LE TRAITÉ DE CATEAU-CAMBRÉSIS

 

CHAPITRE CINQUIÈME. — Mariage, vie et mort d'Élisabeth de Valois.

 

 

Portraits d'Élisabeth et de Philippe II. — Mariage d'Élisabeth de Valois avec Philippe II. — Départ d'Élisabeth pour l'Espagne (18 novembre 1559). — Son arrivée à Roncevaux (2 janvier 1560). — Première entrevue de Philippe II et d'Élisabeth à Guadalaxara (30 janvier). — Arrivée du roi et de la reine d'Espagne à Tolède.

Vie d'Élisabeth de Valois en Espagne. — Élisabeth et ses dames. — Querelles de préséance. — La reine d'Espagne renvoie en France les dames qu'elle avait amenées en Espagne. — Son rôle et son influence politiques.

Élisabeth et don Carlos. — Portrait de l'infant. — Ses amours prétendus avec la reine d'Espagne. — Négociation du mariage de don Carlos avec Marguerite de Valois.

Santé, grossesses et mort d'Élisabeth de Valois (3 octobre 1568).

 

Nous allons revenir en arrière, au lendemain de la paix de Cateau-Cambrésis, pour raconter le mariage de la fille de Henri II, Élisabeth de Valois, dont l'union avec Philippe II avait été la condition déterminante du traité. La poésie et le roman ont couvert de fictions romanesques la vie et la mort de cette princesse. D'après la tradition, elle aurait été mariée à un vieillard et, prise de passion pour le fils de son mari, comme la Phèdre antique, elle aurait payé de la vie ses coupables amours. Ce récit doit sa fortune à deux avantages : il satisfait le goût du merveilleux que les âmes simples recherchent involontairement dans le passé ; il permet d'imputer un crime de plus à un souverain naturellement peu sympathique. Malheureusement pour la poésie de l'histoire, la tradition n'a aucun fondement. Elle n'est même pas vraisemblable. Née le 2 avril 1545, Élisabeth comptait quatorze ans trois mois et vingt jours à la date de son mariage. Philippe II avait trente-deux ans et un mois. La différence des âges est sans doute marquée, mais elle ne suffit pas à justifier les tableaux où la princesse est représentée comme sacrifiée à un vieillard jaloux et s'efforçant de retarder l'heure de lui appartenir. On verra plus loin qu'il n'y a pas plus de vérité dans les récits de son amour pour don Carlos, fils de Philippe II, enfant idiot, devenu fou furieux, auquel elle avait primitivement été destinée.

La nouvelle reine d'Espagne était une jeune fille brune, d'une taille mince, de tournure élégante et de traits réguliers. De sa personne ni grosse ni grande, dit un ambassadeur vénitien, pas trop belle de figure. Mais tout son corps est dans de belles proportions et il règne en elle le plus grand charme[1]. Sans mouvement dans le regard, elle n'avait rien de la beauté provocante et de la grâce libertine de sa sœur cadette, Marguerite de Valois. Insignifiante dans sa conversation, elle parlait peu et gardait, même au milieu de ses compagnes, une attitude résignée qui ressemblait à de l'indifférence[2]. Son enfance, souvent maladive, s'était écoulée tristement. Cependant elle avait reçu une éducation très soignée, comme tous les enfants de Henri II. Elle avait appris le latin et même le grec avec Marie Stuart, à laquelle, d'ailleurs, elle ne saurait être comparée. Les flatteurs disaient qu'elle composait de jolis vers, mais toutes les attributions paraissent encore incertaines[3]. Élevée par Catherine de Médicis, elle savait obéir, qualité qui lui assurait les égards de Philippe II. Le roi d'Espagne n'était pas ce sombre bourreau que les romans dépeignent sous les traits de Barbe Bleue. A le voir, écrit une dame de la cour de France, une année après le mariage d'Élisabeth, on jureroit qu'il n'a pas plus de vingt-cinq ans[4]. Il était de taille moyenne, comme son père, et d'apparence délicate. Son front large, ses cheveux blonds, la blancheur de son teint auraient rappelé la bonhomie et la douceur flamandes, si le regard fixe et impératif, l'épaisseur des sourcils n'eût donné de la froideur à ses yeux bleus. Toujours vêtu de noir, sans broderie, sans autre ornement que le collier de la Toison d'or, il imposait le respect par son noble visage et sa dignité naturelle. Loin de justifier le désenchantement d'une épouse, même élevée à la cour raffinée des Valois, les nombreux portraits de ce prince laissent de sa personne une impression sévère mais agréable[5].

Jamais prince de la maison d'Autriche n'avait épousé une fille de France, et jamais princesse du sang de France n'avait occupé le trône d'Espagne. L'union des deux familles royales, saluée comme un présage de paix entre les deux plus puissants empires de l'Europe, devait être accompagnée d'une grande solennité. Cependant Philippe II ne put se décider à confier sa personne à la bonne foi du roi de France. Il se souvenait du voyage de Charles-Quint, en 1539, à la cour de François Ier et ne voulait pas courir les hasards d'une telle imprudence[6]. Il décida de se faire représenter à la fête nuptiale et d'épouser la princesse par procuration. Son choix hésita entre Frédéric de Tolède, duc d'Albe, et Ruy Gomez de Silva, prince d'Éboli. Le premier était un grand seigneur, aussi illustre par sa naissance que par ses hauts faits ; le second, un petit gentilhomme que la faveur du roi avait élevé au premier rang. On fit sentir au roi d'Espagne que les convenances lui imposaient la nomination du premier[7].

Le duc d'Albe, escorté du prince d'Orange, du prince d'Egmont[8] et des plus hauts seigneurs, flamands et espagnols, de la cour de Philippe II, partit de Bruxelles le 1er juin 1559. Le prince d'Orange seul avait une suite de 500 chevaux[9]. Henri II voulut rendre au duc d'Albe autant d'honneur qu'à son maitre. L'amiral Coligny attendit les ambassadeurs à la frontière et les accompagna jusques à Clermont, où il tomba malade. A Chantilly, ils furent reçus par le duc François de Montmorency, fils ciné du connétable ; à Écouen, par Henri de Montmorency-Damville ; à Saint-Denis, par le cardinal de Lorraine, frère du duc de Guise. Le 15 juin[10], ils entamèrent leur dernière étape. En route, ils rencontrèrent le duc de Lorraine, le prince de Ferrare et, plus loin, le duc de Nemours, venus au-devant d'eux avec une troupe de gentilshommes ; et, à six heures du soir, ils mirent pied à terre à la porte du Louvre. Le roi dauphin[11] les attendait au mitant de l'escalier d'honneur et le roi quasy au bout de ladite montée[12]. Ils baisèrent les mains du roi, qui les accueillit bien humaynernent et courtoisement[13] et les conduisit dans sa chambre.

Après les premières effusions et les protestations pacifiques, les ambassadeurs passèrent dans une autre salle et furent présentés à la reine Catherine de Médicis, à Marie Stuart, à la duchesse de Lorraine, Claude de Valois, à la princesse Élisabeth, leur future souveraine, et à Marguerite de France, sœur du roi. Puis ils allèrent souper à l'hôtel du maréchal Saint-André, près les Filles repenties, et coucher à l'hôtel de Villeroy, rue des Bourdonnais[14].

Le dimanche 18 juin, les ambassadeurs espagnols accompagnèrent le roi à Notre-Dame et jurèrent avec lui l'observation de la paix, le duc d'Albe marchant à côté dud. seigneur, vestu d'une cappe de drap en forme de deuil[15]. Les autres et leurs pages estoyent les plus braves[16] qu'il leur estoyt possible. Les seigneurs espagnols et les seigneurs français faisaient assaut de magnificence. Encores en cest endroit, dit l'annaliste, les nostres, nous sembloyt, estoyent supérieurs[17].

Le 21 juin, le jour même de l'arrivée du duc Emmanuel-Philibert de Savoie, e roi célébra les fiançailles de la princesse Élisabeth et du duc d'Albe, vidame du roi d'Espagne[18]. Après le bal et un festin somptueux, le roi, la reine et la princesse Élisabeth, suivant l'étiquette, allèrent coucher à l'évêché de Paris, près de Notre-Dame[19].

Le mariage était fixé au lendemain, 22 juin[20]. Le duc d'Albe, qui affectait depuis son arrivée une grande simplicité, se vêtit de drap d'or. Sa suite était mise avec magnificence. Le duc de Savoie, avec ses gentilshommes et ses pages, escortait le duc d'Albe. L'église et le parvis de Notre-Dame avaient reçu les mêmes décorations qu'au mariage du dauphin François et de Marie Stuart. Élisabeth portait une robe toute batue en pierreries précieuses tant qu'on n'eust sceu voir sur quoy elles estoient mises, et une couronne close à l'impériale, enrichie de pierres et de vergettes d'or, du haut desquelles pendait un gros diamant[21]. La princesse était accompagnée de sa mère, Catherine de Médicis, et des reines de Navarre et d'Écosse. A midi, les deux époux furent mariés et bénis par l'évêque de Paris aux portes de la cathédrale. Le duc de Guise proclama la princesse Élisabeth reine d'Espagne et fit procéder aux largesses accoutumées[22]. Après la messe, les rois et princes situèrent à l'évêché de Paris[23]. Le soir, ils soupèrent au palais de justice. La fête donna lieu à des désordres. L'entrée de la salle était si mal gardée que la foule força les portes. Aucuns invités y entrèrent à grande force. Les autres n'y sceurent entrer, ny plusieurs de Messieurs de la cour, qui feurent contraints eux retourner en leurs maisons ; et encore ceux qui y estoient entrés eussent voulu en estre hors pour la grande confusion qui y estoit[24]. Un plus grave incident faillit troubler la paix. Les courtisans avaient envahi les salles et résistaient à toutes les sommations. A l'heure de l'entrée du roi, le connétable, chargé du commandement en sa qualité de grand maitre[25], voulut faire reculer le jeune prince de Porcian, de la maison de Croy, qui affectait d'obstruer le passage. Le jeune homme refusa par deux fois, mais faisoit toujours au pis, jusqu'à dire qu'il n'en feroit rien pour luy. On n'insultait pas impunément le connétable, le plus grand rabroueur de la cour. Il perdit patience et repoussa rudement le jeune prince, ce que ne pouvant endurer, il brava un peu et monstra une mine altière et menaçante. En un moment la cour fut en émoi. Il existait des inimitiés entre les deux maisons de Croy et de Montmorency ; le connétable avait fait arrêter la dame de Seninghem, mère du jeune prince, pour avoir favorisé l'évasion d'un prisonnier, le duc d'Arschott, dont il espérait tirer rançon. Au plus fort du trouble, le roi arriva et ordonna à l'un et à l'autre de ne sonner plus mot ny aller par advant et ne s'entredemander rien l'un à l'autre sur la vie, de peur de perturber la feste[26].

La première préoccupation du roi d'Espagne, après son mariage, fut de toucher la dot de sa femme. La dot était de 100.000 livres, payables en trois termes dans l'espace de dix-huit mois. Le premier tiers ne devait être payé qu'à la consommation du mariage, mais Catherine voulut que la cérémonie provisoire du juin fût considérée comme définitive ; le second tiers, un an après. Les sommes non soldées à l'échéance portaient intérêt au denier 14 avec hypothèque et au denier 18 sans hypothèque[27]. Le montant du premier paiement fut expédié de Paris le 9 juillet 1559[28]. Quand la somme arriva entre les mains d'Alexandre Bonvisy, banquier d'Anvers, qui devait faire le change, elle se trouva insuffisante de 17.000 écus. L'ambassadeur réclame le surplus dans ses dépêches des 20 et 27 juillet, 4 et 5 août. L'Aubespine était d'autant plus confus que le roi d'Espagne attendait le paiement intégral pour licencier les lansquenets[29]. Enfin les fonds arrivèrent. La quittance est datée du 6 août 1559[30].

Cette affaire terminée, L'Aubespine fut chargé d'en conduire une autre qui ne tenait pas moins au cœur de Philippe. La nomination du confesseur de la reine fut mise en délibération comme une affaire d'État. Un moine espagnol, confesseur du roi, proposa un religieux français, chef de son ordre dans le diocèse de Lyon, nommé Jean Conseil[31]. Ruy Gomez soumit ce choix au roi de France et à Catherine. Il ne parait pas qu'on ait consulté la princesse, principale intéressée. Philippe II en avait agi de même avec la défunte reine, Marie d'Angleterre, et s'était bien trouvé de lui avoir donné ung père spirituel qui feust homme de bien, sçavant et accompaigné de quelque prudence, pour, par luy et en ung besoing, remonstrer et advertir lad. dame des choses qui luy seroient agréables[32]. Jehan Conseil ne put rendre de longs services. Il fut attaqué de la fièvre quarte et devint hydropique moins d'un an après son arrivée en Espagne. A sa mort, le roi élut un de ses sujets, attendu que la princesse était également accoutumée aux deux langues[33].

Depuis le jour de son mariage, Élisabeth fut traitée en reine à la cour de France. Le roi constitua à sa fille une maison digne de sa grandeur. Il lui donna Anne de Bourbon, fille du duc de Montpensier, Louise de Bretagne, dame de Clermont, Claude de Valpergue, dame de Vineuil, Catherine Gazet, demoiselle de la Motte-au-Groin. Il lui donna, en outre, une gouvernante des filles, Mademoiselle de Ramefort de la Cour, treize demoiselles de compagnie, neuf femmes de chambre, deux aumôniers, un confesseur provisoire en attendant les instructions dé Philippe II, deux chapelains, quatre secrétaires, un contrôleur général, deux médecins et de nombreux serviteurs de chapelle, de chambre, de garde-robe, de cuisine, d'écurie, dont les gages montaient à la somme, énorme pour le temps, de 34.300 livres tournois[34]. Chaque prince du sang, chaque princesse, quel que fût son Age, était entouré d'un domestique presque aussi nombreux. La cour était peuplée comme une ville. Quel devait être le désordre matériel et moral de telles agglomérations? Quand le roi avait passé plusieurs semaines dans la même résidence, la foule de valets l'emplissait tellement de puanteur et d'infection, au temps d'été, qu'il était nécessaire de sortir quelque part pour faire nettoyer partout[35].

La mort de Henri II ne changea rien aux dispositions de Philippe II. A la première nouvelle de la blessure du roi, il avait chargé Ruy Gomez de Silva de demander à la cour de France l'exécution de son mariage, quelle que fût l'issue du fatal tournoi. Catherine de Médicis, de son côté, redoutait le désistement de son gendre. Les lois canoniques autorisaient facilement la rupture d'un mariage qui n'avait pas été. consommé. Pendant que le roi agonisait, Ruy Gomez et le duc d'Albe attendirent, sans se prononcer, les ouvertures de la reine ; ils épargnèrent ainsi à l'orgueil de leur maitre l'ennui de faire des avances[36]. La solennelle étiquette qui entourait la reine d'Espagne ne fut pas modifiée. Au sacre de François II, elle fut reçue aux portes de Reims sous un poêle de damas bleu par quatre notables, conduite à l'église Notre-Dame, traitée avec autant d'honneur que Marie Stuart[37].

Divers motifs empêchèrent, pendant plusieurs mois, la réunion du roi et de la reine catholiques. Premièrement, les convenances défendaient aux ambassadeurs d'aborder ce sujet pendant le deuil de quarante jours qui suivit la mort de Henri II. Secondement, Philippe II se préparait à passer par mer de Bruxelles en Espagne et consentait à épargner à sa jeune épouse les dangers de la traversée. Ce dernier motif perdit bientôt sa raison d'être. Après avoir tranché mainte affaire dans les Pays-Bas, qu'il ne devait jamais revoir, Philippe II s'embarqua à Flessingue le 25 août 1559. Le roi de France avait donné l'ordre aux gouverneurs de la côte de surveiller le passage de la flotte et d'honorer le roi, suivant son rang, si un accident l'obligeait à prendre terre[38]. Charles de Coucy de Burie avait posté des vedettes sur les falaises les plus élevées de Gascogne[39]. Un soir, au souper de la reine, Élisabeth demanda si les vents étaient contraires ou favorables au voyage de son époux. On lui répondit que, si le roi avait déjà franchi la Manche, les vents le ramèneraient sur les côtes de France. La jeune princesse poussa naïvement un cri de joie : Que ce vent seroit heureux ! dit-elle[40]. Le cardinal de Lorraine redit le mot à l'ambassadeur Chantonnay, qui se hâta de le rapporter à son maître.

Le vendredi, 8 septembre, Philippe II aborda à Laredo, en Castille[41]. A peine était-il débarqué qu'une violente tempête s'éleva sur la côte. La flotte fut dispersée. Plusieurs bâtiments furent jetés contre les récifs et sombrèrent en vue du port. Un millier de soldats ou de matelots de la suite du roi furent engloutis. Le vaisseau royal, chargé de tableaux, de tapisseries et des plus riches trésors des Flandres, s'abima avec son opulente cargaison. Un autre navire, commandé par le capitaine François Bolivar de Santander, fut démâté et entraîné en pleine mer. Il portait les bagages des secrétaires Gonzalo Perez, Diego de Vargas, Juan Sagasta et Curteville, et les papiers du cabinet du roi[42]. Philippe II, témoin muet du désastre, s'agenouilla au bord de la mer et remercia la Providence d'avoir sauvé sa vie, à ceste seule fin d'exterminer les Luthériens ; et dit que, s'il n'eust eu ceste résolution et entière fermeté, Dieu l'eust fait périr avec ses hardes. Les réformés, au contraire, publièrent que la menace divine était un advertissement pour se convertir à Dieu[43]. La tempête étendit ses ravages sur la côte de Guyenne. A Bayonne, elle enleva les toitures de la ville[44]. Le lendemain, au retour du calme, la plupart des navires espagnols rentrèrent au port. Mais celui de Bolivar de Santander, malgré toutes les recherches des agents espagnols, ne put être retrouvé[45].

A son arrivée à Valladolid, Philippe II reçut la nouvelle que Élisabeth était malade de fièvre et de flux de ventre. L'indisposition était sans gravité. Le 29 août, Chantonnay annonce le rétablissement de sa souveraine[46]. En courtisan attentif, il loue sa beauté, le charme de sa personne ; il lui fait même un mérite de grandir de jour en jour, et ajoute à ces détails : C'est l'effet de son bonheur[47]. De graves motifs s'opposaient encore à la réunion des deux époux. Les correspondances diplomatiques insinuent à mots couverts qu'elle n'était pas nubile[48]. Ces retards, plus longs que nature, étaient particuliers à toutes les princesses du sang des Médicis. Catherine, qui en avait souffert plus que personne, s'efforçait de différer le voyage de sa fille, malgré le danger d'ajourner la consommation d'un mariage qu'elle avait appelé de tous ses vœux.

