I. RELATION ET EXPOSITION. Il y a, à l’origine, pour désigner la communication soumise au sénat par le magistrat, deux expressions techniques différentes selon que le magistrat poursuit la ratification d’une résolution du peuple ou la délibération d’un décret de magistrat. Le premier acte s’appelle referre ad senatum et est corrélatif[1] à celui de ferre ad populum ; le second s’appelle senatum consulere[2], en grec συμβουλεύεσθαι τή συγκλήτω[3]. Symétriquement le premier aboutit à la patrum auctoritas[4], le second au senatus consultum, en grec δόγμα[5]. Les titres qui nous ont été conservés concordent tous en ce sens qu’ils appartiennent sans exception à la seconde catégorie et par suite emploient exclusivement la seconde dénomination : referre n’est jamais employé dans un titre romain pour la déposition d’un sénatus-consulte, et il n’est pas rigoureusement correct dans cette acception, si fréquemment qu’il soit employé déjà par Cicéron et ensuite par les écrivains postérieurs comme synonyme de consulere[6]. Mais la terminologie romaine n’a pour désigner cet acte d’autre expression que relatio, puisque consultatio ne se dit pas de l’interrogation du sénat, et, sous le Principat, relatio est devenu pour le sénatus-consulte une expression aussi technique que referre[7]. Le droit de soumettre une question au sénat se confond avec le droit de le convoquer, et il n’y a par conséquent besoin ici d’aucun développement sur les magistrats qui le possèdent. Mais c’est exclusivement un droit des magistrats. Selon les circonstances, le magistrat peut encourir une peine en omettant de faire une relatio ; mais il ne peut pas être forcé à la faire, par le sénat moins que par personne[8]. Le sénat peut tout au plus s’il désire délibérer sur une question déterminée et si le magistrat ne consent pas à la lui soumettre, repousser jusqu’à nouvel ordre toutes les autres propositions. On ne pouvait par conséquent refuser aux consuls au temps de l’Empire la faculté d’interroger l’empereur, quand cela leur semblait convenable, avant l’ouverture des débats, et de ne donner suite à la relatio que si l’empereur leur renvoyait la question pour y être soumise (relationem remittere)[9]. Mais, tout au moins dans la période récente de l’Empire, on parait être allé plus loin et, du moins dans certains cas, avoir fait un devoir pour le président de s’assurer préalablement de l’assentiment de l’Empereur[10]. Dans une séance, le droit de relation appartient, en dehors de celui ou de ceux qui ont convoqué le sénat, à tous les magistrats présents dont la puissance est supérieure à celle de l’auteur de la convocation. Par conséquent, sous la République, les tribuns du peuple sont libres de faire des relations dans toutes les séances convoquées par un consul ou un préteur[11] ; mais les préteurs ne le sont pas d’en faire dans celles convoquées par un consul. Cependant le consul pouvait peut-être le leur permettre, et Auguste les a sous ce rapport mis sur le même pied que les tribuns ; mais cette règle n’a pas subsisté[12]. — Sous le Principat, les matières soumises, à l’assemblée par l’empereur en personne doivent passer avant toutes les autres[13]. En outre, l’Empereur avait également le droit d’adresser au sénat des relations écrites qui étaient ensuite reprises par le président et faites par lui[14], et elles avaient aussi probablement, quoique avec limitation à un chiffre déterminé, la priorité sur les autres[15]. — Tout cela ne s’appliquait que lorsque les magistrats ne s’entendaient pas pour faire une relation commune. Entre collègues, la relation commune est, de même que la convocation commune, une chose fréquente[16] ; mais des magistrats inégaux ont aussi présenté des questions à l’interrogation des sénateurs de façon qu’il fallût passer au vote sur toutes en même temps[17]. La relation du magistrat délimite le domaine sur lequel les sénateurs sont invités à s’exprimer. Une résolution du sénat qui se trouve en dehors de ce domaine est nulle, au moins dans les institutions d’Auguste[18], tandis qu’au temps de la République le magistrat était peut-être libre de faire entrer dans la question posée un vote en dehors de la relatio. Nous verrons qu’il pouvait exclure du vote une motion quelconque, même rentrant dans la question. Des objets divers pouvaient être mis en délibération simultanément, soit par le même magistrat, soit par des magistrats différents[19] ; le président délimite à son gré le cercle des questions à