Epoque des relations
d'Agnès Sorel et de Charles VII. — Trois systèmes à ce sujet. — Discussion de
ces systèmes. — Esquisse rapide du règne de Charles VII jusqu'à la chute de
Georges La Trémouille. — Situation du royaume en 1433. — Etat de la cour à la
même époque. — Georges de la Trémouille. — Regnault de Chartres. — Révolution
de palais. Meurtres de Pierre de Giac et de Beaulieu. — Chute de la Trémouille.
— Triomphe de la politique nationale. — Arthur de Richement, connétable de
France.
Si
l'influence d'Agnès Sorel est un fait acquis à l'histoire, et qui n'est plus
guère aujourd'hui contesté, tout le monde n'accorde pas à cette influence le
même caractère ni la même portée. On l'admet pour la vie privée ; on veut
bien que la célèbre favorite, la seule de toutes les maîtresses de nos rois
dont le peuple ait conservé un bon souvenir, ait été toute-puissante sur le
cœur de son amant ; on reconnaît qu'elle a eu ce rare privilège de maintenir
son empire pendant près de vingt années ; mais on lui refuse toute action sur
la vie publique ; elle a tenu une place dans la couche, mais non dans le
règne de Charles le Bien Servi. Pour
nous, nous ne pouvons admettre cette façon de comprendre l'histoire et la
nature humaine. Régner sur l'âme d'un souverain, qui n'était point un homme
médiocre, qui, par certains côtés même, aurait quelque droit de compter parmi
les hommes supérieurs, et régner ainsi pendant près de vingt années, dans les
circonstances les plus difficiles où un souverain et une nation puissent se
trouver, dans une situation qui commandait une incessante activité, être
mêlée à tous ses loisirs, à tous ses plaisirs, à toutes ses distractions,
remplir tous ses jours et n'être pour rien dans ses desseins, dans ses résolutions,
dans les grandes actions de sa vie, cela nous paraît être tout simplement une
impossibilité. L'impossibilité s'accroît encore à nos yeux quand nous
réfléchissons que la femme qui a occupé une telle place, était une personne
éminente par toutes les qualités de l'âme, qu'elle avait tous les charmes de
l'esprit comme tous les attraits de la beauté, et que celui sur lequel il lui
était donné de régner était également sensible aux uns et aux autres. Il y a
plus, et c'est sans aucune hésitation que nous allons plus loin :
non-seulement nous nions qu'Agnès Sorel n'ait été qu'une maîtresse vulgaire,
une longue distraction, et, pour dire le mot, un instrument de plaisir ;
non-seulement nous sommes avec ceux qui admettent son influence politique
comme un fait historique certain, indéniable ; nous prétendons encore que
cette influence a été la plus importante de toutes, la plus considérable sous
le rapport moral, et par conséquent celle dont l'histoire doit tenir le plus
grand compte, s'il est vrai, comme l'a dit un penseur éminent dans l'histoire
d'une autre femme célèbre, que les caractères
sont les causes vraies des événements[1]. Mais un
examen approfondi des événements et des caractères qui y ont concouru, des
faits en un mot et des personnages, est nécessaire pour mettre en pleine
lumière ce qui pourrait encore ne paraître qu'une induction ou une
conjecture. Une
première question, en quelque sorte préjudicielle, est celle de savoir à
quelle époque Agnès Sorel, la demoiselle d'honneur et l'amie d'Isabelle de
Lorraine, s'est trouvée en rapport avec le roi de France. Deux
systèmes sérieux se trouvent ici en présence. L'un est celui de Delort, qui
fait remonter les premiers rapports d'Agnès et de Charles au-delà de 1433, et
qui l'appuie principalement sur l'autorité d'Anselme et la date de la
naissance du premier enfant d'Agnès et de Charles, Charlotte de France,
placée par ce dernier historien en 1434. L'autre est celui qui fait coïncider
la liaison du roi et de la favorite avec le traité d'Arras, vers 1435, et qui
repose sur les témoignages combinés, ou mieux sur les commentaires rattachés
aux deux témoignages de Jacques du Clercq et du pape Pie II. Il y a bien
encore deux autres systèmes : 1° celui qui consiste à nier tout ce qu'on dit
d'Agnès Sorel avant 1444 ; 2° celui qui place la naissance d'Agnès vers 1415,
et celle de sa première fille, qui ne serait plus Charlotte, mais Marie, en
1438 ; mais ces deux derniers systèmes nous paraissent complètement
hypothétiques et arbitraires, et bien que le dernier soit proposé par M.
Vallet de Viriville, dont l'autorité est d'ordinaire considérable dans tout
ce qui se rapporte au règne de Charles VII[2], nous n'hésitons pas à le
rejeter ainsi que le premier. Celui de Delort nous parait le seul qui
soutienne une critique sérieuse, et c'est celui auquel nous nous sommes
arrêté. Une des
raisons qui nous font incliner du côté de Delort, c'est l'autorité même de M.
Vallet de Viriville avec les considérations qu'il apporte à l'appui dans ses Nouvelles
Recherches sur Agnès Sorel, et les objections qu'il fait à l'hypothèse
fondée sur les témoignages de du Clercq et de Pie II. A
partir de 1435, dit-il, les faits essentiels qui concernent la vie d'Agnès
Sorel me paraissent donc offrir à la critique une sérieuse consistance. Mais
il n'en est pas de même pour les faits antérieurs. Là-dessus nous sommes réduits
à des conjectures nécessaires, à des hypothèses plus ou moins probables, et
qui seront diversement goûtées. Quant à la naissance de Charlotte[3], de deux choses l'une : ou
l'ordre de primogéniture a été dicté aux rédacteurs de l'Histoire généalogique
par des autorités et des preuves — c'est ce que j'incline à croire vrai —, ou
cet ordre n'est pas fondé. Dans le dernier cas, la naissance de Charlotte
pourra être placée arbitrairement de 1437 à 1444, entre les naissances de
Marie et de Jeanne[4]. Si l'on devait s'en tenir
strictement aux récits de Jacques du Clercq et de Pie II, il faudrait opter
pour cette dernière solution. Car, suivant ces auteurs, c'est après 1435 que
commença de naître (amare occepit)[5] la passion dont Pie II raconte
l'origine et le développement.... Cette
priorité — de la naissance.de Charlotte — ne s'appuie, il est vrai, d'aucune
attestation directe et précise. Il convient donc jusqu'à nouvelle lumière, de
se renfermer à cet égard dans le doute. Je crois cependant qu'une critique
judicieuse permettra d'accepter à titre de présomption pour l'affirmative les
témoignages combinés d'Anselme et de M. Delort. Je pense même que la raison
commande de chercher à contrôler et à vérifier cette solution. Sur ce point
purement négatif, le récit de Jacques du Clercq et celui de Pie II ne me
paraissent pas constituer un obstacle absolument insurmontable. L'arrivée
d'Agnès Sorel à la cour en 1435, le départ de la reine Isabelle pour la
conquête de Naples, le crédit croissant d'Agnès auprès du roi de France,
furent en leur temps des événements politiques. Le bruit de ces nouvelles
trouva naturellement un écho dans toutes les chancelleries, et pénétra
jusqu'au domicile des chroniqueurs. Mais ce chapitre, déjà romanesque, des
amours de Charles et d'Agnès ne peut-il pas avoir eu, sous le voile de
relations mystérieuses et privées, une préface demeurée inconnue pour le
narrateur bourguignon ? Nous dirons plus : pour le secrétaire du cardinal romain[6], pour l'auteur même du roman d'Éuryale
et Lucrèce[7] ? Jean Soreau, père d'Agnès
Sorel, était, en 1425, gentilhomme, conseiller du comte de Clermont. Né vers
1401, Charles de Bourbon fut comte de Clermont, puis duc de Bourbon, après
son père. ....
