C’est un milieu singulièrement compliqué, on le voit, un milieu extrêmement abondant en contrastes et fertile en problèmes de toutes sortes que nous présentent les villes naissantes. Entre les deux populations qui s’y juxtaposent sans se confondre, se révèle l’opposition de deux mondes distincts. L’ancienne organisation domaniale avec toutes les traditions, toutes les idées, tous les sentiments, qui, sans doute, ne sont pas nés d’elle, mais à qui elle communique leur nuance particulière se trouve aux prises avec des besoins et des aspirations qui la surprennent, qui la heurtent, auxquels elle n’est point adaptée et contre lesquels tout d’abord, elle se raidit. Si elle cède du terrain, c’est malgré elle et parce que la situation nouvelle est due à des causes trop profondes et trop irrésistibles pour qu’il lui soit possible de n’en point subir les effets. Sans doute, les autorités sociales n’ont pu apprécier, tout d’abord, la portée des transformations qui s’opéraient autour d’elles. Méconnaissant leur force elles ont commencé par y résister. C’est plus tard seulement, et souvent trop tard, qu’elles se sont résignées à l’inévitable. Comme il arrive toujours le changement ne s’est opéré qu’à la longue. Et il serait injuste d’attribuer comme on l’a fait maintes fois, à la tyrannie féodale ou à l’arrogance sacerdotale une résistance qui s’explique par les motifs les plus naturels. Il est arrivé au Moyen Âge ce qui est arrivé si souvent depuis lors. Ceux qui bénéficiaient de l’ordre établi se sont attachés à le défendre non pas seulement et non pas tant peut-être parce qu’il garantissait leurs intérêts que parce qu’il leur semblait indispensable à la conservation de la société. Remarquons, au surplus, que cette société, la bourgeoisie l’accepte. Ses revendications et ce que l’on pourrait appeler son programme politique ne visent aucunement à la renverser ; elle admet sans discuter les privilèges et l’autorité des princes, du clergé, de la noblesse. Elle veut obtenir seulement, parce que cela est indispensable à son existence, non point un bouleversement des choses, mais de simples concessions. Et ces concessions se bornent à ses besoins propres. Elle se désintéresse complètement de ceux de la population rurale dont elle est sortie. Bref, elle demande seulement à la société de lui faire une place compatible avec le genre de vie qu’elle mène. Elle n’est pas révolutionnaire, et s’il lui arrive d’être violente, ce n’est point par haine contre le régime, c’est tout simplement pour l’obliger à céder. Il suffit de jeter un coup d’œil sur ses principales revendications pour se convaincre qu’elles ne vont pas au delà du nécessaire. C’est tout d’abord la liberté personnelle, qui assurera au marchand ou à l’artisan la possibilité d’aller, de venir et de résider où il le désire et de mettre sa personne comme celle de ses enfants à l’abri du pouvoir seigneurial. C’est ensuite l’octroi d’un tribunal spécial, grâce auquel le bourgeois échappera tout à la fois à la multiplicité des juridictions dont il relève et aux inconvénients que la procédure formaliste de l’ancien droit impose à son activité sociale et économique. C’est l’établissement dans la ville d’une paix, c’est à dire d’une législation pénale qui garantira la sécurité. C’est l’abolition des prestations les plus incompatibles avec la pratique du commerce et de l’industrie et avec la possession et l’acquisition du sol. C’est, enfin, un degré plus ou moins étendu d’autonomie politique et de self-government local. Tout cela est d’ailleurs très loin de former un ensemble cohérent et de se justifier par des principes théoriques. Rien de plus étranger à l’esprit des bourgeoisies primitives qu’une conception quelconque des droits de l’homme et du citoyen. La liberté personnelle elle-même n’est point revendiquée comme un droit naturel. On ne la recherche que pour les avantages qu’elle confère. Cela est si vrai, qu’à Arras par exemple, les marchands tentent de se faire passer pour des serfs du monastère de Saint Vaast, afin de jouir de l’exemption du tonlieu qui est accordée à ceux-ci[1]. C’est depuis le début du XIe siècle que l’on aperçoit les premières tentatives dirigées par la bourgeoisie contre l’ordre de choses dont elle souffre. Ses efforts désormais ne s’arrêteront plus. À travers des péripéties de tout genre, le mouvement de réforme tend irrésistiblement à son but, brise s’il le faut de haute lutte les résistances qu’on lui oppose et aboutit enfin, dans le courant du XIIe siècle, à doter les villes des institutions municipales essentielles qui seront à la base de leurs constitutions. On observe que partout les marchands prennent l’initiative et conservent la direction des événements. Rien de plus naturel que cela. N’étaient-ils pas dans la population urbaine l’élément le plus actif, le plus riche, le plus influent et ne supportaient-ils pas avec d’autant plus d’impatience une situation qui froissait à la fois leurs intérêts et leur confiance en eux-mêmes[2] ? On pourrait assez justement comparer le rôle qu’ils jouèrent alors, malgré l’énorme différence des temps et des milieux, à celui que la bourgeoisie capitaliste assuma depuis la fin du XVIIIe siècle dans la révolution politique qui mit fin à l’Ancien Régime. D’un côté comme de l’autre, le groupe social qui était le plus directement intéressé au changement prit la tête de l’opposition et fut suivi par la masse. La démocratie, au Moyen Âge comme dans les temps modernes, débuta par subir l’impulsion d’une élite et par imposer son programme aux confuses aspirations du peuple. Les cités épiscopales furent tout d’abord le théâtre de la lutte. Et il serait certainement erroné d’attribuer ce fait à la personnalité des évêques. Un très grand nombre d’entre eux se distinguent, au contraire, par leur sollicitude éclairée pour le bien public. Il n’est pas rare de rencontrer dans leur sein des administrateurs excellents et dont la mémoire est restée populaire à travers les siècles. À Liège, par exemple, Notger (972-1008) attaque les châteaux des seigneurs pillards qui infestent les environs, détourne un bras de la Meuse pour assainir la ville et en augmente les fortifications[3]. Il serait facile de citer des faits analogues pour Cambrai, pour Utrecht, pour Cologne, pour Worms, pour Mayence et pour quantité de cités d’Allemagne où les empereurs s’efforcèrent jusqu’à la guerre des investitures de nommer des prélats également remarquables par leur intelligence et leur énergie. Mais plus les évêques avaient conscience de leurs devoirs, plus aussi ils prétendirent défendre leur gouvernement contre les revendications de leurs sujets et les maintenir sous son régime autoritaire et patriarcal. La confusion dans leurs mains du pouvoir spirituel et du pouvoir temporel leur faisait apparaître d’ailleurs toute concession comme dangereuse pour l’Église. Il ne faut pas oublier non plus que leurs fonctions les obligeaient à résider d’une manière permanente dans leurs cités et qu’ils craignaient à bon droit les difficultés qu’entraînerait pour eux l’autonomie de la bourgeoisie au milieu de laquelle ils vivaient. Enfin nous avons déjà vu que l’Église était peu sympathique au commerce. Elle lui montrait une défiance qui devait naturellement la rendre sourde aux désirs des marchands et du peuple qui se groupait derrière eux, l’empêcher de comprendre leurs besoins et la faire s’illusionner sur leurs forces. De là des malentendus, des froissements et bientôt une hostilité réciproque qui, dès le commencement du XIe siècle, aboutit à l’inévitable[4]. Le mouvement commença par l’Italie du Nord. Plus ancienne y était la vie commerciale, plus hâtives en furent les conséquences