traiter dans chaque délibération, et la division ne peut pas être demandée par un sénateur dans cette phase des débats[20]. Il est probable qu’on a fréquemment rassemblé ainsi un grand nombre de questions d’importance secondaire et ne comportant point de discussion afin d’abréger les délibérations, aucune différence essentielle ne pouvant d’ailleurs être faite selon que les questions soumises à l’assemblée l’avaient été ou non par la même personne. A la vérité, il faut toujours ajouter que la coutume, qui tenait lieu de règlement, apportait des bornes raisonnables à ce système de groupement et que cela permettait aux sénateurs de tenir compte, dans leurs propositions de résolution, de toutes les questions qui leur étaient soumises en même temps. La relation n’est pas la déposition d’un projet, ou tout au moins elle ne doit pas l’être. Cette idée ressort de la manière la plus nette dans le principe que Varron pose tin tête de son exposition de ce système : la relation peut être ou illimitée ou restreinte à des matières déterminées[21]. La relation illimitée, qui au sens textuel du mot s’anéantirait elle-même, désigne le débat général de re publica, sur les affaires publiques, qui était à sa place dans des circonstances particulièrement dangereuses[22] et qui probablement en outre avait lieu d’une manière constante, au commencement de chaque année, spécialement pour la mobilisation annuelle[23]. Dans ces séances générales, le cercle des débats était probablement tracé par la coutume ; dans les séances ordinaires, c’étaient des questions spéciales qui étaient mises en discussion. Mais, dans les unes et dans les autres, le rôle da magistrat devait légalement être passif ; il devait exclusivement indiquer la question à vider et ne pas proposer lui-même de solution. Selon l’expression romaine, il doit demander au sénat ce qui doit être fait, quid fieri placeat[24]. D’ailleurs il a le droit et le devoir de fournir aux sénateurs à ce sujet les informations nécessaires, d’autant plus qu’il n’y a pas d’ordre du jour qui leur soit communiqué et qu’ils n’ont aucune possibilité légale de préparer les questions. L’expression technique qui désigne ces informations, c’est celle qui désigne un discours, un exposé, verba facere[25], en grec λόγους ποιεΐσθαι[26]. C’est un acte différent de la déposition de la relation par le magistrat, de l’acte de consulere, montrent les titres qui mettent les deux actes l’un à côté de l’autre, mais qui les distinguent rigoureusement[27]. Si, il est vrai, le magistrat qui dépose la relation donne lui-même au sénat, comme c’est la règle, les informations nécessaires[28] et que par conséquent les actes de consulere (ou de referre) et de verba facere incombent à la même personne[29], ils sont rassemblés en un seul. Après que le magistrat qui préside a prononcé la formule de prière en usage[30], il ne signale pas seulement la question à traiter : il adresse au sénat un discours sur les circonstances de fait qu’il lui parait convenable de faire connaître. Sous le Principat, où il n’arrive guère que le vote d’un sénatus-consulte soit provoqué par une autre personne que par le magistrat qui préside, on procède communément de cette façon. — Il n’est naturellement pas permis au magistrat de faire porter son discours à la connaissance du sénat par l’intermédiaire d’un tiers ; il fait seulement lire les pièces par une personne de service, comme tous ceux qui parlent en public. Mais le prince a la liberté, même lorsqu’il est présent, de faire lire au sénat le discours qu’il lui adresse par un de ses questeurs ou par d’autres magistrats délégués par lui[31]. Cependant ce n’est pas toujours le magistrat qui préside qui fait cet exposé au sénat : non seulement il peut en remettre le soin à d’autres personnes[32] ; mais il est obligé par l’usage à le céder en matière religieuse et pour la réception des ambassades. Ces exposés faits dans le sénat romain par d’autres que les magistrats confirment de la manière la plus frappante la différence qui existe entre l’exposé et la relation qui émane nécessairement d’un magistrat. En matière religieuse le président cède généralement la parole, désignée ici par le terme nuntiare, au représentant du collège sacerdotal le plus directement intéressé[33]. Cependant d’autres particuliers encore peuvent, selon les circonstances, être autorisés par le magistrat à ouvrir des débats de ce genre[34]. On procède de la même façon pour toutes les ambassades qui