LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE TROISIÈME. — LE SÉNAT.

CAPACITÉ.

 

 

La capacité d’être sénateur n’a besoin d’être étudiée que pour le cas où le sénateur est nommé par un magistrat. Pour les nominations comitiales de sénateurs de la République et du Principat, elle se confond avec la capacité d’occuper la magistrature qui confère le siège sénatorial ; et il en est de même pour les nominations extraordinaires de sénateurs faites par l’empereur ; car ces nominations sont toujours faites sous la forme d’attribution fictive d’une magistrature sénatoriale, et par conséquent les conditions de capacité sont supposées exister, ou en tout cas il en est fait remise. Ce n’est donc qu’à titre de récapitulation que, nous devons ici relever ces conditions de capacité qui sont, au sens propre, relatives à l’occupation des magistratures.

La capacité d’être nommé sénateur, requiert le droit de gentilité et le patriciat, à l’époque ancienne, le droit de cité, à l’époque moderne ; le sexe masculin ; l’âge ; l’absence d’indignité et la fortune. Ces conditions se rapportent à des époques très différentes et sont disparates en elles-mêmes, cependant il nous semble à propos de les réunir ici dans une section spéciale.

1. Le droit de gentilité, ou ce qui n’est point autre chose, le patriciat peut être la condition du siège sénatorial à un double point de vue, ou bien en ce sens qu’un siège particulier soit attribué à une gens déterminée, ou bien en ce sens que le siège sénatorial suppose le droit de gentilité. — Il est possible que, dans la Rome primitive, les sièges sénatoriaux aient été attachés aux gentes. Il existe un rapport indéniable de corrélation entre la curie et le sénat. La dénomination de curia, qui a de bonne heure été transportée de la fraction du peuple à l’édifice attribué à cette fraction du peuple pour ses affaires propres, a été également appliquée de bonne heure à l’édifice où se réunit le conseil de tout le peuple[1] ; le lieu de réunion de la fraction du peuple et celui du conseil de la cité, constituant l’un la petite curia et l’autre la grande, étaient donc corrélatifs et considérés comme tels. En outre, les patriciens appartenant au sénat expriment encore leur opinion à l’époque historique dans l’ordre des trois cités primitives et de leurs curies[2]. Or, la curie n’est pas autre chose qu’un ensemble de gentes et l’organisation par curies reste en un certain sens une organisation par gentes. De plus, dans l’expression des opinions, les majores gentes passent avant les minores[3], et le cher du sénat (princeps senatus) a été, pendant toute la période de la République, non pas seulement un patricien, mais probablement un patricien des majores gentes[4]. Ces institutions fonctionnent à une époque où il n’est plus question de représentation  collective ou séparée des gentes patriciennes dans le sénat ; mais leur origine ne peut guère s’expliquer en dehors de l’idée d’un conseil de la cité composé de représentants de toutes les gentes existantes soit par un choix royal lié à la gentilité, soit de toute autre façon. — Mais, d’autre part, cette idée est exclue par les plus anciennes institutions qui nous soient connues. Car le chiffre des gentes n’a jamais pu être un chiffre fixe, et le nombre des sénateurs apparaît dans notre tradition comme ayant été arrêté dès le principe. Sans doute le chiffre normal se lie lui-même visiblement à celui des curies, à raison de dix sénateurs par curie, et l’époque de la fixation précise de ce chiffre peut avoir été précédée par une époque dans laquelle les curies fournissaient en proportions approximativement égales les représentants des gentes ; mais la plus ancienne forme du sénat dont nous parle la tradition n’en reste pas moins incompatible avec la représentation des gentes. On ne trouve non plus aucune trace d’une limitation quelconque apportée par l’organisation des gentes au système de, nomination des sénateurs ; il n’est dit nulle part que deux membres de la même gens n’aient pas pu siéger l’un à côté de l’autre au sénat, ou encore que le magistrat ait été obligé de ne prendre que dix sénateurs dans chaque curie. Il est possible, il est même vraisemblable qu’à l’époque la plus’ ancienne le choix des sénateurs ait été dominé par la gentilité ; mais il n’en est rien resté dans nos sources.