politiques. On connaît malheureusement très mal le détail des événements. Il est certain que l’agitation à laquelle l’Église était alors en proie ne laissa pas de les précipiter. Le peuple des villes prit parti passionnément pour les moines et les prêtres qui menaient campagne contre les mauvaises mœurs du clergé, attaquaient la simonie et le mariage des prêtres et condamnaient l’intervention de l’autorité laïque dans l’administration de l’Église. Les évêques nommés par l’empereur et compromis par cela même se trouvèrent ainsi en face d’une opposition en laquelle s’alliaient et se renforçaient mutuellement le mysticisme, les revendications des marchands et le mécontentement suscité par la misère parmi les travailleurs industriels. Il est certain que des nobles participèrent à cette agitation qui leur fournissait l’occasion de secouer la suzeraineté épiscopale, et firent cause commune avec les bourgeois et les Patarins, nom sous lequel les conservateurs désignaient avec mépris leurs adversaires. En 1057, Milan, déjà à cette époque la reine des cités lombardes, était en pleine fermentation contre l’archevêque[5]. Les péripéties de la querelle des investitures propagèrent naturellement les troubles et leur donnèrent une tournure de plus en plus favorable aux insurgés à mesure que la cause du pape l’emportait sur celle de l’empereur. On établit sous le nom de Consuls, des magistrats chargés de l’administration des cités, soit du consentement des évêques, soit par la violence[6]. Les premiers de ces Consuls qui soient mentionnés, mais non point sans doute les premiers qui aient existé, apparaissent à Lucques en 1080. Déjà en 1068 une Cour communale (curtis communalis) est signalée dans cette ville, symptôme caractéristique d’une autonomie urbaine qui devait exister certainement à la même date en bien d’autres endroits[7]. Les Consuls de Milan ne sont cités qu’en 1107, mais ils sont incontestablement beaucoup plus anciens. Dès cette première apparition, ils présentent nettement la physionomie de magistrats communaux. Ils se recrutent parmi les diverses classes sociales, c’est-à-dire parmi les capitanei, les valvassores et les cives et représentent le commune civitatis. Le plus caractéristique de cette magistrature, c’est son caractère annuel par quoi elle s’oppose nettement aux offices à vie qu’a seuls connus le régime féodal. Cette annalité des fonctions est la conséquence de leur nature élective. En s’emparant du pouvoir, la population urbaine le confie à des délégués nommés par elle. Ainsi s’affirme le principe du contrôle en même temps que celui de l’élection. La commune municipale, dès les premières tentatives d’organisation, se crée les instruments indispensables à son fonctionnement et s’engage sans hésiter dans la voie qu’elle n’a, point cessé de suivre depuis lors. De l’Italie, le consulat s’est bientôt répandu aux villes de Provence, preuve évidente de son adaptation parfaite aux nécessités qui s’imposaient à la bourgeoisie. Marseille possède des consuls dès le commencement du XIIe siècle et au plus tard en 1128[8], puis on en trouve à Arles et à Nîmes en attendant que peu à peu ils se répandent dans le midi de la France, au fur et à mesure que le commerce y gagne de proche en proche, et, avec lui, la transformation politique qu’il traîne à sa remorque. Presque en même temps qu’en Italie, la région flamande et le Nord de la France voient se créer des institutions urbaines. Comment s’en étonner puisque comme la Lombardie, cette contrée a été le siège d’un puissant foyer commercial ? Ici, par bonheur, les sources sont plus abondantes et plus précises. Elles nous permettent de suivre, dans une clarté suffisante, la marche des événements. Les cités épiscopales n’y attirent pas exclusivement l’attention. À côté d’elles, d’autres centres d’activité se distinguent. Mais c’est dans les murs des cités que se sont formées ces communes dont il importe tout d’abord de distinguer la nature. La première en date et heureusement aussi la mieux connue est celle de Cambrai. Pendant le XIe siècle, la prospérité de cette ville s’était largement développée. Au pied de la cité primitive s’était groupé un faubourg commercial que l’on avait entouré, en 1070, d’un mur d’enceinte. La population de ce faubourg supportait impatiemment le pouvoir de l’évêque et de son châtelain. Elle se préparait en secret à la révolte lorsqu’en 1077 l’évêque Gérard II dut s’absenter pour aller recevoir en Allemagne l’investiture des mains de l’empereur. Il était à peine en chemin que, sous la direction des marchands les plus riches de la ville, le peuple s’insurgea, s’empara des portes et proclama la commune (communio). Les pauvres, les artisans, les tisserands surtout se lancèrent d’autant plus passionnément dans la lutte qu’un prêtre réformateur appelé Ramihrdus, leur dénonçait l’évêque comme simoniaque et excitait au fond de leur cœur, le mysticisme qui a la même époque, soulevait les Patarins lombards. Comme en Italie la ferveur religieuse communiqua sa force aux revendications politiques et la commune fut jurée au milieu de l’enthousiasme général[9]. Cette commune de Cambrai est la plus ancienne de toutes celles que l’on connaît au Nord des Alpes. Elle apparaît comme une organisation de lutte et une mesure de salut public. Il fallait s’attendre, en effet, au retour de l’évêque et se préparer à lui tenir tête. La nécessité d’une action unanime s’imposait. Un serment fut exigé de tous, établissant entre tous la solidarité indispensable, et c’est cette association jurée par les bourgeois, à la veille d’une bataille, qui constitue le trait essentiel de cette première commune. Son succès d’ailleurs ne fut qu’éphémère. L’évêque, à la nouvelle des événements, se hâta d’accourir et il parvint à restaurer momentanément son autorité. Mais l’initiative des Cambrésiens leur suscita sans retard des imitateurs. Les années suivantes sont marquées par la constitution de communes dans la plupart des cités de la France du Nord : à Saint-Quentin vers 1080, à Beauvais vers 1099, à Noyon en 1108-1109, à Laon en 1115. Pendant les premiers temps, la bourgeoisie et les évêques vécurent en état d’hostilité permanente et pour ainsi dire sur pied de guerre. La force seule pouvait l’emporter entre des adversaires également convaincus de leur bon droit. Ives de Chartres exhorte les évêques à ne pas céder et considère comme nulles les promesses que, sous la pression de la violence, il leur arrive de faire aux bourgeois[10]. Guibert de Nogent, de son côté, parle avec un mépris haineux de ces communes pestilentielles que les serfs érigent contre leurs seigneurs pour se soustraire à leur autorité et leur arracher les droits les plus légitimes[11]. Malgré tout cependant, les communes l’emportèrent. Non seulement elles avaient la force que donne le nombre, mais la royauté, qui en France, à partir du règne de Louis VI, commence à regagner le terrain perdu par elle, s’intéresse à leur cause. De même que les papes, dans leur lutte contre les empereurs allemands, s’étaient appuyés sur les Patarins de Lombardie, de même les monarques capétiens du XIIe siècle favorisèrent l’effort des bourgeoisies. Sans doute il ne peut être question de leur attribuer une politique de principe. À première vue leur conduite semble pleine de contradictions. Il n’en est pas moins vrai que l’on y relève une tendance générale à prendre le parti des villes. L’intérêt bien entendu de la couronne lui commandait trop impérieusement de soutenir les adversaires de la haute féodalité pour qu’elle n’ait pas accordé son appui, chaque fois qu’elle l’a pu sans se compromettre, à ces bourgeoisies qui, en se soulevant contre leurs seigneurs, combattaient