LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE TROISIÈME. — LE PEUPLE ET LE SÉNAT.

LE SÉNAT.

DROITS ET DEVOIRS PROPRES DES SÉNATEURS.

 

 

Avant de passer à l’étude de l’organisation des séances du sénat et à celle de la compétence de cette assemblée, nous devons rassembler dans cette partie ce qui concerne les droits et les devoirs propres aux sénateurs, c’est-à-dire les particularités du système des noms et des titres sénatoriaux et du costume sénatorial, les privilèges appartenant aux sénateurs au point de vue des fêtes et des repas publics, de l’électorat et de l’éligibilité, de l’occupation des grades d’officiers et des postes de jurés, enfin la situation spéciale qui leur est faite quant au droit matrimonial et au droit du patrimoine comme quant à l’impôt, aussi bien en matière civile qu’en matière criminelle. A ces particularités s’ajoutent, à titre complémentaire, les droits et les déchéances personnelles de l’ordre sénatorial institué sous le Principat que nous avons déjà décrites. Si disparates entre eux et si différents quant à la date et quant à l’importance que soient les divers termes de cette exposition, il nous parait à propos de les rassembler tous ici, d’autant plus que la plupart d’entre eux ont déjà été étudiés ailleurs et qu’il suffira bien des fois de renvoyer à des explications déjà données. Pour arriver à une conception juste du rôle du sénat, il est également important d’avoir présents à l’esprit les pouvoirs et les incapacités des membres du sénat et de bien distinguer les qualités individuelles de celles du corps tout entier.

Relativement au système des noms et des titres, nous pouvons renvoyer à des développements antérieurs. Le système des noms sénatoriaux ne diffère que sous un rapport du système ordinaire des noms des citoyens : l’ordre sénatorial du Principat étant étranger aux liens municipaux, l’indication de la patrie, qui est : le critérium de ces liens, ne figure pas dans les noms de ses membres[1] ; on n’y trouve pas indiquée d’autre patrie que la communis patria dont la tribu est l’expression. — Nous avons déjà expliqué comment et pourquoi le membre du sénat ne porte pas, jusqu’à une époque avancée, de titre officiel, et notamment ne porté point en ce sens le nom de senator. Ce sont seulement les empereurs. Marc Aurèle et L. Verus qui ont donné à l’ordre sénatorial un titre proprement dit, le clarissimat.

Le sénateur a, comme le magistrat, été de tout temps distingué à Rome par certaines particularités de son costume. A la vérité, son vêtement de dessus n’en présente aucune : les sénateurs portent, dans la curie, comme le fait tout citoyen quand il parait en public, la toge, dont, il est vrai, l’usage s’est maintenu parmi eux longtemps après qu’elle avait disparu du mi lieu ordinaire[2]. La bordure : rouge est l’insigne des magistratures curules : le sénateur n’y a droit qu’à condition d’occuper ou d’avoir précédemment occupé unetelle magistrature[3]. En revanche, ainsi que nous l’avons déjà expliqué, le sénateur comme le chevalier porte sur son vêtement de dessous la bande verticale rouge le clavus. Il n’y a aucune tradition sur l’origine de cet usage étranger aux institutions municipales qui cependant connaissent la robe prétexte[4] ; tout ce qui nous est rapporté, c’est que la différence de largeur du clavus ne s’est introduite que tardivement, sans doute seulement au vue siècle, en même temps que la distinction des deux ordres privilégiés[5]. Sans aucun doute, cet insigne a dû être étendu au bien, des sénateurs aux chevaliers, ou bien des chevaliers aux sénateurs. On peut invoquer dans le dernier sens le fait que, comme nous l’avons établi plus haut, le sénateur conservait, à l’époque antérieure aux Gracques, le cheval public et le droit de suffrage dans les centuries équestres, qu’il était donc autorisé par là à porter les insignes des chevaliers[6]. Mais la tunique rouge peut à l’inverse avoir appartenu primitivement au sénateur comme la chaussure rouge dont nous allons nous occuper plus loin, et les chaussures et les vêtements de dessous concordent ordinairement. Rien n’empêche de supposer que les explications que nous allons donner sur la portée et l’extension de la chaussure rouge s’appliquent également à la bande rouge de la tunique ; seulement, pour cette dernière, l’extension a été plus large : ce ne sont pas seulement les sénateurs plébéiens qui ne se distinguent plus sous ce rapport des sénateurs patriciens : les, chevaliers, qui étaient les plus voisins en rang des sénateurs, ont aussi nécessairement usurpé, cet insigne s’il caractérisait primitivement les sénateurs ; et de là est sorti le système postérieur dans lequel ils sont autorisés à porter eux-mêmes cette bande, mais à condition de la porter plus étroite. — Nous avons déjà expliqué que, par suite de la création de l’ordre sénatorial, le latus clavus fut accordé aux membres de l’ordre arrivés à l’âge viril, alors même qu’ils ne siégeaient pas au sénat.

