LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE TROISIÈME. — LE PEUPLE ET LE SÉNAT.

LES SUJETS NON AUTONOMES.

 

 

La soumission d’un État jusqu’alors indépendant à la domination de Rome entraîne l’annexion du pays et des personnes dans trois formes différentes. Ou bien le territoire et les hommes sont confondus purement et simplement dans le territoire et le peuple de Rome, ou bien on en constitue des cités de demi-citoyens, ou bien ils sont adjoints à Rome en vertu d’un traité juré ou d’une simple loi, comme États autonomes dépendants. Il reste à étudier la condition directement produite par la dédition jusqu’à ce que n’intervienne l’une de ces trois mesures définitives. A l’époque ancienne, ce n’est exclusivement qu’une condition intérimaire, qui par suite n’appartient même pas proprement au droit public ; mais, dès le milieu de l’époque républicaine, elle arrive à se perpétuer en fait, et, quoiqu’elle n’ait jamais complètement perdu son caractère provisoire, elle ne peut être exclue de cette étude. Pour plus de brièveté, nous la désignerons du nom de sujétion.

Le maintien même provisoire de la liberté exige logiquement et pratiquement l’organisation d’une autorité gouvernante. Cette autorité est tantôt laissée ou donnée aux individus soumis, tantôt prise en main par les Romains. Du temps de la République, c’est en général le premier parti qui a été adopté ; l’autonomie dépendante, étudiée dans la partie qui précède celle-ci, a été transportée aux sujets en un certain sens : tout en maintenant en principe les dediti dans l’absence de droit et de cité qui résulte de la dédition, on leur a accordé, pour le temps que durerait le provisoire, les facultés qui appartiennent aux sujets légalement autonomes. La condition des sujets peut, en ce sens, être désignée comme une autonomie tolérée. Si l’alliance dépendante amalgamait déjà deux idées juridiques qui s’excluent au sens rigoureux, la sujétion est encore à un plus haut degré une institution hybride, empruntant à la dédition sa nature et : à l’alliance son aspect extérieur, et avec laquelle le meilleur terme de comparaison est la liberté imparfaite, le morari in libertate du droit privé nouveau, un esclavage de droit accompagné d’une liberté de fait.

L’autre procédé consistant à prendre en mains propres l’autorité sur les dediti après la dédition, n’a pas été employé par tes Romains, du temps de la République. Sans doute l’auteur de la conquête se trouve fréquemment dans le cas de procéder, par lui-même ou par des mandataires de son choix, à l’administration de la justice et aux autres fonctions administratives dans le territoire conquis. La position occupée par le général dans la ville prise implique presque nécessairement de telles mesures le gouvernement romain lui-même a dû dès le principe, y recourir à titre transitoire et dans des cercles restreints. Mais le droit public de la République ne connaît pas ce système comme institution ; car, dans la mesure où il est appliqué, il donne à celui qui l’applique des droits souverains et la constitution républicaine n’admet pas chez une personne la réunion des qualités de prince dépendant et de magistrat républicain. Lorsque à cette époque une organisation de ce genre est établie, le mandataire n’appartient pas au peuple romain, et par conséquent le rapport prend le caractère d’un rapport de clientèle politique. L’autonomie conventionnellement établie ne pouvant être refusée à l’État client, nous nous sommes déjà occupé de cette organisation dans la partie qui précède celle-ci. A la vérité, le principe de droit public selon lequel le traité conclu avec un roi par la République romaine ne peut être fait que pour la durée de la vie du roi rend ici en fait illusoire le lien juridique qui fait la supériorité de l’autonomie conventionnelle sur l’autonomie tolérée ; et, par corrélation, les princes clients des Romains sont même politiquement, ainsi que le montrent notamment les impôts, plus près des sujets non autonomes de Rome que des sujets autonomes dans lesquels ils sont compris théoriquement. Mais la République romaine est restée, tant qu’elle a existé, fidèle au principe que le territoire soumis doit être nécessairement organisé selon le type de l’autonomie tolérée ou selon celui de la clientèle politique. Ce fut seulement depuis qu’elle eut elle-même un maître qu’il devint possible de combiner, dans- la personne de ce dernier, cette situation de maître et l’exercice des pouvoirs princiers sur les territoires soumis. Cela s’est ensuite produit en Egypte, en Norique, dans les principautés des Alpes et ailleurs encore, et c’est devenu le fondement du régime des provinces impériales administrées par des gouverneurs de rang équestre.

La sujétion étant issue, dans son développement historique, du régime provisoire produit par la conquête, elle a, comme nous l’avons déjà dit, conservé un caractère légalement provisoire, même lorsque en fait elle est devenue perpétuelle. Son fondement essentiel est qu’en cas de changement de gouvernement les institutions existantes survivent jusqu’à l’organisation définitive nouvelle, dans la mesure où leur maintien est conciliable avec les nouvelles circonstances. C’est aussi delà que vient la diversité de ces institutions : dans chaque pays, ce sont moins des institutions romaines que les institutions antérieures à la domination romaine maintenues sous cette domination. Au point de vue du droit public romain, le régime des territoires sujets ne peut, si important qu’il soit pour la République récente et, pour l’Empire, être étudié que quant à l’intervention de l’autorité romaine dans ces rapports. Les particularités du gouvernement exercé sur l’Italie, la Sicile, l’Espagne, l’Orient grec, l’Égypte doivent ici être plutôt supposées connues qu’exposées.

L’origine de la sujétion a été dans la position prise par les Romains en face des Italiens de race étrangère ; les différentes cités qui accomplirent leur dédition, tombèrent d’abord par là dans la situation juridique que nous avons expliquée. En général, les Romains y trouvèrent organisées des fédérations de cités urbaines de même race fondées sur le principe de l’autonomie des villes. Les ligues furent partout dissoutes par les Romains et les pouvoirs des autorités fédérales passèrent aux vainqueurs ; mais en revanche ils laissèrent ordinairement aux villes jusqu’alors autonomes leur autonomie dans la mesure conciliable avec l’hégémonie romaine, d’abord à titre de tolérance, jusqu’à l’établissement d’une organisation définitive conforme à l’un des trois types que nous avons indiqués en commençant. Cette organisation ne se fit pas attendre en Italie : la sujétion n’y a, conformément a sa nature, apparu qu’à titre provisoire et transitoire, et il résulte delà qu’il ne nous est pas parvenu de tradition véritable relative à ces formations éphémères et antérieures aux annales dignes de foi. Des régimes provisoires est sortie, dès une époque relativement précoce, l’union des villes italiques, de laquelle faisaient également partie les cités urbaines latines ou plies ou moins latinisées et celles de la Grande Grèce. Ce n’est que par exception que des cités italiques sont restées longtemps en dehors de cette ligue de villes : ainsi en particulier les derniers alliés d’Hannibal, les villes des Bruttii et des Picentins près de Salerne[1] et sans doute aussi les Ligures installés en 573 dans la région de Bénévent[2]. Si au contraire le département consulaire limitrophe de l’Italie, les tribus celtiques et ligures sont restées d’une manière durable exclues de la ligue des villes italiques, la principale raison en a été, à côté de la différence de nationalités énergiquement accentuée, dans l’absence chez eux de l’organisation urbaine qui était le fondement du système, dans la nature propre, essentiellement opposée à la concentration urbaine, de la cité celtique[3]. La conquête semble avoir là plus d’une fois entraîné la destruction dés habitants antérieurs. Quand cela n’a pas ou lieu, la sujétion ne semble pas être intervenue comme transition.