en somme au profit des prérogatives royales. Prendre le roi comme arbitre de leur querelle c’était pour les partis en conflit reconnaître sa souveraineté. L’entrée des bourgeoisies sur la scène politique eut ainsi pour conséquence d’affaiblir le principe contractuel de l’État féodal à l’avantage du principe autoritaire de l’État monarchique. Il était impossible que la royauté ne s’en rendît point compte et ne saisît point toutes les occasions de montrer sa bienveillance aux communes qui, sans le vouloir, travaillaient si utilement pour elle. Si l’on désigne spécialement sous le nom de communes les villes épiscopales du Nord de la France où les institutions municipales ont été le résultat de l’insurrection, il importe de n’exagérer ni leur importance ni leur originalité. Il n’y a pas lieu d’établir une différence essentielle entre les villes à communes et les autres villes. Elles ne se distinguent les unes des autres que par des caractères accessoires. Au fond, leur nature est la même, et toutes en réalité sont également des communes. Dans toutes, en effet, les bourgeois forment un corps, une universitas, une communitas, une communio, dont tous les membres, solidaires les uns des autres, constituent les parties inséparables. Quelle que soit l’origine de son affranchissement, la ville du Moyen Âge ne consiste pas en une simple collection d’individus. Elle est elle-même un individu, mais un individu collectif, une personne juridique. Tout ce que l’on peut revendiquer en faveur des communes stricto sensu, c’est une netteté particulière des institutions, une séparation clairement établie entre les droits de l’évêque et ceux des bourgeois, une préoccupation évidente de sauvegarder la condition de ceux-ci par une puissante organisation corporative. Mais tout cela dérive des circonstances qui ont présidé à la naissance de ces communes. Elles ont conservé les traces de leur constitution insurrectionnelle, sans que l’on puisse pour cela leur assigner une place privilégiée dans l’ensemble des villes. On peut même observer que certaines d’entre elles ont joui de prérogatives moins étendues, d’une juridiction et d’une autonomie moins complètes que des localités dans lesquelles la commune n’a été que le point d’arrivée d’une évolution pacifique. C’est une erreur évidente que de leur réserver comme on le fait parfois, le nom de seigneuries collectives. On verra plus loin que toutes les villes complètement développées ont été de telles seigneuries. La violence est donc bien loin d’être indispensable à la formation des institutions urbaines. Dans la plupart des villes soumises au pouvoir d’un prince laïque, leur croissance s’est accomplie en somme sans qu’il fût besoin de recourir à la force. Et il ne faut point attribuer cette situation à la bienveillance particulière que les princes laïques auraient éprouvée pour la liberté politique. Mais les motifs qui poussaient les évêques à résister aux bourgeois n’avaient point prise sur les grands féodaux. Ils ne professaient aucune hostilité à l’égard du commerce ; ils en éprouvaient, au contraire, les effets bienfaisants à mesure qu’il augmentait la circulation dans leurs terres, augmentant par cela même les revenus de leurs péages et l’activité de leurs ateliers monétaires, obligés de fournir à une demande croissante de numéraire. Ne possédant point de capitale et parcourant sans cesse leurs domaines, ils n’habitaient dans leurs villes que de loin en loin et n’avaient donc aucune raison d’en disputer l’administration aux bourgeois. Il est très caractéristique de constater que Paris, la seule ville qui avant la fin du XIIe siècle puisse être considérée comme une véritable capitale d’État, ne parvint pas à obtenir une constitution municipale autonome. Mais l’intérêt qui poussait le roi de France à conserver la haute main sur sa résidence habituelle était complètement étranger aux ducs et aux comtes, aussi errants que le roi était sédentaire. Enfin ils ne pouvaient voir avec déplaisir la bourgeoisie s’en prendre au pouvoir des châtelains devenus héréditaires et dont la puissance les inquiétait. Ils avaient en somme les mêmes motifs que le roi de France de se montrer favorables aux villes puisqu’elles amoindrissaient la situation de leurs vassaux. On ne voit point d’ailleurs qu’ils leur aient apporté systématiquement leur appui. Ils se bornèrent en général à les laisser faire et leur attitude fut presque toujours celle d’une neutralité bienveillante. Aucune région ne se prête mieux que la Flandre à l’étude des origines municipales dans un milieu purement laïque. Dans ce grand comté, largement étendu des rives de la mer du Nord et des îles de Zélande jusqu’aux frontières de la Normandie, les cités épiscopales ne présentent pas un développement plus rapide que celui des autres villes. Térouanne, dont le diocèse comprenait le bassin de l’Yser, fut même et demeura toujours une bourgade à demi rurale. Si Arras et Tournai, qui étendaient leur juridiction spirituelle sur le reste du territoire, devinrent de grandes villes, c’est pourtant Gand, Bruges, Ypres, Saint-Omer, Lille et Douai où s’agglomèrent, dans le courant du Xe siècle, d’actives colonies marchandes, qui nous fournissent le moyen d’observer, avec une clarté particulière, la naissance des institutions urbaines. Elles s’y prêtent d’autant mieux que toutes s’étant formées de la même manière et présentant le même type, on peut, sans crainte de se tromper, combiner les renseignements dont chacune nous fournit une partie, en un tableau d’ensemble[12]. Toutes ces villes offrent d’abord ce caractère de s’être formées autour d’un bourg central, qui en est, pour ainsi dire, le noyau. Au pied de ce bourg se masse un portus ou nouveau bourg, peuplé de marchands auxquels s’adjoignent des artisans libres ou serfs et où, dès le XIe siècle, l’industrie drapière vient se concentrer. Sur le bourg comme sur le portus s’étend l’autorité du châtelain. Des parcelles plus ou moins considérables du sol occupé par la population immigrante appartiennent à des abbayes, d’autres relèvent du comte de Flandre ou de seigneurs fonciers. Un tribunal d’échevins siège dans le bourg sous la présidence du châtelain. Ce tribunal ne possède d’ailleurs aucune compétence propre à la ville. Sa juridiction s’étend sur toute la châtellenie dont le bourg est le centre, et les échevins qui le composent résident dans cette même châtellenie et ne viennent dans le bourg qu’aux jours de plaids. Pour la juridiction ecclésiastique de laquelle relèvent quantité d’affaires, il faut se rendre à la cour épiscopale du diocèse. Divers droits pèsent sur les terres et sur les hommes tant du bourg que du portus : cens fonciers, prestations en argent ou en nature destinées à l’entretien des chevaliers préposés à la défense du bourg, tonlieu perçu sur toutes les marchandises amenées par terre et par eau. Tout cela est de date ancienne, s’est formé en plein régime domanial et féodal et n’est aucunement adapté aux besoins nouveaux de la population marchande. N’étant point faite pour elle, l’organisation qui a son siège dans le bourg, non seulement ne lui rend point de services, mais, au contraire, la gêne dans son activité. Les survivances du passé pèsent de tout leur poids sur les nécessités du présent. Manifestement, pour les raisons que l’on a exposées plus haut et sur lesquelles il est inutile de revenir, la bourgeoisie se sent mal à l’aise et exige les réformes indispensables à sa libre expansion. Ces réformes il faut qu’elle en prenne l’initiative, car elle ne peut compter pour les accomplir ni sur les châtelains ni sur les monastères et les seigneurs dont elle occupe les terres. Mais il faut aussi qu’au sein de la