RÉCITS DE L’HISTOIRE ROMAINE AU Ve SIÈCLE

 

CHAPITRE II — SIDOINE APOLLINAIRE À ROME.

 

 

Panégyrique d’Anthémius. - Sidoine, préfet de Rome. - Procès d’Arvandus, préfet du prétoire des Gaules. - Noce barbare à Lyon.

468 - 469

Le consulat gardait, au milieu de la décrépitude de Nome, quelque chose de ses splendeurs originelles. C’était toujours la suprême magistrature devant laquelle s’inclinait jusqu’à la puissance des césars, car on vit plus d’une fois des empereurs, jaloux de popularité, se mêler au cortège des consuls lors de leur entrée en charge, et suivre à pied leur litière : Adrien, Julien, Gratien, Théodose à des époques et sous l’influence d’idées bien différente, donnèrent ce spectacle à leurs contemporains[1]. Malheureusement les honneurs du consulat rie duraient qu’un jour, et dès le lendemain tout rentrait dans l’ordre que des nécessités successives et fatales avaient imposé au monde romain. Ainsi réduite à la valeur d’un pur cérémonial et d’un hommage rendu au passé, l’entrée en charge des consuls ordinaires mettait encore en émoi tout le peuple de Rome.

Au matin des calendes de janvier, dès la première lueur du crépuscule[2], grands et petits quittaient leurs maisons pour aller saluer dans la sienne l’illustre personnage qui donnait son nom à la nouvelle année. Les sénateurs s’acheminaient en corps, précédés de licteurs qui écartaient avec leurs faisceaux[3] la foule amassée déjà dans les rues et sur les places. Les soldats sortaient de leurs casernes par longues files, sans armes ni insignes militaires, mais vêtus de robes blanches traînantes[4], dont les pans relevés devant et derrière se nouaient autour des reins comme une ceinture, et tenant un bâton blanc à la main. Les hommes qualifiés étalaient sur eux les marques de leur rang, la plèbe ses plus belles parures. Une litière, à six ou huit porteurs couverts de tuniques bariolées, stationnait près de la demeure du consul pour le conduire aux divers lieux marqués par le cérémonial, le cortège l’accompagnant à pied.

On se rendait d’abord au Capitole[5], d’après l’usage immémorial, quoiqu’on n’y offrît plus de sacrifices ; puis à la curie, où le sénat prenant place quelques instants, faisait un simulacre de délibération ; et l’on gagnait de là le grand forum où le nouvel élu adressait au peuple du haut des rostres une harangue préparée. Au forum de Trajan, lieu ordinaire des affranchissements, des esclaves rangés sur le passage du cortège attendaient. le cœur gros d’espérance, l’heureux soufflet, qui les rendrait à la liberté. C’était une petite scène dont les incidents, parfois corniques, égayaient les spectateurs. On riait de l’embarras de ces pauvres gens, de leur joie pleine d’inquiétude, de leur empressement à tendre la joue, et de la rougeur qu’y imprimaient les doigts du consul[6]. La journée se terminait soit au théâtre, soit au cirque, car il fallait toujours payer sa bienvenue à la populace de Rome par des divertissements coûteux qui souvent dérangeaient la fortune des magistrats. Quand le prince lui-même daignait revêtir la trabée consulaire, l’entrée en charge tirait un éclat tout particulier des panégyriques en vers et en prose qui s’y prononçaient, de l’affluence plus grande des assistants, enfin de la magnificence du palais impérial, étincelant sous les feux de l’aurore.

La demeure des Césars, construite par Auguste, agrandie par ses successeurs, s’élevait, comme on sait, au sommet du mont Palatin ; et des portiques de marbre dont elle était environnée, la vue embrassait Rome presque tout entière. En face et vers l’Orient, se montrait d’abord le Capitole assis sur sa roche immobile[7], ainsi que disaient les poètes ; au-dessous, dans la dépression de la vallée, on distinguait le Forum de la République, reconnaissable à sa tribune garnie de proues de navires ; et plus à droite, les uns à la suite des autres, les forums de Jules César, d’Auguste et de Trajan : l’œil se perdait au loin dans le labyrinthe de leurs colonnades. Au nord, l’amphithéâtre de Titus dressait au-dessus des îlots de maisons sa masse imposante, tandis qu’au midi les regards planaient sur le grand Cirque, le fastueux mausolée de Sévère et les aqueducs de Néron. Ce n’était sur tous les points de l’horizon que portes triomphales, colonnes, théâtres, jardins, et des thermes divisés en quartiers comme des villes, spacieux comme des provinces[8]. Une ligne de murailles crénelées suivant à l’est le cours du Tibre, et dessinant à l’ouest les nombreuses sinuosités des collines, servait d’encadrement à ce tableau.

Sa majestueuse beauté inspira plus d’une fois la muse romaine ; et les panégyristes le chantèrent comme une des pompes réservées au consulat des Césars. Que cet aspect a de grandeur ! s’écriait Claudien en célébrant le sixième consulat d’Honorius[9]. Quel plus noble séjour pouvaient choisir les maîtres du monde ? Sur ce mont, qui laisse le forum à ses pieds, il semble due la puissance elle-même s’élève, qu’elle sent mieux et. fait mieux sentir sa force. Ne dirait-on pas que ces temples rangés en cercle tout à l’entour, sont. autant de postes avancés d’où les dieux veillent sur le prince ? Je tirais là bas, au-dessous des autels de Jupiter Tonnant, les géants suspendus à la roche Tarpéienne et l’or ciselé des portes du Capitole. 4u faîte de ces monuments qui usurpent les plaines de l’air, un peuple de statues s’agite et voudrait s’élancer dans les nuages. Que de colonnes d’airain ! que d’arcs triomphaux chargés des dépouilles des nations ! Partout l’éclat de l’or éblouit la vue, et son scintillement, continuel fatigue nos prunelles tremblantes.

La scène avait bien changé depuis le jour où Claudien récitait ces vers en présence du fils de Théodose ; et le poète eût à peine reconnu cette Rome qu’il peignait si resplendissante. Deux fois la reine du monde avait été saccagée par les Barbares ; l’or avait disparu de ses monuments ; et le Capitole n’élevait plus vers le ciel que la moitié de son toit de bronze doré, l’autre moitié enlevée par Genséric figurait à Carthage parmi les trophées des Vandales[10]. Ce peuple de statues, descendu de ses piédestaux, gisait mutilé dans tous les recoins de la ville. Si loin que le regard pouvait s’étendre, on n’apercevait plus que débris de maisons, toits effondrés, amphithéâtres percés de brèches, colonnes noircies par la fumée. Partout on reconnaissait la trace des incendies allumés par les Goths, réveillés par les Vandales. Le palais des Césars lui-même présentait sur ses marbres déshonorés les signes de la dévastation. La croix seule brillait sans insulte. Du haut du mont Cœlius, la basilique de Latran, intacte et respectée[11], dominait toutes ces ruines, comme le Capitole d’une Rome nouvelle contre laquelle les Barbares ne prévaudraient point. Ces marques de l’abaissement de la patrie contristèrent sans doute plus d’un cœur romain, lorsqu’au matin du 1er janvier 468 le sénat et le peuple se pressaient sous le péristyle du palais pour saluer Anthémius consul. Un autre spectacle non moins douloureux les attendait au dedans, Ricimer partageant avec Anthémius les hommages de l’empire.

