AGNÈS SOREL ET CHARLES VII

 

CHAPITRE DIXIÈME.

 

 

Le château de Mehun-sur-Yèvre. — Le château de Bois-Sire-Amé. —Agnès Sorel maitresse en titre du roi. — Quelques détails sur la vie de cour. Fêtes de Nancy et de Châlons. — Les Valentins et les Valentines. — Rondeaux du roi René. — Tournoi poétique entre le roi René et son cousin Charles d'Orléans. — Le rôle d'Agnès Sorel dans ces fêtes. — Histoire de Jacques de Lalain et de deux grandes dames. — Les amies d'Agnès. Marguerite l'Écosse, femme du Dauphin. — Ses goûts. — Le baiser d'Alain Chartier. — Mort de la Dauphine. — Marguerite d'Anjou. — Son mariage. — Agnès dame d'honneur de la reine d'Angleterre. — La fille de la Petite reine.

 

Le goût de Charles VII pour les arts s'est marqué surtout dans les embellissements et les accroissements successifs que reçut, par ses soins, le château de Mehun-sur-Yèvre, ancienne résidence royale, qu'il semble avoir affectionnée d'une façon particulière. Ce château, aujourd'hui en ruine, ainsi que nous l'avons dit, était au quinzième siècle un des plus beaux de la province et du royaume[1]. Les pierres employées à sa construction étaient d'une blancheur presque égale au marbre. Du plateau où il était bâti et où l'on arrivait par une pente insensible, la vue domine de tous les côtés de l'horizon, un pays d'une admirable fertilité. Au pied du plateau, au midi, coule la rivière d'Yèvre qui arrose dans son cours de grasses prairies se déroulant au loin et coupées de distance en distance par des rideaux de peupliers. Vu des tours du château, par une belle soirée, ce paysage devait paraître admirable. L'une de ces tours, celle du nord, avait une hauteur prodigieuse, et sa plate-forme, d'une circonférence considérable, était surmontée d'un belvédère percé de longues fenêtres en ogive couronnées de sculptures délicates. De là l'œil pouvait découvrir un horizon immense : d'un côté, c'était Vierzon, où l'Yèvre et le Cher se mêlent au milieu des vignes et des vergers. En se rapprochant de Mehun, les communes de la Chapelle-Saint-Ursin, de Joëcy, de Marmagne, de Saint-Laurent se trahissaient, au milieu des arbres, par la flèche hardie de leurs clochers. Bâtie au-dessus de la porte d'entrée du château de Mehun, la chapelle du roi était remarquable par l'élégance et la richesse de ses sculptures, œuvre des plus habiles ouvriers du temps. Elle était adossée à la tour du Nord. D'autres tours avaient aussi leur nom particulier ; c'étaient la tour du Cabinet de la Reine, la tour de l'Observatoire, la tour des Princes ; ces deux dernières reliées par un corps de bâtiment dont un des étages portait le nom de Salle du Conseil. Sur le même niveau et à côté de l'étage supérieur de la tour des Princes, était une pièce à laquelle la tradition conserva le nom de Chambre d'Agnès[2].

C'est au château de Mehun, à quelques lieues de la ville, que résidait Charles VII quand il venait du côté de Bourges, et c'est là qu'il avait placé, vers l'époque de la grande faveur d'Agnès, comme le siège de son gouvernement et de ses plaisirs[3]. Plusieurs raisons expliquaient la prédilection du monarque pour cette résidence, indépendamment de la beauté de la résidence même : c'étaient d'abord des souvenirs de jeunesse, c'était aussi le voisinage des deux châteaux des Dames et de Bois-Sire-Amé, qui permettait de loger la favorite d'une manière digne d'elle et du grand état qui lui avait été accordé alors. Il parait qu'Agnès habita d'abord une pièce du château de Mehun. Elle demeura ensuite dans celui des Dames, où son souvenir est tout vivant encore, et dont le propriétaire actuel a conservé longtemps, dans un des appartements, le portrait de Charles VII, peint en Hercule, couvert d'une peau de lion, et celui d'Agnès avec son armoire, sa toilette, ses chenets, son fauteuil et sa table[4]. Mais c'est, selon toute probabilité, le château de Bois-Sire-Amé[5] qui devint sa demeure définitive, souvent quittée pour Loches, Chinon, etc., quand sa situation acquit une sorte de consécration officielle. Il était plus vaste que celui des Darnes ; de cette sorte il était plus facile d'y établir une petite cour et d'y donner l'hospitalité aux amis de la favorite.

Tout le monde a admis deux périodes dans la carrière d'Agnès, à partir de sa liaison avec Charles VII : l'une obscure, discrète du moins, et cachée comme une sorte de demi-jour, que tous les regards ne perçaient pas ; l'autre ouverte à tous les yeux, publique, officielle. Pendant le cours de la première, Agnès tient sans doute une grande place dans les plaisirs et les divertissements de la cour : la supériorité de son esprit et de sa beauté, l'empire tout-puissant qu'elle exerçait sur le roi, laissent assez à penser qu'elle y donnait le ton, qu'elle en était l'âme, et comme l'inspiration et la muse de cet esprit nouveau que nous venons de signaler ; mais elle n'a pas encore son grand état de favorite, son quartier de maison, comme dit un chroniqueur ; elle n'est par conséquent qu'à l'arrière-plan dans les fêtes officielles. Dans la seconde période, il n'en est pas ainsi : elle est partout où est le roi ; tous les yeux se portent sur elle, comme nous pouvons en juger par le Journal d'un Bourgeois de Paris. Il est même très-facile de deviner sa présence dans les fêtes où les chroniqueurs s'abstiennent de nous la révéler. — Une chose qu'on n'a peut-être pas assez remarquée, c'est que ces fêtes coïncident précisément avec cette seconde période : il semble que le roi, fier de la beauté de sa maîtresse, se fasse un plaisir d'en faire montre, et qu'il trouve un raffinement de volupté, non dans le scandale, mais dans la publicité de sa liaison.