Mais la sujétion durable n’est pas venue du pays cisalpin : elle est venue des îles voisines de l’Italie tombées sous la domination romaine dès une époque antérieure, en particulier de l’organisation donnée en 543 de Rome à la moitié orientale de la Sicile. Lorsque les territoires d’outre-mer tombèrent sous la domination romano italique, on abandonna, pour ne pas de nationaliser l’État dominant, le système suivi jusqu’alors, selon lequel les pays soumis étaient, après un stage plus ou moins long, admis dans la ligue de villes dirigée par Rome, et le système de l’autonomie tolérée, jusqu’alors admis comme provisoire, fut introduit comme institution durable. Le fondement en fut fourni par la combinaison faite dans cette île de la constitution hellénique des villes avec le gouvernement autocratique, par l’autonomie dépendante des cités du territoire carthaginois et du territoire syracusain qui s’y ajouta bientôt. C’est sur ce modèle qu’ont ensuite été annexés à l’empire romain tous les territoires acquis par Rome, à l’époque de la République, dans l’Orient hellénique ; on les a soumis à une puissance semblable au gouvernement royal, et, sous cette puissance, on leur a accordé en même temps l’autonomie urbaine ; pour certains même, la base du régime n’a été introduite qu’alors, par exemple lors de la transformation du royaume de Mithridate en province romaine[4]. L’idée de la confédération urbaine a été maintenue sans restrictions dans tout le territoire soumis à l’autorité romaine sous la République. Même sous le Principat, le gouvernement direct du maître n’a, en dehors de l’Égypte, joué, nous l’aurons déjà remarqué, qu’un rôle accessoire[5], et même là il s’est finalement effacé devant l’organisation urbaine. Si ce système se manifeste d’une façon plus énergique et plus fermée dans la confédération des villes helléniques, il n’a cependant trouvé son expression d’ensemble que dans l’organisation urbaine des provinces de l’empire du monde.

L’Occident n’avait pas été, comme le territoire soumis en Orient par les armes romaines, préparé à l’application de ce système par le développement antérieur à la conquête. La ville gréco-italique n’existait pas en deçà des Alpes, dans le pays des Celtes que nous avons déjà cité ; elle n’existait pas davantage au delà des Alpes, en Sardaigne, ni en Espagne, ni en Afrique. Cependant, depuis que la sujétion ne fut plus regardée comme un préliminaire de l’entrée dans la confédération dirigée par Rome, mais comme une condition durable, la nature spéciale des institutions tolérées jusqu’alors et leur plus ou moins grande analogie avec les institutions hellénico-italiques perdirent de leur importance. L’autonomie tolérée prit, en Occident, principalement la forme que les Romains y avaient trouvée établie, celle d’une organisation politique qui n’était pas ordonnée monarchiquement, mais qui n’était pas cependant l’organisation urbaine au sens romain[6]. Les Romains ont laissé, selon toute apparence, aux tribus celtiques transpadanes, lorsqu’elles commencèrent à faire partie de l’empire, après la guerre d’Hannibal[7], leur organisation politique antérieure dans la mesure où elles e conciliait avec les intérêts romains. Les traités conclus par Ti. Gracchus en 575 et ss. avec diverses peuplades espagnoles leur interdisent d’élever des villes, et l’on discuta même plus tard le point de savoir si ces traités leur laissaient le droit de fortifier leurs villages ouverts[8]. Que cette mesure ait ou non été inspirée plutôt par des motifs militaires que par des motifs politiques, la ceinture des murailles est si étroitement de la nature de la ville italico-hellénique qu’on doit forcément voir là une interdiction d’adopter l’organisation urbaine. Mais ce système n’a pas eu de durée. L’intervention de l’autorité romaine dans l’administration des cités sujettes, sans laquelle ni l’hégémonie ni la souveraineté ne pouvaient être exercées, pouvait bien fonctionner en face des cités organisées à la grecque, mais elle rencontrait les plus grandes difficultés en face des cités celtiques, espagnoles et phéniciennes, par suite de la différence des langues, des mœurs et des institutions. Il y a eu longtemps, notamment dans l’ouest, un grand nombre d’États qui n’étaient pas organisés en villes ; l’organisation militaire d’Auguste est encore fondée sur la distinction de ces cités et des citas urbaines. Mais l’organisation des cités selon le type italique se répandit toujours de plus en plus, et elle a été le véritable instrument de la latinisation de l’occident. Ce processus, dont nous sommes hors d’état de suivre les phases, a été accéléré, plus encore que par l’idée abstraite de la confédération urbaine de l’empire, par la rigoureuse nécessité des choses ; la nécessité que les gouvernants et les gouvernés pussent se comprendre a introduit la langue latine dans les provinces, et la nécessité pour les magistrats romains de rendre la justice y a introduit le droit international. Une preuve remarquable que le gouvernement romain concevait les cités sujettes exclusivement comme des cités urbaines est fournie par leur titre officiel : on suppose toujours, soit dans les constitutions, qui leur sont adressées, soit dans leurs documents propres, qu’elles ont leurs magistratus, leur senatus et leur populus, c’est-à-dire les éléments indispensables de l’organisation républicaine[9]. C’était là sans doute une formule proleptique ; mais la formule proleptique devint une réalité. Pour les Romains comme pour les Grecs, c’était le trait caractéristique des barbares de vivre sans État organisé en ville[10]. Et ce qui avait été plutôt accompli que cherché sous la République, l’achèvement de la confédération par villes, fut entrepris par le Principat d’une façon pleinement consciente et fut conduit par lui à ses fins dans la réorganisation de la Gable, de l’Espagne et de l’Afrique.

Nous chercherons tout à l’heure, en partant des institutions des alliés véritablement autonomes, les analogies que présente l’autonomie précaire avec celle conférée par lettres et les infériorités qui séparent la première de la seconde. Mais il nous faut auparavant étudier la terminologie du sujet. Plus encore que l’autonomie sujette, la sujétion absolue est dépourvue de désignation simple et adéquate ; cette situation claire est plutôt dissimulée qu’exprimée dans des désignations obscures, dont certaines signifient le contraire de la vérité.

Nous avons déjà traité de l’expression peregrini dediticii. Elle peut être appliquée aux sujets, l’autonomie précaire n’en étant légalement pas une, tout comme l’in libertate morans peut à bon droit être appelé esclave. Mais, dans la langue politique, on n’emploie jamais, pour désigner la sujétion permanente de fait, l’expression énergique du droit civil.

La sujétion s’exprime encore nettement dans la formule in dicione esse et les nombreuses formules synonymes[11], d’aucune desquelles il n’est sorti un substantif correspondant. L’extension de ces formules aux alliés inégaux en droit est aussi inusitée et probablement incorrecte[12]. Mais l’allure discrète de la domination romaine[13] a également reculé devant son emploi comme titre officiel. — En grec, l’idée est exprimée par le mot ύπήκοοι, qui cependant est en outre souvent employé dans un sens large comprenant le cercle de l’autonomie dépendante.

En tant qu’ils sont tenus de redevances, les sujets sont appelés stipendiarii populi Romani[14], en grec ύποτελεΐς, dénomination dont se servent les listes officielles des villes des provinces conservées dans Pline[15], Mais il y a aussi des villes sujettes exemptes d’impôts par un privilège spécial et à l’inverse des villes autonomes soumises à l’impôt. En outre, cette dénomination est encore empruntée au côté passif du rapport, et par suite elle n’est pas fréquemment appliquée aux personnes et elle n’est pour ainsi dire jamais employée comme titre officiel[16].