Ce fut dans une des salles, en présence de l’empereur, du sénat et des plus illustres citoyens, que Sidoine Apollinaire, introduit par ses patrons, prononça le panégyrique qu’il venait de composer. On sait que ce genre d’ouvrage, lorsqu’il était en vers, consistait à encadrer dans une allégorie mythologique, autour de l’éloge du héros, des descriptions de lieux, de peuples, de batailles, des tableaux de mœurs, des digressions historiques ou philosophiques, en un mot tous les hors-d’œuvre élégants dont un talent facile et harmonieux pouvait couvrir la nudité du sujet. La poésie latine nous a laissé à cet égard, dans les panégyriques de Claudien, des modèles parfaits, que l’on admirait et imitait au Ve siècle. Sans doute, au point de vue du goût, une saine critique littéraire condamne ce genre de composition, vide et guindé, qui n’échappe à la froideur que par une inspiration factice, à la platitude que par l’emphase, et qu’un grand talent fait seul tolérer ; mais l’histoire n’a pas le droit de se montrer si sévère. Une grande partie de ce que nous savons sur les mœurs du Ve siècle nous vient des panégyriques. C’est là surtout que nous avons pu étudier le côté barbare de l’histoire romaine, si l’on me permet une si bizarre alliance de mots. En effet, le panégyriste, obligé de parler du temps présent à des contemporains, est véridique quand même il travaillerait à ne pas l’être ; ses réticences sont quelquefois des révélations ; et Claudien, à ce seul titre, serait un historien précieux pour l’étude de son temps. Je dirai la même chose de Sidoine Apollinaire, fort inférieur comme poète à Claudien, mais mêlé plus que lui aux affaires publiques, et par cette raison plus digne encore d’être étudié. Or, des trois panégyriques que nous devons au poète lyonnais, aucun ne présente un intérêt historique plus élevé que celui d’Anthémius ; aucun ne fut prononcé dans clés circonstances plus importantes : on peut même dire que, soit par le fond des idées, soit par une certaine hardiesse de langage, les vers d’Apollinaire furent le principal incident de la journée.

Pour les bien comprendre, il faut se mettre au point de vue de l’auditoire auquel ils étaient destinés. Ce que venait fêter la foule qui se pressait dans les rues de Rome et sous les portiques du palais, c’était le retour à l’unité, la reconstitution du monde romain dont l’empereur grec était la représentation et le gage ; c’était aussi la paix intérieure que l’on aimait à. croire assurée par le mariage de Ricimer. Cette pensée d’union fraternelle, de paix do4nestique, clé réconciliation entre l’Orient et l’Occident se trouvait au fond de tous les cœurs ; Sidoine en fait le thème de son panégyrique. Il la présente même sous un aspect curieux, digne de fixer l’attention de l’histoire, et sur lequel je donnerai quelques mots d’explication.

Rome n’avait jamais aimé Constantinople, en qui elle s’obstinait à voir une rivale plutôt qu’une fille. Les peuples dépendants de ces deux métropoles transformèrent les rivalités de ville en rivalités d’empire, et le fier sénat du Capitole n’épargna longtemps ni sa colère ni son dédain au sénat grec, qui l’avait dépouillé d’une moitié de ses conquêtes. La jalousie se tourna en humiliation amère pour l’Occident, lorsque celui-ci, entamé sur toutes ses frontières, se vit décliner rapidement, tandis que son rival, favorisé par une situation meilleure et mieux gouverné peut-être, restait paisible et florissant. Rome put même se plaindre que dans plus d’une circonstance Constantinople s’était garantie des invasions qui la menaçaient en les détournant sur l’Italie. Cette secrète désaffection des peuples avait permis à Ricimer d’opérer entre les deux gouvernements une séparation effective, sans que Rome s’en préoccupât beaucoup. Cependant les malheurs dont fut suivie cette rupture de l’unité, l’insolente tyrannie des Suèves, l’empoisonnement de Sévère après le meurtre de Majorien, et l’impossibilité de trouver un empereur aux conditions qu’y mettait le dictateur, ramenèrent l’Italie au sentiment de sa vraie situation. Rome tourna ses regards autour d’elle, et son isolement l’épouvanta. Ce fut alors que le sénat fit près de l’empereur d’Orient. cette démarche qui lui valut Anthémius, démarche grave, insolite, douloureuse pour l’orgueil des Occidentaux, car elle contenait l’aveu de leur faiblesse, elle proclamait l’impuissance de Rome à se gouverner elle-même. Enfin, la fausse honte surmontée, on n’avait eu qu’à se féliciter de ce qu’on avait fait : la fille s’était montrée secourable à la mère ; elle lui donnait un empereur, une armée ; elle s’alliait avec elle pour la destruction de Genséric ; elle voulait enfin conquérir jusqu’à Ricimer lui-même à la concorde en l’attachant par un lien d’affection au raffermissement du monde romain. Voilà ce qui ressortait des derniers événements, ce que tout le monde sentait et disait, et ce que nous retrouvons sous des formes tantôt allusives, tantôt directes, dans le panégyrique d’Apollinaire.

L’intention se révèle dès le début par cette apostrophe à Constantinople :

Salut, s’écrie le poète, salut appui des sceptres, reine de l’Orient, Rome de ton univers ![12] Tu n’es plus seulement pour le Romain des contrées de l’aurore le siége vénéré de son gouvernement. : en donnant un de tes fils pour prince à l’Occident, tu t’es rendue chère au peuple entier de Quirinus ; oui, tu es vraiment la mère de l’empire[13]. La terre qui te porte soutient aussi le Rhodope et l’Hémus, terre de Thrace fertile en héros ! Là le froid endurcit les hommes ; un berceau de neige reçoit l’enfant à sa naissance, et la glace raffermit ses membres délicats. A peine connaît-il le sein maternel ; la veine d’un coursier le nourrit. ; il y suce au lieu de lait un sang fortifiant, et avec ce sang la passion de la guerre... Ainsi croissent les enfants de Mars !

Mais toi qu’environnent., comme une double ceinture, les mers de l’Europe et de l’Asie, tu participes à l’un et à l’autre climat, et le souffle glacé des aquilons de Thrace s’adoucit sur ta plage aux tièdes haleines que t’envoie Chalcédoine. Cependant Suse tremble à ton nom, et le Perse, fils d’Achémenès, prosterné et suppliant, abaisse devant toi le croissant de sa tiare. L’Indien, à la chevelure humide de parfums, travaille pour t’embellir ; désarmant à ton profit la gueule de ses nourrissons farouches, il en tire l’ivoire recourbé, et l’éléphant déshonoré va porter ses défenses en tribut aux rives du Bosphore. En vain ton peuple se déplore dans une vaste enceinte de murailles, il y est encore trop à l’étroit, et un môle immense est venu lui ouvrir une voie sur la mer : la mer s’indigne et les flots refoulés au loin mugissent contre une terre qu’ils ne connaissent pas[14]... Téthys d’un coté t’ouvre des ports et te sert de défense, de l’autre une contrée fertile t’entoure de ses moissons. Ville heureuse, qui es entrée en partage des triomphes de Rome ! Nous ne nous en plaignons plus. Que l’empire reste ainsi divisé : les plateaux de la balance se font équilibre ; tu les as fendus égaux en prenant nos poids ![15]

