II. L’INTERROGATION DES SÉNATEURS. L’interrogation, par laquelle les sénateurs sont invités à faire leurs propositions, n’a pas été adressée, dans tous les temps, à tous ceux qui avaient le droit de voter. Le droit de proposition et le droit de suffrage ont probablement été réunis dans le sénat purement patricien. Le premier est reconnu aux patriciens des minores gentes, et il n’y a aucun fondement vraisemblable sur lequel on puisse appuyer la distinction pour cette époque. — Au contraire, il y a eu, pendant un certain temps, dans le sénat patricio-plébéien une catégorie de membres qui n’avaient pas le droit de proposition et qui n’avaient que le droit de vote ; ce sont les pedarii[1]. D’après l’étymologie transparente du mot et selon la loi déjà expliquée qui fait que la catégorie inférieure est désignée par la fonction qui lui est commune avec la catégorie supérieure, les pedarii sont les membres du sénat qui participent au vote par discession sur les propositions (pedibus in sententiam illius ire) et seulement à lui[2]. Ce ne peuvent être les sénateurs patriciens ; car l’on ne peut concevoir de sénat pour l’époque la plus ancienne sans admettre que les patriciens entrés dans le sénat par le choix du magistrat y ont la plénitude des droits sénatoriaux. Ce ne peuvent pas être non plus les personnes qui obtiennent, par l’occupation des magistratures, d’abord des droits semblables à ceux des sénateurs et à la censure suivante le siège sénatorial, ; car l’admission des plébéiens aux magistratures patriciennes implique nécessairement aussi leur égalité dans le sénat, les ex-édiles curules ont pendant longtemps été seuls parmi les membres plébéiens de l’assemblée à porter le soulier sénatorial et à exercer dans les comices les prérogatives sénatoriales, et enfin la désignation technique donnée à cette catégorie dé personnes pendant la phase qui précède leur entrée dans le sénat par le choix du censeur, la formule quibus in senatu sententiam dicere licet leur attribue expressément le droit de proposition. Il ne reste donc pour constituer les pedarii que les membres plébéiens du sénat, qui sont entrés dans l’assemblée par le libre choix des consuls et plus tard des censeurs, et qui par conséquent n’ont occupé aucune magistrature donnant un droit légal de siéger au sénat. Cette conclusion concorde avec tout le reste de ce que nous pouvons constater par rapport à cette catégorie de sénateurs[3]. L’assertion de Varron, selon laquelle les pedarii n’étaient pas considérés primitivement comme sénateurs, mais étaient comptés parmi les chevaliers, est une idée qui devrait, sans autre témoignage, être admise pour les conscripti plébéiens de l’époque où la magistrature était réservée aux patriciens, et c’est évidemment pour cela que les premiers plébéiens parvenus au sénat sont attribués à l’ordre équestre. Si dans la période postérieure à Sulla les senatores pedarii sont ceux qui lors de l’interrogation des sénateurs sont interrogés en dernier lieu et en fait ne participent pas à cette interrogation, et si cette définition est même reportée dans la période ancienne[4], cela ne peut, la participation originaire des patriciens même dépourvus de magistratures à l’interrogation étant incontestable, s’expliquer que d’une façon : par la supposition que le mot désignait primitivement les plébéiens exclus légalement de l’interrogation. La définition du decurio pedanius comme celui qui n’est pas entré dans le conseil par l’exercice des magistratures est en outre indubitable en droit municipal[5]. Enfin la disparition postérieure des pedarii s’explique, dans cette supposition, simplement par la décadence et ensuite la suppression du choix des sénateurs par le censeur. Dans les premiers temps de la République, une portion notable des membres du sénat a nécessairement été privée du droit d’exprimer son opinion. La relation qui parle de cent trente-six sénateurs patriciens et de cent soixante-quatre sénateurs plébéiens doit avoir un caractère historique pour un moment quelconque de la période moyenne de la République[6]. Mais l’admission des tribunicii doit avoir déjà essentiellement accru le nombre des sénateurs ayant le droit de proposition. Quand depuis Sulla la questure donna le droit de proposition, et que les simples quæstorii siégèrent dans le sénat, le libre choix du censeur a, s’il a survécu, fonctionné dans une si faible mesure qu’il est impossible que les sénateurs ainsi élus aient encore pu former une catégorie distincte, et les sénateurs dépourvus du droit de prendre la parole, les senatores pedarii, ont disparu. La preuve positive qu’il n’y en a plus de tels, dans le sens ancien expliqué plus haut, à l’époque de Cicéron, est fournie par l’emploi du mot déjà fait à cette époque dans une acception analogue mais essentiellement différente. Dans le fait, la réalisation de l’égalité complète entre tous les sénateurs était un des termes de l’achèvement du gouvernement du sénat. L’interrogation successive des sénateurs, qui est une des particularités les plus originales et les plus fécondes en conséquences du parlement romain, a lieu en général dans un ordre fixe[7], et la place qu’on occupe dans cet ordre détermine la va-leur pratique du siège sénatorial ; car, de par la nature des choses, l’émission d’une proposition a d’autant plus d’influence qu’elle est faite alors que moins de personnes se sont expliquées sur la question. Les magistrats supérieurs doivent avoir, à l’origine, dressé eux mêmes la liste qui servait pour l’interrogation. Mais cette fonction a passé, vers l’an 442 de Rome, au censeur avec la nomination des sénateurs[8]. Quoique la liste comprit tous les membres du sénat, l’ordre n’y avait d’importance pratique que jusqu’au point où s’arrêtait l’interrogation ; car les sénateurs qui n’avaient que le droit de voter avec les autres n’étaient pas appelés par leur nom, et la place qui leur était donnée sur la liste n’avait pas pour eux d’importance. Cet ordre peut, à l’origine, n’avoir pas plus été un ordre hiérarchique que celui des curies dans la cité de dix curies ; mais cela s’est naturellement vite changé par suite de la façon dont l’influence politique dépendait de la place assignée au sénateur dans l’interrogation du sénat. En réalité, l’ordre se révèle déjà clairement comme un ordre hiérarchique par la priorité donnée aux majores gentes, et les différences de rang ne se sont développées nulle part plus énergiquement que dans la matière de l’interrogation des sénateurs. Nous avons déjà indiqué ce qui nous est transmis ou ce que l’on peut conjecturer sur l’ordre des sénateurs sous la Royauté. Ceux des majores gentes votent d’abord dans l’ordre fixe des trente curies, puis ceux des minores le font dans le même ordre. Après la suppression de la Royauté à vie, cet ordre n’a pas été mis de côté, seulement il a été supplanté par l’action de la magistrature ou, ce qui revient au même, des élections populaires sur les honneurs sénatoriaux. De même qu’il s’établit en principe que celui qui avait revêtu la magistrature supérieure était par là élu à vie membre du sénat, il se développa, probablement en même temps, un privilège des ex-magistrats supérieurs au point de vue de l’ordre des propositions, et parmi eux ce privilège fut de nouveau gradué selon la date de la magistrature. Quand et comment ce privilège fut-il introduit ? On ne peut le découvrir dans la tradition : elle le considère comme introduit avec la République[9], et en effet il est presque forcément sorti des circonstances d’alors. Dans la suite de son développement, le droit de proposition privilégié se lie à l’élection indirecte des sénateurs par les comices[10]. Les consulaires sont interrogés d’abord, en faisant passer les premiers, probablement depuis la loi Ovinia, ceux qui ont eu outre revêtu la censure[11] ; mais Sulla supprima la catégorie des ex-censeurs[12] et depuis lors les consulaires formèrent de nouveau la catégorie la plus élevée du sénat. On ne sait s’il a été tenu un compte analogue de la dictature. Après les consulaires viennent, depuis qu’il y en a, les prætorii, et après ceux-ci les ex-édiles curules. Ces trois catégories comprennent les membres arrivés au sénat par l’occupation de fonctions curules et souvent rassemblés à titre de distinction. Depuis que le siège sénatorial fut lié aux magistratures inférieures, les tribunicii et les questorii vinrent après eux[13]. Dans chaque catégorie de magistrats, les patriciens sont appelés en premier lieu et les plébéiens ensuite[14] ; cependant il n’est pas sûr que ce privilège des patriciens ait été maintenu dans la période postérieure à Sulla[15]. Dans le sein de chaque classe, l’ordre est déterminé parla date des magistratures[16], ou, entre magistrats élus en même temps, par la renuntiation. Les sénateurs qui n’avaient occupé aucune magistrature appelant au sénat n’avaient pas le droit de proposition, s’ils étaient plébéiens ; s’ils étaient patriciens, ils devaient l’exercer après les classes de sénateurs issues de magistratures. Ce privilège patricien recevait nécessairement une large application à l’époque ancienne où le nombre des sénateurs privilégiés était restreint[17] ; plus tard, il n’a guère pu être écarté pair, une loi, mais il l’a été pratiquement par le nombre toujours croissant des sénateurs favorisés entrés dans le sénat par l’occupation de magistratures ; car il n’exerce plus aucun rôle pratique et le nombre des sénateurs patriciens de cette espèce ne peut pas avoir été important. Nous avons déjà remarqué qu’à partir de Sulla il n’y a plus ni sénateurs patriciens ni sénateurs plébéiens nommés exclusivement par le censeur et que par suite cette catégorie disparaît. L’ordre régulier de la liste subit une modification dans les cas suivants : 1. La première place de la liste, la place de princeps senatus donnait le privilège important de prendre le premier la parole dans toutes les délibérations et était par dessus tout une distinction très estimée[18]. En vertu des règles qui viennent d’être posées, elle appartenait au premier par ordre d’ancienneté des censorii patriciens, et il en a été ainsi jusqu’en 545. Mais, depuis la censure de cette année, le princeps senatus a été choisi parmi les censorii patriciens sans considération d’ancienneté[19]. Le dernier qui nous soit connu est L. Valerius Flaccus, consul en 654, princeps senatus en 670[20]. Dans la période postérieure à Sulla, il n’est plus question de princeps senatus, et, s’il y en avait eu un à l’époque de Cicéron, cela ne pourrait pas nous être resté inconnu[21]. Varron dit aussi expressément que ce droit de proposition privilégié a disparu de son temps, — il est né en 638. — C’est évidemment Sulla qui a aboli cette primauté. Elle se fondait sur la censure qu’il a pratiquement supprimée. Politiquement, le gouvernement des optimates arrivé à son intégrité ne pouvait se concilier avec la préséance même purement nominale d’un seul ni avec son droit fixe de voter le premier, à la place duquel on établit des règles nouvelles que nous expliquerons plus loin. La liste des sénateurs fut désormais dressée simplement d’après les magistratures et leur ancienneté, et le consulaire le plus ancien du moment fut placé en tète sans porter le titre de princeps senatus ni avoir un droit de suffrage supérieur à celui des autres consulaires ; — Sous le Principat, l’empereur actuel était mis en tète de la liste des sénateurs ; mais les empereurs n’ont jamais porté le titre de princeps senatus parée qu’ils étaient et voulaient être plus que n’est un primus inter pares[22]. 