Les sujets non autonomes sont appelés socii par suite d’une extension abusive de la dénomination légale des alliés autonomes, en particulier des alliés italiques. Cette extension était d’autant plus indiquée que l’autonomie tolérée vient d’un acte qui est analogue à l’acte d’établissement de l’alliance accompli dans l’autonomie réelle et auquel il manque seulement la force obligatoire. La cité dirigeante ayant intérêt à cacher la sujétion dans la terminologie, cette dénomination est devenue la dénomination courante, et elle est probablement aussi ancienne que la sujétion elle-même[17] ; elle figure déjà dans un acte officiel rédigé vers l’an 614 de Rome. Plus tard elle est généralement employée, non seulement quand on réunit les cités autonomes et sujettes[18], mais aussi quand il est question de cités isolées de la seconde espèce[19], et elle est même employée, chez les modernes, pour les cités non autonomes par opposition aux cités autonomes envisagées comme cités fédérées[20].

Les cités que l’on tenait pour fédérées devaient aussi nécessairement être reconnues comme libres ; d’autant plus que, comme nous verrons, les conséquences de la liberté politique, les magistrats propres et la juridiction propre, se présentaient aussi en fait chez les sujets non autonomes. Il en est ainsi aussi bien pour la Sicile[21] que pour la Macédoine[22] et l’Achaïe[23]. Lors de la chute du royaume de Pergame en 621, la capitale entra dans l’empire romain comme ville libre[24], et Éphèse adressa ses remerciements aux Romains après la guerre de 14iïtbradates, pour la reconquête de la liberté de ses pères[25]. Mais, dans tous ces cas, et surtout clairement dans ceux de Pergame et d’Éphèse, la liberté est la δημοκρατία grecque[26], l’exclusion de la domination royale directe et l’administration locale indépendante. Cette organisation des villes est conciliable avec la domination royale et avec sa continuation par les gouverneurs romains, et cette liberté n’est par conséquent pas la liberté en face du gouvernement romain. C’est pourquoi le droit public romain refuse le nom de villes libres aux cités sujettes, même lorsque l’administration en est démocratique. En particulier, depuis que la propriété du sol eut été retirée, comme nous le verrons, du temps des Gracques, aux cités dont l’autonomie était seulement tolérée, la reconnaissance nominale de la liberté, qui se rencontre jusqu’alors, disparut elle-même. Ni Pergame ni Éphèse ne sont des villes libres au sens romain, et ce titre est, comme nous l’avons déjà expliqué, au contraire l’expression de l’autonomie légale. Les auteurs n’attribuent non plus jamais expressément la liberté aux cités sujettes[27]. Quand Cicéron dit que les Grecs croient avoir la liberté parce qu’on leur permet de plaider selon leur droit propre, il leur dénie précisément par là la liberté ; Philon[28] fait exactement la même chose en célébrant Auguste comme ayant donné la liberté à toutes les villes de l’empire, sans aucun doute par allusion aux assemblées provinciales instituées par lui.

L’autonomie tolérée ne liait pas, au moins en général, exclusivement d’une tolérance de fait. Ici encore on peut prendre pour terme de comparaison l’affranchissement sans forme et exiger, de la part de Rome, une déclaration de volonté analogue à celle qu’il impliquait[29]. L’introduction de cette condition par une loi est en contradiction avec sa nature provisoire et ne s’est présentée qu’exceptionnellement[30]. En général, ces cités sont organisées par le gouverneur romain, au moment de la constitution de la province, puis par le sénatus-consulte qui confirme cette constitution[31], ainsi que nous le développerons plus en détail en nous occupant de l’organisation communale. Quant au fond, la déclaration faite du côté de Rome se résume en une reconnaissance des droits contenus dans l’autonomie limitée, faite sans garantie de durée, par conséquent sous réserve de la faculté de retirer arbitrairement tous les droits ainsi accordés.

Le droit de l’autorité supérieure d’établir des impôts est, avons-nous vu, incompatible avec l’autonomie ; il rentre au contraire dans l’essence de la sujétion. Il a, dans la conception romaine, la contribution militaire pour origine ; l’expression technique stipendium en est la preuve. L’emploi de cette désignation s’explique par la façon dont la sujétion est issue de la dédition. Celui qui est battu à la guerre doit supporter les frais causés par la guerre au vainqueur ; il doit même déjà, pendant la trêve, fournir la somme nécessaire pour payer la solde des troupes victorieuses[32]. C’est pour cela que la dénomination de la solde est aussi devenue de bonne heure celle de la contribution de guerre[33]. Le fait que, d’après sa nature, cette contribution ne pouvait pas être imposée à titre durable[34] correspond au caractère primitif de la sujétion, qui n’est pas autre chose que l’état provisoire établi par la victoire. Mais, de même que la sujétion permanente est issue de cet état, la contribution de guerre s’est changée en perception des taxes qui étaient payées dans le territoire conquis au souverain antérieur et que le vainqueur revendique désormais en vertu de la ‘même souveraineté. Il est possible que des taxes permanentes aient ainsi été imposées, dès l’époque où la politique romaine se bornait au territoire italique, à diverses cités avant qu’elles ne fussent entrées dans la confédération militaire italique, ou encore, à la frontière du nord, à des tribus ligures, celtiques ou illyriennes ; mais il est difficile que cela ait eu une étendue sérieuse[35]. Au contraire, les Romains semblent, au moins en Italie, avoir évité l’imposition de taxes permanentes même à la charge des cités qu’ils n’admettaient pas à la communauté des armés. Parmi les cités italiques punies à raison de leur attitude pendant la guerre d’Hannibal, Capua et les villes voisines furent dissoutes, les villes du Bruttium furent réduites au rang de villes sujettes, mais on n’imposa à celles-ci, si notre relation est complète, qu’un service personnel moins honorable. Pour le fond, il est certainement exact de dire, comme les Romains le font à plusieurs reprises, qu’ils ont emprunté l’institution des contributions militaires permanentes aux gouvernements qui les ont précédé, et cela d’abord en Sicile[36], et que l’administration royale hellénico-orientale a été le fondement du système provincial romain[37], qu’en particulier l’organisation fiscale romaine, en Sicile comme en Macédoine, en Syrie comme dans le Pont, n’est qu’une continuation de la perception des anciennes taxes royales.

La condition du sol n’est pas en elle-même atteinte par la translation au maître étranger du droit à l’impôt. Une heureuse circonstance nous fournit des renseignements suffisamment précis et sûrs relativement à l’organisation de la Sicile en matière de tributs. Certaines cités, par exemple celle de Leontini, eurent leur territoire confisqué au profit du peuple romain, et l’on n’en laissa aux propriétaires antérieurs que la jouissance, sous forme d’admission à un louage contre une redevance (vectigal)[38], qui est elle-même affermée, à Rome, au plus offrant par les censeurs, avec les autres revenus des domaines publics[39]. Dans le reste des cités, les Romains levèrent assurément la même taxe qui avait jusqu’alors été envoyée à Carthage ou à Syracuse, c’est-à-dire perçurent de chaque propriétaire une quote-part du produit du sol. Mais d’autres allégations[40], et surtout la distinction faite pour les terres domaniales qui appartenaient antérieurement à Leontini, et le régime différent auquel sont soumises les quotes-parts des fruits retirées de ces terres et des autres, prouvent indubitablement que la dîme, à laquelle s’élevait en général la redevance, était un impôt et que la propriété du sol restait aux particuliers telle qu’ils l’avaient eue précédemment.