population si hétérogène des portus un groupe d’hommes s’impose à la masse et ait assez de force et de prestige pour en prendre la direction. Les marchands, dès la première moitié du XIe siècle, assument résolument ce rôle. Non seulement ils constituent dans chaque ville l’élément le plus riche, le plus actif et le plus avide de changements, mais ils possèdent encore la vigueur que donne l’association. Les besoins du commerce les ont poussés de très bonne heure, on l’a vu plus haut, à se grouper en confréries appelées gildes ou hanses, corporations autonomes, indépendantes de tout pouvoir et où seule leur volonté fait loi. Des chefs librement élus, doyens ou comtes de la hanse (dekenen, hansgraven), y veillent au maintien d’une discipline librement acceptée. À intervalles réguliers, les confrères s’assemblent pour boire et délibérer sur leurs intérêts. Une caisse alimentée par leurs contributions pourvoit aux besoins de la société, une maison commune, une gildhalle, sert de local aux réunions. Telle nous apparaît déjà vers 1050 la gilde de Saint-Omer et l’on peut conjecturer avec la plus grande vraisemblance qu’une association analogue existait à la même époque dans toutes les agglomérations marchandes de la Flandre[13]. La prospérité du commerce était trop directement intéressée à la bonne organisation des villes pour que les confrères des gildes ne se soient pas spontanément chargés de pourvoir à leurs besoins les plus indispensables. Les châtelains n’avaient aucun motif de les empêcher de subvenir par leurs propres ressources à des nécessités dont l’urgence apparaissait avec évidence. Ils les laissèrent s’improviser, si l’on peut ainsi dire, en administrations communales officieuses. À Saint-Omer un arrangement conclu entre le châtelain Wulfric Rabel (1072-1083) et la gilde permet à celle-ci de s’occuper des affaires de la bourgeoisie. Ainsi, sans posséder pour cela aucun titre légal, l’association marchande se consacre de sa propre initiative à l’installation et à l’aménagement de la ville naissante. Son initiative supplée à l’inertie des pouvoirs publics. On la voit consacrer une partie de ses revenus à la construction d’ouvrages de défense et à l’entretien des rues. Et l’on ne peut douter que ses voisines des autres villes flamandes n’aient agi comme elle. Le nom de comtes de la Hanse que les trésoriers de la ville de Lille conservèrent pendant tout le Moyen Âge prouve suffisamment, en l’absence de sources anciennes, que là aussi, les chefs de la corporation marchande disposèrent de la caisse de la gilde au profit de leurs concitoyens. À Audenarde, le nom de hansgraaf est porté jusqu’au XIVe siècle par un magistrat de la commune. À Tournai, encore au XIIIe siècle, les finances urbaines sont placées sous le contrôle de la charité Saint- Christophe, c’est à dire de la gilde marchande. À Bruges, les cotisations des frères de la hanse alimentèrent jusqu’à la disparition de celle-ci lors de la révolution démocratique du XIVe siècle, la caisse municipale. Il résulte de tout cela jusqu’à l’évidence que les gildes furent dans la région flamande, les initiatrices de l’autonomie urbaine. D’elles176 mêmes, elles se chargèrent d’une tâche dont personne d’autre n’eût pu s’acquitter. Officiellement elles n’avaient aucun droit à agir comme elles le firent. Leur intervention s’explique uniquement par la cohésion qui existait entre leurs membres, par l’influence dont jouissait leur groupe, par les ressources dont il disposait, par l’intelligence enfin qu’il possédait des nécessités collectives de la population bourgeoise. On peut affirmer sans crainte d’exagérer que dans le courant du XIe siècle, les chefs de la gilde remplissent, en fait, dans chaque ville, les fonctions de magistrats communaux. Ce furent eux aussi, sans doute, qui intervinrent auprès des comtes de Flandre pour les intéresser au développement et à la prospérité des villes. Dès 1043, Baudouin V obtient des moines de Saint-Omer la concession du fond sur lequel les bourgeois construisent leur église. À partir du règne de Robert le Frison (1071-1093), des exemptions de tonlieu, des concessions de terre, des privilèges limitant la juridiction épiscopale ou allégeant le service militaire furent octroyés en nombre déjà considérable aux villes en formation. Robert de Jérusalem gratifie la ville d’Aire de libertés et exempte en 1111 les bourgeois d’Ypres du duel judiciaire. Il résulte de tout cela que peu à peu la bourgeoisie apparaît comme une classe distincte et privilégiée au milieu de la population du comté. De simple groupe social adonné à l’exercice du commerce et de l’industrie, elle se transforme en un groupe juridique reconnu comme tel par le pouvoir princier. Et de cette condition juridique propre va découler nécessairement l’octroi d’une organisation judiciaire indépendante. Au droit nouveau il fallait comme organe un tribunal nouveau. Les anciens échevinages territoriaux siégeant dans les bourgs et jugeant suivant une coutume archaïque, incapable d’assouplir son formalisme rigide aux besoins d’un milieu pour lequel elle n’était pas faite, devaient céder la place à des échevinages dont les membres, recrutés parmi les bourgeois, pourraient leur rendre une justice adéquate à leurs désirs, conforme à leurs aspirations, une justice enfin qui fut leur justice. Il est impossible de dire au juste quand s’accomplit ce fait essentiel. La plus ancienne mention que l’on possède en Flandre d’un échevinage urbain, c'est-à-dire d’un échevinage propre à une ville, remonte à l’année 1111 et est relative, à Arras. Mais il est permis de croire que des échevinages de cette espèce devaient exister déjà à la même époque dans des localités plus importantes telles que Gand, Bruges ou Ypres. Quoiqu’il en soit d’ailleurs, le commencement du XIIe siècle a vu se constituer dans toutes les villes flamandes cette nouveauté essentielle. Les troubles qui suivirent l’assassinat du comte Charles le Bon, en 1127, permirent aux bourgeoisies de réaliser entièrement leur programme politique. Les prétendants au comté, Guillaume de Normandie puis Thierry d’Alsace, cédèrent, pour les rallier à leur cause, aux demandes qu’elles leur adressèrent. La charte octroyée à Saint-Omer en 1127 peut être considérée comme le point d’aboutissement du programme politique des bourgeoisies flamandes[14]. Elle reconnaît la ville comme un territoire juridique distinct, pourvu d’un droit spécial commun à tous les habitants, d’un échevinage particulier et d’une pleine autonomie communale. D’autres chartes ratifièrent, dans le courant du XIIe siècle, des franchises analogues à toutes les villes principales du comté. Leur situation fut désormais garantie et sanctionnée par des titres écrits. Il faut se garder, d’ailleurs, d’attribuer aux chartes urbaines une importance exagérée. Ni en Flandre ni dans aucune autre région de l’Europe, elles ne renferment tout l’ensemble du droit urbain[15]. Elles se bornent à en fixer les lignes principales, à en formuler quelques principes essentiels, à trancher quelques conflits particulièrement importants. La plupart du temps, elles sont le produit de circonstances spéciales et elles n’ont tenu compte que des questions qui se débattaient au moment de leur rédaction. On ne peut pas les considérer comme le résultat d’un travail systématique et d’une réflexion législative semblables à ceux dont sont nés par exemple les constitutions modernes. Si les bourgeois ont veillé sur elles à travers les siècles avec une sollicitude extraordinaire, les conservant sous triple serrure dans des coffres de fer et les entourant d’un respect quasi superstitieux, c’est qu’elles étaient le palladium de leur liberté, c’est qu’elles