Nous sommes mieux informés sur la chaussure des sénateurs. Le sénateur se distingue par son soulier des autres citoyens. La chaussure sénatoriale, calceus mulleus[7] ou solea[8], est une sandale élevée[9] ; le plus souvent de couleur rouge[10],  qui est emboîtée sur la cheville par une boucle d’ivoire en forme de demi-lune (lunula, έπισφύριον)[11] et qui, tandis que le soulier ordinaire est attaché à la cheville, est fixée à la jambe par quatre lacets (lora, corrigiæ) de cuir noir maintenus par des boutons (malleoli)[12]. Cette chaussure, qui se distingue d’une manière frappante, notamment par ses lacets, de la chaussure ordinaire est,à l’époque républicaine, l’insigne extérieur des sénateurs[13] et plus tard, depuis l’établissement de l’ordre sénatorial, de la qualité de membre, de cet ordre, même chez les enfants, puisqu’elle n’est pas, comme le clavus, prise seulement en revêtant le costume viril[14]. Relativement à son introduction, il nous est rapporté que ce soulier appartenait primitivement au roi et aux sénateurs patriciens[15], ce qui exprime sans doute l’idée qu’en vertu du système de l’interrègne ; chacun de ces derniers est également roi : sa qualité de magistrat s’exprime, tant qu’elle est en suspens, par la chaussure royale rouge, et, à son entrée en exercice, elle se révèle par le port du rouge vêtement royal. Parmi les sénateurs plébéiens, il n’y avait encore, au VIe siècle, à porter cette chaussure que ceux qui étaient parvenus à une magistrature curule[16], c’est-à-dire ceux  qui avaient le droit de prendre la parole, par opposition aux pedarii plébéiens qui n’avaient que le droit de vote. Quand cette dernière catégorie de sénateurs eut disparu, et que le droit d’exprimer son avis eut été étendu à tous les sénateurs ayant le droit de vote, par conséquent à la fin de la République et sous le Principat, tous les sénateurs portèrent de nouveau ce soulier. — Cependant l’extension n’a point été complète. La distinction des sénateurs patriciens ; auxquels seuls le droit appartenait originairement, et des sénateurs plébéiens s’exprime dans le fait que, si tous emploient bien les lacets, la luna est réservée aux premiers[17]. Une exception est faite pour la triomphe : le plébéien lui-même a, dans cette fête, le droit de porter la luna[18]. Par suite, on distingue deux espèces de chaussures sénatoriales : le calceus patricius des patres au sens propre du mot et le calceus senatorius des autres sénateurs[19]. Sans doute, la distinction est souvent méconnue d’un côté comme de l’autre : tantôt les chaussures à lacets sont attribuées à des patriciens sans mention de la lunula[20] ; tantôt celle-ci est attribuée aux sénateurs en général[21]. En face de la tendance à assimiler les sénateurs plébéiens aux patriciens qui domine tout le développement du sénat, il n’est point étonnant ni que le signe distinctif des sénateurs patriciens n’ait pas toujours été souligné pour eux, ni que les insignes des sénateurs patriciens aient été attribués par adulation aux sénateurs plébéiens. Mais la généralisation ne s’est pas opérée. Tant l’exception faite pour le triomphe que des témoignages précis du temps du Principat ne laissent subsister aucun doute sur le maintien jusqu’aux temps modernes du Principat de la distinction du soulier patricien muni de la luna et du soulier simplement sénatorial muni seulement des cordons.

Nous avons déjà traité de l’anneau d’or au sujet de l’ordre équestre. Au VIe siècle de Rome, il paraît être porté principalement par les sénateurs et être passé d’eux aux chevaliers par extension ; mais son usage ne remonte point aux origines, et il n’a pas reçu sous la République une réglementation hiérarchique fixe.

Le sénateur n’a, en cette qualité, aucun droit aux insignes des magistrats. Cependant, dans les provinces, il est, à la fin de la République, traité en quelque sorte comme un magistrat. Il est d’usage que le gouverneur lui permette d’y avoir des licteurs[22], et, pour les délibérations importantes, le même gouverneur consulte, outre les magistrats et les officiers, les sénateurs qui se trouvent dans la province[23]. Nous verrons plus loin que l’idée de l’assimilation des sénateurs aux magistrats domine également le droit criminel du dernier siècle de la République.

Quant aux fêtes religieuses célébrées à titre ordinaire ou extraordinaire par l’ensemble du peuple, les sénateurs n’y participent pas, en principe autrement que le reste des citoyens[24]. Il y a seulement certains spectacles pour assister auxquels ils ont des places privilégiées. Lorsque ces fêtes ont lieu sur le Forum, ils y assistent de leur lieu de réunion, que nous étudierons dans la partie qui suit et qui est situé sur le versant du Capitole, en face du comitium[25] ; mais, si c’est là un avantage, ce n’est pas proprement un privilège : ce sont leurs fonctions publiques qui les appellent en ce lieu. Le privilège véritable accordé aux sénateurs, sous ce rapport se rattache probablement à l’ancienne proédrie attribuée aux magistrats dans les jeux et à l’introduction de l’usage selon lequel les ex-magistrats reprenaient leur costume officiel pour les jeux[26] ; il peut donc avoir été restreint primitivement aux sénateurs qui avaient occupé une magistrature curule. Mais on ne peut établir son existence avec cette limitation. Une place spéciale a été accordée aux sénateurs en cette qualité d’abord en 560, pour les jeux du théâtre[27], puis ensuite pour les jeux du cirque[28].

Quand et comment la distinction des ordres s’est-elle manifestée dans les repas publics, on ne peut le dire. La tradition ne nous rapporte non plus rien d’avantages faits aux magistrats à ce point de vue. Tout ce que nous savons, c’est qu’au moins dès le VIe siècle les banquets des sénateurs, donnés au Capitole le 13 septembre et le 13 novembre, formaient une partie essentielle des fêtes annuelles des jeux romains et des jeux plébéiens issus de la célébration de la victoire : le Sacerdoce des épulons fut institué, en 558, directement pour leur organisation[29]. Mais, dans les banquets des citoyens eux-mêmes, tels qu’il y en avait par exemple fréquemment à l’occasion des funérailles d’hommes en vue, les sénateurs ont sans doute eu de bonne heure une table particulière[30]. Sous le Principat, s’introduisit, par corrélation à la séparation en forme des deux ordres privilégiés de la masse, l’usage d’offrir, aux occasions de fêtes, un repas aux sénateurs et aux chevaliers et de l’argent au peuple[31]. Le droit de participer aux banquets des sénateurs est cité à plusieurs reprises[32].

Les sénateurs sont toujours mis à part pour les audiences matinales de l’Empereur, auxquelles ils étaient sans doute admis avant les autres visiteurs[33]. Certaines autres distinctions leur sont encore conférées, sous le Principat, lorsqu’ils paraissent en public[34].

Dans la période moyenne de la République, les sénateurs des trois premières classes, les consulaires, les prætorii et les ædilicii ont un droit de vote privilégié, par suite de la conservation du cheval équestre et en conséquence, du droit de suffrage dans les centuries équestres. Nous n’avons aucun renseignement sur le développement de ce droit ; tout ce que nous savons, c’est qu’il était en vigueur au temps de la guerre d’Hannibal et qu’il était supprimé au temps des Gracques.

La corrélation établie entre la magistrature exercée pendant l’interrègne et le siège sénatorial appartient à la constitution romaine primitive et s’est maintenue, dans son ancienne limitation aux membres patriciens du sénat, jusqu’à la fin de la République[35]. — La brigue du consulat fut réservée aux sénateurs par la loi Villia de 574, qui n’y admet que. Ceux qui ont déjà été préteurs et qui par conséquent appartiennent déjà au sénat ; en outre celle des magistratures, curules le leur fut également par la loi de Sulla qui n’admit à solliciter ces magistratures que ceux qui siégeaient au sénat comme questorii[36].

