Deuxième partie
Ce fut dans la première moitié de cette même année 1001, au retour de cette brillante expédition, que la paix fut enfin conclue entre l'empire byzantin et le Khalife d'Egypte. Certainement ce grand événement sur lequel mais n'avons que fort, peu de détails et qui mettait fin à un état, de guerre presque incessant depuis l'arrivée des Fatimides en Egypte, fut une conséquence de l'heureuse campagne de notre basileus en Syrie en l’an 990. Les grands succès remportés par Basile qui durent, avoir par tout l'Orient, un retentissement immense, contribuèrent à décider le nouveau Khalife du Caire, cet esprit, malade si mobile, constamment agate, à proposer de lui-même au basileus ce qu'il s'était, refusé à accepter lors des avances faites par celui-ci en 998. Le choix qu’Al-Hakem fit d'un des parents chrétiens de sa femme pour être son ambassadeur à Constantinople avec pleins pouvoirs, en est la preuve certaine. Yahia, de qui nous tenons les quelques renseignements que nous possédons sur ces négociations si importantes,[1] raconte, en effet, que l'ambassadeur envoyé par le Khalife au basileus pour traiter d'un armistice d'abord, de la paix ensuite, fut ce patriarche Oreste de Jérusalem dont il a été question déjà, qui était parent de Hakem. Ce prélat, auteur distingué de vies de saints italiens fort intéressantes,[2] avait succédé dans cet illustre siège patriarcal de Jérusalem, antique siège de l'apôtre saint Jacques dont il devait être un des successeurs les plus éminents, au médecin Joseph.[3] Il exerçait ces hautes fonctions peut-être bien depuis le mois de janvier 986, certainement du moins depuis l'an 996 et avait été très en faveur sous le dernier Khalife. Lui et son frère Arsène, patriarche melkite, avaient à cette époque joui de la plus grande influence au Caire, parce qu'ils avaient pour sœur une épouse chrétienne d'Al Azis, laquelle avait avec eux abjuré le mahométisme. Ils se trouvaient donc être les oncles maternels de la princesse Sitt el-Mulk, fille de celle-ci et du défunt Khalife, sœur aînée du présent Khalife Al Hakem qui professait pour elle le plus grand respect.[4] De là leur fortune sous ce second règne. De là l'explication de ce fait étrange d'un patriarche de Jérusalem venant en ambassade auprès du successeur de Constantin de la part d'un des Khalifes sous le règne desquels les chrétiens furent le plus cruellement et le plus constamment persécutés. Dès les triomphes de Basile en Syrie on avait résolu au Caire de faire la paix avec lui, mais Yahia raconte que, dans le but de sauvegarder la dignité du Khalife, le patriarche ambassadeur ne se mit en route pour accomplir sa mission que lorsque le basileus et son armée eurent derechef quitté les pays de l'Islam et furent rentrés sur le territoire de l'empire. Avant de partir, Oreste fut reçu en audience par l'eunuque Bargawan en compagnie de celui des deux ambassadeurs du basileus qui avait été retenu au Caire depuis 998. Celui-ci devait s'en retourner à Constantinople avec l'envoyé du Khalife. Dans cette audience il fut dit à Oreste probablement par Bargawan au nom de Hakem: « Tout ce que tu régleras à Constantinople avec le basileus sera adopté et signé par notre souverain. » Puis, le tout-puissant eunuque, véritable maître de l'Egypte, remit aux deux ambassadeurs et à leur suite de la part du Khalife des vêtements d'honneur et d'autres plus riches présents dont nous ne savons malheureusement rien. La date de cette audience solennelle à la suite de laquelle l'ambassade égyptienne si bizarrement présidée par ce prélat chrétien se mit en route pour Constantinople, peut être fixée aux premiers mois de l'an 998. Ceci prouverait bien que les succès de Basile en Syrie dans l'automne précédent furent la cause déterminante de cette démarche du Khalife. Nous pouvons être à ce point précis parce que nous savons que l'eunuque Bargawan, tombé en disgrâce, fut mis à mort dès le 4 avril de cet an 1000[5] par ordre du Khalife qui lui donna pour successeur son propre secrétaire et bras droit, le chrétien Faklid Ibn Ibrahim Ai-Rats. Donc cette audience de départ accordée par l'infortuné Bargawan à Oreste et à l'envoyé du basileus, dut avoir lieu au plus tard dans ce premier tiers de l'an 1000. Le départ de l'ambassade suivit certainement de près. L'envoyé d'Egypte, arrivé dans la capitale du monde grec,
n'y trouva point le basileus. Basile, qui avait brusquement quitté dans le
courant de juin Il eût été bien intéressant d'en savoir davantage au moins sur les circonstances matérielles de cette curieuse ambassade qui faisait représenter le chef des croyants, le grand Fatimide du Caire, par un des principaux prélats de l'Orient chrétien, par un patriarche de Jérusalem, la ville de toutes les gloires du Christianisme, la ville aussi, à cette époque surtout, de toutes les persécutions musulmanes. Cette fois encore on dut certainement procéder avant la signature de la trêve à un de ces vastes échanges de prisonniers qui rendaient en un jour la liberté à des milliers de captifs, esclaves parfois depuis des années. On échangeait groupes contre groupes en appareillant le mieux possible les divers lots. On donna probablement de grandes fêtes au patriarche
Oreste et à sa suite. On organisa certainement en leur honneur une de ces
expositions publiques d'objets rares et précieux qu'on avait coutume de faire
à Constantinople lors de la réception des ambassadeurs étrangers dans le
Grand Palais ou dans toute autre demeure, impériale affectée à cette
cérémonie. Ces objets consistaient surtout, eu pièces d'orfèvrerie et en
riches étoiles. C'était la mode du temps, au détriment des statues, mémo des
mosaïques qui étaient rares, surtout des peintures dont il n'est fait aucune
mention à cette époque. Il y eut une exposition de ce genre lors de
l'audience, accordée en 946 dans le Triclinion de Le Porphyrogénète nous a donné un compte rendu curieux de
cette exposition.[7] Il serait
impossible, sans tomber dans des redites, de rapporter ici le détail de tout
ce qui avait été offert à l'admiration du public dans ce beau palais de Dans le portique de la salle on voyait les deux orgues d'or du basileus et les deux orgues d'argent des Factions du cirque. L'abside orientale, où se trouvait d'ordinaire le trône du basileus, portait suspendues à son grand arc trois magnifiques couronnes d'or émaillé soutenues par des colombes et du centre desquelles pendaient des croix: la première, en émail vert émeraude, appartenait aux Saints Apôtres; les deux autres, en émail bleu d'azur, étaient la propriété des églises de Sainte-Marie du Phare et de Saint Démétrius. Ces trois belles couronnes, ainsi placées dans la plus noble partie du Chrysotriclinion, étaient des ouvrages d'orfèvrerie sortis des mains mêmes du basileus Constantin Porphyrogénète. A chacun des grands arcs des sept autres absides étaient suspendus, attachés à des chaînes d'argent, trois de ces grands lustres auxquels on donnait le nom de « polykandila ». Ils étaient d'argent, provenant également de Sainte-Marie du Phare. Ces trois grandes couronnes, ces vingt et un lustres, décorant ainsi la circonférence de la grande salle à coupole du Chrysotriclinion, devaient produire un effet magique. Au fond de l'abside orientale était placé le Pentapyrgion, sorte d'armoire géante dont les portes ouvertes laissaient voir toutes les richesses qui y étaient renfermées. Dans les cases du milieu de la tour centrale et des tours de droite et de gauche, sur le devant, on avait suspendu d'excellents ouvrages en mosaïque, probablement des bijoux et des petits tableaux portatifs, tirés de l'église de Saint Démétrius et du trésor impérial, et en haut, sur les parois, les ceintures de mariage enrichies de pierres fines et de perles appartenant au même trésor. En bas, à droite, se trouvait le trône d'Arcadius, à gauche, celui de Constantin le Grand. Dans la partie centrale du Chrysotriclinion, on avait disposé des deux côtés, à droite et à gauche, les autres trônes impériaux et les deux lits de repos du basileus tout en or, sur lesquels il se tenait à demi couché à la manière orientale. On avait aussi mis en place les deux thyrses d'argent qui soutenaient les portières de l'abside occidentale. Constantin fait observer que la table d'or n'avait pas été
exposée; c'était celle sans doute qui était d'ordinaire dressée dans le
Chrysotriclinion lorsque le basileus recevait de grands personnages comme le
patriarche le cinquième jour de la fête de Pâques. Elle n'était certainement
pas toute en or, mais plutôt simplement recouverte d'une plaque d'argent
doré. Nous devons ajouter pour ne rien omettre que le plus important des trônes,
celui que Théophile avait fait faire et dont nous avons donné la description
plus haut, ne faisait pas partie de l'exposition du Chrysotriclinion parce
qu'il avait déjà été dressé dans Le pentapyrgion et les trois couronnes émaillées avec leur croix et leur colombe composaient donc l'exposition faite dans l'abside orientale. Celle des sept autres absides consistait en couronnes d'or tirées des différents oratoires ou chapelles du Palais impérial et en ouvrages d'or émaillé appartenant au trésor de l'empereur. Ces objets étaient alternativement disposés: à la suite d'une couronne venait une pièce d'orfèvrerie d'or émaillé, puis une couronne, puis un objet d'or émaillé et ainsi de suite. L'abside occidentale où se trouvait l'entrée du Chrysotriclinion offrait en outre aux regards trois « missoria « d'or, vastes plats ou bassins pour les mets. On voyait encore dans une des absides un cerf d'or enrichi de perles qui appartenait à l'oratoire de Saint-Pierre. Enfin au grand « polykandilon » suspendu au centre de la salle on avait accroché différents bijoux des impératrices appartenant au trésor. Dans la galerie supérieure qui faisait le tour de la salle, au-dessus des arcs des absides, on avait suspendu les grands « missoria » et les grands bassins de milieu de table, tous d'argent, enrichis de ciselures en relief; et au-dessus, dans les seize fenêtres de la coupole, les petits plateaux également d'argent ciselés de même; ils étaient au nombre de sept par fenêtre. L'exposition de la salle comprenait encore de magnifiques tentures de draps d'or, divers vêtements impériaux, des étoffes de soie où on voyait des figures d'animaux. Le cadeau que fit le basileus aux deux envoyés sarrasins après leur réception consista pour chacun d'eux en un bassin d'or enrichi de pierres précieuses et tout rempli de sous d'or. Revenons au patriarche Oreste, artisan principal de cette
trêve bénie qui remplit de joie les populations de l'empire en Asie. Yahia
dit que le prélat ambassadeur demeura à Constantinople après la conclusion de
sa mission et y vécut quatre ans encore, après quoi il mourut dans cette
ville vers le mois de ramadhan de l'an 395 de l'Hégire, c'est-à-dire en juin
ou en juillet de l'an 1005. Tel est le très bref récit de l'annaliste syrien.
