La situation politique occupée par le sénat romain ne se fonde pas uniquement sur la compétence du corps lui-même ; elle provient aussi du rôde officiel attribué individuellement aux sénateurs, en particulier, pour les commencements de Rome, de l’exercice des fonctions d’interroi qui attribue à chacun dans une certaine mesure les pouvoirs royaux et qui fait de tous les sénateurs les dépositaires légitimes de l’imperium éternel. Mais, en théorie et en pratique, c’est le corps qui a gouverné Rome et par elle le monde, et ce sont ses attributions dont nous devons d’abord donner ici une exposition générale. La compétence du sénat se résume essentiellement soit sous la Royauté, soit sous la République dans les deux cercles de la ratification des résolutions populaires et de la délibération préalable des décrets de magistrats, et nous ne devons Ici nous occuper que d’eux. Le rôle nouveau rempli par le sénat sous Principat, où il a succédé aux droits des comices supprimés, sera expliqué dans le chapitre final de cette étude. Les droits de ratification et de conseil du sénat sont entre eux dans le même rapport que la génération et l’évolution qui la suit. Le premier est caché par le voile éternel qui couvre tout devenir il appartient, dans son rôle effectif, à la Rome patricienne et nous ne le connaissons, à proprement parler, que comme un débris formel d’une époque effacée de nos souvenirs. Le droit de conseil est la base du gouvernement du sénat et du le universel joué par Rome. Selon toute apparence, il n’est pas plus jeune que le droit de ratification ; mais il en est la conséquence et c’est de lui qu’il s’est développé. Si nous essayons de remonter à l’époque oit la magistrature avait son expression unitaire et viagère dans la personne du roi, le pouvoir du sénat s’y base sur son droit de confirmer on de rejeter les votes du peuple, notamment celui de la déclaration de guerre. Mais, aussi bien d’après les récits des anciens que d’après les vraisemblances intimes, cette ratification, qui suit le vote du peuple et qui a lieu simplement par oui ou par non, suppose comme condition pratique une délibération avec le même corps faite avant le vote, dans laquelle pouvaient être discutés le pour et le contre et qui, si le conseil donné par la majorité du sénat n’était pas suivi, conduisait forcément à ce qu’il refusât sa ratification à la loi votée contre son avis. Si une adrogation était désapprouvée par le sénat consulté ou s’il jugeait suffisante la réparation offerte par une ville voisine pour l’infraction commise, le roi pouvait néanmoins résoudre avec les curies ou les centuries la mise en puissance paternelle de la personne ou la déclaration de guerre ; mais le sénat pouvait ensuite aussi refuser sa ratification à la proposition qu’il avait repoussée dans la délibération préalable. C’est pourquoi le corps qui conseille et le corps qui confirme se confondent primitivement : le roi ne pouvait pas omettre dans la première interrogation les hommes qu’il fallait interroger dans la seconde phase. Mais précisément pour cela l’interrogation préalable du sénat est facultative et sa ratification consécutive est obligatoire. Il y avait probablement une déclaration de guerre votée par le peuple et une patrum auctoritas alors même que l’état jusqu’alors allié avait en fait rompu la paix ; même en pareil cas, le magistrat doit probablement avoir fréquemment, constaté l’agression devant le sénat et avoir justifié devant lui sa proposition de déclaration de guerre régulière ; mais nécessairement la justification a dû être souvent superflue et le magistrat être en position de s’adresser immédiatement aux comices. Aussi la ratification du sénat est-elle nécessaire en la forme, tandis que la consultation préalable du sénat est une mesure d’opportunité qui peut être omise selon les cas. Si les commencements du rôle consultatif du sénat sont probablement aussi anciens que Rome, il n’y a aucun doute que la situation du sénat en face de la royauté a été et est restée une situation essentiellement Subordonnée. C’est seulement la République qui, avec l’introduction de la collégialité et de l’annalité de la magistrature supérieure et les autres affaiblissements apportés un à un à son autorité, a progressivement enlevé à la magistrature la force de résister. Un des instruments les plus efficaces de la prépondérance postérieure du sénat sur la magistrature, le tribunat du peuple, a probablement été admis par la noblesse parmi les magistratures de la cité, non seulement parce qu’il le fallait, mais parce qu’elle le voulait, parce qu’elle apercevait l’utilité présentée par cette institution pour soumettre la magistrature au joug du sénat : il est hors de doute que cet élément a essentiellement influé sur la suite de l’organisation du tribunat. Par cette institution et par d’autres que nous n’avons pas à énumérer ici de nouveau, la magistrature créée prédominante est, dans le cours des temps, devenue un instrument, qui d’ordinaire s’inclinait et était forcé de