2. Le lien établi entre la gens et le siège sénatorial s’est, s’il a jamais existé, certainement rompu des l’époque la plus reculée. Au contraire, la restriction du siège sénatorial aux patriciens s’est maintenue jusqu’à une époque relativement récente. Dès lors que tes patriciens sont avec raison regardés comme constituant le peuple primitif, l’occupation exclusive des sièges sénatoriaux par les patriciens dans la même période en résulte naturellement. A la vérité, notre tradition, qui considère les plébéiens comme ayant toujours été citoyens, n’exprime par suite jamais expressément l’incapacité des plébéiens d’être sénateurs et explique leur entrée au sénat simplement par le défaut de patriciens. Mais elle considère elle-même le sénat comme ayant été primitivement patricien. Lorsque la légende parle d’admissions dans le sénat faites sous les rois, elle y lie l’admission dans le patriciat[5] et elle rattache l’entrée des plébéiens dans le sénat parfois aux institutions de Servius[6], habituellement à la fondation de la République[7]. Par corrélation, les plébéiens apparaissent plus tôt, dans ces récits, comme membres du sénat que comme magistrats[8].

L’incapacité primitive des plébéiens d’entrer au sénat est établie, plus sûrement que par ces allégations quine sont point proprement historiques, par l’inégalité légale qui a plus tard existé entre les membres patriciens et ses membres plébéiens du conseil et quia bien pu être amoindrie, mais non pas être écartée dans le cours des temps. Nous avons déjà expliqué[9] que l’exercice du pouvoir pendant l’interrègne est toujours resté réservé aux membres patriciens du sénat, c’est-à-dire que le caractère de magistrat suprême appartenant au sénateur est attaché au droit de cité complet et fait défaut au sénateur plébéien. Nous montrerons plus loin, au sujet de la compétence du sénat, que les sénateurs plébéiens ont également été et sont demeurés étrangers à la ratification traditionnelle des résolutions du peuple faite par le sénat pour les transformer en lois. Les membres plébéiens du sénat concourent exclusivement à l’expression de conseils qui ont commencé par n’être pas légalement obligatoires pour le magistrat conseillé, et ils n’y concourent même pas sur un pied d’égalité. Les fonctions de sénateurs comprennent dans leur totalité, ainsi que nous le démontrerons dans la théorie des séances du sénat, deux choses le droit de prendre la parole et le droit de vote. Le sénateur plébéien nommé par le magistrat, le pedarius, ne participe qu’au vote, et, selon toute apparence, cette restriction importante et sensible de ses droits n’a jamais été véritablement supprimée. C’est seulement lorsque les sénateurs issus exclusivement de la nomination du censeur ont disparu et que ceux produits par l’élection populaire, auxquels cette restriction n’a jamais été étendue, sont restés seuls, que les sénateurs muets de la plèbe se sont trouvés écartés et que, dans le sénat de l’époque postérieure à Sulla, comme dans le sénat royal, tous les sénateurs ont eu de nouveau à la fois le droit de vote et le droit de proposition. — Mais le sénateur plébéien muni du droit de proposition n’est pas lui-même complètement l’égal de ses collègues patriciens ; nous montrerons, au sujet de l’ordre d’interrogation des sénateurs, que, dans chacune des catégories formées par la priorité du droit à la parole, les patriciens passent avant les plébéiens.