Les chroniqueurs occidentaux sont, par contre, pleins de légendes bizarres et
sanglantes sur le compte de ce personnage. Ils rapportent entre autres qu'il
fut privé de la vue et horriblement torturé par ordre du dément Khalife Hakem
son neveu lors de la destruction de l'église de A partir de cette date de l'an 1001 jusqu'à la fin du règne de Basile II nos renseignements deviennent s'il est possible encore plus clairsemés. On pourrait citer telle année entière pour laquelle les sources font de toutes parts presque complètement défaut. Déjà pour la période immédiatement précédente je n'ai pu raconter que quelques faits de guerre-: campagne de Basile en Syrie, expédition de Basile en Géorgie. De ce qui se passait durant ce temps au Palais Sacré, dans la capitale, dans tout le reste de l'empire, nous ne savons rien absolument! Telle est l'inexprimable pauvreté des sources pour toutes ces années voisines des débuts du xie siècle! Nous savons seulement que le patriarche de Constantinople, Sisinnios II, étant mort en l'année 998 ou 999,[9] après deux ans et demi de pontificat, eut pour successeur le moine Sergios, de la famille du célèbre patriarche Photios. Ce Sergios portait, je l'ai dit, le surnom de Manuélite, parce qu'il était higoumène du monastère de Manuel, aujourd'hui la mosquée Képhili,[10] fondé par Photios. Bien des années auparavant, en 956 déjà, le basileus Romain Lécapène, lors de la maladie mortelle du patriarche Théophylacte, avait voulu le remplacer par ce même Sergios, mais celui-ci avait décliné cet honneur et lui-même désigné le moine eunuque Polyeucte comme bien plus digne de cette haute charge. Maintenant Sergios, second patriarche de ce nom, arrivait à la suprême dignité de l'église orthodoxe dans un âge déjà fort avancé. Ce que nous savons de lui est bien peu de chose. Il nous est représenté comme un prélat riche en vertus, de haute science, de modestie profonde, d'humilité parfaite, au parler plein de douceur, inébranlable dans ses principes comme dans la ligne de conduite qu'il s'était une fois tracée. Il devait occuper dix-neuf à vingt ans le trône patriarcal. Dans un Synode réuni par lui à Constantinople il fit confirmer les dispositions prises par son prédécesseur Photios contre « les nouveautés latines » et fit rayer des saints diptyques le nom du pape de Rome Christophore.[11] Tout-puissant du côté de l'Arménie et de Pour cette nouvelle période de cette guerre interminable, nous sommes, comme toujours, misérablement renseignés. Skylitzès, Cédrénus et Zonaras racontent bien quelques faits, mentionnent quelques combats, mais aucun lien, aucune indication chronologique ne relient ces divers récits. Nous ignorons le plus souvent s'il faut placer ces événements à telle date plutôt que dix ou vingt ans plus tard. Seule la publication par le baron V. de Rosen d'une portion de la chronique presque contemporaine de Yahia est venue tout récemment nous fournir quelques points de repère infiniment peu nombreux mais du moins infiniment précieux. « Après avoir signé la trêve de dix années avec le Khalife d'Egypte, dit ce chroniqueur,[12] le basileus retourna en Bulgarie pour y poursuivre la guerre et y demeura de nouveau quatre années. » C'est par cet unique passage que nous savons aujourd’hui que Basile fit en Bulgarie ce nouveau long séjour et cette seule indication constitue bien la prouve la plus éclatante de la gravité de cette guerre soutenue par Basile avec toutes les forces de l'empire contre l'indomptable Samuel. La paix avec le Khalife avant été signée probablement dès le printemps de l'an 1001, dès le retour de Basile de Géorgie, le basileus dut vraisemblablement retourner aux champs de bataille de Bulgarie encore dans le courant de l'été de cette année. Dès le milieu de l'an 1001, la guerre contre le tsar Samuel reprit certes avec plus de violence que jamais: mais à aucun moment, je le répète, cette lutte de géants n'avait cessé de demeurer pour le basileus la préoccupation capitale du règne. Ce prince avisé comprenait clairement que jamais son vaste empire ne jouirait de quelque sécurité tant que la puissance sauvage, quasi révolutionnaire, du fils du « Comitopoule » n'aurait pas été définitivement abattue. Plus loin, quand nous parlerons des relations du Palais Sacré avec Venise, nous verrons le basileus prendre toutes les mesures nécessaires pour se concilier en la personne du doge Pierre Orseolo, sur les derrières du royaume bulgare, un allié et un défenseur de ses sujets dalmates. Donc en l'an 1001, après la signature de la trêve de dix
années avec le Khalife d’Egypte,
trêve qui le délivrait momentanément de presque tout souci du coté des
frontières méridionales de l'empire, probablement dans le courant de l'été,
Basile reprit la route de Aucun historien, aucun annaliste, je le répète, n'a raconté en détail cette période de la guerre bulgare, pas plus du reste que les autres portions de ce long drame militaire; seulement Skylitzès et, après lui, Cédrénus et Zonaras, nous fournissent sur ces événements un certain nombre de récits ou d'indications non datées dont nous pouvons rattacher quelques-unes à ces premières années du xie siècle. Quant à Yahia, après avoir dit qu'à la suite de la signature de la trêve avec le Khalife, Basile retourna guerroyer durant quatre ans en Bulgarie, l'historien antiochitain ajoute ces mots: « Et Basile remporta sur les Bulgares une victoire complète, tuant ou réduisant en captivité une foule d'entre eux, et leur roi le « Comitopoule » prit la fuite devant lui, et il s'empara de beaucoup de leurs forteresses détruisant un grand nombre d'entre elles, conservant pour lui les autres. « Ce dernier membre de phrase, dit fort bien le baron V. de Rosen, n'est certainement qu'un cliché destiné à remplacer l'énumération desdites places fortes qui devait figurer dans la source à laquelle a puisé Yahia.[13] » Skylitzès raconte en quelques mots[14] un premier fait
de guerre qu'il faut très vraisemblablement rapporter à cette période de la guerre
bulgare, probablement à l'année 1001.[15] « Le
basileus, dit-il, partit de Philippopolis pour envahir Immédiatement après ce récit, Skylitzès mentionne une
nouvelle campagne de Bulgarie, campagne qu'il date de l'an du monde 6508,
Indiction 13, ce qui correspondrait à l'an 1000. Mais, grâce à Yahia, nous
savons maintenant qu'en cette année 1000, le basileus et ses troupes se
trouvaient encore au fond de l'Asie. Très probablement il faut, reporter
cette nouvelle expédition à l'an 1002.[17] Voici le récit
du chroniqueur byzantin:[18] « Basile
(probablement de ses quartiers de Mosynopolis où l'armée avait dû passer
l'hiver) envoya un corps de troupes considérable sous la conduite du même
patrice Théodorokanos et du protospathaire Nicéphore Xiphias attaquer les
châteaux bulgares au delà de l'Hajmus. Cette armée s'empara des deux
Péreïaslavets,[19] Cette nouvelle expédition en Bulgarie est facile à
comprendre. Le but du basileus était cette fois de reprendre à l'ennemi la
vallée du Danube, plus exactement la grande plaine de Une d'elles, la grande Péréïaslavets, déjà si souvent,
citée dans cette histoire, était une des capitales du vieil empire bulgare.