Après un mois d'attente, Philippe II envoya à la cour de France un seigneur de grand renom, Philippe de Acuna, seigneur de Buendia, gentilhomme de sa chambre, afin de presser le départ de sa femme. Buendia partit de Valladolid vers le 11 octobre, et arriva à Blois dans les premiers jours de novembre. François II avait abrégé son séjour à Valery, chez le maréchal Saint-André, pour le recevoir dignement dans la plus pompeuse de ses résidences[49]. En descendant de cheval, Buendia demanda une audience et fut introduit dans la chambre de la reine mère par Guy Chabot de Jarnac. Il y trouva les trois reines, Catherine, Marie Stuart et Élisabeth. Catherine lui promit que la princesse partirait de Blois le 8 ou le 10 du mois. Buendia s'informa de la durée du voyage et du nombre des équipages ; on lui promit la liste des étapes et du personnel de l'escorte. L'ambassadeur apportait une série de prescriptions minutieuses sur la route à prendre et sur la suite d'honneur. La reine devait arriver à Saint-Jean-Pied-de-Port par le chemin de Bayonne à la fin de novembre. L'escorte d'honneur devait s'arrêter à la frontière, où le cardinal de Burgos et le duc de l'Infantado recevraient leur souveraine suivant un cérémonial dont les moindres détails étaient arrêtés d'avance. Buendia remit à la reine une copie du règlement[50]. Les dames françaises pouvaient accompagner leur maîtresse jusqu'à Tolède, mais le roi avait distribué les emplois et les nouvelles titulaires devaient entrer en fonction après le passage de la frontière. Cette clause, qui privait Élisabeth de ses plus chères compagnes, reçut des adoucissements. Philippe II voulait confirmer son mariage à Guadalaxara par une cérémonie solennelle. A ce programme, Philippe II avait ajouté de sa propre main quelques lignes affectueuses pour la jeune princesse et l'autorisation de retarder son arrivée jusqu'au 10 ou 12 décembre[51].

La mission du comte de Buendia ne permettait pas à la reine mère d'ajourner plus longtemps le départ de sa fille. L'étiquette exigeait un prince du sang pour la conduire en Espagne. Le premier de tous, après les frères du roi, qui n'étaient que des enfants, Antoine de Bourbon, roi de Navarre, était à la cour depuis trois mois. Éloigné de Paris au moment de la mort de Henri II, il tâchait de reconquérir le pouvoir, que la minorité réelle de François II semblait réserver aux princes du sang. Le duc de Guise et le cardinal de Lorraine l'avaient battu sans espoir de revanche dans ces luttes d'influence où ils excellaient. Depuis sa défaite, le premier prince du sang de France tramait en parasite dans les antichambres du roi. Dédaigné par les petits courtisans, abreuvé d'humiliations par les grands, il ne savait ni faire respecter son rang, ni se retirer dignement. Catherine l'arracha à cet abaissement. Elle lui proposa d'accompagner la reine d'Espagne. La cour venait de recevoir l'avis que Philippe II s'avancerait en personne jusqu'à Roncevaux au-devant de sa femme[52]. Antoine espéra que Philippe II lui accorderait une entrevue et se flatta de clore en un jour la négociation de la Navarre espagnole que ses prédécesseurs poursuivaient depuis un demi-siècle[53]. Sa confiance s'accrut d'une visite que Buendia et Chantonnay lui firent jusque dans les combles du château de Blois, où les Guises l'avaient relégué comme un cadet de Gascogne[54]. Il accepta donc avec empressement la proposition de la reine mère et annonça à la cour son départ prochain, à la grande joie de ses rivaux.

Philippe II avait prescrit à la reine d'Espagne d'arriver au commencement de décembre à Bayonne. L'heure d'obéir était venue. Les seigneurs et les capitaines furent bientôt prêts à monter à cheval, mais les dames désignées pour le voyage se firent attendre. Le départ fut fixé au 15 novembre[55], puis renvoyé au 17 par la reine mère[56]. Le trousseau de la princesse était d'une opulence royale : les robes de drap d'or et d'argent, envoyées de Flandre par Philippe II, les bas de soie de Venise importés en France depuis les guerres d'Italie, les chemises de toile de Flandre que Catherine de Médicis avait mises à la mode dès le règne de François Ier, les tapisseries, les bijoux, les colliers, les bracelets, les bagues, les pierres précieuses, dons de noces des deux grands rois, avaient été inventoriés et mis sous scellés par un majordome espagnol[57]. Une foule de pages et de varlets conduisait les haquenées de la princesse et les mules des charrois. Au moment du départ, Catherine s'inquiéta de la difficulté de faire franchir les Pyrénées aux plus lourds équipages ; Chantonnay conseilla de les diriger sur Bayonne et de les embarquer à bord des bâtiments de transport de la marine espagnole. Il fit cependant réparer les routes et les ponts et placer dans les principales étapes des chars et des mulets de rechange[58].

La reine d'Espagne deslogea de Blois le 18 novembre, passa à Verteuil chez le comte de la Rochefoucauld et s'arrêta le 23 novembre à Châtellerault[59]. François II et les trois reines y reçurent les mêmes honneurs. Déjà la neige couvrait la terre. Les princesses et les dames, le jour au fond de leurs litières closes, le soir dans des logis chauffés d'avance, bravaient les froids prématurés ; mais les pages et les varlets, les femmes de service souffraient du voyage. Plusieurs tombèrent malades et ne purent suivre leurs maîtres[60]. Catherine désirait accompagner sa fille jusqu'à Poitiers ou même jusqu'à Lusignan[61] ; la volonté du roi la retint à Châtellerault[62]. Les princesses avant de se quitter passèrent trois jours ensemble. Jamais, disent les témoins, séparation de famille ne fut plus douloureuse. Catherine retenait sa fille dans ses bras comme si elle ne devait jamais la revoir. L'ambassadeur d'Espagne fut lui-même ému par la désolation des trois reines. Malgré ses regrets maternels, Catherine de Médicis, l'héritière d'un marchand de Florence, ne voyait pas sans orgueil sa fille aînée sur le trône de Charles-Quint. Elle espérait d'ailleurs que l'éloignement serait momentané. Déjà elle avait offert une entrevue à Philippe II[63]. La proposition avait été froidement accueillie ; mais Catherine se promettait de la renouveler et de rendre la rencontre inévitable[64].

Le 25 novembre, la reine d'Espagne fit ses adieux à sa mère et alla coucher à Poitiers[65]. Pendant les premières heures du voyage, dit Palma Cayet, elle versa d'abondantes larmes. Mais bientôt la distraction, la curiosité de la jeunesse l'emportèrent sur les plaintes. Lorsqu'elle apercevait des villages, des châteaux, des églises d'un aspect intéressant pour elle : Y a-t-il d'aussi belles maisons, d'aussi belles églises en Espagne ? demandait-elle[66]. Ainsi tombe la tradition poétique qui la représente frappée de sinistres pressentiments, mais marchant avec résignation vers sa triste destinée.

Antoine de Bourbon avait pris les devants avec Jeanne d'Albret, afin de préparer l'entrée de la princesse dans les villes de son gouvernement de Guyenne. Arrivé à Bordeaux, il avait expédié dans les Landes, en Béarn et en Navarre des officiers de service, chargés de présider aux dernières mesures. Informé des exigences pointilleuses de Philippe II, il réussit à étonner les agents espagnols eux-mêmes, habitués aux cérémonies flamandes, par la splendeur et l'éclat de sa réception[67].

Le 31 décembre 1559, le cortège de la reine d'Espagne, conduit par le roi de Navarre, arriva à Saint-Jean-Pied-de-Port, la dernière ville de Béarn. La température s'était encore abaissée aux approches des Pyrénées. Les montagnes étaient couvertes de neige et les chemins défoncés. La reine trouva à Saint-Jean un convoi de 350 mulets de charrois, des litières et des haquenées pour les dames, conduits par le s. de Lazunilera, major du roi, par Lope de Guzman, maure des cérémonies, et par le greffier de la couronne, porteur d'une somme de douze mille ducats.

Le roi d'Espagne avait envoyé au-devant de sa femme don Inigo Lopez de Mendoza, duc de l'Infantado, et le cardinal Francisco de Mendoza, archevêque de Burgos. Ils attendaient à Pampelune, l'un depuis le 6, l'autre depuis le 11 décembre, et étaient venus camper dans un village de l'extrême frontière, nommé l'Épinal, avec une suite de seigneurs qui rivalisaient de magnificence. Le duc amenait trente gentilshommes des plus nobles maisons d'Espagne, quarante pages vêtus de toile d'or, bandée de velours cramoisi et doublée de satin blanc, dix autres pages parés de chaînes d'or et vingt-cinq serviteurs. Sa dépense s'élevait à mille écus par jour. La suite du cardinal de Mendoza se composait de prélats, de prêtres, de moines de tous ordres, de clercs de chapelle, montés sur des mules superbement caparaçonnées. Beaucoup de seigneurs, en costume de cour, s'étaient joints aux deux représentants de Philippe II. On comptait quatre mille chevaux, non compris les bêtes de somme et de charrois. Cette foule fastueuse paradait avec ostentation dans un petit hameau au milieu des montagnes, par un froid glacial, tandis que la neige, chaque jour plus abondante, s'élevait presque à la hauteur des chaumières qui lui servaient de palais[68].

Le 2 janvier 1560, après un repos d'un jour à Saint-Jean-Pied-de-Port, Élisabeth se mit en route pour Roncevaux[69]. Le matin elle avait quitté le deuil de Henri II, qu'elle n'avait cessé de porter en France et en Navarre, et s'était habillée, ainsi que ses dames, à l'espagnole, de velours noir garni de jais ; la coiffure était de vollant à la lorraine. Le temps devenait chaque jour plus rude ; les routes et les ponts s'effondraient sous la neige. A mesure qu'on avançait dans la montagne, les chemins se transformaient en sentiers plus étroits et plus ardus. Élisabeth fut obligée de quitter sa litière. A une lieue du monastère, une violente tempête assaillit le cortège. Le vent détachait des avalanches qui menaçaient les charrois. Les équipages des filles d'honneur roulèrent dans un précipice[70]. Aveuglée par la neige qui fouettait son visage, la reine avait peine à conduire sa haquenée. Enfin, après une marche de plusieurs heures, sous un ciel glacé, au prix des plus grands dangers, elle mit pied à terre à la porte du monastère de Roncevaux. Le prieur l'attendait avec les moines et la conduisit à la chapelle. Elle y trouva quelques seigneurs espagnols, pressés de fixer les regards de leur souveraine, si bien en point que vous n'eussiez veu qu'or sur escarlatte de velours cramoisy et tous tant chargez de chaines qu'ilz en avoient le col tout courbé. On disait même que Philippe II, déguisé en simple chevalier, se cachait parmi les visiteurs[71]. Les clercs de chapelle du cardinal de Mendoza célébrèrent une courte cérémonie et Élisabeth fut amenée à son logis. Aussitôt la chambre fut envahie par les gentilshommes étrangers. En vain le roi de Navarre s'efforçait de dégager la princesse ; la foule des visiteurs, refoulée d'un côté, se glissait de l'autre. Un témoin observe que l'indiscrétion célèbre des courtisans français fut dépassée par l'importunité des Espagnols[72].

Le traité de Cateau-Cambrésis stipulait que la reine d'Espagne serait remise aux ambassadeurs du roi à la frontière des deux royaumes. Philippe II avait ajouté à cette clause des instructions minutieuses où toutes les difficultés étaient prévues[73]. Contrairement aux prévisions du roi de Navarre, il y montrait de la condescendance et un grand désir d'aplanir les complications. Le jour même de l'arrivée de la reine, le mardi soir, janvier, le roi de Navarre invita officiellement le duc de l'Infantado et le cardinal de Mendoza, qui attendaient à l'Épinal, à venir au-devant de la princesse. Ils répondirent, au grand étonnement des Français, que le cortège royal devait franchir la moitié de la distance qui sépare Roncevaux de l'Épinal. Antoine de Bourbon allégua la rigueur du climat qui ne permettait pas de procéder aux cérémonies de la remise de la princesse en plein champ et refusa de sortir du monastère. Le jeudi 4 janvier, les représentants de Philippe II formulèrent de nouvelles réserves ; ils demandèrent que le roi de Navarre fit les premiers pas vis-à-vis du cardinal et traitât le duc en égal. Antoine de Bourbon observa que sa triple qualité de souverain indépendant de la Navarre, de prince du sang de France et de cousin de la reine l'élevait fort au-dessus d'un cardinal et d'un grand d'Espagne[74].

La cour campait à Roncevaux depuis deux jours, entassée dans un petit monastère ouvert à tous les vents. La température ne s'était pas adoucie. Les chemins défoncés empêchaient les approvisionnements. Les vivres commençaient à manquer. Antoine écrivit au cardinal, le vendredi 5 janvier, que, s'il maintenait ses prétentions, le cortège se rendrait à l'Épinal et occuperait sa maison[75]. Suivant le secrétaire Lhuillier, Élisabeth, craignant de déplaire à Philippe II, s'était résignée à subir les exigences du formalisme castillan. Les ordres étaient déjà donnés ; princes et seigneurs se préparaient à monter à cheval quand une troupe de cavaliers annonça que l'ambassade allait paraître[76]. Aussitôt les seigneurs français prirent le poste que leur imposait le cérémonial.

Le cardinal de Bourbon, frère du roi de Navarre, et Charles de Bourbon, prince de la Roche-sur-Yon, désignés pour faire honneur au cardinal de Mendoza et au duc de l'Infantado, les évêques de Séez et d'Oléron, escortés de plus de trois cents gentilshommes, attendaient les députés de Philippe II à la porte du monastère. Ils les introduisirent dans une salle basse, peu éclairée, tendue de tapisseries aux armes du roi de Navarre, où l'échange des pouvoirs ne put se faire qu'à la lueur des flambeaux. Cette formalité accomplie, les ambassadeurs montèrent dans la grande salle du monastère. La reine était assise sur un trône improvisé, ayant à sa droite le roi de Navarre, et reçut sans se lever les salutations de ses nouveaux sujets. Le duc de l'Infantado et le cardinal prononcèrent des harangues. Les deux seigneurs, bien que frères, étaient en lutte de préséance. Aussitôt après les discours, le duc gagna de vitesse le cardinal, malgré les ordres de Philippe II[77], et se jeta le premier aux genoux de la reine. Élisabeth leur répondit avec bonté et releva le cardinal. Le roi de Navarre fit dresser le procès-verbal par le cardinal de Bourbon et se donna dans cet acte les titres officiels que lui avaient refusés les ministres espagnols. Son autorité, la supériorité de son rang auprès de leur souveraine intimidaient le duc et le cardinal. Le prince déclara qu'il n'obéissait qu'à ses propres convenances en s'arrêtant aux limites de la Navarre espagnole. Cette réserve imprévue les laissa sans parole. Buen es, dit le duc de l'Infantado. Après la signature du procès-verbal, le duc reprit l'avantage. Au moment où il s'approchait pour saluer le prince, Antoine l'accola familièrement sur l'épaule, marque de faveur que l'étiquette ne permettait qu'à un roi. L'orgueilleux hidalgo riposta en accolant le prince à son tour et se hâta de se couvrir le premier. Le roi de Navarre se pencha du côté de la reine pour se dispenser de se couvrir, mais sa déconvenue ne put échapper aux regards des courtisans[78].

La cérémonie des présentations fit défiler aux pieds du trône les nombreux gentilshommes qui depuis la veille encombraient les salles du monastère. Tous, après avoir été nommés, furent admis à baiser la main de la reine. L'empressement devint si grand que les barrières se rompirent. Les moindres pages se frayaient un passage au milieu des seigneurs. Les filles d'honneur furent refoulées. Le roi de Navarre fut obligé d'appeler ses propres serviteurs au secours de la princesse. Aussitôt que chacun eut repris son rang, Élisabeth donna congé au roi de Navarre et l'embrassa en lui faisant ses adieux. Cette familiarité souleva les murmures des grands d'Espagne, mais la fille de France s'excusa de le traiter en prince du sang, dernier tribut rendu aux coutumes de son pays natal. La séparation, la solennité de la cérémonie avaient ému la jeune princesse. Au moment où Antoine de Bourbon la saluait pour la dernière fois, elle éclata en larmes. Le cardinal de Mendoza lui dit sévèrement : Oblivisce populum tuum et domum patris tui. Élisabeth essuya ses yeux, donna sa main droite au cardinal, sa main gauche au duc de l'Infantado et monta dans sa litière aux acclamations de ses nouveaux sujets[79].

Les mémoires du temps nous permettent de suivre par étape la princesse jusqu'au jour, tant désiré par Catherine de Médicis, où elle devint reine d'Espagne. Les fêtes, les cérémonies de sa réception dans chaque ville ont été enregistrées par les Dangeau de la suite avec une abondance de détails qui ouvre un coin de voile sur lés mœurs de cette race si puissante au XVIe siècle. On lira avec intérêt ces récits, qui permettent de comparer notre temps, agité sans grandeur, avec le siècle troublé mais majestueux de Philippe II.

Le cortège de la reine se mit en route au son des trompettes et des tambourins. Le temps se montrait chaque jour plus rude. La neige couvrait les velours et les brocarts d'or des livrées. A leur arrivée à l'Épinal, où la reine devait coucher, les galants seigneurs offrirent aux filles d'honneur des vivres, des confitures et des licts. Le dimanche 7 janvier, Élisabeth arriva aux portes de Pampelune. Philippe II avait ordonné de lui rendre les mêmes honneurs qu'à Charles-Quint. Le duc d'Albuquerque, vice-roi de la Navarre, était alors gravement malade à Tolède ; son fils, Gabriel de la Cueva, par ordre du roi, s'était rendu dans la capitale du gouvernement de son père[80]. La ville avait fait élever des arcs de triomphe revêtus de devises et d'inscriptions d'une telle fadeur que Lansac s'excuse de ne pas en avoir pris copie. Deux mille hommes de pied bordaient la route, sillonnée en tout sens par des masques, des cavaliers, des toréadors, des danseurs et des danseuses coiffées de velours à la mode de la Biscaye. Les officiers de justice avec leurs masses d'argent, les jurats de la ville, vêtus de longues robes de velours noir à parements d'or, le comte de Lerin, connétable de Navarre, Gabriel de la Cueva présentèrent les clefs de la ville à la reine et prononcèrent des harangues. Les bourgeois et les dames, montés sur des genets ou sur des mules couvertes de sonnettes, lui offrirent un poêle de drap d'or frisé, de la valeur de 300 écus, que le secrétaire Lhuillier trouva mesquin. Élisabeth, vêtue d'une robe de velours noir passementé d'argent et coiffée d'une petite toque espagnole, était assise dans une litière ouverte, escortée par le cardinal de Mendoza à droite et par le duc de l'Infantado à gauche. Une troupe de petits enfants, travestis en gens d'armes, entouraient sa litière et tiraient des salves d'arquebuserie. Les murailles étaient ornées de dessins. allégoriques, de banderoles de feuillage pendues aux fenêtres, d'écussons portant les armoiries de France et d'Espagne et les initiales de Philippe et d'Élisabeth entrelacées par des Amours.

Le 10 janvier, la reine coucha à Larraga, le 11 à Olitte, le 12 à Capparosa, le 13 à Valtiera. Le 14, elle fit son entrée à Tudela, une des principales villes de la Navarre. Les mêmes fêtes, les mêmes acclamations l'y attendaient. Des masques, déguisés en pèlerins de Saint-Jacques et couverts de sonnettes, jouèrent une comédie entremêlée de danses, où les sept péchés capitaux et les sept vertus correspondantes luttaient pour faire et défaire un homme. Après souper, la reine dut assister à un tournoi aux flambeaux, spectacle sinistre qui lui rappela sans doute les souvenirs de la barrière Saint-Antoine[81], et le lendemain à une fête plus joyeuse, un combat naval à coups d'oranges[82].

Ici finissent les relations imprimées dans les Négociations sous François II et dans les Archives curieuses de Cimber et Danjon. La suite du voyage est racontée par un témoin oculaire, dont le récit est encore inédit. Nous le publions sans changement[83].