Malgré l'amour frénétique des plaisirs bruyants qui existait en France à cette époque, et que le malheur des temps semblait encore aviver, nous ne voyons ni joutes ni tournois, donnés par la cour en l'honneur d'Agnès dans la longue période qui s'étend du traité d'Arras à la trêve de 1444. Le roi ne quitte point ses tranquilles retraites des bords de la Loire et du Cher et n'y goûte que des plaisirs tranquilles comme elles. Ses seuls divertissements extérieurs et ses plaisirs les plus violents sont la pêche, la chasse et le jeu de l'arbalète. Tout à coup, au moment où sa liaison se découvre, où Agnès prend à sa cour un état tout nouveau, nous voyons se produire une série de fêtes, que l'on ne cherche pas, nous le croyons, mais que l'on ne fuit pas, et dans lesquelles le roi, comme s'il était sous l'empire d'une excitation toute particulière, aime à jouer un rôle actif, à payer de sa personne. Ainsi, à l'occasion d'événements politiques, traités, congrès, mariages. ou même d'événements sans importance, pendant trois ou quatre années les fêtes se succèdent avec une animation croissante et un éclat qui ne diminue pas. En 1444, nous trouvons des fêtes à Tours pendant le congrès, en 1445 à Nancy et à Châlons ; en 1446, d'abord c'est un tournoi entre Chinon et Rasilly, puis un second tournoi à Saumur ; en 1447, c'est encore un tournoi dans les environs de Tours, et le roi, qui approche de la cinquantaine, ne dédaigne pas de prendre part aux jeux et de rompre une lance comme un jeune chevalier.

Le 20 mai 1444 fut signée à Tours une trêve, prélude d'un traité de paix entre la France et l'Angleterre. Pendant les semaines qui précédèrent et qui furent employées aux préliminaires, le roi se trouvait à Tours. Il avait avec lui une foule de grands personnages, entre autres le duc Charles d'Orléans, son frère le comte de Dunois, René d'Anjou, roi de Sicile, le duc de Calabre, son fils, les ducs de Bretagne et d'Alençon ; les comtes du Maine, de Vendôme, de Richemont, de Saint-Paul, d'Étampes, etc. Philippe le Bon, duc de Bourgogne, était venu prendre part aux négociations avec grand nombre d'ambassadeurs et d'officiers. La reine de France accompagnait le roi Charles, assistée de quarante dames, parmi lesquelles se trouvait Agnès Sorel[6]. Isabelle de Lorraine, reine de Sicile, était venue d'Angers la rejoindre, avec sa fille la célèbre Marguerite d'Anjou, qu'on allait donner pour épouse au roi d'Angleterre, afin de cimenter la paix entre les deux royaumes. Les fêtes se succédèrent sans interruption. Le comte de Suffolk, représentant du roi d'Angleterre au congrès, et Pierre de Brézé, représentant du roi de France, firent exécuter à Tours une joute à l'arc entre les archers de l'ambassade anglaise et ceux de France[7]. Le 1er mai, quelques jours après, la reine et la Dauphine, Marguerite d'Écosse, montèrent à cheval suivies d'un nombreux cortège de Valentins et de Valentines (on comptait trois cents galants, nobles et hommes d'armes) et se rendirent aux champs pour cueillir le mai et le rapporter en ville. Quelques jours après, le 24 mai, le mariage de Marguerite d'Anjou se célébrait à Tours, au milieu de réjouissances extraordinaires. Il y eut, en effet, diverses subtilités et travestissements (entremets). Tels étaient deux géants qui entrèrent, ayant deux grands arbres dans leurs mains. Après eux, venaient deux chameaux portant leurs tours sur leurs dos et la semblante de gens d'armes combattant, qui s'escrimaient mutuellement et l'un contre l'autre de leurs lances. Aussitôt après le souper, les reines, les seigneurs et les dames dansèrent jusqu'à une heure avancée (intempestivum). Tous montèrent à cheval et se retirèrent à leurs hôtels[8].

Nous voulons insister sur un des détails de ces fêtes, sur la promenade des Valentin et des Valentines. Cette fête de Saint-Valentin avait une grande vogue en ce temps-là, dans toutes les classes de la société. La société élevée était si loin de la dédaigner qu'elle la faisait figurer dans le programme de ses plaisirs. Mais ici elle prend un caractère particulier ; elle n'est pas seulement une poésie par l'époque de l'année où elle se place, et le sentiment qu'elle symbolisé ; elle prend la marque même de la poésie, et c'est sous cette forme nouvelle qu'elle se montre à l'aurore de la société polie. Ne serait-ce pas à l'occasion des fêtes auxquelles donnait lieu le mariage de sa fille, et de cette cavalcade de Valentin et de Valentines que nous venons de mentionner, que le roi de Sicile aurait écrit les deux rondels suivants ?

IER RONDEL

Après une seule exceptée,

Je vous serviray ceste année,

Ma doulce Valentine gente ;

Puisqu'Amours veult que m'i consente

Et que telle est ma destinée.

De moy, pour aultre abandonnée

Ne serez ; mais si fort amée,

Qu'en devrez bien estre contente,

Après une seule exceptée.

Or me soit par vous ordonnée

S'il vous plaist, à ceste journé

Va (vôtre) voulenté doulce et plaisante ;

Car à la faire me présente

Plus que pour dame qui soit née,

Après une seule exceptée.