viennent à Rome. Nous verrons, en nous occupant des relations extérieures, que les ambassadeurs des états étrangers et les particuliers étrangers que leurs relations personnelles d’amitié autorisent à se présenter ainsi sont regardés comme envoyés aux magistrats qui président le sénat et au sénat lui-même. Ils s’adressent donc aux premiers[35], et ceux-ci sont obligés de leur donner le sénat[36], c’est-à-dire de les mettre à même de tenir au sénat sur leurs affaires le discours dont nous nous occupons[37]. Les ambassadeurs étrangers ont seuls le droit de demander à être entendus par le sénat ; mais les cités dépendantes autonomes ou quasi-autonomes ont très habituellement obtenu de pareilles audiences, et des pétitions collectives de citoyens ont même été portées ainsi au sénat, quoique un droit général de pétition ne soit pas issu de cette institution[38]. Les ambassadeurs parlent debout devant le sénat[39], et des interprètes sont employés en cas de besoin ; cependant on n’en employa plus depuis Sulla pour les discours faits en langue grecque[40]. Tous les sénateurs sont libres de poser des questions aux individus ainsi introduits dans l’assemblée[41] et même d’intervenir autrement dans cette procédure[42]. Ensuite ces individus sortent de la salle des séances[43]. On ne leur permet pas d’assister aux délibérations. Le système qui vient d’être expliqué était organisé afin de donner autant que possible, même en fait, l’initiative aux sénateurs ; mais cependant, comme il était inévitable, cette initiative résidait pratiquement pour une bonne part. dans l’exposé qui ouvrait les débats. Quand il était fait par d’autres personnes que le président, il ne pouvait être autre chose que le développement et la justification de leur demande. En matière religieuse, les collèges sacerdotaux reçurent une initiative qui y limita le plus possible l’activité des magistrats. La façon dont le sénat attira à lui les délibérations avec les cités autonomes dépendantes et l’étranger indépendant et fit leurs ambassadeurs parler devant lui-même réuni en assemblée générale, au lieu de se faire faire à ce sujet un exposé par les magistrats, fut l’un des plus sensibles parmi les liens dans lesquels il enserra la magistrature supérieure. Dans les autres questions profanes, l’initiative de l’exposé n’a pas pu être enlevée à la magistrature ; mais le principe que le président doit seulement soumettre l’affaire à l’assemblée sans lui proposer les résolutions à prendre, fut, à l’époque du plein développement du gouvernement du sénat, appliqué là avec toute l’étendue que permettait la nature des choses[44]. On ne pouvait naturellement pas empêcher que l’exposition ne devint plus ou moins une proposition ; si par exemple une loi était soumise à l’appréciation préalable du sénat, la formule de cette loi pouvait bien être proposée par un sénateur au moment de l’interrogation des membres de l’assemblée, mais il est certainement arrivé de bonne heure et fréquemment que, comme le fit César pour sa loi agraire, le président lût le projet de loi et que la question posée aux sénateurs consistât ensuite à savoir s’il devait être accepté avec ou sans amendements ou rejeté. Cependant, c’est encore, dans les derniers temps de la République un empiètement de la part du magistrat que d’anticiper absolument sur la résolution de l’assemblée[45]. |
[1] Si la représentation au sénat se rapporte, dans l’acception ordinaire, à la première présentation faite au peuple, referre peut, comme dans d’autres constructions (rem judicatant referre : Cicéron, De domo, 29, 78), désigner aussi, par rapport au sénat, la reprise des débats devant lui-même ; on trouve, dans ce sens, rem ad senatum referre (sénatus-consulte dans Cælius, Ad fam. 8, 8, 7 rapproché de 6) ou rem integram ad senatum (postea, ajoute Tite-Live, 27, 25, 2) referre (Cicéron, Ad Att. 4, 17, 3 [16, 6] ; Tite-Live, 27, 25, 2. 36, 1, 5. 39, 19, 1. c. 33, 6), l’amphibologie étant empêchée dans les derniers textes par l’addition non encore décidée. — Les Grecs n’ont pas de mot technique pour traduire referre : χρηατίζειν, qui est ordinairement employé dans ce sens, désigne n’importe quelle délibération officielle, celle du sénat comme celle du peuple ou simplement des magistrats. — Referre est employé incorrectement par Cicéron, In Pison., 11, 25, pour la proposition faite par un sénateur ; par Tite-Live, 29, 16, 1, pour les paroles prononcées dans la délibération préalable à la séance.