Dès 1419, il s'unit au parti de Charles...vécut avec ce prince nomade et
solitaire. Pour ceux qui connaissent les mœurs de ces deux princes et de leur
époque, je n'ai pas besoin de tracer l'esquisse d'un nouveau roman de cour,
pour expliquer comment la fille du conseiller dé Charles de Bourbon put être
connue du roi de France. D'un autre côté, bien avant 1435, Isabelle de
Lorraine eut occasion de se rendre auprès de Charles VII, accompagnée de sa
belle suivante. Le sacre de Reims, en 1429, eut lieu à mi-chemin des deux
cours, et l'on sait positivement que René, l'époux d'Isabelle, se rendit à
cette solennité[8]. Peu
de temps après, en 1431, à la bataille de Bulgnéville, René devint prisonnier
d'Antoine de Vaudemont ou du duc de Bourgogne. Isabelle était duchesse de
Lorraine (fief féminin) de son propre chef. Lieutenante générale de son époux
captif, elle prit en main le gouvernement, de concert avec sa mère, la
duchesse douairière Marguerite. Toutes deux ouvrirent immédiatement, pour
racheter la liberté du duc de Lorraine, les négociations les plus actives,
les plus pressantes auprès du roi de France. Ces négociations se continuèrent
sans se ralentir, jusqu'à la paix d'Arras, qui fut pour les intérêts mêmes de
René un dénouement favorable. La logique supplée en quelque sorte à la
stérilité des chroniques contemporaines, pour affirmer quelque entrevue
antérieure à 1435 entre la duchesse Isabelle, accompagnée d'Agnès Sorel, et
le roi de France[9]. Cette
argumentation nous parait décisive : elle donne pleinement raison au système
adopté par Delort, et du même coup elle renverse celui qui s'est fondé sur
les témoignages de Jacques du Clercq et de Pie II, et celui que plus tard M.
Vallet de Viriville a eu la malheureuse pensée d'édifier sur les ruines de
l'un et de l'autre. D'autres considérations cependant, qui nous semblent
avoir quelque poids, s'ajoutent encore à celles que nous venons d'exposer. Le
point essentiel à établir ici, c'est qu'il y ait eu quelque entrevue de
Charles VII et de la future favorite avant 1435, et ce point est établi,
selon nous, d'une manière inébranlable, pour ceux au moins qui ont quelque
habitude de la critique historique, et qui, connaissant le jeu des passions
humaines, savent interpréter et suppléer le silence des textes. Or, si l'on
admet, comme le font tous les systèmes, qu'Agnès Sorel soit entrée chez la
reine Marie d'Anjou vers le temps du traité d'Arras, et si la passion du roi
pour elle s'est déclarée à cette date, comme le prétendent ceux qui prennent
sans commentaires les textes de Jacques du Clercq et de Pie II, comment
supposer — l'hypothèse des entrevues antérieures acceptée, et elle ne peut
pas n'être pas acceptée — que la passion, si puissante en 1435, au dire de
Pie II lui-même, que le roi ne pouvait se passer un seul moment d'Agnès, à ce
point qu'il l'avait sans cesse à ses côtés, même au conseil[10], n'ait eu aucuns préludes, que
le roman n'ait eu aucune préface, comme parle M. Vallet de Viriville, que
Charles VII, en un mot, dans les diverses circonstances antérieures où il
avait vu Agnès, soit resté indifférent à cette beauté qui devait le maitriser
d'une manière souveraine, et ne s'en soit aperçue que peu à peu pour prendre
feu tout à coup, juste au moment précis, et, pour ainsi dire, au seul moment
où ses relations avec Agnès pouvaient être connues de Jacques du Clercq et du
secrétaire du cardinal de Sainte-Croix, c'est-à-dire à l'époque des
négociations d'Arras ? Ce qui
n'est pas moins improbable, c'est que la liaison du roi et d'Agnès soit devenue
publique au moment même où elle a commencé à se former. En supposant que le
roi eût perdu dès lors ce sentiment du respect de sa personne et de sa
dignité, dont l'absence, il est vrai, fut une de ses grandes faiblesses, et
qu'il fît personnellement peu de cas de la réputation de la femme qu'il
aimait d'un amour si passionné et si profond, supposition évidemment absurde
et qui est démentie par le caractère du prince et la durée de ce premier et
vraiment unique amour, n'y a-t-il pas dans la position sociale de l'amante,
dans son caractère, dans son éducation, dans sa supériorité morale, dans sa
ferme et délicate piété, dans le respect qu'elle portait à ses hautes
amitiés, des raisons suffisantes de penser qu'elle a dû envelopper d'abord
les commencements de cette passion qu'elle inspirait, qu'elle acceptait et
partageait sans doute, des voiles du mystère ; qu'elle a tenu à prolonger le
mystère le plus qu'il a été possible, et qu'enfin les voiles n'ont été
déchirés qu'après des événements qui trahissent l'amour le plus discret et le
forcent à s'avouer à la cour comme à la ville ? Il est donc évident pour nous
que, si la liaison de Charles VII et d'Agnès Sorel a été connue du public en
1435, comme cela est acquis dans les Mémoires de Pie II, lequel place à leur
date ses souvenirs[11], elle existait déjà depuis
longtemps, et selon nous encore, il est infiniment probable que c'est la
naissance de Charlotte qui l'a révélée et l'a fait tomber en quelque sorte
dans le domaine public. C'est
donc entre 1432 et 1433 qu'il convient de placer les origines de la grande
passion dont nous essayons de rechercher les traces et les- effets. C'est
l'époque admise par Delort. Ainsi
Agnès Sorel, soit qu'elle habitât Chinon, ce qui est l'hypothèse la moins
admissible, soit qu'elle ne fit qu'y passer ou y faire de longs séjours,
peut-être intermittents, était déjà en possession du cœur du roi avant le traité
d'Arras et la chute de la Trémouille. La naissance de Charlotte ayant eu rien
en 1434, cela est d'une insurmontable évidence ; or toutes les probabilités
morales sont à propos de cette date, point capital de la discussion, en
faveur de l'opinion de Delort. Par là Agnès arrivait à point pour s'emparer
du gouvernement moral d'un prince, capable de grandes choses, mais qui ne
pouvait en accomplir qu'à la condition d'y être en quelque sorte conduit par
la main, parce qu'énervé par les plus mauvaises passions de la jeunesse, sans
avoir été touché par les grandes, gouverné par d'indignes favoris, il n'avait
su encore qu'obéir aux autres et à lui-même, et que, pour emprunter le mot du
poète : Dans
une longue enfance on l'avait fait vieillir. La
situation du royaume, en effet, au moment où se lève l'astre nouveau qui
allait pendant vingt années régner dans la cour de France, était des plus
déplorables. Le mouvement héroïque imprimé à la nation par la miraculeuse
apparition de la Pucelle, n'avait pas tout achevé : sans s'être arrêté, comme
le prouvait le hardi coup de main de Guillaume de Ricarville sur le château
de Rouen et la prise de Chartres en 1432, il était sans cesse paralysé par la
mauvaise politique du gouvernement, qui était sans plan fixe, sans vue
générale, et surtout sans patriotisme, et par l'indiscipline des chefs de
corps, leur indépendance, conséquences naturelles d'une politique imbécile,
étroite, égoïste[12]. Paris, l'Ile.de France, la