Le fait que le sénat se composait à l’origine seulement de patriciens et que les plébéiens n’y ont été introduits que plus tard est donc établi ; mais la détermination chronologique du moment ou s’est accomplie cette transformation constitutionnelle importante n’est pas possible avec les matériaux dont nous disposons. Il n’est point douteux que le droit de proposition attaché à la magistrature fut accordé en même temps qu’elle aux plébéiens : les consulaires plébéiens ont, depuis qu’il en a existé, été au sénat les égaux des consulaires patriciens. La corrélation existant entre la magistrature et le droit de proposer, un avis s’exprime même terminologiquement dans le fait que les aspirants entrés dans le sénat par l’exercice de magistratures qui ne sont pas sur la liste sont désignés comme ayant le droit de donner leur avis (sententia) au sénat. En ce sens donc, les plébéiens ont obtenu, en 387 de Rome, l’égalité dans le sénat[10]. Le simple droit de vote a sans nul doute été longtemps auparavant accordé aux sénateurs plébéiens nommés par les magistrats. Les plébéiens sont parvenus à la magistrature supérieure, il est vrai sans l’acquisition viagère du siège sénatorial qui était certainement dès alors attachée à l’occupation du consulat, d’abord pour le décemvirat, à la date conventionnelle de 304, puis pour le tribunat consulaire, à la date, conventionnelle, de 309[11], et ils sont représentés, comme ayant été admis en 333 à occuper la questure[12] ; il est difficile de croire que ces victoires de l’égalité aient été plus anciennes que l’admission des plébéiens au sénat dans la proportion subordonnée signalée plus haut[13]. La tradition qui fait concorder l’admission des plébéiens dans le sénat avec l’établissement de la République a pour elle les vraisemblances. À la vérité, la chronologie conventionnelle de cette époque peut tout au plus prétendre à déterminer l’ordre approximatif des différents événements, et il n’y a aucun fond à faire sur tous ces chiffres ; mais la suppression de la Royauté doit avoir eu pour suite l’entrée des plébéiens à côté des anciens citoyens aussi bien dans l’assemblée du peuple que dans le sénat et dans l’exercice des magistratures, soit immédiatement, soit après un laps de temps plus ou moins bref.

3. À l’époque où la lutte des classes est terminée, il suffit, pour l’occupation du siège sénatorial, du droit de cité complet, en y comprenant l’ingénuité[14]. Nous pouvons, à ce sujet, renvoyer aux explications données sur la brigue des magistratures[15]. Celui qui peut briguer une magistrature de l’État peut aussi être inscrit dans le sénat. En prescrivant aux censeurs de choisir pour le sénat les hommes les meilleurs de tous les ordres[16], la loi Ovinia confirme expressément à leur profit la liberté de choisir impliquée par le caractère de cette magistrature dont le titulaire est responsable seulement devant sa propre conscience. Si le choix se portait de préférence sur les hommes qui s’étaient déjà distingués par le bon exercice d’une magistrature inférieure ou par leur conduite courageuse à la guerre[17], il n’y avait là qu’un usage raisonnable de la liberté. — Il a toujours été tenu compte de la bonne naissance des élus : en particulier, l’admission dans le sénat de gens qui avaient été ouvriers à gages ou qui avaient servi comme simples soldats, a choqué même à l’époque la plus récente[18]. Mais il n’y avait pas sous ce rapport de limitations théoriques.

4. Naturellement les femmes sont exclues du sénat comme des magistratures[19].

5. L’antique dénomination senator implique l’âge non seulement de senior, mais de senex[20] : on ne peut donc avoir admis dans le conseil de la cité, à l’époque la plus ancienne, que ceux qui avaient dépassé l’âge de soixante ans, biais cette exigence a certainement été restreinte de très bonne heure, probablement dès l’époque de l’établissement de l’annalité. La République ne peut pas avoir limité sa royauté annale aux vieillards, ni ceux qui avaient occupé cette royauté avoir ensuite été exclus du conseil de la cité. Ce qui a survécu, c’est que celui qui appartient encore aux juniores, c’est-à-dire qui n’a pas encore dépassé l’âge de quarante-six ans ; ne peut pas être choisi par les censeurs ; mais cela ne l’empêche d’ailleurs pas d’exercer les fonctions de sénateur en vertu de magistratures[21]. La première règle peut être restée en vigueur pour les sénateurs créés par les censeurs sans que ce fût à la suite d’occupation de magistratures, tant qu’il en a existé. — En tant que la magistrature fait obtenir le siège sénatorial, l’âge requis pour la magistrature l’est par là même pour l’entrée au sénat ; dans la période postérieure à Sulla, où il n’y a plus de nomination directe au sénat, la limite d’âge fixée pour la magistrature la plus basse qui donne accès au sénat, pour la questure, d"abord en principe trente ans[22], puis, depuis Auguste, vingt-cinq[23], est en même temps la limite d’âge sénatoriale.