[2] Le plus ancien titre qui l’atteste est le sénatus-consulte des Bacchanales de 568 : Senatum consoluerunt, avec lequel concordent les titres latins de 593 (Suétone, Rhet. 1) et 595 environ (sénatus-consulte de Tiburtibus). Les exemples sont peu nombreux, parce que la présentation par le magistrat, qui, dans les titres complets, est mentionnée avant la date, le lien et les témoins du titre, est fréquemment omise dans les copies, comme superflue à côté de la mention de l’exposé (verba fecit). Il n’est pas nécessaire de citer de témoignages tirés des auteurs ; Varron (dans Aulu-Gelle, 14, 1, 2. 4), Cicéron (Cat., 3, 7, 13 ; Ad Att. 12, 21, 1) et Tite-Live (1, 32, 10. 11) emploient le mot ; mais il est solennel et en train de vieillir ; on dit habituellement referre ad senatum. — Au reste consulere se dit aussi de l’interrogation du peuple (Cicéron, Pro Mil. 47, 16 ; De leg. 3, 5 ; Festus, p. 266, v. Rogatio.)
[3] Les plus anciens exemples de cette formule inconnue à la langue grecque proprement dite sont fournis par les titres de Delphes de 566 (Lebas, II, 852) et de Thisbé de 584 (Bruns, Fontes, p. 252) ; en outre cette formule se trouve dans les sénatus-consultes relatifs à Narthakion, vers 608 (Bull. de corn. hell. 1882, p. 356), à Priene, de 619 (Dittenberger, Sall. 241), à Stratonikeia, de 673 (Bull. de corr. hell. 1885, p. 437, ligne 19), à Asclépiade, de 676 (Bruns, p. 158) et aux Juifs, de l’an 707 (Josèphe, 44, 8, 5). La formule βουλήν συνήγαγε dans le titre de Josèphe, 13, 9, 2, est suspecte.
[4] Dion, 55, 3 (qui d’ailleurs ne pense pas spécialement à cette acception du mot) déclare auctoritas intraduisible.
[5] Consultum n’est pas traduit par συμβούλιον, dont le sens technique est consilium, et il ne l’est par προβούλευμα que lorsque le sénatus-consulte intervient pour préparer un vote du peuple (souvent dans Denys ; aussi dans Dion, 36, 22). La langue de la diplomatique gréco-romaine le traduit, comme on sait, habituellement par δόγμα, en se rattachant à la traduction de censere par δοκεΐν. De même que συμβουλεύεσθαι, δγμα dans ce sens de droit public est étranger à la langue grecque pure.
[6] Tandis que consulere s’est maintenu dans les exordes, tant qu’ils ont eux-mêmes subsisté, les titres du temps de Cicéron (Cicéron, Ad fam. 8, 8) le remplacent déjà dans le texte par ad senatum referre, et le langage de Cicéron et des écrivains postérieurs jusque et y compris les pseudo-titres, Vita Aurel. 19, Vita Tac. 3, est le même.
[7] Le mot relatio est employé par Cicéron, In Pis. 7, 14. 13, 29 ; il ne lui est pas habituel. Il se trouve ensuite dans Tite Live, 3, 39, 2. 32, 22, 8, et plus tard fréquemment et au sens technique, ainsi dans le senatus consultum per relationem discessionemque de la loi d’investiture de Vespasien, dans le jus relationem impérial (v. tome V, la théorie du Droit du prince d’agir avec le sénat, sur ses propositions écrites) ; il est aussi souvent dans Tacite. Relator n’est employé pour le magistrat qui fait la présentation que par Balbus, dans Cicéron, Ad Att. 8, 15 A, 2.
[8] César, B. c. 1, 1. Cicéron, In Cat. 1, 8, 20. Ad fam., 12, 25, 1. 16. 11, 3.
[9] V. tome V, la théorie du Droit du prince d’agir avec le sénat, sur l’interrogation préalable de l’empereur. Souvent les consuls ont des scrupules à ouvrir les débats sans que l’empereur en ait préalablement connaissance (Tacite, Ann. 5, 4. 13, 26), et la prise de résolution est aussi différée jusqu’à ce que l’empereur ne soit présent dans le sénat (Tacite, Ann. 3, 53 ; cf. 3, 50. 4, 66).