Normandie, une partie de la Picardie, le pays Chartrain, la Guienne, un tiers
de la France était encore aux Anglais. Le duc de Bourgogne, qui en possédait
presque un autre tiers, restait toujours maître de la situation, et quand l'instinct
politique, ou pour parler plus exactement, le simple bon, sens, faisait
quelque effort pour rompre l'alliance monstrueuse de la Bourgogne et de
l'Angleterre, ou bien encore, ce qui avait aussi une importance considérable,
pour-rattacher d'une manière solide la Bretagne à la cause royale, un intérêt
ou une passion de cour s'élevait aussitôt pour frapper cet effort d'impuissance[13]. De 1431 à 1433, malgré
quelques succès éclatants, comme la défaite du duc de Bedford au siège de
Lagny-sur-Marne[14], la prise de Chartres, etc.,
qui venaient de temps en temps consoler et ranimer les partisans de la cause
nationale, la guerre se traînait toujours et étendait même son cercle de feu,
ravageant la Picardie, le pays de Tournay, la Champagne, le Maine, le Poitou,
l'Ile de France, le Languedoc, sans laisser à ces malheureuses contrées un
seul moment de répit. Et le pays ne souffrait pas moins des troupes du roi
que de celles de l'ennemi[15]. Ses auxiliaires le servaient
d'une main et le combattaient de l'autre : c'est ainsi que Rodrigue le
Castellan, après avoir servi vaillamment et utilement au siège de Lagny,
envahit la Touraine et se met tranquillement à la ravager[16]. Il est vrai qu'il ne pouvait
guère en être autrement : l'armée ne recevait pas de solde régulière[17]. Tout était laissé au hasard,
et la plupart du temps, quand l'administration se mêlait de se substituer au
hasard, c'était pour faire plus mal encore. Les
historiens sont unanimes pour nous représenter cette période comme l'une des
plus tristes de notre histoire. Les finances sont dans un état déplorable :
aliénations du domaine, emprunts répétés, engagements de fonds territoriaux,
de revenus, de meubles même, on a recours à tout. Le roi de France met au
mont-de-piété. La valeur des monnaies est livrée à des sophistications
perpétuelles, qui duraient depuis plus d'un demi-siècle[18]. Cela ne remplissait pas les
coffres du roi, qui était toujours aux expédients. Il ne payait pas plus les
charges de cour que celles d'État. Les sources du revenu se tarissaient ; le
peu qui en sortait encore tombait dans l'escarcelle toujours vide et avide de
quelques favoris. Il s'ensuivait que le pays se désintéressait à la longue de
la lutte. L'enthousiasme se refroidissait. En 1431, les États sont convoqués
à Tours ; les gens de Troyes refusent de s'y rendre, et l'abstention se
propage peu à peu. Les seigneurs usurpent sur l'autorité royale affaiblie et
sans prestige. Beaucoup d'entre eux, dit un historien qui a fouillé
toute cette époque avec le soin le plus scrupuleux[19], soumettaient leurs sujets ou vassaux à des taxes illégales. Les
antiques redevances de la féodalité avaient été aggravées ou multipliées
arbitrairement. Et,
chose singulière ! l'exemple en était donné par le premier ministre du roi,
qui, en essayant de réagir contre le mal par ordonnance, avait grand soin de
stipuler une exception de fait pour lui-même. Quelques actes réparateurs
apparaissaient bien par intervalles, comme l'affranchissement des serfs de
Mehun-sur-Yèvre, la création des universités de Poitiers et d'Angers, et
quelques mesures pour l'amélioration des communications commerciales ; mais
ils se perdaient dans la confusion générale, et n'avaient d'ailleurs aucune
proportion avec le bien qu'il s'agissait d'accomplir. La
cause première du mal c'était, avec la jeunesse insouciante et légère du roi,
l'influence qu'il avait laissé prendre à son principal ministre, Georges de
la Trémouille. La
France a compté peu d'hommes politiques aussi méprisables que le conseiller
de Charles VII. Audacieux, dissimulé, profondément habile, dépouillé de toute
conscience morale, dévoré d'ambition et de convoitise, ingrat et jaloux,
envieux de toute supériorité et de toute grandeur, il réunit tous les vices
et toutes les bassesses, sans l'ombre d'un mérite ou d'une vertu. Déserteur
de la cause bourguignonne, il a soin de se conserver des intelligences dans
la cour de Philippe le Bon, et de se ménager ainsi une ressource contre la
fortune. Admis dans le conseil de Charles VII, après l'exécution des favoris
Giac et Beaulieu, en grande partie par le connétable de Richemont[20], il lui voue, en échange de ce
service, une haine mortelle, et réussit à le tenir, pendant six longues
années, éloigné de la cour, dans une véritable disgrâce[21]. Vénal et prévaricateur, il ne
laisse échapper aucune occasion de remplir ses coffres ou d'arrondir ses
domaines, et ne recule pas même devant la trahison. Au siège d'Auxerre,
Jeanne Darc voulait faire donner l'assaut : les habitants offrent deux mille
écus d'or au ministre, et l'on passe outre[22]. Il prête de l'argent au roi à
la petite semaine. L'assassinat lui est familier : il attire trois des amis
du connétable dans un guet-apens, et se fait adjuger une partie de leurs
dépouilles. Dans le grand mouvement national personnifié par la Pucelle, il
ne néglige rien de ce qui peut le comprimer ou le détourner de son but. Il
sème toutes sortes d'obstacles sur les pas de l'héroïne, et finalement il la'
livre, plus coupable que les Anglais, plus avancé que Cauchon lui-même dans
la responsabilité de ce forfait exécrable[23]. Détestable politique, il
cherche le salut de la France dans les auxiliaires étrangers et dans
l'alliance de la Bourgogne, idée sensée sans doute, s'il n'avait pas voulu
acheter à tout prix ce qui ne pouvait être utile qu'à la condition d'être
digne. Tout ce qui est français et national lui est odieux et lui porte
ombrage : il condamne le duc d'Alençon et le connétable à l'impuissance[24] ; il avait déjà retiré son
emploi de maréchal au vaillant Gilbert de La Fayette, le vainqueur de Baugé[25]. Il paralyse à tout propos la
politique si française de la reine Yolande. C'était vraiment le génie fatal
de la monarchie ! Et quand on pense qu'un tel homme a gouverné la France
pendant plus de six ans, dans la crise la plus difficile qu'une nation puisse
traverser ! Cela seul suffirait pour condamner les pouvoirs occultes et sans
contrôles, si de tels pouvoirs trouvaient aujourd'hui des défenseurs[26]. Le personnage le plus
important du conseil, après Georges de la Trémouille, était Regnault de
Chartres, archevêque de Reims, grand chancelier de France. Le
grand chancelier de France n'offre pas un assemblage de vices aussi complet
que son premier ministre. Il est ambitieux, souple, habile et capable de tout
feindre et de tout dissimuler, ainsi qu'on l'a dit d'un autre ambitieux plus
célèbre, vaniteux et ingrat, rempli d'une confiance sans bornes en lui-même
et en ses mérites, rampant devant les puissants et superbe auprès des
faibles, prêtre sans foi et diplomate sans scrupules ; niais il n'a pas cette
monstrueuse grandeur dans le mal que nous avons marquée dans la Trémouille.