IIE RONDEL

Je suis desja d'amours tanné,

Ma très doulce Valentinée ;

Car pour moy justes trop tost née

Et moy pour vous fu trop tar né.

Dieu lui pardoint ! qui estrené

M'a de vous, pour toute l'année ;

Je suis desja d'amours tanné

Ma très-doulce Valentinée.

Bien m'estoye souspeçonné Qu'auroye telle destinée ;

Ains que passast ceste journée,

Combien qu'Amours l'eust ordonné :

Je suis desja d'amours tanné.

 

Si l'on devait répondre affirmativement à notre question, nous aurions à nous demander à qui s'adressaient ces aimables et galants refrains. Ce n'était pas à Jeanne de Laval, la jeune femme que René devait épouser plus tard, qu'il épousa dix ans après, en 1455. Jeanne de Laval n'était encore en 1441 qu'une enfant. C'était assurément à une des grandes dames réunies à la cour du roi de France, à l'une de celles qui y avaient rang, et, sans oser l'affirmer, nous inclinerions assez à croire que cette grande dame était Agnès Sorel. Quoique Agnès n'eût officiellement d'autre titre que celui de fille d'honneur de la reine, elle était pour René une amie de vieille date ; son ascendant sur Charles VII n'était pas inconnu au prince, et il n'y avait dans l'étiquette de cour aucune loi qui lui interdit de faire à la favorite un hommage qui pouvait la flatter sans déplaire au roi. Nous pourrions remarquer que le roi de Sicile avait toujours besoin du roi de France, qu'il n'épargnait ni ses troupes ni son escarcelle, qu'en ce moment même venait d'éclater son différend avec les Messins, et que la courtoisie, en supposant qu'elle ne fût pas désintéressée, pouvait dans la circonstance venir en aide à ira politique. Du reste, nous n'insistons pas sur ce point, d'une importance secondaire pour le but que nous nous proposons, qui est de montrer l'esprit de la société polie en France dans ses premières origines.

Ce but justifiera également une autre hypothèse. M. Champollion-Figeac nous a fait connaître dans sa belle et savante édition des poésies de Charles d'Orléans, le tournoi poétique qui s'engagea vers ce temps-là entre le captif d'Azincourt, désormais libre et heureux dans son château de Blois, et son cousin René d'Anjou. Les deux poètes devisent d'amour, comme il convient. Charles se plaint, dans son premier rondel, de n'avoir retiré de ses nombreuses amours que le regret de ne plus être aimé, et il jure de ne plus être asservi à l'amour. René, dans sa réponse, lui dit qu'il a tort de battre en retraite et insinue qu'il ne le croit pas si à plaindre qu'il le chante. Dans un deuxième rondel, René prend l'initiative à son tour : il se croit plus malheureux que son ami ; il l'est d'autant plus qu'il doit cacher son tourment, feindre et se taire. Le duc répond que, pour lui, s'il parle (le son mal, c'est qu'il y est contraint, que chacun a sa peine, et sait où son pourpoint l'estraint, que lui, il chasse contre fortune et est menacé de désespoir — c'est-à-dire sans doute qu'il n'a plus l'espoir d'être aimé.

Bien deffendu, bien assailly,

dit René ; mais c'est l'amour qui jugera les coups et décidera lequel des deux est le plus à plaindre. Il pourra juger de ma situation en sachant que je n'ai pas un temps defailly de compter mon mal puis deux jours — c'est-à-dire que depuis deux jours il ne s'est pas écoulé un seul moment où je n'aie songé aux tourments que l'amour me cause.

Bien assailli, bien deffendu ;

riposte Charles en retournant le refrain du rondel ; mais il faut cesser la lutte : le débat roule d'ailleurs quasi sur un malentendu : il ne s'agit pas de savoir qui des deux est le plus malheureux d'amies, mais lequel est le plus à plaindre de celui qui souffre de l'amour ou de celui qui n'en peut plus souffrir, parce qu'il a passé le temps d'aimer.

Vray est qu'est es d'amour feru

Et en ses fers estroit tenu ;

Mais moy non ainsi l'entendons ;

Il a passé maintes saisons

Que me suis aux armes rendu ;

Bien assailly, bien deffendu[9].

Que cette joute poétique ait eu lieu pendant les fêtes de Tours ou plus tard vers 1450, elle n'en reste pas moins un trait de mœurs, un signe du temps, qu'il est bon de noter. Il faudra franchir près d'un siècle avant de retrouver ce langage à la cour de France, si même il ne faut pas pousser jusqu'au temps de la Fronde et de l'hôtel de Rambouillet[10].

Les fêtes de Nancy et de Châlons qui succédèrent à celles de Tours furent encore plus brillantes et méritent de nous arrêter, ne fût-ce qu'à cause de quelques-uns des accidents de la vie de cour qu'elles révèlent, et qui contribuent à nous initier aux mœurs de l'époque.

Les noces d'Yolande d'Anjou avec son cousin Ferry de Vaudemont, le départ de Marguerite pour l'Angleterre et la soumission de la ville de Metz par les armes du roi de France, furent l'occasion des fêtes de Nancy. René tint pendant huit jours dans cette ville, de grants et somptueux estats où furent festoyés Charles VII, Marie d'Anjou, le Dauphin, les ducs d'Orléans, de Calabre, de Bretagne, d'Alençon, les comtes de Foix, de Richemont, du Maine, d'Angoulême, les plus illustres prélats, les plus brillants seigneurs et les plus belles dames du royaume. Des lices furent dressées dans la prairie de Nancy. Charles VII y jouta contre le roi de Sicile. Plusieurs seigneurs s'y distinguèrent par les plus beaux coups de lance : aussi bien on ne se décidait pas aisément à vider la selle et à dire aux dames : Je n'en peulx mais. Quelques-uns n'en revinrent pas tout entiers, car ils y laissèrent leur cœur, si nous en croyons les chroniqueurs, d'accord ici avec la nature humaine. C'est là aussi que l'illustre Pierre d'Aubusson fit vœu de consacrer sa vie à combattre les infidèles. Enfin aux joutes se mêlèrent les ballets, qui ne le cédèrent point en éclat aux amusements plus virils. Un surtout est célèbre ; c'est celui que venait d'apporter d'Angleterre Jean, comte d'Angoulême, frère du duc d'Orléans, et dont le manuscrit original nous est resté[11].