leur permettaient, en cas de violation, de justifier leurs révoltes, mais ce n’est point qu’elles renfermaient l’ensemble de leur droit. Elles n’étaient pour ainsi dire que l’armature de celui-ci. Tout autour de leurs stipulations existait et allait se développant sans cesse une végétation touffue de coutumes, d’usages, de privilèges non écrits mais non moins indispensables. Cela est si vrai que bon nombre de chartes prévoient elles-mêmes et reconnaissent à l’avance le développement du droit urbain. Galbert nous rapporte que le comte de Flandre accorda en 1127 aux bourgeois de Bruges : ut de die in diem consuetudinarias leges suas corrigerent[16], c’est à dire la faculté de compléter de jour en jour leurs coutumes municipales. Il y a donc beaucoup plus dans le droit urbain que ce qui en est contenu dans la teneur des chartes. Elles n’en précisent que des fragments. Elles sont pleines de lacunes ; elles ne se soucient ni d’ordre, ni de système. On ne peut espérer d’y rencontrer les principes fondamentaux dont est sortie l’évolution postérieure, comme par exemple le droit romain est sorti de la loi des XII tables. Il est possible cependant en critiquant leurs données et en les complétant les unes par les autres, de caractériser dans ses traits essentiels le droit urbain du Moyen Âge tel qu’il s’est développé au cours du XIIe siècle dans les diverses régions de l’Europe occidentale. Il n’est besoin de tenir compte, dès que l’on veut seulement en retracer les grandes lignes, ni de la différence des États, ni même de celle des nations. Le droit urbain est un phénomène de même nature que, par exemple, le droit féodal. Il est la conséquence d’une situation sociale et économique commune à tous les peuples. Suivant les pays, on y relève naturellement de nombreuses différences de détail. Le progrès a été beaucoup plus rapide en certains endroits qu’en certains autres. Mais dans son fond, l’évolution est partout la même et c’est uniquement de ce fond commun qu’il sera question dans les lignes suivantes. Envisageons tout d’abord la condition des personnes telle qu’elle apparaît du jour où le droit urbain s’est définitivement dégagé. Cette condition est la liberté. Elle est un attribut nécessaire et universel de la bourgeoisie. Chaque ville à cet égard constitue une franchise. Tous les vestiges de la servitude rurale ont disparu dans ses murs. Quelles que soient les différences et même les contrastes que la richesse y établit entre les hommes, tous sont égaux quant à l’état civil. L’air de la ville rend libre, dit le proverbe allemand (Die Stadtluft macht frei), et cette vérité s’observe sous tous les climats. La liberté était anciennement le monopole de la noblesse ; l’homme du peuple n’en jouissait qu’à titre exceptionnel. Par les villes elle reprend sa place dans la société comme un attribut naturel du citoyen. Il suffit désormais de résider à demeure sur le sol urbain pour l’acquérir. Tout serf qui pendant un an et un jour a vécu dans l’enceinte urbaine la possède à titre définitif. La prescription a aboli tous les droits que son seigneur exerçait sur sa personne et sur ses biens. La naissance importe peu. Quelle que soit la marque que l’enfant ait portée dans son berceau, elle s’efface dans l’atmosphère de la ville. La liberté dont au début les marchands avaient seuls joui en fait, est maintenant en droit le bien commun de tous les bourgeois. S’il peut encore exister ça et là parmi eux quelques serfs, ceux-ci ne sont pas membres de la commune urbaine. Ce sont des serviteurs héréditaires des abbayes ou des seigneuries qui ont conservé dans les villes quelques terres échappant au droit municipal et où se prolonge l’ancien état de choses. Mais ces exceptions confirment la règle générale. Bourgeois et homme libre sont devenus des termes synonymes. La liberté est au Moyen Âge un attribut aussi inséparable de la qualité de citoyen d’une ville qu’elle l’est de nos jours de celle de citoyen d’un État. Avec la liberté personnelle va de pair dans la ville, la liberté du sol. La terre, en effet, dans une agglomération marchande ne peut rester immobile, retenue hors du commerce par les droits si lourds et si variés qui s’opposent à sa libre aliénation, qui l’empêchent de servir d’instrument de crédit et d’acquérir une valeur capitaliste. Cela est d’autant plus inévitable que la terre, dans la ville, change de nature. Elle est devenue un sol à bâtir. Elle se couvre rapidement de maisons serrées les unes contre les autres et qui en augmentent la valeur à mesure qu’elles se multiplient. Or, il va de soi que le propriétaire d’une maison acquière à la longue la propriété ou du moins la possession du fonds sur lequel elle est construite. Partout la vieille terre domaniale se transforme en propriété libre, en alleu censal. La tenure urbaine devient ainsi une tenure libre. Celui qui l’occupe n’est plus astreint qu’à des cens dus au propriétaire du fonds, lorsqu’il ne devient pas lui-même propriétaire. Il peut librement la transmettre, l’aliéner, la charger de rentes et la faire servir de gage aux capitaux qu’il emprunte. En vendant une rente sur sa maison, le bourgeois se procure le capital liquide dont il a besoin ; en achetant une rente sur la maison d’autrui, il s’assure un revenu proportionnel à la somme dépensée : il fait comme on dirait aujourd’hui un placement d’argent à intérêt. Comparée aux anciennes tenures féodales ou domaniales, la tenure en droit urbain, la tenure en Weichbild, en Burgrecht, comme on dit en Allemagne, en bourgage comme on dit en France, présente donc une originalité bien marquée. Placée dans des conditions économiques nouvelles, le sol urbain a fini par acquérir un droit nouveau approprié à sa nature. Sans doute les vieilles cours foncières n’ont pas disparu brusquement. L’affranchissement du sol n’a pas eu pour conséquence la spoliation des anciens propriétaires. À moins qu’on ne les ait rachetées, ils ont conservé les portions du sol dont ils étaient seigneurs. Mais la seigneurie qu’ils exercent encore sur elles n’entraîne plus la dépendance personnelle des tenanciers à leur égard. Le droit urbain n’a pas supprimé seulement la servitude, personnelle et la servitude foncière, il a fait disparaître aussi les droits seigneuriaux et les redevances fiscales qui entravaient l’exercice du commerce et de l’industrie. Le tonlieu (teloneum) qui grevait si lourdement la circulation des biens était particulièrement odieux aux bourgeois et, de bonne heure, ils ont fait effort pour s’en affranchir. Le journal de Galber nous montre que c’est là en Flandre, en 1127, une de leurs principales préoccupations. C’est parce que le prétendant Guillaume de Normandie ne tient pas sa promesse de le leur abandonner qu’ils se soulèvent contre lui et appellent Thierry d’Alsace. Au cours du XIIe siècle, partout, de gré ou de force, le tonlieu se modifie. Ici, il est racheté moyennant une rente annuelle, ailleurs, ses modes de perception sont transformés. Presque toujours il est placé plus ou moins complètement sous la surveillance et sous la juridiction de la ville. Ce sont ses magistrats qui exercent maintenant la police du commerce et se substituent aux châtelains et aux anciens fonctionnaires domaniaux dans la réglementation des poids et mesures, dans celle des marchés comme dans le contrôle de l’industrie. Si le tonlieu s’est transformé en passant au pouvoir de la ville, il en est autrement d’autres droits seigneuriaux qui, incompatibles avec le libre fonctionnement de la vie urbaine, étaient irrémédiablement condamnés à disparaître. Je veux parler ici de ces traces que l’âge agricole a laissées sur la physionomie de la ville : fours et moulins banaux auxquels