Il resta toujours fidèle à la cause du Dauphin, qu'il servit successivement
en qualité de président des comptes, de lieutenant civil ou commissaire
général en Languedoc, comme diplomate et garde des sceaux, toujours agissant,
partout présent, excepté dans son diocèse, où il n'exerça jamais le ministère
pastoral. Regnault de Chartres commence chez nous cette longue suite d'hommes
d'Église, plus occupés des choses de la terre que de celles du ciel, ne
faisant de leurs robes rouge, noire ou violette qu'un moyen, habiles,
ambitieux, rompus aux affaires, comme les Duprat, les d'Amboise, les
Richelieu, les Mazarin, sans avoir toutefois la puissance d'initiative de ces
maîtres, ni leur supériorité. Il n'avait, dans le vrai, aucune des grandes
parties du diplomate, ou de l'homme d'État, trop confiant en lui-même et trop
vaniteux pour être véritablement habile ; il n'était fait que pour le second
rang, où il ne se trouvait jamais à l'aise, aspirant toujours sourdement, et
en silence, au premier. Esprit étroit et méthodique, il ne comprenait rien de
ce qui sortait de l'ordre commun, et toute apparence d'originalité ou de
supériorité le choquait. Partisan et ministre de la politique effacée et
'vulgaire de la Trémouille, il n'avait pas besoin des petites passions personnelles
qui l'animaient contre la Pucelle pour mettre la main dans l'œuvre d'iniquité
qui s'acheva par le bûcher de Rouen ; car l'héroïsme dépassait sa petite âme,
et peu s'en fallut qu'il ne le considérât comme une maladie dii corps social,
qui troublait sa marche régulière et qu'on devait extirper, dès qu'elle se
produisait, par le fer et le feu. C'est lui, avec la Trémouille et Cauchon,
qui a tué Jeanne Darc[27]. Nous le voyons survivre à la
réaction qui renverse la Trémouille, et se maintenir au conseil malgré la chute
du système qu'il avait suivi et servi. C'est ici un dernier trait de son
caractère : il avait toujours servi la Trémouille avec complaisance, mais en le
haïssant, en le jalousant, en le méprisant. Sa chute fut pour lui une
délivrance. Type achevé d'ailleurs du fonctionnaire, comme il avait servi une
mauvaise politique, il était tout prêt à en servir une bonne, résigné bien
faire, pourvu qu'il conservât son crédit et ses dignités. Les
autres membres importants du conseil, au moment de la chute du premier
ministre, peuvent être passés sous silence. Christophe d'Harcourt et Raoul de
Gaucourt n'avaient d'autre mérite, au point de vue politique, que de partager
les idées étroites d'hostilité contre la Pucelle et de sympathie
bourguignonne qui inspiraient le gouvernement de la Trémouille. Aussi
restèrent -ils en dehors de toute responsabilité et furent-ils épargnés par
la révolution de palais qui renversa enfin le tout-puissant et fatal ministre[28]. Cette révolution
de palais était la troisième depuis les commencements du règne : elle avait
été précédée par la double exécution de Pierre de Giac et de le Camus de
Beaulieu. Dans toutes, l'exécuteur des hautes œuvres avait été le rude et
implacable connétable de Richemont, le grand
justicier. Le
sire de Giac, en 1426, était au plus haut degré de sa faveur ; il avait joué
un rôle dans le meurtre du duc de Bourgogne. Violent, emporté, tyrannique,
sans frein dans ses passions, peu habile, il avait scandalisé plus d'une fois
les courtisans eux-mêmes par son despotisme, ses exactions et ses
déportements. Il avait épousé une ancienne maîtresse du duc Jean sans Peur,
Jeanne de Naillac ; pour s'en débarrasser, il lui avait donné des poisons,
l'avait prise en croupe et avait chevauché ainsi avec elle plus de quinze
lieues : elle était grosse. Elle morte avec son enfant, incontinent il avait
épousé Catherine de l'Ile-Bouchard, comtesse de Tonnerre, qu'il aimait. Tout
le monde frémissait sous le joug, excepté le roi, qui n'avait point l'air de
s'en douter. Enfin, l'heure du châtiment arriva. Un jour de février, au
matin, à Issoudun, le connétable, de concert avec La Trémouille et les
proches parents du roi, pénètre dans sa chambre, l'arrache du lit où il était
couché avec sa femme, le livre au bailli de Dun-le-Roi, dont il était
seigneur, et le favori de la veille, mis dans un sac, est jeté par le
bourreau de Bourges dans la rivière[29]. Beaulieu, le successeur de
Giac, par un gouvernement pareil, se prépara une fin non moins tragique. Vers
la fin de juin 1427, k connétable ordonna à Jean de Brosse, depuis maréchal
de Boussac, d'exécuter, sommairement et sans forme de procès, le favori, qui
eut la tête fendue d'un coup d'épée, sous les yeux mêmes du roi[30]. Enfin, après une administration
de six années, le jour de la justice arriva aussi pour la Trémouille : mais
plus heureux que ses deux prédécesseurs, il ne perdit que le pouvoir[31]. Cette
révolution fut des plus heureuses ; elle ouvrit une nouvelle ère : elle fut
le point de départ d'un grand règne ; elle mit le pouvoir dans des mains
honnêtes ; elle laissa pénétrer auprès du roi ou dominer une influence qui
l'arracha à sa longue enfance, qui lui donna la tentation du grand ou du
moins de l'utile, et lui apprit à connaître les hommes, à les discerner, à
les choisir, à leur commander. Nous
avons indiqué ce qui rendait la révolution de juin 1433 nécessaire : nous
devons en marquer rapidement les premières conséquences et faire connaître
quelques-uns des hommes qui l'ont accomplie ou qu'elle mit immédiatement en
scène. La
première conséquence et la plus visible de la chute de la Trémouille c'est le
triomphe de la politique française et de l'influence d'Yolande d'Anjou et de
ses amis. Nous connaissons déjà cette reine sage et habile. Les personnages
qui figurent à côté d'elle dans la réaction triomphante, son fils, Charles
d'Anjou, comte du Maine, Jean de Bueil, Olivier de Coëtivy, et quelques
autres, qui viennent à sa suite, et qui ne sont pas indignes de son amitié ou
de son patronage, ne méritent néanmoins ici qu'une mention de l'historien.
Mais il y aurait comme une injustice à passer sous silence celui qui fut
l'âme, autant que le bras, des diverses révolutions intérieures dont nous
avons donné l'esquisse, Arthur de Richemont, connétable de France. On
s'arrête, d'ailleurs, avec un sentiment irrésistible de curiosité admirative
devant cette austère et noble figure. Il en est de plus grandes, de plus
brillantes, de plus dignes de l'admiration ou de la reconnaissance des hommes
; il n'en est pas de plus digne d'attention, dans une époque où les hommes
extraordinaires ne manquent pas.
