoire arménienne, page 16, note 2.

[25] Josèphe, Antiq. jud.

[26] Eusèbe, Præpar. evang., lib. II, page 37.

[27] Selon la Genèse, chap. 17, v. 5, Dieu changea le nom d’Abram en Abraham, comme signifiant père de la multitude ; mais ce mot Rahm manque dans les lexiques.

[28] Or quand Moïse entrait dans le tabernacle, la nuée descendait à l’entrée et parlait à Moïse, en présence de tout le peuple prosterné en adoration ; et Dieu parlait à Moïse comme un ami à son ami ; et quand il revenait au camp, le jeune Josué, fils de Noun, qui l’assistait, dans le tabernacle, y restait et n’en sortait point. (Exode, chap., 33, v. 10.)

[29] Il est encore dit, au chap. 32, v. 17, que lorsque Moïse descendit du mont Sinaï, Josué l’accompagnait : preuve qu’il y fut, avec lui pendant les 40 jours que Moïse y resta ; qu’il y fut l’interlocuteur et le scribe de la loi attribuée à Dieu ; et l’on a le droit de dire qu’il y prépara tout l’appareil de pyrotechnie dont l’Exode nous montre les effets, en même temps qu’il y porta les provisions dont Moïse et lui vécurent pendant les 40 jours du prétendu jeûne, également raconté et cru sans preuves ni témoins.

[30] Il y a une exagération, palpable dans le nombre de six cent mille hommes portant les armes, qui, selon le texte, sortirent d’Égypte avec Moïse. Ce nombre suppose une quantité proportionnelle d’enfants, de femmes et de vieillards invalides ; il est même ajouté qu’une populace innombrable suivit avec des troupeaux (Exode, chap. 12, v. 37).

Cette quantité ne peut pas être évaluée moins de trois têtes pour chaque homme armé ; ainsi ce serait une masse de 2.400.000 âmes, sans les troupeaux. Pour qui connaît l’Égypte et le désert, cela est une pure absurdité, et cette absurdité est décelée par plusieurs circonstances. 1° Dieu est censé dire (Exode, chap. 24) : Je n’exterminerai point les Cananéens devant votre face en une seule année, de peur que le pays ne soit réduit en un désert, et que, les bêtes féroces ne se multiplient contre vous. Nous remarquons que le pays de Canaan n'a pas plus de 30 lieues de long sur autant de large, faisant 900 lieues carrées environ, dont beaucoup en terres rocailleuses et désertes ; ce serait près de 3.000 âmes par lieue carrée, ce qui ne se voit en aucun pays. 8 à 900 âmes par lieue carrée sont une forte population : toute la Syrie, toute l’Égypte, qui ont plus de 3.000 lieues carrées chacune, ne contiennent pas plus de 2.000.000 âmes chaque. 2° Au Deutéronome, chap. 7, v. 1, il est dit que la terre de Canaan contenait 7 peuples plus forts et plus nombreux chacun que le peuple hébreux. Ce petit pays de 900 lieues carrées aurait donc contenu 16.800.000 âmes ! On voit l’extravagance. Mais quel peut être le nombre vrai ? Nous croyons qu’il y a une erreur de décimale, et qu’au lieu de 600.000 il faut lire 60.000 : le calcul décimal paraît avoir été très usité chez les Chaldéens, les Perses et les Mèdes ; l’on trouve répétées dans le Zend Avesta les progressions décuples : Ormuzd, y est-il dit, donne-moi 100 chevaux, 1.000 bœufs, 10.000 lièvres, 9 bénédictions, 90 bénédictions, 900 bénédictions, etc. Dans le cas dont nous traitons, le signe décuple se serait introduit mal à propos. 60.000 hommes armés supposeraient 240.000 âmes en tout, ce qui est déjà trop de monde à nourrir dans le désert : ce nombre eût donné 266 têtes par lieues carrées au pays de Canaan, qui en aurait eu déjà plus de 1.700. (C’est trop.) Un passage du livre de Josué indique un nombre plus modéré, et ce témoignage a d’autant plus de poids, que ce livre, étranger au Pentateuque, a été hors de l’influence d’Helqiah. Il est dit, chap. 7 et 8, que Josué voulant attaquer la ville de Haï, ses éclaireurs lui rapportèrent que le nombre d’hommes qu’elle contenait ne méritait pas la peine de faire marcher toute l’armée, et que 2 ou 3.000 hommes suffiraient. Josué envoya 3.000 hommes qui furent battus avec perte de 36 hommes. Cet échec, tout léger qu’il était, effraya beaucoup les Hébreux. Pour les rassurer, Josué imagina l’expiation dont Achan fut victime ; puis il dressa, pendant la nuit, une embûche de 30.000 hommes en un ravin près la ville, avec l’instruction que le lendemain, lorsqu’il aurait attiré au dehors le roi et ses gens armés par une fuite simulée ; ils eussent à y entrer et à la saccager. Cela fût fait ; la ville fut prise : tout fut égorgé, et le nombre total, y compris vieillards, femmes et enfants, fut de douze mille. Ces 12.000 âmes supposent au plus trois mille hommes en état de combattre. Les premiers 3.000 que Josué, envoya supposent encore moins, puisqu’ils furent regardés comme plus forts. L’embuscade de trente mille est improbable ; ce dut être aussi trois mille. Il est encore dit que Josué embusqua 5.000 hommes entre Haï et Bethel, et qu’il se présenta avec tout le reste : il ne dut pas présenter un nombre beaucoup plus fort que la veille, de peur d’effrayer trop le roi et son monde : supposons encore 3 ou 4.000 hommes, cela ne produit pas plus de 12.000 hommes. Josué n’a pas dû avoir une réserve plus considérable, et tout ce récit n’indique pas 30.000 combattants. Il est étonnant que la perte de trente-six hommes ait pu effrayer cette armée ; c’était encore moins pour soixante mille. Si toute l’armée de Josué ne fut que de 25 à 30.000 hommes, sa population totale ne dut être que de 120 à 130.000 têtes. Les 7 peuples plus nombreux donneraient alors 1.050.000 âmes, c’est-à-dire, plus de 1.000 âmes par lieue carrée. Au lieu de 600.000 hommes armés, ne serait-ce pas plutôt 60.000 âmes qui seraient sorties de l’Égypte, et qui ensuite se seraient recrutées dans le désert arabe ? Les exemples de ces exagérations décimales se reproduisent dans les 1.000 livres d’argent qu’Albimelek donne à Sara (au lieu de 10), les 1.000 Philistins que tue Samson, les 3.000 qu’il précipite de la terrasse d’un temple ; les 50.000 Betsamites qui périssent pour avoir regardé dans l’arche (peut-être 50) ; les 300.000 guerriers que Saül mena contre Nahas, roi des Ammonites (sans doute 30.000) ; et voilà comme s’écrit l’histoire ! et l’on y croit !