s’incliner devant les prescriptions du collège établi à côté de lui. Les Romains ont assurément toujours gardé conscience qu’en droit c’était à la magistrature de commander et au sénat d’obéir[1], et que la position moderne des deux pouvoirs était le contre-pied du système primitif. La transposition s’est aussi opérée plus en fait qu’en droit, et elle n’est pas arrivée à recevoir un fondement théorique ; la différence existant entre la forme et le fond est un des éléments essentiels du gouvernement postérieur du sénat qui laissent encore apparaître clairement le gouvernement originaire de la magistrature. Les progrès et les reculs, les crises générales et individuelles ne peuvent pas avoir fait défaut dans ce procès grandiose qui a rempli des siècles et qui s’est débattu entre les hommes d’ambition autocratique et ceux qui, sans aspirer aux prédominances individuelles, ambitionnaient pour le corps dont ils faisaient partie la domination collective. Nous ne pouvons les arracher au sombre empire du passé, faire renaître les pulsations de la vie historique dans ces ombres inanimées. Nous ne le pourrions guère quand bien même les annales de l’époque où s’est établi le gouvernement du sénat nous seraient parvenues moins morcelées. Ce changement s’est certes fait principalement par une évolution silencieuse, sous l’influence de cette politique de personnes et de coterie qui ne trouve pas place dans les annales. Mais le mouvement de droit public lui-même se présente à nous dans ses grands traits avec une clarté et une sûreté suffisantes. Au moment où notre tradition nous permet jusqu’à un certain point d’apercevoir les ressorts moteurs de l’organisme politique des Romains, vers le commencement des guerres puniques, le sénat a déjà le gouvernement de l’État au dedans et au dehors aussi complètement en son pouvoir que peut le permettre le système du gouvernement d’un collège. A la vérité, il n’a pas manqué absolument, même à cette époque, de magistrats qui aient protesté par leurs actes dans des cas isolés contre le gouvernement du sénat[2] et qui aient appuyé leur révolte sur les droits des magistrats qui n’étaient ni oubliés ni même à proprement parler abrogés ; le principat du second Romulus lui-même est, en un certain sens le retour à la situation donnée aux deux pouvoirs par le premier. Mais, jus qu’à la venue du Principat, le sénat a régné sur Rome et par Rome il a régné sur le monde. Nous devons chercher ici à déterminer les formes dans lesquelles il a exercé cette domination et, la ratification des lois par le sénat ne requérant pas d’explications spéciales, à exposer d’abord les formes générales de son droit de conseil. C’est un trait commun au sénat et au peuple que ni l’un ni l’autre ne peut agir qu’avec le concours d’un magistrat. Leur action n’est jamais rien de plus qu’une coopération d’eux et des magistrats. Mais le peuple est un sujet de droit abstrait, le sénat n’en est pas un[3]. Il n’a aucun droit corporatif. Il n’a pas d’immeubles, et, sous la République et dans la meilleure période de l’Empire, il n’a pas davantage de caisse[4] ; il ne peut pas, en son nom, ériger des monuments honorifiques[5]. Il n’est pour ainsi dire autre chose qu’un renforcement de la magistrature. Celui que le magistrat assisté du sénat déclare ami ou ennemi est amicus populi Romani ou hostis populi Romani, sans qu’à la bonne époque le sénat soit mentionné dans ces formules[6]. Le droit du corps se limite à répondre à la question qui lui est adressée par un magistrat à ce qualifié. En pareil cas, le sénat peut donner à son opinion une expression libre et complète ; il ne peut l’exprimer sans être interrogé. Par suite aussi il n’est en rapport à chaque fois qu’avec le magistrat qui vient de l’interroger ; il peut et il doit lui répondre ; mais il ne peut se mettre en rapport direct ni avec un autre magistrat, ni avec le peuple romain ou un état étranger. Il ne peut inviter le questeur à faire un paiement ni prier les tribuns de proposer une loi. Il peut seulement demander au consul qui le préside de donner cet ordre ou de formuler cette prière. Il ne peut expédier de lettres ni en recevoir ; ce sont les magistrats qui écrivent en leur nom et en celui du sénat et auxquels on écrit pareillement à leur nom et à celui du sénat[7]. Si étendue que puisse être quant au fond l’influence de la résolution du sénat, cette résolution reste toujours, quant à la forme, une déclaration non spontanée du corps provoquée par la déclaration du magistrat qui le convoque. En outre, la réponse faite par le sénat au magistrat sur sa question, n’est, en laissant de côté la procédure de ratification, rien de plus qu’un conseil que celui qui le demande peut à son gré suivre ou ne pas suivre. Cela résulte, encore plus clairement que de la terminologie étudiée plus haut, du fait que tenté invitation adressée par le sénat à un magistrat l’est dans la forme d’une prière et est accompagnée de la reconnaissance expresse du droit du magistrat de ne pas donner suite à cette