[10] Dans le texte mutilé de Dion, 78, 49, il est question d’un sénatus-consulte défavorable au nouvel empereur Macrin. On ne peut décider quelle sorte de résolution est prise là sans l’assentiment préalable de l’empereur. Mais Bekker a certainement restitué la fin du texte d’une manière exacte. — La relation du biographe de Macrin, c. 6, d’après laquelle il demande au sénat la consécration de son prédécesseur, eum possimus imperatorio jure præcipere, ne doit pas être prise en considération.
[11] Le préteur se refusant à déposer une proposition dans une séance convoquée par lui, cinq tribuns le font à sa place (Cicéron, Ad fam. 10, 16, 1). Cf. tome III, la théorie du Tribunat, sur le droit de relation des tribuns.
[12] Cf. tome III, la théorie du Consulat, sur la convocation du sénat.
[13] Cf. tome V, la théorie du Droit du prince d’agir avec le sénat, sur ses propositions verbales.
[14] C’est ce que montre la procédure suivie pour la proposition d’Hadrien de l’an 429 sur la pétition d’hérédité (Digeste, 5, 3, 20,6) : Quod... consules v. f. de his quæ imp. Cæsar... V non. Mart... libello complexus esset.
[15] Cf. tome V, la théorie du Droit du prince d’agir avec le sénat, sur ses propositions écrites.
[16] C’est là la communis relatio de Tite-Live, 26, 28, 3 ; la division est demandée dans Tite-Live, 33, 22, 1.
[17] Les délibérations du mois de janvier 698 sur la rentrée du roi d’Égypte dans son royaume avaient pour base la relation conçue en termes généraux du consul Marcellus et celle du tribun Rutilius Lupus sur le point de savoir si Pompée devait le faire rentrer. Là-dessus, cinq résolutions furent proposées : par Bibulus, que sa rentrée fût assurée sans déplacement de troupes par trois commissaires n’ayant pas pour le moment d’imperium ; par Crassus, même rédaction avec suppression de la clause excluant les personnes ayant un imperium ; par Hortensius, même rédaction avec substitution aux trois légats du gouverneur actuel de Cilicie ; par Volcacius, que cette mission fût donnée à Pompée ; par Servilius Isauricus, qu’on ne le ramenât pas en Égypte. Ainsi donc, les trois premières motions se rapportent à la relation de Marcellus en repoussant celle de Lupus ; la quatrième s’accorde avec les deux ; la cinquième les repousse toutes deux. La relation de Lupus n’était pas nécessaire ; car celle du consul n’excluait pas Pompée, et tout votant pouvait proposer comme résolution ce que désirait le tribun ; mais pratiquement il était d’une importance essentielle que cette résolution anticipât sur la relation et n’eût pas besoin d’attendre l’arrivée du tour de parole du premier sénateur qui lui serait favorable. — La relation du consul C. Marcellus et celle du tribun Curio concourent d’une manière analogue, à la fin de 704, dans les affaires de Pompée et de César (Appien, B. c. 2, 30 ; Plutarque, Pomp. 58).
[18] Quand, à l’occasion d’une délibération sur l’attribution du gouvernement d’Afrique, un sénateur propose de défendre aux gouverneurs d’emmener leurs femmes, on lui objecte que c’est en dehors de la question (Tacite, Ann. 3, 34). Autre cas dans Tacite, Ann. 15, 22. La relation n’enchaîne pas les discours, mais, en vertu des institutions d’Auguste, le vote.
[19] La réunion fréquente de plusieurs relations pour les matières moins importantes résulte de ce que, pour des matières importantes, le sénat prescrit ne quid conjunctim de ea re referatur a consulibus (sénatus-consulte dans Cælius, Ad fam. 8, 8, 5. Ép. 9, 5). C’est confirmé par la septième Philippique de Cicéron, qui prouve en même temps, qu’un consul et un tribun pouvaient mettre en délibération à la fois l’un des questions de voirie et de monnaie et l’autre une question concernant les luperci. Il n’y a pas d’autres témoignages sur la combinaison d’objets disparates par l’autour de la même relation ; car la relation de provinciis quæstorum et de ornandis pratoribus (Ad Q. fr. 2, 3, 1) traite de questions connexes. Mais il n’en est pas besoin ; car ce qui est vrai de plusieurs référents l’est à plus forte raison du même ; et la cause de l’absence de témoignages est sans doute uniquement que nous ne sommes renseignés sur les délibérations du sénat que pour les affaires importantes.