Nous n’avons pas de renseignements précis sur les autres territoires d’outre-mer soumis par Rome dans le cours du vie siècle. Il est probable que les Romains se sont aussi bornés, en Sardaigne, en Corse, en Espagne et en Orient, lorsqu’ils n’accordèrent pas l’autonomie aux peuples soumis, à transformer en domaines de Rome soit les terres antérieurement possédées par le souverain vaincu lui-même, soit celles qu’ils enlevaient, en vertu de raisons particulières, aux possesseurs antérieurs[41], et que, pour le surplus, ils ont exclusivement exercé le droit souverain d’impôt[42].

Le principe opposé, consistant à traiter tout le territoire des sujets[43] comme compris dans les domaines du peuple romain[44], fut appliqué, pour la première fois, dans la loi proposée en 631-632 par C. Gracchus pour l’organisation de la province d’Asie[45]. Non seulement ce système fut alors une fois pour toutes posé en principe pour l’avenir ; mais on lui attribua même progressivement un effet rétroactif à l’encontre des provinces antérieurement organisées[46]. Ce fut là en première ligne une correction théorique. Le principe de la dédition entraîne forcément en droit le transfert de la propriété du territoire au nouveau maître. L’état provisoire de sujétion était, au sens strict, juridiquement inadmissible, et la réunion des cités à Rome sous la forme d’une contribution de guerre permanente était inconciliable avec la conception romaine du rapport légal. En particulier, la quote-part des fruits, variable avec le produit annuel, perçue sur chaque fonds dans les cités stipendiaires de Sicile, ne pouvait, au point de vue des jurisconsultes romains, guère être caractérisée comme une contribution de guerre ; au contraire, elle pouvait l’être facilement et simplement comme un loyer du sol. Les provinces établies selon le nouveau système furent, pour les points essentiels, organisées comme la Sicile et la Macédoine. Les taxes qui en étaient exigées étaient pratiquement des impôts, quoiqu’elles fussent regardées dans la construction juridique, comme un loyer du sol, et la dénomination fiscale stipendium est aussi employée plus fréquemment que celle de vectigal qui désigne le loyer du sol[47].

L’attribution à la puissance souveraine du droit de lever les impôts rentre dans l’essence de la cité sujette comme le droit propre de s’imposer dans celle de la cité autonome. Aussi la transformation de l’impôt en loyer du sol, que nous venons de faire connaître, a-t-elle été surtout un changement de forme ; elle n’a pas eu une importance pratique très profonde. La redevance fixe payée par la caisse de la cité aux Romains est sans doute la forme régulière du tribut conciliable avec l’autonomie ; mais le gouvernement romain peut aussi donner cette forme atténuée à l’impôt levé par lui, en transmettant à la cité elle-même le droit de percevoir l’impôt contre un prix de rachat. Par conséquent, l’impôt romain exclut bien l’autonomie tant que l’idée d’autonomie a été une réalité ; mais on ne peut pas à l’inverse conclure à l’existence de l’autonomie légale parce que la redevance est fixe et est versée par l’ærarium de la cité dépendante. Quant aux conséquences pratiques, la faculté d’augmenter les taxes existe aussi bien quand elles sont considérées comme un impôt que quand elles sont considérées comme un loyer du sol[48]. La transformation du sol en propriété publique ou privée romaine était, dans l’ancien système, également possible en droit, puisqu’il n’était laissé à ses possesseurs que jusqu’à nouvel ordre. Cependant il y avait à ce sujet une différence essentielle, selon que, l’État exerçait le droit qui résultait pour lui de la dédition après un long intervalle ou qu’il faisait purement et simplement valoir son droit de propriété, et les plans de fondations de colonies des Gracques se liaient, sans aucun doute, avec cette théorie. Ce sont en autre probablement la rente foncière et le principe, dont elle implique la reconnaissance, selon lequel tous les territoires des cités sujettes sont la propriété de l’État romain, qui ont amené l’administration centrale à monopoliser tous les droits de douanes, comme fondés sur la propriété du sol[49] ; et ce fut là probablement en pratique l’une des limitations de droit les plus précoces et les plus importantes auxquelles les cités sujettes aient été soumises à la différence des cités autonomes.

L’inaliénabilité légale, dont ont été frappés les immeubles d’outre-mer appartenant à l’État, a beaucoup influé sur l’institution de la sujétion : elle l’a rendue perpétuelle ; elle en a empêché fa transformation en organisation italique, sous la République, et n’a permis cette transformation que dans d’étroites limites, sous le Principat. En soi, le droit qui appartient à l’État sur le sol à l’encontre des cités sujettes, qu’on le considère comme un droit de souveraineté ou directement comme un droit de propriété, consiste essentiellement dans la faculté de transformer ce sol en propriété privée romaine. Cette conséquence des principes en a été tirée pratiquement de tout temps, non seulement dans l’Italie proprement dite, mais dans les pays du nord qui continuent l’Italie jusqu’aux Alpes. La Gaule cisalpine n’était pas plus une partie de l’Italie que la Sicile ; cependant le droit relatif aux terres qui fonctionne en Italie a été de tout temps appliqué à la Gaule cisalpine, et l’assignation du solen pleine propriété quiritaire y a également été admise[50]. Mais le sénat qui gouvernait ne souffrit pas l’application pratique de cette idée à la Sicile et aux autres territoires considérés comme territoires d’outre-mer. Ainsi que le montrent le régime des anciennes terres royales dans le territoire de Syracuse et celui des terres de Leontini[51], on n’a jamais contesté le principe incontestable en théorie et avantageux en pratique, selon lequel le sol d’outre-mer lui-même pouvait passer sous la propriété de l’État romain. Mais, outre que ces possessions domaniales furent limitées le plus possible, elles furent considérées comme intransmissibles, c’est-à-dire comme n’étant pas susceptibles de passer en propriété quiritaire privée par une assignation, ni de devenir par une consécration la propriété de divinités romaines[52] ; et par suite l’extension du territoire romain d’outre-mer n’est pas regardée comme suffisante pour justifier le recul du pomerium qui est subordonné à une extension du territoire[53]. Cette conception juridique existait déjà du temps de la guerre d’Hannibal, et elle a été maintenue pendant la durée de la République. A l’époque récente, au moins sous le Principat, on s’en est écarté aux deux points de vue : on a admis, en des cas de force majeure, des consécrations du sol d’outre-mer[54], et l’on a considéré le droit de reculer le pomerium comme résultant d’agrandissements du territoire d’outre-mer[55]. En fait, cette conception pouvait se défendre en disant que le droit de propriété n’est pas supprimé par le défaut du droit d’aliéner. Mais, en droit, il était impossible de voir pourquoi les champs devenus romains au delà des mers en vertu du droit de la guerre ne pouvaient pas aussi bien être vendus ou assignés que ceux du Samnium ou du Picenum. Il était impossible que les comices souverains, auxquels appartenait le droit de disposer des terres de l’État en fussent ainsi dépouillés par rapport au territoire d’outre-mer, et qu’il fût tiré une telle ligne de démarcation entre les terres domaniales des deux cotés de la mer. Plus le procédé est théoriquement arbitraire, plus il révèle clairement le but politique poursuivi, qui était de mettre un frein légal à la formation de cités de citoyens en dehors de l’Italie et à la dénationalisation du peuple dominant. C’est autour de cette question, à peine controversable en droit, que s’agite, au temps des Gracques, la lutte des partis et des intérêts. Afin d’échapper à la conclusion logique, le parti dirigeant avait restreint dans les limites les plus étroites les conséquences de, la dédition de la Sicile ; le parti contraire organisa l’Asie en tirant cette conclusion de la manière la plus large, et il appliqua immédiatement le principe ainsi reconnu de la possibilité d’assigner le sol d’outre-mer, en fondant la plus ancienne des colonies d’outre-mer, la colonie de Narbo. Mais ici comme partout la politique des Gracques finit par avoir le dessous. Le, principe de droit, qui n’avait jamais été contesté dans son application restreinte, selon lequel le sol provincial est, tout comme le sol italique, pourvu, qu’il n’ait pas été constitué en territoire d’un État allié, la propriété du peuple romain, a été maintenu dans la large portée que lui avaient donnée les Gracques. Mais l’intransmissibilité des possessions domaniales d’outre-mer subsista, et il en fut même probablement fait application en un certain sens à la colonie des Gracques de la côte des Gaules : on la laissa bien subsister, mais l’assignation fut considérée comme n’ayant pas donné le droit de propriété quiritaire, comme ayant conféré seulement cette possession héréditaire que les jurisconsultes romains tenaient pour compatible avec le maintien de la propriété de l’État[56]. Le projet de Gracchus de fonder une autre colonie en Afrique à Carthage fut retiré, et la fondation de colonies d’outre-mer empêchée tant que dura la République[57]. La considération déterminante a été et est restée probablement une considération financière. La propriété privée de droit quiritaire est soumise, en droit, au tributum civique ; mais ; depuis sa disparition précoce, elle est, en fait, exempte d’impôt ; celui qui jouit de l’ager publicus populi Romani paie, dans une forme ou l’autre, la rente du sol. Par conséquent, dans la mesure où cette propriété privée aurait été étendue au sol d’outre-mer, elle aurait entraîné la disparition de la rente ; et c’est là certainement la cause pour’ laquelle ce système a été observé, autant que nous sachions, sans exceptions, du temps de la République. Même lorsque, sous la dictature de César et sous le Principat, on a fondé outre-mer de nombreuses colonies de citoyens, elles l’ont été en général en procédant de la même façon que pour Narbo. Il n’y eut que la catégorie la mieux traitée d’entre elles à recevoir, dans la forme du droit italique, l’aptitude à la véritable propriété immobilière romaine et par suite, de plein droit, l’exemption du vectigal, ainsi que nous verrons en étudiant le régime municipal.