prière[8]. Lorsque le magistrat reçoit la réponse du sénat et fait en commun avec lui le sénatus-consulte, ce sénatus-consulte reçoit assurément la force et porte même, à l’époque ancienne, le nom de decretum commun du magistrat et du sénat. Mais, ce décret ne liant pas légalement celui qui l’a rendu, dans la conception romaine, et pouvant être à tout moment modifié ou retiré par lui, le sénatus-consulte reste néanmoins pour le magistrat un simple conseil. En ce sens, le conseil donné au magistrat par le sénat n’est que l’application la plus saillante du principe qui domine toute la vie publique et privée de Rome, du principe selon lequel celui qui a à prendre une résolution importante et engageant sa responsabilité doit auparavant soumettre le cas à un certain nombre d’hommes compétents rassemblés par lui et recueillir leur avis sur la résolution à prendre. C’est donc à bon droit qu’on le fait rentrer sous l’idée générale du consilium et qu’il est même assez fréquemment désigné comme le consilium publicum par excellence[9]. Mais, lorsque le mot est employé au sens strict, le sénat constitue terminologiquement et matériellement par rapport au consilium le terme opposé. Terminologiquement, consilium ne se dit jamais du sénat en langue technique : il suffit de rappeler la distinction des actes de magistrats faits de consilii sententia[10] et de senatus sententia. Matériellement, la même idée se confirme partout. Nous avons déjà expliqué que le nombre fixe des membres du sénat et leur nomination à vie appartiennent à son essence, tandis qu’au contraire il est de l’essence du consilium que le nombre des membres assemblés soit indéterminé et toujours beaucoup moins élevé et que leur convocation soit limitée au cas dont il s’agit. Nous devons ici montrer en outre que, pour les actes des magistrats, la décision du conseil et celle du sénat consulté ne sont sans doute l’une et l’autre, en droit, que des avis donnés en réponse à une question, mais que cependant le consilium et le sénat sont rigoureusement séparés et s’excluent réciproquement. Les actes des magistrats se répartissent en trois groupes différents les actes ordinaires prévus parles institutions de l’Etat, les actes extraordinaires également prévus par ces institutions et les actes officiels non prévus par elles. La première catégorie comprend : en première ligne, l’administration de la justice ; ensuite l’accomplissement des élections des magistrats ordinaires et la confection du cens[11] ; en outre, si les conditions préalables nécessaires se trouvent exister, l’appel des citoyens au service militaire et l’exercice du commandement ; la perception des revenus de l’Etat et des impôts. Le magistrat accomplit tous ces actes de lui-même, ou, si cela lui semble convenable, après avoir interrogé un conseil composé par lui à sa guise ; non seulement il n’est pas obligé, mais il n’a même pas le droit de consulter là le sénat ou le peuple : prendre le conseil du sénat au sujet d’un procès en paiement d’une dette pendant devant le magistrat ou d’un cas d’insubordination militaire serait un acte inconstitutionnel qui ne s’est jamais produit. La seconde catégorie comprend la proposition de n’importe quelle loi, dans le sens large où les Romains entendent la chose ; ensuite, la constitution romaine ne connaissant pas d’année permanente, l’ordre de former l’armée ; ensuite, la constitution romaine ne connaissant pas d’imposition permanente des citoyens, l’imposition du tributus ; puis pareillement toutes les mesures religieuses extraordinaires et en général tous les actes dont l’accomplissement est, d’une part, permis et, d’autre part, n’est pas prescrit à titre permanent et régulier au magistrat par la constitution. Les actes extraordinaires sont en général les plus importants ; mais ils ne le sont pas toujours : des questions de levées et d’impôts ont nécessairement été plus d’une fois d’un plus grand intérêt que l’établissement d’un jour de fête extraordinaire ; ce n’est pas l’importance ou le défaut d’importance des actes, mais leur caractère ordinaire ou extraordinaire qui fait la démarcation. Le magistrat ne peut trancher aucune de ces questions ni seul, ni avec le concours d’un conseil, et il ne peut pas davantage les soumettre aux comices : il lui faut prendre sur elles le sentiment du sénat[12]. — Enfin le magistrat peut proposer au peuple les actes qui impliquent une dérogation aux institutions existantes pour un cas isolé ou une modification de ces institutions elles-mêmes : la décision reste là toujours au titulaire légal de la souveraineté. Le sénat est donc un consilium de magistrat élevé à la plus haute puissance et substitué au consilium ordinaire ; et leur distinction profonde se révèle aussi dans leur traitement. Si, dans la sphère de ses actions indépendantes, le magistrat néglige de réunir un conseil, sa conduite peut être désapprouvée ; mais il ne fait qu’user de son droit, la convocation du conseil étant, même lorsqu’elle est prescrite par l’usage, légalement facultative. Au