6. L’absence d’indignité est une condition des nominations de sénateurs faites par les magistrats d’après des lois spéciales ou une coutume qui fait loi, la condamnation ou la transaction judiciaire relatives à un délit privé de droit commun ou à une action infamante, la dégradation ou la cassation militaire, l’exercice de certaines professions honteuses, la faillite et ses équivalents mettent le magistrat dans la nécessité d’exclure la personne de la brigue des magistratures et de ne pas l’admettre dans le sénat[24]. Les condamnations politiques ne produisent pas en principe, d’indignité. Cependant, dans la période moderne de la République, l’exclusion des magistratures et dû sénat a aussi été prononcée pour de pareils motifs[25].

7. L’admission à la brigue des magistratures et au siège sénatorial des étrangers gratifiés antérieurement ou en même temps du droit de cité a naturellement toujours paru choquante : la proposition de faire entrer les Prénestins et les Tiburtins dans le sénat, rencontra, pendant la guerre d’Hannibal, une aussi âpre opposition qu’un siècle plus tard les nominations de sénateurs provinciaux de César[26]. — Le droit d’origine, depuis qu’il a pu exister, à côté glu droit de cité complet, n’a, sous la République, entraîné dans aucun cas, qui nous soit connu l’incapacité : d’être magistrat ou d’entrer dans la curie. Dans la première période du Principat, l’éligibilité fut refusée et par conséquent la curie fut fermée aux citoyens romains ayant leur patrie locale en Gaule, peut-être en général aux citoyens romains des provinces[27]. Mais ces restrictions n’ont pas eu de durée. En fait ; le sénat se transforme, quant à sa composition, à la fin de la République, en sénat de l’Italie[28], et progressivement, au cours de l’époque impériale, en sénat de l’empire[29].

8. Tant que les sénateurs ont continué à être nommés par le magistrat, cette nomination n’a jamais été subordonnée légalement à la justification d’une certaine fortune, quoique en fait cette fortune fût requise chez les sénateurs dans la dernière période de la République et que l’on s’en préoccupa sans aucun doute au moment de la nomination. Sous le Principat, la preuve d’une fortune d’au moins un million de sesterces, était, comme nous l’avons déjà expliqué en étudiant la capacité d’être magistrat[30], exigée comme condition d’entrée dans l’ordre sénatorial. Depuis Trajan, il fallait établir qu’une quote-part de cette fortune consistait en immeubles italiques.

 

 

 



[1] Le mot curia, dans le sens d’édifice, n’est aucunement appliqué à tous les lieux de réunion ; il ne l’est qu’aux lieux de réunion des curies et aux lieux, d’ailleurs quelconques, de réunion du sénat. Pourquoi la curia saliorum portait-elle ce nom, nous ne savons ; mais certainement cela devait encore venir d’une certaine relation soit avec les trente curies, soit avec les séances du sénat.

[2] Festus, p. 246 : Curiatim. L’ordre des curies s’est nécessairement lié à celui des tribus de façon à faire les curies des Rampes suivre celles des Tities et celles des Luceres suivre celles des Ramnes.

[3] Cicéron, De rep., 2, 20, 36 ; Ad fam., 9, 21, 2. Tite-Live, 1, 35, 6. De viris ill., 6, 6. Tacite, Ann., 11, 25. Suétone, Aug., 2. Nous n’avons aucun renseignement sur leur relation arec les tribus et les curies. Mais les trois tribus datant de Romulus dans la légende, et les gentes minores y étant postérieures à Romulus, il est impossible d’identifier les dernières avec des tribus ou des curies déterminées. L’idée la plus naturelle est de rapporter à la cité tout entière le doublement des trois tribus attestées pour les cavaliers et de concevoir les familles patriciennes qui devinrent romaines lors de l’annexion de la ville du Quirinal et plus tard lors de l’annexion des Albains et d’autres cités latines comme étant à la fois des gentes minores et des Tities, Ramnes Luceres posteriores. La disposition des sénateurs d’après les trente curies doit, dans cette supposition, avoir été double et s’être répétée pour les gentes minores.