2. Parmi les primes données aux accusateurs dans la procédure des Quæstiones, la moins importante n’est pas la faculté donnée au sénateur qui, en faisant condamner un autre, lui enlève sa place au sénat de prendre, s’il le veut, la place de cet autre[23]. 3. Il n’est pas invraisemblable, sans pouvoir être prouvé d’une manière certaine, que, sous le Principat, d’autres privilèges encore, par exemple ceux attachés au mariage et à la paternité[24], aient exercé une influence sur la confection de la liste[25]. 4. L’attribution du jus sententiæ dicendæ résultant de magistratures, sans occupation réelle des magistratures corrélatives ne se rencontre pas du temps de la République. Le dictateur César fut le premier à donner de cette façon à quelques prætorii une place dans la première classe ; puis, en 714, le futur empereur Auguste reçut le même droit de parler parmi les consulaires[26]. Depuis lors, on a, sous le Principat, très fréquemment concédé, sous la forme d’une magistrature fictive, soit à des sénateurs le droit d’appartenir à une classe plus élevée, soit à des non sénateurs les droits sénatoriaux d’une classe quelconque. Il est probable que toutes ces concessions étaient accompagnées de l’attribution d’une place fixe dans la classe dont il s’agissait, ou, ce qui revient au même, de l’attribution d’un rang d’ancienneté fictif[27]. A titre exceptionnel et par suite de l’abus du droit d’adlection fait sous Commode, les sénateurs ainsi classés furent, sous l’empereur Pertinax, mis tous, dans leurs classes hiérarchiques, à la suite des ex-magistrats[28]. La liste du sénat disposée d’après ces principes[29] sert de fondement à l’interrogation des sénateurs ; cependant il faut pour leur appel nominal tenir compte des modifications qui suivent[30]. 1. Les magistrats inscrits sur la liste sont omis, leur droit de proposition et de vote étant suspendus. Quand cependant c’est l’empereur qui préside, les magistrats votent comme les simples particuliers. 2. Le droit de proposition des magistrats tient à leur magistrature et non à leur inscription sur la liste. Le président doit par conséquent tenir compte des modifications survenues après la confection de cette liste comme si elles y étaient déjà constatées ; selon l’expression technique, il doit interroger tant les sénateurs que les aspirants ayant voix délibérative. 3. S’il existe, au moment de l’interrogation des sénateurs, des magistrats désignés qui siègent déjà dans le sénat, ils prennent part à la procédure d’expression des opinions, car ils ne sont pas encore magistrats ; mais ils sont déjà considérés comme entrés en fonctions[31], en ce sens qu’ils sont destinés à entrer catégorie dans laquelle ils sont destinés à entrer et au premier rang de cette catégorie[32]. Cette procédure fonctionne, depuis le moment où elle apparaît, avec une telle régularité qu’elle peut malaisément être rattachée à l’arbitraire des magistrats. Elle ne peut pas être revendiquée pour l’époque ancienne, soit parce qu’elle aurait alors eu trop peu d’importance en présence du faible intervalle qui séparait primitivement les élections de l’entrée des magistrats en charge, sait parce qu’il n’y a pas trace d’une limitation du privilège du princeps senatus par le concours des consuls désignés. Nous ne pouvons établir son existence que dans la période postérieure à Sulla, avec les institutions de laquelle elle s’accorde fort bien, — car il n’y avait plus de princeps senatus et les élections avaient alors lieu régulièrement en juillet[33], — et c’est probablement Sulla qui l’a établie législativement. Les égards de politesse dus, dans le système de l’annalité de la magistrature, par le titulaire actuel de cette magistrature à son successeur déjà choisi aurait dû jouer là un certain rôle. Politiquement le but doit avoir été de limiter ainsi le droit de voter en premier lieu, permanent de fait, des sénateurs influents. — L’interrogation des sénateurs a commencé par lès consuls désignés, au moins jusqu’au temps de Trajan ; mais cela parait avoir cessé peu de temps après, peut-être par suite de l’abréviation croissante de la durée des consulats[34]. 4. Le président n’a été, dans aucun temps, obligé légalement au respect de la liste sénatoriale certainement souvent très incommode pour l’expédition des affaires. Par suite, les magistrats des premiers temps de la République, plus indépendants en face du sénat que ceux de l’époque que nous connaissons le mieux, se sont dans l’interrogation des sénateurs fréquemment écartés de l’ordre de la liste[35] les modifications plus profondes apportées à cet ordre que nous venons de signaler tirent sans doute elles-mêmes leur origine de ce que les présidents du sénat ne se conformaient pas à la liste et que les censeurs qui suivaient la modifiaient en conséquence. Mais, depuis que le gouvernement du sénat se fut consolidé, — à part la mise à l’écart de la première liste sénatoriale dressée en 442 par les censeurs, qui coïncide selon toute apparence avec le transfert des consuls aux censeurs de la nomination des sénateurs[36], — les magistrats qui présidaient ont difficilement osé supprimer la liste du sénat dressée par les censeurs, quelque fréquemment qu’ils aient pu s’en écarter dans des cas particuliers. Quant à Sulla, il maintint les classes hiérarchiques du sénat[37] ; mais, dans celle des consulaires, il laissa la détermination de l’ordre à l’arbitraire du président[38], sauf le droit de priorité des consuls désignés, qui fut probablement établi en même temps, et par conséquent il émancipa le président de la liste pour cette classe, tandis qu’elle continua à s’imposer à lui pour les autres[39]. La cause de cette innovation doit avoir été que le droit de faire la première motion était pratiquement trop important pour dépendre exclusivement de l’ancienneté et que, la liberté restreinte de choix qui avait existé pour le princeps senatus étant supprimée, sa prérogative fixe devait l’être également. Désormais la seule règle est que les deux consuls s’entendent sur l’ordre d’interrogation qu’ils suivront[40] et observent durant l’année celui qu’ils ont suivi le jour de leur entrée en fonctions[41] ; encore cette limitation de leurs pouvoirs est-elle seulement établie par l’usage et n’a-t-elle pas été toujours observée[42]. Le droit de voter en premier lieu change donc avec la présidence, ou tout au moins peut changer avec elle. Auguste a même, pour faire l’interrogation dans des cas importants, fait abstraction de toute espèce d’ordre[43]. — Après que le droit de voter en premier lieu des consuls désignés eut disparu, sous Hadrien ou sous Antonin le Pieux, semble-t-il, la prima sententia se trouve toujours ex-primée par le consulaire qu’il plait au président d’interroger le premier[44]. 5. A la suite de l’établissement de la monarchie, un système spécial fut organisé pour l’expression du suffrage du chef de l’État. Le dictateur César reçut, en 708, par une disposition prise une fois pour toute, le droit de voter en premier lieu tel que l’avait eu autrefois le princeps senatus[45]. Dans les institutions d’Auguste, ou bien le prince s’abstient, en qualité de magistrat, de prendre part au vote et il s’explique alors sur la question quand et comme il veut, ou bien il exerce en qualité de sénateur le droit de donner son sentiment et il le fait, en pareil cas, à la place qu’il vent, en général à la première ou à la dernière[46]. Cependant on ne peut établir que les empereurs postérieurs à Tibère aient fait usage de cette faculté. L’opinion émise par le sénateur au moment de l’interrogation du magistrat, la sententia[47] est la proposition de résolution, la réponse faite par le sénateur isolé à la question du président. L’acte du magistrat, la position de la question au membre isolé, est désigné par l’expression sententiam rogare[48], celui du sénateur par l’expression sententiam dicere[49], aussi, corrélativement à la formule de la question, par sibi placere[50], pour ne rien dire des expressions qui ne sont appliquées à la sententia que par extension[51]. L’auctor sententiæ est l’auteur de la proposition[52], et par suite la proposition elle-même est appelée parfois auctoritas à l’époque récente[53]. Du temps de la République, l’auteur de la proposition n’est jamais signalé ni même nommé dans la résolution ; c’est seulement sous le Principat que l’auctor y est indiqué, et encore ne l’est-il dans les premiers temps que si c’est l’empereur[54]. La procédure est simple. Avant que l’interrogation commence, les étrangers introduits dans le sénat et en général toutes les personnes qui n’ont pas le droit de voter, sauf les magistrats et les employés subalternes, sont invités par le président à sortir de la salle[55]. L’interrogation est toujours faite verbalement. Les différents membres sont appelés nominativement par le président[56]. Le premier appelé doit faire une proposition, qui d’ailleurs peut tendre à prendre postérieurement une résolution sur la question, c’est-à-dire à l’ajourner (rejicere)[57], ou à ne pas prendre de résolution[58]. Ceux qui sont appelés ensuite peuvent soit former une nouvelle proposition, soit adopter une de celles déjà émises (adsentiri)[59]. Les sénateurs interrogés ne peuvent refuser de répondre[60]. On peut déférer à un sénateur le serment de calomnie, c’est-à-dire le serment qu’il fait sa proposition en tout honneur et conscience[61]. Le sénateur n’a pas besoin de motiver sa proposition, mais il peut le faire, et il le fait en général s’il n’adopte pas une opinion déjà exprimée. Celui qui adhère sans développement à une motion déjà émise (verbo adsentiri) le fait assis[62]. Sous l’Empire, cette adhésion muette se transforma progressivement en acclamation[63]. La proposition doit nécessairement être rédigée complètement, de façon à ce que, si elle devient une résolution, il n’y ait qu’à y mettre le sénat à la place du sénateur qui la fait[64] ; c’est pourquoi celui qui la fait en lit souvent, à la fin de son discours, une rédaction écrite[65]. L’interrogation