contraire, lorsque le magistrat accomplit un acte extraordinaire sans l’interrogation préalable du sénat, les citoyens n’en sont pas, il est vrai, moins obligés de lui obéir, mais il agit illégalement et il encourt la responsabilité attachée à la violation des devoirs de sa charge[13]. Son obligation se bornait d’abord à prendre le sentiment du sénat et il était libre de ne pas le suivre[14]. Mais même dans cette phase, le sénat se révèle sous tous les rapports, comme étant plus qu’un conseil. Pour le conseil, il n’est point nécessaire, selon toute apparence, de constater la majorité ; le magistrat statue cum consilio conlocutus, il entend l’opinion de chacun et il se résout, dans son jugement éclairé par leurs avis, sans qu’il y ait besoin de compter ces avis[15]. Le sénat ne peut être imaginé sans fixation de la majorité, et la preuve qu’il ne s’agissait pas du tout exclusivement, dans ses délibérations, de convaincre le président, résulte de l’introduction dans l’assemblée de plébéiens dépourvus du droit de parole et munis du simple droit de vote qui remonte certainement à une période précoce de la République. La liberté de nomination s’applique à l’origine au sénat comme au consilium ; mais, les sénateurs étant nommés à vie, le magistrat n’est pas libre de les choisir pour une délibération particulière, tandis que, pour le conseil, la liberté de choix se répète d’une fois à l’autre. Pour le conseil, le choix des magistrats n’est pas légalement limité aux sénateurs. Cependant ils ont certainement surtout pris des sénateurs pour composer leurs conseils, les jurés uniques de la procédure civile, qui tirent leur origine de l’usage du consilium, doivent à l’époque récente être sénateurs et les commissions consulaires de la période moderne de la République ne sont composées que de sénateurs. Mais les deux dernières règles ne sont probablement que deux des liens nombreux que le pouvoir exécutif a été, dans le cours des temps, contraint à subir. La différence de la position occupée par le magistrat en face du consilium et de celle occupée par lui en face du sénat est attestée par la délimitation des deux domaines que nous avons étudiée plus haut et qui a évidemment été faite pour exclure le sénat du, pouvoir exécutif. De même nature est la règle remarquable, restée en vigueur jusqu’aux temps les plus récents et certainement de l’essence de l’institution, selon laquelle toutes les questions de personnes restent de la compétence du magistrat et le sénat consultatif ne fonctionne jamais comme corps électoral[16]. Il peut décider l’envoi d’une ambassade ; mais le président choisit les ambassadeurs ou tout au moins il les fait tirer au sort. Le sénat intervient, à l’époque du plein développement de sa puissance, d’une manière décisive dans la division des départements compris dans les magistratures organisées en collèges ; mais la distribution des provinciæ a lieu par l’entente des magistrats ou par la voie du sort. Le sénat peut inviter un magistrat à se nommer un représentant ; mais c’est le magistrat qui choisit individuellement ce dernier[17]. Celui qui a des yeux pour voir doit nécessairement reconnaître que le conseil donné par le sénat a, dès le principe, été et dû être plus qu’un simple conseil, qu’il a, dès le principe, produit l’impression et fait l’emploi d’une limitation du pouvoir exécutif. La transition, qui a conduit de ce droit de conseiller les magistrats élevé à sa plus haute puissance jusqu’aux sénatus-consultes obligatoires pour les magistrats s’est développée pendant la lutte séculaire de la magistrature et du sénat ; mais le germe en était dans l’institution elle-même. Si nous nous demandons pour finir quelle a été l’expression terminologique du droit de donner un conseil obligatoire reconnu au sénat dans la période moderne de la République, le gouvernement des optimates n’a, même dans son plein développement, jamais transporté au sénat ni l’idée de la souveraineté du peuple ni celle de l’autorité du magistrat. La lex et le senatus consultum ne sont jamais confondus par la terminologie. Le jubere du peuple et des magistrats est toujours distingué, dans un langage châtié, du censere et du placere du sénat. Ni l’imperium et la potestas des magistrats, ni la majestas des magistrats et du sénat[18] ne sont, dans un style correct, attribués au sénat. L’autorité, aussi prééminente et effective qu’indéterminée et dépourvue de base formelle, du sénat est désignée en général, dans l’époque récente de la République, par le mot également vague et rebelle à toute définition technique d’auctoritas. Ce mot a désigné, de tout temps, la ratification des lois par le sénat patricien, dans laquelle la position qu’il occupe au dessus du peuple trouve une expression frappante. C’est sans doute en partant de là qu’on a désigné par le même terme à la fois la volonté du sénat, qui, par suite de son conflit avec le tribunat du peuple, n’est rien de plus, et toute volonté de lui dans laquelle sa puissance politique trouve une expression