Nous avons, précédemment expliqué que, selon la constitution d’Auguste, éligibilité est légalement restreinte à l’ordre sénatorial et que ceux qui n’appartiennent pas à cet ordre par la naissance ont besoin d’une autorisation spéciale de l’Empereur pour pouvoir briguer une magistrature publique. — La même constitution exige, pour l’occupation du commandement en chef et d’un certain nombre d’autres hautes fonctions confiées par l’Empereur, le siège sénatorial comme condition de capacité ; en outre la gradation des sénateurs selon le rang et la date de leurs magistratures trouvait une expression pratique dans la hiérarchie des fonctions auxiliaires impériales[37]. C’est sur ce privilège que s’est, en fait, par dessus tout appuyés la participation du sénat à la dyarchie du Principat ; ce fut la fin de son admission au partage du pouvoir quand l’empereur Gallien (mort en 268 après J.-C.) rendit le siège sénatorial incompatible avec les fonctions d’officier et défendit l’entrée des casernes aux sénateurs[38].

Les grades d’officiers, mis dans un ordre fixe, de questeurs militaires, de tribuns militaires et de préfets sont attribués sous la République par le choix du général ou des comices, et, s’ils échoient fréquemment à des sénateurs, ceux-ci n’y ont pas légalement plus de droits que les autres citoyens. Au contraire les legati, députés par le sénat aux généraux dans des cas particuliers et plus tard mis à titre constant auprès d’eux, sont pris principalement et par la suite exclusivement dans le sénat[39] ; et, comme ils ne pouvaient être absents du conseil de guerre du général, et qu’ils étaient souvent employés comme chefs de corps et comme sous-gouverneurs, la legatio n’occupe pas la dernière place parmi les privilèges des sénateurs. — Les sénateurs qui se rendaient dans les provinces pour leurs affaires privées se servaient aussi de la legatio, sous la forme de legatio libera, peut-être à cause de l’autorisation dont ils avaient probablement besoin pour s’éloigner de l’Italie, et ils bénéficiaient ainsi des privilèges attachés à la position semi-officielle de légat. — Sous l’Empire, les postes de légats sont devenus des fonctions militaires, et Auguste, en même temps qu’il les a réservés aux sénateurs, les a retirés de la catégorie des gradés d’officiers proprement dits.

La tradition nous rapporte que, depuis l’introduction du jury en matière civile ; par conséquent depuis les temps les plus reculés, le magistrat qui organisait l’instance in jure n’aurait pu nommer comme jurés que des sénateurs[40]. Cependant cela semble peu croyable dans une constitution où tous les citoyens pouvaient légalement devenir magistrats et officiers : c’est probablement à tort que, comme dans tant d’autres allégations analogues on fait ici remonter là règle aux temps antérieurs à l’histoire. Mais le monopole de la procédure civile et de la procédure des questions qui en est issue, attribué aux sénateurs au temps de Polybe, rentre assurément dans le développement du gouvernement des optimales[41]. Nous avons déjà étudié la suppression de ce privilège sénatorial et le transfert des fonctions de jurés aux chevaliers réalisés par C. Gracchus, le rétablissement du privilège sénatorial par Sulla, la division des places de jurés entre le sénat, les chevaliers et le peuple opérée par la loi Aurelii, et enfin celle entre le sénat et les chevaliers qui fut opérée par le dictateur César et à laquelle où parait s’en être tenu postérieurement. — Nous devons seulement ajouter que la justice administrative semble, également avoir été réservée aux sénateurs, au moins en fait, au temps de Polybe, dans la mesure où elle entraînait l’intervention des jurés[42]. Dans les procès du ressort exclusif du magistrat, le choix du consilium appartient au consul ou au magistrat saisi quelconque ; mais, tout au moins à l’époque de Cicéron, nous trouvons ces conseils uniquement composés de sénateurs[43].

Nous avons expliqué en étudiant l’ordre sénatorial que l’égalité complète des époux requise pour la validité du mariage civil et l’exclusion des affranchis qui en était la conséquence furent restreintes à cet ordre sous le Principat. — Il y a encore d’autres rapports sous lesquels le sénat a été ; notamment sous le Principat[44], plus exigeant pour la conduite de ses membres que pour celle d’autres citoyens : ainsi, par exemple, il leur a interdit la fréquentation des comédiens[45] ; la défense qui leur est faite de fréquenter des soldats appartenant à la garde impériale est au contraire inspirée par des motifs politiques[46].

Sous le rapport économique, les sénateurs sont soumis, dès la première période de la République, à des limitations légales essentielles. De même que l’exercice d’un métier rend indigne des magistratures[47], les spéculations sont considérées comme quelque chose d’inconvenant de la part d’un sénateur[48], et des conséquences de cette conception ont été tirées par la loi dès une époque précoce. Peut-être est-ce dès le moment oïl la cité a cessé de réclamer directement les services qui lui sont dus et de recouvrer elle-même l’équivalent fourni à l’État pour la jouissance des terres publiques que les sénateurs ont été, exclus du rôle d’intermédiaires pour les deux catégories de prestations[49] ; à la vérité, la décision a pu être amenée en partie ou même provoquée parla concession au sénat de l’administration des finances de l’État, qui exigeait cette exclusion, à moins qu’on ne voulut s’affirmer franchement comme un gouvernement à intérêts de personnes. — Mais en outre un plébiscite d’un peu avant 536 interdit aux sénateurs et aux fils de sénateurs, l’armement de gros vaisseaux de transport tels qu’en avaient les propriétaires fonciers, pour le transport de, leurs produits[50], et cette disposition, souvent violée impunément dans les derniers temps de la République[51], fut confirmée par César et resta en vigueur sous le Principat[52]. — Par une disposition corrélative, le prêt à intérêts fut interdit en tout ou partie aux sénateurs, au moins sous le Principat[53].

Ces prescriptions portaient indirectement les sénateurs à placer leur fortune, en terres ; Trajan et Marc Aurèle décidèrent positivement, partie en considération de la tendance des capitaux italiques pour les placements en immeubles provinciaux, partie en conséquence des admissions toujours plus nombreuses de provinciaux dans le sénat, qu’une certaine quotité de la fortune exigée pour l’entrée dans la carrière des magistratures et dans le sénat devrait consister en terres italiques[54].

On essaya aussi de mettre un frein à l’endettement des hommes politiques, qui avait été le fondement constant des abus administratifs et des mouvements révolutionnaires, en défendant législativement aux sénateurs d’avoir plus de 2000 deniers de dettes[55].