le seigneur obligeait les habitants à moudre leur blé et à cuire leur pain ; monopoles de toutes espèces en vertu de quoi il jouissait du privilège de vendre, sans concurrence, à certaines époques, le vin de ses vignobles ou la viande de ses bestiaux ; droit de gîte qui imposait aux bourgeois le devoir de lui fournir le logement et la subsistance lors de ses séjours dans la ville ; droit de réquisition par lequel il affectait à son service les bateaux ou les chevaux des habitants ; droit de ban, imposant à ceux-ci le devoir de le suivre à la guerre ; coutumes de toutes sortes et de toute origine réputées oppressives et vexatoires parce que désormais devenues inutiles, comme celle qui interdit l’établissement de ponts sur les cours d’eau ou celle qui astreint les habitants à subvenir à l’entretien des chevaliers composant la garnison du vieux-bourg. De tout cela, dès la fin du XIIe siècle, il ne reste plus guère que le souvenir. Les seigneurs, après avoir essayé de la résistance, ont fini par céder. Ils ont compris à la longue que leur intérêt bien entendu leur commandait non d’entraver le développement des villes, pour se conserver quelques maigres revenus, mais de le favoriser en supprimant devant lui les obstacles. Ils arrivent à se rendre compte de l’antinomie de ces vieilles prestations avec l’état de choses nouveau et ils finissent par les qualifier eux-mêmes de rapines et d’exactions. Comme la condition des personnes, le régime des terres et le système fiscal, le fond même du droit se transforme. La procédure compliquée et formaliste, les conjurateurs, les ordalies, le duel judiciaire, tous ces moyens de preuve primitifs qui laissent trop souvent le hasard ou la mauvaise foi décider de l’issue d’un procès, ne tardent pas à leur tour à s’adapter aux conditions nouvelles du milieu urbain. Les vieux contrats formels introduits par la coutume, disparaissent à mesure que la vie économique devient plus compliquée et plus active. Le duel judiciaire ne peut évidemment se maintenir longtemps au milieu d’une population de commerçants et d’artisans. Pareillement on remarque que, de bonne heure, la preuve par témoins se substitue devant la magistrature urbaine à la preuve par conjurateurs. Le wergeld, l’ancien prix de l’homme, fait place à un système d’amendes et de châtiments corporels. Enfin les délais judiciaires, si longs à l’origine, sont considérablement réduits. Et ce n’est pas seulement la procédure qui se modifie. Le contenu même du droit évolue parallèlement. En matière de mariage, de succession, de gage, de dettes, d’hypothèques, en matière de droit commercial surtout, toute une législation nouvelle est dans les villes en voie de formation et la jurisprudence de leurs tribunaux crée, de plus en plus abondante et précise, une coutume civile. Le droit urbain n’est pas moins caractéristique au point de vue criminel qu’au point de vue civil. Dans ces agglomérations d’hommes de toute provenance que sont les villes, dans ce milieu où abondent les déracinés, les vagabonds et les aventuriers, une discipline rigoureuse est indispensable au maintien de la sécurité. Elle l’est également pour terroriser les voleurs et les bandits qui, dans toute civilisation, sont attirés vers les centres commerciaux. Cela est si vrai que déjà à l’époque carolingienne les cités, dans l’enceinte desquelles les gens les plus riches cherchaient un abri, apparaissent comme jouissant d’une paix spéciale[17]. C’est ce même mot de paix que l’on retrouve au XIIe siècle comme désignant le droit criminel de la ville. Cette paix urbaine est un droit d’exception, plus sévère, plus dur que celui du plat-pays. Il prodigue les châtiments corporels : pendaison, décapitation, castration, amputation de membres. Il applique dans toute sa rigueur la loi du talion : œil pour œil, dent pour dent. Il se propose évidemment de réprimer les délits par la terreur. Tous ceux qui franchissent les portes de la ville, qu’ils soient nobles, libres ou bourgeois, lui sont également soumis. Par lui, la ville se trouve pour ainsi dire en état de siège permanent. Mais en lui aussi, elle trouve un puissant instrument d’unification. Car il se superpose aux juridictions et aux seigneuries qui se partagent son sol, il leur impose à toutes sa règlementation impitoyable. Plus que la communauté des intérêts et de la résidence, il a contribué à égaliser la condition de tous les habitants fixés à l’intérieur du mur urbain. La bourgeoisie est essentiellement l’ensemble des homines pacis, des hommes de la paix. La paix de la ville (pax ville) est en même temps la loi de la ville (lex ville). Les emblèmes qui symbolisent la juridiction et l’autonomie de la ville sont avant tout des emblèmes de paix. Tels sont, par exemple, les croix ou les perrons qui s’élèvent sur les marchés, les beffrois (bergfried) dont la tour s’érige au sein des villes des Pays-Bas et du Nord de la France, les Rolands si nombreux dans l’Allemagne du Nord. Grâce à la paix dont elle est dotée, la ville forme un territoire juridique distinct. Le principe de la territorialité du droit l’emporte, par elle, sur celui de la personnalité. Soumis tous également au même droit pénal, les bourgeois, fatalement, participeront tôt ou tard, au même droit civil. La coutume urbaine s’épanche jusqu’aux limites de la paix, et la ville forme dans l’enceinte de ses remparts, une communauté de droit. La paix a, d’autre part, largement contribué à faire de la ville une commune. Elle a, en effet, pour sanction, le serment. Elle suppose une conjuratio de toute la population urbaine. Et le serment prêté par le bourgeois ne se réduit pas à une simple promesse d’obéissance à l’autorité municipale. Il entraîne des obligations étroites et impose le devoir strict de maintenir et de faire respecter la paix. Tout juratus, c’est à dire tout bourgeois assermenté, est obligé de prêter main forte au bourgeois appelant à l’aide. Ainsi, la paix établit entre tous ses membres une solidarité permanente. De là le terme de frères par lequel ils sont parfois désignés ou celui d’amicitia employé à Lille par exemple, comme synonyme de pax. Et puisque la paix s’étend à toute la population urbaine, celle-ci se trouve donc constituer une commune. Les noms mêmes que portent les magistrats municipaux en quantité d’endroits : wardours de la paix à Verdun, reward de l’amitié à Lille, jurés de la paix à Valenciennes, à Cambrai et dans bien d’autres villes, nous permettent de voir dans quels rapports intimes se trouvent la paix et la commune. D’autres causes ont naturellement contribué à la naissance des communes urbaines. La plus puissante d’entre elles est le besoin ressenti par la bourgeoisie, de très bonne heure, de posséder un système d’impôts. Comment se procurer les sommes nécessaires aux travaux publics les plus indispensables et avant tout à la construction du mur de la ville ? Partout, la nécessité de bâtir ce rempart protecteur a été le point de départ des finances urbaines. Dans les villes du pays de Liège, l’impôt communal a porté jusqu’à la fin de l’Ancien Régime le nom caractéristique de fermeté (firmitas). À Angers, les plus anciens comptes municipaux sont ceux de la clouaison, fortification et emparement de la ville. Ailleurs, une partie des amendes est affectée ad opus castri, c’est à dire au profit de la fortification. Mais l’impôt a naturellement fourni l’essentiel des ressources publiques. Pour y soumettre les contribuables, il a fallu recourir à la contrainte. Chacun a été obligé de participer suivant ses moyens aux dépenses faites dans l’intérêt de tous. Qui se refuse à supporter les frais qu’elles entraînent, est exclu de la ville. Celle-ci est donc une association