prééminente[19], et qu’en outre et surtout le mot est devenu politiquement l’expression typique du gouvernement du sénat. En ce sens, l’auctoritas est moins qu’un ordre et plus qu’un conseil : c’est un conseil qu’on peut malaisément se dispenser de suivre, comme celui donné par l’homme du métier au profane, par le chef de parti parlementaire aux membres de son groupe[20], et c’est avant tout ce droit de donner un avis obligatoire que le sénat avait, dans les derniers siècles de la République, victorieusement revendiqué[21]. La description de la sphère d’action du sénat présente difficultés qui ne sont pas ordinaires. Ce corps est, au point de vue de notre langage moderne, moins un parlement qu’une autorité supérieure administrative et gouvernementale. Il intervient dans tous les actes des magistrats qui sont de nature extraordinaire. Or, les limites entre les actes ordinaires et les actes extraordinaires ne peuvent être tracées d’une façon rigoureusement abstraite ; en outre et surtout elles se déplacent en pratique constamment ; car la prépondérance croissante acquise par le sénat en face de la magistrature et des comices se manifeste particulièrement en ce qu’il empiète toujours davantage sur le domaine réservé à l’action exclusive du magistrat et sur celui de la souveraineté du peuple. De plus, notre tradition nous fournit bien par rapport au sénat des matériaux relativement abondants ; car les annalistes de la République et de l’Empire mettent toujours, et même parfois plus qu’il ne faudrait, la curie au premier plan, et il y a aussi plus de fond à faire sur ce qui est rapporté des débats du sénat à l’époque dont une histoire nous a été transmise que sur d’autres récits. Mais, en revanche, le développement politique proprement dit se soustrait fréquemment à nos regards, surtout pour deux raisons. D’une part, nous ne sommes, en règle générale, renseignés sur l’action commune ou séparée du magistrat, du sénat et des comices que lorsqu’il existe dés différends, et par suite il est souvent impossible de décider si les actes attribués à l’un de ces pouvoirs constitutifs de l’État appartiennent à lui seul ou à lui avec le concours des autres ou de l’un d’eux. D’autre part, le gouvernement des optimates romains s’est logiquement plus exercé d’après la coutume que d’après la loi et par conséquent nous sommes ici à peu près complètement privés des formules précises et des divisions arrêtées que les lois positives fournissent à l’exposition du droit public. — Il est évident que les actes extraordinaires auxquels concourt le sénat ne comportent pas de classement proprement dit. Quand bien même notre tradition nous serait arrivée avec une composition moins fortuite, il ne serait pas possible de définir cette idée dépourvue de limitation par essence. Nous avons étudié ici les catégories les plus importantes l’une après l’autre, en commençant par la ratification et la délibération préalable des résolutions du peuple et en exposant ensuite le rôle du sénat en matière de religion, de justice, de finances, d’affaires extérieures, et enfin d’administration soit pour le territoire occupé par des citoyens romains, soit pour celui des cités dépendantes autonomes d’Italie et du dehors, soit .pour le territoire sujet des provinces. Puis viendront l’intervention du sénat dans les domaines, directement réservés aux comices, de la nomination des magistrats et de la détermination de leur compétence, d’une part, et de la législation, de l’autre, et sa participation à la proclamation de l’état de guerre. Nous terminerons par la description du sénat souverain du Principat. |
[1] Dion le dit expressément, fr. 5, 11 : Romulus a, selon lui, traité le sénat tyranniquement, et finalement il l’a rappelé à l’obéissance par les mots : Έγώ ύράς, ώ πατέρες, έξελεξάμην ούχ ΐνα ύμεΐς έμοί άρχητε, άλλ' ΐνα έγώ ύμΐν έπιτάττιμι. Dans Cicéron et dans Tite-Live, on trouve la conception inverse. Naturellement ni l’une ni l’autre n’est historique. Les écrivains romains transportent sous la Royauté le sénat du gouvernement des optimates. Les Grecs récents donnent carrière à la conjecture suggérée clairement par les institutions.
[2] Le consul de 463 L. Postumius Megellus se refuse à remettre à son prédécesseur selon la demande du sénat la conduite de la guerre dans le (Denys, 17, 4 ; Dion, fr. 36, 32), et il exécute sa volonté. La conduite de C. Flaminius en 536 (Tite-Live, 21, 63) et celle de M. Popillius Lænas en 581 (Tite-Live, 42, 8. 21. 22) sont des protestations matérielles semblables contre l’omnipotence du sénat. Lorsque deus magistrats tombent en conflit direct, celui qui a le sénat de son côté n’est aucunement celui qui l’emporte toujours. Lorsque, sur la proposition d’un tribun du peuple, le sénat décida de prendre le deuil à raison de la loi proposée contre Cicéron, les consuls le défendirent (Cicéron, Pro Sest., 14, 32 ; In Pis., 8, 17 ; Drumann, 2, 243).
[3] Le défaut de droits corporatifs ressort encore plus nettement pour le sénat que pour les chevaliers.