Ayant ladite dame ainsi accompagnée passé plusieurs villes et bourgades, le 49 du même mois, fit son entrée à Soria, l'une des anciennes et principales villes d'Espagne, les citoyens de laquelle vinrent au-devant plus de demi-lieue faire leur harangue, puis la reçurent sous un poêle de satin cramoisi, semé de fleur de lis, et à l'entrée du pont lui présentèrent les clefs, fesant plusieurs masques et danses à l'espagnole et arabesques. Elle y demeura deux jours, pendant lesquels ils lui donnèrent le passetemps de cagne[84], d'un combat de taureau, collation, festin. La ville lui fit présent de toutes sortes de vivres, comme veau, mouton, chapons, perdrix, conils[85], poules d'Inde, chevreaux prêts à mettre en broche, beurre, frommage et confitures, le tout estimé à deux cents écus, qui sont les présents ou semblables que elle reçut par toutes les villes où elle passa. Celle-là lui demeura pour dot, comme l'avait fait à toutes les autres reines d'Espagne.

Le lendemain de son arrivée, par fortune de feu, plusieurs maisons de la ville furent brûlées, même partie du palais où elle étoit logée, de sorte qu'elle fut contrainte de se lever de son lit à bien grande hâte. Et alla coucher à une petite ville, nommée Balanque, qui a un marquisat, où il y a un fort château, dedans lequel le feu roi François Ier et ses enfants ont été prisonniers.

Le seigneur du lieu la reçut fort magnifiquement et défraya toute sa troupe, et au partir sa femme lui donna un manteau de tafetas gris tout couvert de broderies d'argent, abbouti de senteurs et doublé de pennes[86] de soie blanche, avec soixante paires de gants, et à chacune des filles deux. En récompense de ce présent, la reine donna à son hôtesse une paire de bracelets de rubis et diamants estimés 2.000 écus.

Le soir avant son parlement, le roi catholique la vit souper et le lendemain de bon matin se retira[87]. Et ladite dame arriva à Tiansa, où elle séjourna deux jours à cause d'une migraine ; de là à Yta, où le duc de l'Infantasque[88] la festoya. Et les habitants lui firent présent comme à Soria. Et trouva ce jour-là plusieurs gentilshommes masqués et partis de Quadalajar[89] pour venir voir la reine, entre lesquels on l'assura que le roi estoit. Et vint coucher en un petit village nommé Tartula, dont elle partit le lendemain en sa litière jusques à un quart de lieue près de Guadalajar, où, pour y faire son entrée, vêtue d'une robe de velours violet frisée d'or, d'un côté de soie d'argent, d'un riche carcan de saphir, rubis, diam enta avec la ceinture de même et coiffée à l'italienne, descendit et monta sur une haquenée enharnachée de même que son acoutrement.

Ceux de la ville avec plusieurs grands seigneurs vinrent au-devant, et, la harangue faite, la conduisirent avec mascarades et danses, et lui donnèrent le passe-temps de la danse en un lieu fait à propos, planté de petits arbres verts, où étoient enfermés un sanglier, un loup et plusieurs lièvres et coulis.

A la porte de la ville y avoit un arc triomphant, duquel pendoit une nuée, dont sortit une tille qui lui présenta les clefs avec plusieurs vers faits à sa louange. Plus avant dedans la ville y avoit un autre arc rempli de hautbois et musiques. Le poêle étoit de drap d'or porté par les douze régidores, vestus de grandes robes de velours cramoisi, brodées de larges passemens d'or et doublées de pennes de soie grise.

Ayant été à l'église, elle fut menée au palais du duc de l'Infantasque, l'un des plus beaux de toute l'Espagne, où l'attendoit la princesse, sœur du roi catholique, veuve du roi de Portugal et mère du roi de Portugal à présent régnant ; laquelle vint au-devant de la reine jusques au principal escalier, où elle la reçut avec tous les honneurs et caresses que leurs grandeurs requéraient. Le soir, à la requête de ladite princesse, la reine fut servie à l'espagnole de la viande de la princesse et par ses officiers. Et, estant toutes deux à table en même honneur, quatre des principales damoiselles de la princesse les servirent de pannetier, échanson et écuyer tranchant.

Et continuèrent en cette façon jusques au 30e du même mois. Auquel jour le roi arriva et, travesti et déguisé qu'il étoit, assista tout au long du souper de ces dames. Et, sur les huit heures du soir, envoya visiter la reine et lui faire entendre son arrivée, afin qu'elle se tint prête pour l'épouser le lendemain, sans qu'elle l'eût encore vu qu'en peinture.

Le lendemain, la reine, vêtue d'une grande robe de toile d'argent à grandes manches fourrées de loup cervier, la côte de même, toute couverte par le devant de rubis, perles, diamants et autres pierreries et coiffée à la françoise, fut prise à la main et menée par Madame la princesse, comme sa marraine, en une grande salle du palais, en laquelle y avoit un dais de drap d'or frisé, et dessous ycelui deux chaires de semblable hauteur, dedans lesquelles s'assirent la reine du côté droit et la princesse de l'autre.

De la part de Sa Majesté très chrétienne, hors du dais, estoit le prince de La Roche-sur-Yon et maître Sébastien L'Aubespine, évêque de Limoges, ambassadeur de France, assis sur des petites selles couvertes de velours cramoisi. Et du rang de la princesse étoient le cardinal de Burgos, la damoiselle de Bourbon et la dame de Rien ; au bas les autres seigneurs et dames.

Le roi, ayant été quelque peu attendu par la reine, arriva sur les dix heures, vêtu d'une petite robe à collet carré de velours violet, toute couverte d'or et d'argent, et doublée de toile d'argent, brodée aussi par le dedans, et les chausses blanches à l'espagnole de même broderie.

Au-devant et après le roi marchoient grand nombre de ducs, marquis et comtes, et grands seigneurs, chevaliers de la Toison, qui tous vinrent baiser les mains de la reine et de la princesse sans qu'elles bougeassent de leurs chaires. Puis le duc de l'Infantasque, comme parrain du roi, le mena en la salle. En laquelle il ne fut pas sitôt entré que la reine se leva debout sans bouger, laissant approcher le roi jusque près du trône où elle estoit. Et, comme il montoit, elle s'avança trois ou quatre pas et, se rencontrant au milieu de l'aire, le roi lui ayant fait une grande révérence et elle répondu de même, il lui voulut baiser la main, ce qu'elle refusa, et, lui voulant faire le semblable, il ne le voulut non plus permettre.

Le 28 janvier 1560, le jour de l'arrivée d'Élisabeth à Guadalaxara, Philippe II était encore à Madrid. Le 29, il partit pour Alcala et, le 30, il rejoignit la reine[90]. Brantôme présente sous de sombres couleurs la première entrevue de la reine et du roi : J'ay ouy dire, dit-il, que la première fois qu'elle vit son mary elle se mist à le contempler si fixement que le roy, ne le trouvant pas bon, luy demanda : Que mirais, si tengo canas ? C'est-à-dire : Que regardez-vous, si j'ai les cheveux blancs ? Ces mots luy touchèrent si fort au cœur que depuis on augura mal pour elle[91]. Aucun document ne confirme ces commérages.

Incontinent le cardinal de Burgos les fiança de nouveau et, pendant que il se préparoit pour chanter la messe, le prince de la Roche-sur-Yon, l'ambassadeur, Mue de Bourbon et tous les autres serviteurs domestiques de la reine allèrent pour baiser les mains du roi et de la reine et de la princesse, ce que le roi ne voulut permettre ; obstant la coutume du pays, qui n'admet à baiser les mains des rois et reines autres que leurs naturels sujets.

Ce fait, le roi, conduit par le duc de l'Infantasque, et la reine par la princesse allèrent jusques à la porte d'une grande salle, où le cardinal de Burgos les épousa. Et, au lieu d'un rubis et diamant que on baille en France, il leur donna à chacun un fort beau rubis, puis bailla au roi treize écus qu'il présenta à la reine, laquelle les mit. en un bassin d'or pour l'offrande. Et lors le roi prit la reine par la main et la mena jusques au siège qui leur estoit préparé au milieu de la salle, où ils s'agenouillèrent tous deux et la princesse au-dessous de la reine en pareil honneur.

Les cérémonies semblables à celles de France, sinon que, la paix présentée au roi après l'évangile dit, Sa Majesté en déféroit l'honneur à la reine, laquelle la refusoit et renvoyoit au roi, qui lors la baisoit ; puis on la présentoit à la reine, qui en déféroit aussi l'honneur à la princesse, laquelle fesoit de même à la reine que elle avoit fait au roi.

L'arbrifou[92] étoit d'un tissu d'or, lequel fut mis sur l'épaule du roi, parce qu'il avoit été marié, et étendu sur la tête de la reine. Puis, sans l'ôter, l'on posa sur leurs épaules une chaîne de grosses perles, rubis et diamants, si longue qu'elle les tenoit en double tous deux accouplés et enchainés par le col. Et en test estat demeurèrent despuis l'évangile jusques à la tin de la messe, tenant toujours chacun un cierge de cire blanche.

La messe dite, le roi mena la reine en sa chambre, se retira en la sienne, puis retourna demi-heure après pour la mener dîner avec Madame la princesse en convy public, auquel le roi s'assit. au milieu de ces deux dames et tous trois servis de même façon et par les mêmes damoiselles que dessus ; si non que l'on list cet honneur à Mademoiselle de Bourbon de la faire servir la reine d'échanson, qui est le plus grand honneur que l'on puisse faire par delà aux princesses et tilles de grande maison ; les viandes servies par les pages.

Durant le dîner n'y eut autre cérémonie, sinon que l'on chanta force chansons à la louange de la reine, qui après dîner fut conduite par le roi en sa chambre, se retirant en la sienne jusques au soir, que il la vint reprendre et mener au bal. Puis allèrent souper en la chambre de ladite dame, dont il se retira pour se déshabiller. Et sur les dix heures y retourna coucher avec elle jusques au lendemain sept heures du matin, que, la messe otite, il dira en privé dedans sa chambre et la Peine en la sienne avec la princesse, sans qu'il y entrât homme.

L'après-dîner ils dansèrent attendant vêpres, où se firent les cérémonies de l'ordre Saint-Michel, qui fût présenté au roi par le prince de la Roche-sur-Yon, lequel et la dame de Rien, le lendemain, deuxième jour de février, prirent congé de leurs Majestés pour s'en retourner en France avec promesse de deux buffets qui se fesoient à Burgos, l'un de dix mille écus pour ledit sieur prince et l'autre de quatre mille pour la dame de Rieux, que on leur ferait tenir à Paris incontinent qu'ils seroient parachevés.

Les autres mémoires ajoutent quelques détails à ce récit. Le roi de France ajoutait de l'importance à l'inscription du roi d'Espagne au nombre des chevaliers de Saint-Michel. Le prince de la Roche-sur-Yon était porteur du collier de l'ordre ; l'ambassadeur de France, Sébastien de l'Aubespine, évêque de Limoges, devait servir de chancelier. La remise se fit suivant le cérémonial suivant. A l'heure choisie par le roi, après les vêpres, La Roche-sur-Yon, précédé de L'Aubespine, du s. Pot, prévôt de l'ordre, portant le collier de coquilles d'or sur un coussin, et du prévôt Danzis, chargé du manteau de damas blanc fourré d'hermine et bordé d'or, fut introduit dans l'oratoire du roi, où Philippe II, vêtu d'un pourpoint et de chausses blancs, avait de passer la matinée en prières. Après avoir lu les lettres de nomination, datées de Bar-le-Duc, du 29 septembre 1559, il fit prêter serment au nouveau chevalier et lui remit un à un les insignes de l'ordre. En bouclant le collier, il prononça la consécration : L'ordre vous reçoit en son aimable compagnie et, en signe de ce, vous donne ce présent collier. Dieu veuille que le puissiez longuement porter à sa louange et exaltation de sa vraie église catholique et accroissement de vos merittes et bonne renommée. Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Le roi d'Espagne répondit : Amen, Dieu m'en doint la grâce. Le chancelier dressa un procès-verbal de la cérémonie et le fit signer par Philippe II en signe d'acceptation de la dignité de chevalier. Ce détail avait été particulièrement recommandé au prince de la Roche-sur-Yon[93].

Le roi et la reine d'Espagne quittèrent Guadalaxara le 3 février et allèrent coucher à Alcala. Philippe II n'avait pas quitté la princesse pendant la route et la conduisait de la main à l'entrée de la ville. Les étudiants de l'université, vêtus de ces costumes pittoresques qui sont encore de mode dans les écoles espagnoles, lui adressèrent plusieurs déclamations de vers et oraisons à sa louange dans toutes les langues[94]. Le 4 février, la cour s'arrêta à Varanges où il n'y eut rien de nouveau, mais à la coustume maulvais logis. Le lendemain, lundi 5 février, le roi et la reine arrivèrent à Madrid. La ville, de fondation nouvelle, décorée par Philippe II du titre de capitale, parce qu'elle occupe le centre de l'Espagne, est située dans une vallée sèche et désolée. Élisabeth dut verser des larmes si elle compara les bords rocailleux du Manzanarès aux rives de la Seine et de la Loire qu'elle avait toujours habitées. A Madrix, dit notre annaliste, il fut fait une assez belle entrée consistant plus en monde que despense, car pour tout il n'y avoit que ung arc triumphant assez beau, où estoient quelques painctures et vers à la louange de ladicte royne, et force danses et masquarades. Ladicte ville est assez belle, grande comme la moictié de Melun. Le château est fort beau et bien commode pour les offices et autres nécessités. Il n'estoit si grand lors de la prison du feu roy François comme il est à ceste heure. Le roy y festoya la royne comme chez luy, où sont les plus beaux et riches meubles qu'il est possible de veoyr et en grande quantité, car chacune chambre et autres cabinets sont remplis de tapisseries et meubles tout à propos. Ceux d'Angleterre ne sont rien auprès.

Le lendemain, Philippe II conduisit la princesse à un combat de taureaux, jeu favori de la population castillane, auquel une reine d'Espagne devait alors et doit encore aujourd'hui trouver un grand charme, sous peine de perdre la faveur de ses sujets. Deux pages venus de France eurent la jactance d'en tester sous les yeux de leur souveraine et y feurent estrippez. Le soir même, le roi dansa le branle de la torche avec la reine et la princesse Anne de Bourbon-Montpensier. Pendant le bal, quatre cavaliers, le comte de Beneve, don Louis Mandès del Carpio, don Pedro Bozio et le marquis d'Aguilar, firent publier un cartel de six coups de picques, espées et haches à la barrière pour l'amour de leurs amyes. Plusieurs gentilshommes français relevèrent le défi et se présentèrent comme assaillants, mais la reine, avertie par les accidents de la journée, leur défendit de prendre part au combat.

Le samedi 10 février, la cour quitta Madrid, passa le 11 à Iliescas, où le vicomte de Turenne, en 1527, avait épousé au nom de François Ier la princesse Léonor de Castille, sœur de Charles-Quint, et arriva le 13 à Tolède. La ville, dit notre annaliste, est grande comme Orléans, assez mal bâtie de maisons et la pluspart de terre, assise sur une montagne contre plusieurs rochiers, environnée en la plupart du fleuve Tage, non navigable, le long duquel, au-dessus et au-dessoubs de lad. ville, y a fort beau et bon pays. Aussi est-ce la fleur de toute Espagne. L'on porte tout en lad. ville à charge d'asnes, où les rues sont estroites et si malaysées qu'à Brant peyne deux chevaux y peuvent-ils passer de front ; toutesfoys fort marchande. En ung des bouts, au plus hault d'icelle, est assiz le palays du roy, qui sera bien fort beau mais qu'il soit achevé. L'élite de la noblesse de la province, les officiers de justice, l'université, la corporation des docteurs et autres maistres de tout estat, escortés de trois enseignes de gens de pied, chacune de 1.000 hommes richement en point, armés d'arquebuses et de piques, attendaient la reine à une demi-lieue de la ville. Élisabeth portait une robe de velours noir doublée de toile d'argent, découppée à jour en tryangles et toute couverte de boutons d'or ; la cote de toile d'argent ; et coyffée à l'italienne. Comme elle vouloit monter sur sa haquenée, enharnachée de mesme, le roy luy envoya en don l'ung des plus beaux chevaulx blancs que je veys jamais pour faire lad. entrée, avecques une selle de femme à l'espagnole, dont le cercle de devant estoit tout d'or massif à petits pilliers de mesme, tout couvert de bonnes et grosses perles. La housse de velours cramoisy toute faicte de broderie d'or et d'argent...., le harnois de mesme, enrichy de petits pilliers d'or massif et les bossettes semblables, avec la grand couverte traînant jusques à terre ; le tout estimé de 7 à 8.000 escus. La princesse, observe l'auteur de la relation, ne se trouva pas à l'aise sur cette selle merveilleuse, parce que l'étrier était disposé à l'espagnole, c'est-à-dire placé à gauche.

A l'entrée de la ville, sept à huit compagnies de gens d'armes à cheval donnèrent à la reine le simulacre d'un combat en attaquant les gens de pied. Les chars de triomphe, une foule de masques et de danseurs, après avoir achevé leurs momeries, la guidèrent aux portes de la ville, où les officiers municipaux, vertus de drap d'or et velours viollet cramoisy, lui adressèrent des harangues.

Élisabeth passa sous de nombreux arcs de triomphe décorés d'emblèmes et de devises à sa louange[95]. Le roi assistait à la réception du haut d'une fenêtre avec son fils, don Carlos, et son frère naturel, don Juan d'Autriche. La coutume obligeait Élisabeth de jurer à ses sujets le maintien de leurs privilèges. A l'ouverture de la cérémonie s'éleva entre les seigneurs et les notables, qui devaient prendre rang aux portes de la cathédrale, une querelle de préséance si ardente qu'il en cuyda venir de la follye. Après une dispute d'une heure et demie, la reine entra dans l'église et prêta son serment. Il était sept heures du soir quand elle arriva au palais royal, ayant demeuré despuys les dix à cheval[96].

La satisfaction que Philippe II éprouvait de son mariage est certifiée par tous les témoins. Catherine reçut bientôt des nouvelles de la bonne chère qui feust faicte aux nopces de la royne catholique et du grand contentement que en a le roy son mary[97]. Jamais union royale, préparée par la seule politique, n'avait été mieux assortie. Philippe II avait reçu des mains de ses plénipotentiaires, sans la connaître et sans l'avoir jamais vue, une jeune fille de quatorze ans, élevée dans une cour dissolue et livrée à l'intrigue, et il trouvait une femme innocente, docile jusqu'à la servitude, la compagne soumise qu'il avait rêvée. Après son mariage, il adressa à la reine de France le témoignage de son infini contentement et renouvela plusieurs fois les mêmes déclarations[98]. De son côté, il rendait à sa femme la soumission facile par des égards et des prévenances. Bien qu'il s'accordât de nombreuses distractions, jamais Élisabeth ne souffrit, des infidélités de son mari, si même elle en fut informée. Esclave des apparences, attentif à donner le bon exemple, il se montrait fort empressé auprès de sa jeune femme. Catherine nourrissait l'illusion que sa fille prendrait peu à peu l'empire d'une maîtresse sur le roi d'Espagne et avait imposé aux dames françaises de la chambre d'Élisabeth le devoir de lui révéler les secrets de la vie des deux époux. Elle sopa très bien, écrit Claude de Valpergue, et dormit tote la nuit avec le roy son mari, qui n'i faut jamès, sans grande occasion. Il n'i a pas lontans que une parsonne, qui peu conestre une partie de ses condisions, m'asura qu'il l'eime le plus qu'il à possible, mes qu'il à de complesion[99].... Il est fâcheux que la suite de cette lettre n'ait pu être déchiffrée, car elle aurait fait connaître de curieux détails sur la complexion du roi catholique. Quelle était la personne si bien informée[100] ? La discrétion de Claude de Valpergue est regrettable. Les autres dames d'Élisabeth témoignent également de l'assiduité du roi d'Espagne. Il coche ordinairement avec elle, écrit la dame de Vineuil ; s'il ne trove mal au reste du jour, il ne la voit guères sovant, car il est empesché après ses négoses, suivant la costume des roys d'icy[101]. Quand la reine sentit les premières atteintes de la petite vérole, le roi était près d'elle. Plus tard la crainte de la contagion ne put le déterminer à s'éloigner de la chambre de la malade. Quelque chose que l'on luy ait dit de n'y venir point, il y vient tous les jours. La princesse était d'autant plus flattée de l'amour de son mari qu'elle avait pu être témoin du délaissement de sa mère. Elle écrit à Catherine un an après son mariage : Je vous dirés comme je suis la plus heureuse fame du monde. Et dans une de ces heures d'ennui où peut tomber toute jeune fille de quinze ans transplantée à 500 lieues de la maison paternelle : Sy ce n'estoit la bonne compaignie où je suis en ce lieu, et l'heur que j'ay de voir tous les jours le roy, mon seigneur, je trouverois ce lieu l'un des plus fascheux du monde. Mais je vous assure, Madame, que j'ay un si bon mari et suis si heureuse que, quant il le seroit cent fois davantage, je ne m'y facherois point[102].