Sous la République, il n’y a pas rigoureusement de charges pécuniaires liées à l’entrée dans le sénat. L’ambition provoquait, en cette matière, des dépenses si exagérées que le législateur n’avait à intervenir que pour les restreindre. Sous le Principat, les choses changèrent, quand l’obligation d’organiser des jeux fut liée à la questure, dont l’occupation se confond avec l’entrée au sénat[56]. Les fêtes populaires, dont la célébration revient depuis Auguste aux préteurs[57], sont également une dépense imposée normalement à tous les sénateurs qui ont commencé la carrière politique par l’échelon inférieur, puisque tous ces sénateurs arrivent d’ordinaire forcément à la préture, et c’est surtout par là que le titre de sénateur dévient une lourde charge pour les personnes de fortune modeste. — Mais on ne rencontre pas à Rome ces paiements faits aux caisses publiques pour obtenir l’accès des fonctions officielles qui jouent un rôle si prédominant dans le régime municipal du temps de l’Empire[58]. — Les sénateurs ne servent pas, à cette époque, de contributions spéciales ; Commode seulement exigea de toutes les personnes, de rang sénatorial, à titre de présent de nouvel an, une somme annuelle de 50 deniers[59], et peut-être faut-il voir là l’origine de l’imposition spéciale des sénateurs établie par Constantin[60].

Au point de vue juridique, il s’est progressivement constitué entre les sénateurs et les citoyens qui n’appartiennent pas au sénat, une série d’inégalités, soit à l’avantage, soit au détriment des premiers, dont il faut assurément laisser l’étude approfondie aux ouvrages de droit privé et de droit criminel ; mais que nous devons brièvement réunir ici.   

Les sénateurs étant obligés, probablement depuis l’époque la plus ancienne, d’être domiciliés dans la ville de Rome, ils ont aussi nécessairement leur domicile judiciaire ; les personnes de rang sénatorial ne sont pas soumises, aux tribunaux de leur cité d’origine ni aux charges municipales. — Des mesures furent prises, sous le Principat, pour que les séances du sénat et les audiences auxquelles le sénateur était cité à comparaître ne se trouvassent pas en conflit.

Les deux juridictions criminelles d’exception les plus élevées de l’époque impériale sont celles du sénat et du prince. La seconde est, au moins selon la théorie de la période récente de l’Empire, inapplicable aux personnes de rang sénatorial. Ce privilège est étranger à, la période antérieure, du Principat, et même plus tard il a été pratiquement méconnu une infinité de fois[61].

Dans la procédure des quæstiones du temps de la République, il y a, sans parler de ceux qui par leur nature ne peuvent être commis que par des sénateurs[62], des crimes qui, aux termes de la loi, sont propres aux sénateurs. Tel est le crime d’exaction, pour lequel, au temps des Gracques, il n’y avait, à part les magistrats, que les sénateurs et les fils de sénateurs à pouvoir être poursuivis dans cette forme[63], tandis que, dans le système postérieur, l’infraction reçut une définition plus générale[64]. De même encore la pression illégale exercée sur une quæstio pour la déterminer à une condamnation n’est, selon la législation du temps des Gracques, assimilée au meurtre que lorsqu’elle émane d’un magistrat ou d’un sénateur[65] ; mais cela ne s’est pas non plus maintenu sous le Principat[66]. L’assimilation des sénateurs et des magistrats se rencontre encore dans d’autres lois pénales[67]. — La condition des sénateurs peut donc ; même en dehors de ce que, pour tous les trimés plus ou moins politiques, les sénateurs étaient en fait particulièrement exposés aux poursuites, être regardée comme étant, au point de vue de la responsabilité pénale, une situation d’exception dans le sens défavorable du mot[68]. Nous avons déjà dit, en expliquant comment on sort du sénat que le retrait du siège sénatorial figure parmi les peines à la fin de la République et sous le Principat. Lorsque, dans la période récente de l’Empire, l’échelle des peines fut graduée selon les rangs, les privilèges attribués aux classes supérieures des chevaliers s’étendirent naturellement aux sénateurs.

On n’est, à proprement parler, jamais arrivé à Rome à créer des sénateurs fictifs, c’est-à-dire à séparer les honneurs sénatoriaux de la qualité réelle de membre du sénat, que par l’expédient déjà étudié de la magistrature fictive[69], qui confère certains droits sénatoriaux de même que la magistrature réelle confère le siège sénatorial. Cette séparation des honneurs et des fonctions est absolument inconnue à la République ancienne. Mais il est arrivé, dans des cas isolés, vers la fin de la République, et dans une large mesure, sous le Principat, que les droits honorifiques à l’exclusion des droits politiques, en particulier du droit de voter au sénat, fussent laissés à des sénateurs sortis du sénat ou même concédés à des gens qui n’avaient jamais été sénateurs[70]. Désormais les titulaires des ornamenta consularia, prætoria, quæstoria correspondent, en qualité de sénateurs honoraires des différentes catégories, aux sénateurs véritables appartenant aux diverses classes hiérarchiques du sénat. Les droits appartenant à ces personnages se résument essentiellement, en premier lieu, dans le droit de porter le costume des magistrats, c’est-à-dire, si on laisse de côté le droit de porter la prétexte comme vêtement de cérémonie qui appartient à ceux de la classe la plus élevée, dans le droit général de paraître en public avec le soulier sénatorial et le latus clavus de pourpre ; en second lieu, dans le droit de prendre place parmi les sénateurs dans les fêtes et banquets[71]. Comme il n’y a pas à cette époque d’autres sénateurs que ceux des diverses catégories comitiales, il n’y a pas non plus de sénateurs honoraires, ayant simplement droit aux honneurs sénatoriaux en général, il n’y a pas d’ornamenta senatoria, tandis que, dans les municipes, où la nomination des décurions par le magistrat était restée en vigueur, les ornamenta decurionatia se rencontrent fréquemment à côté de ceux des magistratures[72].

 

 

 



[1] L’unique exception qui me soit connue (elle m’est signalée par O. Hirschfeld) est l’Espagnol P. Cornelius P. f. Gal. Anullinus Illiber(ri) consul pour la seconde fois en 199 (C. I. L. II, 2073).

[2] Vita Elag. 20. Vita Claudii, 4. La vestis senatoria (Vita Caracalli, 2. 4, alternant avec latus clavus : vita Getæ, 6) est l’antithèse du costume militaire.

[3] Nous signalons, tome II, dans la théorie du Costume des magistrats, au sujet du vêtement de pourpre de ceux qui donnent des jeux, la correction fausse par laquelle Dion, 49, 16, est mis en contradiction avec ce principe.

[4] Il est surprenant que la légende, qui connaît l’origine de tout le reste, soit absolument muette sur celle du clavus ; mais il en est ainsi aussi bien pour l’insigne des chevaliers que pour celui des sénateurs. On est porté à rattacher le premier à la trabea équestre ; mais c’est également conjectural.

[5] Même postérieurement la largeur de la bande dépendit dans une certaine mesure de la fantaisie individuelle ; Auguste usus est... clavo nec tata nec angusio (Suétone, Aug. 73).