[4] Lorsque l’identification de l’urbs Roma avec l’État romain eut été abandonnée et que Rome fut de nouveau constituée en cité urbaine, il s’organisa une administration séparée de la caisse de la ville, qui se rattache difficilement à l’ancien ærarium populi Romani, mais plutôt soit à l’arca pontificum qui dépendait du sénat (v. tome III, la théorie du grand Pontificat sur l’arca pontifecum, in fine) soit probablement aux anciennes caisses des temples (v. tome III, la même théorie, sur les caisses sacerdotales), dont la fondation s’étend en partie à la période récente de l’Empire où par exemple Tacite pourvoit ainsi aux besoins du temple du Capitole (Vita Taciti, 10) et Aurélien à ceux de son nouveau temple du Soleil (Vita, 35). Des caisses analogues ont tiré leur origine des redevances en nature organisées en faveur de la ville de Rome, ainsi par exemple de la vente publique du vin de l’Italie méridionale livré à la ville de Rome, l’arca vinaria soumise à l’autorité du préfet de la ville (C. Th. 14, 6, et le commentaire de Godefroy) et d’autres analogues (le même, sur C. Th. 12, 6, 14). Ces institutions n’appartiennent à notre période que pour leurs commencements et ne peuvent être étudiées ici.
[5] Les monuments honorifiques érigés par la cité du temps de la République, ne nomment sans doute pas en général le dédicant ; mais c’est sûrement le populus Romanus qui est toujours considéré comme tel, quoique l’érection soit accomplie simplement en vertu d’un sénatus-consulte.
[6] Plus tard il est question de députations envoyées à l’ennemi populi Romani senatusque verbis (Salluste, Jug. 21, 4. Tite-Live, 7, 31, 10).
[7] La lettre aux habitants de Teos de 561 (C. I. Gr. 3045) est envoyée par le στρατηγός, qui est nommé, καί δήμαρχοι καί ή σύγκλητος. A l’inverse des lettres sont adressées consulibus, prætoribus, tribunis plebis, senatui (v. tome III, la théorie du Tribunat du peuple, sur le droit de relation des tribuns). La lettre aux Tiburtes de 595 environ (Bruns, p. 157) a conservé intégralement la forme du sénatus-consulte, y compris même les témoins du titre ; seulement la troisième personne a été remplacée par la deuxième : Quod Teiburtes v(erba) f(ecistis), etc. Les empereurs Tibère (Dion, 56, 21) et Gaius (Dion, 59, 24) sont blâmés d’adresser leurs lettres aux consuls au lien du sénat en les invitant à les lire au sénat (Dion, 59, 24).
[8] Donatus, sur Térence, Adelph. 3, 5, 1, pour expliquer sis = si vis : Deductum est a senatus consulti formula : ubi enim aliquid senatus consulibus injungit, addit si eis videatur. Sénatus-consulte relatif à Asclépiade, Lat. lignes 1 : S(ei) e(is) videretur) et 11 : Sei v(ideretur) e(is), en grec, lignes 21 et 29 : Έάν αύτοΐς φαίνηται. Dans des invitations du sénat à des consuls ou des préteurs : Tite-Live, 22, 33, 9. 25, 41, 9. 26, 16, 4. 31, 4, 2. 36,1, 5, c. 2, 11 ; aux tribuns du peuple : Tite-Live, 25, 5, S. 30, 41, 4. 31, 50, 8. La formule fait partout opposition à l’ordre ; elle est par conséquent aussi à sa place lorsque le magistrat demande au sénat une décision ou des instructions (Tite-Live, 23, 21, 3. 29, 10, 2. 35, 6, 3. 39, 39, 6.43, 14, 4) ; en outre, entre collègues (Tite-Live, 6, 25, 2. 34, 46, 5 ; aussi entre le préteur commandant en Sicile et le consul destiné à l’Afrique, Tite-Live, 29, 24, 8) et dans l’invitation de voter adressée par le magistrat aux citoyens, qui en ont le droit, mais non l’obligation. Il se manifeste partout, notamment dans le texte de Tite-Live, 26, 16, rapporté ci-dessus, que sous la forme d’une prière le sénat donne un ordre. Quand le sénat remet l’affaire à l’appréciation du magistrat, il l’invite à agir de la façon qu’il croira la meilleure dans l’intérêt du peuple. Tite-Live, 25, 7, 4. Sénatus-consulte de Thisbé. Il n’est pas rare que l’ordre et la liberté de décision soient liés ; par exemple, le préteur est invité, dans le sénatus-consulte de 593, à expulser les philosophes et on s’en remet à lui de le faire de la façon qu’il lui plaira (Suétone, Rhet., 1) ; les deux formules peuvent être combinées (sénatus-consulte d’Asclépiade, in fine ; Cicéron, Phil. 3, 15, 39).