Anthémius, né dans les murs de Constantinople, y avait passé toute sa jeunesse. Cette circonstance fournit à l’auteur la matière d’un développement poétique : il nous décrit avec détail l’éducation que recevait au Ve siècle un noble romain dans la capitale de l’empire d’Orient. C’est une nomenclature méthodique des auteurs qu’Anthémius avait étudiés où du moins était censé avoir étudiés, pour devenir, comme il l’était, un parfait Romain de Byzance. Nous y voyons qu’un jeune Byzantin de noble extraction était tenu de savoir le latin tout aussi bien que le grec ; et qu’en dépit de sa propension naturelle pour la littérature des Hellènes, la politique le dirigeait de préférence vers les lettres latines. L’histoire de Rome, devenue celle du monde entier, était son histoire nationale. Si Thucydide, Hérodote, Xénophon, restaient encore pour l’adolescent qui parlait leur langue un objet de noble curiosité ; c’était dans Salluste, dans Tite-Live, dans Tacite, qu’il puisait la connaissance de son pays, leur étude assidue lui enseignait à devenir Romain. Anthémius aima surtout Tacite : Tacite qu’on ne peut nommer sans le louer, ajoute le poète[16]. Par une raison semblable, l’orateur privilégié dans la patrie de Démosthène était Cicéron ; Homère cédait le pas à Virgile, chantre de César et d’Énée ; Plaute, en qui circulait la vieille sève latine, venait prendre place après Virgile ; et le sceptre de la critique appartenait à Quintilien et à Varron. On réservait la littérature grecque, pour une étude étrangère au génie latin, celle de la philosophie, dont l’enseignement était d’ailleurs professé sur une très large base. Sidoine, à ce propos, passe en revue les divers chefs d’école, et tout en courant il parsème son énumération de quelques traits d’une mâle poésie : L’âme de Socrate, dit-il[17], revit dans le Phédon ; on l’y voit méprisant des fers auxquels elle va échapper. La mort elle-même tremble devant ce glorieux coupable, et le bourreau qui lui tend le poison pâlit en contemplant sa sérénité.

Au sortir des classes, Anthémius fait ses premières armes sous son père ; il épouse ensuite Euphémie, fille de l’empereur Marcien. C’est alors que lui arrivent les grands commandements, et avec eux les occasions de se distinguer ; il combat les Goths, près du Danube, les Huns dans un vallon de la Thrace ; le poète nous raconte fort au long toutes ces guerres qui n’ont qu’un rapport indirect avec notre sujet. Je les omets pour arriver plus promptement aux affaires occidentales, partie délicate du panégyrique, celle qu’attendaient sans doute avec une égale anxiété Ricimer et l’empereur, le sénat de Rome et les délégués de Constantinople.

Le poète aussi paraît comprendre la difficulté de sa tâche ; il suspend son récit pour se recueillir et appeler à son aide Apollon et les Muses, car plus sont graves les événements de ce monde, purs est épais le voile qui nous en dérobe les causes, plus le poète a besoin du secours des immortels. Apollon, s’écrie-t-il[18], remonte pour moi les cordes de ta lyre, assiste-moi !... Et vous, vierges de Castalie, daignez m’apprendre à quelle divinité propice nous devons Anthémius ; et par quelle mystérieuse influence l’union vient refleurir entre deux empires que la discorde avait séparés ! ... Ces formules de mystagogue païen se reproduisent plusieurs fois dans les poèmes de Sidoine composés sur un plan mythologique, et, dans lesquels on chercherait en vain l’empreinte d’une main chrétienne. Je fais cette remarque parce que Sidoine était non seulement un chrétien de profession, mais un chrétien sincère et fervent qui croyait avoir été guéri de la fièvre quelques mois auparavant par l’intercession des apôtres, et que le jour n’était pas loin où on le verrait porter avec gloire et sainteté les insignes de l’épiscopat. Mais l’emploi du langage païen, considéré comme lieu commun poétique, paraissait encore à la fin du Ve siècle une nécessité de bonne littérature et de bon goût, malgré des inconvénients réels, puisque l’ancienne croyance nationale subsistait toujours plus ou moins déguisée, non seulement dans les bas-fonds de la société romaine, mais à sa tête, dans le sénat de Rome. La poésie officielle surtout restait païenne en dépit du changement des mœurs, et faisait résonner aux oreilles des empereurs chrétiens, dans les cérémonies de l’État, des paroles que partout ailleurs on eût traitées de blasphèmes. Il fallait que Théodose entendit attribuer ses victoires à ce même Jupiter dont il avait renversé la statue et brisé les foudres magiques dans les défilés des Alpes Juliennes. On invoquait publiquement les dieux aux portes de leurs temples interdits : et le polythéisme chassé du culte public et des lois conservait un sanctuaire inviolable clans les formules de l’école.

La main des divinités ayant dessillé les yeux du poète, il touche de nouveau sa lyre et commence. Sévère, dit-il[19], cédant aux lois de la nature venait d’augmenter le nombre des dieux (qu’on n’oublie pas que Ricimer était présent) ; l’Italie à cette nouvelle quitte les sommets de l’Apennin ; elle se dirige vers la grotte verdoyante, d’où le Tibre, couronné de roseaux et de mousse, épanche ses premières ondes. Ce n’est plus cette mère jeune et puissante que chantait le cygne de Mantoue : Magna parens virum ! L’Italie de Sidoine est âgée et craintive. Affaiblie par le temps et par les chagrins, elle marche à pas lents appuyée sur un orme couronné de pampres, son bâton de vieillesse : plus de casque, plus de cuirasse ; ces armes sont trop lourdes pour des membres épuisés. Mais dans sa caducité même, l’Italie est toujours féconde, l’abondance suit ses traces ; la terre où elle pose le pied se couvre de fruits et de fleurs, et des ruisseaux de vin jaillissent autour d’elle. A son aspect, le Tibre étonné laisse tomber son urne et sa rame ; il veut se prosterner, il veut parler, mais elle le prévient par ces mots :

Je viens réclamer ton concours, écoute-moi bien ; car nos intérêts sont communs. Le chef qui nous gouvernait n’est plus : va trouver Rome, engage-la par tes prières, par tes pleurs, s’il le faut, à suivre désormais de meilleurs conseils. Dis-lui qu’elle se défasse enfin de cet orgueil qui nous perd, qu’elle daigne se faire aimer davantage[20]. Apprends-lui quels secours elle doit implorer, dans quelle partie de l’univers elle doit chercher un autre chef. Tous ceux qu’elle a pris dans mon hémisphère ont vu la fortune de l’empire crouler sous eux : qu’elle s’adresse aujourd’hui à l’Orient !

Combien d’ennemis m’assiègent de toutes parts ! D’un côté, le Vandale me presse et revient chaque année nous rendre les maux que nous fîmes jadis à Carthage. Par un bizarre renversement des choses, le Caucase, transplanté sous le ciel de Libye, sert aujourd’hui d’instrument aux fureurs de cette ville jalouse. Sans doute Ricimer est là, mais il est seul... L’invincible Ricimer, chargé de toutes nos destinées, repousse lui seul et avec des troupes qui sont à lui les pirates errants dans nos campagnes[21] ; mais à peine les a-t-il chassés, qu’ils reviennent : maîtres d’éviter le combat, ils le rendent éternel, et, fugitifs, ils semblent poursuivre leur vainqueur. Comment souffrir un ennemi qui nous refuse à la fois la paix et la guerre ? Car, ne nous abusons point, il ne traitera jamais avec Ricimer, qu’il abhorre, et si tu tiens à savoir les raisons de sa haine, je te les dirai.

L’orgueilleux Genséric fait sonner bien haut le nom d’un père incertain : la seule chose certaine, c’est qu’il est né d’une femme esclave[22], or, pour se trouver le fils d’un roi, il faut qu’il proclame l’adultère de sa mère. De là vient sa noire jalousie contre Ricimer : il lui envie sa naissance, parce que deux royaumes l’appellent à régner, les Suèves du côté de son père, les Goths du côté de sa mère. Il se souvient aussi que datas les veines du guerrier qui me défend coule le sang de Vallia, ce roi fameux, terreur des Vandales et de leurs frères les Alains, celui qui leur infligea un si rude châtiment dans les champs de Tartesse, et couvrit. de leurs cadavres les roches de Calpé. Mais, sans remonter aux anciennes déroutes, le pirate aurait-il oublié son désastre récent près d’Agrigente, quand Ricimer lui prouva qu’il était vraiment le petit-fils de ce roi goth qui ne vit jamais que le dos des Vandales ? La victoire de Ricimer égale à nos yeux, celle de Marcellus, à qui nous dûmes la Sicile...