La cour d'Espagne comme la cour de France avait de nombreuses résidences : Madrid, ville moderne, déjà célèbre par la captivité de François Ier ; Valladolid, l'ancienne capitale de la Castille ; Ségovie et Monzon, villes du moyen âge, pourvues chacune d'un château fort ; Tolède, vieille ville arabe ; Aranjuez, palais digne par sa magnificence de la fille des Valois ; Saint-Ildefonse, destiné à devenir le séjour préféré de Philippe II ; le Pardo, rendez-vous de chasse ; l'Escurial, le plus vaste château du monde, encore en voie de construction. Le roi et la reine d'Espagne, suivant les saisons, changeaient de demeure avec leur cortège de courtisans, d'officiers, de prélats, de moines et de gardes. Mais, dans les villes comme dans les châteaux, l'étiquette espagnole ne permettait aux princesses aucun plaisir extérieur, si ce n'est les combats de taureaux et les autodafés officiels, spectacles sanglants propres à dégoûter plutôt qu'à distraire une princesse de France. Juana de Portugal, la propre sœur du roi, la plus intime amie d'Élisabeth[103], le soir même de son arrivée à Tolède, s'enferma avec ses femmes au plus haut du palays, en ung lieu comme ung dourtoir. Et a chacune son lict, table et autres choses nécessaires, avecques officiers pour les garder et observer[104]. Les pauvres recluses de sang royal passaient leur vie entière sous les verrous, tête à tête avec leurs duègnes, sans livres, sans visites, sans aucune échappée au dehors, ne sortant de leur retraite que pour suivre le roi en litière fermée et changer de prison.

Tel ne fut pas le règlement de vie imposé à Élisabeth. Sans cesse elle recevait l'ambassadeur de France, les ministres du roi, les seigneurs de la cour[105]. Elle passe son temps à danser et à lire, écrit la dame de Vineuil[106]. Elle jouait aux martres[107], faisait des confitures, attifait des poupées, changeait et rechangeait de toilette, occupations puériles, mais appropriées à son âge[108]. Le 24 février 1560, Sébastien de l'Aubespine la surprit au milieu d'un bal qu'elle donnait à ses dames. Quelques jours après, Philippe II lui offrit un tournoi à cheval et à pied et voulut y prendre part en personne, malgré l'appréhension de la reine. A l'entrée de l'automne, elle demanda au duc de Guise des faucons, des gerfauts pour la volerie et un couple de bons lévriers de Bretagne pour la chasse en plaine[109]. Pendant le carême de 1560, elle visita les couvents et les églises de Tolède et assista à de grandes fêtes de dévotion et de toute honnesteté[110]. Ces promenades religieuses étaient l'occasion d'ébats et de divertissements[111]. Dans les mauvais jours de novembre, elle fit faire à ses filles des masques et des toilettes c aux atours du tans passé, et elle donna un grand bal. Il y avoit fort peu de jans, qui est chose que le roy aime bien, et dura le passe-tans plus de trois eures. Le roy mena danser la royne, qui estoit abillée ce jour-là d'ungne robbe de toille d'argent, gauffrée à l'espagnole avecques un bort d'or et d'argent large, et bien coifée et de pierreries ; et la faisoit fort bon voire. La dame de Clermont, qui envoie ces détails à Catherine de Médicis, certifie la bonne vie de la reine d'Espagne en ajoutant : Je vous assure, Madame, qu'elle se fait fort grasse[112].

Pendant l'hiver, la jeune reine se prit de goût pour la peinture. Elle demanda en France des crayons de toute couleur et bien filets, qu'elle scayt que Jannet scaura luy préparer dextrement, et fit apporter quelques modèles d'Italie. Je l'ay trouvée, écrit Sébastien de l'Aubespine à la reine mère, passant le temps en ung brouillas de portrait qu'elle a feict devant moy aussi promptement qu'elle a bon esprit. Estant incroyable comme, ayant quelque peu apprins d'une de ses dames italiennes que le roy luy a donnée, elle a proufité en la paincture. Et pour ceste cause je luy ay desrobé led. brouillas que je vous envoye[113]. La fantaisie dura longtemps. Elle passe son temps la plus part à paindre, à quoy elle prend grand plaisir, de sorte que je pense, devant que soit ung an, qu'elle sera si bonne maistresse que celle même qui l'apprend, qui est des meilleures du monde[114]. On voudrait connaître le nom de l'artiste italienne, une des meilleures du monde, chargée de montrer les secrets de Raphaël à la reine d'Espagne. L'artiste fit un portrait de la reine que le nonce jugea digne d'être envoyé au pape. Quant au talent d'Élisabeth, il nous laisse des doutes. La dame Claude était peut-être meilleur courtisan que bon juge. La reine catholique donna son portrait au cardinal de Lorraine, puis à sa mère. En retour, Catherine lui envoya des tableaux et des dessins qui représentaient la famille royale de France[115].

Élisabeth avait mené des dames, des demoiselles avec la charge apparente de lui faire honneur et la mission cachée de lui servir de guide. Suzanne de Bourbon, dame de Rieux, Anne de Bourbon-Montpensier, Louise de Bretagne, dame de Clermont-Lodève, la marquise de Canillac, les demoiselles de Noyant, de Girouville, de Fontpertuis, de Poulgris, de la Boissière, Claude de Nançay, dame de Vineuil, Claude de Valpergue, spécialement attachées à sa personne ; plusieurs autres, que l'autorité de Catherine avait décidées à s'expatrier. Pour éviter les conflits entre les dames des deux nations, Philippe II avait expressément recommandé au duc de l'Infantado de ne rien changer au service de la reine jusqu'à Guadalaxara[116]. La comtesse d'Urèna, de la maison de la Cueva, sœur du duc d'Albuquerque, surintendante générale, rejoignit sa maîtresse à Pampelune. L'entrevue fut pleine de tendresse. La comtesse ne tarissait pas d'hommages et Élisabeth d'éloges. Les dames espagnoles voulurent voir la reine parée à la mode de France et admirèrent si naïvement son élégance que la princesse, pour leur plaire, reprit pendant quelques jours les toilettes qu'elle avait quittées.

Les premières relations de la dame d'Urèna et de la comtesse de Clermont furent cordiales et affectueuses. Mais la camerera mayor n'avait pas vu sans dépit la faveur de sa rivale. A Tudele, au moment du départ, Élisabeth commanda à Lansac de Saint-Gelais d'offrir à la comtesse une place dans la litière royale. La comtesse s'épancha en protestations dévouées, mais déclina cet honneur. La reine appela madame de Clermont. Au premier mouvement du cortège, la dame d'Urèna lance ses estafiers à la suite de la reine et renverse les porteurs des demoiselles de Montpensier et de Rieux. Il y eut un moment de trouble. Les pages et les varlets des deux races s'insultaient avec émulation. Au bruit du désordre, la reine fit arrêter sa litière et commanda à Lansac de représenter à la comtesse que les demoiselles de Montpensier et de Rieux étaient des princesses de la maison de Bourbon, non sujettes du roi d'Espagne. La comtesse répondit avec une soumission affectée et rejeta la faute sur ses gens qu'elle promit de faire châtier, mais je congneus à son visage, dit Lansac, qu'elle estoit un peu troublée[117].

Après l'installation de la reine à Tolède, Philippe II désira qu'elle fût entièrement servie et acomodée à la façon du pays. Sébastien de l'Aubespine, qui connaissait les inclinations du roi, conseilla lui-même le rappel des dames françaises pour les dix mille petites riottes et difficultés que la rivalité des deux nations engendrait journellement[118]. Plus la reine pourra se passer de Français, écrivait-il, plus le pays sera content et le roi moins estrange de sa chambre[119]. Élisabeth sacrifia les aumôniers, les secrétaires, les maîtres d'hôtel, les écuyers, les gens de bouche et d'écurie, qui donnaient encore à sa maison l'apparence d'une cour française. Des deux médecins, Vincent de Montguyon et Simon Burgensis, le premier resta seul en Espagne. Le second fut renvoyé, au grand regret de L'Aubespine, parce qu'il ignorait la langue espagnole[120]. Le maitre d'hôtel, le s. de Vermond[121], le secrétaire, Jehan de Bonacourcy[122], rentrèrent en France. Les serviteurs remerciés se plaignirent amèrement. Mais le roi d'Espagne se montra d'une munificence qui adoucit leurs regrets. Ils touchèrent tous, outre le chiffre de leurs gages, des gratifications de 200 à 500 écus suivant le rang[123].

La liste des dames maintenues fut difficile à établir, tant la cour d'Espagne imposait de suppressions[124]. Après de longs pourparlers, la princesse obtint de garder les matrones habituées aux soins de sa personne, notamment la dame de Vineuil, malgré la comtesse d'Urèna[125]. Le nom de la dame de Clermont fut discuté comme une affaire d'État. L'ambassadeur de France plaida en sa faveur auprès du duc d'Albe, comme il avait plaidé pour conserver Calais au roi. Pendant la négociation, la dame de Clermont tomba malade. Son départ fut indéfiniment ajourné. Elle guérit bientôt par les soins d'André Vésale et reprit ses fonctions au château[126]. L'ambassadeur de France lui conseilla de conserver doulcement son rang et le roi d'Espagne lui envoya de beaux présents[127].

Le maintien de la dame de Clermont alimenta les guerres intestines. Les demoiselles de Rieux et de Montpensier échappaient à la lutte par leur qualité de princesses du sang, mais Louise de Bretagne, la conseillère en titre, la confidente de toutes les heures, fut journellement attaquée. Tantôt elle avait raillé l'étiquette, méprisé les seigneurs de la cour, empiété sur les droits des dames espagnoles. Son ignorance de la langue permettait à ses rivales d'incriminer toutes ses paroles. Quand elle eut préparé son terrain, la comtesse d'Urèna adressa de faux rapports au roi, au duc d'Albe, au comte de Melito, à Catherine de Médicis elle-même par l'intermédiaire d'un envoyé extraordinaire, Garcilasso de la Vega. Poussée à bout, Élisabeth résolut d'en référer au roi, mais elle n'osa pas luy en parler au lict. Un matin, encouragée par l'ambassadeur de France, qui luy avoit faict le bec, elle fit appeler le roi dans sa chambre et le supplia luy voulloir laisser lad. dame et non croire autre chose que tout ce que l'on doibt de la personne du monde qui méritoit le plus. Madame de Clermont était présente qui sceut bien faire sa harangue. Le roi, indécis au milieu de ces requêtes féminines, mélangées de doléances et de larmes, eut la sagesse de donner raison à sa femme et monstra entière satisfaction. La comtesse d'Urèna fut obligée de présenter des excuses et feit avec lad. dame nouvelle alliance[128]. La reine, écrit Sébastien de l'Aubespine, se trouve bien d'avoir ung peu montré les dents à ceste nation, laquelle, à dire vérité, est de si bon naturel qu'elle n'aime rien en ce monde que ce qu'elle craint[129]. Cependant la comtesse cherchait la revanche de son échec. Un jour, à Tolède, Élisabeth et Juana de Portugal voulurent s'aller promener et disner dans un jardin hors de la ville. Les équipages furent commandés pour le lendemain. Le matin arrivent à la file coches et litières. Les deux princesses montent dans le premier coche ; la comtesse d'Urèna monte dans le second et donne précipitamment le signal du départ. Madame de Clermont réclame une place au grand maitre d'Albe. Le comte, d'un air indifférent, lui crie d'attendre les litières, saute sur son cheval et galope après le coche royal. Madame de Clermont, se dépitant, resta sur la porte et s'en alla dîner chez l'ambassadeur de France. Le soir, Élisabeth adressa des reproches au comte d'Albe, i dont il se fascha fort, et se plaignit au duc d'Albe et au roy, estant à demy mort du mauvais visage de sa maistresse, estimant que cela venoit de mad. de Clermont.

Le comte d'Albe d'Aliste, beau-frère du duc d'Albe, était un personnage dur et hautain. Oultrageux en ambition de seul gouverner et quasi commander à sa maîtresse, il méprisait les gentilshommes qu'elle avait amenés de France. L'un d'eux, Americ Ferrier, marquis de Bourdelon, se lamenta à la reine de France d'être traité non pas selon ma qualité, dit-il, mais ne pis ne mieux que si j'estois un simple valet[130]. Le comte d'Albe voulait surtout éloigner la dame de Clermont, afin de mieux posséder et régner seul. Heureusement pour le repos d'Élisabeth, il remplit peu de temps la charge de grand maitre. En août 1560, il se retira à la campagne pour cause de santé[131] et mourut six mois après d'une hémorragie causée par l'extraction d'une dent[132]. Le duc d'Albe hérita de ses fonctions. L'entrée dans la maison de la reine de ce haut seigneur, supérieur à tous les courtisans, déplut à la comtesse d'Urèna. La reine réussit à l'amadouer et lui fit adresser par Catherine des lettres qui le flattèrent. Nostre comtesse, écrit Claude de Valpergue, quelque bonne mine qu'elle fasse, n'est pas un brin contente, car elle pansoit, puisque le conte estoit mort, d'estre le tout et commancer à parler bien aut, à commander ; mes la reine luy monstre à ceste eure qu'elle veut estre ors de page, de sorte qu'elle ne sest où elle en est ; et tout le monde en est extremement rejoy, mesmement nos aultres que dépandons d'elle[133].

Pendant l'année 1560 survint une fortune qui causa plus d'affliction à Élisabeth que la mort du comte d'Albe. Elle avait amené de Blois une jeune fille, nommée Chaisneau, et l'avait donnée à Mlle de Guitinières. Chaisneau tomba malade à Aranjuez et fut soignée dans un couvent. Après une assez longue convalescence, elle s'échappa déguisée en religieuse et rentra au palais. Bientôt elle donna des signes d'aliénation mentale. Tantôt elle prétendait entendre des voix du ciel ; tantôt elle accusait les religieuses de vouloir la faire bouillir comme luthérienne. Elle couchait habituellement avec Mlle de Guitinières. Une nuit, vers une heure, elle sortit du lit, se vêtit seulement de sa cotte et trouva la force de dévisser une ouverture condamnée. Comme elle faisait du bruit, Mlle de Guitinières s'éveilla et l'invita à reprendre sa place. Chaisneau lui répondit qu'elle allait parler à ceux qui l'appelaient et se jeta par la fenêtre. Elle tomba du haut de vingt toises et mourut sur le coup. La royne, dit L'Aubespine, en fut deux ou trois jours en quelque frayeur[134].

Le départ des serviteurs français n'avait pas rendu la paix à la cour de la reine. La comtesse d'Urèna continuait de saper le crédit des dames de Clermont et de Vineuil, bien que chacune se montrât attentive à ne pas sortir de son rôle. En public, à la cour, la comtesse occupait le premier rang. Elle suivait la reine, portait la queue de sa robe, s'asseyait seule à côté d'elle, lui remettait ses heures de messe, gardait ses gants, transmettait ses ordres. En privé elle était exclue du service. Élisabeth faisait fermer la porte de sa chambre, se livrait aux mains de ses favorites et ne laissait rentrer la comtesse que lorsqu'elle était habillée et parée[135]. Ces dames la servaient avec une minutie dont il serait puéril de présenter le détail, si les petits tableaux de mœurs ne contenaient de grands enseignements sur les hommes. Les charges les plus intimes ne répugnaient pas à leur dévouement. Le soin des besongnes de la reine appartenait particulièrement à Claude de Valpergue, qui enregistrait soigneusement les avances ou les retards. La dame de Vineuil était commise au lever, au coucher, aux toilettes de jour et de nuit, gardait les bijoux et veillait dans la chambre de la reine, même quand Philippe II était présent. La dame de Clermont s'occupait de la santé de sa maîtresse. Elle l'empêchait de rester trop longtemps couchée, pource que le lict la guarde d'aller à ses affaires. Lorsque Élisabeth eut la petite vérole, la dame de Clermont pansa elle-même les taches, d'abord avec de l'eau et du sel, puis avec du baume, avec du lait d'ânesse, avec des œufs frais. Voici un rapport encore plus intime qu'elle adresse à la reine mère : Pour ce qu'elle (la reine d'Espagne) avoit pris hier, il luy vint anvie d'aller à ses affaires ; mès, pour ce qu'il y avoit deux jours qu'elle n'y estoit allée, il estoit deur ; et est pour saite heure plus malesée d'y aller, à rocasion des clisetaires, qu'elle n'a acoustumée ; qui luy fisc tant de mal à se tant eforser, sans y pouvoir aller, qui luy fit fort grant mal au fondement et luy fit fort anfier ; qui me faict panser, Madame, que ce sont amorides. Je lui étuvé de lait et safranc, et fut contrainte là mesme de lui bailler ung clisetaire, qui lui fit aller à ses afaires sans mal. Et depuis elle s'est bien portée sans s'en santir ; car devant elle ne se povet bouger. Les médesins lui ordonnent, pour lui tenir le vautre lache, de manger toujours au commencement du repas des pruneaux de Tours, que lui a donné M. l'ambassadeur ; qui me fait vous suplier, Madame, nous en envoier par tous les courriers[136].

La comtesse d'Urèna était écartée de ces confidences. Sans doute elle jouait le premier rôle, mais ce rôle était tout d'apparat et De l'avançait pas dans l'intimité de la reine. Elle savait que, matin et soir, après avoir verrouillé les portes de la chambre royale, ses rivales raillaient sa suffisance et ses dénonciations, que le roi n'avait pas écoutées. Son dépit lui inspira une tactique astucieuse. La nourrice d'Élisabeth, obligée de rentrer en France, avait été remplacée par la dame de Vineuil. La dame de Clermont en devint jalouse. Bientôt, sur les démêlés des Françaises et des Espagnoles, se greffèrent les démêlés des Françaises entre elles. Il appartenait à la comtesse d'Urèna de régler le différend. Elle eut l'habileté de les aigrir les unes contre les autres. De là est procédé, dit L'Aubespine, que souvent sont échappés forcé coups de bec, que ceste nation est bien aise de voir et entendre. La querelle s'échauffant, il fut avéré que l'une des deux dames devait prendre sa retraite. Le duc d'Albe trancha le débat en demandant à Catherine de Médicis le rappel de la dame de Clermont. Catherine de Médicis chargea l'ambassadeur de préparer la séparation. François de Clèves, comte d'Eu, devait épouser Anne de Bourbon-Montpensier[137]. La reine mère décida que, au mois de mai, la dame de Clermont suivrait les nouveaux époux en France. Je arès peur, écrit-elle à Élisabeth, si (le roi) voyet que ladyste dame demeuret ancore, qui pensase que je la voleuse tenyr auprès de vous pour espion, et que cela Peut cause que le roy, vostre mari, s'estrangât de vous[138].