Une chose le distingue entre tous, la fermeté du caractère, la constance dans
une cause, au milieu des tentations si faciles d'une situation personnelle
indécise et les mécomptes d'une noble ambition. Fils du duc de Bretagne Jean
V et de Jeanne de Navarre, catalan et breton, il puise dans sa double origine
de bonnes raisons pour être opiniâtre ; mais il n'a de l'opiniâtreté que la
vertu, qu'il porte seulement jusqu'à la rudesse. L'esprit féodal enchaînait
l'homme par mille liens, et, en multipliant les rapports du vassal, lui
rendait quelquefois, entre ses divers devoirs, le choix difficile ; c'est
ainsi que Richemont suivit un moment le drapeau de Henri V ; mais une fois
qu'il eut embrassé la cause française, où la maladresse du duc de Bedfort
l'avait jeté[32], il ne la quitte plus. Sa mère,
veuve de bonne heure, avait épousé le père de Henri V, Henri IV de Lancastre,
roi d'Angleterre ; il avait été élevé à la cour de Bourgogne et il était lié
d'amitié avec Philippe le Bon, qu'il aimait beaucoup ; il avait épousé sa
sœur, madame de Guienne, veuve du dauphin Louis ; pendant près de dix longues
années, remplies des plus douloureux événements, il ne rencontre auprès du roi
Charles VII et de ses ministres, que déboires et déceptions : rien ne le fait
dévier de la route dans laquelle il est une fois entré, s'élevant toujours
au-dessus des petites passions pour ne voir que la grande cause qu'il avait
juré de servir. Toute
sa vie est une lutte sur les champs de bataille ou dans les conseils. Il fait
la guerre presque de sa naissance à sa mort ; il ne se repose que dans sa
prison d'Angleterre, où il resta cinq ans après la défaite d'Azincourt. A
l'âge de vingt ans déjà chef de corps, il force Saint-Malo à rentrer dans
l'obéissance ; à vingt-deux ans, prenant parti pour les ducs d'Orléans et de
Berry contre le duc de Bourgogne, il assiège Parthenay, prend plusieurs
villes, va combattre le roi Henri V qui assiège Harfleur et commande les
troupes de Guienne et de Bretagne à Azincourt. Dans cette funeste journée, il
voit tomber autour de lui, sous sa bannière, ses compatriotes et amis, les
seigneurs de Combour, de Montauban, de Coëtquen, de Malestroit, de
Chateaugiron, les sires de la Forest, Guillaume le Veer et plusieurs autres ;
lui-même, il est tiré de dessous les morts, et un peu blessé, fut cogna à sa cotte d'armes, et si estoit elle toute
sanglante, et furent tuez deux ou trois sur luy, puis fut mené au roy
d'Angleterre, qui ne fut plus joyeux que de nul des autres[33]. Armé de l'épée de connétable à
l'âge de trente et un ans, il trouvait le royaume au plus bas que jamais fut, comme dit justement son biographe, et le laissa le plus entier qui fut passé à quatre cents
ans[34]. Il avait promis au roi en
ceignant l'épée, et juré d'envoyer hors de
son royaume tous ceulx qui avoient esté cause de la mort de monseigneur de
Bourgogne et de
chasser les Anglais ; et il s'attache de toutes ses forces à remplir ce
double engagement. Il délivre le roi de Tannegui du Chatel, et sert la cause
nationale au siège d'Orléans et à Patay, jusqu'à la bataille de Formigny, partout
contribuant au succès, quand le succès ne lui appartient pas en propre. Toujours
sur la brèche, il ne connaît le repos que lorsqu'il y est condamné. Dans
cette longue guerre de plus. de vingt ans, qui se termine par l'expulsion
définitive des Anglais, il assista à plus de cent combats ou batailles. Fier
et d'une haute personnalité, il fait bon marché de son orgueil quand il
s'agit du grand but qu'il s'est proposé[35]. Le mouvement national de 1430
n'eut pas de fauteur plus dévoué. La Pucelle, sous l'influence de la mauvaise
politique de la cour[36], paraît d'abord peu favorable
au connétable[37] ; mais Richemont était adoré
des hommes de guerre, et l'héroïne était facile à ramener au droit et au vrai.
La première entrevue fut cordiale de part et d'autre ; la Pucelle descendit à pied, et monseigneur aussi, et vint la dite
Pucelle embrasser mon dict seigneur par les jambes. Et lors il parla à elle,
et luy dit : Jehanne, on m'a dict que vous me voulez combattre, je ne sçay
si vous estes de par Dieu ou non. Si vous estes de par Dieu, je ne vous
crains rien. Car Dieu sçait mon bon vouloir. Si vous estes de par le diable,
je vous crains encores moins (Gruel, p. 450). Rien ne
prouve que Richemont ait été un grand capitaine ; mais il est certain qu'il
avait plusieurs des qualités qui donnent.la première place. Il était d'un
courage indomptable ; au siège de Saint-James de Beuveron en 1425, l'armée
est obligée de battre en retraite ; lui, il ne se retire qu'en frémissant et tousjours vouloit retourner qui l'eust voulu croire, dit son biographe (Gruel, p. 433). Il est sans pitié pour les
fautes contre la discipline militaire, ou même pour les défaillances du
courage[38]. Les pillards, et Dieu sait
s'il y en eut dans ces temps malheureux, n'ont pas de plus redoutable ennemi
: il les malmène autant que les Anglais[39] ; il les accroche aux arbres,
sans miséricorde, ou les fait jeter à la rivière. Il a la longue prévoyance
et le coup d'œil prompt, deux qualités nécessaires et rarement réunies. Quand
la direction générale des opérations est entre ses mains, elles prennent un
élan qui décèle dans le chef une merveilleuse activité : les campagnes de
Champagne et de l'Ile de France, en 1425 et 1436, sont très-remarquables à ce
point de vue ; elles étonnent par la rapidité des : résultats, marque
certaine de celle des opérations. En 1450, il arrive sur le champ de bataille
de Formigny, après une marche forcée qui décide du sort de la journée[40]. Sévère, impitoyable au besoin,
il est humain pourtant à l'occasion. Maître de Paris qu'il emporte contre les
Anglais, il rassure les habitants : Mes bons
amys, leur
disait-il, le roy Charles vous remercie cent
mille foys, et moy de par luy de ce que si doulcement vous luy avez rendu sa
maîtresse cité de son royaulme ; et si aucun de quelque estat qu'il soit a
mesprins par devers monsieur le Roy, soit absent ou autrement, il luy est
tout pardonné[41]. En dépit du manque de détails
et de la sécheresse de la chronique, on sent que la nature entre dans ses
sentiments d'humanité autant que la politique[42]. Car cette nature rude et
ferme, qui semble née pour la guerre, -et n'avoir qu'une unique passion,
celle des armes, ne fait la guerre que parce qu'elle est un devoir pour lui
comme une nécessité impérieuse pour le pays. Richemont
fut-il un politique habile et mérite-t-il d'être placé à côté de cette
Yolande d'Anjou, dont il partagea souvent les idées ? Si, pour être un homme
d'État, il faut l'habileté souple et multiple, l'art de se plier aux
circonstances et de ramper en quelque sorte sous elles, avec le talent de
feindre et de dissimuler, rien ne s'en écarte plus que le connétable : son
but est toujours à découvert, et les moyens qu'il emploie sont toujours de ceux
que la morale la plus scrupuleuse ne saurait désavouer. Mais, s'il suffit
d'avoir le sens droit et juste, de comprendre les nécessités d'une situation
et de s'y prêter dans la mesure de l'honnête, pour ne pas être exclu de toute
prétention au titre d'homme politique, Richemont fut un politique tout comme
un autre. Un moment égaré par ce qu'il devait au roi d'Angleterre qui lui
avait rendu sa liberté, par ses relations de famille, par la politique
personnelle de son frère Jean VI duc de Bretagne, par sa propre jeunesse et
aussi par cet esprit d'étroite personnalité et, pour ainsi dire, de
particularisme, qui était de l'essence même de l'esprit féodal, il avait un
moment séparé l'intérêt de la Bretagne et le sien propre de l'intérêt du Dauphin,
qui était celui de la France ; mais une fois dans une situation qui le
dégage, et rendu à ses sentiments naturels, il ne tarde pas à voir qu'il n'y
a qu'un ennemi, l'étranger, l'Anglais, qu'il déteste de race et d'orgueil, et