Oui, la crainte de Ricimer arrête tous ces Barbares, prêts à faire irruption sur nos frontières[23]. Si l’Ostrogoth se contient encore en Pannonie, c’est qu’il le craint. si le Frank incapable de repos reste enchaîné au bord du Rhin, c’est qu’il le craint. Et quand l’ennemi perpétuel, le Vandale, et son compagnon l’Alain sont venus me piller, me déchirer jusque dans les entrailles, qui m’a vengée ? C’est lui. Pourtant Ricimer n’est qu’un homme ; seul, il peut retarder mes malheurs, il ne saurait les conjurer. Il nous faut un prince armé, qui ne commande pas la guerre, mars qui la fasse, qui marche lui-même devant nos étendards, et, nous rendant nos anciens droits sur les mers, fasse régner notre pavillon où l’on ne connaît plus que celui des Barbares[24].

Ce discours mis dans la bouche de l’Italie nous dévoile les influences fatales qui troublaient ce malheureux pays : passions de Romains contre Romains, de Barbares contre Romains, de Barbares contre Barbares ; tempêtes soufflant de tous les points de l’horizon pour s’abattre en commun sur l’Occident. Le poète met à nu ce que cette situation a de plus sensible, de plus irritable, et il ne craint pas d’y toucher. Il proclame au nom de la patrie ce qu’on attend du nouveau prince ; il lui enseigne son devoir, et ce devoir, c’est de régner en maître, de ne souffrir à son côté que des sujets, de restituer à l’empire ses propres armées, et de tenir lui-même le drapeau de Rome. Adressé à l’empereur en face de Ricimer, un tel conseil n’était point sans courage, de quelques flatteries que le poète sût l’envelopper pour adoucir le dictateur. Que demandait-il en effet, sinon la fin de la dictature ? Ce morceau nous signale encore un des grands dangers de l’empire dans cette immixtion de rivalités barbares aux affaires romaines. Enfin Rome elle-même y reçoit, pour sa dureté et son orgueil, des leçons d’une juste sévérité. Consulte les temps, lui dit le poète, laisse-là ton faste hors de saison et ne vis plus toujours dans le passé ; retiens ta domination qui t’échappe ; rattache par la concorde les deux moitiés du monde romain nécessaires l’une à l’autre ; sache te faire aimer ! C’était le cri de tout l’Occident.

Le dieu du Tibre va donc trouver le génie de la ville éternelle ; la déesse Rome [Dea Roma] reposait au milieu de ses vieux symboles, Mars, les jumeaux Romulus et Remus, la louve Ilia ; elle entend de la bouche du fleuve, son client, les conseils que lui adresse l’Italie. Son cœur s’émeut au récit de tant de maux ; et couvrant d’un casque sa tête chargée de tours, revêtant sa cuirasse d’écailles, elle s’élance dans l’air qui la transporte aux rivages de l’Océan Indien. Là, dans un palais de cristal et d’or. au, milieu des fleurs et des parfums, siège, sur un trône de pourpre, la lampe du jour à la main, l’Aurore, bénie de l’empire d’Orient. A l’aspect de Rome, l’épouse de Tithon s’effraie ; mais Rome la rassure par des paroles où elle entremêlé le reproche aux caresses, car la démarche qu’elle fait semble douloureuse à son cœur.

Ne crains rien, lui dit-elle[25], ce n’est pas la guerre qui m’amène ici ; je ne viens ni emprisonner l’Araxe sous mes ponts, ni faire boire aux soldats italiens les eaux du Gange. Artaxate avec ses campagnes peuplées de tigres, le royaume de Porus, l’Hydaspe et Bactres, et les remparts de Sémiramis ne trembleront point au bruit de mes clairons ; je n’ambitionne point le palais des Arsacides, et ne veux point donner le mot d’ordre aux portes de Ctésiphon. Cet hémisphère rte m’appartient plus, je te l’ai cédé ; mais aussi n’ai-je pas mérité par là que tu protéges ma vieillesse ?[26]

Le pays que bornent le Tigre et l’Euphrate est aujourd’hui ton patrimoine : il fut jadis le mien, je l’avais payé du sang de Crassus. Tu possèdes l’Arménie et le Pont : demande à Sylla ce qu’ils m’ont coûté. Te parlerai-je de la mer Égée, de ses îles et de ses rivages ? Tu règnes sur la Crète, que Metellus m’a conquise ; sur la Cilicie, que me soumit le grand Pompée ; sur les Laures et les Syriens, domptés par Servilius avec l’épée de mes légions. Crédule que j’étais, j’ai transporté à ton profit le testament d’Attale ! Je t’ai abandonné, l’antique Étolie et l’ Épire, et les campagnes, arrosées par l’Achéloüs ; tu dictes des lois à l’Illyrie et à la Macédoine, et les descendants de Paul-Émile vivent encore dans mes murs[27] ! L’Égypte t’ouvre ses greniers comme si tu avais gagné la victoire d’Actium ; la Judée t’obéit comme si Vespasien et Titus avaient été tes généraux. Et puisque tu domines la terre des Doriens, et l’Achaïe, et l’isthme heureux qui sépare les deux mers de la Grèce, raconte-moi, je te prie, quel Mummius byzantin t’a donné Corinthe ! Tu es riche, et tu vois affluer dans tes ports les marchandises de l’île de Chypre, conquête des Catons : je suis pauvre, et n’ai gardé des Catons que leur gloire[28].

Mais laissons de côté le passé et ses regrets : si tu veux assoupir nos vieilles querelles, accorde-moi Anthémius. Qu’il règne sur mon univers, comme Léon sur le tien ! Que le divin Marcien, dont l’astre brille aujourd’hui dans les cieux, contemple sa fille Euphémie revêtue de la pourpre qu’ont portée ses ancêtres ! Fais plus, et qu’une alliance privée raffermisse l’alliance publique ! Que Ricimer devienne le gendre de mon empereur[29] ! Leur noblesse est pareille, et si la vierge de Byzance est de sang royal, le défenseur de l’Italie l’est aussi. Consens à cet hyménée, l’Afrique recouvrée sera la dot...

Alors l’épouse de Tithon fait entendre ces courtes paroles : Ô ma mère, le sacrifice que tu me demandes est grand ! Mais prends, emmène avec toi ce chef dont l’assistance m’était si chère, seulement montre-toi plus douce envers moi, et tenons mieux les rênes du gouvernement en ne les séparant plus ![30] C’était la moralité du poème et celle de la situation.

Les deux déesses se donnent la main : Anthémius devient empereur d’Occident. Ricimer épouse sa fille, et de grands préparatifs d’armes vont effrayer Genséric dans Carthage. Ô prince, ajoute le poète en terminant[31], je renvoie à une prochaine époque la suite de mes chants. Quand tu seras consul pour la troisième fois et que ton gendre le sera pour la seconde, mon audace croissant avec vos succès, je dirai en quel nombre sont tes vaisseaux et tes soldats, et tout ce que tu auras accompli de grandes choses, et en combien peu de temps. Vœux superflus ! ce chant devait être le dernier du poète, et le sort ne réservait point à son héros un troisième consulat.