[4] Cela n’est pas exprimé dans notre tradition. Mais les chefs du sénat qui, nous sont connus appartiennent sans exception aux plus anciennes gentes patriciennes (Æmilii, Claudii, Cornelii, Fabii, Manlii, Valerii), et nous n’y trouvons représentée ni la seule gens minor que nous connaissions, celle des Papirii, ni aucune des gentes albaines (R. F. 1, 92 et sa. 258). Pour prétendre que la chronologie légendaire, qui place l’immigration des Claudii tantôt sous Romulus, tantôt et plus fréquemment au début de la République, les classe dans les minores gentes (Willems, 1, 116), il faut ne point connaître nos sources. — L’allégation de Willems, 1, 116 et ss., selon laquelle le principat du sénat aurait été accessible aux plébéiens après Sulla, est erronée. P. Servilius Isauricus, consul en, 675, Q. Lutatius Catulus, consul en 676, et Cicéron ne sont aucunement parvenus, comme il le pense, au principat du sénat. Puisque Catulus est appelé par Velleius, 2, 43, omnium confessione senatus princeps, c’est qu’il était, d’après l’opinion publique le premier membre du sénat et, que par conséquent il ne l’était indubitablement pas au sens formel, comme premier sénateur inscrit sur la liste. Les arguments tirés de ce qu’un scoliaste récent (sur Cicéron, De imp. Pomp. 23, 68, éd. Orelli, p. 442), appelle Catulus princeps senatus et de ce qu’un écrivain du temps d’Auguste (Cremutius Cordus, dans Sénèque, Suas. 6, 19) appelle Cicéron princeps senatus Romanigue nominis titulus, n’existent évidemment pas. Cicéron, Phil. 14, 7, 17 : Utinam illi principes viverent, qui me post meum consulatum, dum iis ipse cederem, principem non inviti videbant, montre clairement avec quelle réserve il faut agir dans le rattachement du mot princeps à la liste officielle. La lutte pour le premier, rang politique, la contentio principatus, dont il est question dans les mots qui, suivent immédiatement, est rapportée par Willems, p. 121, d’une manière aussi incroyable que candide, à la rivalité pour la première place sur la liste.

[5] C’est ce que font toutes les relations d’admissions de gentes déterminées dans le sénat et même de l’admission individuelle du premier Tarquin. Il n’y a de divergent que le récit très moderne de Suétone sur l’admission des Octavii dans le sénat parmi les majores gentes par Tarquin l’Ancien et parmi les patriciens par Servius, où les minores gentes sont, nécessairement considérées comme plébéiennes à moins qu’il n’y ait là une erreur pure et simple.

[6] Cela ne se rencontre que, chez Zonaras, 7, 9 ; et dans la scolie de Virgile, Æn. 1, 426.

[7] Festus (p. 254) et de Plutarque (Popl., 11 ; Q. R., 58). L’assertion selon laquelle 164 plébéiens seraient alors immédiatement entrés au sénat n’a pas de valeur historique ; il est donc superflu de discuter l’objection tirée de ce que la majorité eut alors été plébéienne ; objection au sujet de laquelle il ne faudrait d’ailleurs pas oublier qu’ils n’auraient que le droit de voter et non celui de donner un avis. Tite-Live, 2, 1, 10, fait aussi compléter le sénat primoribus equestris gradus lectis et les sénateurs adjoints rester plébéiens (car après la discussion, des termes patres et conscripti, il ajoute : Id mirum quantum profuit ad concordiam civitatis jungendosque patribus plebis animos). A cela se rattache le caractère de chevaliers attribué aux membres plébéiens du sénat, aux pedarii. Il n’y a pas, comme croit Willems, 1, 144, de contradiction à ce que Tite-Live mentionne ailleurs (4, 4, 7) des patriciens aut ab regibus lecti aut post reges exactos jussu populi ; il s’agit là visiblement de l’admission des Claudii dans le patricial qui, selon la version de Tite-Live, a eu lieu du temps de la République. Au contraire, les sénateurs adjoints reçoivent le patriciat d’après Denys, et par suite il regarde logiquement le sénat de la République comme purement patricien ; ce n’est que par anticipation qu’il y mentionne l’entrée des plébéiens (7, 65).