Une des héroïnes de ce ballet, Marie de Bourbon, femme de Jean d'Anjou, duc de Calabre, et Marie de Clèves, duchesse d'Orléans, jouèrent leur rôle dans un épisode de la fête que nous devons raconter.

Parmi les gentilshommes de Bourgogne accourus à Nancy pour prendre part aux divertissements, se trouvait le jeune et brillant Jacques de Lalain, dit le bon chevalier, à qui son père avait fait au moment de se séparer de lui la recommandation de suivre en tout point les commandements de l'Église, en y ajoutant cette autre recommandation si connue : Jacques, beau fils, sachez que peu de nobles hommes sont parvenus à la vertu de prouesse et bonne renommée s'ils n'ont dame ou damoiselle de qui ils soient amoureux. Après les noces dont nous venons de parler, la série des plaisirs de la cour menaçant de s'épuiser, Charles d'Anjou et Louis de Luxembourg, son beau-père, résolurent pour éviter oiseuse, de faire aucune chose dont on sache à parler, et de publier, en la présence du roi et des dames, une joute à tout venant. Jacques de Lalain, encore écuyer (il était né en 1422) vint supplier les princes de lui céder l'honneur de les remplacer et de tenir en leur lieu et place le pas d'armes. Sa requête fut agréée et la joute tenue par Jacquet (c'était son petit nom) s'ouvrit solennellement dans la prairie de Nancy.

La joute, publiée le 10 avril, n'eut lieu que le 25. Dans l'intervalle, Jacquet, tout plein des recommandations de son père, et particulièrement de celle qui était le plus en rapport avec son âge, ne perdit pas son temps ; il attira l'attention de deux dames jeunes et belles, du plus haut parage, qui tenaient grande place dans les fêtes, Marie de Clèves, duchesse d'Orléans, et Marie de Bourbon, duchesse de Calabre. Elles désiroient fort, dit la chronique du chevalier, avoir les devises dudit Jacquet, et' étoit chacune d'elles si bien en gràce, sans que l'une s'aperçust de l'autre, que merveilles étoit. Si, l'oyoient moult volontiers parler, désirant que leurs maris le ressemblassent... Icelles dames étoient en tel point, que nuict et jour ne sçavoient que penser, pour trouver moyen honnête de parler à lui... Quant à Jacquet, suivant trop bien la recommandation de son père, un jour il devisoit avec l'une, le lendemain avec l'autre, ou si à point se gouverna, en tout honneur, qu'oncques il ne fist chose dont il dust estre repris devant Dieu ni le monde.

Le jour de la joute venu, Jacquet parut dans la lice magnifiquement équipé, portant sur son heaume une gimpe, bordée de perles à franges d'or, présent secret d'une des dames qu'il servait, et au bras gauche une riche manche, toute ruisselante de pierreries, présent également secret de l'autre. Les belles protectrices de Jacquet prirent place côte à côte dans la même loge. A l'aspect de leur protégé ainsi vêtu, frappées d'étonnement, l'une à la vue de sa manche, l'autre de sa guimpe, elles se firent part de leurs impressions, se trahirent involontairement l'une vis-à-vis de l'autre, puis se séparèrent secrètement courroucées. Jacquet eut les honneurs de la journée. Le soir, au banquet, où il reçut le prix, il fut assis entre les deux dames rivales. La première, très-secrètement, et sans que l'autre s'en aperçût, donna à Jacquet un très-riche diamant ; et pareillement en fit la seconde d'un moult bel rubis, assis en un anel d'or.

Cependant la position du bon chevalier devenait délicate. Une première difficulté tenait aux recommandations paternelles, qu'il était assez malaisé de concilier, bien qu'il ne se couchât jamais le soir sans s'être confessé, une seconde à la rivalité croissante des deux duchesses, qui se piquaient au jeu et pouvaient lui faire un mauvais parti. Trop jeune pour mener de front une double intrigue, trop habile peut-être et trop ambitieux pour se fixer' à une préférence qui pouvait être, à plusieurs titres, périlleuse, il se décida à battre en retraite, et, bien qu'il suivit les deux dames à Châlons, il eut soin de se tenir à distance et dans les limites d'une respectueuse déférence[12].

Les fêtes de Châlons, qui succédèrent presque sans interruption à celles de Nancy et ne furent pas moins brillantes, se terminèrent par un événement sinistre, dont quelques circonstances présentent un intérêt particulier.