Il est probable que bien d'autres forteresses de la vallée du Danube
tombèrent à ce moment aux mains des lieutenants de Basile. Ainsi nous verrons
par Skylitzès que Dorystolon, La perte définitive de cette riche province avec toutes ces places de premier rang, constituait un échec très grave pour la puissance du tsar Samuel qui se trouvait ainsi rejeté tout à fait dans l'ouest de la péninsule des Balkans, enveloppé maintenant du côté de l'est comme du sud par les possessions byzantines. Bientôt même cette lutte désespérée allait se concentrer dans les montagneuses régions qui formaient le centre, comme le nœud de la nouvelle monarchie bulgare à l'ouest du Balkan proprement dit et des monts Rhodope, dans la vieille province de Haute Macédoine. Dans ces récits malheureusement si brefs de Skylitzès et de Cédrénus sur cette troisième campagne de l'an 1001 à l'an 1005 on voit cependant se dessiner très nettement le système de temporisation adopté par ce basileus patient, opiniâtre entre tous. Basile ne tente pas l'œuvre impossible d'abattre en une fois l'infortuné souverain des Bulgares; il cherche à lui porter des coups successifs qui vont l'affaiblissant un peu davantage chaque jour. De même le bûcheron, avant de s'en prendre au tronc du chêne qu'il veut jeter à terre, commence par le dépouiller de ses branches. C'est pourquoi nous voyons Basile, uniquement absorbé par cette tâche immense, passer des années entières en Bulgarie ou sur la frontière, prenant ville après ville, forteresse après forteresse. Nouvelle expédition dans le cours de l'année suivante 1003, nouveaux coups portés à l'édifice si péniblement élevé par Samuel, nouveaux progrès du patient basileus et de ses non moins patients bataillons. « L'année suivante, poursuit Skylitzès,[22] le basileus repartit de Salonique pour marcher à nouveau contre les Bulgares. » Cette fois Basile attaquait le tsar Samuel par la frontière méridionale de son empire, comme il l'avait l'an d'auparavant atteint sur son flanc oriental. Le principal succès des Byzantins dans cette expédition
fut la reprise de la place de Berrhoea,[23] Berrhœa ou Béroé était d'une grande importance pour la défense
de Salonique et aussi de Le récit que nous ont laissé les Byzantins de cet événement capital est fort bref. « Le commandant bulgare de Berrhœa, Dobromir, disent seulement Skylitzès, Cédrénus et aussi Zonaras, vint à la rencontre du basileus lui faire sa soumission, et lui livrer sa ville. » En récompense le chef vaincu fut élevé à cette dignité d'anthypatos qui correspondait à celle des vieux proconsuls romains, mais qui, bien déchue de son antique splendeur, n'était plus maintenant qu'un degré de l'infinie hiérarchie palatine à Byzance.[25] La prise de Berrhœa dut causer par tout l'empire une joie extraordinaire. C'était une place très forte. Son origine remontait aux âges mythologiques. C'est maintenant une ville de vingt mille âmes située sur un plateau à l'extrémité du mont Doxa, l'ancien Bermios, couvert de forêts. Une grande partie de l'enceinte formidable élevée au xive siècle par le krahl de Serbie, des débris de l'enceinte byzantine plus ancienne qui vit peut-être les luttes des soldats de Samuel et de Basile II, des débris enfin des remparts antiques forment à cette cité déchue une ceinture aujourd'hui beaucoup trop étendue. Tout le sol est jonché de ruines. Dans cette même campagne l'armée impériale remporta un autre succès éclatant. Comme elle était venue après la prise de Berrhœa, remontant probablement vers le sud-est la haute vallée de l'Haliacmon, mettre le siège devant une autre des plus fortes places de cette région, Servia, elle y rencontra, raconte Skylitzès, une résistance formidable de la part de la garnison bulgare et de son chef Nicolas, surnommé Nikolitzès ou « le petit Nicolas » à cause de sa taille exiguë. Cet énergique partisan, un des plus audacieux parmi les lieutenants de Samuel, était, nous l'avons vu, comme Démétrius Polémarkos, le parent par alliance[26] de Kékauménos, cet aïeul de l'auteur anonyme des Conseils et récits d’un grand seigneur byzantin, auquel le basileus Basile, dans les débuts de la guerre bulgare, avait confié le poste si important de stratigos du thème de Hellade. Lors de la prise de Larissa de Thessalie en 986 par Samuel
on se rappelle que toute la population valide de cette ville avait été
transportée captive dans l'intérieur de Servia, aujourd'hui Selvidze, sur la frontière de Les remparts d'aujourd'hui sont encore disposés de façon que la route du défilé longeant le flanc de la hauteur passe nécessairement dans l'enceinte fortifiée. Elle en sortait jadis par une large porte dont les piliers sont encore en place. De là ce nom de défilé de Portaes. La résistance opposée par Nikolitzès semble, au dire de Skylitzès, avoir été énergique au delà de toute expression. Enfin les Byzantins l'emportèrent. Comme toujours Basile se montra fin politique, aussi clément que le comportaient les mœurs guerrières si effroyablement dures du temps. La population bulgare de Servia fut transportée sur un autre point du territoire de l'empire. Une forte garnison byzantine fut laissée dans la forteresse reconquise. Puis le basileus reprit la route de la capitale emmenant avec lui le chef Nikolitzès. Basile était en droit de châtier cruellement ce personnage qui jadis, lors de la prise de Larissa, avait si effrontément trahi sa cause. Il préféra tenter de se l'attacher en lui accordant sa faveur et le créa patrice. Le basileus avait compté sans l'âme indépendante du farouche et libre archonte; Skylitzès raconte que Nikolitzès, étant d'humeur infidèle, n'eut rien de plus pressé que de prendre la clé des champs. Trahissant le basileus une fois de plus, il se sauva furtivement auprès du tsar Samuel et tous deux ensemble vinrent aussitôt remettre le siège devant Servia, à peine reconquise par les Grecs. Mais Basile n'était pas moins prompt à la riposte. A marches forcées lui et l'armée impériale reparurent dans la vallée de l'Haliacmon. Les Bulgares furent forcés de lever le siège tout récemment entrepris et de s'enfuir précipitamment. Les aventures de Nikolitzès ne devaient pas en rester là. Plus tard il eut la malchance de tomber dans une embuscade byzantine. Il fut conduit enchaîné au basileus qui l'expédia sous bonne escorte aux prisons de Constantinople. Nous retrouverons cette figure énergique à d'autres pages de cette histoire agitée.[29] De Servia, par le défilé fameux du même nom, le basileus
passa en Thessalie. Il fallut procéder à la prise de possession régulière de
cette fertile province, un des greniers de l'empire. Quelques places fortes,
quelques châteaux étaient encore occupés par les Bulgares. Le basileus les assiégea
successivement et les prit. Il est probable qu'atterrées par la chute
définitive de Servia et la déroute de l'armée royale, les garnisons bulgares
ne firent guère de résistance et se rendirent sans conditions. Le basileus,
fidèle aux coutumes traditionnelles de la politique byzantine, les envoya
coloniser le riche territoire de Voléros sur les deux rives de Puis le basileus, repassant en Macédoine par cette même
route de Servia, franchissant l'Haliacmon, et se dirigeant vers le nord
probablement par Kozam,[31] la vallée de
Nalkankioj et la rive orientale du lac d'Ostrovo, s'avança par une pointe
hardie jusqu'à Vodhéna,[32] l'ancienne
Edesse de Macédoine. Cette autre puissante forteresse, à laquelle on parvient
d'Ostrovo par la fraîche et charmante vallée de Draxan, le commandant bulgare de Vodhéna, homme de guerre consommé, obtint du basileus la permission de vivre à Salonique. Basile, toujours prompt à l'indulgence pour le courage malheureux, le maria, raconte Skylitzès, à la fille du chef des péribataires de l'église de Saint Démétrius, l'Athlophore, ainsi qu'on désignait, d'habitude le glorieux mégalomartyr patron de cette cité.[34] Cette épouse grecque donna deux enfants à Draxan. Plus tard, ressaisi, lui aussi, par cet amour sauvage de la vie libre qui semble avoir été la caractéristique de tous ces guerriers bulgares, il s'enfuit, abandonnant probablement sa nouvelle famille. Lui aussi fut repris. Il eut encore deux enfants de sa femme, puis, incorrigible, se sauva derechef dans sa chère Bulgarie. Une troisième fois on le ramena prisonnier. Cette fois le basileus exaspéré le fit empaler. Les vastes plans de Basile s'accomplissaient lentement,
péniblement, mais sûrement. Le réseau de fer dont il étreignait petit à petit
le malheureux royaume bulgare se resserrait progressivement. L'an
d'auparavant toute la vieille Bulgarie danubienne était retombée aux mains
des troupes byzantines, cette fois non seulement Basile II passa probablement cet hiver à Salonique. Le nouveau commandant de cette place depuis que Nicéphore Ouranos avait remplacé comme duc d'Antioche l'infortuné Damien Dalassénos tué dans la déroute d'Apamée, était le patrice David Arianitès. De même à Philippopolis le protospathaire Nicéphore Xiphias remplaçait définitivement Théodorokanos que, son grand âge avait obligé à la retraite. Le récit de Skylitzès se poursuit comme toujours plein de
lacunes. Le basileus Basile et ses admirables guerriers se montraient
vraiment infatigables. L'année écoulée les avait vus aux champs de Thessalie
et de Macédoine, prenant forteresse après forteresse. Cette nouvelle année[35] nous les
retrouvons soudain à une immense distance, tout au nord de la péninsule, à
l'extrémité orientale de Evidemment la conquête de la région danubienne n'avait pas
été entièrement terminée dans la campagne de l'an 1002 et Basile avait décidé
d'achever de ce côté l'investissement de Widdin devait être à cette époque une forteresse bulgare beaucoup plus importante qu'on ne le supposerait de prime abord, car Skylitzès nous dit que le basileus l'assiégea huit mois durant. Probablement ce fut surtout un blocus. Probablement aussi, bien que Skylitzès n'en dise rien, la flotte impériale remontant le Danube prit part à l'investissement. Le basileus employa certainement une partie de cet arrêt forcé à réorganiser l'administration de ces provinces danubiennes reconquises. Widdin devint un évêché byzantin dépendant de la métropole de Dristra.[37] Durant que l'armée campait ainsi sur la rive du grand
fleuve sous les remparts de cette forteresse si dure à prendre, un incident
aussi terrible qu'imprévu faillit une fois de plus tout remettre en question.