n’a pas pour but d’arriver à la détermination d’une majorité[66] ; par suite, les déclarations ne sont pas comptées, et celles qui sont de pures adhésions sont en général peu remarquées, sont souvent à peine recueillies[67]. L’interrogation des sénateurs a pour résultat les diverses propositions qui sont ainsi portées à la connaissance du président, sans doute en général par écrit. En théorie, l’initiative appartenait également d’abord à tous les sénateurs ayant le droit de proposition, plus tard à tous les sénateurs. En fait, elle restait toujours à ceux qui avaient la priorité dans l’interrogation. Ainsi les questions politiques proprement dites se discutèrent probablement de bonne heure essentiellement entre les consulaires. Il était aussi dans l’ordre des choses que, depuis qu’il y eut des magistratures annales et que le sénat eut la prétention de diriger pratiquement l’État, l’initiative politique se soit restreinte en fait aux hommes qui dans le conseil et dans l’armée avaient expérimenté les responsabilités du pouvoir. Mais le droit de proposition de ceux-là mêmes qui étaient appelés après eux ou les derniers n’était pas sans portée. Tout le monde pouvait proposer des modifications, et, comme, dans le sénat romain, surtout dans celui de l’époque ancienne, on parlait brièvement, comme chacun n’y parlait qu’une fois au cours de la délibération, des contre-projets ou des amendements pouvaient triompher, même en étant proposés à une des dernières places[68] ; celui qui parlait à une de ces places, immédiatement avant le vote, en tenant compte des propositions déjà faites, avait même comme orateur une meilleure place que les membres appelés les premiers[69]. Il a été par conséquent d’une rare importance politique que, lors de l’admission des plébéiens dans le sénat, on les ait exclus du droit de proposition dans le conseil, comme de l’in terroyaut6 et de la confirmation des lois, que la bouche leur soit restée fermée dans le sénat pendant que leurs pieds seuls pouvaient y agir. Les grandes phases du combat livré pour l’égalité par ceux qui n’appartenaient point à la noblesse se marquèrent aussi dans ce domaine. La loi licinienne donna aux plébéiens, à la fin du ive siècle, en même temps que la magistrature, le droit de proposition privilégié qui y était lié et par conséquent tout au moins la possibilité d’arriver à l’égalité dans le sénat. Le travail d’égalisation se continua par la liaison plus complète de l’intégralité des droits sénatoriaux à la magistrature et par la suppression finale de cette catégorie de sénateurs dans laquelle les patriciens avaient seuls le droit de proposition et le droit de vote. Mais soit la disparition des sénateurs muets, soit le doublement du nombre des sénateurs opéré par Sulla ont nécessairement dû augmenter la prépondérance des catégories appelées en premier lieu, réduire en fait pour ainsi dire à néant le droit de proposition des catégories interrogées les dernières. Des exceptions, comme le vote du tribun du peuple désigné Caton dans le procès des Catilinaires, ne font que confirmer la règle. Par suite, depuis le temps de Sulla, le nom de senator pedarius est transporté du sénateur plébéien légalement exclu des délibérations au tribunicius et au quæstorius qui n’y participent point en fait, et il est employé pour les désigner par opposition aux membres du sénat consulaires ou prétoriens[70]. L’interrogation successive doit toujours être adressée à tous les membres du sénat qui ont le droit de proposition[71], et nous n’avons pas connaissance de moyens propres à abréger cette procédure rendue très longue par l’appel nominal[72]. Mais elle pouvait être mise de côté et la résolution être votée aussitôt après l’exposé[73], ou, selon l’expression employée, per discessionem[74]. Alors il faut que la proposition de résolution qui n’existe pas soit remplacée par l’exposé, qui prenait très souvent quant au fond la forme d’une proposition, et que le président ait eu le droit de faire voter sur lui[75]. Mais cette façon d’agir, contraire à la nature de l’institution, ne peut être admise que si aucune divergence d’opinions n’est exprimée[76] ; tout membre du sénat a le droit de provoquer l’interrogation successive des sénateurs par le cri : Consule[77]. Pour les questions importantes, l’abandon de la procédure d’interrogation est considéré comme incorrect[78]. L’interrogation achevée, l’affaire est prête à être tranchée. A l’époque récente de l’Empire, des statuts municipaux particuliers ont établi trois relations avant qu’on ne put passer au vote[79] ; mais il n’y a pas trace que cela se soit jamais appliqué au sénat de Rome sous un rapport quelconque. Si, dans ce régime, le sénateur ne peut parler qu’une fois et à son rang dans chaque délibération, qui d’ailleurs est limitée légalement par la durée du jour, la possibilité de parler hors de son tour et même celle de répliquer ne sont pas inconnues à la pratique romaine. Il arrive que, dans des cas pressants, un sénateur demande au président, dans l’intérêt public, de lui permettre de parler hors de son tour[80]. Il arrive également que celui qui a déjà parlé, lorsque sa proposition est mal comprise ou qu’il le prétend, demande au président de lui donner la parole pour rectifier l’erreur[81], ou encore demande au président la permission de poser une question à un orateur postérieur[82]. De cette façon, il peut se produire, si le présidant y prête la main, un débat personnel, une altercatio, même entre un sénateur et un magistrat ou entre deux sénateurs. III. POSITION DE LA QUESTION. Ensuite viennent la mise en ordre des opinions exprimées et la position de la question, la publication des différentes propositions formulées et de leur ordre, la pronuntiatio sententiarum. Il ne nous est pas dit expressément, mais il est vraisemblable qu’au moins habituellement cette publication était une lecture. Naturellement le président doit déterminer la mesure dans laquelle les diverses propositions sont conciliables entre elles ou s’excluent, pour soumettre les premières successivement au vote[83], tandis que l’admission de l’une des secondes entraîne le rejet des autres[84]. Cependant il n’en est ainsi que des motions faites sur une même relation. Si, comme c’était possible, plusieurs magistrats avaient simultanément fait relation au sénat sur la même chose, il fallait soumettre au vote, après l’adoption d’une motion faite sur la relation du premier magistrat, celles faites sur la relation du second, alors même qu’elles étaient incompatibles avec la première ; et, en cas de nouvelle adoption, c’était le sénatus-consulte le plus récent qui l’emportait sur le plus ancien[85]. L’usage semble avoir été, en pareil cas, de faire passer en premier lieu les propositions qui se rapportaient à la relation du président. Mais, dans la rigueur du droit, c’était le rapport des puissances des magistrats qui décidait, et le tribun du peuple pouvait faire soumettre au vote en premier lieu les propositions motivées par sa relation[86]. Les Romains avaient aperçu la difficulté de mettre dans un ordre convenable les diverses motions et les amendements[87] ; mais cela ne se manifeste guère extérieurement, l’assemblée n’ayant jamais à s’en occuper. Le président a le pouvoir d’exclure du vote, sans donner de motif, n’importe quel projet[88], et il a, à plus forte raison, celui de fixer à son gré la corrélation et l’ordre de ceux qu’il soumet au vote[89]. La proposition de ne prendre aucune résolution, c’est-à-dire de ne pas tenir compte de la relation du magistrat, n’entre naturellement pas dans le nombre des motions soumises au vote[90] ; on l’adopte en repoussant toutes les propositions positives[91]. Relativement à la position de la question, les sénateurs n’ont qu’un droit, celui de demander la division du projet ; mais ils l’ont dans une si large mesure que tout membre de l’assemblée peut, dans tous les cas et de la façon qu’il lui plaît, exiger la division du vote[92]. D’un autre côté, lorsqu’il n’y avait pas de diversités essentielles d’opinions, on a probablement souvent réuni dans un seul vote des questions multiples et même disparates. |
[1] Il ne nous est transmis directement sur les pedarii de l’époque ancienne rien autre chose que ce qu’il y a dans Aulu-Gelle, 3, 18 ; ce témoignage est obscurci par la confusion des pedarii et des aspirants an siège sénatorial, qu’Aulu-Gelle indique lui-même comme une conjecture venant de lui et qui met à vrai dire tout à l’envers ; mais, en la laissant de côté, tout se trouve en ordre. — La forme secondaire pedanius se trouve dans Lucilius et (ou pedanus) dans l’album de Canusium ; les formes postérieures pedanus (critiqué par Aulu-Gelle, 3, 18, 10) et pedaneus sont des formations fautives.
[2] L’étymologie évidente du mot, déjà aperçue par les anciens, ne peut être obscurcie par l’idée malheureuse de Willems, 1, 143, selon laquelle les sénateurs de pied s’appelleraient ainsi parce qu’ils ne s’assoient pas sur le siège curule. Le mot a toujours gardé son sens primitif désignant un membre du conseil qui ne participe qu’aux votes et non aux débats ; seulement l’exclusion était à l’époque ancienne une exclusion de droit et elle est à l’époque moderne une exclusion de fait. Le mot en arrive par suite à s’abaisser de façon à désigner d’une façon générale celui qui est inférieur. Car le judex pedaneus des jurisconsultes récents (d’abord dans Ulpien, Digeste, 2, 71 3, 1. 3, 1, 1, 6. 26, 5, 4) n’a philologiquement rien de commun avec l’opposition de la juridiction exercée de tribunati et de plano, puisque la dénomination du second juge comme un juge à pied serait une sottise ; c’est une désignation du juge inférieur imitée de celle du décurion inférieur.
[3] Ce n’est pas une objection contre leur privation du droit de proposition que, dans Tite-Live, 5, 20, 3, sous la date de 358, l’ex-tribun militaire cos. pot. soit interrogé dans le sénat et interrogé en premier lieu par son fils ; car c’est le tribunat qui est considéré là incorrectement comme une magistrature curule et non pas le droit de proposition qui est attribué aux plébéiens. Le récit lui-même est sûrement une fiction récente (cf. R. F. 4, 266). L’allégation de Willems, 1, 141, selon laquelle un sénatus-consulte aurait été fait dés 546 sur la proposition de M’. Acilius Glabrio arrivé au consulat seulement en 563, serait inconciliable avec l’exclusion du droit de proposition des plébéiens qui ne sont pas arrivés à une magistrature curule ; mais cette allégation est aussi certainement fausse. L’identité avec ce consul du M. (et non M’.) Acilius cité dans Tite-Live, 27, 4, 10. c. 25, 2, n’est pas seulement dénuée de preuves, elle est plus qu’invraisemblable ; le prénom Marcus se rencontre encore dans d’autres exemples chez les Acilii.