obligatoire, une personne morale. Suivant l’expression de Beaumanoir, elle forme une compaignie, laquelle ne pot partir ne desseurer, ançois convient qu’elle tiègne, voillent les parties ou non qui en le compaignie sont[18], c’est-à-dire, une compagnie qui ne peut se dissoudre, mais qui doit subsister indépendamment de la volonté de ses membres. Et cela revient à dire que, de même qu’elle forme un territoire juridique, elle forme une commune. Il reste à examiner les organes par lesquels elle a pourvu aux besoins que lui imposait sa nature. Tout d’abord, en tant que territoire juridique indépendant, elle doit de toute nécessité posséder sa juridiction propre. Le droit urbain renfermé dans ses murs s’opposant au droit régional, au droit du dehors, il faut qu’un tribunal spécial soit chargé de l’appliquer et que la commune possède, grâce à lui, la garantie de sa situation privilégiée. C’est une clause qui ne manque presque à aucune charte municipale que la bourgeoisie ne peut être jugée que par ses magistrats. Ceux-ci, par une conséquence nécessaire, se recrutent dans son sein. Il est indispensable qu’ils soient membres de la commune, qui, dans une mesure plus ou moins large, intervient dans leur nomination. Ici, elle a le droit de les désigner au seigneur, ailleurs, on applique le système plus libéral de l’élection ; ailleurs encore, on a recours à des formalités compliquées : élections à plusieurs degrés, tirage au sort, etc., qui ont manifestement pour but d’écarter la brigue et la corruption. Le plus souvent, le président du tribunal (écoutète, maire, bailli, etc.) est un officier du seigneur. Il arrive pourtant que la ville détermine son choix. Elle possède en tout cas, une garantie dans le serment qu’il doit prêter de respecter et de défendre ses privilèges. Dès le commencement du XIIe siècle, parfois même vers la fin du XIe, plusieurs villes nous apparaissent déjà en possession de leur tribunal privilégié. En Italie, dans le Sud de la France, dans plusieurs parties de l’Allemagne, ses membres portent le nom de consuls. Dans les Pays-Bas, dans la France du Nord, ils sont désignés sous celui d’échevins ; ailleurs encore on les appelle jurés. Suivant les localités, la juridiction qu’ils exercent varie aussi assez sensiblement. Ils ne la possèdent point partout sans restriction. Il arrive que le seigneur se réserve certains cas spéciaux. Mais ces différences locales importent peu. L’essentiel, c’est que chaque ville, par cela même qu’elle est reconnue comme un territoire juridique, possède ses juges particuliers. Leur compétence est fixée par le droit urbain et limitée au territoire dans lequel il règne. Parfois on observe que, au lieu d’un seul corps de magistrats, il en existe plusieurs, doués d’attributions spéciales. Dans beaucoup de villes et particulièrement dans les villes épiscopales, où les institutions urbaines ont été le résultat de l’insurrection, on remarque à côté des échevins, sur lesquels le seigneur conserve une influence plus ou moins grande, un corps de jurés jugeant en matière de paix et spécialement compétents pour les affaires ressortissant au statut communal. Mais il est impossible d’entrer ici dans le détail : il suffit d’avoir indiqué l’évolution générale, indépendamment de ses innombrables modalités. En tant que commune, la ville s’administre par un Conseil (Consilium, curia, etc.). Ce conseil coïncide souvent avec le tribunal, et les mêmes personnes sont à la fois juges et administrateurs de la bourgeoisie. Souvent aussi, il possède son individualité propre. Ses membres reçoivent de la commune l’autorité qu’ils détiennent. Ils sont ses délégués, mais elle n’abdique pas entre leurs mains. Nommés pour un temps très court, ils ne peuvent usurper le pouvoir qui leur est confié. Ce n’est qu’assez tard, quand la constitution urbaine s’est développée, quand l’administration s’est compliquée, qu’ils se forment en un véritable collège sur lequel l’influence du peuple ne se fait plus sentir que faiblement. Au début il en allait tout autrement. Les jurés primitifs chargés du soin de veiller au bien public n’étaient que des mandataires très semblables aux select men des villes américaines de nos jours, simples exécuteurs de la volonté collective. Ce qui le prouve, c’est qu’à l’origine il leur manque un des caractères essentiels de tout corps constitué, je veux dire une autorité centrale, un président. Les bourgmestres et les maires communaux sont, en effet, de création relativement récente. On ne les rencontre guère avant le XIIIe siècle. Ils appartiennent à une époque où l’esprit des institutions tend à se modifier, où l’on sent le besoin d’une centralisation plus grande et d’un pouvoir plus indépendant. Le Conseil exerce l’administration courante dans tous les domaines. Il possède la police des finances, du commerce, de l’industrie, décrète et surveille les travaux publics, organise le ravitaillement de la ville, réglemente l’équipement et la bonne tenue de l’armée communale, fonde des écoles pour les enfants, pourvoit à l’entretien d’hospices pour les pauvres et les vieillards. Les statuts qu’il édicte constituent une véritable législation municipale. On n’en possède guère, au Nord des Alpes, qui soient antérieurs au XIIIe siècle. Mais il suffit de les étudier attentivement pour se convaincre qu’ils ne font que développer et préciser un régime plus ancien. Nulle part, peut-être, l’esprit novateur et le sens pratique des bourgeoisies ne se manifeste plus hautement que dans le domaine administratif. L’œuvre qu’elles ont réalisée y apparaît d’autant plus admirable qu’elle constitue une création originale. Rien dans l’état de choses antérieur ne pouvait lui servir de modèle, puisque tous les besoins auxquels il fallait parer étaient des besoins nouveaux. Que l’on compare, par exemple, le système financier de l’époque féodale avec celui que les communes urbaines ont institué. Dans le premier, l’impôt n’est qu’une prestation fiscale, un droit fixe et perpétuel ne tenant aucun compte des facultés du contribuable, ne pesant que sur le peuple, et dont le produit se confond avec les ressources domaniales du prince ou du seigneur qui le perçoit, sans que rien en soit directement affecté à l’intérêt public. Le second, au contraire, ne connaît, ni exceptions ni privilèges. Tous les bourgeois jouissant également des avantages de la commune, sont également astreints à subvenir à ses dépenses. La quote-part de chacun d’eux est proportionnelle à sa fortune. Au début, elle est généralement calculée d’après le revenu. Beaucoup de villes sont restées fidèles à cette pratique jusqu’à la fin du Moyen Âge. D’autres y ont substitué l’accise, c’est à dire l’impôt indirect portant sur les objets de consommation et spécialement sur les denrées alimentaires de sorte que le riche et le pauvre sont taxés suivant leurs dépenses. Mais cette accise urbaine ne se rattache en rien à l’ancien tonlieu. Elle est aussi souple qu’il est rigide, aussi variable suivant les circonstances ou les besoins publics, qu’il est immuable. Quelle que soit d’ailleurs la forme qu’il affecte, le produit de l’impôt est tout entier consacré aux nécessités de la commune. Dès la fin du XIIe siècle, le contrôle financier est institué et l’on observe dès cette époque les premières traces d’une comptabilité municipale. Le ravitaillement de la ville et la réglementation du commerce et de l’industrie témoignent plus manifestement encore de l’aptitude à résoudre les problèmes sociaux et économiques que posaient aux bourgeoisies leurs conditions d’existence. Elles avaient à pourvoir à la subsistance d’une population considérable obligée de tirer ses vivres du dehors, à protéger les