Le tsar Samuel, à la tête d'un corps rapide, se lançant d'une course éperdue
à travers les monts, franchissant probablement quelque défilé secondaire,
quelque sentier mal gardé des monts Rhodope plutôt qu'un défilé plus connu
comme celui de Nous n'avons aucun détail sur ce drame affreux. Quelles
scènes épouvantables! Ces partisans bulgares, les plus sauvages guerriers du
monde, se ruant à grands cris, l'épée haute, par les rues de la ville sur
cette population en fête, surprise sans défense, fuyant affolée. Les
annalistes byzantins, comptant pour peu de chose ce sang répandu de tant de
victimes innocentes, disent seulement que Samuel et ses soldats se retirèrent
emportant un immense butin, naturellement aussi des centaines, peut-être des
milliers de captifs. Cette diversion prodigieusement hardie en plein
territoire de l'empire avait certainement pour but de forcer le basileus à
lever le siège de Vidyni. Malheureusement pour Samuel, il s'y était pris trop
tard et la forteresse danubienne avait déjà succombé quand Basile, rappelé
par ces événements lamentables, se décida au retour. Le but de l'expédition
sur le Danube demeurait atteint, et le hardi tsar bulgare dut évacuer en hâte
Andrinople. Nous lisons dans le récit constamment si bref de Skylitzès que
Basile, après avoir ordonné de réparer en hâte les murailles de Vidyni,
reprit avec son armée intacte la route du sud. Mais il ne prit point le plus
court chemin à travers L'armée impériale arriva d'abord devant Skopia,[38] l'Uskub
d'aujourd'hui, l'antique capitale de Il se passa exactement alors ce qui s'était passé huit
années auparavant sur la frontière méridionale de Après une aussi totale défaite, la ville de Skopia ne pouvait tenir longtemps. Skylitzès raconte ce fait étrange que le commandant de la place pour Samuel était précisément Romain, le fils survivant du dernier tsar bulgare Pierre, le frère de Boris jadis assassiné par erreur par ses propres sujets. C'était en somme le roi légitime de Bulgarie. On sait qu'il se nommait aussi Syméon en souvenir de son célèbre aïeul qui avait failli prendre Constantinople aux temps glorieux de la première monarchie bulgare. Depuis qu'il avait échappé à la demi-captivité du Palais Sacré, ce malheureux prince sans couronne avait accepté ce poste humiliant de gouverneur d'une des cités de son propre royaume pour le compte de celui qui l'avait dépouillé du trône de ses pères. Il ne devait guère, semble-t-il, porter dans son cœur Samuel le « Comitopoule », ce sujet devenu son maître. Quoi qu'il en soit, il rendit incontinent à l'empereur la ville dont on lui avait confié la garde. Le basileus lui fit grand accueil, le nomma en récompense de sa trahison patrice et aussi préposite ou chambellan et l'envoya en qualité de stratigos impérial commander en son nom dans la cité asiatique d'Abydos fort importante à cause des douanes fameuses qui s'y trouvaient établies. L'histoire ne parle plus de ce pauvre roi qui mourut peut-être dans la peau d'un fonctionnaire impérial provincial après avoir été fonctionnaire dans sa propre patrie bulgare. De Skopia, le basileus et l'armée victorieuse, se dirigeant
vers le nord-est au lieu de descendre directement la vallée du Vardar, s'en
vinrent à Pernic, fort kastron, dans la vallée de La prise de Skopia et des forteresses voisines parachevait
la conquête de la basse et moyenne Macédoine. Plus que jamais la monarchie
expirante de Samuel se trouvait refoulée dans le massif montagneux et sauvage
qui fut Il est temps de dire ce qui se passait dans les thèmes
byzantins d'Italie durant que le basileus et ses troupes vaillantes se
ruaient ainsi chaque année nouvelle à l'assaut de la monarchie du tsar
Samuel. Il nous faut remonter de ce côté plus de vingt années en arrière. La
déroute de l'armée allemande à Stilo, la mort d'Othon II à la fin de l'année
suivante 983, mort suivant de si près ce grand désastre, au moment même où
l'héroïque jeune prince s'apprêtait à en tirer une éclatante vengeance
avaient eu pour les affaires des Byzantins en Italie le plus heureux
résultat. Certes, quel qu'ait pu être l'accord établi contre Othon entre
l'empire d'Orient et les Sarrasins, cet accord avait cessé d'exister par le
fait même de la mort de ce prince. Mais, d'une part, l'Allemagne, plongée
dans les embarras d'une minorité attaquée de toutes parts, désolée par une
terrible anarchie, ne pouvait plus de bien des années songer et de fait ne
songea plus de longtemps à intervenir dans les affaires politiques de
l'Italie du Sud; d'autre part la mort de l'héroïque émir de Sicile, Abou’l
Kassem, empêchait aussi du moins pour quelque temps les Arabes de cette île
de reprendre leurs déprédations habituelles sur les rivages des thèmes
d'Apulie et de Calabre. Le champ demeura donc libre aux lieutenants des
basileis en Apulie et en Calabre et les Byzantins, après avoir vu, à la suite
de cette terrible journée de Stilo, disparaître à la fois vainqueurs et
vaincus, purent en toute tranquillité réoccuper toute Kalocyr Delphinas gouvernait, nous l'avons vu,[41] depuis 980 environ les thèmes italiens. Peut-être bien avait-il été dans ce poste élevé le successeur immédiat du magistros Nicéphore. Aussitôt après le désastre d'Othon II à Stilo, il s'était mis en mesure de reprendre aux Allemands les fortes places d'Apulie. Nous voyons qu'Ascoli se rendit à lui dans le mois même de la mort de l'empereur germanique. Probablement il n'y eut aucune lutte et la garnison, atterrée à l'ouïe de ce désastre, se retira purement et simplement et fut aussitôt remplacée par les Byzantins. Bari, capitale de la province, semble avoir offert plus de résistance. Si même Kalocyr Delphinas réussit à y restaurer l'autorité impériale dès le milieu de l'année suivante, c'est qu'il semble y avoir été aidé par quelque sédition populaire, quelque conspiration peut-être dirigée par ces deux frères Serge et Théophylacte, probablement les chefs du parti byzantin, qui, après avoir chassé la garnison allemande, auraient ouvert au patrice les portes de sa capitale.[42] Quoi qu'il en soit, je le répète, la défaite, puis la mort
d'Othon II eurent pour résultat de remettre les Byzantins en paisible et
immédiate possession de tout ce qu'ils avaient perdu depuis peu en
Longobardie comme en Calabre. L'échec même de ce puissant effort du jeune
empereur germanique pour s'emparer du L'origine du titre bizarre donné à ce vice-roi, dit Fr.
Lenormant,[45] titre dont les
pouvoirs offrent la plus grande analogie avec ce qu'avait été celui des
exarques, demeure fort douteuse. Beaucoup de philologues voient avec Du Cange
dans « catapanos » une corruption de capitaneus, capetanos. Mais
les contemporains, peut-être par un calembour plutôt que par une véritable
étymologie, regardaient cette expression comme impliquant la plénitude de
l'autorité civile et militaire dans les mêmes mains. C’est ainsi que
l'expliquait quelques années plus tard Guillaume de « Quod Catapan,
Greci, nus juxta dicimus omne; « Quisquis apud
Danaos vice fungitur hujus honoris, « Dispositor
populi parat omne quod expedit illi, « Et juxta quod
quique dari decet, omne ministrat.[46] Ces années donc qui suivirent la chute momentanée de l'influence allemande en Italie, furent, semble-t-il, bien que nous soyons à peu près dépourvus de tout renseignement contemporain, une époque de calme relatif. Mais la rapacité, la corruption, la faiblesse innée, des gouvernants impériaux n'en furent malheureusement pas modifiées pour cela. L'éloignement de la mère patrie et du gouvernement central était trop considérable. Aussi, depuis la retraite d'Othon II jusqu'à l'occupation normande définitive, ces malheureuses provinces continuèrent-elles à gémir comme, auparavant sous une terrible tyrannie administrative, faisant parfois d'impuissants efforts pour s'en affranchir, allant parfois dans leur désespoir jusqu'à appeler les Musulmans de Sicile à leur secours. Et pourtant, malgré tant de motifs graves de désaffection, l’hellénisation de ces provinces lointaines sous la double influence des fonctionnaires tout-puissants venus de Constantinople et du clergé orthodoxe si nombreux et si zélé, de tous ces moines basiliens surtout que nous avons vus si ardents à suivre les traces de saint Nil, le plus illustre d'entre eux, devint plus complète que jamais. L'ennemi du Nord n'était plus à redouter pour l'heure.
Même les princes longobards, terrifiés par la fin lamentable de leur
protecteur Othon, ne demandaient qu'à entrer en composition. Du côté du Sud, « De l'état florissant des hautes études intellectuelles dans ces pieuses demeures des moines grecs en Italie, a fort bien dit Fr. Lenormant,[47] il n'est pas besoin d'autre preuve que la belle grécité des Vies de saints qui y furent composées dans ce temps, alors que tout était si barbare dans l'Orient latin, et que la façon dont leurs auteurs se montrent nourris de l'Ecriture, des Pères, et même des grands auteurs profanes. On ne faisait pas mieux à Constantinople. » Dans cette Vie même de saint Nil à laquelle j'ai fait déjà tant d'emprunts et qui est notre plus précieux document pour cette histoire, le biographe du saint, le bienheureux Barthélemy, vante parmi les mérites de Nil, son habileté comme copiste, le soin qu'il apportait à ce travail de la reproduction des manuscrits auquel il consacrait régulièrement trois heures par jour, et la beauté de son écriture. « Le disciple suivait, sous ce rapport, les
traditions de son maître, car « Je n'ai jamais pu, continue Fr. Lenormant, lire
sans émotion, un passage de L'activité commerciale reprit certainement aussi à cette
époque dans les thèmes italiens, et comme elle était presque uniquement
dirigée vers Constantinople, Salonique et les ports du Péloponnèse, elle ne
pouvait, elle aussi, que contribuer à l'expansion de la pure influence
byzantine dans les cités maritimes de Ce que réclamait du reste alors le sentiment national de
l'Apulie, ce n'était pas précisément la rupture de tout lien avec l'empire
d'Orient. Mélès lui-même, quoique Lombard d'origine, n'y devait penser et
n'alla mendier des secours en Allemagne que dans le désespoir de l'échec de
sa troisième tentative. Ce que voulurent les Apuliens du xie siècle,
c'était échapper à l'autorité des gouverneurs impériaux qui ne venaient dans
le pays que pour le pressurer, c'était acquérir, sous la suprématie du Palais
Sacré, la liberté de leur vie nationale, s'administrer eux-mêmes, former une
principauté vassale, possédant son autonomie intérieure, aux mêmes
conditions, par exemple, que les principautés de Capoue et de Salerne, qui
reconnaissaient la suzeraineté de Constantinople, ou que le duché de Naples,
la république d'Amalfi, bien plus attachés à l'empire et dont la fidélité
même tenait au respect que les Byzantins avaient toujours eu pour leurs
libertés nationales. Il eut été facile au gouvernement impérial de donner
satisfaction à ces voeux de l'Apulie s'il eut été plus sage et surtout mieux
informé. En agissant de la sorte, tout en maintenant le système de
l'administration directe par les fonctionnaires envoyés de Constantinople
dans On ne saurait assez le répéter, la mauvaise administration fiscale, les exactions abominables des « catépano « byzantins, véritables proconsuls des xe et xie siècles, uniquement attachés à s'enrichir aux dépens de leurs malheureux administrés pendant le peu de temps que durait leur mission, furent la plaie cruelle, toujours saignante, de ces provinces, même aux temps plus pacifiques qui succédèrent à la mort d'Othon II. Le gouvernement central, accablé par d'autres soucis, trop constamment occupé à dompter des révoltes terribles qui le menaçaient de mort, à se défendre à outrance sur la frontière de Bulgarie comme sur celle de Syrie, ne pouvait exercer et n'exerçait de fait sur ces chefs infidèles aucun contrôle sérieux. C'était impunément qu'ils commettaient leurs pirateries, d'où la désaffection graduelle de ces populations si naturellement loyalistes. « Il faut le noter toutefois, dit encore Fr.