la raison, d'accord avec sa haine, lui commande de le combattre à outrance,
et de réunir contre lui toutes les forces vives du pays. De là son idée
constante de faire la paix avec la Bourgogne, mais une paix qui n'annule pas
la royauté, nécessaire à l'unité de la France comme à la puissance féodale ;
son empressement à accueillir et à seconder le mouvement de la Pucelle, et
plus tard celui des paysans de Normandie[43] ; le concours persévérant qu'il
prête à la reine Yolande ; sa haine obstinée contre les favoris qui
contrecarrent cette politique honnête et sensée ; cette activité infatigable
qu'il déploie dans les deux grandes et mémorables campagnes de Normandie et
de Guienne, qui achèvent la libération du royaume ; les soins qu'il donne à
sa marine de Bretagne, et son concours aux plans de Pierre de Brézé pour le
développement des établissements maritimes du royaume[44]. Il avait même, à un haut
degré, une qualité indispensable dans la politique et l'administration des
affaires humaines, l'esprit de conciliation. C'est par là qu'il obtint et
conserva jusqu'à la fin de sa vie une influence considérable auprès des
Parisiens dans le gouvernement presque dictatorial que le roi lui avait
confié depuis la réduction de la capitale. Le terrible connétable savait
déposer son gantelet de fer ou le couvrir de velours[45], quand cela était utile au service
du roi et au bien de l'État. Il n'ignorait pas non plus l'art de s'emparer de
l'opinion, de se ménager les forces morales et de les aller prendre au
besoin. Il le fit bien voir dans sa première lutte contre les favoris, qui
renversa Tannegui du Chatel et le président Louvet, ministres dont
l'indignité se rapprochait de celle de la Trémouille. Nous
n'oublions pas que l'impitoyable ennemi des favoris indignes, des pillards et
de l'étranger, était aussi l'ennemi acharné des sorciers et sorcières, et que
son panégyriste a écrit ces lignes : Oncques
homme ne hayt plus toutes les hérésies, et sorciers et sorcières qu'il
hayoit. Et bien y parut. Car il en feit plus brusler en France, en Poitou et
en Bretaigne, que nul autre en son temps. Et pouvoient bien dire les sorciers
et sorcières, et hérétiques, quand il mourut, que leur ennemy mortel estoit
mort[46]. C'était le tribut qu'il payait
à son temps, où l'intolérance faisait comme partie intégrante de la foi et se
confondait avec la vertu. D'ailleurs, chrétien jusque dans les profondeurs de
l'âme, il était bon, charitable, loyal, fidèle à sa parole, incapable de
tromper[47]. Il aimait la guerre avec
passion. Et tous les jours au moins une fois
la journée parloit de la guerre et y prenoit plaisir plus qu'à nulle autre
chose[48]. Mais il limitait autant qu'il
était en lui le champ des maux que la guerre entraîne après elle, car il aimoit et soutenoit le peuple plus que nul autre[49] : dernier trait qui adoucit le
rude visage de l'homme de guerre et de l'homme d'État. Le
connétable de Richemont, en renversant la Trémouille, avait donc nettoyé les
écuries d'Augias. Nous entrons, avec son influence ou du moins avec les
influences qu'il avait rendues possibles, comme dans un monde nouveau. Les
hommes honnêtes et les hommes capables, systématiquement écartés ou
persécutés, arrivent en scène et prennent les premiers rôles, Pierre de Brézé,
Jean de Bueil, Prégent de Coëtivy, Charles d'Anjou, Jacques Cœur, tous amis
d'Agnès Sorel et du connétable. Tout change aussi dans les événements comme
dans le personnel. Dans l'espace de deux ans, à partir de la fin du mois de juin
1433, époque de la chute de la Trémouille, la France est reconquise, sauf la
Normandie et la Guienne, et tout est préparé pour achever la délivrance et
inaugurer, un grand règne : le duc de Bourgogne est détaché des Anglais, et
Paris va leur échapper. Un changement plus grand encore, plus difficile au
moins, à ce qu'il semble, va s'accomplir. Charles VII, qui, déjà parvenu à
l'âge de trente ans, n'avait rien compris ni à sa situation, ni à ses
devoirs, et semblait voué à une éternelle médiocrité, se révèle tout à coup
et comme par enchantement. Quel
est le secret d'une telle métamorphose ? On peut l'expliquer par le progrès
de l'âge, par l'expérience acquise, par l'influence même des hommes nouveaux,
qui remplace celle de ministres incapables ou pervers. Cependant toutes ces
causes, quand on étudie de près le caractère de ce prince rendu ombrageux par
l'expérience des hommes au milieu desquels il avait vécu, si porté aux
plaisirs et si sensuel, si docile à l'influence des femmes et qui eut
toujours besoin d'être gouverné par elles, si indifférent jusqu'alors aux
passions élevées, apanage de la jeunesse, ne satisfont pas complétement, et
l'on éprouve le besoin d'aller au-delà, de trouver une autre influence, jugée
nécessaire, ne fût-ce que pour maintenir les autres et les fixer. On ne
saurait, en effet, comprendre qu'un prince si mobile dans ses affections et
dans le choix de ses ministres fût resté pendant vingt ans fidèle à ses
ministres et à ses amis, comme à son système politique, avec les explications
qui sont données d'ordinaire. Une chose frappe encore : les mauvaises parties
de son caractère, qui se sont tenues voilées pendant cette longue période,
reparaissent ensuite tout à coup, et nous voyons les hommes qui ont rendu les
plus grands services, les Jacques Cœur, les Pierre de Brézé, les Richemont,
persécutés ou disgraciés aussitôt après la mort d'Agnès Sorel, qui est l'influence
que nous admettons dans notre hypothèse, et quand le prince tombe sous la
domination d'une femme ambitieuse et vulgaire. Du reste, ce point demande, pour être mis dans tout son jour, que nous voyions de plus près l'amant d'Agnès et que nous entrions plus avant dans sa nature et dans sa vie. |
[1]
Cousin, Madame de Longueville. — Avant-Propos.
[2]
Vallet de Viriville, Charles VII et son temps, t. III, p. 21 et 22.
[3]
Charlotte fut, d'après Anselme, la fille aînée d'Agnès Sorel et de Charles VII,
et naquit en 1434.
[4]
Les deux sœurs cadettes de Charlotte, dans le système de Delort et des
rédacteurs de l'Histoire généalogique.
[5]
Pie II, op. pontificis maximi commentarii. Francfort, 1614, in-folio, p.
163.
[6]
Le cardinal de Sainte-Croix, dont Enée Silvio Piccolomini, depuis pape sous le
nom de Pie II, était le secrétaire aux négociations d'Arras.
[7]
Eneas Silvius. — De duobus amantibus Euryalo et Lucresio.
[8]
René accompagne le roi au-delà de l'époque du sacre, qui fut célébré le 17 juillet.
Ainsi nous avons la preuve que, le 27 août suivant, René, duc de Bar, et le
comte de Clermont se trouvèrent réunis à Compiègne, dans le conseil et la
compagnie de Charles VII. — Voyez dom Plancher, Histoire de Bourgogne,
in-folio, 1781, t. IV, preuves, p. 80. De pareilles opportunités durent se
reproduire nécessairement. (Note de M. Vallet de Viriville.)
[9]
Vallet de Viriville. Nouvelles Recherches sur Agnès Sorel, p. 21, 22.
[10]
Hanc rex, cum esset facie pulcherrima et sermone
blando, amare occœpit, brevique tempore adeo perdite arsit ut nec ad horam ei
carere posset : in mensa, in cubiendo, in consilio lateri ejus semper adhœsit.
(Loco jans citato.)
[11]
Les détails précis dans lesquels entre le narrateur prouvent clairement que les
faits rapportés ont été recueillis à leur date, c'est-à-dire pendant les
négociations d'Arras, et dès lors on est autorisé à avancer, comme nous le
faisons, que la liaison du roi et d'Agnès était connue, au moins clµ monde
officiel, en 1435.
[12]
Le coup de main de Ricarville sur Rouen aurait réussi infailliblement si le
maréchal de Boussac avait voulu seulement se donner la peine de se déranger.
(Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. II, p. 290.)
[13]
Fontanieu, manuscrit 115, fev. 22. Lettres de Georges de la Trémouille. — Gruel,
Panth., p. 371. — D. Morice, Histoire de Bretagne, 1429 et 1433 ;
preuves, t. II, col. 1232, 1238 à 1243. — Vallet de Viriville, Histoire de
Charles VII, t. II, p. 284.