Au commencement d'avril 1561, Sébastien de l'Aubespine demanda officiellement le congé de la dame de Clermont[139] et des demoiselles de Noyau, de Guitinières, de Fumel, de Montal et de Curton, estant jà la royne catholique tant accoustumée et quasy tournée à la façon du pais, qui semble qu'elle n'avoit besoin d'aultre compaignie ne assistance que des siens[140]. Philippe II, avec une grâce parfaite, commanda de distribuer à ces dames de splendides présents. Chacune d'elles reçut cinq ou six vêtements complets. En outre, la future comtesse d'Eu reçut 1.000 écus, un diamant et un rubis du prix de 3.000 écus[141] ; Mme de Clermont, 4.000  écus ; les demoiselles, 2.500 écus ; les femmes de service, 300 écus[142]. La libéralité du roi consola les dames. Quant à la douce Élisabeth, elle était résignée à tous les sacrifices. Elle porte saigement et vertueusement, écrit Sébastien de l'Aubespine, le partement d'icelles[143].

Cette princesse, si soumise à son mari, si bien élevée à obéir, joua, en digne fille de Catherine de Médicis, pendant le peu d'années qu'elle passa sur le trône d'Espagne, un rôle politique d'une certaine importance. Toutes les affaires de France passaient entre ses mains et elle s'efforçait de leur donner une solution conforme aux intérêts des deux grandes puissances catholiques. Antoine de Bourbon, représentant de la maison d'Albret, que Ferdinand le Catholique avait dépouillée, importunait Philippe II de ses plaintes. Tantôt il demandait la Sardaigne ou la Corse, tantôt Milan ou Sienne, tantôt la Tunisie, en compensation des biens patrimoniaux de Jeanne d'Albret. Pendant la première année du règne de Charles IX, Antoine voulut essayer de l'intimidation et protégea les huguenots. Élisabeth l'avertit qu'il n'obtiendrait jamais rien. Au commencement de l'année 1562, il changea de veste et se fit le chef des catholiques. Dès lors Élisabeth ne cessa d'intercéder en sa faveur. Elle allait l'emporter quand le roi de Navarre mourut, le 17 novembre 1562, d'une blessure reçue sous les murs de Rouen[144].

les efforts pour ramener la politique de la reine mère au catholicisme ardent, dont Philippe II était le champion, occupent la correspondance de la reine d'Espagne. Elle blâme énergiquement le colloque de Poissy, l'édit de janvier, la paix d'Amboise, l'amnistie générale accordée aux séditieux qui venaient de déposer les armes, la faveur que les capitaines du parti réformé retrouvent à la cour le lendemain de l'édit de pacification, l'impartialité des commissaires envoyés dans les provinces, l'autorisation accordée à certaines villes de célébrer le culte calviniste dans leurs faubourgs et à quelques seigneurs huguenots dans leurs maisons. Çà et là, dans les lettres de la reine d'Espagne, surgissent d'aigres remontrances, tandis que Catherine, honteuse de son asservissement, invoque les circonstances atténuantes. Cette correspondance dura jusqu'à l'entrevue de Bayonne (juin 1565)[145].

Depuis le mariage de sa fille, la régente de France n'avait cessé de désirer une rencontre avec Philippe II. Le roi d'Espagne protestait de son incroyable envie de voir sa belle-mère et éludait sans cesse le rendez-vous[146]. Le voyage de Charles IX dans le midi de la France le mit au pied du mur. Philippe II envoya alors la reine d'Espagne à Bayonne avec des conseillers capables de guider son inexpérience. L'entrevue eut lieu au commencement de juin 1565. Pendant dix-neuf jours, Catherine retint sa fille et traita avec les seigneurs de son conseil. Les Progrès de la réforme, le concile de Trente, les menaces de la reine d'Angleterre, les invasions des Turcs, les alliances, sans cesse renouvelées et sans cesse remises en question, des cours de France et d'Espagne occupèrent les conférences. Élisabeth prenait part aux négociations avec une fermeté, une sagesse qui déroutait la reine mère. Philippe II accusait la régente de ménager les réformés ; la reine catholique reprocha à sa mère la politique du laisser-faire. Vous êtes devenue bien Espagnole, lui dit sévèrement Catherine. — Je suis Espagnole, je l'avoue, répondit Élisabeth, comme c'est mon devoir ; mais je suis toujours votre fille et je suis restée telle que j'étois lorsque vous m'envoyâtes en Espagne[147].

Le 1 er juillet 1565, la reine d'Espagne quitta Bayonne. Charles IX l'accompagna jusqu'à Saint-Jean-de-Luz et Catherine jusqu'à Irun. Élisabeth laissait à la cour de France, qu'elle ne devait jamais revoir, de doux et agréables souvenirs, écrit l'ambassadeur d'Espagne, dans le cœur de tous les bons et plus dans le cœur de ceux qui l'ont entendue parler sur les choses de la religion[148]. La séparation de la famille royale à Saint-Jean-de-Luz fut déchirante. Charles IX pleura comme un enfant. A Saint-Jean-de-Luz, raconte Alava, commencèrent les larmes de Sa Majesté, de sa mère et de son frère, et certes elles furent abondantes et vraies, parce que leur amour mutuel est grand. A Saint-Jean, le connétable entra dans la chambre de ce roi et lui dit qu'il ne devoit pleurer pour aucune cause, parce que ce seroit remarqué par ses sujets et par les étrangers et parce que les larmes ne conviennent pas aux yeux des rois ; mais il tenta en vain de le persuader. Le roi loua et approuva ses conseils ; mais les larmes et les sanglots n'en furent pas moins abondants. Au départ de Sa Majesté dud. village et à l'entrée dans la barque d'Irun, il montra avec quelle tendresse il aime la reine, notre maîtresse. La reine mère et le frère du roi firent de même dans tous les villages et plus à Irun. La reine, notre maîtresse, leur causa tel regret que durant quelques heures ils en furent accablés[149].

Brantôme, le courtisan bavard et conteur, avait rapporté de son voyage en Espagne, en 1564[150], le récit des prétendus amours de don Carlos et d'Élisabeth[151]. La princesse, en voyant l'infant, aurait été frappée au cœur d'un amour invincible comme les victimes de la Vénus antique. Don Carlos de son côté, séduit par la princesse, n'aurait pu pardonner à son père de la lui avoir enlevée. Le prince, torturé par la jalousie, aurait usé sa vie à conspirer contre son père, et, trahi par ses confidents, aurait payé de la tête ses prétendus complots. Le récit était trop séduisant pour ne pas faire fortune dans une cour galante. Nous allons l'étudier à l'aide des documents originaux et nous nous flattons de prouver combien il est éloigné de toute vraisemblance.

La première entrevue d'Élisabeth et de don Carlos eut lieu au palais royal de Tolède. L'infant, vestu d'une chausse et pourpoint blanc, avecques une juppe de velours noir à grandes bandes de broderye d'or et d'une cappe de serge de Florence, bandée de mesme, accompagné de don Juan d'Autriche, du prince de Parme et autres jeunes seigneurs, l'attendoyt à pied, avecques tout l'honneur et révérant qu'il est possible ; s'efforçant de luy baiser les mains, ce qu'elle ne voulust souffrir ; mais seulement ladicte dame l'embrassa, sans toutefoys le baiser. La conduysant en sa chambre, il luy tint d'honnestes et gracieux propos sur le grant désir qu'il avoit longtemps eu de la veoir et la servir ; ce qu'il accompagnoit d'aultant bonne grâce et majesté qu'il est possible. Il a encores sa fiebvre quarte, mais non tant que cy devant. Il demeura assés longtemps avec elle, puys se retira[152].

Voilà le récit authentique de cette première rencontre.

Don Carlos, fils unique de Philippe II et de Marie de Portugal, avait alors un peu plus de quatorze ans. Jamais prince n'avait été plus disgracié par la nature. Boiteux et cagneux à ne pouvoir marcher droit, il avait une tête énorme, un buste court, le dos voûté, les épaules inégales, des jambes et des bras d'une longueur démesurée. D'après les uns il était bègue ; d'après les autres il s'exprimait avec difficulté. Son intelligence, naturellement bornée, était affaiblie par de fréquents accès de fièvre. Il parlait sans suite ; il interrogeait et écoutait sans comprendre. Faible de complexion, intimidé peut-être par sa faiblesse même, il n'aimait aucun des brillants exercices de la jeunesse. Il n'était enclin qu'aux plaisirs de la table. Tantôt il mangeait tout un chapon bouilli coupé en petits morceaux et sur lequel on a versé le jus exprimé d'un gigot de mouton ; tantôt il se livrait à un long jeûne et s'en dédommageait le soir en engloutissant alors une quantité d'aliments qui suffirait à d'autres pour deux ou trois repas[153]. La bonté ne rachetait aucun de ces désavantages. Il n'avait pas de plus grand plaisir, écrit l'ambassadeur vénitien, que de faire rôtir des animaux vivants. Il faisait bâtonner les gens de basse condition qui se présentaient devant lui. Il commettait de tels actes de cruauté que l'ambassadeur n'ose les raconter. Haineux et vindicatif, il était la terreur de ses gens. Ses mauvais instincts s'étaient aggravés par la sévérité ou l'indulgence, tour à tour excessives, des gouverneurs qui avaient osé se charger de son éducation. Dans ce triste petit-fils de Charles-Quint, on trouve à la fois un esprit faible et un mauvais naturel, avec aliénation d'esprit parfois, écrit l'ambassadeur Tiepolo, accident d'autant plus notable chez lui qu'il parait en avoir hérité de sa bisaïeule[154].

Tel était le prince, plus digne de pitié que de tout autre sentiment, à qui Élisabeth avait été promise du vivant de Marie Tudor. Leurs premières relations furent affectueuses. Elle l'a accueilli, écrit Sébastien de l'Aubespine au roi, avec tel caresse et comportement que si le père et toute la compaignie en ont receu un singulier contentement, led. prince l'a encores plus grand, comme il a démontré depuis et démonstre lorsqu'il la visite, qui ne peut estre souvent ; car, outre que les conversations de ce pays ne sont pas si fréquentes et faciles qu'en France, sa fièvre quarte le travaille tellement que de jour en jour il va s'exténuant. Deux mois après l'arrivée d'Élisabeth, il eut un accès de fièvre, qui dura depuis les neuf heures du soir jusques aux neuf heures du matin, avec ung froid beaucoup plus rigoureux et long qu'il n'avoit senty. Au mois de juillet, il était toujours fort travaillé de sa fièvre quarte. Au mois d'août, l'état de la santé de l'infant obligeait le roi d'Espagne à différer indéfiniment l'assemblée des Cortès où il devait figurer. L'année suivante, le roi renonça à le traîner à sa suite et le laissa à Tolède aux mains de ses nombreux médecins. Élisabeth écrit à sa mère : Le prince a encores sa fiebvre quarte et ne luy diminue point[155].

Un accident aggrava l'état du prince. Pendant un séjour à Alcala, il avait pris en affection la fille du concierge de son palais et lui donnait, à l'insu de son gouverneur, des rendez-vous secrets dans un jardin. Le dimanche, 49 avril 156n, en courant au-devant d'elle par un passage dérobé, il manqua les dernières marches d'un escalier et tomba la tête en avant. A ses cris les officiers accoururent et le relevèrent. Le prince avait une blessure à la tête que les soins des médecins aggravèrent. Après onze jours de pansement, il était en proie à une fièvre ardente, mêlée de délire. Les médecins déclarèrent que le cerveau était atteint et mirent à nu le crâne du blessé. Le 5 mai, l'infant était presque paralysé ; le 9 il fut trépané, horrible supplice que la médecine empirique du moyen âge infligeait quelquefois à ses victimes. Le 10, l'ambassadeur de France écrit à la reine mère que le prince touche à sa dernière heure. Après plusieurs jours passés entre la vie et la mort, les médecins l'abandonnèrent. Dès lors il entra en convalescence. Le 14 juin, il était rétabli. Sa constitution l'avait emporté ; mais son intelligence était encore affaiblie[156].

Dans le trouble où les mauvaises nouvelles de l'infant jetaient la cour d'Espagne, la reine Élisabeth montrait les sentiments d'une mère. Il ne manquait pas à la cour de conseillers capables de lui faire entrevoir qu'elle n'avait pas à regretter un prince dont ses propres enfants devaient hériter[157]. Chaque jour elle s'informait de sa santé, plaignait ses maux, et, quand elle recevait sa visite, s'efforçait de le consoler. Tantôt, pour le distraire, elle lui donnait quelque plaisir de bal et autres honnestes passe-temps ; tantôt elle le conviait aux chasses et aux voyages de plaisance. Sa correspondance est pleine de témoignages de compassion pour l'infant. Elle en adresse même à sa mère, devant laquelle il n'était pas nécessaire de jouer une comédie larmoyante[158]. Le prince était reconnaissant de cet intérêt. Il paroit en ses actions, écrit le secrétaire Duran, grande humilité et révérence à la Royne. Lorsque Élisabeth eut la petite vérole, il s'inquiétait avec anxiété des progrès de la maladie. Les lettres des dames caractérisent cette affection enfantine qui était de la gratitude. En août 1560, la dame de Vineuil écrit a Catherine de Médicis : Le prince ayme la royne singulièrement, de façon qu'il ne se peult soler de an dire du bien[159]. Dans une autre lettre (28 novembre 1561), la dame de Vineuil donne à la reine mère des explications qui complètent ses précédents rapports. Don Carlos se trouvait alors en convalescence.

Le prince est guéri de sa fièvre carte. L'œr d'Alcala li a esté si propisse que, tant arrivé là, il n'eust que un excès de fièvre despuis. Don Carle[160] le fut veoir de la part de la roine quatre jours après qui fut là. Il dict qu'il en monstra une réjoissance bien fort grande et que, après avoir leu sa letre, il lui dict qu'il croict que sa visitation lui doroit (donneroit) la santé. Et mit la letre au chevest de son lit, où il estoit coché, atandant la fièvre qu'il n'y revit point (qui ne revint point). Il l'aime extrêmement, corne je vous ai mandé, Madame, par otres mienes ; et ceste amitié li augmente tosjours, aparante à tords. Un peu devant qu'il s'an ala, suivant quelque propos, il li sohetet des enfants[161].

Les preuves de commisération prodiguées par Élisabeth à don Carlos lui étaient inspirées par sa générosité et aussi par le désir de mener à bonne fin une négociation matrimoniale en faveur de sa sœur cadette, la belle Marguerite de Valois. Catherine de Médicis, mal informée sans doute de l'incapacité de l'infant, avait résolu de lui donner sa troisième fille, celle qui en 1572 épousa le Béarnais. De toutes les missions qu'elle avait confiées à la reine d'Espagne, aucune ne lui tenait plus à cœur[162]. Les pourparlers avaient été entamés avant le mariage de Philippe II. Au commencement de 1561, la reine Catherine envoya en Espagne le portrait de Marguerite. Le tableau fut montré avec intention à don Carlos et à Philippe II. Élisabeth raconte elle-même cette scène à sa mère : Quant les pintures arrivèrent, la princesse (Jeanne de Portugal) estoit issy, qui les treuva les plus belles du monde et prinssipalement celle de ma petite sœur. Et le prince vint après, qui les vist et me dit trois ou quatre fois en riant : Mas hermosa es la pequegna. Si est aussy ; et je ay asseurés bien qu'elle estoit bien faite ; et mad. de Clermont luy dit que c'estoit une belle famme pour luy. Il se print à rire et ne répondit. Le roy l'a trouvée fort belle et m'a demandé si elle estoit grande[163]. Les dames d'Élisabeth constatent que la proposition paraissait plaire au prince. La dame de Clermont raconte qu'il se prist à rire et rougir. La dame de Vineuil ajoute hardiment : Je crois qu'il voudroit estre davantage son parant[164]. Jehan Conseil, le confesseur d'Élisabeth, écrit à Catherine que les Espagnols sont tant édifiés de la royne qu'ils disent qu'il leur fault encores avoir mad. vostre aultre fille pour leur prince[165].

Un peu plus tard Catherine invite sa fille, au nom de son propre intérêt, à de nouvelles démarches en faveur de Marguerite. Elle lui prescrit d'écarter la candidature des archiduchesses de la maison d'Autriche ; elle repousse les demandes du roi de Navarre ; elle combat les sourdes intrigues que les Guises nouent à la cour d'Espagne en faveur de Marie Stuart et charge sa fille de les prévenir de vitesse[166]. Aux instances de la reine mère, Philippe II opposait une réserve prudente. Il répondit à Élisabeth que son fils estoit si jeune et en tel estat qu'il y avoit tamps pour tout. Il avait perdu beaucoup de ses illusions sur l'avenir de l'infant. D'ailleurs la réponse pouvait être ajournée ; don Carlos avait quatorze ans ; Marguerite six ans ; ils pouvaient attendre.

Deux ans après, le conseiller favori de Philippe II, Ruy Gomez de Silva, fut plus précis que son maitre. Il dit à l'ambassadeur de France que le mariage du prince n'estoit tant hors d'espoir comme l'on eust pensé, mais que l'indisposition et imbecillité qui se voyoit en sa personne avoit retenu son père jusques icy de traicter rien de son mariage, de peur que de luy bailler si tost femme portast préjudice à avoir lignée[167].

Catherine de Médicis reprit la négociation après l'entrevue de Bayonne, mais elle ne réussit pas à vaincre les hésitations de Philippe II. En vain Jean d'Ébrard de Saint-Suplice, ambassadeur de France, convertit aux desseins de la cour des Valois les principaux conseillers du roi d'Espagne. Ruy Gomez, le duc d'Albe, les secrétaires promirent leur appui. Le roi ne put se décider[168]. Bientôt l'infant, mécontent de son père, perverti peut-être par les conseils des ambitieux qui dirigeaient son faible esprit, prépara secrètement, à l'instar de Louis XI, sa fuite hors du royaume. Il fut alors relégué dans une tour à Madrid et se livra à de telles extravagances que le reste de ses forces y succomba. L'ambassadeur de Venise, interrogeant un seigneur de la cour sur l'état du prince, reçut cette réponse : S'il ne perd pas la cervelle, ce sera un signe qu'il l'avait déjà perdue[169]. Deux mois après, à la suite d'excès de table multipliés, don Carlos fut pris d'indigestion, de vomissements et de fièvre ardente. Il rendit le dernier soupir le 24 juillet 1568, à l'âge de vingt-trois ans. Son emprisonnement, sa fin presque mystérieuse ont fait peser sur la mémoire du roi d'Espagne l'accusation de l'avoir mis à mort. Les études de M. Gachard ont fait justice de cette calomnie.

 

Pendant les premières années de son mariage, Élisabeth ne donna point d'héritier à Philippe II. Aussitôt arrivée en Espagne, elle fut menacée de la petite vérole[170]. A la fin de septembre 1560, nouvelle indisposition[171]. En décembre la petite vérole se déclara et prit de la gravité dès les premiers jours. La reine mère éprouva une vive anxiété, non pour la vie de sa fille, mais sur l'état de son visage[172]. La force de la jeunesse triompha des médecins espagnols et des abondantes saignées qu'ils infligeaient à leurs malades. Le 16 avril 1561, la dame de Vineuil annonce à Catherine que sa fille est rétablie et qu'elle ne sera point défigurée[173].