Le 1er juin 1445, Charles VII était arrivé en grande pompe à Châlons, où la reine l'attendait depuis deux mois. De grandes fêtes s'y étaient données pour célébrer les mariages de Charles d'Anjou, comte du Maine, avec Isabelle de Luxembourg, et du connétable de Richemont, qui se remariait en troisièmes noces, avec Catherine de Luxembourg, et aussi à l'occasion de la visite de la duchesse de Bourgogne, qui était venue remplir une mission diplomatique auprès du roi de France. Charles VII avait eu toutes les satisfactions de la puissance, et Marie d'Anjou toutes celles de la vanité. Elle avait entendu la fière duchesse de Bourgogne lui faire la confidence de ses chagrins domestiques[13], et, ce qui dut lui être plus sensible, elle l'avait vue renchérir envers elle sur le cérémonial des cours et appliquer en sa faveur, dans toute sa pompe rigide, ce code de l'étiquette qu'elle avait rédigé elle-même, et qui est resté depuis la loi suprême. Lorsqu'en effet Isabelle de Portugal se présenta devant elle, au château de Sarry-ès-Châlons, elle print la quetie de sa robbe en sa main, et Posta à celle qui la portoit, et quand elle marcha dedans l'huis, elle la laissa traîner et s'agenoüilla bien près jusques à terre ; et puis marcha jusques au milieu de la chambre, là où elle fit encore un pareil honneur, et puis recommença à marcher toujours vers la Royne, laquelle estoit toute droicte, et là trouva Madame ainsy emprez le chevet de son lict, et quand madame la Duchesse recommença à faire le troisième honneur, la Royne demarche (avança) deux ou trois pas, et Madame se mit à genouil ; la Royne lui mit une de ses mains sur l'espaulle, et l'embrassa, et la baisa et la fit lever.

Quand maditte Dame fut levée se ragenouilla bien bas et vint à Madame la Dauphine, laquelle estoit à quatre ou cinq pieds près de la Royne, et pareillement Madame se mit à genouil, et comme avoit fait la Royne, Madame la Dauphine baisa Madame la Duchesse : mais il sembloit à veoir la manière de Madame la Dauphine qu'elle eust voulu garder que Madame la Duchesse ne se fust pas agenouillée jusques à terre[14].

C'est quelques jours après cette grande solennité de l'étiquette que le roi et la reine de France furent frappés à l'improviste et comme par un coup de tonnerre. La jeune Dauphine, dont nous avons vu le bon naturel éclater dans cette scène de cour, qui venait de prendre une part brillante aux grandes fêtes de Nancy et de Châlons, sans y mettre son cœur toutefois, est enlevée par une mort soudaine, rendue plus affreuse encore par les circonstances qui l'accompagnent.

Marguerite d'Écosse, première femme de Louis XI, est célèbre dans l'histoire des lettres par le baiser platonique qu'elle donna à Alain Chartier, et que nous ne nous dispenserons pas de rappeler. Ainsi qu'elle passoit en une salle où ledit maître Alain s'estoit endormy sur un banc, comme il dormoit, le fut baiser devant toute la compagnie ; dont celui qui la menoit fut envieux et lui dit : Madame, je suis esbahi comme vous avez baisé cet homme qui est si laid ; car, à la vérité, il n'avoit pas beau visage. Et elle fit réponse : Je n'ay pas baisé l'homme, mais la précieuse bouche de laquelle sont issus et sortis tant de beaux mots et vertueuses paroles[15]. C'était une douce et noble créature, une femme toute d'idéal et de poésie, qu'un caprice du sort avait jetée dans les bras du plus prosaïque des hommes. Mariée, étant encore enfant, elle avait été élevée dans la cour de Charles VII ; elle avait eu pour maître Alain Chartier et s'était perfectionnée à son école dans l'étude de cette langue de France que Brunetto Latini proclamait dès lors délitable entre toutes, et à laquelle elle avait déjà été exercée dans sa première patrie. Les lettres faisaient ses délices et semblent avoir été sa grande et unique passion. Elle s'y livrait même avec une ardeur excessive, qui compromit sa santé[16]. Le Dauphin ne l'aimait pas et on le soupçonna de l'avoir fait empoisonner. L'enquête judiciaire, ouverte après sa mort, témoignait qu'elle mourait d'amour, mot qui, hâtons-nous de le dire, n'exprimait pas au quinzième siècle ce que nous entendons aujourd'hui, mais bien l'ensemble des faits, des idées, des sentiments' chevaleresques, la guerre, les tournois, l'art, la poésie, l'idéal ; et l'on crut en effet que l'amour de l'étude et de la poésie fut la principale cause de sa fin prématurée. Telle est du moins la déclaration des médecins. Quelquefois le soleil se levait, dit le principal témoin, avant que madame s'allât coucher ; quelquefois monseigneur le Dauphin avait eu le temps de faire un somme ou deux. Elle aimait tant à écrire des rondeaux, que dans une seule journée elle en composait jusqu'à douze, ce qui la fatiguait outre mesure[17].

Des doutes restèrent cependant, et l'histoire ne les a pas dissipés. Les sentiments du Dauphin pour sa femme et sa conduite à son égard, comme son caractère personnel, assez marqué dans la suite, ne sont pas faits pour l'innocenter. Son agent, dans cette triste et ténébreuse affaire, aurait été un gentilhomme breton, Lamet du Tillay, entré naguère avec Pierre de Brézé dans la faveur du roi, mais familier du Dauphin et tout à sa dévotion. Un soir d'hiver, à Nancy, Marguerite avait pris place dans son boudoir sur une espèce de chaise longue appelée couche. Elle causait avec messire Jean d'Estouteville, seigneur de Blainville, et un autre seigneur de ses amis. Les deux jeunes gentilshommes étaient appuyés assez familièrement sur sa couche. Il était neuf heures du soir, et la pièce n'était éclairée que par la flamme du foyer. Du Tillay entra inopinément, suivi de Regnauld du Dresnay, maître d'hôtel de la Dauphine, et s'adressant à celui-ci, il s'écria que c'était grande paillardise à lui et aux autres officiers de laisser ainsi la chambre de la princesse sans torches allumées, à une pareille heure de la nuit. L'apostrophe de Jamet du Tillay et le propos inconvenant dont il s'était servi furent colportés par un gentilhomme écossais, Nicole Chameleur, compère et compagnon de Jamet ; ils parvinrent jusqu'aux oreilles du roi et du Dauphin, et il en résulta pour la princesse un mortel déplaisir.