[6] Il faut ajouter l’absence dé cet insigne dans les institutions municipales. Cette absence se conçoit s’il n’appartenait originairement qu’aux chevaliers, le développement de la chevalerie romaine étant resté étranger à ces institutions. Mais, si les sénateurs avaient porté à Rome le clavus dès le principe, on devrait s’attendre à le retrouver dans les municipes ; d’autant plus que l’existence des ornamenta decurionalia semble impliquer des insignes appartenant au décurion non magistrat à côté de ceux du décurion magistrat. On ne peut pas comparer à cette lacune le silence relatif à la présence dans les municipes du soulier sénatorial qui est quelque chose de moins saillant. Cependant il est bien concevable que les institutions romaines aient plus tard enlevé aux sénateurs municipaux, en même temps que le nom de sénateurs, la rouge bande de pourpre et le soulier rouge.

[7] Festus, p. 142 : Mulleos genus calceorum aiunt esse, quitus regel Albanorum primi ; deinde patricii sunt usi. M. Cato originum l. VII : Qui magish aium curulem cepisset, calmas mulleos aluta vinctos (Ms. : allutaciniatos), ceteri perones. Item Titinius in Getina (Ms. : seriana) : Jam cum mulleis te ostendisti, quos tibiales incalceas (ce doit être là à peu près ce qu’il faut lire ; le Ms. : Tibiatis in calceos). Quos putant a multando dictas esse, id est suendo. Ailleurs calceus mulleus est employé, pour le soulier rouge en général (Pline, H. N. 9, 17, 65 : Nomen his — aux poissons du même nom — Fenestella a colore mulleorum calciamentorum datum putat. Vita Aurel. 49 : Calceos mullos et cereos et albos ; Isidore, Orig. 19, 34, 10 ; Placidus, éd. Deuerling, p. 67, où la leçon a colore albo est une simple méprise). Calceus patricius et calceus senatorius sont à l’origine synonymes de calceus mulleos.

[8] Loi de Bantia, ligne 4 : Neive is in poplico luuci prætextam neive soleas h[abet]o. Puisqu’il n’y a pas de soulier propre au magistrat, il s’agit nécessairement là du soulier sénatorial : il est dit immédiatement auparavant : In sen[atu].... ne sea[tentiam rogato].

[9] En dehors de l’expression solea, cela résulte d’Isidore, 19, 34, 10 : Mullei similes suai cothurnorum solo alto, superiore autem parte cum osseis vel ænis malleolis, ad quos fora deligabantur. Lydus, (De mag., 1, 7, d’après Cocceius) appelle aussi le soulier de Romulus κόθορνος ; la description du soulier sénatorial, De mag. 1, 17, appartient à la plus basse époque, mais est exacte pour les points principaux.

[10] Note 7. La chaussure des rois albains, à laquelle remonte Festus, est élevée et de couleur rouge (cf. tome II, la théorie du Costume des magistrats, sur leur chaussure). Zonaras (7, 4, pour le surplus d’après Plutarque, Rom. 2, 6, qui ne parle pas de la chaussure), et Lydus, De mag. 1, 7, donnent aussi des chaussures rouges à Romulus. Si le soulier royal est indiqué là comme différent du soulier sénatorial, cela se rapporte à la différence de hauteur. Le caractère distinctif du soulier sénatorial ne peut, selon la juste observation de Mau, Handbuch, 7, 591, note 4, être cherché dans sa couleur rouge, puisque cette couleur n’est jamais mentionnée quand on relève ses caractères spéciaux. Il en est évidemment du soulier comme du costume triomphai et du paludamentum (v. tome II, la théorie du Costume des magistrats, à la section du costumé de paix, sur le costume de pourpre du triomphateur, et à celle du costume de guerre, sur celui du général) ; il est d’une couleur différente du soulier noir ordinaire : ou bien blanc, ou bien plus fréquemment rouge.

[11] Luna, Stace, Silves, 3, 2, 29 ; Juvénal, Sat. 7, 192 ; Isidore, 19, 34, 4 ; lunula, seulement le scoliaste de Juvénal ; σεληνίς, Plutarque, Q. R. 76 ; σεληνίσκος, Lydus, De mens. 1, 19 ; έισφύριον, inscription d’Hérode Atticus, G. I. Gr., 6280 B 30 ; Philostrate, Vit. soph. 2, 1, 8. — La forme résulte du nom. Philostrate, loc. cit. Hérode appelle, dans sa poésie, la luna σελ[ηναίη]ς κύκλ[ος αύγής] et άστερόεντα περί σφυρά πέδιλα. Isidore, 19, 34, 4 : Luna... non sideris formtam, sed notam centenarii numeri signifacabat, quod initio patricii senatores centum fuerint ; de même Lydus, De mens. 1, 19, relativement au præfectus urbi ; transporté par confusion dans Zonaras, 7, 9, au signe grec de la centaine P. — La matière en est l’ivoire : Philostrate, loc. cit. — Isidore parle de la couture de la boucle (note 12) et c’est sans doute è cela que se rapporte l’étymologie de mulleus a mullando id est suendo, dans Festus, p. 63, note L — Au reste, les sandales ordinaires doivent avoir eu un fermoir analogue. Si Martial, 2, 29, 7, cite, dans le portrait d’un petit maure de l’ordre équestre, la lunata planta, il ne peut vouloir faire allusion a la luna des sénateurs. Elle doit avoir constitué un simple ornement : elle ne peut avoir servi à attacher Ies courroies, puisqu’elle fait défaut dans le soulier simplement sénatorial.

[12] Lora : Sénèque, De tranq. an. 11, 9 ; Isidore, 19, 34, 10 ; — aluta : Caton, note 4 ; Juvénal, 7, 192 ; — corrigiæ, Isidore, 19, 34, 4. — Nombre : Isidore, loc. cit. — Boutons d’os ou de métal : Isidore, loc. cit. — Les lacets montent jusqu’au mollet. Horace, Sat., 1, 6, 27. Les mullei de Titinius sont tibiales (note 4). — La couleur noire est attestée par Horace, loc. cit., et Juvénal, Sat. 7, 492. Le fait que le petit maître non sénatorial de Martial, 2, 29, 7, porte des liens rouges à ses sandales confirme que nous n’avons point là une description de la chaussure sénatoriale.

[13] Celui qui devient sénateur change de souliers (Cicéron, Phil., 13, 13, 28) ; de même, celui qui rentre du sénat chez lui (Cicéron, Pro Mil., 10, 28).

[14] Stace, 5, 2, 28. Le fils d’Hérode a aussi cette chaussure dans son enfance.