Lenormant, tout en résistant encore à une hellénisation complète, l'Apulie,
depuis un certain nombre d'années, commençait à entrer dans la voie de cette
transformation quand vint le moment où les Normands l'arrachèrent aux
Byzantins. Sa soumission aux autorités impériales devenait plus grande. Les
trente dernières années de la domination byzantine s'y passèrent, depuis la
révolte de Smaragdos jusqu'à celle de Mélès, sans qu'on y vît une seule
insurrection. Les mœurs gréco-byzantines avaient pris chaque jour plus
d'empire même sur la population italo-lombarde de cette contrée. Déjà dans le
début du xie
siècle nous verrons Mélès lui-même, le grand patriote apulien, l'indomptable
adversaire de la population grecque, décrit par Guillaume de Sur l'histoire même des thèmes italiens depuis la reprise
par le gouvernement impérial des villes d'Apulie dans les derniers mois de
l'an 983 et dans le courant de l'an 984 à la suite de la retraite et de la
mort d'Othon II d'Allemagne, jusqu'au mois de mai 1011, lorsque éclata la
première révolte du parti national dit lombard sous la direction de Mélès,
événement qui devait si rapidement amener la conquête de l'Italie byzantine
par les Normands, sur les faits innombrables d'ordre civil ou militaire
survenus tout le long de cette période de près de vingt-huit années, nos
renseignements sont, hélas! infiniment rares. C'est à peine si Les événements les plus importants: agressions musulmanes ou révoltes longobardes, sont indiqués en trois paroles, souvent avec des dates fausses, des noms d'hommes ou de lieux devenus méconnaissables tant ils sont altérés, et cela sans aucune suite, « comme des cicatrices, suivant l'énergique expression d'Amari, dont on ne sait même plus l'origine première, mais qui cependant ne sont plus jamais sorties de la mémoire populaire. » Dans une semblable disette de documents, l'historien ne peut songer à restituer les annales vraies de ces régions dans cette époque lointaine, obscure entre toutes. Forcément il doit se borner à tirer le meilleur parti des si rares renseignements épars dont je viens de parler, à les reproduire le plus exactement qu'il pourra et autant que possible dans leur ordre chronologique. C'est ce que je vais tenter de faire, dans l'espoir certes bien peu fondé qu'un jour ou l'autre d'autres documents sortiront de l'obscurité qui viendront compléter nos notions si restreintes sur cette histoire si inconnue de la portion italienne de l'empire byzantin dans cette fin du xe et ces premières années du xie siècle. Dans cette même année 984 qui avait vu le rétablissement
de l'autorité impériale à Bari par le « catépano » Calocyr Delphinas, De son successeur Romain, dont nous ne connaissons même
pas le nom patronymique, nous ne savons rien d'autre. Il n'est plus question
de lui dans les sources. Ralenties pour un peu de temps par la mort d'Abou’l Kassem
les expéditions de rapine des Sarrasins de Sicile avaient déjà repris.[52] Dja'ber, le fils
de l'héroïque émir tué à Stilo, n'avait fait que passer sur le trône de Palerme.
Mauvais souverain, il avait été déposé par le nouveau Khalife d'Egypte, Al Azis,
le fils de Mouizz, qui l'avait remplacé par un autre guerrier kelbito de Sicile,
Djafar Ibn Mohammed. Celui-ci, arrivé d'Egypte dans le courant de l'année 373
de l'Hégire qui va de juin 983 à juin 984, eut tôt fait de relever la fortune
de l'île superbe et de rétablir sa prospérité. Mais il mourut déjà au bout de
deux ans.[53] Il eut pour
successeur son frère Abdallah qui ne lui survécut guère et mourut au mois de
décembre L'an d'après, nouvelles agressions des Sarrasins en
Calabre. L'an d'après encore, en Cette exécution sommaire des trois chefs de la révolte ne
semble pas avoir eu l'efficacité désirable, puisque, dès l'année suivante, en
990, En décembre de cette même année 989 était mort le bon émir
Abdallah de Sicile. Il eut pour successeur son jeune fils Abou'l Fotoûh
Youssef, prince libéral, de sentiments élevés, sous le règne duquel Nous ne savons que bien peu de chose de ces expéditions
annuelles dirigées par Youssof en terre byzantine. En 991, nous voyons ses
troupes assiéger Tarente, une des principales cités byzantines, et cette
simple indication en dit long sur l'état si constamment précaire de ces
malheureuses provinces. Nous ignorons de même quelles furent les expéditions des deux années suivantes. Mais elles eurent lieu certainement.[59] En 994, les Arabes Siciliens reparaissent en Apulie et aux environs de Tarente. Matera, assiégée par eux durant quatre mois, finit par succomber, Ils la pilleront et l'incendièrent. La famine des malheureux habitants avait, été telle qu'une mère mangea son enfant.[60] Nous ne savons rien encore de ce qui se passa en Je n'ai pas à raconter ici les luttes que les partisans de l'impératrice mère, la grecque « Théophanou », ainsi qu'on la nommait en Occident, imbue des idées byzantines qui, en pareille occurrence, confiaient à la mère la régence durant la minorité de son fils, eurent à soutenir pour lui obtenir cette tutelle, luttes violentes contre Henri de Bavière, le plus proche parent paternel du petit empereur, appuyé sur le parti hostile au gouvernement d'une étrangère. Henri, qui s'était d'abord emparé du jeune Othon, s'était fait proclamer roi à sa place. A ces luttes furent mêlés le roi Lothaire de France, Hugues Capet aussi, l'archevêque Adalbéron de Metz, le fameux Gerbert, une foule d'autres hauts personnages. On usa contre l'auguste mère de toutes les calomnies imaginables. L'évêque Thierry de Metz, celui-là même qui avait accompagné cette princesse avec son défunt mari jusqu'à Rossano lors de la fameuse expédition si douloureusement terminée à Stilo, avait quitté à Rome la jeune impératrice plongée dans la douleur, complètement brouillé avec elle, nous ignorons à la suite de quelles circonstances. Lui aussi s'était rallié à la cause de Henri de Bavière et était devenu un de ses plus enragés partisans. Pour perdre Théophano, pour s'excuser lui-même devant l'opinion publique, il n'avait pas craint de calomnier odieusement l'illustre femme, affirmant que dans cette lamentable campagne d'Italie elle n'avait cessé d'exalter la valeur des troupes de son pays natal au détriment de celle des guerriers allemands. Il alla jusqu'à dire cette chose infâme qu'il ne se sentait tant de sévérité pour elle que parce qu'il ne pouvait oublier combien elle s'était scandaleusement réjouie de la déroute de l'armée impériale à Stilo, se moquant de son époux, lui demandant ironiquement comment lui, tant vanté pour sa bravoure, s'était laissé battre si facilement. Calomnie[61] d'autant plus odieuse qu'Othon II en réalité avait été vaincu non par les Grecs, mais par les Sarrasins. Toutes ces abominables accusations étaient demeurées sans
résultat appréciable. Après bien des vicissitudes, le parti demeuré fidèle à la
régente et au petit empereur légitime l'avait enfin emporté. Théophano, qui,
à l'ouïe des entreprises de Henri de Bavière, avait quitté Rome laissant
cette ville aux soins d'un pape à sa dévotion, s'était d'abord rendue à Pavie
auprès de sa belle-mère, la vieille impératrice Adélaïde, régente en Lombardie
pour l'empire. Celle-ci, oublieuse d'anciens griefs, avait fait à sa bru le
meilleur accueil et ne s'était plus occupée conjointement avec celle-ci que
de faire restituer ses droits légitimes à leur bien-aimé petit-fils et fils.