Telles étaient les prédispositions de Marguerite lorsque le 7 août 1445, après une visite du château de Sarry à l'église de Lépine, élégante construction qui subsiste encore de nos jours, mais sous une forme nouvelle, la jeune Dauphine fut atteinte d'une fluxion pulmonaire, qui fit des progrès effrayants. L'agonie dura une semaine. Plus d'une fois, la malheureuse princesse protesta contre les bruits malveillants répandus contre elle. Ah ! Jamet ! Jamet ! disait-elle, vous en êtes venu à vos fins ; si je meurs, c'est par vous et pour les paroles que vous avez dites sans cause ni raison… Je prends Dieu à témoin sur mon âme et sur le baptême que j'ai reçu, que je n'ai pas fait honte à monseigneur le Dauphin. Le sénéchal de Poitou, présent à cette scène, dit à du Tillay : Méchant ribaut, c'est toi qui la fais mourir. Robert Poitevin, prêtre et médecin de la reine et d'Agnès Sorel, entendit sa confession et lui recommanda de pardonner à du Tillay. Elle s'y refusa d'abord. Le confesseur insistant, jusqu'à trois fois elle répondit : Non ! Toutes ses femmes la prièrent à mains jointes ; elle leur dit sans nommer personne : Je le pardonne donc, et de bon cœur. Ses dernières paroles furent celles-ci : Fi de la vie de ce monde, ne m'en parlez plus[18]. C'est l'adieu que fera plus tard Agnès Sorel à la vie.

L'histoire ne nous dit pas si la favorite fut présente ou non à ces divers événements, à ces fêtes éclatantes de Nancy et de Châlons, si tragiquement terminées. Sur ce point, comme sur beaucoup d'autres, nous en sommes réduits aux conjectures. Mais comme ces fêtes coïncident avec l'époque même de la grande faveur d'Agnès, que son influence sur son amant et sur les affaires va grandissant chaque jour[19], que cette année-là même vint au monde la troisième fille qu'elle donna au roi, il n'est guère permis de penser qu'il fût resté pendant plusieurs mois éloigné de sa maîtresse. Nous devons croire aussi qu'elle assista aux autres fêtes et joutes qui eurent lieu les années suivantes, d'abord entre Chinon et Rasilly, puis auprès de Saumur, et qui sont connues dans l'histoire sous le nom de l'Emprise de la gueule du Dragon, et le Pas de la Joyeuse Garde. Sans aucun doute aussi elle vit de ses yeux cette ordalie malheureuse[20], accordée à contre-cœur par Charles VII, où, sous la présidence même du roi, périt un jeune gentilhomme de grande espérance, Louis de Bueil, le fils d'un de ses amis : dernière et triste scène d'une série de longues réjouissances, qui ne se renouvelèrent plus, dont le temps du reste était passé, et qui ne pouvaient être, dans cette -cour polie et cultivée, qu'un jeu de l'imagination, un incident, le caprice éphémère d'une mode surannée.

Nous avons vu déjà quelles hautes amitiés Agnès Sorel avait rencontrées dans sa vie avant sa grandeur, Isabelle de Lorraine, la reine Yolande, René d'Anjou. La reine de France elle-même fut l'amie d'Agnès, malgré la situation qui devait les séparer. Dans cette cour de Mehun-sur-Yèvre, où tout le monde était à ses pieds comme le souverain, où une élite de jeunes femmes d'un esprit généralement cultivé était réunie avec la Dauphine Marguerite et les filles du roi, déjà arrivées à l'adolescence, où Marguerite et Yolande d'Anjou, les filles de René et d'Isabelle, venaient sans cesse de leur résidence d'Angers, dans cette cour enfin qui attirait à ses fêtes les femmes les plus brillantes du grand monde d'alors, la légère Marie de Bourbon, duchesse de Calabre, l'élégante et spirituelle Marie de Clèves, duchesse d'Orléans, ce ne sont pas à coup sûr les amitiés de femmes qui ont dû manquer à la favorite, qu'elles vinssent des affinités de l'esprit et du caractère ou des calculs de l'ambition.

Parmi les premières, parmi ces amitiés où le cœur ne met que la meilleure partie de lui-même, et qui peuvent se rencontrer même à la cour entre jeunes femmes, nous aimerions à trouver les noms de la douce Marguerite d'Écosse, de l'héroïque Marguerite d'Anjou, au premier plan et, à côté, parmi les dames d'honneur, cette spirituelle Jeanne Filleul, qui faisait des vers et dont nous avons encore un rondeau, Marguerite de Salignac et Brigitte de Melun, dames d'honneur de la Dauphine, et comme elle éprises du goût des lettres. Mais le silence de l'histoire nous condamne à ne rien affirmer sur ce point d'une manière absolue. Comment toutefois résister à la séduction des vraisemblances, au moins en ce qui concerne la Dauphine et Marguerite d'Anjou ? Nous n'en avons pas le courage, d'autant moins que plus nous séjournons dans cette cour de Charles VII dans cette période relativement brillante et pure, que nous parcourons, plus nous y sentons l'influence d'Agnès inspiratrice et dominante.