L’obligation au tribut n’est pas liée à la sujétion avec une telle nécessité qu’il ne puisse y avoir des exceptions. Mais en général, quand la cité sujette est exemptée du tribut, c’est par une modification de sa condition légale, ou par la collation du droit de cité romaine de la meilleure catégorie ou par la concession de l’autonomie[58]. On ne rencontre pas fréquemment l’immunité toute seule réunie à la sujétion, et alors elle ne peut être considérée que comme une remise de fait de l’impôt qui existe toujours en droit[59]. La condition juridique des villes du Bruttium ne rentre pas directement dans cet ordre d’idées ; car pour elles le service militaire est remplacé par un service inférieur. Mais, sous le Principat, les Bataves furent ainsi dispensés des impôts en considération de la conscription qui pesait sur eux avec une lourdeur spéciale[60].

Relativement au droit de porter les armes, nous avons déjà remarqué que l’organisation en ville implique nécessairement l’existence d’une certaine force armée, et ce qui est permis à ce sujet non seulement aux États fédérés, mais aux cités de citoyens légalement dépourvues d’indépendance, l’est également aux cités sujettes. Ainsi que nous l’avons démontré pour les premières et qu’il doit également être vrai pour celles-ci, le chef local ou un représentant nommé par lui pouvait, le cas échéant, appeler sous les armes les habitants de la cité propres au service et exercer sur eux les pouvoirs du tribun militaire romain[61]. En Sicile, une garnison permanente, qui d’ailleurs n’était que de 200 hommes, était même entretenue sur l’Eryx par les provinciaux, peut-être par les dix-sept cités privilégiées, et c’était un Sicilien qui la commandait comme tribun militaire[62] ; et, pendant le bref délai durant lequel les quatre Macédoines furent soumises au gouvernement consulaire, le droit de défendre leurs frontières fut accordé à trois d’entre elles.

Mais, tandis que l’obligation de fournir un contingent régulier se lie en général à l’autonomie dépendante, on ne demande pas ordinairement aux cités sujettes de fournir à titre régulier des soldats ou des auxiliaires[63]. Une cause peut y avoir contribué ; c’est que la composition du contingent incombait principalement aux Italiens et que la plus, grande partie des sujets se compose de membres de l’empire qui ne sont pas italiens ; le contingent ordinaire disparaît également, avons-nous vu, chez les alliés autonomes non italiques. Mais cette raison ne peut pas avoir été la seule. Car les rares cités sujettes italiques, notamment celles des Bruttiens[64], ne fournissent pas de contingent ; en outre et surtout, le service permanent est nécessairement dû en vertu d’un traité ou de quelque chose d’équivalent, et, en l’absence de tout acte de ce genre, on ne peut trouver de forme juridique de nature à fonder cette obligation. L’obligation de porter les armes est toujours en même temps un droit de les porter, et elle implique, comme l’alliance elle-même, la reconnaissance de l’autonomie de l’État dépendant. Les Romains, qui s’approprièrent relativement au tribut le système grec, ont aussi sans doute, comme sous bien des rapports leurs prédécesseurs, d’abord justifié les taxes permanentes, auxquelles ils donnèrent plus tard le caractère d’un loyer du sol, en les considérant comme une indemnité payée à la cité protectrice en retour de sa protection armée. Naturellement le gouvernement pouvait, à titre extraordinaire appeler les sujets sous les armes, et le principe de droit public qui prescrivait de s’abstenir de ce concours a fréquemment du céder devant la nécessité pratique : Ce qui a été expliqué -plus haut pour les cités autonomes d’outre-mer est également vrai en principe pour les cités sujettes ; qui étaient même encore plus absolument soumises aux levées romaines. Partout où les gouverneurs de province se trouvaient sans forces suffisantes pour résister à l’émeute ou à la guerre étrangère, ils formaient, pour cause de force majeure, des armées romaines et des flottes romaines avec les hommes propres au service et les navires des cités sujettes[65]. On aura utilisé pour cela ce qu’il y avait de milices municipales et provinciales ; trais ces levées ne pouvaient recevoir leurs officiers que des mains des autorités romaines, qui d’ailleurs confiaient ces postes, le cas échéant, même à des personnes appartenant à la classe des sujets[66]. Si, même à l’époque la plus récente, la République romaine n’a appelé les contingents des sujets sous les armes que dans une faible mesure et rarement en dehors de leur région, la raison en a été que les troupes organisées et exercées qui se rencontraient chez une partie des sujets autonomes, notamment dans les royaumes des princes clients de Rome, faisaient là ordinairement défaut.