[31] Pages 17 à 18.

[32] Annus, annulus. En arabe, aïn désigne le rond de l’œil, le rond du soleil, le rond d’une fontaine.

[33] Voyez Asiatik Researches, tome II, pages 111 et suivantes.

[34] Aristote, Meteor., lib. I, chap. 14, et Julius Firmicus, lib. III, chap. I, page 47, et Epiphan. hœres., chap. 19.

[35] Deutéronome, chap. 32, v. 8.

[36] Alexandre Polyhistor remarque (dans Eusèbe, Præpar. evang., lib. IX, chap. 17), qu’Enoch, selon plusieurs savants, est le même, qu’Atlas, par conséquent le même que Bootes, sur les épaules de qui, tourne le pôle, et qui, par cette raison, a été peint comme portant le globe. C’est saint Christophe. Voyez Bochart, sur Sem, Cham, Seth, etc.

[37] Voyez la sphère de Coronelli.

[38] A proprement parler, le système des deux principes, considéré relativement à l’hiver et à l’été, ne convient point au climat de l’Égypte, où l’hiver est une saison douce et agréable : l’on peut dire qu’il n’y est point un système primitif et naturel.... Mais lorsque les prêtres furent parvenus à la connaissance générale des phénomènes du globe, tant par leurs propres recherchés que par les relations des Phéniciens et des Scythes ; alors, embrassant sous un seul point de vue les opérations de la nature végétante et animée, ils imaginèrent l’hypothèse de la diviser en un principe de vie, qui fut le soleil, et un principe de mort qui fut le froid et les ténèbres ; et c’est sur cette base, vraie à bien des égards, que se sont échafaudées des fictions qui ont tout défiguré ! Quant au changement des signes du Zodiaque par la précession des équinoxes, on l’estime à 2130 ans par signe, à raison de 71 ans pour chaque degré, et de 50 secondes par an.

[39] Genèse, chap. 3, v. 15. La Vulgate dit : elle (la femme) écrasera ; mais le texte hébreu porte le genre masculin lui, relatif au rejeton (Zara).

[40] Voyez Alphabetum thibetanum, in-4°, page 186. L’auteur missionnaire fait cette remarque intéressante, que le système des Bouddhistes du Thibet diffère de celui des Brahmes, en ce que, dans ce dernier, les figures des 7 mers et des 7 montagnes qui sont les 7 sphères célestes, et leurs intervalles, sont elliptiques ou ovales, tandis que dans le premier elles sont purement circulaires : c’est une raison de penser (ajoutée à plusieurs autres), que la secte de Bouddha est plus ancienne que celle des Brahmes, les formes elliptiques étant un perfectionnement des premières idées, qui furent les circulaires pures.

[41] De là, le mot latin fretum.

[42] Voyez Bailly, Astronomie indienne, et l’Histoire de l’astronomie ancienne. Voyez aussi les Mémoires asiatiques.

[43] Ce nom de Iahouh n’est employé, pour la première fois, qu’au 4e verset du chap. 2 ; le latin le rend par Dominus, il devrait dire existens per se.

[44] Flavius Josèphe, Antiq. jud., liv. I, chap. i.

[45] Eusèbe, Præpar. evang., lib. I, page 37.

[46] Article Tyrrhenia.

[47] Les peintures découvertes par nos savants français dans les catacombes des rois de Thèbes, achèvent de certifier cette opinion. Les vases, les meubles et les ornements que représentent ces peintures, sont absolument du même style que ceux des vases étrusques ; voyez le tome II de la Commission d’Égypte ; et relativement à Moïse, son arche d’alliance a totalement la forme du coffre ou tombeau d’Osiris.

[48] Asiatick researches, tome I.

[49] Ce mot signifie, dit-il, racine donnée ou donné par la racine, c’est-à-dire origine, Genèse des choses.

[50] Hérodote, liv. III, § XCIV.

[51] Mémoire de M. Joinville, page 413.

[52] Voyez Mémoires de l’Académie des Inscriptions, tome II, page 254, Mémoire de l’abbé Mignot.

[53] Voyez Legentil, Mémoires de l’Académie des Sciences, 1772, tome II, page 190 ; Abraham Roger, Mœurs des Brahmines, part. II, chap. 5, page 179 ; le Père Beschi, Grammaire tamoulique.

[54] Syncelle, pages 28 et 29.

[55] Voyez Dupuis, t. II, in-4°, p. 208 et 228 ; t. III, page 186.

[56] Alphab. thibet., page 184.