Marguerite d'Écosse était dans toutes les conditions de caractère et de situation pour subir cette influence et pour la goûter. Fiancée à l'âge de trois ans au Dauphin, élevée à la cour de France, mariée en 1436 à l'âge de douze ans, au moment où commençait la faveur d'Agnès, aimée tendrement du roi et de la reine, à cause de la douceur de son caractère et du charme naturel de ses manières, peu goûtée de son mari, à qui il fallait des séductions plus robustes, elle avait par tous les côtés des droits à l'affection d'une femme, douce et aimable comme elle, qui était l'objet des mêmes sympathies et des mêmes répugnances. D'autres points les rapprochaient encore, la similitude de l'éducation, le goût des choses de l'esprit, et jusqu'à ce besoin du luxe qui n'est souvent qu'une des formes si variées de l'amour du beau, une sorte de poésie vivante, quand il n'est pas l'instrument exclusif de la vanité et qu'il sait commander à la mode au lieu de s'y asservir. Marguerite aimait comme Agnès les plaisances mondaines n, ainsi que parle Jean Chartier ; elle parut aux fêtes de Nancy dans une toilette splendide : elle avait reçu à cette occasion, par les mains de Jacques Cœur, la somme de deux mille livres tournois pour avoir des draps de soie et de martre (fourrure) pour faire robbe pour notre personne. Ce même cri de mépris jeté sur les choses humaines, au moment suprême, par l'une et par l'autre, également enlevées avant le temps, montre aussi que ce goût des choses du monde n'avait chez aucune d'elles envahi l'âme tout entière, et qu'au fond se cachait cette source profonde de mélancolie qui se rencontre chez presque toutes les natures d'élite.

Des raisons plus particulières et plus plausibles viennent à l'appui de notre opinion en ce qui concerne Marguerite d'Anjou. Agnès Sorel l'avait vue naître ; elle était l'amie de sa famille. Quoiqu'elles fussent séparées par les années, l'éternelle jeunesse dont sa beauté décorait Agnès, son charmant esprit, l'enjouement de son caractère comme l'éclat de sa position, que les préjugés, à tort ou à raison, ne ternissaient pas aux yeux de la maison d'Anjou, tout rapprochait aisément ces deux personnes supérieures, et le temps ne dut que resserrer les premiers liens qui les avait unies. La faveur marquée que Charles VII témoigna toujours à sa nièce, s'explique sans doute par le sentiment de la famille, mais elle peut aussi révéler une influence spéciale, qui serait celle de sa maîtresse. Marguerite trouva chez Pierre de Brézé, dans toutes ses fortunes diverses, parfois si cruellement agitées[21], un dévouement inaltérable, et Pierre de Brézé était un des amis les plus intimes de la favorite. Enfin, lorsqu'elle devient reine d'Angleterre et qu'on forme sa maison, le premier nom qui se présente est celui d'Agnès, qui lui fut attachée à titre de dame d'honneur[22]. Il y a là un ensemble de circonstances qui nous parait bien avoir la valeur d'une preuve matérielle.

Une amitié, non pas plus certaine selon nous, mais plus authentiquement démontrée, c'est celle de cette madame de Belleville à qui est adressée une des cinq lettres d'Agnès[23].

Madame de Belleville était une sœur naturelle.de Charles VII ; elle était fille de Charles VI et d'Odette de Champdivers, si connue sous le nom de la petite reine. Née en 1407, elle n'était que de quelques années l'aînée d'Agnès. Comme elle, elle était fille d'honneur de la reine ; le roi l'avait appelée à ce poste en 1428 et, après l'avoir légitimée, l'avait mariée à un de ses gentilshommes, Jean de Harpedame, seigneur de Belleville[24]. Elle était aussi d'une nature distinguée : elle avait montré 'dans l'adversité de grandes qualités de caractère et un vif sentiment de patriotisme ; c'est ainsi qu'elle rejeta, toute jeune et presque enfant, une aumône humiliante que lui faisait le duc de Bourgogne, et qu'elle entra dans la conspiration ourdie contre les étrangers par Marie de Berry, duchesse de Bourbonnais, qui gouvernait alors le duché en l'absence de son mari, prisonnier des Anglais depuis Azincourt[25]. Cette rapide biographie suffit pour montrer ce qui pouvait rapprocher la fille de Charles VI et la maîtresse de son fils. La lettre d'Agnès ne laisse du reste aucun doute sur le sentiment qui les unissait. Bien qu'elle traite particulièrement d'un événement de chasse, et qu'elle ne soit à proprement parler qu'un simple billet, on voit assez par l'allusion qui y est faite à un grant ennuy où serait madame de Belleville, que c'est une amie qui écrit à une amie.

Ainsi, dans ce monde de cour, où tant d'amitiés étaient faciles pour elle, tout porte à penser que ce sont les plus élevées et les plus nobles qui lui sont échues.

Elle ne fut pas plus mal partagée du côté des hommes. Les personnages les plus distingués de ce règne, qui vit tant d'hommes distingués, ont été parmi ses amis, et plusieurs d'entre eux lui ont dû d'arriver à la faveur du maitre ou de s'y maintenir.

 

 

 



[1] Pierre Clément, Jacques Cœur et Charles VII, p. 319 et suiv. — Nous empruntons à cet excellent ouvrage les détails qui vont suivre.

[2] Le plan de l'ancien château de Mehun se trouve dans le volume de Labouvrie de Bourges, Relation de la monstre, etc. (voir p. 2, note 1). — Le château de Mehun a été détruit en partie, dit-on, par le feu du ciel ; les niveleurs de 1793 l'ont à peu près achevé. On voit encore aujourd'hui les restes de deux de ses tours dont les ruines font, au milieu du paysage, toujours magnifique, un effet des plus pittoresques. L'une d'elles, la mieux conservée, sert, à l'occasion, de prison aux vagabonds. (note de M. Pierre Clément, Jacques Cœur et Charles VII, p. 320.)

[3] Un poète contemporain dit :

En celui temps, je fus jeune et enrièvre,

Servant dames à Tours, à Mehun-sur-Yèvre.

(Vallet de Viriville. Histoire de Charles VII, t. III, p. 28.)