Deux systèmes partageaient les médecins de la reine d'Espagne. Les uns lui imposaient la loi de rester couchée une partie de la journée, les autres de faire un exercice immodéré. Les influences de palais faisaient triompher tantôt l'un tantôt l'autre régime et la reine passait sans transition de l'extrême repos à l'extrême fatigue. Vers 1562, malgré ces alternatives, Élisabeth était en bonne voie, et la dame de Vineuil écrit à la reine mère : Il me samble qu'elle ne peut guère retarder de le devenir (grosse). Et s'elle comance une fois, je m'asseure, Madame, qu'elle le sera bien seyant, car sa oompletion est fort bonne et celle du roy, son mari, ausi[174].

Au mois de mai 156L, Élisabeth devint grosse. La cour d'Espagne ordonna de grandes réjouissances, des processions, des cérémonies religieuses auxquelles Philippe II et don Carlos prirent part[175]. Malheureusement dans la nuit du 5 août, peut-être à la suite de l'étrange règle de vie que les médecins lui imposaient, la reine ressentit avant terme les premières douleurs. On la saigna deux fois coup sur coup, une troisième fois au pied dans un bain d'eau chaude, puis une quatrième fois au front. Elle donna le jour à deux filles qui ne vécurent pas[176]. Son rétablissement, entravé par les médecins, fut long et pénible. Enfin, le 7 octobre, Saint-Suplice informa Catherine de la convalescence de sa fille[177]. Un mois après, il ne restait plus rien de l'accident du 5 août, et Saint-Suplice écrit à la reine : Vostre fille est sortie déjà aux champs par trois fois et ne s'y peult désirer autre chose, si n'est que le Roy couche avecques elle, ce qu'il a bien fort volunté de faire, luy ayant desjà escript du bois de Segovie qu'elle luy mandast si pourroient coucher ensemble à son retour, qui sera dans deux jours, ce que les médecins ne veulent si tost permettre. Toutesfoys je me double qu'ils n'en seront creuz[178].

A la fin de 1565 la reine d'Espagne fut déclarée officiellement en état de grossesse pour la seconde fois. Saint-Suplice lui proposa de faire venir une sage-femme de France, mais l'étiquette ne permettait pas l'ingérence d'une étrangère. Les couches d'Élisabeth étaient attendues avec anxiété en France. Le bruit s'était répandu que le duc d'Anjou visiterait la cour d'Espagne à cette occasion. Enfin, le 11[179] août 1566, Élisabeth ressentit les premières douleurs. Philippe II n'avait voulu laisser à personne le soin d'assister sa femme. Jamais, écrit Fourquevaulx à Catherine de Médicis, il ne quitta l'une des mains de lad. dame, la confortant et lui donnant courage du mieux qu'il savoit et pouvoit. Peu de temps avant les grands coups, il luy donna de sa main le breuvage que vous, Madame, avez ordonné, lequel eut telle force qu'elle se délivra bientôt après, sans sentir comme rien de peine. Quand on lui dit qu'il était père d'une fille, Philippe II remercia Dieu, disant à tous qu'il estoit le plus content des princes du monde et trop plus aise d'avoir une fille que si ce fut un infant. L'ambassadeur de France le trouva au chevet de la reine, garde-malade aussi dévoué que les matrones de la chambre royale. On aime à voir ce prince, que l'histoire représente sous des traits si durs, s'amollir au contact de son bonheur paternel. Fourquevaulx vit aussi la reine. Sa Majesté, dit-il, avoit bien la parole bonne et le sourire accoustumé ; néanmoins son visage estoit bien maigre et blême. Bientôt elle fut prise d'accès de fièvre tierce double. Philippe II redoubla de soins. Un médecin français, le s. de Montguyon, avait été envoyé par Catherine. Il n'obtint pas l'autorisation de franchir la porte du palais. Les médecins espagnols décidèrent que la fièvre provenait de la faute de la royne de ne s'estre suffisamment purgée et saignèrent au pied, le 14 août, cette jeune femme de vingt ans qui se mourait de faiblesse.

Les recommandations que Catherine avait envoyées par Montguyon furent peu écoutées. J'entends que ces médecins espagnols, écrit Fourquevaulx, en ont méprisé la plus part, comme grosses bêtes qu'ils sont, n'ayant rien que présomption et arrogance en eux[180].

La nouvelle infante reçut le nom d'Isabelle et devint la fille préférée de Philippe II. Sa destinée ne fut pas étrangère à la France. Pendant la ligue, après la décision qui excluait du trône le roi de Navarre comme hérétique, Philippe II proposa sa fille aux États comme l'héritière de Henri III. Repoussée au nom de la loi salique, elle épousa, en 1597, l'archiduc Albert, son cousin, et régna sur les Pays-Bas jusqu'à la mort de son mari en 1621.

Au commencement de 1567, Élisabeth devint grosse pour la troisième fois. Les prescriptions médicales qui lui avaient fait tant de mal dans les premières années de son séjour en Espagne l'assaillirent encore une fois. Ses gentilshommes, ses dames, l'empêchaient de faire un pas, sinon en litière ou portée sur une chaise. La princesse pensait que l'exercice feroit grand bien à sa groisse et aurait désiré cheminer modérément parmi le palais ou au jardin ; mais, habituée à obéir, elle se soumettait aux conseils impérieux de la duchesse d'Albe. L'ambassadeur de France, sentant son crédit épuisé, invoqua celui de Catherine[181]. L'autorisation de se promener fut discutée par ambassadeur comme une affaire diplomatique. Enfin les conseils de Catherine l'emportèrent et Élisabeth recouvra un peu de liberté. Ces précautions amenèrent un accouchement sans trop de souffrances. Le 9 octobre, elle donna le jour à une seconde fille, qui reçut le nom de Catherine-Françoise, et que Philippe II accueillit avec autant de joie que sa sœur aînée. Fourquevaulx alla visiter la petite infante. C'est une très belle petite princesse, dit-il à la reine mère, et qui a pour ceste heure les traits du visage plus doux que l'aînée. Je ne pus voir les yeux, car elle dormoit. Mais à ce que j'ay vu, ils sont verts et les cheveux tirent sur le brun. Il n'est possible de voir une créature plus jolie[182].

Bien que ses dernières couches eussent été faciles, Élisabeth ne se remit pas. Sa taille, qui jusqu'à ce jour avait gardé l'élégance de la jeunesse, prit un développement inattendu ; ses mains, ses bras, son visage se boursouflèrent. Le 19 janvier 1568, elle déclare à Fourquevaulx qu'elle est grosse et que l'enfant ne cesse de sautiller et fretiller en son ventre[183]. Les médecins espagnols se trompaient comme elle sur sa faulce groisse et pour retenir ses purgations naturelles la traitaient par des moyens violents[184].

Pendant tout l'hiver, Élisabeth s'était trompée en se croyant grosse, mais elle le devint au printemps de 1568. Le 18 juillet, elle eut un évanouissement qui luy dura une bonne heure, et, les jours suivants, des syncopes, des faiblesses, des accès de tristesse, qui faisaient couler ses larmes sans savoir pourquoy. Les dames assuraient que ces désordres révélaient l'existence de la grossesse, dont elles fixaient la date au 6 mai. Certaines matrones précisaient davantage : C'est grand signe qu'elle est enceinte d'un fils, écrit Fourquevaulx, selon le dire des femmes qui s'y entendent. L'ambassadeur proposa au roi de faire venir un médecin de France. Élisabeth refusa et se contenta d'un s. Juan Maldonado, recommandé par la duchesse d'Albe[185]. Bientôt parurent des symptômes plus inquiétants. Par moments la princesse perdait la respiration, le pouls cessait de battre, la tête enflait, les extrémités étaient privées de mouvement, les vomissements et les syncopes devenaient plus fréquents[186].

Le 22 septembre 1568, elle eut un fort accès de fièvre, suivi de tels soulèvements d'estomac qu'elle ne pouvait garder ni aliments ni médecines. Le mal s'aggrava dans les derniers jours du mois. La reine prédisait sa fin prochaine. Les dames d'honneur passaient les jours et les nuits en larmes auprès de son lit. Elle s'efforçait de les consoler et s'excusait de sa rudesse comme si elle n'avoit pas toujours esté la mère et la compagne de ses suivantes plutôt que la maîtresse[187]. Le 2 octobre, elle fit un testament en faveur de ses dames et de quelques ordres religieux. Le cardinal Espinosa et l'évêque de Cuença lui offrirent les consolations spirituelles. Le dimanche, 3 octobre, à quatre heures du matin, elle demanda à communier, mais elle ne put recevoir l'hostie consacrée à cause de ses vomissements. Au lever du jour, Philippe II lui fit une dernière visite et lui adressa quelques paroles affectueuses. La reine, écrit l'ambassadeur, s'entretint avec son époux très naturellement et en chrétienne. Elle luy fit ses adieux et jamais princesse ne témoigna plus de bonté et de piété. Elle luy recommanda ses deux filles et ses principales suivantes, le priant de vivre en amitié avec le roy de France, son frère, et de maintenir la paix. Elle ajouta d'autres paroles qui ne purent manquer de toucher le cœur d'un aussi bon époux que le Roy[188]. Le roi, surmontant son émotion, lui promit d'exaucer toutes ses prières. Puis il se retira, le cœur rempli d'angoisses, dans la chapelle du château. A six heures, Élisabeth reçut l'extrême-onction. A dix heures et demie, elle accoucha d'une fille de moins de cinq mois, laquelle fut baptisée et s'envola au ciel. Elle avait fait appeler l'ambassadeur de France.

Monsieur l'ambassadeur, lui dit-elle, vous me voyez en chemin de desloger bientôt de ce misérable monde pour un autre royaume plus agréable, où j'espère d'astre auprès de mon Dieu en gloire qui n'aura jamais fin.

Je vous prie dire à la royne, madame ma mère, et au roy mon frère que je les supplie prendre patiemment ma fin, et se contenter de ce qui me contente plus que ne soit oncq bien ni prospérité que j'ay gousté en ce monde, c'est de m'en aller vers mon créateur où j'espère avoir meilleur moyen de leur faire service, et je prieray Dieu pour eux et pour mes frères et sœurs qu'il les garde et maintienne très longuement en sa très sainte protection. Vous les prierez de ma part qu'ils prévoyent à leur royaume, afin que les hérésies qui y sont prennent fin ; et de mon costé je prie et prieray Dieu qu'il leur en donne le moyen, et qu'ils prennent ma mort patiemment en croyant que je suis bien heureuse[189].

Peu après avoir prononcé ces belles paroles, elle perdit connaissance. Vers midi et demi, on s'aperçut qu'elle avait rendu le dernier soupir, les mains croisées sur son crucifix, comme si elle se fût endormie d'un doux sommeil. Son visage, dit Fourquevaulx, reflétait la sérénité de sa vie. Elle ouvroit ses yeux clairs et luisans ; et sembloit aud. ambassadeur qu'ils luy commandoient encore quelque chose, pour ce qu'ils estoient tournez droit à luy[190].

Le roi se retira au monastère de Saint-Jérôme avec don Juan d'Autriche, Ruy Gomez de Silva, et vécut durant un mois dans une profonde retraite. N'y a homme qui négocie avec Sa Majesté, ni qui le voye, écrit Fourquevaulx[191]. Il assistait aux deux offices du couvent et passait le reste du jour au fond d'une tribune de la chapelle, éclairée seulement par des torches funèbres. Le 4 octobre, la duchesse d'Albe et les dames ensevelirent le corps de la reine et le couvrirent de fleurs. Les seigneurs espagnols, en grande cérémonie, portèrent à l'église des filles franciscaines, couchés côte à côte dans le même cercueil, les restes glacés de la mère et de l'enfant. Le 18 eurent lieu les obsèques ; le nonce officia et l'évêque de Cuença prononça l'oraison funèbre[192]. Le service fut célébré sans musique ni chant, en un profond silence, interrompu seulement, dit Juan Lopez, par les sanglots des assistants. Jamais, dit Brantôme, on ne vist peuple si désolé, ny si affligé, ny tant jetter de haults cris, ni tant espandre de larmes, sans se pouvoir remettre en façon du monde, sinon au désespoir et à la plaindre incessamment. Les Espagnols, pour lesquels la reine s'était montrée une fée bienfaisante, habile à tempérer la dureté de Philippe II, l'idolâtroient plustost qu'ils ne l'honoroient[193]. La dépouille mortelle d'Élisabeth reposa cinq ans dans le sanctuaire des Franciscaines de Madrid et fut transportée, le 6 juin 1573[194], dans le mausolée de l'Escurial, avecques une très belle et sainte cérémonie, allant tout le peuple après le corps de la royne, plorant et l'appelant saincte. Je crois, écrit Jean de Vivonne de Saint-Gouard, ambassadeur de France, successeur de Fourquevaulx, que jamais autre royne y sera tant aymée[195].

Philippe II acquitta royalement les legs qu'Élisabeth avait laissés aux dames de sa maison. Mlle d'Arné, de Gascogne, reçut une robe de fourrure en peau de loup, Mlle de Saint-Léger une robe de martre, Mlle de Riberac un tissu d'or, plus, chacune, un présent d'un million de maravédis[196] et une dot, payable le jour de leur mariage, de douze cent cinquante mille maravédis. Mlle de Jacincourt et dona Claudia reçurent chacune un million de maravédis, et restèrent au service des infantes. Pétronille de Longueil et Léonor de Cavila, femmes de chambre, touchèrent chacune quinze cents ducats[197].

Au mois de décembre, le cardinal Charles de Guise, de la maison de Lorraine, apporta au roi d'Espagne les condoléances du roi de France[198]. Philippe II, qui connaissait les dispositions épicuriennes du cardinal, avait donné l'ordre de munir de vivres et de coches les villes de son passage[199]. Le cardinal fut reçu en prince à Madrid. Déjà de sombres rumeurs se répandaient en France sur la mort de la reine. Catherine avait chargé Fourquevaulx de recueillir secrètement quelques informations[200]. Peut-être Philippe II cherchait-il à prévenir les soupçons lorsqu'il faisait étalage de ses regrets. Sa plus grande consolation, dit-il au cardinal de Guise, estoit le souvenir de la vie pure et vertueuse de l'épouse qu'il avoit perdue. Toutes les personnes attachées au service de la royne, ses dames, ses suivantes, savoient combien il l'avoit aimée, ce que prouvoit du reste la douleur excessive qu'il avoit ressentie à sa mort. Là-dessus il entama un panégyrique des vertus de la défunte et dit que, s'il avoit encore un choix à faire, il ne pourroit rien désirer de plus que de trouver une femme qui lui ressemblât exactement[201]. Pour laisser à son hôte un bon souvenir de son séjour en Espagne, Philippe II le combla de dons. Une note du temps énumère les objets que le futile prélat avait obtenus du roi[202].

Les gentilshommes de la suite du cardinal de Guise et peut-être le cardinal lui-même rapportèrent à la cour de France le récit de la mort d'Élisabeth, qui courait à Madrid dans le peuple. On racontait, dit une note attribuée à Perez, qu'un gentilhomme, amant d'une des filles de la cour, avait eu l'habileté de se ménager de secrètes entrées dans le gynécée de la reine. Un rapport d'espion le signala, sans le nommer, à Philippe II, comme l'amant d'Élisabeth. Des courtisans déguisés se cachèrent sous les fenêtres de l'appartement royal et virent descendre le galant en costume de nuit. Ils le suivirent et reconnurent le marquis del Pozzo, jeune seigneur renommé pour ses aventures. Par un hasard malheureux, le jour suivant, dans une course de bague, la reine, du haut de son estrade, laissa tomber son mouchoir et Pozzo le ramassa. Ces indices, dit Perez, persuadèrent à Philippe II que sa femme le trompait. Le soir même des alguazils guettèrent le marquis et l'assassinèrent à coups de dague. Le meurtre resta secret. Quelques jours après, la duchesse d'Albe présenta à la reine un breuvage purgatif. Élisabeth le repoussa, alléguant sa grossesse. La duchesse insista, disant que cette lune ne se pouvoit passer sans médecine. La reine résistait. Au milieu de la dispute, arrive Philippe II en costume de nuit. Au premier abord il donne tort à la duchesse, puis, convaincu par les motifs allégués, il s'efforce de persuader la reine. Nouveaux refus d'Élisabeth. Le roi d'un ton sévère lui dit que, puisqu'il importoit à l'État, il falloit qu'elle passât par là. Et, prenant le vase, de sa main le luy présenta et luy fit boire. Quelques heures après, la reine fut prise d'atroces douleurs et accoucha d'un fils, qui avoit tout le crasne de la teste bruslé et qui expira au bout de quelques instants[203].

Les ennemis de Philippe Il ont adopté ce roman. Brantôme l'accueille avec sa légèreté habituelle[204]. Les Mémoires de l'estat de France sous Charles IX, ouvrage protestant publié en 1576[205], l'Apologie du prince d'Orange, en 1584, affirment l'empoisonnement d'Élisabeth par le roi d'Espagne. Le nom seul d'Antonio Perez, le coupable ministre, le complice de Philippe II, devenu plus tard son ennemi le plus acharné[206], doit mettre l'histoire en garde contre ses venimeuses allégations. Le calomniateur ment même sur le sexe de l'enfant qui avoit tout le crasne de la teste bruslé ; c'était une fille et non pas un fils.

Nous avons, des derniers jours de la vie d'Élisabeth, un narrateur sincère et sagace, indépendant de Philippe II, l'ambassadeur de France, Raymond de Pavie, s. de Fourquevaulx. Comme ses prédécesseurs, Sébastien de l'Aubespine et Jean de Saint-Suplice, il tenait la reine mère au courant des moindres incidents de la vie de sa fille. Il n'y a pas un mot dans sa correspondance officielle qui accuse Philippe II[207]. Il en est de même de celle du nonce, Giov. Battista Castagna, archevêque de Rossano[208]. Tous deux jugent même indignes d'être transmis à leurs gouvernements les propos que Brantôme reproduit avec tant d'assurance.

La confiance de Catherine de Médicis ne fut même pas effleurée par le soupçon, puisque, sans tarder, elle mit les fers au feu pour faire monter son autre fille, Marguerite de Valois, alors âgée de quinze ans, sur le trône d'Espagne[209]. Mais quand Philippe II eut épousé la princesse Anne d'Autriche (14 novembre 1570) et que la reine mère vit le trône de Charles-Quint perdu pour les siens, elle donna cours à son hostilité contre le roi catholique. La calomnie n'avait aucun fondement, mais elle pouvait servir à discréditer l'ennemi. Elle déshonorait le roi d'Espagne auprès des puissances étrangères, elle le couvrait de honte. La reine mère traita ouvertement le roi d'Espagne d'empoisonneur et parla de venger sa fille. Les juges impartiaux haussaient les épaules, mais les esprits prévenus adoptaient l'accusation. C'est ainsi que, le 1er octobre 1572, elle adressa à Arnaud du Ferrier, ancien magistrat huguenot, alors ambassadeur de France à Venise, plus tard chancelier du roi de Navarre, une apologie de sa conduite à la journée de la Saint-Barthélemy, et un réquisitoire contre le roi d'Espagne. Après avoir parlé de la conjuration de l'amiral Coligny[210], de ses rébellions multipliées et de la nécessité où s'est trouvé le roi de le devancer pour sauver sa couronne et sa vie, Catherine de Médicis ajoute des paroles de menace contre le roi d'Espagne : Pour le regard de ce que me mandez de celuy qui a faict mourir ma fille, c'est choze que l'on ne tient point pour certaine, et, au cas où elle le seroit, le Roy, monsieur mon filz, n'en pouvoit faire la vengerie en l'estat que son royaulme estoit lors, mais, à présent qu'il est tout uny, il aura assés de moien et de forces pour s'en ressentir quand l'occasion s'en présentera ; et m'asseure que, quand les princes protestants auront bien sceu la verité et consideré tout ce que dessus, ils continueront à l'endroict de mon filz la mesme volonté qu'ils avoient auparavant[211].