[15] Festus, p. 142. Sous le nom de patricii, il ne peut s’agir que de sénateurs patriciens, puisque sans aucun doute la chaussure spéciale n’appartient qu’aux sénateurs.

[16] Caton, dans Festus, p. 142.

[17] Le témoignage certain la plus ancien au sujet de la différence du soulier patricien et du simple soulier sénatorial est celui relatif à Marius (note suivante). Le caractère de cette différence consistant dans la réserve de la lunes au premier est hors de doute pour le fils d’Hérode, qui, selon l’inscription en prose, C. I. Gr. 6185, fut inscrit par Antonin le Pieux είς τούς εύπατρίδας et qui, dans celle en vers, est célébré à raison de l’obtention de la luna. Si, selon Plutarque, Q. R., 76, et si, d’après Philostrate, loc. cit., la boucle de cheville est τό ξύμβολον φορούσιν, cela ne peut pas être entendu du clarissimat, mais seulement du patriciat. Isidore, 19, 34, 4, attribue expressément et par corrélation à la légende du Sénat de cent membres da Romains, les souliers ornés de la luna aux seuls patriciens, et Zonaras, 7, 9 (de même Jean d’Antioche, éd. Muller, fr.33), dit, sans doute d’après Dion, que les sécateurs patriciens, n’avaient sur les plébéiens d’autres privilèges que l’interregnum, certains sacerdoces et le soulier, texte où à la vérité les liens sont mentionnés à tort, à moins qu’on ne veuille admettre la supposition, dénuée de tout autre appui, selon laquelle les deux espèces de chaussures auraient également différé quant aux liens. Enfin on trouve les uns à côté des autres dans le tarif de Dioclétien (c. 9, 7. 8) les calcei patricii valant 450 deniers et les calcei senatorum en valant 100, — Il n’y a point à s’arrêter à la scolie de Juvénal, 7, 492 : Lunula.... adsuta calceis discernuntur patricii a noviciis.

[18] Marius, en paraissant au Sénat le jour de son triomphe, le 1er janvier 650, veste triomphali, calecis patriciis (C. I. L. I, p. 190), ne s’appropria pas des insignes qui ne lui auraient pas appartenu ; mais il rompit avec l’usage en portant les insignes du triomphe dans un lieu où les insignes ordinaires de la magistrature auraient seuls été à leur place. Il y avait donc certainement deux espèces de chaussures, et les triomphateurs plébéiens eux-mêmes avaient droit à la plus distinguée.

[19] Servius, Ad En. 8, 438, emploie calceus senatorius au sens général.

[20] Sénèque, De tranq. ann. 11, 9. Plutarque, De tranq. animi, 10 (cf. Handbuch, 7, 589, note 2). Il est difficile pour Sénèque et impossible pour Plutarque qu’ils veuillent parler d’autre chose que de l’insigne du sénateur ordinaire ; car c’est lui seul et non le patricien qui peut être opposé, comme appartenant à une classe inférieure, au préteur. Il n’est pas non plus étonnant que, le soulier sénatorial plébéien venant du patricien, calceus patricius et ses synonymes aient un sens large à côté du sens strict.

[21] Les poètes Stace (5, 2, 28), Martial (1, 49, 31) et Juvénal (7, 192), caractérisent les sénateurs, à côté du latus clavus, par la luna, sans qu’il puisse guère s’agir des seuls sénateurs patriciens : Stace nomme, il est vrai, la luna patricia, mais sans doute dans un sens général, comme Sénèque parle des lora patricia. L’argumentation pou claire de Willems, 2, 123 et ss., aboutit à dire que le soulier patricien orné de la luna appartiendrait aux sénateurs patricio-plébéiens du rang le plus élevé et celui sans la luna à ceux du rang inférieur. Où faut-il placer la ligne de démarcation, il ne le dit pas, et pour une bonne raison ; car il serait véritablement difficile de démontrer que le consul Marius, qui n’avait pas le droit de porter la chaussure patricienne en dehors du triomphe, appartenait à la classe hiérarchique inférieure du sénat, et les provinciaux célébrés par les poètes cités plus haut à sa classe supérieure. Il attache du poids à ce que ces poètes laudatifs auraient froissé leurs protecteurs en mentionnant des insignes qui ne leur auraient pas appartenu. Mais il est cependant arrivé plus d’une fois que des hommes qui n’étaient point barons ne se soient pas choqués d’être célébrés comme barons. Il ne faut pas traiter ces questions d’une manière trop naïve. L’usurpation n’a jamais été aussi constante ni aussi puissante que pour, les décorations de cette espèce. Le même phénomène peut se suivre dans l’histoire des anneaux d’or, et la bordure de pourpre de la toge a 4té aussi difficile à défendre que l’est aujourd’hui le ruban rouge.

[22] V. tome II, la théorie des Faisceaux, sur les licteurs des sénateurs et des ambassadeurs, et, tome IV, celle des Légats, sur leurs insignes.

[23] V. tome I, la théorie du Conseil du magistrat, sur la composition de ce conseil.

[24] Si, de même que tous les magistrats, les sénateurs ont coutume de se rendre à la fête latine du mont Albain (Dion, 39, 30), cela doit sans doute être compris dans ce sens que lorsque tous les citoyens en générai devaient participer aux cérémonies du culte, cette obligation était en particulier accomplie par les sénateurs.

[25] La relation existant entre le senaculum et Ies jeux résulte particulièrement des témoignages sur la græcostasis.

[26] V. tome II, la théorie des Véhicules et des Sièges des magistrats, sur les places d’honneur qui leur sont attribuées dans les fêtes publiques, et celle des Honneurs des ex-magistrats, sur leur droit de reprendre leur costume.

[27] Dès auparavant, les citoyens laissaient d’ordinaire les places de devant aux sénateurs (Val. Max. 4, 5, 1). La séparation en forme fut accomplie parles édiles aux Megalensia de 580, sur le conseil des censeurs d’alors et du consul d’alors, le premier Africain (Cicéron, De har. resp. 12, 24, et Asconius, In Cornel. p. 68-69 ; Tite-Live, 34, 44, 5. c. 54 ; Val. Max. 2, 4, 3). A partir de là, les places réservées des sénateurs au théâtre sont souvent mentionnées (Plutarque, Cat. maj. 17, Flam. 19, et Val. Max. 4, 5, 1 ; Cicéron, Pro Cluent. 47, 132 ; Tacite, Ann. 13, 54 ; Dion, 54, 14). Ils s’asseyaient à l’orchestre, disent Vitruve, 5, 6, 2 et Suétone, Aug. 35, Claude, 21, Ner. 12. Sur les organisations analogues dans les municipes, cf. Eph. epigr. XI, p. 130. Lorsque les sénateurs prirent, en 698, le costume de deuil, ils résolurent également de ne pas paraître aux fêtes publiques (Dion, 39, 28. 30) ; lorsque le port du vêtement de deuil n’était pas une manifestation de parti, les fêtes publiques elles-mêmes étaient naturellement suspendues.