C’est ainsi que le député de la cité gauloise des Arvernes se trouva mêlé par hasard à une des dernières catastrophes de l’empire d’Occident.. Les conseils, les encouragements, les leçons qu’il adressait aux Romains sous une enveloppe mythologique, furent accueillis avec faveur. On applaudit aux beaux vers dont le poème brille par intervalles ; on applaudit peut-être davantage aux mauvais, qui chatouillaient le faux goût du siècle. Le succès dut être bien grand près de l’empereur et près du sénat, puisque le jour même Anthémius consul signait un rescrit qui nommait Sidoine Apollinaire préfet de Rome[32].

Sa préfecture ne présenta rien de remarquable qu’un incident de nature grave, à la vérité, et qui compromit un instant sa responsabilité de magistrat. Les arrivages de blé ayant manqué à raison des hostilités ouvertes entre les flottes romaine et vandale, la gêne des subsistances se fit sentir dans la ville ; déjà la multitude s’agitait, et la peur gagna Sidoine : Je tremble que la faim du peuple romain n’éclate par quelque tonnerre sous la voûte de l’amphithéâtre, écrivait-il à un de ses amis[33], et que la disette publique ne soit attribuée au malheur de mon administration. On voit qu’il s’agissait là de sa gloire et peut-être de sa vie : les éléments vinrent à son secours. Cinq transports sortis de Brindes avec un chargement de blé et de miel, ayant franchi sans obstacle le détroit de Sicile, furent amenés par les vents du côté d’Ostie. Sidoine, averti à temps, dépêcha un homme de confiance pour mettre la main sur ces bâtiments et leur faire remonter le cours du Tibre : l’apparition des navires calma l’effervescence populaire. L’alimentation de Rome était devenue le soin principal et presque unique des préfets de la ville dans ces derniers temps, et ce soin ne leur permettait pas toujours de dormir en paix. Symmaque nous raconte que, durant sa préfecture, il faisait le guet du haut des collines du Tibre, pour apercevoir le premier les bienheureux navires qui devaient tirer ses administrés d’une disette, et lui d’une mortelle inquiétude[34]. Si les difficultés étaient déjà grandes du temps de Symmaque, elles le devinrent bien davantage lorsque les Vandales eurent enlevé au peuple romain le premier de ses greniers, Carthage, et que leurs flottes purent bloquer le second, Alexandrie.

Quant à l’affaire pour laquelle Sidoine était venu en Italie, et dont il ne parle plus clans ses lettres, on peut croire qu’elle se termina comme il l’avait souhaité. Le crédit d’un préfet de Rome valait bien à cet égard le patronage de Gennadius ou la science de Cécina. Généreux et expansif comme un poète, Sidoine s’empressa de mettre sa nouvelle fortune au service de ses compatriotes transalpins, et non seulement il secondait leur ambition quand ils en montraient, mais il les aiguillonnait, il les poussait à briguer les charges publiques, persuadé que la patrie gauloise trouverait son compte dans. le travail et le succès de ses enfants. Il pensait aussi, non sans raison, qu’une des plaies de ce siècle, c’était le découragement ou la nonchalance des gens de bien, qui laissait le champ libre aux intrigues des aventuriers politiques.

Sidoine avait en Gaule un ami de jeunesse nommé Eutropius, qui, dégoûté du spectacle du monde, était allé s’enterrer dans un coin de sa province, où il partageait son temps entre la culture de ses domaines (il était du reste fort riche) et l’étude du philosophe Plotin. Pendant une partie du jour, Eutropius menait la vie d’un vrai paysan, labourant, semant, fauchant de ses mains, et pendant l’autre celle d’un sophiste, ce qui ne l’empêchait pas d’étaler dans sa demeure rustique une galerie d’images représentant ses aïeux, tous gens titrés et décorés à leur époque des plus hautes dignités de l’empire[35]. Sidoine blâmait cette vie, qu’il traitait de lâche ; il écrivit de Rome à Eutropius pour le gourmander, le tirer de sa torpeur et l’appeler vers lui. Oubliant le goût des vieux Romains pour la charrue, il demande à son ami s’il croit honorer cette galerie d’images, toutes vêtues de la toge des sénateurs, en se faisant le compagnon de ses bouviers, ou bien si ces hommes sévères, dont l’activité avait servi l’État aux dépens de leur repos, n’auraient pas flétri son oisiveté philosophique, ou plutôt sa paresse et son abandon de la patrie. Allons ! ajoute-t-il, secoue-moi ce sommeil humiliant pour ton nom ; viens t’enrôler à mes côtés dans la milice palatine[36], et joins-moi une préfecture à la philosophie. C’est un dicton de nos provinces qu’une bonne année dépend encore plus d’un lion magistrat que d’une bonne récolte[37] : voilà pourquoi je te désire. N’as-tu pas honte de n’avoir aperçu qu’une fois dans ta jeunesse Rome, le domicile des lois, le gymnase des lettres, le centre des dignités, la tête du monde, la patrie de la liberté ; Rome, notre ville à tous, et la seule dans l’univers qui ne tienne pour étrangers que les Barbares et les esclaves ?[38] Les aiguillons du poète tirèrent le philosophe de sa solitude : il vint à Rome, oublia Plotin, s’enrôla, comme disait son ami, dans la milice palatine, devint fonctionnaire, et donna un sage et utile préfet au prétoire des Gaules[39]. Quant à Sidoine, sorti de charge à l’expiration de l’année 468, il reçut d’Anthémius le titre de patrice[40], titre simplement honorifique clans ce cas, mais qui était pour un Romain de ce temps le couronnement d’une vie passée au service de l’État.

Cette même année 468 vit naître en Gaule une affaire très grave, étrangère à Sidoine, mais à laquelle il vint se mêler fort inconsidérément. Cette grande préfecture avait à sa tête en ce moment un Gaulois nommé Arvandus, qui l’avait administrée déjà une première fois pendant quatre années[41] avec une sorte de popularité, et que Ricimer avait replacé sur son siège lors du dernier interrègne, soit pour être agréable à la province, soit pour se délivrer de toute inquiétude à cet égard, pensant avoir fait choix d’un homme habile et expérimenté. Une telle faveur mit le comble à la présomption, déjà fort grande, d’Arvandus ; il se crut un de ces personnages avec lesquels les gouvernements sont obligés de compter dans les temps difficiles, et il afficha très haut son importance. C’était un homme d’une légèreté incroyable, facile dans ses relations, mais sans sûreté, prodigue de paroles qu’il se souciait peu de tenir et d’un argent qui ne lui appartenait pas, du reste infatué de lui-même et traitant avec un hautain mépris les conseillers et les conseils. Déjà criblé de dettes pendant sa première préfecture, il s’abîma tout à fait dans celle-ci, ne s’épargnant aucune folle dépense. Bientôt une armée de créanciers fondit sur lui, le harcelant sans relâche et mettant pour ainsi dire le prétoire des Gaules en état de blocus. Le préfet chercha d’abord à les apaiser au moyen de quelques détournements de deniers ; puis, les dépenses continuant, les exactions se multiplièrent et s’étendirent à tout. Arvandus espérait que la préoccupation actuelle des esprits et les catastrophes à venir déroberaient aux yeux ses méfaits, et lui assureraient l’impunité. Le scandale de ses dilapidations devint bientôt si criant, qu’au défaut de l’autorité centrale les notables de la province commencèrent à se consulter pour dresser contre Arvandus une accusation de péculat. Sur ces entrefaites, le gouvernement romain se constitue ; Anthémius arrive d’Orient, et le préfet des Gaules se voit menacé d’un jugement criminel, ou tout au moins d’une disgrâce.