A l'appel de leurs partisans victorieux groupés autour du fameux archevêque
Willigis de Mayence, âme de cette restauration, les deux princesses avaient
ensuite passé les Alpes. Par le royaume de Bourgogne et Bien que l'impératrice Théophano, propre sœur des basileis
Basile et Constantin, intéresse plus directement ce récit, bien que la haute
personnalité de cette illustre princesse tente ma plume, je n'ai pas la place
suffisante pour raconter ici par le menu les annales de sa belle et énergique
régence qui ont fait d'elle une des plus nobles figures d'impératrices
allemandes. Je rappellerai seulement que cette femme éclairée gouverna
virilement l'empire au nom de son fils et sut maintenir intact à celui-ci le
vaste héritage paternel, surtout cette union intime de la couronne d'Italie
avec l'empire germanique, gloire particulière de la maison de Saxe. Certes la
politique impériale allemande s'était vue contrainte à la suite du désastre
de Stilo, d'abandonner les grands projets caressés par Othon II, la conquête
des thèmes byzantins d'Italie comme celle de Donc, cette circonstance extraordinaire avait existé d'une toute jeune impératrice de race grecque présidant aux destinées de cet empire d'Occident, objet de la part de celui d'Orient d'une haine et d'une envie si tenaces, et y présidant avec une parfaite sagesse dans les circonstances infiniment critiques de cette longue minorité. Jamais peut-être l'heure n'avait été plus solennelle pour la monarchie germanique attaquée de tant de côtés à la fois. Théophano, cette jeune femme élevée dans le plaisir, les fêtes, le bien-être et le luxe du Palais Sacré, se montra vraiment à la hauteur des circonstances. Elle sut se concilier la bienveillance de tous, grands et petits, en Allemagne comme en Italie. Elle sut triompher des antipathies si vives que nourrissaient les esprits occidentaux si prompts aux préjugés à l'endroit des Grecs, de toutes les calomnies adroitement répandues sur la prétendue légèreté de ses mœurs, de ses coutumes, mal comprises des grossiers esprits teutons, sur la frivolité dont on l'accusait si à tort. Elle ne négligea vraiment aucun effort, aucun sacrifice pour poursuivre l'œuvre de son époux bien-aimé, pour assurer sur des bases inébranlables la couronne paternelle à son fils unique. Il fût mort à son tour qu'elle fût certainement montée sur le trône impérial à sa place pour y défendre les droits de la race à laquelle elle avait avec tant de noblesse lié son nom. Ce fut avec une vigueur toute masculine qu'elle tint glorieusement sept années durant les rênes du gouvernement, défendant ou rétablissant vaillamment les marches de l'empire sur la frontière de l'est comme sur celle du nord: « Femme, dit l'évêque chroniqueur Thietmar de Mersebourg, d'un caractère réservé, mais énergique, bien qu'elle ne fût pas supérieure aux faiblesses de son sexe. Elle était instruite, ce qui était si rare alors parmi les Grecques ses compatriotes, et veilla sur son fils et sur l’empire avec une énergie véritablement virile, abaissant les orgueilleux, élevant les humbles. » De tels témoignages, en nous montrant de quel côté est la vérité, enlèvent toute valeur aux indignes calomnies, fruits de l'envie, de la haine ou de l'ignorance, qui, alors comme plus tard encore, assaillirent cette femme d'élite. Dès son arrivée en Occident, on l'accusa d'être demeurée Grecque au fond du cœur et de n'avoir éprouvé aucune sympathie pour le peuple allemand. La vérité est que les grands devoirs qu'elle trouva dans sa nouvelle patrie lui firent presque oublier la première et que jamais, en aucune occasion, elle ne sacrifia les intérêts de l'empire d'Occident à ceux de sa famille orientale. Dans l'hiver de 988 à 989, Théophano s'était rendue en
Italie et à Rome où elle avait séjourné longuement, désirant que le nom de
l'empereur son fils n'y fût point oublié. De grands changements étaient
survenus dans cette contrée depuis que la mort d'Othon II avait rendu force
et espoir au parti grec, parti anti-allemand ou parti national pour parler
plus correctement. A peine la jeune veuve impériale avait-elle au printemps
de 984 quitté la capitale du monde chrétien pour se rendre à Pavie que l'on
avait vu rentrer à Rome le fils de Ferrucius, l'ancien antipape Boniface,
celui qui, chassé du trône pontifical plus de neuf années auparavant par le
parti allemand, avait dû se réfugier à Constantinople. Nous ne connaissons
absolument rien du long séjour que ce fameux aventurier avait fait là-bas,
séjour durant lequel il n'avait pas négligé un jour de songer aux moyens de
remonter sur le trône de saint Pierre, ne cessant de travailler à l'union
impie des Grecs et des Sarrasins contre les Allemands, se réjouissant de la
défaite de ceux-ci à Stilo. Certainement soutenu par l'influence et les
subsides de la cour byzantine, il s'était hâté de revenir en Italie aussitôt
après la mort prématurée d'Othon II qui avait été pour lui un événement si
favorable. Heureux d'en avoir fini avec son long exil oriental, accompagné
par les vœux du Palais Sacré, il avait reparu dans A aucun moment, l'histoire de Rome n'est plus complètement obscure, plus désespérément pauvre en documents de quelque nature que ce soit. Des Grecs avaient accompagné l'antipape dans son retour victorieux à Rome. Certainement à son départ de Constantinople une convention avait été conclue entre lui et le gouvernement des basileis, mais aucune indication certaine dans ce sens n'est parvenue jusqu'à nous. Tout a péri dans ces ténèbres universelles. Le cadavre de Boniface VII fut traîné par les rues et jeté tout pantelant aux pieds de la statue équestre de Marc-Aurèle. Au matin, des valets du Palais lui donnèrent une sépulture chrétienne. En onze années, ce grand criminel mitre avait détrôné et fait périr deux papes. Ce n'était point le parti purement allemand qui avait
aussitôt après reconquis le pouvoir, mais bien le parti dit national qui
jadis, au temps d'Othon II, s'était soulevé à Rome sous le duc Crescentius et
qui, certainement, avait au début favorisé le retour de Boniface. A sa tête
se trouvait maintenant le propre fils de Crescentius, Jean. Décoré du titre
de patrice qu'il avait pris en cette année 985, ce célèbre ambitieux
gouvernait en maître Celle suite d'événements, eux aussi qui avaient eu pour
théâtre Après avoir, en compagnie de son fils fêté Pâques à Quedlinbourg,
sa résidence favorite en Allemagne, dans la pompe impériale, au milieu d'une
assemblée brillante qui comptait parmi ses membres Mesco de Pologne et Hugues
de Tuscie, alors le plus puissant prince de l'Italie, elle venait de se
diriger, toujours suivie de son fils, vers les bords du Rhin pour y
surveiller de plus près la naissante royauté du duc de France Hugues Capet,
lorsqu'elle expira très rapidement à Nimègue dans la fleur de son âge le Tout homme de bonne foi, dit l'historien Giesebrecht, qui cherchera à se rendre un compte loyal des vicissitudes terribles que traversa cette femme remarquable, des difficultés inouïes à travers lesquelles elle dut conduire cet immense empire, reconnaîtra qu'elle tint haut et ferme l'honneur de la couronne à travers les circonstances les plus critiques. Certes, il ne lui fut pas donné de réussir dans toutes ses entreprises, mais, dans des conditions identiques, l'homme le plus énergique n'eut pas obtenu des résultats meilleurs. Certes, l'influence de cette princesse grecque, propre petite-fille de Constantin Porphyrogénète, sur son peuple allemand fut grande. On l'a exagérée cependant en voulant attribuer à elle seule toutes les manifestations par lesquelles Byzance se révéla en Occident à cette époque, comme un agent civilisateur remarquable dans les diverses branches de la vie sociale allemande, dans les sciences aussi et surtout les arts de ce pays. Beaucoup de ces manifestations furent en réalité antérieures à cette grande figure, car les relations entre les deux empires d'Allemagne et d'Orient ne subirent jamais d'interruption complète. Parmi celles mêmes qui furent contemporaines de l'époque de cette princesse, beaucoup ne doivent pas lui être attribuées, car depuis son mariage, elle s'était détachée bien plus qu'on n'aurait pu s'y attendre de sa patrie d'origine. On ne saurait contester cependant qu'elle contribua grandement à faire adopter en Allemagne des coutumes et des modes orientales, à y faire mieux apprécier le courant artistique qui régnait à Byzance, çà et là même à développer quelque peu le parler de la langue grecque. Le Moyen âge doit certainement lui reconnaître une influence dans la transformation graduelle de ses coutumes. Il courut sur elle bien des légendes éminemment suggestives. Après sa mort, racontait-on, elle était apparue à une religieuse durant son sommeil, implorant son pardon, pleurant et se désolant. Comme la dormeuse s'informait de la raison de ce désespoir, l'impériale pénitente avait répondu « qu'elle avait à se reprocher d'avoir introduit en Allemagne bien d'inutiles parures féminines dont les épouses de Germanie avaient jusque-là ignoré l'emploi, qu'elle s'en était non seulement parée, mais qu'elle avait invité d'autres à s'en parer aussi, qu'elle devait maintenant subir la peine de ce crime, mais qu'elle espérait, puisqu'elle avait toujours vécu pieusement attachée à la religion catholique, que les prières des âmes dévotes réussiraient à la retirer du purgatoire ». En réalité Othon III, bien plus que sa mère, contribua à donner accès en Germanie aux influences et aux coutumes de l'empire d'Orient.[64] Ce fut aux xe et xie siècles, en effet, que l'influence byzantine s'exerça