[28] Tite-Live, 1, 35, 8, dit déjà de la première disposition du cirque à l’époque royale : Loca divisa patribus equilibusque, ubi spectacula sibi quisque facerent. Dion, 55, 22 rapporte cela, comme une nouveauté qui fut depuis maintenue, sous la date de l’an 5 après J. C. Les sénateurs ne reçurent de places fixes au cirque que sous Claude. Dion, 60, 7 ; Suétone, Claude, 21.

[29] Cf. tome II, la théorie des Honneurs attachés à la magistrature fictive, sur les honneurs extérieurs résultant des ornamenta ; Handbuch., 6, 348 et ss. L’epulum Jovis est signalé comme un banquet sénatorial dans Aulu-Gelle, 12, 8, 2 (cf. Tite-Live, 38, 57) ; également chez Dion, 39, 30. 48, 52.

[30] On peut regarder comme en étant la preuve le fait que, dans le banquet funéraire donné a tout le peuple en l’honneur du second Africain, les tables d’honneur étaient dressées sur le Capitole devant la cella Au temple de Jupiter (Sénèque, Ép. 95, 72. 98, 13 ; Cicéron, Pro Mur. 36, 76), tandis que le peuple mangeait au Forum (Tite-Live, 39, 46.)

[31] Congiarium, dit Suétone de l’empereur Gaius, c. 17 (inexactement Dion, 59, 7), populo bis dedit trecenos sestertios, totiens abundantissimum epulum senatui equestrique ordini ; etiam conjugibus ac liberis utroruanque. Lors de la consécration du portique de Livie en 747, Tibère donna un repas aux sénateurs au Capitole, pendant que sa mère invitait les dames de son calté (Dion, 55, 8). Lors de la dédication de la statue d’Auguste après son décès, le même Tibère offrit de nouveau un banquet aux sénateurs et aux chevaliers, pendant que leurs épouses mangeaient chez sa mère (Dion, 57, 12). Elagabal donne pour son mariage διανομήν τινα au sénat et aux chevaliers et de l’argent au peuple et aux soldats (Dion, 79, 9). Fêtes analogues dans Suétone, Dom. 4, cf. 7 ; Dion, 55, 2. 59, 11. 60, 7. 76, 1 ; Vita Aureliani, 12. Naturellement l’organisation de ces fêtes variait suivant les goûts et les fantaisies. Il est dit de Gallien (Vita, 16) que tenatui sportulam sedens erogavit. Mais l’organisation rapportée par Suétone pour Gains et par Dion pour Elagabal a constitué la régla, a laquelle correspondent fréquemment les banquets municipaux symétriques. Une disposition testamentaire, selon laquelle une certaine somme devait être versée annuellement à chaque sénateur, fut annulée par Domitien (Suétone, 9) parce que de telles libéralités, usitées dans les municipes, ne convenaient point à la dignité du sénat de l’empire.

[32] Suétone, Aug. 35. Dion, 54, 14. Cf. la loi Julia municipalis, ligne 133.

[33] V. tome V, la théorie dei Insignes et des honneurs officiels du prince, sur les visites reçues par lui, et celle de la Cour et de la maison de l’empereur, sur les amici Augusti. Dion, 57, 11.

[34] Les femmes des sénateurs avaient le droit de circuler dans la ville en voitures couvertes (Dion. 57, 15) : Alexandre permit aux sénateurs d’avoir des harnais montés en argent (v. tome II, la théorie des Véhicules des magistrats), Aurélien leur permit d’avoir des courriers (cursores) à l’imitation des courriers impériaux (Vita Aurel. 49) et, proportionnellement à leur fortune, d’avoir des eunuques (loc. cit.).

[35] V. tome II, la théorie de l’Interrègne.

[36] V. tome II, la théorie des Causes d’inéligibilité relatives, sur l’ordre des magistratures.

[37] V. tome III, la partie des Gouverneurs de province, sur la capacité d’être gouverneur, et tome V, la théorie de la Nomination des magistrats par le prince, sur la nomination des magistrats auxiliaires sénatoriaux.

[38] Victor, Cæsaribus, 33. Cf. tome III, le commencement de la partie des Gouverneurs de province, sur Macer, Digeste, 1, 18, 1, et la même partie, sur la capacité du gouverneur.

[39] V. tome IV, la partie des Légats, sur la capacité.

[40] Il n’y a à s’expliquer à ce sujet que Denys ; selon lui, 2, 14, Romulus tranche lui-même les procès les plus importants, et il renvoie les moins importants à la décision de sénateurs. Le roi Servius sépare ensuite le jus et le judicium (v. tome I, la théorie de la Nomination des auxiliaires, sur l’exclusion du concours du déléguant, et tome III, la théorie de la Préture, sur les listes de jurés), et il confie les fonctions de jurés, aux sénateurs. Cf. la partie de la Compétence du sénat.

[41] Les mots de Plaute (Rud. éd. Fleckeisen, 712) : [Ergo dato] de senatu Cyrenensi quemvis opulentum [arbitrum] n’autorisent aucune conclusion relativement aux institutions romaines.

[42] V. tome III, la théorie de la Préture, sur la liste des jurés, première note, et Polybe, 6. 17.

[43] V. tome III, la théorie du Consulat, sur la juridiction administrative et financière. Peut-être Polybe pensa-t-il aussi, tout au moins en même temps, à ces procès administratifs.

[44] Le sénat fit, en 593, un règlement restrictif an sujet des muttitationes des grands (Aulu-Gelle, 2, 24, 2).

[45] En l’an 15 après J. C., le sénat défendit ne domos pantomimorum senator introiret (Tacite, Ann. 1, 77).

[46] Suétone, Claude, 25.

[47] V. tome II, la théorie des Causes d’inéligibilité absolue, n° 3, sur l’exercice d’un métier.

[48] Tite-Live, 21, 63, 4.

[49] La disposition d’Hadrien, (Dion, 69,16), ne peut avoir été que conservatoire. Il en est de même pour les décurions. Papinien, Digeste, 50, 2, 6, 2 (cf. l. 4 et C. Th. 12, 1, 97).

[50] Tite-Live, 21, 63.

[51] Cicéron, Verr. 53 18, 45.