[4] Gavius Bassus dans Aulu-Gelle, loc. cit. : Senatores in veterum ætate qui curulem magistratum gessissent, curru solitos honoris gratia in curiam vehi (cf. tome II. la théorie du Véhicule des magistrats, sur ce droit à l’époque la plus ancienne)... sed eos magistratus, qui magistratum curulem nondum ceperant, pedibus itavisse in curiam : propterea senatores nondum majoribus honoribus pedarios appellatos. Cette définition a probablement subi l’influence des habitudes de langage modernes, et elle est incorrecte en ce qu’elle fait abstraction du plébéiat ; elle devient exacte en limitant ce que dit Bassus aux plébéiens qui ne sont pas parvenus à une magistrature curule.
[5] Les cent décurions de Canusium se décomposent en cinq classes, celle des quinquennalicii (avec les adlecti 11), des IIviralicii (29), des adilicii (49), des quæstoricii (9), des pedani (32) ; les derniers sont les decuriones qui nullo honore functi sunt d’Ulpien, et ils ne peuvent être entrés dans le conseil que par l’adlection du censeur.
[6] Cette indication étant reportée à l’époque où la magistrature était encore patricienne, les 464 plébéiens doivent être tous considérés comme des pedarii. Elle peut d’ailleurs avoir été empruntée à quelque relation de chiffres du cens ; l’idée que le premier chiffre soit celui des gentes patriciennes existant encore au moment de l’introduction de la République, comme je l’avais antérieurement supposé (R. F. 1, 121), implique une représentation dans le sénat des gentes qui est étrangère à notre légende.
[7] Varron, dans Aulu-Gelle, 14, 7, 9 : Singulos debere consuli gradatim. D’où ordine consulere dans Tite-Live, 2, 26, 5. c. 28, 2. 9. c. 29, 5. 6, pour la séance régulière par opposition à la séance tumultuaire. Tout sénateur doit donc parler à son rang. Cicéron, De leg. 3, 4, 11 : Loco senator... orato et dans le commentaire, c. 18, 40 : Et loco dicat, id est rogatus. Le même, Ad Att. 4, 2, 4, De domo, 32, 82. Tite-Live, 3, 39, 2. 28, 45, 6. Denys, 5, 66. 10, 50. 11, 6. 21.19. 15. Pline, 9, 13, 18. c. 20.
[8] V. tome IV, dans la théorie de la Censure, le début de la section de la confection de la liste du sénat.
[9] Tite-Live (26, 33) fait déjà figurer le droit de parler en premier lien des consulaires dans la description du décemvirat. Denys admet entre eux un ordre de parole gradué d’après l’ancienneté (6, 68. 7, 47. 11, 6) et en principe l’interrogation du sénateur le plus ancien avant le plus récent (7, 21 ; cf. 6, 69), mais en tenant aussi compte de leur renom (11, 4 ; 10, 50).
[10] Nous avons remarqué que la place est déterminée par la magistrature la plus élevée, même quand elle n’est pas chronologiquement la dernière.
[11] Tite-Live, 27, 11, sur l’an 545 : Senatus lectionem contentio inter censores de principe legendo tenuit. Sempronii lectio erat ; ceterum Cornelius morem traditum a patribus sequendum aiebat ut [qui] primus censor ex iis qui uiuerent fuisset, eum principem legerent ; is T. Manlius Torquatus (censeur en 523) erat ; Sempronius cui di sortem legendi dedissent ei jus liberum eosdem dedisse deos ; se id suo arbitrio facturum lecturumque Q. Fabium Maximum, et son collègue y consent. M. Claudius M. f. (Marcellus) consul en 558, censeur en 565, L. Valerius P. f. (Flaccus), consul en 559, Q. Minucias C. f. (Rufus), consul en 557, sont, selon l’observation de Willems, 1, 249, placés l’un après l’autre conformément à cette règle comme témoins du titre, dans le sénatus-consulte des Bacchanales de 568. Cette priorité des censorii ne peut avoir été établie qu’après que cette magistrature, d’abord comptée parmi les inférieures, se fut élevée au dessus du consulat (v. tome IV, la théorie de la Censure, sur le rang hiérarchique des censeurs). La censure étant dés le commencement du Ve siècle revêtue d’ordinaire après le consulat (v. tome II, la théorie des Causes d’inéligibilité relatives, ne 6, et tome IV, la théorie de la Censure, sur la qualité de consulaire comme condition d’aptitude à la censure), on peut rattacher, avec Willems, 1, 257, cette conséquence au transfert de la nomination des sénateurs aux censeurs fait par la loi Ovinia.
[12] Sulla, voulant écarter la censure, ne peut guère avoir laissé subsister les censorii comme première classe. En outre, il n’est, dans la période postérieure à Sulla, jamais question, notamment dans Varron que de la priorité des consulaires, et on ne voit jamais apparaître un privilège accordé aux ex-censeurs. Dans la législation municipale, la catégorie des quinquenalicii existe encore sous le Principat.
[13] Cicéron, Phil. 13, 13. 14, énumère, après avoir caractérisé le sénat d’Antoine d’après les mêmes catégories, les sénateurs de Pompée d’après leurs classes, d’abord les dix consulaires, puis ceux qui viennent ensuite : Qui vero prætorii !... qui ædilicii ! qui tribunicii ! qui quæstorii ! Le même, Pro Sulla, 29, 82, réunit les consulares, ceux qui prætores fuerunt et l’universus senatus. Dans le vote sur les partisans de Catilina, César vote loco prætorio (Cicéron, Ad Att. 12, 21, 1) et l’ordre des sententiæ s’aperçoit clairement tout entier (Drumann, 5, 506). L’édilité donne antiquiorem in senatu sententiæ dicendæ locum (Cicéron, Verr. 5, 14, 36). Il est superflu d’accumuler d’autres preuves de cette réglementation partout reconnaissable.
[14] Je l’ai établi antérieurement (R. P. 1. 259) pour la catégorie des censorii. Ma supposition, selon laquelle la même règle s’appliquait également aux autres catégories, a été confirmée par Willems, 1, 259, pour celle des consulaires, par la preuve que, dans le sénatus-consulte de 568, le consulaire patricien plus récent est placé devant le consulaire plébéien plus ancien. Une analogie est fournie, comme je l’ai remarqué, R. P. 1, 257, par la séparation, faite dans le tableau du sénat municipal de Canusium (C. I. L. IX, 338) entre les patrons de la ville selon les deux classes hiérarchiques des sénateurs (clarissimi viri) et des chevaliers. L’assertion de Festus selon laquelle les consuls et les tribuns consulaires faisaient entrer dans le sénat conjunctissimos sibi quosque patriciorum et deinde plebeiorum peut être entendue textuellement dans ce sens que les magistrats choisissaient pour faire partie du sénat à l’origine seulement des patriciens, plus tard soit des patriciens soit des plébéiens. Mais, comme il est remarqué, R. F. 1, 262, cette interprétation est contraire à ce que Festus rattache ailleurs, comme fait la tradition, l’introduction des plébéiens dans le sénat à l’origine du consulat et qu’il se trouverait alors en contradiction avec lui-même. Par conséquent, Festus peut vouloir dire plutôt que la liste (plus tard les sections de la liste) était divisée en deux parties, où les magistrats indiquaient d’abord les sénateurs patriciens, puis les plébéiens. J’avoue ne pas comprendre l’objection de Willems selon laquelle il aurait fallu alors écrire deinceps. Le mélange du privilège attaché aux magistratures et du jus sententiæ général patricien n’est pas rationnel ; mais l’arbitraire et les compromis qu’il entraîne ont dû influer plus d’une fois sui ces questions de rang. — L’inscription d’Adramytion (Eph. ep. IV, 213 et ss. avec les corrections, Bull. de corr. hell. 4, 376) ne nous apprend rien à ce sujet. Cependant puisque Willems (appendice, 1, 1885, p. 693 et ss.) entreprend en détail d’établir le contraire, il parait nécessaire de réfuter sa démonstration. C’est avec raison que lui et en même temps Foucart (Bull. de corr. hell. 1885, p. 401) ont remarqué que nous n’avons pas là un sénatus-consulte, mais une décision arbitrale, rendue en vertu d’un sénatus-consulte, à Rome, probablement par un consul ou un préteur. Le commencement, que Willems n’a pas complété heureusement, est restitué, d’une manière sûrement exacte pour les points essentiels (j’ai seulement ajouté κεκρικέναι) par Foucart dans les termes suivants : [Ύμάς είδέναι βούλομαι κεκρικέναι..... στρατηγόν]..... [έν] κομετίω μετά [συνβουλίου έ]πεγνωκότα δό[γματι συνκλή]του περί χώρας ή[τις έν άντι]λογία έστιν δημοσιώ[ναις πρός]. Le tableau des 33 personnes qui participèrent à cette décision est regardé par Willems comme une liste de sénateurs des années 656-660, composée de 2 consulaires, de 9 prætorii, de 12 tribunicii et de 40 quæstorii ; parmi ces personnages, le second et le cinquième des prætorii et lé septième des quæstorii seraient, d’après lui, patriciens et tous les autres plébéiens. Par malheur, la vérité des conclusions est en sens inverse de leur précision. Il est évident qu’un conseil de cette sorte n’avait pas besoin d’être exclusivement composé de sénateurs et qu’en présence du nombre de ses membres il ne pouvait l’être que difficilement. Parmi les identifications proposées par Willems, — on sait quelles difficultés l’homonymie romaine crée en pareille matière, — celles qui sont relativement les plus sûres sont celles du premier nom, Q. Cæc(ilius) Q. f. avec un des consulaires de 631 ou de 656 et celle du huitième, C. Cœlius C. f. avec le tribun de 647, consul en 660 ; cela conduit à peu prés à la même époque que la répétition signalée par moi de deux des noms de ce titre dans un sénatus-consulte de 626. Mais sa fixation au lustre, indiqué plus haut est purement arbitraire. Encore plus arbitraire est la démarcation des classes de magistratures, même en faisant abstraction de ce que Willems, en vertu de sa théorie fausse, considère les ex-magistrats inférieurs comme formant dés cette époque des catégories sénatoriales. En réalité, la position hiérarchique ne peut être déterminée avec une sûreté approximative pour aucun des personnages, en dehors peut-être du premier nom. L’arbitraire augmente encore chez Willems pour la distinction des ordres. Sont nécessairement patriciens d’après leurs noms le septième L. Julius Sex. f., pour lequel Willems l’admet également, et le dix-neuvième Q. Claudius Ap. f., qu’en dépit du prénom paternel il transforme de force en plébéien et en tribunicius. Les deux Cornelii, le quatrième personnage, C. Cornelius M. f. ; et le trentième, L. Cornelius M. f., peuvent être patriciens ; mais ils peuvent tout aussi bien et même mieux être plébéiens. Construire des raisonnements sur eux comme si leur patriciat était avéré, c’est de la fantaisie pure. Il est parfaitement possible que l’ancienne priorité des patriciens n’existe plus au vile siècle, mais la liste peut facilement être mise d’accord avec elle en admettant que les six premiers noms appartiennent à des consulaires ou prætorii plébéiens, le septième à un ædilicius patricien et les suivants partie à des sénateurs sans droit de proposition, partie à des jeunes gens de distinction n’appartenant point au sénat. Il n’y à pire manque de précision que celui qui consiste à tirer des données précises de matériaux qui ne le sont pas, et l’indigence de nos connaissances apparaît encore plus misérable aux personnes compétentes une fois rassemblée dans de pareils tableaux. — [La préséance appartenant dans le sein de chaque classe aux patriciens est aujourd’hui attestée comme subsistant en l’an 729, par le sénatus-consulte de Mytilène en date de cette année où L. Æmilius Paulus, consul en 720, est pour cette raison placé avant C. Asinius Pollio, consul en 116. Cf. Sitzungsberichte de Berlin, 1889, p. 967, note 1.]