Auguste donna au service militaire : une base légale nouvelle. Dans la dernière période de la République, il n’y avait pas d’autres troupes de formation fixe que les légions de fantassins citoyens, qui étaient formées en première ligne de volontaires ; à côté de cela, l’obligation générale au service subsistait, à titre complémentaire, pour tous ceux qui appartenaient à l’empire, et, par suite, en cas de besoin, tout citoyen pouvait être enrôlé dans les légions, tout non citoyen être forcé à servir dans les divisions formées à titre extraordinaire. Auguste a maintenu l’obligation au service pesant sur tous les membres de l’empire ; mais il l’a renforcée, en astreignant au service ordinaire même les non citoyens, et en les soumettant à la conscription forcée lorsqu’elle était nécessaire. A côté des légions de citoyens de formation fixe, qui subsistèrent, vinrent se placer, également avec une, formation fixe, de petits détachements d’infanterie et de cavalerie composés de non citoyens et agrégés aux légions, les ailes et les cohortes des auxilia qui rentrent désormais dans la formation régulière de l’armée. Les légions étaient levées dans toutes les villes de l’empire, sans distinguer si c’étaient des villes de citoyens, des villes latines ou des villes pérégrines, la recrue acquérant le droit de cité par l’entrée dans la légion si elle ne l’avait pas auparavant ; les auxilia étaient tirés des cités non urbaines forcément pérégrines de l’empire, y compris les autonomes, mais seulement de celtes des provinces soumises à l’administration directe de l’empereur, tandis que les rares cités non urbaines des provinces du sénat ou bien étaient mises de côté ou bien étaient comprises dans les enrôlements faits pour les légions. Auguste écarta donc du recrutement urbain les distinctions tirées de la condition personnelle ; en même temps, il prépara, dans le recrutement non urbain, la substitution à ces conditions personnelles de la qualité générale de membre de l’empire, en étendant le service obligatoire ordinaire aux sujets. De même que le nom des socii leur avait passé dès, le temps de la République, Auguste leur donna une formation par peuples analogue à celle des anciens peuples italiques et les mit essentiellement dans la situation occupée sous la République par les Italiens à côté des citoyens[67]. L’unification des statuts personnels, la transformation des cités latines et pérégrines de l’empire en cités de citoyens, n’est arrivée à s’accomplir complètement qu’après des siècles ; mais elle est, dans ses grands traits, l’œuvre d’Auguste. C’est dans le service militaire ordinaire obligatoire pour tous sans distinction essentielle tenant à la condition juridique de la personne, que la qualité de membre de l’empire a pour la première fois trouvé une forme précise et une portée pratique.

La cité sujette ne peut pas entrer avec l’État romain dans les Légations. relations que les traités permettent d’avoir avec lui à l’État autonome qui appartient à l’empire tout comme à celui qui n’y appartient pas ; elle ne peut en droit ni envoyer ni recevoir d’ambassadeur. Sans doute la différence des ambassadeurs légalement qualifiés et des mandataires envoyés par les cités sujettes au gouvernement centrai ne ressort que peu[68] ; le nom de legati est même appliqué aux seconds. Mais il n’en est pas moins certain que les privilèges de droit des gens qui appartiennent aux premiers ne s’étendent pas aux seconds[69], et que le droit d’ambassade conféré par lettres se distingue, même en pratique, essentiellement de celui qui n’est qu’exercé en fait. Ni l’expédition ni la réception des ambassadeurs d’un État ne dépendent de l’arbitraire des autorités romaines ; au contraire, la cité sujette a besoin, sans nul doute, pour envoyer une députation à Rome, de l’autorisation du gouverneur, est les consuls et le sénat peuvent également, sans violation du droit, refuser de recevoir de telles députations[70]. La conduite de Verres à l’égard des Mamertins, qui étaient la seule cité fédérée notable en Sicile, a sans doute été motivée par le fait que ces derniers avaient le droit de formuler leurs plaintes d’une autre façon que le reste des villes de Sicile.

Une cité sujette ne périt pas davantage entrer en rapports juridiques avec une autre cité appartenant à l’empire ou étrangère. Une cité sujette ne peut pas être dans la dépendance d’une autre[71] ; mais la subordination de certaines couches de la population à une classe dominante de citoyens se rencontre même dans les cités sujettes[72]. La confédération, qui n’est permise qu’exceptionnellement entre cités autonomes, est encore bien moins tolérée entre cités sujettes[73]. Cependant, dans les commencements, le gouvernement romain n’a pas tiré cette conséquence avec une rigueur absolue. En Sicile, la petite garnison permanente de l’Eryx suppose l’existence d’une certaine organisation fédérative, au moins entre les dix-sept villes privilégiées. Les Romains annexèrent le royaume de Macédoine en 589, en le transformant en quatre confédérations de villes. Si le conubium et le commercium furent supprimés entre ces ligues, ils subsistèrent au contraire dans le sein de chacune[74], et ces ligues elles-mêmes ne furent supprimées qu’après le soulèvement du pays contre la domination étrangère. En Grèce, les ligues de race qui avaient d’abord été maintenues, puisque le pays ne fut alors réuni qu’en fait à Rome, ont été supprimées après la guerre d’Achaïe ; mais, par suite de leur défaut d’importance politique et de la puissance du philhellénisme romain, cette mesure a été retirée peu après, et les relations réciproques ont de nouveau été permises[75]. Mais pour le surplus, on ne trouve guère à l’époque républicaine, d’autres traces de l’activité de la province, ensemble de cités sujettes ou groupe de cités provinciales, que les fêtes et les honneurs offerts par les provinces à leurs gouverneurs[76], ou encore par exemple certaines associations de villes formées en vue de fêtes dès avant l’époque romaine[77]. La République romaine ne permit pas en résumé aux cités sujettes de s’unir, sauf de faibles exceptions dépendant probablement de l’arbitraire du gouverneur ; au contraire Auguste organisa, semble-t-il, dans tout l’empire, des associations de villes, concilia, communia, en grec κοινά, dont les représentants se réunissaient tous les ans et qui étaient principalement destinées à la célébration de fêtes et de sacrifiées[78], mais qui cependant avaient aussi tout au moins le droit de pétition et de doléances[79]. Elles étaient en général restreintes aux frontières de la province ; mais elles avaient pour fondement la communauté de nationalité[80], si bien que l’on ne tenait pas compte de la condition légale des différentes cités et que les cités sujettes y figuraient, avec les mêmes droits, à côté des cités autonomes[81]. Lorsqu’il est dit d’Auguste qu’il a donné la liberté à toutes les villes de l’empire, ce langage peut bien faire allusion en première ligne à la représentation aux états ainsi accordée aux villes non autonomes. D’un autre côté, l’incorporation dans l’empire des villes autonomes trouve une expression en forme dans leur participation aux assemblées locales. Et nous voyons ainsi se manifester avec une clarté spéciale dans ces assemblées de villes la tendance au nivellement de la réforme d’Auguste.

L’autonomie véritable et l’autonomie tolérée se ressemblent plus qu’en tout autre domaine, en ce qui concerne les lois, les tribunaux et l’indépendance administrative ; ce qui résulte nécessairement pour les cités de la première espèce de leur condition juridique a été accordé eu fait aux cités de la seconde.