[52] Scævola, Digeste, 50, 5, 3.

[53] Vita Alex., 26. La perception d’intérêts fut absolument interdite, on 397, aux sénateurs, mais leur fut ensuite de nouveau permise, en 405, comme sous Alexandra Sévère, jusqu’au maximum de 6 % (C. Theod. 2, 33, 3. 4). Cf. Cod. Just. 4, 32, 26.

[54] Pline, Ép. 6, 19. Par suite, les candidats vendent leurs immeubles en province et en achètent en Italie, ce qui fait monter le prix des biens italiques, notamment dans les environs de Rome. Vita Marci, 11. La justification de la fortune se restreignant indubitablement à celle du minimum requis, c’est également sans doute à ce minimum qu’il faut rapporter la fraction.

[55] Plutarque, Sulla.

[56] V. tome IV, la théorie de la Questure, sur les jeux des questeurs.

[57] V. tome III, la théorie de la Préture, sur les jeux des préteurs.

[58] Ce fut une des extorsions de Caligula d’exiger des nouveaux prêtres des droits d’entrée élevés (Suétone, Claude, 8, et Gai., 22 ; Dion, 59, 28).

[59] Dion, 72, 16. Les sommes sont entre elles dans le même rapport que les cens sénatorial d’un million de sesterces et le cens décurional de 100.000. Cf. Dion, 77, 9.

[60] Selon les institutions du IVe siècle les sénateurs qui n’ont pas à verser une somme supérieure en vertu de la contribution établie par Constantin sur les immeubles des sénateurs, paient un minimum de deux folles en Occident (C. Th. 6, 2, 8) et de 7 solidi en Orient (C. Th. 6, 2, 10. I8. tit. 26, 12). Ces redevances peuvent être antérieures à Constantin.    

[61] V. tome V, la théorie de la Juridiction criminelle du prince, sur son application aux sénateurs.

[62] Digeste, 48, 11, 6, 2 : Lege Julia repetundarum cavetur, ne quis... ob sententiam in senatu consitiove publico dicendam pecuniam accipiat.

[63] D’après la loi repetundarum de 631-632, peut être poursuivi pour exaction, outre le magistrat et le fils de magistrat, [queive] quojus[ve] pater senator siet. Les mots entre crochets manquent, il est vrai, dans l’original ; mais leur intercalation est également indispensable au point de vue de la langue et au point de vue du fond. La disposition vise en première ligne les sénateurs qui ne sont point parvenus à une magistrature et qui sont en fonctions en qualité de legati.

[64] La magistrature est plus tard remplacée, dans la qualification du délit, par l’exercice d’une fonction publique, et le sénateur est compris dans la définition (in magistratu potestate curatione legatione, vel quo alio officio munere ministeriove publico : loi Julia repetundarum, Digeste, 48, 14, 1). L’action est en pratique principalement intentée contre les sénateurs à l’époque postérieure. Fidiculanius, dit Cicéron, Pro Cluent., 37, 104, quid fecisse dicebatur ? accepisse a Cluentio HS. CCCC. Cujus, erat ordinis ? senatorii. Qua lege in eo genere a senatore ratio repeti volet, de pecuniis repetundit, ea lege accusatus honestissime est absolutus. De même c. 53, 448.

[65] La loi de Sulla sur le meurtre limite l’accusation contre le fait de coire, convenire, consentire en vue d’amener une condamnation sur un judicium publicum (Cicéron, Pro Cluentio, spécialement 54, 148. 57, 157) aux magistrats et aux sénateurs (op. cit. spécialement 54, 148). La loi de C. Gracchus, dont celle de Sulla est une répétition (op. cit., 55, 154. 56, 154), était immédiatement dirigée contre les condamnations des partisans de É. Gracchus par la consul Popillius et son consilium ; c’est à la réunion d’un pareil conseil que se référent les expressions coire, convenire, et, dans cet ordre d’idées, la limitation de la poursuite aux magistrats et aux sénateurs se conçoit. Mais il n’est pas contestable que tout président de tribunal ou tout magistrat ou sénateur qui pesait dans le sens indiqué sur la décision d’un juré tombait sous le coup de la loi, et que Sulla l’a renouvelée avec cette portée, bien qu’il ait pu, conserver intentionnellement sa rédaction équivoque au sujet de l’application à de pareils cas. Un ne peut douter, en présence de Cicéron, Pro Rab, Post. 7 (cf. Appien, B. c. 1, 35) que le jura convaincu de corruption ne fut soumis à cette loi seulement s’il était sénateur.

[66] La relation des dispositions de la loi de Sulla sur le meurtre contenue dans les recueils juridiques (en particulier, Digeste, 48, 10, 1, pr. 4 1) s’écarte de Cicéron d’une façon qui n’est pas sans importance : le crime du magistrat y est limité au cas où le magistrat ou président de quæstio s’est laissé corrompre par l’accusateur ou a provoqué de faux témoignages probablement cela a été admis par interprétation, des mots coire, convenire. Le faux témoin en matière criminelle est entièrement assimilé au meurtrier. Peut-être est-ce là une règle ancienne et n’est-ce que par une argutie d’avocat que Cicéron, op. cit. 57, 157, limite le principe, au magistrat : et au sénateur, tandis qu’il n’en dit rien, c. 54.

[67] La loi de Bantia se désigne, ligne 2, comme faite contre les magistrats et les sénateurs. Cicéron, Pro Rab. Post. 7, 17, appelle lex senatoria une loi ainsi limitée aux sénateurs.

[68] Velleius, 2, 28, 4. Cicéron, Pro Cluent. 55, 150, Pro Rab. Post., 7. On rencontre aussi çà et là en procédure criminelle des dispositions d’aggravation prises à rencontre des sénateurs. Les mesures prises par Pompée en 702 à l’occasion du meurtre de Clodius comprenaient l’interdiction de la laudatio aux sénateurs (Val. Max, 6, 2, 5 ; généralement Plutarque, Pomp. 55. Cat. min., 48. Dion, 40, 52. 55). La question de savoir si l’on peut conclure des mots de Cicéron, Div. in Cæc. II, 34, avec le scoliaste, p. 414, que les sénateurs ne fussent pas admis à l’indicium, est douteuse.

[69] V. tome II, la théorie des Honneurs attachés à la magistrature fictive.

[70] V. tome II, la même théorie, sur la définition des ornamenta et sur leur introduction au profit des non sénateurs.

[71] V. tome II, la même théorie, sur les honneurs extérieurs attachées aux ornamenta.

[72] V. même tome, la même théorie, sur les trois degrés des ornamenta des magistrats.