[15] [Cf. la note précédente, in fine].
[16] Lors du complément du agnat de 538, les magistrats curules nommés depuis le dernier cens sont inscrits sur la liste, ut quisque eorum (effacer senatus) primus creatus erat (Tite-Live, 23, 23, 5). On ne peut conclure de ce que cela a lieu recitato vetere senatu que le pedarius inscrit sur l’ancienne liste fut mis sur la nouvelle avant l’ædilicius qui y était ajouté ; le pedarius n’avait pas le droit de proposition, et il n’était porté sur la liste qu’il titre complémentaire ; et Ulpien, Digeste, 50, 3, 1.
[17] Les annales font souvent, dans les descriptions de l’époque ancienne de la République, des patriciens qui n’ont pas été magistrats parler dans le sénat (Martius Coriolanus : Tite-Live, 2, 34, 9 ; Ap. Claudius, minimus natu ex patrum concilio : Tite-Live, 4, 48, 5).
[18] Zonaras, 7, 19. C’est confirmé par la tradition des annales, relativement soigneuse dans la citation de ces principes (tableaux : R. F. 1, 92 et ss. ; Willems, 4, 112 et ss.)
[19] Le premier Scipion l’Africain s’est choisi lui-même pour prince du sénat en qualité de censeur de 555, et cela s’est par la suite souvent reproduit. Il n’y a pas d’exemple certain d’un princeps senatus, qui n’ait auparavant revêtu la questure. Le témoignage de Diodore, 34-5, 33, rapporté par Willems, 1, 113, à P. Scipio Nasica Serapio, consul en 616, est confus et se trouve réfuté par le fait que ce personnage n’est point parvenu à la censure. P. Cornelius Lentulus, consul en 592, prince du sénat en 633 (Cicéron, Phil. 8, 4, 14 ; Drumann, 2, 529), s’est évidemment nommé lui-même à ce rang, comme c’était l’usage, en occupant la censure en cette année, et il doit être mis sur la liste des censeurs du 61e lustre à la place de L. Piso, consul en62t, qui doit plutôt avoir occupé la censure en 646 ; car ce n’est qu’en vertu de la métaphore mal comprise de Val. Max. 6, 1, 5 : Censuræ gravitas, que l’on considère comme ayant été censeur le consul de 638, Q. Fabius Eburnus, qui y figure actuellement.
[20] Tite-Live, Ép. 83.
[21] C’est évident, quoique je l’aie méconnu antérieurement.
[22] Cf. tome V, la théorie du Droit du prince d’agir avec le sénat, sur l’empereur, princeps senatus. Auguste dit lui-même qu’il était en tète de la liste. Mais les titres réfutent l’assertion de Dion selon laquelle il se serait fait appeler princeps senatus. [On voit au contraire reparaître beaucoup plus tard le titre donné à l’un des membres du sénat en droit de voter de chef du sénat ou premier du sénat, caput senatus ou prior senatus ; v. le nom de caput senati donné à Festus, consul en 472, dans l’anonyme de Valesius, 53, et dans la biographie du pape Symmaque, c. 5 ; à Symmaque, consul en 522, par le premier, c. 92 ; celle de primus senator donnée dans l’empire d’Orient par le même, c. 41, à Basiliscus. Cassiodore appelle Festus senatus prior, 1, 15 et parle ailleurs, 9, 21, de primus ordinis ; cf. encore Procope, B. Goth., 3, 13. Cette institution, qui ne parait pas encore connue à la fin du IVe siècle, fut probablement créée lorsque le siège du gouvernement fut transféré hors de Rome, afin d’augmenter le rôle administratif du sénat à côté duquel restait d’ailleurs cependant le præfectus urbi. Le chef du sénat, qui est sans doute toujours patricien, n’est pas précisément le plus ancien ni le premier en rang des membres de la première classe ; car, Symmaque, consul en 522, ne peut avoir été celui des patriciens qui avait le plus anciennement occupé le consulat à aucune époque de sa vie, ni à plus forte raison lorsque fut écrite la lettre de Cassiodore, Var. 4, 6, dans laquelle il est déjà salué comme chef du sénat ; et il est par conséquent probablement nommé par le roi (cf. Var. 1, 14 : Senatus prior esse meruisti) et selon toute apparence, sans limitation de temps, de sorte qu’il restait ou du moins pouvait rester en fonctions toute sa vie. Il semble avoir eu une compétence administrative étendue. On ne peut dire comment sa situation se concilie avec la première place au sénat encore attribuée à cette époque au præfectus urbi. V. Neues Archiv, 1889, p. 487 et ss.]
[23] Cela se trouve posé en principe général dans le statut municipal de la colonie de César Genetiva, c. 124 : Si quis decurio... decurionem... h(ac) l(ege) de indignitate... condemnarit,... si volet in ejus locum qui condemnatus erit sententiam dicere, ex h. l. liceto... ejusque is locus in decurionibus sententiæ dicendæ rogandæ h. l. esto. Application à un tribunicius placé parmi les consulaires par la condamnation de M. Cotta, consul en 680, dans Dion, 36, 40, et en général à la prætoria sententia dans Cicéron, Pro Balbo, 25, 51 (v. tome II, la théorie dos Honneurs attachés à la magistrature fictive, sur l’introduction des ornamenta chez les sénateurs). Des dispositions analogues existent relativement à la tribu et au droit de cité.
[24] V. tome I, la théorie de la Collégialité, sur le roulement depuis son rétablissement par César.
[25] L’analogie du décurionat est dans ce sens. Papinien, Digeste, 50, 2, 6, 5 : Privilegiis ceteris cessantibus eorum causa potior habetur in sententiis ferendis, qui pluribus eodem tempore suffragiis jure decurionis (c’est-à-dire, comme montre le mot collegium qui suit, par l’élection aux magistratures) decorati sunt. Sed et qui plures liberos habet (v. la note qui précède), in suo collegio primum sententiam rogatur ceterosque honoris ordine præcellit.
[26] V. tome II, la théorie des Honneurs attachés à la magistrature fictive, aux sections de l’introduction des ornamenta chez les sénateurs et de la détermination de la classe sénatoriale par les ornamenta.
[27] V. tome V, la théorie de la Nomination des sénateurs sous le Principat, sur l’adlection des non sénateurs et sur la classe hiérarchique des adlecti.
[28] Vita Pertinacis, 6 : Cum Commodus adlectionibus innumeris prætorios (Mss. : prætorias) miscuisset, senatus consultum Pertinax fecit jussitque eos, qui præturas non gessissent, sed adlectione accepissent, post eos esse qui vere prætores fuissent : sed hinc quoque grande odium multorum sibi commovit. Dans l’album des décurions de Canusium de 223 les allecti inter quinq(uennalicios) sont énumérés, en vertu de la même règle, après les quinquennalicii.
[29] Willems, 1, 243 et ss., a réuni et commenté les listes de sénateurs qui nous sont parvenues et qui reproduisent probablement toutes l’ordre de la liste générale ; on y joindra le consilium consulaire, de l’affaire d’Oropos de 681 de Rome (Hermes, 20, 278. 281 et ss.) En laissant de côté le cas discuté, note 14, elles ne font, autant qu’on peut voir, que confirmer ce que l’on sait en dehors d’elles sur l’ordre de la liste.
[30] Ce que Mécène, dans Dion, 52, 32, conseille pour la procédure criminelle devant le sénat, au cas où l’accusé appartient aux classes supérieures du sénat, c’est-à-dire de ne pas faire participer au jugement du procès les classes au-dessous de la sienne, n’a aucune application à l’époque d’Auguste, car on voit un prætorius voter dans le procès du consulaire Piso (Tacite, Ann. 2, 32), et il n’y a peut-être la que l’expression d’un idéal politique correspondant à l’exclusion des chevaliers dans la procédure criminelle impériale postérieure pour les débats relatifs a des sénateurs (cf. tome V, la théorie du Conseil impérial).
[31] V. tome II, la théorie de la Désignation, sur les droits des magistrats désignés. Cicéron, appelé à voter après les deux consuls désignés dit (Ad Q. fr. 2, 1, 2) : Racilius de privatis me primum sententiam rogavit ; il les compte donc parmi les magistrats.
[32] Aulu-Gelle, 4, 10, 2. Appien, B. c. 2, 5. Cicéron, Phil. 5, 13, 35. Tacite, Ann. 3, 212. Des témoignages particuliers relatifs aux consuls désignés se rencontrent en grand nombre : Cicéron, De har. resp. 7, 11. Phil. 6, 3, 8. Ad Att. 4, 2, 4. Cælius, Ad fam. 8, 4, 4. Salluste, Cat. 50. Tacite, Ann. 1, 14. 3, 49. 11, 5. 12, 9. 14, 48. Hist. 4, 4. 9. Pline, Ép. 2, 11, 5. 19. Ép. 12, 2. 4, 9, 16. 5, 13, 4. 9, 13, 13. Il en est de même pour les préteurs désignés, montre l’exemple de César dans les débats sur la conjuration de Catilina ; il parle en qualité de préteur désigné, prætorio loco (Cicéron, Ad Att. 12, 21, 1) et avant les autres préteurs (Drumann, 5, 525, où l’erreur d’Appien, 2, 5, qui fait parler avant lui le prætorius Nero, est corrigée). — Pour les édiles, les témoignages manquent. — La preuve que le tribun désigné vote avec les tribuniciens et avant eux se trouve dans Cicéron, Phil. 13, 12, 26, et Velleius, 2, 35. — Le questeur désigné ne siège pas au sénat.