avec le plus de force dans l'Europe latine. « Non seulement Dans le mémoire auquel je viens de puiser, M. E. Müntz, réservant le témoignage tiré des œuvres d'art, notamment des émaux, s'est attaché à réunir les trop rares documents qui établissent qu'à cette époque, outre l'impératrice régente, un certain nombre de Grecs séjournèrent en Allemagne. En première ligne il cite le frère même de l'impératrice « Théophanou », le prince Grégoire, « Grégorios », qui avait fondé aux portes d'Aix-la-chapelle le couvent de Burtscheid ou Borcelle.[67] L'évêque Godehard de Hildesheim, mort en 1038, fit un règlement concernant les moines grecs de passage dans son diocèse et décida qu'ils ne pourraient séjourner plus de deux jours dans son « xenodochion ». Ce prélat avait l'horreur de ces moines errants et se moquait d'eux, les appelant « peripateticos platonico more ». — Vers le milieu du xe siècle, le fameux monastère de Reishenau aux rives du lac de Constance hébergeait plusieurs moines grecs.[68] —Un biographe de l'évêque Meinwerk qui gouverna l'église de Paderborn de 1009 à 1030 raconte qu'une des chapelles de la cathédrale de cette, ville, la chapelle Saint-Barthélemy, fut construite par des ouvriers grecs.[69] On conserve à Le choix fait par Théophano d'un tel homme pour l'éducation de son fils n'avait pas peu contribué à encourager la restauration des arts dans l'empire allemand et cette attention de saint Bernward à étudier toutes les belles productions des arts provenant soit de l'empire de Byzance, soit d'autres contrées, dut avoir une grande influence sur la création d'un art nouveau, né à ce moment et qui, en s'améliorant, constitua véritablement le bel art allemand du douzième siècle. Ce mouvement artistique fut général en Germanie à la fin du dixième et au commencement du onzième siècle. On vit dors renaître comme par enchantement en ces contrées l'art de fondre les grandes pièces de bronze, le travail au repoussé et l'émaillerie par le procédé du champlevé. Tous les arts industriels, fortement encouragés, firent des progrès rapides qui se soutinrent pendant toute la durée de ce siècle. Toute, sa vie, le jeune Othon III devait se ressentir de l'éducation si particulière qu'il avait reçue de cette mère si malheureusement, si prématurément enlevée à sa tendresse; toute sa vie il agit sous cette bienfaisante influence. Ce fut à cause d'elle que plus tard il introduisit à sa cour les coutumes de l'Orient, la hiérarchie palatine et les pompeuses cérémonies du Palais Sacré! « Les Grecs, s'écrie avec raison un écrivain de cette nation, sont justement fiers d'avoir donné au peuple allemand une princesse de vertus souveraines aussi éclatantes. Elle et cette autre exquise fleur de Byzance, la grecque Marie, cette délicieuse et tendre reine Irène, aussi belle de corps que d'âme, illuminée du doux éclat de la poésie, l'épouse de l'infortuné Philippe de Souabe, appartiennent aux plus beaux souvenirs historiques communs des peuples grec et allemand.[76] » Othon III, fils charmant de parents charmants, n'avait pas onze ans à la mort de sa mère. Sa grand-mère Adélaïde, accourue d'Italie à la nouvelle de ce douloureux événement, avait pris en main la régence, et son gouvernement avait été rendu facile par l'énergie que Théophano avait mise à rétablir partout des principes d'ordre et de tranquillité. Puis, la vieille princesse avait eu un conseiller excellent en la personne de l'archevêque Willigis de Mayence, archichancelier de l'empire. Dans ces conditions, l'impérial enfant avait pu se développer à l'aise tant physiquement qu'intellectuellement. En l’an 995, il était devenu un adolescent séduisant entre tous, vraiment savant pour l'époque par les soins de Jean le Calabrais et de l'abbé Bernward. Son esprit était brillant, son âme inquiète, avide de connaissances au point qu'en ces temps d'ignorance universelle il fut considéré à l'égal d'un phénomène. Pénétré du rôle important qu'il était appelé à jouer dans le monde, il nourrissait dans son jeune et grave esprit les pins vastes, les plus grandioses projets. L'archevêque Willigis estima que l'auguste adolescent devait à tout prix reparaître en Italie pour que l'idée impériale si longtemps voilée en ces contrées de sombres et tristes nuées pût y resplendir à nouveau dans son primitif éclat. Le pape Jean XV aussi, tenu en servitude par Crescentius, un moment même chassé de Rome par lui appelait de tous ses voeux l'arrivée du prince libérateur. On s'occupa de former pour Othon le cortège le plus brillant qui le conduirait au delà des monts. En même temps le chancelier impérial, préoccupé d'assurer de bonne heure à son gracieux pupille l'alliance la plus puissante, n'hésitait pas à envoyer à Constantinople au Palais Sacré auprès des basileis, propres oncles du jeune empereur d'Occident, une ambassade solennelle chargée de demander pour lui la main d'une princesse de la maison impériale, certainement celle d'une des trois Porphyrogénètes, ses cousines germaines, filles du basileus Constantin et de la basilissa Hélène: Eudoxie, Zoé et Théodora,[77] et certainement une des deux dernières, puisque l'aînée, défigurée par un mal affreux, la petite vérole, s'était volontairement résignée à la vie du cloître où elle passa le reste de ses jours. Zoé et Théodora qui, toutes deux, devaient au siècle suivant monter sur le trône impérial d'Orient, étaient Agées à cette époque de quinze ou seize années environ, nées aux alentours de 980, par conséquent de même âge à peu près que leur cousin Othon. Les chefs de l'ambassade allemande avaient été habilement choisis par le chancelier Willigis. C'étaient précisément ces deux prélats fort en vue à des titres bien divers qui, tous deux, avaient été jadis les précepteurs du jeune empereur d'Occident, l'archevêque Jean Philagathos de Plaisance, ce Grec astucieux et ambitieux qui, même après la mort de sa grande amie et protectrice Théophano, avait su conserver sa haute situation à la cour du fils de celle-ci, et le saint évêque Bernward d'Hildesheim, un des restaurateurs de l'art en Allemagne, dont j'ai longuement parlé aux pages précédentes. Ces choix paraissaient excellents. Jean le Calabrais, par sa naissance, par la langue grecque qui était sa langue d'origine, par ses hautes qualités intellectuelles, devait être persona grata à la cour byzantine. Bernward était un des plus distingués prélats de l'Église d'Allemagne. Hélas! nous n'avons aucun détail sur l'historique de cette curieuse ambassade. Aucun Liutprand n'en a fait partie pour nous en rédiger le journal étrange en des pages pleines de vie. Nous savons seulement que les illustres envoyés ne quittèrent qu'au mois de mai de l'an 996[78] le sol italien. Ils durent arriver à Constantinople dans le courant de l'été. Le basileus Basile s'y trouvait certainement de retour depuis quelques mois seulement de sa première campagne de Syrie. Cette première légation allemande à Byzance semble avoir
reçu du gouvernement impérial le meilleur accueil. Nous allons voir, en
effet, qu'elle fut presque, aussitôt suivie d'une nouvelle ambassade, ce qui
ne peut se comprendre que par le succès des propositions dont les deux
prélats occidentaux étaient porteurs et parce qu'on désirait des deux parts
mener à bien ces importantes négociations. Certes le basileus Basile devait,
lui aussi, souhaiter ardemment cette union d'une princesse de son sang avec l'héritier
de l'empire d'Occident qui assurerait la paix en Italie et lui permettrait de
concentrer en toute sécurité ses efforts sur Si nous ne pouvons que soupçonner le bon accueil fait par le basileus à cette première ambassade, nous sommes encore moins renseignés sur les circonstances du retour en Occident des deux envoyés germaniques. Nous savons seulement que l'archevêque de Plaisance revint seul. L'autre, l'évêque Bernward d'Hildesheim, était mort en Achaïe, autrement dit dans quelque port du Péloponnèse, avec beaucoup de personnages de la suite des prélats sans qu'on puisse même affirmer que ces décès aient eu lieu à l'aller ou au retour. Jean le Calabrais ramenait avec lui à Rome où il se rendit directement des ambassadeurs des basileis chargés de mener à bien les négociations pour le mariage impérial en préparation. On verra plus loin quel fut le triste sort de ces infortunés diplomates et comment ils furent entraînés dans la catastrophe lamentable de leur compagnon, le criminel et ambitieux Philagathos. Le jeune empereur Othon III s'était donc mis en route pour
son royaume d'Italie au commencement du mois de février de l'an Acclamé par le clergé et le peuple romains, Brunon, qui avait précédé l'empereur à Rome, fut proclamé dès le 3 mai, sous le nom de Grégoire V. C'était le premier pape de pure origine allemande, un jeune et vaillant pontife, d'âme impétueuse et passionnée. Son élection était un grand triomphe pour la maison de Saxe. Toute la chrétienté espéra dans le nouveau pontife et l'acclama, les Romains exceptés qui se voyaient joués par les conseillers du jeune empereur et qui avaient horreur d'un pape étranger. Othon, âgé, à ce moment, de quinze ans seulement, fit à
son tour son entrée triomphale dans Après avoir ainsi, semblait-il, rétabli dans Rome, sur les
bases les plus solides et les plus redoutables, sa puissance et celle du souverain
pontife, Othon III, confiant à Grégoire V la garde de la ville, reprit dès le
mois de juin la route d'Allemagne. En août il franchit le col du Septimer. Ce
voyage du jeune souverain qui assit à nouveau l'autorité de la maison de Saxe
sur l'Italie centrale et septentrionale, semble n'avoir guère eu de retentissement
dans le sud de |
[1] Ibn el Athir, IX, 86, connaît bien aussi ce traité, mais il en parle très brièvement et en attribue à tort l'initiative à Bargawan au lieu du Khalife Hakem.
[2] Vies des saints siciliens Saba, Christophore et Makarios, publiées pour la première fois par M. Cozza Luzi.
[3] Élu patriarche en 980 ou 981 en remplacement de Christodule. Voyez Rosen, op. cit., p. 17 et note 111.
[4] Voyez sur cette princesse: Wüstenfeld, op. cit., p. 214. Plus tard, bien qu'ayant été soupçonnée d'avoir trempé dans la mort de l'insensé Hakem, elle administra l'Egypte durant les quatre années de règne de son successeur Al-Zahir,
[5] Jeudi 25 rebia de l'an 390 de l'Hégire.