[20] Il n’est admissible de demander directement la division que dans la troisième phase des débats. Naturellement les sénateurs pouvaient de suite exprimer leurs veaux et au cas la plus extrême repousser la relatio telle qu’elle leur était soumise. Principes senatus, dit Tite-Live, 8, 14, relationem consulis (sur le traitement des Latine vaincus) de summa rerum laudare, sed cum aliorum causa alia esses, ita expediri posse consilium dicere, ut pro merito cujusque statueretur, si de singulis nominatim referrent populos : relatum igitur de singulis decretumque.
[21] Dans Aulu-Gelle, 14, 7, 9 : Referri oportere aut infinite de re publica aut de singulis rebus finite.
[22] Telles furent les séances dans lesquelles fut résolue la guerre contre Hannibal (Tite-Live, 21, 6, 2) ; celle qui suivit la bataille du lac Trasimène (Tite-Live, 22, 11, 1) ; celle tenue dans le camp devant la ville, quand Hannibal était aux portes (Tite-Live, 26, 10, 2) ; celle convoquée par L. Opimius contre Gracchus (sénatus-consulte dans Cicéron, Phil. 8, 4, 14) ; celle dans laquelle fut résolue l’exécution des partisans de Catilina (Cicéron, In Cat. 3, 6, 13 rapproché de 1, 4, 19) ; celle dans laquelle fut résolue la guerre avec César (César, B. c. 1, 1) ; les séances du 1er (Drumann, 5, 192) et du 2 septembre 710 (Cicéron, Phil. 1, 1, 1) et du 4 janvier 711 (Cicéron, Phil. 6, 1, 1). C’est aussi d’une séance de cette espèce qu’il s’agit dans le sénatus-consulte de 703 (Cælius, Fam. 8, 8, 6).
[23] A la vérité, on ne peut établir que les séances tenues au commencement de l’année, dans lesquelles était arrêté le plan de campagne en temps de guerre et qui, depuis que la mobilisation était devenue en fait quelque chose de constant, étaient devenues également constantes, aient été désignées par ce nom technique que pour les années de guerres sérieuses 537 (Tite-Live, 22, 1, 5) et 544 ; où le consul Marcellus en entrant en fonctions déclare ne pas vouloir référer neque de re publica neque de provinciis (les circonscriptions du commandement militaire) jusqu’au retour de son collègue (Tite-Live, 26, 26, 5), ce qui a ensuite lieu, c. 27, 17 ; or ces séances peuvent assurément être classées à aussi bon droit parmi celles étudiées note précédente.
[24] La formule elle-même (Cicéron, Cat. 3, 6, 13 ; Salluste, Cat. 50 ; Tite-Live, 2, 31, 8. 8, 20, 11, etc.) est ancienne ; elle n’a pénétré que tard dans la rédaction écrite des sénatus-consultes.
[25] Cette formule est celle employée d’ordinaire pour l’exposé introductif du débat. Cicéron l’emploie pour les propositions de résolutions, De har. resp. 7, 13, et relativement aux usages helléniques, Verr. 4, 64, 143. Elle est remplacée par mentionem facere dans Cicéron, Verr. 2, 39, 95. Dans le sénatus-consulte relatif à Oropos de l’an 681 voté à la suite d’une cognitio consulaire (Bruns, p. 162), elle est remplacée par la formule : (ΰπατοι) έπιγνότες (causa cognita) άπήγγειλαν. Quand ce sont des prêtres qui font cet exposé, l’expression verba facere est remplacée par nuntiare ou une formule analogue.
[26] La formule constante λόγους ποιεΐσθαι est remplacée dans Josèphe, 14, 8, 5 par διαλέγεσθαι, l’expression έπρέσβευσε, dans le même auteur, 13, 9, 2, est choquante.
[27] Dans tous les titres anciens et complets, c’est-à-dire dans les décrets relatifs à Thisbé de 584, à Tibur d’environ 595, à Narthakion, d’environ 608, à Priene de 619, à Stratonikeia de 673, à Asclépiade de 676 et aux Juifs de 707, cités notes 2 et 3, on trouve indiqués, avant la date et les noms des témoins du titre, la relation, et après les mêmes mentions, l’exposé.