[33] La fixation de l’époque des élections en juillet date peut-être seulement de Sulla ; auparavant les élections semblent avoir lieu en automne (v. tome II, la théorie de la Désignation, sur les dates de désignation). On ne peut pas, comme le pense Willems, 2, 181, tirer une date de la mention oratoire du mos majorum, note 1 ; il n’y a là qu’une allusion détournée au novus mos dans le sens de Varron.
[34] Suivant Aulu-Gelle (note 32), qui écrit sous Marc-Aurèle, la priorité des consuls désignés existait ante legem, quæ nunc de senatu habendo observatur. Le biographe de Didius Julianus mentionne encore au reste cette priorité de vote pour son élection comme empereur (c. 7).
[35] Dans la délibération du sénat sur le sort des Campaniens en 544 (Tite-Live, 26, 33), on renonce à rappeler à Rome le consul qui est devant Capoue, parce qu’un nombre suffisant d’officiers ayant pris part au siège sont présents, et ensuite on donne la parole à celui d’entre eux qui était le plus considéré M. Atilius Regulus, préteur en 541 ; la parole ne lui appartenait évidemment pas à cette place d’après le schéma hiérarchique. De même, si dans Tite-Live, 3, 40, 8, un des consulaires est reculé consulto ad ultimum dicendi locum, et si ailleurs le président donne d’abord la parole à l’un des sénateurs pour des motifs personnels ou matériels (Tite-Live, 5, 20, 4. 9, 8, 3 ; Denys, II, 16, 56. 58 ; cf. 6, 19) en particulier s’il a aussi égard à l’âge, de la considération duquel il n’y a aucun vestige dans l’interrogation des sénateurs, cela doit être rattaché à ce que les annalistes n’admettaient pas pour cette époque un ordre fixe d’interrogation et y plaçaient par suite des enjolivements arbitraires.
[36] V. tome IV, la théorie de la Censure sur la confection de la liste du sénat.
[37] On ne s’est jamais écarté de l’ordre des classes. Si Tacite, Ann. 2, 32, signale la proposition du prétorien Cotta Messallinus avant celles du consul désigné et des consulaires, c’est qu’il n’observe pas là l’ordre dans lequel elles ont été émises. Si, dans le même, 2, 33, un prætorius vote sur la proposition d’un consulaire, c’est que cette proposition a été, dans une interrogation précédente des sénateurs, faite loco sententiæ et qu’elle est ensuite reprise par les consuls et soumise par eus à l’interrogation.
[38] Varron, dans Aulu-Gelle, 14, 7, 9 : Singulos autem debere consuli gradatim incipique a consulari gradu. Ex quo gradu semper quidem antea primum rogari solitum, qui princeps in senatum lectus esset ; tum autem, cum hæc scriberet, novum morem institutum refert per ambitionem gratiamque, ut is primus rogaretur, quem rogare vellet, qui haberet senatum, dum is tamen ex gradu consulari esset. Le cas de ce genre le plus ancien que nous connaissions est de l’an 693, où le consul M. Piso interrogea avant les autres consulaires son parent L. Piso, (consul en 687), puis les consulaires Cicéron (694), Catulus(676), Hortensius (685), (Cicéron, Ad Att. 1, 13, 2). César, en qualité de consul de 695, interrogea seulement quatre consulaires hors de leur tour (Aulu-Gelle, 4, 10, 5). Autres cas dans Cicéron, Cum sen. gr. eg. 7, 17. In Pis. 5, 11. Ad Att. 10, 8, 3. Sous Tibère, son fils Drusus est interrogé tantôt le premier tantôt après d’autres (Dion, 57, 7). Gains revint, pour être désagréable à un consulaire qui était ordinairement interrogé le premier, à l’ordre d’ancienneté (Dion, 59, 8). Sous son règne, Claude fut constamment interrogé après tous les autres consulaires (Suétone, Claud. 9). Le règlement de Gains ne s’est certainement pas maintenu. Dans les votes divers, rapportés à de nombreuses reprises par Tacite (Ann. 2, 32. 3, 17. 34. 68. 4, 20. Hist. 4, 4 et ss.), l’ordre n’est pas toujours observé (note 37) ; entant qu’il peut s’y reconnaître, c’est en général l’ancienneté qui est prise pour base. L. Piso, Ann. 3, 68, qui est interrogé avant les consulaires de 740 et de 763, est certainement le consul de 739 et non celui de 753.
[39] Dion, 59, 8.
[40] Cela n’est jamais dit expressément, mais ne peut avoir manqué.
[41] Suétone, Cæs. 21, fait allusion à la consuetudo, ut quem ordinem interrogandi sententias consul k. Jan. tenuisset, eum toto anno conservaret.
[42] César y dérogea, en 695, après que Pompée fut devenu son gendre, et il se justifia à ce sujet devant le sénat assemblé (Aulu-Gelle, 4, 10, 5. 6 ; Suétone, loc. cit.).
[43] Suétone, Aug. 25 : Sententias de majore negotio non more atque ordine sed prout libuisset perrogabat, ut perinde quisque animum intenderet ac si censendum magis quam adsentiendum esset. Il ne se soumettait donc même pas à l’ordre des classes.
[44] Dans les nombreux sénatus-consultes qui sont insérés dans les biographies des empereurs du IIIe siècle, le premier vote est émis communément par un consularis prima sententiæ (ainsi Trig. tyr. 21, et Vita Taciti, 4 ; Vita Aur. 41 ; Vita Probi, 12 ; Vita Aur. 19 ; Vita Max. et Balb. 1), pour désigner lequel princeps senatus n’est qu’un synonyme (Vita Taciti, 3). Valérien est appelé dans ces documents princeps senatus avant son élévation au trône (Vita Gord. 9 ; cf. Trig. tyr. 12) ; mais il cesse de l’être lorsqu’il quitte Rome (Vita Valer. 5) et son successeur est appelé consularis primæ sententiæ (Trig. tyr. 21). Les autres témoignages de l’époque récente sont dans le même sens. Lactance, Inst. 1, 10, 8. Symmaque le père, cos. suff. 376, pimus in senatu sententiam rogari solitus (C. I. L. VI, 1698). Au temps de Cassiodore (Var. 6, 4) le préfet de la ville est interrogé le premier. — L’acte d’Hadrien (cos. 108. 118. 19) qui donna à Servianus (cos. II. 102) un troisième consulat (pour 134), nec secum tamen, cum ille bis [ante] Hadrianum fuisset, ne esset secundæ sententiæ (Vita Hadr. 8) ne peut se rapporter à l’ordre de vote ; car, si Servianus avait dû subir un recul et que son troisième consulat fût entré en jeu, ce n’est pas seulement avec Hadrien qu’il n’eût pas voté, mais il n’eût pas voté du tout. Le sens doit être qu’Hadrien ne le prit pas pour collègue pour 118 ou 119 parce qu’alors il eût occupé le second rang, et la seconda sententia doit se rapporter à la relatio faite en commun par les deux consuls.
[45] Dion, 43, 14.
[46] Dion, 57, 7. Tacite, Ann. 1, 74, montre que le prince votait en général en premier ou en dernier lieu ; un exemple de la première procédure dans Dion, 57, 24.
[47] Il serait vraiment à souhaiter qu’on écarte la traduction fausse de sententia par voix, qui trouve assurément son excuse dans le langage du temps de l’Empire ; elle obscurcit toute l’institution.
[48] Cicéron, Verr. act. 1, 15, 44. Cat. 1, 4, 9. Ad Att., 1, 13, 2. Ad Q. fr. 2,1, 1. Salluste, Cat. 49. Tite-Live, 3, 39, 2. Pline, H. n. 7, 48, 156 (pour les mots in senatum vocari de sa source, Val. Max. 8, 13, 4). Statut municipal de Genetiva, c. 124 : Locus... sententiæ dicendæ rogandæ. Plus rarement interrogare : Tite-Live, 22, 60, 5. 26, 13, 3, e. 33, 6. 30, 23, 1. 36, 7, 1. Velleius, 2, 35. L’acte de sententiam rogare est avec celui de consulere dans le même rapport que l’interrogation avec la relation ; la relation est liée à l’exposé ou le précède ; l’interrogation le suit.
[49] Pour sententiam dicere, il suffit de rappeler la formule de convocation des senatores quibusque in senatu sententiam dicere licet. Cicéron emploie comme synonyme sententiam ferre, Verr. 1. 2, 31, 76, sans doute par mégarde ; car cette dernière expression désigne le vote secret et n’est pas applicable à la phase des motions. Sententiam pedibus ferre est à sa place dans Aulu-Gelle 3, 18, 2.
[50] Cicéron, Phil. 14, 12, 31. Tite-Live, 3, 40, 11. 9, 8, 1 et de nombreux exemples.
[51] La proposition de résolution du sénateur (sententiam dicere), son vote (censere) et la résolution totale (decernere) sont naturellement aussi fréquemment confondus que visés dans leur fonction propre, qui n’en est pas pour cela moins sûrement reconnaissable.
[52] Cicéron, In Pis. 15, 35 ; De domo, 5, 10 ; Pro Balbo, 27, 61 ; Phil., 4, in fine. En parlant du référant, Cicéron, Cum pop. grat. eq. 6, 15 ; Val. Max. 7, 6, 1. Puisqu’au sens rigoureux tout adhérent est en même temps auteur de la motion, auctor peut, tout comme princeps, dont le sens s’est de bonne heure affaibli, être dit de tout sénateur qui se prononce pour une proposition.
[53] Tacite, Ann. 2, 32, rapporte les diverses propositions et ajoute : Quorum auctoritates adulationesque reituli, ut sciretur velus id in re publica malum. Auctoritates principum conjurationis colligere signifie également, dans Cicéron, Pro Sulla, 13, 37, nommer les hommes qui s’étaient déclarés prêts à adhérer aux plans de Catilina.