[6] Voyez sur ce traité et la date de sa signature Rosen, op. cit., note 282.
[7] J'emprunte ces détails à l'Histoire des Arts industriels, de Labarthe, t. 1, p. 304.
[8]
Voyez Rosen, op. cit., note 282, et Lequien, Or. christ., III, pp. 476, 479, 480. — Le frère d'Oreste,
Arsène, fut métropolitain du Vieux et du Nouveau Caire. Il avait joui
concurremment avec son frère de la bienveillance du Khalife Al Azis. En l'an
1000 il fut, sur l'ordre d'Al Hakem, élu patriarche melkite d'Alexandrie en
remplacement du patriarche Elie, le même auquel Agapios d'Antioche avait adressé
sa lettre (Voyez Épopée, I) et qui
était mort dans la nuit du 12 mai de cette année. Arsène fut assassiné le
[9]
Cédrénus, II, 449, 2, et 475, 18. — Les
dates de la mort de Sisinnios et de l'avènement de son successeur sont
difficiles à établir. Voyez Rosen, op. cit.,
notes 217, 218 et 290. Yahia place à la vingt-sixième année du règne de Basile,
c'est-à-dire à l'an
[10] Képhili Djami. Voyez Paspati, Byz. Met., pp. 304 à 306.
[11] Dimitrakopoulos, Hist. du Schisme, pp. 20-21.
[12] Rosen, op. cit., p. 42.
[13] « Remarquons encore, poursuit le baron V. de Rosen
(op. cit., note 283), que toute date
précise fait ici défaut comme dans tous les passages où Yahia parle des
affaires bulgares, à une seule exception près » (ibid., p. 21).
[14] Cédrénus, II, 452. Aussi Zonaras, éd. Dindorf,
IV, 118.
[15] Et non à l'année 999 comme le dit Muralt, op. cit., I, p. 577. Cette nouvelle campagne, nous le
savons maintenant par Yahia, ne fut inaugurée qu'après la signature de la trêve
avec le Khalife au printemps de l'an 1001.
[16] Voyez Paparrigopoulos, op. cit., p. 228, et Kokkoni, op. cit., p. 120.
[17] C'est par erreur que Lipowsky (op. cit., p. 138), adoptant la version de Skylitzès et de
Cédrénus, maintient encore cette date de l'an 1000.
[18] Cédrénus, II, 452. Zonaras, éd. Dindorf, t. IV,
p. 118, fait à pou près le mémo récit.
[19] Gfroerer, op. cit., II, p. 648.
[20] Voyez Épopée,
t. I.
[21] Voyez chap. viii.
[22]
Cédrénus, II,
[23] Berroia.
[24]
Aujourd'hui
[25] Elmacin (Hist. Sarrac., p. 253) mentionne aussi expressément la prise de Berrhœa sur les Grecs et dit à tort que Basile fit détruire les fortifications de cette ville.
[26] C'est-à-dire que son fils était marié à la fille de Kékauménos ou vice versa. La seconde hypothèse paraît la plus probable, dit M. Wassiliewsky, Conseils, p. 124.
[27] Conseils, etc., pp. 122 sqq. L'écrivain anonyme le nomme « Nikoulitza ».
[28] Chap. ccxliv.
[29] Le fils de Nikolitzès, rentré plus tard à Larissa, joua un rôle important dans une révolte en Thessalie sous les règnes de Constantin Ducas et de Romain Diogène. Voyez Conseils et récits d'un grand seigneur byzantin, etc., chap. clxxiii à clxxiv. L'auteur anonyme le désigne sous le nom du protospathaire « Nikoulitza » Delphinas de Larisse.
[30] Thomas, Symbol. critic. geogr. byz. spect.
partes duae, p. 32.
[31] Ou Kodjani.
[32] Ou Vodkéna; en grec Bodena.
[33] « Voda » en serbe signifie eau.
[34] Cédrénus, II, 454. Il est difficile de dire en quoi consistait cette fonction des péribataires d’Eglise.
[35] L'an 1002 pour Skylitzès, plus probablement seulement en 1004.
[36] Cédr., II, 454. Zonaras, IV, 119.
[37] Voyez Gelzer, Byz.
Zeitschr., II, p. 55.
[38] Skopia ou encore Skopion.
[39] Cédrénus, II, 455.
[40]
Samuel n'était cependant pas encore assez
écrasé un cette année 1004 pour qu'il n'osât se mesurer contre ses voisins
hongrois. Ses généraux, traversant le Danube, allèrent, paraît-il, ravager les
confins de
[41] Voyez Épopée, I.
[42] Fr. Lenormant (Grande Grèce, t. II, p. 411), parle de « Delfino Calochiri, marchant sur Bari en 984 à la tête des paysans armés de ses domaines! » Quelle singulière manie de travestir les faits!
[43] Voyez Épopée, I.
[44] Ibid., p. 456. Bien entendu ces expressions ne s'appliquent qu'au titre de magistros appliqué au commandement suprême des thèmes d'Italie.
[45] Grande Grèce, t. II, p. 401.
[46] M. Ch. Diehl (L’art byz. Dans l’It. Mérid., p. 152), signale ce fait, bien curieux qu’encore de nos jours un fonctionnaire de la police urbaine de la ville de Matéra porte le titre de « catapan »!
[47] Op. cit., II, 396.
[48] Voyez Épopée, I.
[49] « … Ibi
quemdam conspicientes
More virum greco vestitum nomine Melum,
Exulis ignotam vestem, capitique ligato
Insolitos mythre mirantur adesse rotalus. »
[50]
C'est bien probablement de ce patrice Romain
que parle
[51] Voyez Épopée, I. Il fut crucifié en face
de l'armée victorieuse après la délaite de Chrysopolis.
[52] Voyez sur ces expéditions et les sources qui les mentionnent la note d'Amari à la page 344 du t. II de sa Storia dei Musulmani di Sicilia.
[53] An 375 de l'Hégire; mai 985 à mai 986.
[54] Muralt, op. cit., I, p. 749.
[55] Kritis est-il un nom patronymique ou ce mot ne désignerait-il pas plutôt la fonction de Nicolas: « kritis », juge?
[56] Qui sait même si Romain et Andraliskos ne seraient pas un seul et unique personnage?
[57] Asto, Otho, Azzo.
[58]
Pour l'année 993,
[59]
Les Vies des saints siciliens Luc de Demona
(Gaetani, Vitae sanctorum siculorum.
II, 86, et Bollandistes, 9 mars, t. I de mars, p. 97), et Vital de
Castronovo (Gaetani, II, 96, et Bollandistes, 13 oct., t. VI, p. 332),
morts en Calabre l'un le
[60] L’Anonyme de Bari fixe ce siège à l’an
996. Le salernitain Romoald et les Annales Beneventani le placent en 995.
[61] Rapportée par Alpertus dans son livre De episcopis Mettensibus. Mon. Germ., SS., t. IV, p. 698.
[62] Gregorovius dit (op. cit., I. III, p. 383) qu'il fut élevé au pontificat malgré Crescentius par la faction allemande.
[63] Grabfund in der St. Pantaleonskirche (Köln.
Volkszeitung, n° 49, 1892. Abendausgabe). L'église que j'ai visitée l'an dernier
s'appelle aujourd'hui «
Sainte-Marie dans
[64] Voyez dans Giesebrecht, op. cit., note des pages 853-853, la
longue série des calomnies dont fut abreuvée la mémoire de cette princesse
grâce au fanatisme étroit des dévots d'Occident. Petrus Damiani raconte qu'on
alla jusqu'à lui reprocher une prétendue liaison avec le fameux Jean de
Calabre. Saint Brun, dans
M.
Stefanovic Vibvsky a écrit, il y a quelques années, dans
[65] E. Müntz, Les Artistes byzantins dans l'Europe latine (Revue de l'Art chrétien, livr. de mai 1893, p. 183). Voyez encore Ch. de Linas, Les Expositions rétrospectives de Bruxelles, Düsseldorf, Paris, en 1880, p. 116.
[66] Voyez Épopée, I.
[67] Il y a évidemment là une erreur. Les deux seuls frères de Théophano étaient empereurs à Constantinople.
[68] Giesebrecht, op. cit., t. I, p. 321.
[69] J. Labarte, Hist. Des Arts Industriels, t. I, p. 82, place la construction de cet édifice en 1008.
[70] J. Durand, Note sur une bague byzantine. (Bulletin Monumental de 1882, p. 10 du tirage à part.)
[71] Voyez encore sur toutes ces influences qui furent une des conséquences du mariage de Théophano, J. Labarte, op. cit., t. I, pp. 80 à 82 et 380 sqq.
[72] Voyez sur ce personnage célèbre: Minasi, San Nilo di Calabria, la longue et intéressante note 32, pp. 345 sqq. et aussi Muratori, Annales Italiae, t. V, p. 483. Voyez aussi sur ses goûts littéraires et scientifiques: Giesebrecht, op. cit., t. I, p. 858, note à la p. 670.
[73] Il est du moins ainsi désigné par saint Barthélemy, le biographe de saint Nil, alors que toutes les autres sources le nomment « Jean » ou « Jean de Calabre ». Ce nom grec d'origine était-il un nom patronymique ou un simple surnom? Cette dernière supposition semble plus vraisemblable.
[74] Voyez cependant Mystakidis, op. cit., note de la page 57.
[75] Pour plus de détails, voyez J. Labarte, Les Arts industriels, I, pp. 380 sqq.
[76] Mystakidis, op. cit., p. 54.
[77] On se rappelle que Basile II n'avait pas de postérité et qu'il ne fut probablement même jamais marié. Il est expressément dit dans les chroniqueurs occidentaux que les ambassadeurs allemands étaient chargés de demander la main d'une princesse de la maison impériale.
[78] Gregorovius, op. cit., III, 407, dit 995.
[79] Bruno.