La légende fit son chemin. L'arrestation et la mort de don Carlos, la fin de la reine Élisabeth, le mystère qui entourait ce double drame sollicitaient l'imagination. Les hommes sont avides de merveilleux. Nul n'admettait que les deux jeunes princes aient pu mourir de mort naturelle. La passion religieuse prêtait tous les crimes à Philippe II. Depuis 1568, les haines accumulées contre la politique du roi d'Espagne ont fait vivre la sinistre tradition. Saint-Real en a tiré un roman, Schiller une tragédie, les poètes des élégies. Voici un sonnet anonyme, inspiré par la prévention populaire, mais qui nous parait digne d'être sauvé de l'oubli :

Parle, tombeau muet, et dy mon triste sort.

Sœur et fille de roy, d'un grand roy je fus femme,

Qui ravit de mon corps avant l'heure mon âme

Pour un soubscon conceu contre moy à grand tort.

Or le venin qui fut préparé pour ma mort

Me corromp tout le sang et ma personne entame ;

Mais afin de laisser à ma race le blasme

Il fait croire que c'est la lespre qui me sort[212].

Il feind de s'en douloir pour mieux couvrir son crime,

Feind de cacher mon mal, mais lors plus il imprime

En l'esprit d'un chacun que de lèpre je meurs.

Tuer donc l'innocente et qu'à tel sang subjecte

Tel blasme et sur ce sang tel forfaict se rejecte...

Ô rois, ô mes parents, soyez-en les vengeurs ![213]

 

FIN DE L'OUVRAGE

 

 

 



[1] Baschet, Diplomatie vénitienne, p. 244.

[2] Il y a plusieurs portraits d'Élisabeth au musée de Madrid. Celui qui sons a paru le plus vivant et probablement le plus ressemblant est celui de Pantoja de la Cruz, inscrit sous le n° 925.

[3] M. le marquis Duprat attribue à la princesse (Vie d'Élisabeth de Valois, p. 79) une jolie pièce de vers conservée en manuscrit dans le vol. 883 du f. fr., f. 32. La pièce porte pour titre : La rogne à Madame, à quoi une main du temps a ajouté : Isabel, rogne d'Espagne. Elle mériterait d'être attribuée à Catherine de Médicis ou à Marie Stuart plutôt qu'à Élisabeth. Mais elle est conservée dans un recueil de vers de Jean de la Maisonneuve. Tout indique donc qu'elle est l'ouvre de ce poète. M. Joly, dans la Vraye histoire de Triboulet (Lyon, 1867, in-8°, p. 87), a publié une antre pièce qui nous parait d'un versificateur de profession plutôt que de la princesse.

[4] Rapport transmis par Sébastien de l'Aubespine (F. fr., vol. 15874, f. 7).

[5] Relations des ambassadeurs vénitiens sous Charles-Quint et Philippe II, publiées par IL Gachard, p. 36, 122, 171 et 182. Nous signalerons aussi le portrait du Titien et celui de Pantoja de la Cruz, conservés au musée de Madrid (n° 455 de la galerie de la reine Isabelle et 931 de la grande galerie).

[6] Nous avons raconté les péripéties de ce voyage dans le Mariage de Jeanne d'Albret.

[7] Lettre de Sébastien de l'Aubespine, évêque de Limoges, du 27 mai 1559 (F. fr., vol. 6614, f. 41).

[8] Tous les biens du prince d'Orange et du comte d'Egmont situés en France avaient été confisqués pendant la guerre. Un traité supplémentaire, eu date du 3 avril, les leur restitua (Copie ; f. fr., vol. 3153, f. 155).

[9] Lettres de l'Aubespine au roi et au connétable, du 23 mai (Orig., f. fr., vol. 6614, f. 36 et 39).

[10] Tous les historiens du temps ne s'accordent pas quant aux dates de l'arrivée du duc d'Albe et du duc de Savoie, et même du mariage. Ainsi le biographe de Vieilleville fixe à la fin d'avril l'arrivée des seigneurs espagnols ; l'exact de Thou lui-même place au 15 juin la séance du Parlement où le roi assista. Un document contemporain (F. fr., vol. 15872, f. 86), sorte de programme des fétu de la cour, avance chaque entrée de quelques jours. Nous avons suivi un récit inséré dans les Mémoires-journaux du duc de Guise, et un extrait inédit des registres de l'Hôtel de Ville de Paris (Ve de Colbert, vol. 252 et 140).

[11] François II portait le titre de roi dauphin parce qu'il était dauphin de par sa naissance et roi du chef de sa femme, Marie Stuart, reine d'Écosse.

[12] Ce récit est extrait d'une longue lettre que le duc d'Albe écrivit le jour même à Philippe II (Arch. nat., K. 1643, n° 29).

[13] La plupart des historiens racontent que le duc d'Albe s'agenouilla aux pieds du roi ; il n'est point fait mention de ce détail dans la lettre de Philippe II citée dans la note précédente.

[14] Extrait des registres de l'Hôtel de Ville, Ve de Colbert, vol. 140, f. 541.

[15] La cour de Philippe II portait encore le deuil de Marie Tudor.

[16] C'est-à-dire vêtus avec magnificence.

[17] Nouvelles envoyées à M. de Cambray (Copie du temps ; f. fr., vol. 20482, f. 327).

[18] Le contrat de mariage de la princesse Élisabeth et du représentant de Philippe II, daté de la veille, 20 juin 1559, est imprimé par Dumont, Corps diplomatique, t. IX, p. 48.

[19] On trouve dans les Mémoires-journaux du duc de Guise (Coll. Michaud et Poujoulat, p. 442) un récit des fêtes du mariage d'Élisabeth. Il existe plusieurs autres récits inédits. Voyez notamment le vol. 15872 du f. fr., f. 86, 88, et 4337 du même fonds, f. 97 et 117, et 23935 du même fonds, f. 24.

[20] Le cérémonial de l'Hôtel de ville de Paris contient un récit nouveau du mariage d'Élisabeth et du représentant de Philippe II (F. fr., vol. 18528, f. 13).

[21] L'Aubespine nous apprend que le roi d'Espagne avait acheté plusieurs diamants du prix de 20 à 30.000 écus et qu'il était en marché pour en acheter un de 150.000 (Lettre du 27 mai 1559 ; f. fr., vol. 6614, f. 41).

[22] La couronne d'Élisabeth était offerte par le roi de France au lieu d'être un présent du roi d'Espagne. Elle coûta, avec celle de la princesse Marguerite, 288 livres de façon. Les largesses distribuées par le duc de Guise étaient également prises dans le trésor royal ; elles se composèrent de 51 pièces d'or et de 1.250 d'argent, portant la figure du roi Philippe et de madame Élisabeth, valant ensemble 1.500 livres. Mais, ce qui paraîtra le plus étonnant, c'est que le don du duc d'Albe à la quête du mariage, environ treize écus, avait été remis à l'avance au duc d'Albe, sur l'ordre du roi, par Me Oudart Le Mercier, trésorier des aumônes (Bibl. nat., coll. Clairambault, vol. 65, f. 5229).

[23] Parmi les pièces de vers publiées à l'occasion de ce mariage, il faut signaler un charmant épithalame publié par Le Gendre (Paris, veuve Buffet, 1559, in-8° de 4 f.) et réimprimé dans le Bulletin du Bibliophile de 1874, p. 454. Malheureusement pour la mémoire de l'auteur, plusieurs couplets sont presque littéralement copiés dans l'épithalame de Jeanne d'Albret, par Ronsard.

[24] Mémoires-journaux du duc de Guise, p. 445 et 446 (Coll. Michaud et Poujoulat).

[25] Le roi, par lettres du 3 janvier 1558 (1559), accorda plus tard à François de Montmorency, fils aîné du connétable, la survivance de la charge de grand martre de la maison de roi (Duchesne, Histoire de la maison de Montmorency, t. II, p. 361).

[26] Brantôme, t. VI, p. 488 et 489 ; édit. de la Soc. de l'Hist. de France.

[27] F. fr., vol. 6617, 1. 98. Pièce du temps.

[28] Arch. nat., K. 1492, n° 47. Lettre originale de Ruy Gomez de Silva et du duc d'Albe à Philippe II.

[29] Lettre de Sébastien de l'Aubespine an connétable, du 19 mai 1559 (Orig., f. fr., vol. 6614, f. 34).

[30] Louis Paris, Négociations sous François II, p. 22, 33, 40, 73, 76, 79, 80. — Dépêches de Sébastien de l'Aubespine et quittances de Philippe II. Il est à remarquer que, dans ces documents diplomatiques, les mots de florins, écus et livres sont pris comme de la même valeur.

[31] Il signe Jehan Consilium dans une lettre adressée à la reine mère (F. fr., vol. 15874, non paginé). Il est appelé Consilii dans un état publié dans les Négociations sous le règne de François II, p. 353. Sans doute il se nommait simplement Conseil.

[32] Paris, Négociations sous François II, p. 69. — Lettre de L'Aubespine an cardinal de Lorraine, du 4 août 1559.

[33] Ve de Colbert, vol. 27, f. 243. — Lettre de L'Aubespine à la reine mère, datée de Tolède, du 9 décembre 1560.

[34] La liste de ces nombreux serviteurs est conservée dans la coll. Clairambault, vol. 836, f. 2795.

[35] Lettre de Chantonnay an cardinal Granvelle (Recueil conservé aux Arch. de Bruxelles, f. 92).

[36] Lettre de Ruy Gomez de Silva et du duc d'Albe à Philippe Il, en date du 8 juillet 1559 (Orig. espagnol ; Arch. nat., K. 1492, n° 47).

[37] Lettre de Chantonnay à Marguerite de Parme, du 15 septembre 1559 (Recueil conservé aux Archives de Bruxelles, f. 7.)

[38] Lettre orig. de d'Estissac, gouverneur de la Rochelle, au duc de Guise, en date du 31 juillet 1559 (F. fr., vol. 15872, f. 133).

[39] Lettre de Burie au roi, du 22 août 1559 (F. fr., vol. 15871, f. 282).

[40] Lettre de Chantonnay à Philippe II, du 16 août 1559 (Orig. espagnol ; Arch. nat., K. 1494, n° 65).

[41] Lettre de d'Aspremont, vicomte d'Ortes, gouverneur de Bayonne, an cardinal de Lorraine, datée de Bayonne et du 12 septembre 1559 (F. fr., vol. 15872, f. 159). Tous les historiens de l'Espagne, Leti, Ferreras, Prescott, se trompent en fixant au 29 août l'arrivée du roi à Laredo.

[42] Lettre de Chantonnay à Marguerite de Parme, du 13 octobre 1559 (Recueil conservé aux Arch. de Bruxelles, f. 13).

[43] La Planche, Estat de France sous François II, édit. Techener, 1836, in-fol., p. 29.

[44] Lettre du vicomte d'Orles citée plus haut.

[45] Lettre de Philippe II à Chantonnay, du 26 septembre 1559 (Orig. espagnol ; Arch. nat., K. 1493, n° 92). — Lettre de Chantonnay à Philippe II, du 15 nov. 1559 (Orig. espagnol ; Arch. nat., K. 1492, n° 77). — La liste des objets perdus avec le navire de Bolivar est conservée dans le premier carton, n° 78.

[46] Lettre de Chantonay à Philippe II, de 29 août (Orig. espagnol ; Arch. nat., K. 1492, n° 68).

[47] Lettre de Chantonnay à Philippe II, du 16 août 1559 (Orig. espagnol ; Arch. nat., K. 1494, n° 65).

[48] Négociations sous François II, p. 461, 702, 718.

[49] Lettre de Chantonnay à la duchesse de Parme, du 22 octobre 1559 (Recueil conservé aux Arch. de Bruxelles, f. 14).

[50] Ce règlement fut modifié légèrement à la suite de la mission de Buendia. La copie, datée du 23 novembre, est conservée aux Archives nationales, K. 1643, n° 31.

[51] Instructions au comte de Buendia, de 11 octobre 1559 (Orig. espagnol ; Arch. nat., K. 1493, n° 9).

[52] Lettre de Jean Michieli à la république de Venise, du 26 octobre 1559 (Dépêches vénit., Bibl. nat., Mas., filza 3, f. 247).

[53] Depuis que Ferdinand le Catholique, en 1512, avait conquis la Navarre espagnole, la maison d'Albret ne cessait de revendiquer cette province. Nous avons exposé ces faits dans Antoine de Bourbon et Jeanne d'Albret.

[54] Lettre de Chantonnay à Philippe II, du 1er novembre 1559 (Arch. nat., K. 1492, n° 75, orig. en français).

[55] Lettre de Chantonnay à Marguerite de Parme, du 8 novembre 1559 (Recueil conservé aux Arch. de Bruxelles).

[56] Lettre de Chantonnay à Philippe II, du 15 novembre (Orig. espag. ; Arch. nat., K. 1492, n° 77).

[57] L'énumération de ces trésors nous a été conservée dans les Mémoires-journaux de François de Lorraine, coll. Michaud et Poujoulat, p. 445.

[58] Lettre de Chantonnay à Philippe II, du 15 novembre 1559 (Orig. espag. ; Arch. nat., K. 1492, n° 77).

[59] Lettre de Chantonnay à la duchesse de Parme, du le décembre 1559 (Recueil conservé aux Archives de Bruxelles, f. 20).

[60] Chantonnay lui-même tomba malade et se fit remplacer auprès de la reine d'Espagne par son secrétaire, André Galien (Lettre de Chantonnay du 23 novembre à Philippe II ; orig. espag., Arch. nat., K. 1492, n° 78).

[61] Lettre de Chantonnay du 8 novembre 1559 (Recueil conservé aux Archives de Bruxelles, f. 19). — Lettre de Killegrew à la reine Élisabeth d'Angleterre, du 29 novembre (Forbes, t. I, p.266).

[62] Lettre de Catherine au connétable (Lettres de Catherine de Médicis, t. I, p. 128). Voyez aussi la note précédente.

[63] Lettre de Chantonnay à Philippe II, du 22 août 1559 (Orig. espag. ; Arch. nat., K. 1492, n° 67).

[64] Négociations sous François II, p. 438, 442, 701 et 707.

[65] Lettres de Chantonay à Philippe II, du 23 et du 25 novembre 1559 (Orig. espag. ; Arch. nat., K. 1492, n° 78 et 79).

[66] Palma Cayet, Chronologie novenaire, coll. du Panth. litt., p. 176.

[67] Nous avons raconté le passage d'Élisabeth en Guyenne dans Antoine de Bourbon et Jeanne d'Albret, t. II, p. 79 et suiv.

[68] Négociations sous François II, p. 166 et 168. — Récit contenu dans les Ve de Colbert, vol. 140, f. 519. — Chronique anonyme du vol. 4815 du f. fr., f. 11 et suiv.

[69] Philippe II avait envoyé à Roncevaux un agent, le docteur Durango, pour y amasser des moyens de transport et des vivres (Lettre de Durango à Philippe II, du 2 décembre 1559 ; Arch. de la secrét. d'État d'Espagne à Simancas, leg. 357, f. 95).

[70] Négociations sous François II, p. 174.

[71] Lettre de Duran à Antoine de Noailles, du 21 février 1559 (1560) (F. fr., vol. 6911, f. 290).

[72] Négociations sous François II, p. 188.

[73] Lettres de Philippe II du 23 novembre et du 8 décembre 1559 (Copies du temps ; Arch. nat., K. 1643, n° 31, 32 et 33). L'Académie d'histoire de Madrid a publié (Colleccion de documentos ineditos para la historia de Espana, t. III, 1843, in-8° de 576 pages) la correspondance de Philippe II avec l'archevêque de Burgos au sujet de l'arrivée de la reine d'Espagne.

[74] Chronique anonyme (F. fr., vol. 4815, f. 12).

[75] Chronique publiée dans les Archives curieuses pour servir à l'histoire de France, de Cimber et Danjou, t. IV, p. 8.

[76] Négociations sous François II, p. 179.

[77] Instruction de Philippe II au cardinal de Mendoza (Copie en espagnol ; Arch. nat., K. 1643, n° 31).

[78] Chronique anonyme (F. fr., v. 4815, f. 12). — Relation de Lhuillier (Négociations sous François II, p. 181). Jacques Lhuillier, abbé commendataire d'Épernay, était secrétaire de la reine mère. Plus tard la reine d'Espagne demanda pour lui une charge de gentilhomme servant (Lettre autogr. d'Élisabeth à la duchesse de Guise ; f. fr., vol. 3238, f. 3).

[79] Palma Cayet, Chronologie novenaire, édit. du Panth. litt., p. 176. — Le 9 juin 1560, Élisabeth écrivit au roi de Navarre une jolie lettre de remerciement pour les soins et les égards qu'il lui avait montrés pendant le voyage. Nous avons publié cette lettre dans les pièces justificatives du tome II d'Antoine de Bourbon et Jeanne d'Albret.

[80] Instruction de Philippe II au cardinal de Mendoza et au duc de l'Infantado (Arch. nat., K. 1643, n° 31).

[81] Sept mois à peine s'étaient écoulés depuis la mort de Henri II au tournoi de la porte Saint-Antoine.

[82] Négociations sous François II, p. 193.

[83] Relation anonyme conservée dans le vol. 4815 du fonds français.

[84] Canna, jeu de canne, délassement populaire en Espagne.

[85] Conil, lapin.

[86] Penne, plume.

[87] Ce fait n'est pas confirmé par les autres historiens du voyage.

[88] Le duc de l'Infantado.

[89] Guadalaxara.

[90] Arch. nat., K. 1493, r 32. Lettre originale de Philippe II à Chantonnay, en date du 28 janvier 1560.

[91] Brantôme, t. VIII, p. 9, édit. de la Société de l'histoire de France.

[92] Arbrifou, poêle nuptial.

[93] Instruction du roi à La Roche-sur-Yon, du 23 novembre 1559 (F. fr., vol. 10207, f. 71). — Acte d'acceptation de Philippe II, du 1er février 1559 (1580) (Orig. sur parchemin ; f. fr., vol. 13085, pièce dernière). — Lettres publiées dans Négociations sous François II, p. 281 et 282.

[94] Le récit du voyage d'Élisabeth à Tolède que noua entamons est tiré de la lettre d'un s. Duran, témoin oculaire, à Antoine de Noailles, gouverneur de Bordeaux (Orig., f. fr., vol. 6911, f. 290).

[95] Ces emblèmes et devises sont reproduits dans une plaquette fort rare, Entrata la regale e trionfante in Spagna nella nobil citta di Toledo della ser. regina Isabella..., par Oliveri, capello di Toledo. Milano, 1560.

[96] Lettre de Duran à Antoine de Noailles, gouverneur de Bordeaux (Orig., f. fr., vol. 6911, f. 290).

[97] Lettre du 25 février 1559 (1560) adressée au connétable (Autogr., f..fr., vol. 3158, f. 51). — Voyez aussi la lettre de l'évêque de Limoges au roi, du 23 février (Négociations sous François II, p. 271).

[98] Négociations sous François II, p. 296, 333.

[99] Négociations sous François II, p. 807. La suite de cette lettre n'a pu être déchiffrée.