[54] V. tome V, la théorie du Droit du prince d’agir avec le sénat, sur les résolutions prises auctore principe. La formule ex auctoritate imperatoris, où la préposition indique expressément l’idée d’ordre, est sans doute employée lorsque l’empereur est nommé comme autorité suprême (C. I. L. VI, 1238-1241. X, 1018. 6422, etc.), mais elle ne l’est pas facilement pour le sénat ; cf. l’inscription C. I. L. VI, 4416.
[55] Dion, 79, 1 ; 39, 28. Tite-Live, 22, 60, 2.
[56] Denys, 6, 57. Tite-Live, 1, 32, 11. 9, 8, 2. Cicéron, Verr. 4, 64, 142, oppose clairement le système syracusain, ut dicat sententiam qui velit : nominatim nemo rogatur au système romain. Il mentionne le die M. Tulli et ses conséquences possibles, Ad Att. 7, 1, 4. Ép. 3, 5. Ép. 7, 7. 9, 5, 2.
[57] Rejicere désigne la mise hors des délibérations sans solution définitive d’une relation quelconque, par conséquent son retrait de l’ordre du jour pour revenir postérieurement en délibération devant la même assemblée. (Cicéron, Ad fam. 1, 4, 1 ; Pro Planc. 13, 33 ; Tite-Live, 2, 22, 5) ; le renvoi provisoire à une commission ou ce qui revient au même (du sénat aux pontifes : Cicéron, De har. resp. 7, 14 ; Tite-Live, 26, 34, 12. 41, 16, 2) ; le renvoi à une autre autorité compétente pour statuer (du sénat aux comices : Tite-Live, 2, 27, 5. 5, 36,10 ; du magistrat aux comices : Tite-Live, 3, 36, 6 ; du magistrat au sénat : Tite-Live, 3, 13, 7. 5, 20, 9. c. 22, 1. 26, 15, 2. c. 16, 4 ; de même remittere de l’empereur au sénat : Tacite, Ann. 3, 10). Quand on ajoute integram rem (Tite-Live, 26, 16, 4 ; Tacite, Ann. 3, 10), cela signifie que cet acte ne doit pas préjuger la décision, de même qu’integram rem referre désigne la répétition de la délibération. Il n’est pas rare que la remise soit accompagnée de la résolution d’aborder immédiatement la délibération de la question au jour fixé (Cælius, Ad fam. 8, 8, 5).
[58] Cælius, Ad fam. 8, 8, 5, Ad Att. 1, 15, 5, Ad. Q. fr. 2, 10 [12], 3. Tacite, Ann. 1, 79. Denys, 11, 15. Tite-Live, 3, 40, 5. Tite-Live a mal entendu cela, montre la suite de son récit : il a compris que les votants déclaraient par là l’assemblée incompétente attendu que les décemvirs qui y jouaient le rôle de présidents auraient été des privati, tandis que, par la proposition de faire entrer l’interrègne en exercice, leur qualité de magistrats supérieurs aurait été reconnue (en même temps qu’on aurait, déclaré l’interrègne !). Les choses sont là fortement faussées ; mais le sens est parfaitement clair, et il n’y a pas lieu à correction.
[59] Adsentiri se trouve dans Cicéron, Ad fam. 1, 1, 3. 8, 11, 2. Ad Q. fr. 5, 1, 2. Ép. 13 [15a], 5. Phil. 1, 6, 14, etc. ; adsentire est plus rare (Cicéron, Ad fam. 5, 2, 9). Adhésion avec additions : Cicéron, Ad Q. fr. 2. 7 [9], 3. Sénèque, De vita beata, 3, 2. Pline, Ép. 4, 9, 20.
[60] Tite-Live, 28, 45, 5. Tacite, Ann. 11, 4.
[61] Denys, 7, 39. De même c. 47. Exemples dans Tite-Live, 26, 53, 14. 30, 40, 12. 42, 21, 5. Pline, H. n. 7, 34, 120. Tacite, Ann. 1, 74. 4, 21. 31.
[62] La formule de l’assentiment pur et simple résulte de la conclusion de la 7e philippique de Cicéron et d’Ad Att., 7. 3, 5. Ép. 7, 7. Cela s’appelle sedentem adsentiri (Cicéron, Fam. 5, 2, 9) ou verbo adsentiri (Salluste, Cat. 52. Tite-Live, 3, 40, 6. 27, 34, 7). C’est là la sedentaria adsentiendi necessitas de Pline, Panég. 76.
[63] Voir le reproche de Caracalla au sénat (Dion, 17, 20). Pratiquement l’interrogation des sénateurs se résout, dans les sénatus-consultes des biographies impériales, en une seconde acclamation. En règle, la première acclamation y est suivie de la sententia de celui qui vote le premier (ainsi Vita Maximini, 26 ; de même Vita Taciti, 5 ; Vita Probi, 12, aussi sans doute Vita Commodi, 20) et ensuite du cri : omnes, omnes (Vita Taciti, 7 ; Vita Probi, 12). Dans la vie de Valérien, c. 5, le président pose la question au sénateur qui doit voter le premier, mais, au lieu que celui-ci réponde, omnes una voce dixerunt interrupto more sententiæ dicendæ... que cum essent sæpius dicta, addiderunt omnes atque ita discessum est.
[64] La meilleure preuve en est dans les sententiæ motivées de Cicéron, qui forment la neuvième, la dixième, la onzième et la quatorzième philippiques. Il dit, par exemple, 10, 11, 215 : Quod C. Pansa cos. verba fecit (suit la citation), de ea re ita censeo : cum Q. Capionis... opera... Macedonia et Illyricum... in consulum... potestate sint, id Q. Cæpionem... bene... fecisse. C’est là le sénatus-consulte lui-même, pour peu qu’on substitue censuerunt à censeo.
[65] Cicéron, Phil. 3, 8, 20, Ad fam. 10, 13, 1, Ad Att. 4, 3, 3, Pro Sest. 61, 129. Un sénateur se plaint du collègue qui lui a rédigé sa motion et qui vote ensuite en sens contraire (Pline, Ép. 2, 11, 22).
[66] Lorsque Tite-Live, 1, 32, dit : Quando pars major eorum qui aderant in eandem sententiam ibat, bellum erat consensum, il n’a peut-être fait que s’exprimer d’une manière ambiguë ou rassembler l’interrogation des sénateurs et le vote. L’interrogation peut faire constater en fait la majorité, mais, pour sa constatation légale, il faut l’acte d’in sententiam ire, la discessio. Mais il se peut aussi que la discessio ait été supprimée dans la patrum auctoritas, que Tite-Live exemplifie là, depuis son anéantissement pratique, puisque cette interrogation n’y provoquait plus jamais de dissensus ; à la vérité, tant qu’on a dit considérer le dissensus comme possible, on n’a pu même là se dispenser de procéder an vote. Sans aucun doute, l’interrogation et le vote sont confondus dans Denys, 11, 21, où le décemvir constate la majorité après l’interrogation et on les sénateurs adverses demandent en vain un nouveau vote, parce que beaucoup de membres ont changé d’opinion. La version de Tite-Live, 3, 39 et ss., est moins incorrecte.
[67] D’où videbantur adsensi dans Pline, Ép. 2, 11, 21. Tacite, Hist. 4, 4. Le biographe d’Aurélien, 19. 20, écrit d’après des réminiscences littéraires (sans doute en première ligne d’après le récit de Tite-Live, 27, 34, 7) et confond la procédure d’expression des opinions avec le vote.
[68] Velleius, 2, 35 : (Caton) tribunus plebis designatus... pæne inter ultimes interrogatus sententiam. Un autre exemple est l’amendement adopté en 694 sur la proposition du jeune P. Servilius Isauricus, préteur en 700 (Cicéron, Ad Att. 1, 19, 9).
[69] Cicéron, Phil. 5, 2, 5, dit relativement à ses adversaires du sénat : Utinam omnes ante me sententiam rogarentur,.. facilius contra dicerem. Si dans la séance décisive du 5 décembre, César avait parlé après Caton, la décision prise eût peut-être été différente.
[70] Cela se manifeste de la manière la plus nette chez Tacite, Ann. 3, 65, et chez Frontin, De aqu. 99. Le premier texte dit positivement que le droit de prendre la parole (exsurgere) ne fait pas défaut au pedarius de cette époque. Le consulaire Cicéron parle de même, Ad Att. 1, 19, 9, d’un senatus consultum summa pedariorum voluntate, nullius nostrum auctoritate factum et Ép. 20, 4 : Raptim in eam sententiam pedarii cucurrerunt, et Laberius (chez Aulu-Gelle, 3, 18, 9) : Caput sine lingua pedani sententiast. C’est probablement cette acception récente à laquelle pensent aussi Gavius Bassus (note 4) et les non pauci blâmés par Aulu-Gelle, 3, 10, 1. Il en est de même de Lucillius dans Festus, p. 210, d’autant que le satirique a plus d’occasions de s’occuper du sénateur qui a le droit de parler et qui n’en use pas que de, celui qui n’en a pas le droit. S’il faut changer agipes, il n’y a pas d’objection matérielle contre la conjecture d’O. Hirschfeld, Hermes, 8, 468 : Gai, pes vocem mittere cœpit, mais pourquoi Lucilius n’aurait-il pas, par une corrélation plaisante avec sonipes, transposé celui qui pedibus it en personnage qui pede agit ? On ne peut s’étonner que le mot soit déjà pris en mauvaise part dans un écrivain antérieur à Sulla : les catégories des sénateurs qui ne pouvaient parler au sénat et de ceux qui pouvaient le faire, mais ne le faisaient pas, ont toujours été pratiquement confondues l’une avec l’autre et traitées toutes deux avec un égal dédain. [Dans le sénat postérieur à Dioclétien et Constantin, le jus sententiæ est de nouveau restreint en droit à une catégorie de sénateurs, à celle des illustres (Ulpien, Digeste, 1, 9, 12, 2), qui, suivant un ordre hiérarchique nettement défini par Justinien, Nov. 62, mais dont les grands traits se reconnaissent déjà dans des constitutions de Gratien, C. Th. 6, 6, 1, et de Valentinien III, Nov. 11, se distinguent en trois classes : les patricii, les ex-consuls, et les autres personnes arrivées à une magistrature de la première classe, qu’elles l’aient occupée effectivement ou seulement reçue à titre honoraire. On ne connaît pas la date de cette réforme ; mais elle peut remonter à l’un ou l’autre des deus empereurs. Elle fat probablement opérée en enlevant le droit de vote aux deux dernières des anciennes classes hiérarchiques du sénat, de telle sorte que le sénat put désormais être considéré comme constitué par la classe des consulaires, dont le nom est employé par métonymie pour désigner en général les sénateurs en droit de voter : Cassiodore, Var. 6, 4, au préfet de la ville : Consides supra omnes scilicet consulares ; 5, 22, sur le rector decuriarum : Introducat vestræ curiæ consulares. Cf. Neues Archiv, 14, 1888, p. 487 et s.]