Dans cette situation, Arvandus prêta l’oreille aux insinuations qui, de la part du roi des Visigoths, Euric, et de ses ministres, assiégeaient incessamment la fidélité des fonctionnaires romains, grands ou petits. Les allées et venues de certains personnages suspects d’intelligence avec les Barbares avant alarmé les bons citoyens, on observa le préfet, on épia toutes ses démarches, et un jour on parvint à intercepter une lettre sans signature, mais écrite au nom d’Arvandus de la main de son secrétaire et destinée au roi des Goths. Dans cette pièce, remplie d’excitations à la révolte, le correspondant d’Euric lui conseillait d’abord de ne point reconnaître l’empereur grec (c’est ainsi qu’il désignait Anthémius, récemment débarqué), puis de lui déclarer la guerre. Il lui démontrait aussi la nécessité de tomber avant tout sur le petit État breton armoricain, en qui la domination romaine trouvait un auxiliaire utile et dévoué. Enfin il s’efforçait de prouver à un homme qui ne rêvait que conquêtes et invasion de la Gaule, qu’en toute sécurité de conscience et d’après le droit des nations, il pouvait se partager ce pays, quand il lui plairait, avec le peuple des Burgondes. D’autres avis, d’une audace non moins criminelle, venaient compléter ceux-ci, provocations dangereuses, capables non seulement de stimuler l’ambition d’un roi belliqueux, tel qu’était celui de Toulouse, mais de lever les scrupules du Barbare le plus débonnaire. La lettre interceptée resta secrète entre les mains de ceux qui la possédaient jusqu’à ce que le moment fût venu d’en faire usage, de sorte qu’Arvandus put supposer ou qu’elle était perdue pour tout le monde, ou qu’elle était arrivée à son adresse.

Une province mécontente de ses magistrats, fût-ce son gouverneur ou président, fût-ce même le préfet du prétoire, pouvait demander leur mise en accusation et la poursuivre au siège du gouvernement romain, devant les tribunaux institués pour connaître des crimes publics. C’était l’assemblée représentative de la province, le conseil provincial, comme on l’appelait, qui formulait cette demande, après mûr examen ; puis une députation choisie par le conseil se rendait à Rome pour soutenir devant le tribunal compétent les dires de la province, articuler les preuves, assurer le châtiment du magistrat prévaricateur. Une constitution d’Honorius, rendue en 418, avait réglé la composition et la tenue du conseil des sept provinces gauloises, qui siégeait dans la métropole d’Arles, et remplaçait l’assemblée générale des trois Gaules depuis que le territoire transalpin avait été démembré par les Barbares[42]. Soit que l’époque fixée pour sa session ordinaire et annuelle fût arrivée, soit que le gouvernement central, à la réquisition des notables habitants, eût accordé une session extraordinaire, le conseil des sept provinces se réunit dans la métropole d’Arles, à l’effet d’examiner la conduite d’Arvandus. Les faits de péculat étaient patents, nombreux ; les accusateurs avaient les mains pleines de pièces d’une évidence irrécusable : Arvandus fut donc dénoncé à l’empereur par un vote unanime ; mais l’étonnement fut grand lorsque quelques membres du conseil produisirent la lettre interceptée, où chacun put reconnaître par ses yeux l’écriture du secrétaire du préfet. On s’écria de toutes parts qu’il y avait là trahison infime et crime de lèse-majesté, et que ce second chef d’accusation devait être joint au premier. On fit venir le secrétaire, qui confessa sans hésiter que la lettre avait été écrite de sa main, mais sous la dictée de son maître. Aussitôt un décret de double accusation fut rendu pour crime de péculat, et crime de lèse-majesté ; mais on s’engagea par serment, à garder le silence sur le second grief clans la crainte qu’Arvandus, se voyant découvert, ne se sauvât chez les Visigoths : le même silence fut imposé au secrétaire sous les menaces les plus terribles. Cela fait, on nomma, pour porter le décret à Rome et soutenir l’accusation devant les juges, trois citoyens notables entre tous, Tonantius Ferréolus, de Lyon, ancien préfet du prétoire des Gaules, l’Arverne Thaumastus, de la famille Avita et parent de Sidoine Apollinaire, et Pétronius, d’Arles, qui passait pour un jurisconsulte consommé. Arvandus, qui crut jusqu’au bout qu’il ne s’agissait que d’une action de péculat, qui pensait d’ailleurs s’être mis à couvert de toutes les preuves, manifestait à peine quelques inquiétudes, quand il se vit arrêter et embarquer pour l’Italie sorts la gardé de ses propres soldats.

Le préfet des Gaules, tant sa légèreté était grande, ne réfléchit pas un seul moment à sa situation. Tout le long de la route, on l’entendit plaisanter sur lui-même et sur ses accusateurs, et la traversée, très souvent orageuse des bouches du Rhône aux côtes de la Toscane, s’étant passée sans accident, il répétait à tout propos : Doutez-vous maintenant de mon innocence, quand vous voyez les éléments s’apaiser en ma faveur et m’obéir comme des esclaves ?[43] A son entrée dans Rome, on le remit à la garde de Flavius Asellus, comte des largesses sacrées, et, en considération de sa dignité, le Capitole lui fut assigné pour prison. Il attendit là fort doucement et en pleine quiétude d’esprit que les députés gaulois arrivassent â leur tour dans la métropole impériale : ils ne tardèrent pas beaucoup, et après les visites et les préliminaires d’usage le procès s’instruisit devant un tribunal de dix membres, chargé alors de connaître des accusations capitales contre les sénateurs.

C’était dans les premiers mois de l’année 469, et Sidoine, sorti de sa préfecture ; n’avait pas encore quitté Rome. Il avait connu Arvandus au delà des Alpes, et faisait profession d’amitié pour lui. La double accusation sous le poids de laquelle le magistrat gaulois était. amené en Italie, l’ardeur extrême que manifestaient les provinces transalpines, le choix de leur députation, où figuraient des personnages considérables, amis ou parents de Sidoine, tout cela semblait conseiller à l’ex-préfet de Rome non pas de renier son ami, mais de mettre la plus grande réserve clans sa conduite entre l’accusateur et l’accusé. Cette réserve était simple et naturelle de la part d’un homme honnête que devaient révolter les crimes dont on chargeait Arvandus ; mais Sidoine, vaniteux et inconséquent, vit surtout dans ce procès l’occasion de jouer un rôle et de montrer son crédit. Arvandus est mon ami, se disait-il, et je prouverai que Sidoine dans la prospérité n’abandonne point ses amis malheureux[44]. Sous l’empire de ce sentiment plus orgueilleux que tendre, il se proclama le patron d’Arvandus et se crut un héros. Le pire de tout cela, c’est qu’il ne se faisait pas d’illusion sur la probité de son ami, dont il qualifie l’administration de dévastatrice. Je me dois à moi-même de lui rester fidèle, répétait-il à tout venant, et il ajoutait par une flatterie déguisée sous un faux semblant de liberté : Je montrerai que sous un bon prince on peut aimer un accusé de lèse-majesté et le dire[45]. Du moins eût-il pu ne se faire ni le conseil de l’accusé, ni le révélateur de la partie secrète de l’accusation, ni l’instigateur d’un mensonge, mais il ne sut s’abstenir de rien.