[9] Cicéron, De re p. 2, 8. 14. Phil. 3, 4, 9. Festus, p. 246, v. Præteriti senatores. Cicéron appelle le sénat publicum orbis terræ consilium (Ad fam. 3, 8, 4 ; cf. In Cat. 1, 4, 9 ; Phil. 3, 14, 34), la curie templum consilii publici. Velleius, 1, 8. Tite-Live, 3, 63, 10. 6, 6, 15. 23, 2, 4. A plus forte raison ce nom s’applique aux délibérations du sénat (Cicéron, In Cat. 1, 1, 2 ; Pro Sest. 19, 42 ; Tite-Live, 2, 23,11. 23, 22. 2 ; Tacite, Ann., 6, 15). Mais, si le sénat est dominus (Cicéron, De leg. 3, 12, 28) ou caput publici consilii (Tite-Live, 5, 39, 12), toute autre délibération sur les affaires publiques et toute autre assemblée délibérant sur elles constituent également un consilium publicum. (Cicéron, Pro Rosc. Amer., 52, 151, pour un jury ; Ad Att. 2, 23, 3 ; Pro Rab. ad pop. 2, 4, rapproché de De domo, 28, 73 ; Salluste, Hist., éd. Dietsch, 1, 48, 6).
[10] V. tome I, la théorie du Conseil du magistrat, dernière note.
[11] La question de savoir si le sénat concourt ou non à la provocation du cens est douteuse, mais doit vraisemblablement être tranchée dans le sens de la négative. Nous en traiterons à propos de l’influence du sénat sur la création des magistrats.
[12] Dans la tradition des annales, la distinction des domaines du consilium et du sénat n’est jamais relevée ; un droit général d’avis est attribué au second (Tite-Live, 1, 49, 7 ; Denys, 2, 14) où il est principalement fait allusion à son concours en matière de paix et de guerre (Tite-Live, loc. cit.).Mais on reproche au dernier roi d’avoir usé du consilium à la place du sénat (Tite-Live, loc. cit.).
[13] Il n’y a pas, à vrai dire, de témoignages à ce sujet et la responsabilité ne peut être conçue pour le roi que dans un sens idéal. Si nous connaissions le processus selon lequel s’est développé le gouvernement du sénat, les applications pratiques ne nous manqueraient point.
[14] Lorsque Cicéron, De re p. 2, 9, 15, dit de Romulus : Hoc consilio et quasi senatu (le Ms. sic) fultus et munitus et que Festus appelle le sénat antérieur à la loi Ovinia (p. 246, v. Præteriti senatores) consilium publicum, cela a probablement pour raison l’idée parfaitement exacte selon laquelle le sénat, tant que le magistrat ne fat pas lié par ses avis, ne fut qu’un pseudo-sénat et ressembla plus à ce qu’on a appelé plus tard un consilium qu’au sénat des temps historiques.
[15] V. tome I, la théorie du Conseil du magistrat, sur la procédure de ses délibérations.
[16] On ne rencontre, en dehors du temps de l’agonie de la République, que peu d’exceptions. On peut y comprendre les projets de loi sur la création de magistratures qui, comme cela arrive très rarement, portent en même temps sur le nom de leurs titulaires et qui sont déposés sur une proposition du sénat ; pour divers tribunaux d’exception le transfert du choix du quæsitor au sénat par une loi (v. tome III, la théorie du Consulat, sur la juridiction criminelle des consuls sous la République) ; et, encore tout au plus la proposition qui échoua d’admettre dans le sénat romain deux membres choisis par lui dans chaque ville latine (Tite-Live, 23, 22, 5). Les mandats donnés par le sénat à des magistrats en fonction de faire quelque chose qui est en dehors de leur compétence, et les prorogations empiètent sans doute essentiellement sur la question de personnes ; mais le principe est là plutôt tourné que violé.
[17] V. au sujet du premier point, tome IV, la théorie des Légats, sur leur nomination par le sénat, au sujet du second, tome I, la théorie de la Collégialité, sur l’influence du sénat sur la répartition des compétences, et au sujet du dernier, tome II, la théorie de la Représentation du magistrat, sur la représentation du général absent.
[18] Cicéron, De inv. 2, 17, 53, Phil. 3, 5, 13. Après que le sénat a hérité des comices en qualité de senatus populusque Romanus, la majestas lui est attribuée à bon droit, comme le fait déjà dans cette acception Cicéron (Pro Sest. 5, 12) et comme le font à plus forte raison les écrivains du temps de l’Empire (par exemple, Val. Max. 1, 8, 1. 9, 5, 1).