[28] Il en est ainsi pour le sénatus-consulte relatif à Asclépiade (note 3) et pour celui relatif à Oropos de 681 (Bruns, p. 162) aussi bien que pour celui dirigé contre C. Gracchus ; et en outre pour ceux mentionnés dans Cicéron, Ad fam. 5, 2, 3. Phil., 10, 11, 25.
[29] C’est donc à bon droit que Cicéron, In Pison. 13, 29, résume l’activité du consul au sénat par les mots de (aliqua) re verbum facere aut referre ad senatum. Le second membre de phrase ne se rapporte pas, comme le pense Hübner, De actis, p. 23, au prétendu s. c. per relationem, qu’on a coutume de regarder à tort comme le terme opposé du s. c. per discessionem ; mais il n’y a pas davantage à l’effacer, comme en l’a également proposé pour sauver l’identification traditionnelle et irréfléchie de l’acte de consulere et de celui de verba facere.
[30] Suétone, Gai., 15. Tite-Live, 42, 30, 10, se rapporte sans doute à la même formule pour les comices.
[31] Cf. tome IV, la théorie de la Questure, à la section des questeurs des généraux, sur les quæstores principes.
[32] Tite-Live, 43, 5, 2 : Frater ejus (du proconsul L. Cassius) verba in senatu fecit. Les édiles et les questeurs, qui n’avaient pas le droit de consulere, pouvaient aussi de cette façon provoquer le vote d’un sénatus-consulte avec l’assentiment du président. — La personne peut aussi logiquement être passée sous silence. La formule quod verba facta sunt dans le sénatus-consulte de 595 conservé par Suétone, De Rhet. 1, peut être abrégée. Mais elle se trouve également dans des décrets municipaux rédigés avec soin de la bonne époque, par exemple dans celui de Pise de l’an 4 après J.-C. (Orelli, 643 = C. I. L. XI, 1421). La formule Quod universi verba fecerunt, employée plus d’une fois dans les décrets municipaux, par exemple dans celui correctement rédigé de Ferentium, C. I. L. VI, 1492, n’est guère différente.
[33] Dans une résolution concernant un prodige, la formule est : C. Julius L. f. pontifex nuntiavit (Aulu-Gelle, 4, 6, 2). Tite-Live, 34, 44, 2. En ce sens, on attribue aux quindécemvir l’intention de proposer la nomination de César à la royauté (Dion, 44, 15).
[34] Verrius Flaccus, dans Aulu-Gelle, 5, 17, 2 : Orbe a Gallis Senonibus recuperata L. Atilius (haruspice d’après Macrobe, Sat. 1, 16, 22) in senatu verba fecit.
[35] Tite-Live, 29, 16, 6. Introduction des ambassadeurs par le préteur urbain : Tite-Live, 10, 45, 4. 34, 57, 3. 37, 46, 9. Appien, Mithr. 6 ; par un tribun du peuple : Diodore, 31, 5, 1-3. Ces exemples suffiront.
[36] Senatum dare pour ce cas : Salluste, Jug. 13, 9. Tite-Live, 22, 59, 1. 26, 26, 1. 29, 15, 8. c. 17, 1. 30, 21, 12. c. 40, 4. 45, 20, 6. C’est à cela que se rapporte le statut de Salpensa, c. 26 : Neque se aliter consilium habiturum neque aliter daturum. L’acte de senatum dare est radicalement différent de celui de contionem dare (voir tome I, la théorie de Jus agendi cum populo, sur le droit de parler au peuple). Ce dernier vient de l’obligation de déposer devant la justice du peuple, l’autre de la légation. Tout le monde peut être forcé de parler devant le peuple ; il n’y a rien de pareil pour la parole au sénat.
[37] C’est ainsi qu’on procède dans toutes les résolutions citées note 3, à l’exception de celle de 676.