[71] Tite-Live, 29, 19, 10. Denys, 11, 21. Tous les sénateurs étant encore pour lui patriciens sous la République, ils sont aussi logiquement tous interrogés. Tacite, Hist. 4, 9. Suétone, Aug. 35. Vita Comm. 19.
[72] Il est impossible que le président ait pu, comme le pense Willems, 1, 194, terminer l’interrogation à un moment quelconque.
[73] Varron, dans Aulu-Gelle, 14, 7, 9. Aulu-Gelle, 3, 18, 2. Suétone, Tib. 31. Puisqu’il n’y avait pas d’interrogation préalable, l’opinion de l’empereur ne venait à la connaissance des sénateurs qu’au moment du vote. Des exemples sont donnés par Dion, 41, 2 et par Cicéron, Phil. 1, 1, 3. En ce sens, la participation aux fonctions de sénateurs sans participation aux débats peut être désignée alternativement par les mots : Aut verbo adsentiri aut pedibus in sententiam ire (Tite-Live, 27, 34, 7) puisque le premier acte disparaît dans la procédure abrégée.
[74] Cette dénomination se rencontre déjà dans Varron (note 73) et dans Cicéron (note 78) et elle est conforme à la règle générale du langage technique romain de désigner les catégories inférieures par le caractère qui leur est commun avec les supérieures. Mais le sénatus-consulte accompagné d’une interrogation complète des sénateurs ne peut pas être appelé senatus consultum per relationem ; car la relatio est nécessaire dans la procédure abrégée elle-même, et cette dénomination n’est an effet pas attestée. Si dans la loi d’institution de Vespasien, il lui est permis de senatus consulta per relationem discessionemque facere, la conjonction prouve qu’il ne s’agit pas de distinguer deux espèces de sénatus-consultes, mais de relever les deux traits essentiels de tous les sénatus-consultes. Dans Aulu-Gelle, 14, 7, 12 : Quod ait (Varro) senatus consultum duobus modis fieri solere conquisitis sententiis aut per discessionem, parum convenire videtur cum eo, quod Ateius Capito... Tuberonem dicere ait nullum senatus consultum fieri posse non discessione facta, quia in omnibus senatus consultis, etiam in iis quæ per lationem (les Mss. sic ou elationem) fierent, discessio esset necessaria, idque ipse Capito verum esse adfirmat, on a pris l’habitude de substituer per relationem au texte corrompu qui nous a été transmis. Si Aulu-Gelle avait écrit cela, il aurait commis un contresens ; peut-être a-t-il écrit perlatione, qui, de sa part, serait tolérable, ou, comme le voudrait le droit, perrogatione.
[75] Dans la procédure abrégée, le sententias dicere n’est pas seulement restreint par exemple au sénateur qui vote le premier, mais absolument supprimé ; cela résulte surtout nécessairement de ce que, dans le sénatus-consulte de 138, à l’époque duquel on signalait les diverses sententim exprimées dans le sénat et qui se désigne lui-même comme s. c. per discessionum factum, il n’y a aucune sententia de citée et la discessio se lie évidemment directement au verba facere. Ce n’est aussi qu’à cette condition que la distinction des deux modes de vote s’exprime avec une véritable vigueur.
[76] Varron : Si consentiretur. Le vote contraire et même le rejet de la proposition ne sont pas exclus par cette forme de vote.
[77] Festus, p. 170 : Numera senatum [vel divide vel consule] (ces mots manquent dans le texte) ait quivis senator consuli, cum impedimento vult esse quo minus faciat senatus consultum postulatque, ut aut res quæ adferuntur (mieux referuntur) dividantur, aut singuli consulantur, aut, si tot non sint senatores, quo numero liceat perscribi (Ms. : præscribi) senatus consultum. Cicéron, Ad Att. 5, 4, 2 : Curandus (un membre quelconque du sénat, qui peut mettre des obstacles à un sénatus-consulte désiré par Cicéron) hactenus, ne quid ad senatum consule aut numera. Vita XXX tyr. 21 : Consularis primæ sententiæ... ait : Consul, consule : cumque consultus esset, etc.
[78] Cicéron, Phil. 3, 9, 24 : Fugere festinans senatus consultum de supplicatione per discessionem fecit, cum id factum esset antea numquam. Tibère, dans Tacite, Ann. 6, 12, blâme le sénat d’avoir pris sa résolution per discessionem dans une question concernant les livres sibyllins.
[79] Le décret de Gabies de 140 (C. I. L. XIV, 2795) finit par : Hoc decretum post tres relationes placuit in tabula ærea scribi et proponi in publico, unde de plano recte legi possit. On ne trouve ailleurs rien de semblable.
[80] L’avertissement adressé au sénateur de parler à son tour suffit à le prouver. Tite-Live, 3, 39, 2 (cf. c. 41, 1) : L. Valerium Politum proditum memoriæ est post relationem Ap. Claudii, priusquam ordine sententia, rogarentur, postulando, ut de re publica liceret dicere, prohibentibus... decemviris, etc. C’est pourquoi les acclamations du temps de l’Empire peuvent aussi avoir lieu après la relation. Parmi les témoignages de l’époque la plus récente, la séance du sénat relatée Vita Max. et Balb. 1. 2, se rapporte à cela : après que deux sénateurs ont été appelés, un troisième interrompt le discours du second rogato console ut sibi dicere et interfori liceret, l’interruption citée là étant à la vérité un acte sans exemple et probablement une invention.
[81] Suétone, Cæs. 14. Salluste, Cat. 50.
[82] Sinnius Capito dans le scoliaste de l’interrogatio de ære alieno Milonis, éd. Orelli, p. 342 : Tertia hæc est interrogandi species perlinens ad officium et consuetudinem senatoriam : quando enim aliquis sententiam loco suo jam dixerat et abus postes interrogatus quædam videbatur ita locutus, ut re futari posse justissime viderentur, postulabat ille qui jam sententiam dixerat, ut sibi liceret interrogare. Tel est le discours étudié par le scoliaste, qui, quoique tenu dans le sénat, s’adresse directement à Clodius, l’altercatio mentionnée Ad Att. 1, 16, 9. Elle se place en mai 693 : Cicéron parle lors de l’interrogation des sénateurs en qualité de consulaire, et Clodius lui répond en dehors de l’ordre d’interrogation comme questeur, puis Cicéron réplique (Drumann, 2, 215). Ce doit être de la même façon qu’une altercatio a pu avoir lieu entre Helvidius Priscus et Eprius Marcellus (Tacite, Hist. 4, 7).
[83] Un exemple est fourni par le vote sur la rentrée de Ptolémée. Il fut décidé a une grande majorité, sur la motion de Bibulus, qu’il n’y aurait pas de troupes romaines d’employées dans ce but : sur le point de savoir à qui serait confié le soin de le ramener, il fut déposé quatre motions sur lesquelles on passa ensuite au vote.
[84] Pline, Ép. 8, 14, 22 : Prima sententia comprobata ceteræ perimuntur.
[85] Ce principe fut appliqué lors de la relation commune du consul C. Marcellus et du tribun Curio en 701. Marcellus avait obtenu la majorité en faveur de sa proposition, selon laquelle César devait se retirer seul ; mais Curio posa ensuite au sénat la question de savoir si lui et Pompée ne devaient pas se retirer, et, cette proposition ayant aussi obtenu la majorité, le sénatus-consulte consulaire se trouva abrogé dans la même mesure.
[86] Lorsque les quatre motions qui s’excluaient, les trois faites sur la relation consulaire par Bibulus, Crassus et Hortensius et celle faite sur la relation tribunicienne, durent être soumises au vote, Lupus tr. pl., quod ipse de Pompeio rettulisset, intendere cœpit ante se oportere discessionem facere quam consules. C’était sans doute conforme au droit rigoureux, mais contraire à l’usage (oratio... iniqua et nova). La discussion sur l’ordre du jour se prolonge jusqu’à la fin de la séance.
[87] Pline, Ép. 8, 14, 6. Plaintes d’un vieux parlementaire sur l’admission abusive d’un amendement déposé peu avant la clôture des débats dans Cicéron, Ad Att. 1, 19, 9. Ép. 20, 4.
[88] Polybe, 33, 1, sur l’an 599. Cicéron, Ad Q. fr., 2, 7 [9], 3. Phil. 14, 7, 21. 8, 22. César, B. c. 1, 1. Pline, Ép. 4, 9, 21. Les consuls repoussent la motion comme hors de la question dans Tacite, Ann. 15, 22 ; mais ils peuvent aussi le faire sans donner de motifs, au moins sous la République.
[89] Cela s’appelle, pour les motions qui s’excluent réciproquement, prima, secundam, etc., sententiam pronuntiare. Cicéron, Ad fam. 1, 2, 2. Le même, 8, 13, 2. 10, 12, 3. Le président présente en général d’abord la motion qu’il souhaite de voir adopter. Par conséquent, c’est un symptôme de la liberté des délibérations sous la présidence impériale que vicit sententia non prima, sed melior (Pline, Panég. 76).
[90] La preuve en est dans le classement des scrutins sur la question de la rentrée du roi d’Égypte dans ses états ; les autres motions formulées sont soumises au vote, mais non celle de Servilius qui était opposée à cette rentrée.
[91] Le rejet d’un projet n’est jamais présenté comme une résolution. Si le sénatus-consulte de Thisbé porte : Τήν πόλιν τειχίσαι ούκ έδοξεν, cela est dit évidemment pour : Έδοξεν ού τειχίσαι τήν πόλιν.
[92] Festus, p. 170, v. Numera. Cicéron, Pro Mil. 6, 14. Asconius, ad h. l. p. 44. Scolie de Bobbio ad h. l. p. 281. Cicéron, Ad fam. 1, 2, 2. Sénèque, De vita beata, 3, 2. Ép. 21, 19. Pline, Ép. 8, 14, 15.