[19] Auctoritas est employé de préférence, dans la littérature de la République, pour le sénatus-consulte isolé, quand il est nul légalement. Mais cela n’a pas lieu de telle sorte que l’expression ne puisse aussi s’appliquer au sénatus-consulte valable. Des tournures telles que celle de Cicéron, Ad fam. 1, 7, 4, prouvent au contraire qu’auctoritas peut se dire du sénatus-consulte en général. Et on trouve en effet, dans le même auteur, un décret des pontifes ex auctoritate senatus (De domo, 53, 136) ; senatus vetos auctoritas de Bacchanalibus (De leg. 2, 15, 37) ; auctoritatem senatus extare hereditatis aditæ (de l’Égypte) sentio (De l. agr. 2, 16, 41). Cette façon de s’exprimer, qui n’est pas fréquente, se présente lorsque la puissance politique du sénat se manifeste essentiellement. Avant tout c’est le cas pour les résolutions annulées par intercession, par conséquent au sens strict illégales, mais cependant existant politiquement ; mais ce ne l’est pas moins pour les instructions données par le sénat aux pontifes, qui doivent être considérées comme des instructions obligatoires données par le parlement à une de ses commissions,.ainsi que pour les deux résolutions sur les mystères de Bacchus et sur le testament du roi d’Égypte qui n’avaient pas été confirmés législativement et qui par conséquent constituaient au premier titre des documents du rôle politique du corps. A moins d’avoir une couleur de ce genre, auctoritas ne s’emploie pas, du temps de la République, à la place des termes légaux consultum et sententia. Chez Tite-Live, cette distinction a disparu. Il arrive chez lui une quantité innombrable de fois que des actes ordinaires des magistrats et du sénat, le justitium (3, 2, 6), l’édit (32, 31, 6. 34, 56, 4. 45, 1, 8), la nomination d’un dictateur (22, 14, 11. c. 59, 9), soient rattachées à la patrum auctoritas ou à l’auctoritas senatus et qu’en particulier des lois soient proposées ex auctoritate senatus : 4, 49, 6. 9, 46, 7. 10, 37, 10. 26, 21, 5. c. 33, 12. 34, 54, 4. 38, 36, 8. 42, 21, 5, ou ex auctoritate patrum : 7, 19, 10. 8, 21, 10. c. 22, 8. c. 29, 6. 10, 45, 9. 25, 5, 7. c. 9, 7. c. 11, 8. 30, 40, 10. 45, 35, 4 ; patrum auctoritate : 30, 44 ; auctoribus patribus : 7, 15, 12. c. 41, 3. 21, 18, 10. Nous nous expliquons, dans la première note du prochain chapitre, au sujet des combinaisons aventureuses édifiées par Willems sur ce langage de l’époque postrépublicaine.
[20] Le mot est employé pour tous les rapports de ce genre. C’est en ce sens que celui qui fait une proposition est auctor. Le consul a l’auctoritas dès après la désignation et il n’a la potestas qu’après son entrée en charge (Cicéron, In Pis. 4, 8). Il est tout à fait ordinaire de trouver consilium et auctoritas réunis dans ce sens (Cicéron, De leg. 2, 12, 30 ; Ad fam. 3, 9, 4. ÉP. 10,10 ; Tite-Live, 2, 27, 12, etc.), et que l’auctoritas soit attribuée, comme à tout autre homme considéré, en particulier à l’homme Instruit du droit que l’on consulte (Cicéron, Pro Rosc. com. 18, 56). Ce langage, si étendue que soit son application, est relativement récent ; dans toutes les anciennes acceptions techniques, le mot aux sens multiples a le sens d’augmentation qui lui appartient étymologiquement.
[21] Cicéron, De leg. 3, 12, 23, Pro Rab. ad pop. 1, 2. Cela se retrouve chez lui et d’autres auteurs une quantité incalculable de fois. Merne dans des tournures comme De domo, 43, 114 (cf. Pro Sest. 24, 53) ; Phil. 10, 8, 18 ; In Pison. 2, 5. c. 21, 50, le mot ne peut pas être simplement traduit par consultum ; il souligne la prééminence du sénat. In auctoritate senatus esse est, semble-t-il, une expression technique pour désigner l’obéissance due par les magistrats au sénat (Tite-Live, 3, 2, 1. 4, 26, 7. c. 56, 10. 5, 9, 4. 6, 19, 1), dans laquelle à la vérité auctoritas est aussi remplacée par potestas (Tite-Live, 2, 56, 16. 3, 21, 3. c. 52, 10. 9, 10, 1) et arbitrium (Tite-Live, 10, 24, 7). Si une sorte d’imperium est, par exception, accordée aux envoyés du sénat, cela s’appelle en langage technique les envoyer cum auctoritate (Tite-Live, 35, 23. Cicéron, Ad Att. 1, 19, 3. Cf. tome IV, la théorie des Légats). Si, d’après Cicéron, De re p. 2, 8, 14, Romulus patrum auctoritate consilioque regnavit, le mot auctoritas doit là, comme partout où il est employé à côté de consilium, être compris dans son sens général, et on ne peut penser à la patrum auctoritas de la langue technique.