[38] C’est, en dernière analyse, du magistrat qu’il dépend de décider qui il veut ou non admettre à la parole ; mais ce n’était pas sûrement son arbitraire seul qui décidait. C’était sans aucun doute nue violation du droit des gens de ne pas recevoir les députés envoyés à Rome par un Etat reconnu par les traités comme indépendant. Si le sénat résolut, en 550, de ne pas recevoir les députés des colonies latines jusqu’à ce qu’elles n’eussent fourni les contingents en retard (Tite-Live, 29, 15), ce fait rentre, comme les atteintes à la liberté subies par ces députés, parmi les preuves que l’égalité de droit international n’était plus reconnue à ces villes. Les envoyés des cités sujettes et des groupes romains n’avaient sans doute aucun droit à être reçus par le sénat ; ils l’ont été souvent. Des députations des chevaliers (Tite-Live, 5, 7) et des publicains ont été reçues par le sénat très fréquemment ; le consul Gabinius refusa d’introduire dans le sénat une députation des chevaliers qui voulait s’entremettre pour le rappel de Cicéron (Dion, 38, 16). Députés d’un gouverneur : Tite-Live, 40, 35. Prisonniers de guerre romains : Tite-Live, 22, 59. Naturellement des sénateurs ne pouvaient guère se présenter de cette façon devant le sénat ; cependant la députation favorable à Cicéron qui vient d’être citée devait être conduite par deus sénateurs. — L’acte du consul qui conduit un ancien soldat ex contione in senatum pour le remercier devant lui (Tite-Live, 42, 35) se rapporte aux débats qui ont lieu avant l’ouverture de l’ordre du jour et non pas à la procédure régulière.
[39] Sans doute, ils se tenaient debout dans l’espace vide entre les deux rangs de sièges, en face du président. Selon Plutarque, Marc. 23, le consul Marcellus accusé par les Siculi dans le sénat, quitte son siège curule.
[40] Val. Max. 2, 2, 3 (cf. Cicéron, Brut., 90, 312). Un interprète fut encore pris lors de la célèbre ambassade athénienne de 599 (Aulu-Gelle, 6, 14, 9). Mais Tibère ne permet pas au centurion de parler grec dans la curie (Dion, 57,151, rapproché de Suétone, Tib. 71). Si Claude le permit spécialement aux princes juifs (Dion, 60, 8), ce fut sans doute parce qu’ils avaient le droit de cité romaine que cette permission fut nécessaire.
[41] Tite-Live, 30, 22, 5. 8, 21, 2. 29, 19, 1. 31, 1, 3. c. 48, 6. c. 49, 4. 42, 36, 4. Polybe, 18, 14, 13. Appien, Lib. 74. — Dans la procédure criminelle suivie devant le sénat sous l’Empire, un interrogatoire en formes est sorti de ce droit d’interrogation. Pline, Panég., 76. Tacite, Ann. 3, 67.
[42] Lorsqu’un complice, assigné dans le procès criminel intenté contre Marius Priscus devant le sénat, comparait devant cette assemblée, le consulaire Tuccius Cerialis demande jure senatorio que Priscus comparaisse avec lui, et cela a lieu à la séance suivante (Pline, Ép. 2, 11). Cela est passé probablement de la procédure antérieurement suivie devant le sénat, souvent criminelle quant au fond, dans la procédure criminelle sénatoriale de l’époque postérieure.
[43] Salluste, Jug., 13 : Die constituto senatus utrisque (au roi Adherbal et aux envoyés de Jugurtha) datur. Après qu’ils ont parlé, 15, 2, utrique curia egrediuntur ; senatus statim consulitur. Tite-Live, 30, 23, 1. 7, 31, 2. 22, 60, 2. 26, 33, 4. 29, 19, 3. 45, 25, 1. Denys, 6, 19. Sur la demande spéciale de Marcellus, les députés de Syracuse envoyés au sénat sont rappelés, après être sortis, pour entendre sa réponse, mais sortent ensuite de nouveau avant l’interrogation des sénateurs (Tite-Live, 26, 30. 31).
[44] Par exemple, dans Tite-Live, 39, 39, le consul présidant aux élections déclare dans un débat sur une question de capacité sibi, nisi quid aliud fit (patribus) videretur, in animo esse e lege comitia habere. La magistrature, qui se soumet ainsi au sénat dans une question de droit qui dépend de sa décision, doit s’abstenir d’autant plus souvent d’exprimer une opinion propre dans des questions d’opportunité.
[45] Si Cicéron, dans un discours plein d’égards pour le consul Antoine (Phil., 4, 1, 4), le loue d’avoir présenté un sénatus-consulte tout rédigé et loue également Pansa parce que son exposé a anticipé sur la vote (Phil., 10, 8, 17 : Præcepit oratione sua, quid decernere mos de (M. Bruto... oporteret)) on voit encore là que c’est une façon de procéder exceptionnelle.