De compagnie avec un certain Auxanius, jurisconsulte de Rome, qui paraît avoir été l’un des conseils d’Arvandus, il alla trouver l’ancien préfet des Gaules et l’entretint de cette lettre interceptée dont l’accusation ne parlait qu’avec mystère, se proposant d’en faire usage à l’improviste, pour surprendre l’accusé et l’accabler de son propre aveu. C’était en effet là le plan de Ferréolus et de ses deux collègues : la lettre ainsi que les circonstances qui l’avaient fait tomber entre leurs mains étant tenues sous un profond secret, afin d’agir instantanément et énergiquement sur l’accusé et sur les juges. On se bornait à dire qu’il y avait dans cette lettre une accusation de lèse-majesté portée par Arvandus contre lui-même, et que les jurisconsultes qui l’avaient vue regardaient la condamnation comme assurée. Auxanius et Sidoine n’en savaient pas davantage. Arvandus, lui disaient-il, écoute-nous : prends bien garde au piège qu’on veut te tendre ; abstiens-toi de tout aveu, quel qu’il soit[46]. Le silence et une dénégation absolue peuvent seuls te sauver. Cette prudence n’était point du goût d’Arvandus. Tantôt souriant de pitié, tantôt s’emportant contre ses amis avec une colère dédaigneuse : Retirez-vous, s’écriait-il, épargnez-moi de si lâches avis ; hommes dégénérés, indignes de pères qui se sont illustrés dans les affaires, laissez-moi les miennes, où vous n’entendez rien : vous n’êtes que de vils procureurs. Arvandus a pour lui sa conscience, et cela lui suffit. Il permettra peut-être à ses avocats de plaider sur les prétendus faits de concussion ; quant à l’accusation de lèse-majesté, il la réserve pour lui et ne s’en inquiète guère. Tel fut le succès de la démarche de Sidoine, juste récompense de sa vaniteuse sollicitude. Il sortit de la demeure d’Arvandus triste et humilié, comme un médecin qui voulait sauver un fou et que le fou a jeté à la porte : c’est lui-même qui nous fournit cette comparaison[47].

Une coutume des temps républicains, conservée malgré de si nombreuses révolutions, voulait que les accusateurs d’un magistrat, les députés d’une province pillée, d’une ville blessée dans son honneur ou clans son intérêt, se présentassent à Rome dans un attirail fait pour exciter la pitié, et visitassent ainsi leurs juges et les hauts fonctionnaires dont le patronage pouvait les servir. La députation gauloise eut soin de se conformer à l’usage : on la voyait traverser les rues et les places en habit de deuil, la chevelure négligée, le visage triste et sévère, attirant sur elle par l’humilité de son maintien la commisération ou du moins la sympathie publique. Arvandus au contraire affichait à tous les regards une impudente sécurité. Mis en liberté provisoire, il semblait avoir pris domicile au Forum ; c’est là qu’on l’apercevait chaque jour, vêtu d’une robe blanche élégamment drapée, courant à droite et à gauche, échangeant des saluts, interpellant les passants, et provoquant tout le premier les félicitations sur son acquittement prochain. Parfois il interrompait sa promenade pour entrer dans les boutiques qui garnissaient la place, marchandait des bijoux, faisait déployer des étoffes de soie, donnait son avis sur quelque belle pièce d’orfèvrerie, touchait à tout, contrôlait, estimait tout, et, entremêlant son dialogue de déclamations contre les temps et les lois, se plaignait des juges, du sénat, du prince lui-même, qui ne prenait point souci de le venger avant de l’avoir entendu.

Cependant arriva le jour du procès, et dans la curie, transformée en cour de justice, les décemvirs prennent place sur leur tribunal, le sénat étant au grand complet. Bientôt on appelle les parties : l’accusé et ses défenseurs devaient être introduits dans la salle par un côté, les accusateurs par l’autre. Arvandus s’élance le premier, et se présente avec un front rayonnant, bien peigné, bien poncé, tandis que les trois Gaulois, à moitié vêtus de noir et le visage triste et pâle, attendaient modestement l’huissier des décemvirs. Avant l’ouverture de l’audience, on autorise ceux des comparants qui étaient de rang préfectoral à prendre place sur les bancs. Aussitôt Arvandus, montant précipitamment les degrés, court avec une effronterie maladroite s’asseoir presque au milieu de ses juges ; Ferréolus au contraire, et ses deux collègues, bien que les égaux d’Arvandus en dignité, vont se ranger à l’extrémité des derniers bancs, faisant voir par là que, s’ils étaient sénateurs, ils n’oubliaient point pour cela leur rôle d’accusateurs et de députés : tout le monde applaudit à leur sage réserve. Sur ces entrefaites, les débats sont ouverts, et les députés debout exposent l’objet de leur mission ; ils lisent d’abord le décret provincial qui les institue, passent à l’énumération des griefs, spécifient les faits de péculat, articulent les preuves, et arrivent enfin à la lettre qui était le coup secret de l’accusation, La lecture en est à peine commencée, qu’Arvandus s’écrie brusquement et sans provocation que c’est lui qui l’a dictée. Cela est de toute évidence, répondent les députés, c’est Arvandus qui a dicté cette lettre infâme. Lui, comme frappé de vertige, demande quel crime contiennent ces pages, et répète deux ou trois fois qu’elles sont, bien de lui. Ô juges, dit alors un des accusateurs en élevant la voix, vous entendez l’aveu du coupable ; il se reconnaît criminel de lèse-majesté[48]. Cette scène parut faire sur les juges une profonde impression.

La lecture de la lettre ayant été achevée, on cita les textes de lois qui définissaient le crime de lèse-majesté, qui en précisaient les circonstances, qui en établissaient les peines. Ce fut alors qu’Arvandus se repentit, mais trop tard, de sa loquacité inqualifiable ; il pâlit en entendant la loi comme à la découverte d’une chose nouvelle et inattendue. Ce préfet du prétoire des Gaules, vieilli dans les honneurs, ignorait à ce point le droit de son pays, qu’il croyait l’application des lois de lèse-majesté bornée aux attentats contre le prince et à l’usurpation de la pourpre. Le commentaire de Ferréolus ou de Pétronius le tira de son erreur, son enivrement se dissipa ; toute cette poussière de futilité et de confiance en soi-même tomba pour ne laisser voir qu’un abattement misérable. Il demandait grâce, il suppliait, et les bras étendus vers l’assemblée il conjurait tout le monde de l’épargner. C’était un triste spectacle que celui de cet homme couvert d’or et de soie, de ce suppliant si soigneusement paré, qu’attendaient la prison publique et pour le moins les latomies et les ergastules d’esclaves. Les décemvirs prirent du temps pour délibérer et prononcer le jugement. Toute audition de témoins devenait inutile par la reconnaissance de la lettre ; le crime était constant, il entraînait la peine de mort, et la mort fut décrétée.

Un sénatus-consulte, rendu sur la proposition de Tibère, accordait au condamné à la peine capitale un délai de dix jours entre l’arrêt et l’exécution ; ce délai avait été successivement étendu à trente : c’était un bénéfice que tout condamné pouvait invoquer, et qu’Arvandus réclama du fond de sa prison. Ces trente jours d’attente furent pour lui une longue et cruelle torture qui lui mettait sous les yeux jusque dans ses rêves le croc, les gémonies, le lacet et l’horrible figure du bourreau. Ici encore Sidoine Apollinaire vint à son secours. Soit mécontentement de l’indocilité de son ami, soit plutôt vergogne de jouer devant le sénat le rôle de patron d’un tel homme dans une telle cause, l’ancien préfet de Rome n’avait point voulu assister au jugement, et sous un prétexte quelconque il avait quitté la ville ; mais après la condamnation il écrivit à l’empereur pour obtenir en faveur du coupable, sinon une grâce entière, du moins celle du dernier supplice, et à son retour à Rome il fit près d’Anthémius les plus pressantes démarches : il réussit. Arvandus, après avoir vu ses biens confisqués (ce n’était pas ce qui le tourmentait le plus), fut frappé du bannissement perpétuel : Il eût dû mourir de honte, il a la force de vivre[49], dit à ce sujet son protecteur, qui ne l’épargne pas trop dans ses lettres. Tout le monde blâma Sidoine de sa nouvelle intervention, moins excusable encore que la première, puisqu’elle sauvait de la mort un traître avéré, un grand coupable, dont la punition eût été salutaire à ses pareils. Qu’importait l’exil à cet homme qui calculait si bien le déclin de l’empire et croyait à sa chute prochaine ? Du lieu de son bannissement, il attendrait chaque jour, l’exil fixé sur la mer, qu’un vaisseau d’Arles ou de Carthage vînt lui apporter sa délivrance avec la nouvelle que Robe n’était plus. Dans l’espérance de ces traîtres qui trafiquaient de la patrie au profit des Barbares, un tel châtiment, c’était l’impunité.