L’organisation légale de la cité sujette a pour base l’ensemble des règles en vigueur dans son territoire au moment où il est entré dans l’empire. Le maintien du système fiscal du roi Hiéron II dans le territoire de Syracuse[82] est typique sous ce rapport. Ici encore ces règles sont désignées comme les lois propres de la cité[83] ; seulement on évite de faire pour nos cités la mention de la restitution de ces lois qui est constante pour les cités fédérées[84] ; car on ne les leur accorde pas au sens propre ; on se contente de ne rias les leur retirer. Le cercle du droit auquel cela s’étend n’est pas en principe plus étroit que dans l’autonomie véritable. Les institutions que le jus gentium romain ne cornait pas et qui ne peuvent exister qu’en vertu d’un droit local, le mariage, l’affranchissement, le testament, la succession ab intestat sont reconnues chez les sujets[85] ; le Syracusain et l’Éphésien procèdent a l’accomplissement de ces actes en vertu de leur droit local tout comme l’Athénien et le Massaliote. Le pouvoir législatif doit même être resté à ces cités ; car la constitution de la cite et par conséquent ses organes législatifs subsistaient, et il ne peut pas avoir été de l’intérêt de l’autorité supérieure de rendre impossible toute mutation du droit local. Il n’y axait pas de conflit possible entre ces lois et les lois romaines ; car les dernières effaçaient de plein droit, pour peu que telle eût été la volonté du législateur, les institutions des sujets, maintenues seulement à titre précaire.

Il n’y a pas, dans les cités sujettes, comme dans les cités fédérées, de limitations conventionnelles apportées au pouvoir législatif de Rome ; et il ne peut y être question d’une acceptation ou d’un refus des lois romaines[86]. Mais, d’autre part, l’établissement d’un type uniforme de cités dépendantes d’outre-mer conforme au type romain ne rentrait pas, pour les sujets non autonomes, dans les plans du gouvernement romain ; il prit au contraire pour principe le maintien du statu quo existant au moment de la conquête. A ce sujet encore les institutions siciliennes sont typiques. Si le système fiscal du roi Hiéron s’applique non seulement dans la petite région qui avait été soumise à sa puissance, mais dans toute file, tout ce que cela signifie, c’est que les Romains l’adoptèrent et l’étendirent à toute la province, en lui faisant d’ailleurs en même temps sans nul doute des modifications multiples[87]. On rencontre même en Sicile un remaniement général des institutions des cités fait à l’imitation du type romain : c’est l’établissement dans les villes de Sicile de magistrats chargés du recensement à l’exemple des censeurs romains[88]. Mais cette mesure prise à l’égard de la province la plus ancienne ne s’est plus reproduite, et par conséquent l’indifférence à l’uniformité s’est accrue dans le cours des temps. Des statuts locaux destinés à des villes particulières de Sicile ont été plusieurs fois rendus par des gouverneurs romains, ainsi pour Agrigente par P. Scipion en 547, pour Herakleia Minoa par P. Rupilius en 622[89]. Ce dernier gouverneur publia en outre un règlement général applicable à toute l’île, principalement relatif aux procès engagés entre parties de nationalité différente[90]. Des règlements semblables sont encore mentionnés ailleurs[91]. C’est dans les renseignements qui nous ont été transmis sur la constitution provinciale donnée au Pont et à la Bithynie par Cn. Pompée que nous en trouvons l’image la plus claire[92] ; cette constitution réglait une fois pour toutes, pour toutes les cités appartenant à la province les conditions de l’admission parmi les citoyens, de l’entrée dans le conseil communal et de l’exclusion de ce conseil, de l’acquisition des magistratures delta cité, en somme toute l’organisation municipale. — Quant au fondement juridique, ces institutions données par Rome ne venaient qu’exceptionnellement d’un vote des comices[93] ; au contraire elles étaient souvent établies sur l’invitation ou avec la confirmation du sénat[94] et soustraites par là à l’arbitraire des divers gouverneurs. Mais en général elles ne sont pas autre chose que des édits de gouverneurs. Le système romain, selon lequel le magistrat qui préside à l’administration de la justice rassemble et fait connaître par écrit, à son entrée en charge, les règles qu’il observera pendant son administration, a passé des tribunaux romains à ceux de toutes les provinces et, quoique ces édits se soient principalement rapportés aux affaires des citoyens romains présents dans les provinces en question,ils s’étendaient cependant aussi à celles des sujets[95], et, comme ils se transmettaient d’ordinaire, de même que les édits de Rome, de magistrats en magistrats, ils constituaient pour ainsi dire à chaque province un statut local sanctionné par l’autorité romaine.

C’est selon ces règles, les règles locales conservées et les règles posées par les autorités romaines, que, dans la circonscription qu’elles concernaient, le pays était administré et la justice était rendue tant par les fonctionnaires et les tribunaux romains que par ceux des différentes cités[96]. L’autorité judiciaire devait statuer entre deux Romains, d’après le droit romain, entre deux Syracusains, d’après le droit syracusain, et en matière de droit des personnes, par exemple d’affranchissement et de testament, d’après le droit local du manumisseur ou du testateur[97] ; en cas de diversité entre le droit des deux parties, on applique d’abord les règles locales existant à ce sujet et à titre supplétoire le droit commun international romain. Ratione materiæ, la compétence des autorités et des tribunaux locaux n’a guère pu être plus étroitement limitée dans les cités sujettes que dans les cités fédérées, nous voyons ces pouvoirs locaux fonctionner en matière de juridiction administrative[98] et criminelle[99] aussi bien que pour l’administration et la justice civile. Mais la juridiction sur les Italiens et les Romains, qui, avons-nous vu, appartenait au moins en principe aux autorités des cités autonomes, manque à celles des cités sujettes. Que des Romains plaident entre eux ou que le procès ait lieu entre un Romain et un sujet, l’affaire est là toujours déférée à un tribunal romain[100], soit à celui du gouverneur, soit, si le gouverneur le veut, aux tribunaux de la capitale[101]. C’est là la première cause de la constitution des gouvernements de provinces[102] ; le préteur envoyé dans urne province y exerce bien sans doute, en cas de besoin, le commandement en chef ; sa destination propre et régulière est de trancher les protes qui concernent les Romains dans la province. Mais sa compétence n’est pas restreinte à ces procès ; elle s’étend aussi aux procès des sujets. En Sicile, le préteur romain était compétent pour tous les litiges existant entre deux sujets appartenant à des cités différentes ; dans d’autres provinces, il parait même avoir eu le droit d’évoquer devant lui tout procès déféré au tribunal local compétent[103]. Si le gouverneur ne pouvait prétendre à l’encontre des cités autonomes qu’aux droits qui lui étaient expressément accordés dans le traité, les magistrats romains et à plus forte raison le sénat romain pouvaient, en face des cités sujettes et de leurs membres, intervenir à leur gré dans la juridiction, à condition d’observer les statuts locaux reconnus ou établis par les Romains[104]. Le sénatus-consulte de 676 accordant à trois citoyens de cités sujettes différentes, en récompense des services rendus par eux aux Romains, le droit de plaider dans tous leurs procès, aussi bien comme demandeurs que comme défendeurs, à leur choix devant les tribunaux de leur patrie ou devant les tribunaux provinciaux romains ou devant ceux d’une ville libre, donne une mesure de la licence avec laquelle la compétence judiciaire était traitée par le gouvernement de la République[105]. Sous le Principat, l’arbitraire du gouverneur fut restreint dans une certaine mesure et l’organisation légale existant dans chaque ville mieux protégée que du temps de la République[106] ; cependant la tradition ne nous rapporte pas à ce sujet de mesures générales énergiques.