[14]
Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. II, p. 294.
[15]
Les gens de guerre français n'épargnaient personne, même sur le territoire
royal. Voir les lettres par lesquelles les religieux de la Prée (châtellenie
d'Issoudun) furent autorisés à se fortifier. Ils allaient jusqu'à faire manger
leurs chevaux sur le maître-autel.
[16]
Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. II, p. 296. (Voir les
autorités citées par cet historien.)
[17]
Basin, t. I, p. 10.
[18]
Pierre Clément, Jacques Cœur et Charles VII, p. 71.
[19]
Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. II, p. 280.
[20]
Le roi hésitait à donner le poste laissé vacant par le meurtre de Beaulieu à la
Trémouille ; le connétable le décida. Le roi lui dit : Beau
cousin, vous me le baillez, mais vous en repentirez : car je le cognois mieux
que vous ! s Et sur tant demeura la Trémouille, qui ne List point le roy
menteur, car il fit le pis qu'il peut à mon dict seigneur le connestable.
(Gruel, Histoire de Richemont, 440 ; Ed. Petit.)
[21]
Montreuil, Archives de Tours. — L. Pâris, Cabinet historique, p. 304. —
Monstrelet, ch. LVIII. — Gruel, Histoire de Richemont. Ed. Petit, 446.
[22]
Biographie Didot (article La Trémouille).
[23]
Ce point est mis parfaitement en lumière par M. Vallet de Viriville. (Voir
106,122, 139, 147, 156, 157, 161, 175, 219 du t. II de son Histoire de
Charles VII.)
[24]
Gruel, Panthéon, 371.
[25]
Biographie Didot (article La Fayette).
[26]
La Trémouille ne valait pas mieux dans la vie privée que dans la vie publique.
Il avait fait mourir de chagrin sa première femme, Jeanne de Boulogne et
d'Auvergne, veuve de Jean, duc de Berry, princesse de sang royal, pour épouser
Catherine de l'Ile-Bouchard, veuve de Giac, à l'exécution duquel il avait
puissamment contribué.
[27]
Les preuves de la complicité de Regnault de Chartres dans le crime de Rouen
abondent. M. Valet de Viriville les a indiquées avec beaucoup de sagacité. (Histoire
de Charles VII, t. II, p. 161, 162.)
Regnault de Chartres instruisit officiellement les
habitants de son diocèse de la prise de la Pucelle. Le texte original de sa
correspondance n'existe plus, mais on en possède une analyse authentique qui ne
laisse aucun doute sur ses dispositions et sou rôle.
1° L'archevesque de Reims,
chancelier, donne advis de la prise de Jehanne la Pucelle devant Compiègne, et
comme elle ne vouloit croire conseil, ains faisoit tout son plaisir. — 2° Qu'il
estoit venu vers le roy ung jeune pastour, gardeur de brebys des montaignes du
Gévaudan, en l'evesché de Mande, lequel disoit ne plus ne moings qu'avoit faict
la Pucelle, et qu'il avoit commandement de Dieu d'aller avec les gens du roy,
et que sans fautte les Anglois et Bourguignons seroient desconfits. — 3° Et sur
ce qu'on lui dit que les Anglois avoient fait mourir Jehanne la Pucelle, il
respondit que tant plus il leur en mescherroit, et quo Dieu avoit souffert
prendre Jehanne la Pucelle, parce qu'elle s'étoit constituée en orgueil, et
pour les habits qu'elle avoit pris et qu'elle n'avoit faict ce que Dieu luy
avoit commandé, ains faict sa volonté. (Papiers de Rogier. Bibl. imp.,
ms. s. fr., 5-5-2. — Varin, Archives de Reims, t. Vil, p. 168. — Procès,
t. V, p. 168, 170.)
[28]
Raoul de Gaucourt même était dans l'entreprise contre la Trémouille. — Gruel, Histoire
de Richemont, 458.
[29]
Gruel raconte l'événement avec des détails qui ont leur importance comme
peinture de mœurs.
Et, pour revenir au faict de
Giac, qui avoit faict tant de maulx, entre les autres avoit faict mourir sa
femme, laquelle estoit bonne et prende, comme l'on disoit, il la feist
empoisonner, et quand elle eut heu les poisons, il la feist monter derrière luy
à cheval, et chevaucher quinze liedes en celuy estat, puis mourut la dicte dame
incontinent. Et le dict Giac faisoit ce pour avoir madame de Tonnerre, qui,
après la mort du dict Giac, fust dame de la Trémouille. En après, mon seigneur
le connestable vint devers le roy à Issoudun, et par le conseil de la royne de
Sicile et de tous les seigneurs ou la plus part, réservez Bourbon et Foix, il
print le dict Gia° en la ville d'Issoudun ; il se feist apporter les clefs, et
dist qu'il vouloit aller à Nostre-Dame de Bourg de Deolz dès le poinet du jour.
Et comme son prestre vouloit commencer la messe tout revestu, on luy vint dire
qu'il estoit temps, et laissa le prestre tout seul et s'en veint luy et les
gens de sa maison et ses archers là où estoit couché le dict Giac, et montèrent
contrer/lent, si rompirent l'huis, et le dict Giac demanda qui c'estoit, l'on
luy dict que c'estoit monseigneur le connestable, et lors il dict qu'il estoit
mort. Et madame sa femme se leva toute nue, mais ce fat pour sauver la
vaisselle. Et incontinent on fist monter le dict Giac sur une petite haquenée,
et n'avoit que sa robe de nuict et ses botes, et fut tiré à la porte.
Et incontinent le bruit fut
devers le roy, si se leva, et vinrent les gens de sa garde à la porte, et mon
dict seigneur le connestable leur dit qu'ils ne bougeassent, et leur commande
s'en aller, et que ce qu'il faisoit estoit pour le bien du roy... Et fut mené
le dict Giac à Dun-le-Roy, qui pour lors estoit en la main de mon dict
seigneur. Puis après tira mon dict seigneur le connestable à Bourges, et mon
dict seigneur de La Trémouille avec luy. Et incontinent mon dict seigneur fit
faire le procez du dict Giac par son baillif de Dun-le-Roy et astres gens de
justice. Et confessa tant de maulx que ce fut merveilles, entre lesquels la
mort de sa femme toute grosse, et le frnict dedans. En oultre confessa qu'il
avoit donné au diable l'une de ses mains, afin de le faire venir à ses
intentions. Et quand il fut jugé, il requeroit pour Dieu qu'on lui couppast la
dicte main, avant le faire mourir. Et offroit à monseigneur le connestable, s'il
luy plaisait luy sauver la vie, de luy bailler comptant cent mille escus et lui
laisser sa femme, ses enfants et ses places en ostages, de jamais n'approcher
du roy de vingt lieues, et mon dict seigneur répondit que s'il avait tout
l'argent du monde qu'il ne le laisserait pas aller, puisqu'il avait desservy la
mort. Et envoya un bourreau de Bourges pour l'exécuter, et le mena Jehan de la
Bœssière. Ne demandez pas si le roy fut bien courroucé. Puis, après tout, le
monde étoit embesoigné à faire l'appointement. Mais le roy, bien informé du
gouvernement et vie du dict Giac, fut très-content. (Histoire de
Richemont, 435. 436, 437.)
[30]
Mon dict seigneur le connestable estait allé devers le
roi, et là lui furent remontrez les termes que tenoit le Camus de Beaulieu. Car
il gastait tout, et ne voulait que homme approchast du roy, et faisait pis que
Giac. Si en estoit la royne de Sicile, et tous les seigneurs malcontents, pour
ce en fist monseigneur le mareschal de Bossac la raison. Car il le fist tuer.