[8] Des quatre ambassadeurs, appartenant probablement au sénat (cf. tome IV,  la partie des Légats, sur leur capacité), qui auraient été tués à Fidènes en 316, deux portent, dans Pline, 34, 6,23, des noms patriciens et les deux autres (L. Roscius ; C. Fulcinius) des noms plébéiens. Le premier tribun’ consulaire plébéien élu pour l’an 353 ; P. Licinius Calvus est vir nullis ante honoribus usus, vetus tantum senator (Tite-Live, 5, 12, 11 ; cf. 4, 15, 7).

[9] V. tome II, la théorie de l’Interrègne.

[10] V. tome III, la théorie du Consulat, sur l’éligibilité.

[11] V. tome IV, la théorie des Pouvoirs constituants extraordinaires et, tome III, la théorie du Tribunat consulaire, sur les conditions d’éligibilité.

[12] V. tome IV, la théorie de la Questure, sur les conditions d’éligibilité.

[13] Willems, 4, 45, conclut de ce que les tribuns ont pendant longtemps été privés du droit d’entrer dans la curie que l’entrée des plébéiens dans le sénat doit être postérieure à leur création. Cela se peut, mais les deux dispositions ne sont aucunement solidaires, d’autant plus que les tribuns ; quand ils participaient aux séances du sénat, le faisaient comme magistrats et ne votaient point. Willems lie l’entrée des plébéiens dans le sénat à leur admission au tribunat consulaire qu’il place vers l’an 350 ; mais, d’une part, il ne réfléchit pas que l’époque de l’institution de cette magistrature, qui, fut toujours accessible aux plébéiens, est absolument incertaine, et, d’autre part, ceux qui connaissent le caractère de nos sources ne pavent douter un instant que ce soit folie pure de vouloir ici fixer des dates.

[14] V. tome II, la théorie des Causes d’inéligibilité absolue, n° 4, sur l’inéligibilité des affranchis et de leurs enfants.

[15] V. tome II, la même théorie, n° 1.

[16] Dans les mots de Festus : Ex omni ordine optimum quemque, il est fait en première ligne allusion aux catégories constituées par les magistratures de la cité, sans distinction entre le cas où elles donnent un droit positif au siège sénatorial et celui où il en est seulement tenu un compte de fait. La liberté absolue de nomination implique que les censeurs laissent ou font entrer dans le sénat les membres convenables et en excluent ou n’y admettent pas les membres indignes aussi bien parmi les consulaires que parmi les quæstorii. Mais c’est arbitrairement et contrairement au sens que Willems, 1, 161 et ss., restreint la portée de ces mots aux ex-magistrats ; ceux même qui entrent au sénat sans avoir occupé de magistrature doivent être choisis parmi les hommes les meilleurs de chaque classe. Ordo doit être compris ici dans son sens large général. On peut rapprocher de cela le reproche fait à Verrés (Cicéron, Verr. l. 2, 49, 120), ne genera quidem spectata esse, ex quibus in eum ordinem cooptari liceret dans l’élection des sénateurs et les mots de Salluste, Jug. 4, 42 : Quæ genera hominum in senatum peruenerint. Le meilleur commentaire du texte de Festus est fourni par la déclaration faite par le magistrat qui procède aux nominations, lors du complément du sénat accompli après la bataille de Cannes, qu’il s’abstiendra de toute action arbitraire, ut ordo ordini, non homo homini prælatus videretur, déclaration après laquelle le choix est fait selon des catégories déterminées qui ne se restreignent aucunement aux ex-magistrats.

[17] Lorsque après la bataille de Cannes il n’y eut pas moins de 177 places de sénateurs à pourvoir d’un coup, le dictateur créé par exception à cette fin prit, d’après Tite-Live, 23, 23, après les aspirants légaux, les ex-magistrats inférieurs et les individus décorés dans la guerre.