[4] Mémoire historique sur le Berry, par M. Bengy-Puyvallée (Annuaire du Berry pour 1843, p. 57). M. Bengy-Puyvallée peut parler sciemment du château des Dames et des objets qu'il renferme, puisqu'il appartient à son fils. Ces meubles, ajoute-t-il, sont plus curieux par leur ancienneté que par la beauté de l'ouvrage. Une chose remarquable, c'est que sur les parois intérieures de la toilette est représentée la passion de Notre-Seigneur.

D'un autre côté, on voit dans l'ouvrage sur Jacques Cœur de miss Costello (p. 176), que ces objets, dont elle fait une description plus flatteuse que M. Bengy-Puyvallée, sont déposés maintenant au musée de Bourges.

[5] Ce château, situé dans la commune de Vorly, canton de Levet (Cher), appartenait au quatorzième siècle à Louis de Charbron, seigneur de Bois, et il s'appelait le château de Bois. Un siècle après il fut acheté par Jacquelin Trousseau, dont le petit-fils épousa la fille de Jacques Cœur ; il se nomma alors le château de Bois-Trousseau. — Artault Trousseau, père de Jacquelin, l'ayant loué ou prêté à Charles VII, celui-ci chargea Jacques Cœur de compter à Artault Trousseau une somme de mille écus d'or, 'valant alors 1375 livres tournois. C'est à cette époque que les habitants du pays lui donnèrent le nom de château de Bois-Sire-Amé. — Le château a eu successivement pour propriétaires les Châteauneuf, Jean-Baptiste Colbert, le comte de Pontchartrain, un descendant de l'Hôpital, et, dans les temps modernes, les maréchaux Mac-Donald et Beurnonville, le duc de Massa, le comte Perregaut, M. Aubertot. Des ruines imposantes donnent une idée de la grandeur et de l'importance des anciennes constructions. (Annuaire du Berry, 1843.)

[6] Delort se trompe quand il nous dit qu'Agnès n'assistait pas aux noces de Marguerite d'Anjou.

[7] Le prix de mille écus fut gagné par les Écossais de la garde du roi de France.

[8] M. Digby traduit sur un extrait latin communiqué par M. Stevenson. (Vallet de Viriville. Histoire de Charles VII, t. II, p. 454.)

[9] Voir A. Champollion-Figeac, Les Poésies du duc d'Orléans (Paris, 1842, in-8°).

[10] Il faut remarquer que les deux rondels de René et de Charles d'Orléans ont le même thème que les deux célèbres sonnets de Voiture et de Benserade, qui firent si grand bruit dans la vie de madame de Longueville.

[11] Le libretto portait en titre : Basse danse de Bourgogne. Le ballet se composait de plusieurs pas, exécutés successivement par diverses personnes, savoir : deux danseurs et quatre danseuses. Les danseurs étaient Charles, duc de Bourbon, père de la duchesse de Calabre, et Falet ; les danseuses, la reine de Sicile, Madame de Calabre ou Marie de Bourbon, sa belle-fille ; Madame la Dauphine et une dame de la cour, madame de Facon. (Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. III, p. 65, 66.)

[12] Voir la Chronique de Lalain.

[13] Olivier de la Marche, t. II, p. 316.

[14] Les honneurs de la cour, par Aliénor de Poitiers, fille de Madame de Namur, dame d'honneur d'Isabelle de Portugal, duchesse de Bourgogne. (La Curne de Sainte-Palaye, Mémoires sur l'ancienne chevalerie, t. II, p. 155, 156.)

[15] Jean Bouchet, Annalles d'Aquitaine, p. 256 (Poictiers, 1644, in-4°).

[16] Dans les Dépositions judiciaires on lit : M. de Charny dit qu'il avoit entendu qu'elle n'étoit point habile à porter enfans, et si ainsi elle étoit qu'elle allât de vie à trépassement, il faudra marier Monseigneur le Dauphin à une autre qui fust encline à porter enfans ; il avait ouy dire à madame de Bois-Mesnard (dame matrone de la cour), qu'elle (la Dauphine) mangeait trop de pommes aigres et de vinaigre et se ceignoit aucune fois trop serrée, aucune fois trop lasche, qui étoit chose qui empeschoit bien à avoir enfants Monseigneur n'aimoit point la dite dame pour ce que par aventure ses basses marches ne se portoient pas bien. (Duclos, Histoire de Louis XI, t. IV, p. 54, 56.) — Deux historiens anglais ont prétendu que Marguerite avait l'haleine forte et que ce défaut fut la cause de l'éloignement de son mari. (Le Roux de Lincy. Les Femmes célèbres de l'ancienne France, t. I, p. 448.)

[17] Les Femmes célèbres de l'ancienne France, t. I, p. 449. — Duclos, Histoire de Louis XI, t. IV, p. 54.

[18] Les Femmes célèbres de l'ancienne France, p. 452.

[19] Voyez Duclos, Pièces justificatives, 1746, in-12. — Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. III, p. 76.

[20] Le combat singulier dont il est question ici eut lieu entre Tours et les Montils, le 5 février, entre Louis de Bueil et un Anglais. (Escoucby-Beaucourt, t. I, p. 108 et suiv. — Fabyan, Cronicle of London, 1559, in-f°, p. 447. Relation de la joute, Ms. Harléien, publiée par M. Lambron de Lignim. Mémoires de la Société archéologique de Touraine, t. XI, p. 288 et suiv.) Voir Vallet de Viriville.

[21] Biographie Didot. Article Marguerite d'Anjou, par M. Vallet de Viriville.

[22] Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. II, p. 452.

[23] Voir chapitre premier.

[24] Anselme, Histoire généalogique de la maison de France.

[25] D. Plancher. Histoire de Bourgogne, t. IV, p. 89.