Et celuy mesme qui le gouvernait l'amena au tiltre en un petit pré près le
chasteau de Poictiers, sur la rivière, et deux compagnons qui estoient au dict
mareschal de Boissac luy donnèrent sur la teste tant qu'ils la luy fendirent,
et luy couppèrent une main, tant que plus ne bougea, et s'en alla celuy qui
Pavait amené, et mena son mulet au chasteau là où estoit le roy qui le
regardait. Et Dieu sçait s'il y eust beau bruiot. (Gruel, Histoire de
Richement, p. 439.)
[31]
Depuis s'en vint monseigneur le connestable à
Parthenay et sçavoit bien que de par luy en partie se demenait une entreprinse
sur La Trémouille, et estoient venus devers luy à Parthenay partie de ceulx qui
la conduisaient. Et bientost après fut la chose mise à exécution par monseigneur
de Bueil, monseigneur le grand seneschal et monseigneur de Coitivi, et avaient
pour chef monseigneur du Maine. Et en estoient monseigneur de Gaucourt et
monseigneur de Chaumont, qui tenoient Chinon et Loches, et Olivier Frestard les
mist dedans le chasteau de Chinon. Et fut la Trémouille prins en son lict, et
fut en grand danger de mort qui ne l'eust rescous. Toustefois, ils ne luy
voulaient point faire de mal, et fut envoyé en sa maison. Et fut le roy fort
effrayé, et on luy dist que ce n'estait rien que tout bien, et demanda le roy si
le conuestable en estoit, et on lui dist que non. Assez test après, quand le
roy fut informé de la choss il fat très-content. (Gruel, Histoire de
Richemont, p. 457, 458.)
[32]
Arthur, comte de Richemont, était vassal du roi d'Angleterre pour le comté
d'Ivry en Normandie. La Bretagne était d'ailleurs attachée par beaucoup de
liens à l'Angleterre. Jean V, père d'Arthur, avait épousé successivement deux
princesses d'Angleterre, avant son union avec la mère d'Arthur, Jeanne de Navarre.
Mais Richemont n'aima jamais les Anglais, alors même qu'il les servit un
moment. (De Barante, Histoire des ducs de Bourgogne, t. V, p. 7.)
[33]
Gruel, Histoire de Richement, p. 417.
[34]
Gruel, Histoire de Richement, p. 428.
[35]
Après la bataille de Patay, au gain de laquelle il avait puissamment contribué,
le roy manda à monseigneur le connestable qu'il s'en
retournast à sa maison, et mon digit seigneur envoya devers luy supplier que ce
fast son plaisir qu'il le servist, et que bien et loyaument le serviroit luy et
le royaume. Et y envoya monseigneur de Beaumanoir et monseigneur de Rostrenen,
et prioit la Trémouille qu'il lui plcust le laisser servir le roy, et qu'il
feroit tout ce qu'il lui plairoit, et fust jusques à le baiser aux genoux, et
oncques n'en voulut rien faire. Et luy fict mander le roy qu'il s'en allast, et
que mienlx aimeroit jamais n'estre couronné que mon digit.seigneur y fust.
(Gruel, Histoire de Richemont, p. 452, 453.)
[36]
Mémoires concernant la Pucelle d'Orléans. Col. Petitot, p. 185. — De
Barante, Histoire des ducs de Bourgogne, t. V. p. 158, 159.
[37]
Toutefois la Hire, Girard de la Paglere, monseigneur
de Guitry et autres capitaines demandèrent à la Pucelle ce qu'elle vouloit
faire, et elle leur respondit qu'il falloit aller combattre le connestable, et
ils luy respondirent que si elle y alloit elle trouveroit bien à qui parler, et
qu'il y en avoit en sa compaignée qui scroient plus tôt à luy qu'à elle, et
qu'ils aimeroient mieux luy et sa compaignée que toutes les pucelles du royaume
de France. (Gruel, Histoire de Richemont, p. 409.)
[38] Et leur fut rendu Chastelaillon, dont monseigneur le
connestable fut fort mal content, et feit coupper la teste à celuy qui avoit
rendu la dicte place. (Gruel, Histoire de Richemont, p. 455,
507.)
Après la soumission de Paris,
le connétable de Richemont déploya toute l'énergie de son activité pour ramener
à la discipline les brigandages des gens d'armes. L'ordonnance publiée sur son
initiative, au nom du roi, le 5 avril 1438, constitua le prévôt de Paris (capitaine
Ambroise de Loré) juge et réformateur sur les malfaiteurs
du royaume, en quelque juridiction qu'ils se retirent. (Vallet de
Viriville, t. II, p. 399.)
[39]
Et durant que monseigneur estoit au dict lieu de
Chaalons, lui vinrent plusieurs plaintes d'un capitaine nommé Hurry Bourges, et
sur ce le feit prendre, et sans gehenne confessa avoir forcé dix femmes et tant
d'autres maulx que c'étoit merveilles, et foit mon dict seigneur pendre le dict
Bourges. (Gruel, 467, — 429, 447, 466, 471, 494, 502.)
[40]
Gruel, p. 546 et suiv. — Berry, Chartier, Bazin, du Clercq.
[41]
Journal d'un bourgeois de Paris.
[42]
On a aussi une aimable lettre inédite du connétable à sa cousine, la comtesse de
Saint-Pol et de Brienne. Nous la reproduisons textuellement :
Très-chère et amée cousine,
incontinent que mon amé et féal conseiller et maistre d'ostel, Jehan de la
Haye, estant par delà, m'a fait sçavoir la bonne obéissance que lui avez fait
faire, peur Monseigneur le Roy, des places, chas-tel et ville de Lucy, je me
suis transporté par devers mondit Seigneur pour lui en faire la relation de
laquelle il a esté de vous bien content, et, à ce que me peut sembler, le fait
de beau cousin vostre filz en pourra mieux valoir ; mesmement que pour
tousjours mieux le entretenir en bon termes, il semble et aussi je vous le
conseille à venir de vers lui en la ville de Bar, ois, à l'aide de voz amis,
vous pourrés bien besogner. Au surplus, j'ay tant fait que jusques à ce que le
dit beau cousin vostre filz soit venu pardevers mondit Seigneur, vous prandrés
et ferez lever par voz mains cependant la revenue de la terre et comté sur
laquelle vous ferez ordonnance de vivre à mes gens_que mondit Seigneur y
commect pour la garde, lesquelz je vous prie tousjours avoir pour bien
recommandez et croire féablement mondit conseiller de tout ce qu'il vous dira
de ma part. Et se chose voulez que je puisse, la me faites savoir et je la
feray d'un si bon tuer, très-chère et amée cousine. Dieu vous ait en sa sainte
garde cependant. — A Saint-Myel, le Hile jours de mars. Le comte de Riehemont,
seigneur de Partenay, connestable de France, ARTUR.
- Contre-signé : Berthelot.
La signature seule est de Richemont. Le texte de la
lettre parait être de l'écriture de Berthelot. — Cette pièce faisait partie de
la riche collection d'autographes du baron de Trémont. (Pierre Clément, Jacques
Cœur et Charles VII, note de la page 50)
[43]
Gruel, Basin, Monstrelet, Chartier. Vallet de Viriville, Histoire de Charles
VII, t. II, p. 340, 341.
[44]
Preuves diverses. — Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t.
III, p. 392, 393.
[45]
Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII, t. II, p. 358, 359, 360,
361.
[46]
Gruel, Histoire de Richemont, p. 561.
[47]
Gruel, Histoire de Richemont, p. 562.
[48]
Gruel, Histoire de Richemont, p. 562.
[49]
Gruel, Histoire de Richemont, p. 562.