[18] Dans Dion, 52, 25, Mécène conseille à Auguste de prendre pour le sénat tous les hommes convenables. Il fait application de cette idée, 78, 43, 14 ; au consul de l’an 248 Oclatinius Adventus.

[19] Vita Elagabali, 12. c. 4. Cf. Dion, 57, 42. 18. Sur la quasi-assistance d’Agrippine aux séances du sénat, cf. Tacite, Ann. 13, 5. 14, 11.

[20] Dans le très antique formulaire des fétiaux, Tite-Live, 1, 32, 40, les sénateurs sont appelés positivement les anciens (majores natu).

[21] Festus, p. 339, v. senatores : Hi qui post lustrum conditum ex junioribus magistratum ceperunt, et in senatu sententiam dicunt et non vocantur senatores, antequam in senioribus sunt censi, le dit expressément. Il est impossible d’entendre avec Becker (1e éd. 2, 2, 397) les juniores des non sénateurs et les seniores des sénateurs. Relativement à ceux qui sont parvenus depuis le dernier cens à une magistrature conférant le siège, sénatorial, il est supposé tacitement que, s’ils appartiennent aux seniores, ils siègent déjà dans le sénat. Appartiennent-ils au contraire aux juniores, ils acquièrent aussitôt les pouvoirs des sénateurs et pour l’avenir le droit d’être inscrits sur la liste, mais l’inscription elle-même ne peut avoir lieu avant qu’ils soient passés dans les seniores. — Quand, dans Denys, 6, 66, le consul menace de proposer une loi qui exige un certain âge des sénateurs, ce n’est là sans doute qu’une anticipation de la loi Villia.

[22] V. tome II, la théorie des Causes d’inéligibilité relative, n° 8, sur la limite d’âge de la questure établie par Sulla. Du temps de la République, il n’est jamais question d’un âge sénatorial. Quand Cicéron, De imp. Pomp. 21, 61, signale l’âge de vingt-quatre ans de Pompée comme fort éloigné a senatorio gradu, il pense à la questure. La citation de Junius Gracchenus dans Aulu-Gelle, 14, 8, 1, n’est pas forcément textuelle.

[23] V. tome II, la même théorie, sur la limite d’âge établie par Auguste. Dans Tacite, cet âge est appelé franchement senatoria ætas.

[24] V. tome II, la théorie des Causes d’inéligibilité absolue, n° 3.

[25] Quei ex h. l. non jouraverit, dit la loi de Bantia, ligne 19, is magistratum inperiuinve nei petito neive gerito neive habeto neive in senatu [sententiam deicito deicereve eum] ni quis sinito, neive eum censor in senatum legito. Cicéron, De domo, 31, 82 : Ubi cavisti, ne me meo loco censor in senatum legeret ? quod de omnibus, etiam quibus damnatis interdictum est, scriptum est in legibus.

[26] V. tome II, la théorie des Causes d’inéligibilité absolue, sur le défaut ou la défectuosité du droit de cité, n° 3, in fine.

[27] Suétone, Cæs. 76 : Civitate donatos et quosdam e semibarbaris Gallorum recepit in curiam. 80. Exemples dans Cicéron, Phil. 11, 5, 12. 13, 13, 27, Bell. Afr. 28.

[28] Ce n’est pas au droit public de décrire la substitution des Italiens aux Romains de Rome, et l’étude restreinte au sénat y est encore moins possible. On peut remarquer à ce sujet que le monument construit en mémoire d’un homme de la ville des Pæligni Superæquuum arrivé aux honneurs sous Auguste (C. I. L. II, 3306) porte : Primus omnium Pælign(orum) senator factus est et que l’empereur Claude dans son discours au sénat pose la question : Non Italicus senator provinciali potior est ? (Bruns, Fontes, 5e éd. p. 178).

[29] Tacite, Ann. 3, 55. Suétone, Vesp. 9. Le premier Égyptien qui soit entré au sénat est Cæranus sous Sévère (Dion, 76, 5). Dion, 52, 19.

[30] V. tome II, la théorie des Causes d’inéligibilité absolue, n° 4, sur les restrictions apportées au droit d’occuper les magistratures sous le Principat.