Sidoine lui-même dut regretter amèrement sa faiblesse, lorsque rentré en Gaule, il vit s’agiter autour de lui cette multitude de Gaulois, agents des Visigoths, dont l’issue de ce procès sembla redoubler l’audace. Il quitta Rome vers le milieu de 469, quand déjà l’aspect des affaires devenait plus sombre, et regagna Lyon, le cœur plein de tristes pressentiments. Il y tomba juste au milieu d’une fête barbare qui ne contribua pas à l’en distraire ; c’était le mariage d’un prince franc nommé Sigismer, avec la fille du roi Burgonde qui avait dans cette ville sa résidence et le siège de sa domination. Sidoine vit le jeune fiancé arriver près d’une des portes où le reçurent en grand apparat les officiers burgondes.

Sigismer était un homme de haute taille et d’apparente vigoureuse, à la face sanguine, aux cheveux d’un rouge ardent qui tombaient en boucles sur ses épaules[50]. 11 avait pour vêtement une tunique serrée, de soie blanche brodée d’or, recouverte d’un manteau de pourpre, et le harnais de son cheval étincelait d’or et de pierreries. A son entrée dans la ville, il sauta à bas de sa monture et gagna à pied, par honneur pour son beau-père, le prétoire où celui-ci l’attendait : son cortège en fit autant. Les nobles francs défilèrent ainsi dans les rues de Lyon en tenue de guerre complète : justaucorps bariolé effleurant à peine le jarret, sayon vert garni de franges rouges, jeté sur le dos en guise de manteau, et jambards de cuir non tanné liés au-dessous du genou et au-dessus de la cheville, laissant le mollet découvert. Leurs bras robustes restaient nus jusqu’au coude. De la main droite, ils portaient une lance munie de crocs, et une de ces haches de jet, à double tranchant, arme nationale des Francs ; l’autre main soutenait un bouclier d’or, à rebords d’argent, qui protégeait leur flanc gauche ; un long sabre pendait aux courroies de leur ceinturon. L’air retentissait au loin du cliquetis de l’acier. Le prétoire où les reçut le roi burgonde n’était autre que l’ancien palais des empereurs romains, celui d’Auguste, de Claude, de Sévère, bâti non loin de l’autel consacré jadis par la Gaule au génie de Rome et des Césars. Des hôtes royaux, chevelus et armés, qui n’entendaient point le latin et commandaient aux Romains en langue germanique, y tenaient maintenant leur cour, y donnaient leurs fêtes, y célébraient leurs mariages. Sidoine n’avait quitté les Barbares en Italie que pour les retrouver au delà des Alpes : ils étaient partout.

Ce spectacle lui pesait. Sans se mêler à la fête plus que ne l’exigeaient les devoirs de son rang, il partit pour l’Auvergne résolu d’y finir sa vie, dans sa chère retraite d’Avitacum, entre son lac et son bois de pin sillonné de cascades, entre sa bibliothèque et une société élégante qui s’occuperait d’études plutôt que d’affaires. Mais il n’y trouva point cette paix qu’il rêvait. D’autres grandeurs, d’autres agitations qui ne sont point de mon sujet le vinrent chercher dans sa solitude, pour le rejeter bon gré malgré sur la scène du monde.

 

 

 

 



[1] Ammien Marcellin, XII, 7. — Mamert., in Grat. Act. — Spartian., Adrian. - Ausone dit de lui-même dans le poème sur son consulat :

Jam venit Augustus nostros ut comat honores,

Officio exornans, quos participare cupisset.

Ausone, in Consulat.

On appelait officium la visite et le cortège faits aux nouveaux consuls à leur entrée en charge. Pline, Epist., IX, 37.

[2] Mamert., in Grat. Act.

[3] Id. ibid. — Cf. Claudien, III, C. Honor.

[4] C’était le vieux costume gabien usité à Rome dans certaines cérémonies politiques ou religieuses. Claudien, ub. sup.

[5] Voyez la maquette de Rome sur le site d’André Caron : http ://www.maquettes-historiques.net/page5.html

[6] Ammien Marcellin, XXII, 7. — Claudien, Cons. Honor. — Sidoine Apollinaire, Carm., II, ad fin.

[7] Virgile, Æn., l. IX, v. 449.

[8] Ammien Marcellin, XVI, 10.

[9] Claudien, VI, Cons. Honor.

[10] Procope, Bell. Vand., I, 5. — Theophan., p. 93.

[11] C’était la tradition de Rome d’après Baronius, qui joint à l’église de Saint-Jean de Latran, celle de Saint-Pierre et de Saint-Paul. Les églises avaient été épargnées presque toutes par les Goths, lors du premier saccagement.

[12] Sidoine Apollinaire, Carm., II, v. 30.

[13] Ibid., v. 31 et sqq.

[14] Ibid., v. 58.

[15] Ibid., v. 65.

[16] Sidoine Apollinaire, Carm., II, v. 192.

[17] Ibid., v. 180.

[18] Ibid., v. 307 et sqq.

[19] Ibid., v. 317.

[20] Ibid., v. 343.

[21] Ibid., v. 352 et sqq.

[22] Ibid., v. 361.

[23] Ibid., v. 377 et sqq.

[24] Ibid., v. 383 et sqq.

[25] Ibid., v. 441.

[26] Ibid., v. 452.

[27] Ibid., v. 483.

[28] Ibid., v. 471.

[29] Ibid., v. 483-484.

[30] Ibid., v. 516 et sqq.

[31] Ibid., v. 542-543. Anthémius avait été une première fois consul en Orient.

[32] Sidoine Apollinaire, Epist., I, 9. — Ibid., fx, 16.

[33] Epist., I, 10.

[34] Symmaque, Epist., III, 55.

[35] Sidoine Apollinaire, Epist., I, 6.

[36] Ibid.

[37] Epist., III, 6.

[38] Epist., I, 6.

[39] Epist., III, 6.

[40] Vit. Sidon. ap. P. Sirmond.

[41] Au moment de son procès, Arvandus avait été préfet cinq ans en cumulant ses deux préfectures. — Sidoine Apollinaire, Epist., I, 7.

[42] Const. Honor. Agric. Præf. Gall. ap. D. Bouq. Script. Rer. gall. et franc., t. I, p. 766.

[43] Sidoine Apollinaire, Epist., I, 7.

[44] Ibid.

[45] Ibid.

[46] Ibid.

[47] Ibid. Discedimus tristes, et non magis injuria quam mœrore confusi. Quis enim medicorum jure moveatur, cum desperatum furor arripiat... ?

[48] Ibid.

[49] Ibid.

[50] Sidoine Apollinaire, Epist., IV, 20.