[100] Le nom de la princesse d'Eboli, alors fort assidue auprès de la reine (fragment de journal de mai 1560, publié par le comte de la Ferrière dans Missions à Saint-Pétersbourg, p. 20), viendrait naturellement à l'esprit, si l'on ne savait, depuis le savant ouvrage de Gaspar Muro, la Princesse d'Eboli, in-8°, 1878, que jamais Anne de Mendoza ne fut la maîtresse de Philippe II.

[101] Lettre de Claude de Nançay, dame de Vineuil, à la reine mère, du 28 novembre (1561) (Autogr., f. fr., vol. 15875, f. 436).

[102] Négociations sous François II, p. 272, 809, 703, 813.

[103] Négociations sous François II, p. 351.

[104] Lettre de Duran à Noailles, du 21 février 1559 (1560) (Orig., f. fr., vol. 6911, f. 290).

[105] Négociations sous François II, passim.

[106] Lettre de Claude de Nançay, dame de Vineuil, à la reine mère, du 28 novembre (1561) (Autogr., f. fr., vol. 15875, f. 436).

[107] Martres, jeu d'osselets.

[108] Journal d'une des suivantes de la reine d'Espagne, publié par le comte de la Ferrière dans Missions à Saint-Pétersbourg, page 17.

[109] Deux lettres de Sébastien de l'Aubespine en date du 31 août 1560 (Orig., f. fr., vol. 15874, f. 104 et 108).

[110] Lettre de Jehan Consilium, confesseur de la reine, à Catherine de Médicis, du 17 mai 1560 (Autogr., f. fr., vol. 15874, f. 11).

[111] Lettre de la dame de Vineuil du 28 novembre 1561 (Autogr., f. fr., vol. 15875, f. 436).

[112] Négociations sous François II, p. 272, 290, 718.

[113] Lettre de L'Aubespine à la reine, du 9 février 1560 (1561) (Orig., f. fr., vol. 6614, f. 58).

[114] Lettre de Claude de Valpergue à Catherine de Médicis, du 30 septembre (1561) (Orig., f. fr., vol. 3902, f. 88).

[115] Négociations sous François II, p. 359, 806, 807, 854.

[116] Négociations sous François II, p. 175, 184, 191 et 192. — Relations de Lansac, de L'Huillier et relation anonyme. Voyez aussi l'instruction de Philippe II au duc de l'Infentado (Arch. nat., K. 1643, n° 31).

[117] Négociations sous François II, p. t77.

[118] Nous en savons plus aujourd'hui sur les querelles intestines des dames de la chambre d'Élisabeth que Catherine elle-même. Toutes les lettres des dames, pour parvenir à la cour de France, étaient remises à Sébastien de l'Aubespine, ambassadeur du roi. L'Aubespine en prenait connaissance et, si elles ne contenaient que des récits d'alcôve ou des médisances d'antichambre, il ne les envoyait pas à destination, de crainte d'aigrir les rapports déjà si tendus des deux cours. Ces lettres restaient dans ses papiers. C'est là que les a trouvées M. Louis Paris lorsque, en 1841, il publia les Négociations sous le règne de François II.

[119] Lettre de Sébastien de l'Aubespine à la reine mère, du 2 juin 1560 (Orig., f. fr., vol. 15874, f. 30).

[120] Lettre de Burgensis à la reine, du 1er juin 1560 (Orig., f. fr., vol. 15874, f. 29). — Lettre de L'Aubespine à la reine, du 2 juin (Ibid., f. 30).

[121] Lettre du s. de Vermond à Catherine de Médicis, du 5 juin 1560 (Orig., f. fr., vol. 15874, f. 38).

[122] Lettre de Jehan de Bonacourcy à la reine mère, du 23 juillet 1560 (Autogr., f. fr., vol. 15874, f. 73). — Lettre de Sébastien de l'Aubespine à la reine mère, du 31 août 1560 (Orig., ibid., f. 104).

[123] Lettre de L'Aubespine à la reine mère, du 2juin 1560 (Orig., f. fr., vol. 15874, f. 30).

[124] Négociations sous François II, p. 273, 301, 354.

[125] Lettre de Sébastien de l'Aubespine à la reine mère, du 31 août 1560 (Orig., f. fr., vol. 15874, f. 104).

[126] Lettre de L'Aubespine à la reine, du 24 Juillet 1560 (Orig., f. fr., vol. 15874, f. 75).

[127] Lettre de Sébastien de l'Aubespine à la reine mère, du 2 juin 1560 (Orig., f. fr., vol. 15874, f. 30).

[128] Négociations sous François II, p. 460, 713, 721.

[129] Lettre de Sébastien de l'Aubespine à la reine, du 31 août 1580 (Orig., f. fr., vol. 15874, f. 104).

[130] Lettre d'Americ Ferrier à la reine Catherine, du 30 mai 1580 (Orig., f. fr., vol. 15874, f. 27).

[131] Lettre de Sébastien de l'Aubespine à la reine, du 31 août 1580 (Orig., f. fr., vol. 15874, f. 104).

[132] Lettre de la dame de Vineuil du 15 février 1580 (1581) (Orig., f. fr., vol. 6606, f. 72).

[133] Négociations sous François II, p. 273, 710, 815, 817.

[134] Lettre de Sébastien de l'Aubespine à la reine mère, du 19 mai 1560 (Orig., f. fr., vol. 15874, f. 17). — Voyez aussi un fragment de chronique publié par le comte de la Ferrière dans Deux années de mission à Saint-Pétersbourg, p. 19.

[135] Lettre de L'Aubespine à la reine mère (Copie du temps, sans date ; f. fr., vol. 6614, f. 91).

[136] Négociations sous François II, p. 460, 718, 803, 805, 809, 810, 836.

[137] Le récit de la réception est contenu dans un mémoire de L'Aubespine en date du 20 mai 1561 (Copie du temps ; f. fr., vol. 3192, f. 46).

[138] Négociations sous François II, p. 704, 706, 707, 708, 709, 719, 721, 836, 840, 862.

[139] La dame de Clermont, quelques jours auparavant, avait déposé sa démission (Lettre de L'Aubespine à la reine mère, mars 1561 ; orig., f. fr., vol. 6614, f. 81).

[140] Lettre de L'Aubespine à la reine mère, du 3 avril 1560 (1561) (Orig., f. fr., vol. 15874, f. 1).

[141] La duchesse de Montpensier adressa des remerciements à Philippe II (Orig. sans date ; Arch. nat., K. 1496, n° 9).

[142] Mémoire de Sébastien de l'Aubespine du 20 mai 1581 (Copie du temps ; f. fr., vol. 3192, f. 46). — Voyez aussi la lettre de L'Aubespine du 3 avril citée dans une note précédente.

[143] Lettre de L'Aubespine à la reine mère, du 10 mai 1561 (Orig., f. fr., vol. 3192, f. 31). — Lettres de Catherine de Médicis, t. I, p. 200, 233, 298.

[144] Voyez les documents que nous avons publiés dans les tomes III et IV d'Antoine de Bourbon et Jeanne d'Albret.

[145] Voyez la correspondance de Catherine avec sa fille pendant les années 1561 et suivantes dans les tomes I et II de Lettres de Catherine de Médicis, publiées par le comte de la Ferrière.

[146] Lettre de L'Aubespine à la reine mère, du 19 mai 1560 (Orig., f. fr., vol. 15874, f. 17).

[147] L'entrevue de Bayonne et les négociations auxquelles elle donna lieu sont présentées avec détails par le comte de la Ferrière dans l'introduction du tome II des Lettres de Catherine de Médicis.

[148] Lettre de Francis de Alava à Philippe II, du 1er juillet 1565 (Orig. espagnol ; Arch. nat., K. 1504, n° 41).

[149] Lettre d'Alava à Philippe II, en date du 4 juillet 1565 (Orig. espagnol ; Arch. nat., K. 1504, n° 42).

[150] M. Gachard en donne la date exacte, novembre 1564 (Don Carlos et Philippe II, p. 149).

[151] Brantôme, t. II, p. 101, et VIII, p. 5 et ailleurs.

[152] Lettre de Duran, témoin oculaire, à Antoine de Noailles, gouverneur de Bordeaux (Orig., f. fr., vol. 6911, f. 290).

[153] Voyez les divers portraits de ce prince publiés d'après les rapports des témoins par M. Gachard, Don Carlos et Philippe II, chap. VII. — Voyez aussi les rapporte des ambassadeurs vénitiens publiés par N. Gachard, in-8°, 1856.

[154] Jeanne la Folle, mère de Charles-Quint.

[155] Négociations sous François II, p. 271, 291, 809, 813. — Lettre de L'Aubespine au cardinal de Lorraine et au duc de Guise, du 3 juillet 1560 (Orig., f. fr., vol. 15874, f. 69). — Autre, du 13 août (Ibid., f. 136).

[156] Gachard, Don Carlos et Philippe II, chap. iv. — Négociations sous François II, p. 888 et 889.

[157] Négociations sous François II, p. 291. — Lettre de L'Aubespine au card. de Lorraine et au duc de Guise, du 3 Juillet 1560 (Orig., f. fr., vol. 15874, f. 89).

[158] Négociations sous François II, p. 291, 460, 889 et passim.

[159] Lettre de Duran à Noailles (Orig., f. fr., vol. 6911, f. 290). — Négociations sous François II, p. 460, 809.

[160] Don Carle, secrétaire de la reine d'Espagne.

[161] Lettre de Claude de Nançay, dame de Vineuil, à la reine mère, du 28 novembre (1561) (Autogr., f. fr., vol. 15875, f. 438).

[162] Lettres de Catherine de Médicis, t. I, p. 87, 145, 192, 247, 604 et ailleurs. — Négociations sous François II, p. 801 et suiv.

[163] Négociations sous François II, p. 806.

[164] Négociations sous François II, p. 803 et 460. If. Paris a cru reconnaître dans ces derniers mots l'expression voilée de l'affection de don Carlos pour Élisabeth. Il nous semble que notre interprétation est bien plus vraisemblable. Comment don Carlos aurait-il été davantage le parent de la reine s'il eût été aimé d'elle ? Il n'en est pas de même s'il fût devenu son beau-frère.

[165] Lettre de Jehan Consilium à la reine, du 17 mai 1560 (Autogr., f. fr., vol. 15874, f. 11).

[166] Voyez les documents publiés dans Négociations sous François II, p. 294, 435 et suiv., 803 et suiv., la correspondance de la reine mère publiée par N. de la Ferrière (Lettres de Catherine de Médicis, t. I, p. 87, 145, 192, 247, 604 et ailleurs) et une lettre autographe de Catherine à sa tille (F. fr., vol. 6605, f. 48).

[167] Lettre de Saint-Suplice à la reine mère, du 27 août 1563 (Copie du temps ; f. fr., vol. 3162, f. 11 v°).

[168] Mémoire de Saint-Suplice à la reine, en date du 11 août 1565 (Copie du temps ; f. fr. ; vol. 3163, f. 101). — Lettres de Catherine de Médicis, t. II, p. 326, 327, 330, 347.

[169] Lettre de Cavalli du 7 mai 1568, citée par Gachard (Don Carlos et Philippe II, p. 465, note).

[170] Négociations sous François II, p. 272, 301, 304.

[171] Lettre de Philippe II à la reine mère, du 24 septembre 1560 (Minute ; Arch. nat., K. 1493, n° 88).

[172] Lettres de Catherine de Médicis, t. I, p. 162, 163, 223, 566, 575 et ailleurs. — Négociations sous François II, p. 801 et suiv.

[173] Lettre de la dame de Vineuil à la reine mère, du 16 avril (1561) (Autogr., f. fr., vol. 3189, f. 48). — Négociations sous François II, p. 803, 808.

[174] Lettre de la dame de Vineuil à la reine, en date du 28 novembre (1561 ou 1562) (Autogr., f. fr., vol. 15875, f. 436). —Voyez aussi la lettre de la même dame, du 18 décembre (Ibid., f. 403).

[175] Calendars, 1564, p. 192, 356 et suiv.

[176] Lettre de Saint-Suplice à la reine, du 19 août, publiée dans les notes des Lettres de Catherine de Médicis, t. II, p. 218.

[177] Lettre de Saint-Suplice à la reine mère, du 7 octobre 1564 (Orig., f. fr., vol. 15880, f. 270). — Voyez aussi la lettre de Catherine de Médicis et celle de Charles IX (Lettres de Catherine de Médicis, t. II, p. 232).

[178] Lettre de Saint-Suplice à la reine, du 9 novembre 1564, publiée dans les Lettres de Catherine de Médicis, t. II, p. 237, note.

[179] Cette date a toujours été mal fixée. Tons les historiens fixent au 1er août la naissance de l'infante Isabelle. Mais une lettre de Philippe II, du 12 août, dit positivement que le dimanche 11 août 1566, veille du jour où il écrit, la reine est accouchée d'une fille (Orig. espagnol en date du 12 août 1586 ; Arch. nat., K. 1506, n° 34).

[180] Lettres de Fourquevaulx à Catherine de Médicis, du 18 août 1586, publiée dans les pièces justificatives de Histoire d'Élisabeth de Valois, p. 458. — Autre, p. 453. — Lettres de Catherine de Médicis, t. II, p. 339, note.

[181] Voir une lettre de la duchesse d'Albe à la reine mère, en date du 4 septembre 1567 (Orig. espagnol ; f. esp., vol. 336, f. 105). — Lettres de Catherine de Médicis, t. III, p. 193. Cette lettre renouvelle des recommandations précédemment envoyées.

[182] Pièces publiées dans l'appendice de la Vie d'Élisabeth de Valois, p. 479. — Autres, p. 489.

[183] Lettre de Fourquevaulx à la reine mère (Copie, f. fr., vol. 10752, f. 1176).

[184] Lettre de Fourquevaulx à la reine mère, publiée par le marquis Duprat (Vie d'Élisabeth de Valois, p. 361).

[185] Lettre de Fourquevaulx à la reine, du 21 juillet 1568 (Copie, f. fr., vol. 10751, f. 1395). Ce volume et le suivant contiennent une copie de toute la correspondance de Fourquevaulx pendant son ambassade en Espagne.

[186] Lettres de Fourquevaulx des 1er août, 10 et 24 septembre (Copies, f. fr., vol. 10751, f. 1405, 1552 et 1459).

[187] Juan Lopez, Relacio de la enfermadad de la reyna Isabel de Valois, Madrid, 1569, f. 4.

[188] Lettre de Fourquevaulx à la reine mère, du 3 octobre (Copie, f. fr., vol. 10751, f. 1470).

[189] Fourquevaulx prête ces paroles textuellement à la reine Élisabeth dans sa lettre du 3 octobre (Copie, f. fr., vol. 10751, f. 1470). Philippe II trouva moyen de se procurer une traduction de cette lettre. Cette pièce est actuellement conservée aux Archives nationales, K. 1513, n° 6. Une relation des derniers moments de la reine, datée du 12 octobre, les reproduit également (Arch. nat., K. 1513, n° 7).

[190] Lettre de Fourquevaulx à la reine, du 3 octobre 1588 (Copie, f. fr., vol. 10751, f. 1470). Partie de cette lettre a été publiée par le marquis Duprat (Vie d'Élisabeth de Valois, In-8°, p. 381). Autre relation datée du 12 octobre, en espagnol (Arch. nat., K. 1513, n° 7). — Communication du roi au parlement (Coll. du parlement, vol. 561, f. 617). — Lopez, Relacion de la enfermedad de la reyna Ysabel.

[191] Cependant Fourquevaulx obtint une audience le 10 octobre (Lettre à la reine du 15 ; copie, f. fr., vol. 10752, f. 19).

[192] Lettres de Fourquevaulx du 15 et du 29 octobre 1568 (Copie, f. fr., voL 10752, f. 6 et 25). — Juan Lopez, Relacion de la enfermadad y Essequias funebres de la serenissima reyna de Espana dona Ysabel de Valois, Madrid, 1589.

[193] Brantôme, t. VIII, p. 8 et suiv. — Juan Lopez, Relacion de la enfermadad de la reyna Ysabel.

[194] Le tome VII de la Coleccion de documentos ineditos para la historia de Espana, p. 83 et suiv., contient des Memorias de fray Juan de San Geronimo qui donnent de grands détails sur cette cérémonie.

[195] Lettre de Saint-Gouard à la reine, du 18 juin 1573 (F. fr., vol. 16105, n° 45).

[196] Le maravédis valait un peu plus d'un denier.

[197] Note de Philippe II communiquée au cardinal de Guise (Arch. nat., K. 1517, le 18).

[198] Lettre du roi à Fourquevaulx, du 28 octobre 1568 (Copie, f. fr., vol. 10752, f. 68).

[199] Instructions de Philippe II au vice-roi d'Aragon, en date du 15 décembre 1588 (Copie du temps en espagnol ; Arch. nat., K. 1515, n° 5).

[200] Lettre de Catherine de Médicis publiée dans Raumer, Lettres sur le XVIe et le XVIIe siècle, t. I, p. 162.

[201] Lettre du card. de Guise à la reine, du 6 février 1569 (Raumer, Lettres sur le XVIe et le XVIIe siècle, t. I, p. 163).

[202] Note du temps en espagnol, sans date (Arch. nat., K. 1527, n° 26).

[203] Note attribuée à Antonio Perez et conservée en copie dans la coll. Dupuy, vol. 661, f. 21. Elle a été publiée par le marquis Duprat dans Vie d'Élisabeth de Valois, p. 358.

[204] Brantôme, t. IX, p. 23.

[205] Mémoires de l'estat de France sous Charles IX, 1578, t. I, f. 6, v°.

[206] Voyez sur ce personnage Antonio Perez et Philippe II par M. Mignet et l'ouvrage bien plus important du marquis de Pidal, Philippe II, Antonio Peres et le royaume d'Aragon, traduit de l'espagnol par M. Magnabal, 1867, 2 vol. in-8°.

[207] La correspondance de Raymond de Pavie, s. de Fourquevaulx, ambassadeur en Espagne, de juillet 1585 à avril 1572, est conservée en copie du temps, sans lacune, à la Bibliothèque nationale, f. fr., vol. 10751 et 10752. Cette copie e été dressée par les soins du fils de l'ambassadeur lui-même sur les originaux et contient tontes les lettres qu'il adressa au roi et à la reine mère pendant sa mission et tontes celles qu'il reçut de la reine et du roi.

[208] La correspondance de Giov. Batista Castagne, archevêque de Rossano, nonce en Espagne, est conservée en copie du temps à la Bibliothèque royale de Madrid, X, 172. Nous avons pu la consulter et M. Gachard en a donné une analyse assez détaillée (Les bibliothèques de Madrid et de l'Escurial, p. 85).

[209] Voyez la correspondance de la reine avec Fourquevaulx dans le tome III de Lettres de Catherine de Médicis, p. 200 et suivantes. La négociation n'aboutit pas, heureusement pour la jeune princesse, dont l'esprit brillant et les fringantes escapades se seraient mal accommodés du formalisme espagnol.

[210] C'était le thème adopté pour excuser le forfait de la Saint-Barthélemy.

[211] Lettre de Catherine de Médicis à du Ferrier, ambassadeur à Venise, en date du 1er octobre 1572 (Minute orig., f. fr., vol. 15555, f. 199).

[212] Ce couplet contient une allusion qui appelle un commentaire. Les enfants de Henri II avaient tous très mauvais sang, comme on sait. Or le poète accuse Philippe II d'avoir rejeté sur la lèpre des Valoir le mal secret dont Élisabeth mourut, mal causé par le venin qu'il avait préparé pour la faire mourir.

[213] Ce sonnet est publié d'après les manuscrits par N. Tricote, dans le Bulletin du Bibliophile, 1874, p. 458.