artisans contre la concurrence étrangère, à organiser leur approvisionnement en matières premières, à assurer l’exportation de leurs fabricats. Elles y sont arrivées par une réglementation si merveilleusement adaptée à son but qu’on peut la considérer dans son genre comme un chef-d’œuvre. L’économie urbaine est digne de l’architecture gothique dont elle est contemporaine. Elle a créé de toutes pièces et je dirais volontiers qu’elle a créé ex nihilo une législation sociale plus complète que celle d’aucune autre époque de l’histoire y compris la nôtre. En supprimant les intermédiaires entre l’acheteur et le vendeur, elle a assuré aux bourgeois le bienfait de la vie à bon marché, elle a impitoyablement poursuivi la fraude, protégé le travailleur contre la concurrence et l’exploitation, réglementé son labeur et son salaire, veillé à son hygiène, pourvu à l’apprentissage, empêché le travail des femmes et des enfants, en même temps qu’elle a réussi à réserver à la ville le monopole de fournir de ses produits les campagnes environnantes et à trouver au loin des débouchés à son commerce[19]. Tout cela aurait été impossible si l’esprit civique des bourgeoisies n’avait été à la hauteur des tâches qui s’imposaient à elles. Il faut, en effet, remonter jusqu’à l’Antiquité pour trouver autant de dévouement à la chose publique que celui dont elles ont fait preuve. Unus subveniet alteri tamquam fratri suo, que l’un aide l’autre comme un frère, dit une charte flamande du XIIe siècle[20], et ces mots ont été vraiment une réalité. Dès le XIIe siècle, les marchands dépensent une partie considérable de leurs profits dans l’intérêt de leurs concitoyens, fondent des hôpitaux, rachètent des tonlieux. L’amour du gain s’allie chez eux au patriotisme local. Chacun est fier de sa ville et se dévoue spontanément à sa prospérité. C’est qu’en réalité chaque existence particulière dépend étroitement de l’existence collective de l’association municipale. La commune du Moyen Âge possède, en effet, les attributions que l’État exerce aujourd’hui. Elle garantit à chacun de ses membres la sécurité de sa personne et de ses biens. En dehors d’elle, il se trouve dans un monde hostile, entouré de dangers et exposé à tous les hasards. Chez elle seulement, il est à l’abri et il éprouve pour elle une gratitude qui confine à l’amour. Il est prêt à se dévouer à sa défense, de même qu’il est toujours prêt à l’orner et à la faire plus belle que ses voisines. Les admirables cathédrales que le XIIIe siècle a vu s’y élever ne seraient pas concevables sans l’empressement joyeux avec lequel les bourgeois ont contribué à leur construction. Elles ne sont point seulement les maisons de Dieu, elles glorifient encore la ville dont elles font le plus bel ornement et que leurs tours majestueuses annoncent au loin. Elles ont été pour les villes du Moyen Âge, ce que les temples ont été pour celles de l’Antiquité. À l’ardeur du patriotisme local répond son exclusivisme. Par cela même que chaque ville arrivée au terme de son développement constitue une république ou si l’on préfère une seigneurie collective, elle ne voit dans les autres villes que des rivales ou des ennemies. Elle ne peut s’élever au-dessus de la sphère de ses intérêts propres. Elle se concentre sur elle-même et le sentiment qu’elle porte à ses voisines rappelle d’assez près, dans un cadre plus étroit, le nationalisme de nos jours. L’esprit civique qui l’anime est singulièrement égoïste. Elle se réserve jalousement les libertés dont elle jouit dans ses murs. Les paysans qui l’entourent ne lui apparaissent point du tout comme des compatriotes. Elle ne songe qu’à les exploiter à son profit. Elle veille de toutes ses forces à les empêcher de se livrer à la pratique de l’industrie dont elle se réserve le monopole ; elle leur impose le devoir de la ravitailler et elle les soumettrait à un protectorat tyrannique si elle en avait la force. Elle l’a fait d’ailleurs partout où elle l’a pu, en Toscane par exemple, où Florence a soumis à son joug les campagnes avoisinantes. Au surplus, nous touchons ici à des événements qui ne se déploieront avec toutes leurs conséquences qu’à partir du début du XIIIe siècle. Il nous suffit d’avoir indiqué rapidement une tendance qui ne fait encore que se manifester à l’époque des origines. Notre dessein n’était que de caractériser la ville du Moyen Âge après en avoir décrit la formation. Encore une fois, nous n’avons pu qu’en marquer les traits principaux et la physionomie que nous en avons esquissée, ressemble à ces figures obtenues en photographiant les uns sur les autres des portraits superposés. Les contours en expriment un visage commun à tous et n’appartenant exactement à aucun d’eux. Si l’on voulait, en terminant ce trop long chapitre, résumer en une définition ses points essentiels, peut-être serait-il possible de dire que la ville du Moyen Âge, telle qu’elle apparaît dès le XIIe siècle, est une commune vivant, à l’abri d’une enceinte fortifiée, du commerce et de l’industrie et jouissant d’un droit, d’une administration et d’une jurisprudence d’exception, qui font d’elle une personnalité collective privilégiée. |
[1] H. Pirenne, L’origine des constitutions urbaines au Moyen Âge (Revue historique, t. LVII, p. 25-34).
[2] H. Pirenne, L’origine des constitutions urbaines au Moyen Âge (Revue historique, t. LVII, p. 25-34).
[3] G. Kurth, Notger de Liège et la civilisation au Xe siècle (Bruxelles, 1905).
[4] H. Pirenne, Les anciennes démocraties des Pays-Bas, p. 35 ; F. Keutgen, Aemter und Zünfte (Iena, 1903), p. 75. On trouve dans le clergé anglais la même hostilité à l’égard des bourgeoisies que dans les clergés allemand et français. K. Hegel, Stadte und Gilden der Germanischen Völker, t. I, p. 73 (Leipzig, 1891).
[5] Hauck, Kirchengeschichte Deutschlands, t. III, p. 692.
[6] K. Hegel, Geschichte des Städteverfassung von Italien, t. II, p. 137 (Leipzig, 1847).
[7] Davidsohn, Geschichte von
Florenz, t. I, p. 345-350 (Berlin, 1896-1908).
[8] F. Kiener, Verfassungsgeschichte der Provence, p. 164.
[9] Reinecke, Geschichte der Stadt Cambrai (Marburg, 1896).
[10] Labande, Histoire de Beauvais, p. 55.
[11] Guibert de Nogent, De vita sua, éd. G. Bourgin, p. 156 (Paris, 1907).
[12] H. Pirenne, Les villes flamandes avant le XIIe siècle (Revue de l’Est et du Nord, t. I [1905], p. 9) ; Anciennes démocraties des Pays-Bas, p. 82 ; Histoire de Belgique, t. I (4e édit.), p. 171.
[13] G. Espinas et H. Pirenne, Les coutumes de la Gilde marchande de Saint-Omer (Le Moyen Âge, 1901, p. 196) ; H. Pirenne, La hanse flamande de Londres (Bulletin de l’Académie royale de Belgique, Classe des Lettres, 1899, p. 65). Pour le rôle des gildes en Angleterre, comparez l’ouvrage fondamental de Ch. Gross, The Gild Merchant (Oxford, 1890). Voy. aussi K. Hegel, Stadte und Gilden der Germanischen Völker (Leipzig, 1891) ; H. Vander Linden, Les gildes marchandes dans les Pays-Bas au Moyen Âge (Gand, 1890) ; C. Koehne, Das Hansgrafenamt (Berlin, 1893).
[14] A. Giry, Histoire de la ville de Saint-Omer, p. 371.
[15] N. P. Ottokar, Opiti po istorii
franzouskich gorodov.
[16] Galber, Histoire du meurtre de Charles le Bon, comte de Flandre, éd. Pirenne, p. 87.
[17] Capitularia regum Francorum, éd. Borétius, t. II, p. 405.
[18]
Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, § 646, éd. Salmon, t. I, p. 322 (Paris, 1899).
[19] On devra consulter, pour se faire une idée de la richesse de la réglementation urbaine à cet égard l’ouvrage monumental de G. Espinas, La vie urbaine de Douai au Moyen Âge (Paris, 1913, 4 vol.).
[20]
Charte de la ville d’Aire, de 1188. Warnkœnig, Flandrische Staats und Rechtsgeschichte, t. III,
appendice, p. 22 (Tubingen, 1842).