La cité sujette garde en général, de même que sa justice propre, le droit de s’administrer elle-même. En dehors de la part pour laquelle les Romains participent au commandement militaire et à l’administration de la justice, le gouvernement romain laissé en principe aux villes de l’empire le soin de veiller au bien public et les fatigues et la responsabilité de l’administration, tout en se réservant d’ailleurs la faculté d’intervenir à son gré, dans chaque cas particulier, avec un arbitraire absolu. Le gouverneur ne fait qu’user de ses pouvoirs en annulant une résolution du conseil d’une cité sujette[107] ou en y interdisant la réunion d’une assemblée du peuple[108]. L’omnipotence romaine existe là en droit, et il est superflu de montrer par d’autres exemples les applications qui ont pu en être faites en bonne ou en mauvaise administration.

Le droit de la cité de faire valoir ses sources de revenus et d’imposer ses membres rentre nécessairement dans le droit de s’administrer : il ne peut pas plus être refusé à la cité sujette qu’à la cité autonome. En dehors de leurs propres besoins, les cités dans lesquelles la redevance à payer au gouvernement romain sort de la caisse de la cité trouvent, sous la République, et, dans les provinces du sénat, même encore sous le Principat, dans le droit de s’imposer elles-mêmes dont on trouve mentionnées quelques applications[109], le moyen principal de solder la redevance annuelle due à Rome. Dans les provinces impériales, où l’impôt était directement perçu par le gouvernement, les impositions locales ont dû avoir moins d’importance, on ne sait si elles y étaient perçues comme impôt indépendant ou comme une taxe additionnelle ajoutée à l’impôt d’état. — L’exemption héréditaire des charges de leur cité, qui est fréquemment accordée à titre gracieux par le gouvernement central à des personnes isolées, se présente même pour des membres de villes libres ; mais on en a sûrement usé plus fréquemment et avec moins de scrupules à l’encontre des cités sujettes[110]. Les exemptions personnelles[111], qui furent établies par des lois d’empire pour certaines classes et certaines professions, par exemple pour les négociants en grains et les bateliers qui apportaient les grains, pour les médecins, les professeurs de rhétorique et de grammaire[112], et qui atteignirent une grande extension sous l’Empire, concernaient également en première ligne les cités sujettes, quoique le nivellement effectué entre elles et les cités autonomes ait pu également se faire sentir ici.

L’administration et la justice propres, que nous étudions ici, sont, nous l’avons déjà dit, absolument étrangères aux pays organisés sous le Principat selon le système de la royauté. L’Égypte surtout nous fournit une image de ce gouvernement monarchique qui est exercé, sans le terme intermédiaire fourni par l’existence de villes autonomes, directement par le chef de l’État, et qui n’avait pas pu exister sons la République. D’autres pays encore ont nécessairement été administrés de la même façon : par exemple, le royaume de Norique antérieurement à l’organisation en villes qui y fut introduite par Claude. En Égypte même, l’ancienne organisation a fini par disparaître devant l’organisation en villes ; mais elle ne l’a fait qu’à l’époque de la décadence de l’Empire. Il ne sera pas superflu de caractériser dans ses grands traits l’organisation de l’Égypte sous Auguste, comme antithèse de l’organisation provinciale urbaine[113].

Sous le gouvernement des Alexandrides, et pareillement sous celui des Empereurs romains, qui ne sont là qu’une nouvelle dynastie, la vieille terre des rois est restée ce qu’elle était. Le gouvernement royal de l’Orient, tel qu’il existait aussi sous la souveraineté romaine dans les États clients de Judée et de Cappadoce, est le gouvernement de l’Égypte romaine. La propriété foncière dérivée de la propriété de l’État, reconnue dans le reste du territoire soumis à 1 administration impériale, a difficilement été étendue à l’Égypte ; on aura sans doute continué là, même à l’époque romaine, à distinguer seulement la propriété domaniale et la propriété privée. Alexandrie d’Égypte, qui dépasse en étendue et en influence toutes les autres fondations des Macédoniens, est inférieure à la dernière d’entre elles en ce qu’elle n’est une ville que de nom. Alexandre avait mis, à côté de la nationalité antérieurement une des Égyptiens indigènes, celle des étrangers parlant grec. Cette dualité de condition des personnes a subsisté à l’époque romaine : on distingue la condition personnelle des indigènes inscrits dans les 36 districts de la campagne et celle des citoyens sans droits de citoyen des cinq quartiers de ce qu’on appelle la ville d’Alexandrie. Les citadins ne sont favorisés qu’en ce qu’ils sont admis à servir dans les légions tandis que les indigènes servent dans la flotte, en ce que certaines classes de fonctionnaires sont recrutées exclusivement parmi eux, enfin en ce que les impôts des Égyptiens et des Alexandrins sont différents. Les citoyens romains, qui se trouvent dans le pays comme soldats comme fonctionnaires ou pour leurs propres affaires, sont, en face de ces deux catégories de personnes, purement et simplement des étrangers. L’administration et la justice sont réunies, à l’époque romaine, entre les mains du représentant de l’empereur absent, du præfectus Ægypti, pour ainsi dire du vice-roi, duquel sont justiciables les Romains qui se trouvent en Égypte[114]. Au dessous de lui sont deux autres fonctionnaires également nommés pour toute l’Égypte, l’un chargé de la justice[115], l’autre des biens domaniaux[116], et un certain nombre d’agents subalternes employés notamment à la perception des impôts[117]. Au dessous du préfet se trouvaient les fonctionnaires intermédiaires, les présidents (έπιστράτηγοι) des trois grands districts en lesquels l’Égypte est divisée ; puis, d’une part, les présidents de la ville d’Alexandrie, parmi lesquels un grand juge (άρχιδικστής) et, d’autre part, les stratèges des différents nomes ou, comme on peut encore les appeler, des métropoles, avec les présidents des cercles ruraux (τόποι) et des villages (κώμαι) subordonnés à ces stratèges. Tous ces fonctionnaires étaient nommés ou du moins confirmés, les plus élevés parmi les chevaliers par l’empereur, les inférieurs parmi les Alexandrins et ceux du bas de l’échelle parmi les indigènes par leurs supérieurs[118]. Ce n’est point ici le lieu de chercher comment leur compétence respective était délimitée ; mais toutes les affaires publiques, en particulier l’administration de la justice et la levée de l’impôt, étaient dans les mains d’agents du gouvernement. Ni les Alexandrins ni les Égyptiens, après pas plus qu’avant, ne se gouvernent eux-mêmes, ils sont gouvernés.

Il nous reste encore une question à résoudre pour le cercle étendu et divers des sujets : comment y ont été réglés sous la domination romaine, la division du temps, les poids et mesures, la mesure de l’espace ; celle des valeurs 4 Il va de soi que ces réglementations dépendaient ici exclusivement de l’arbitraire du gouvernement et que par suite les institutions romaines établies à titre général s’appliquaient de plein droit dans l’intérieur des pays sujets. Depuis qu’il y a eu une province d’Asie, on a nécessairement pu y dater à la manière romaine, y mesurer en milles romains[119] et y faire des paiements en deniers romains. Mais il n’a pas été accompli d’uniformisation proprement dite, entraînant l’emploi exclusif de l’une de ces institutions dans tout l’empire, pendant la République, et il n’en a été fait sous le Principat lui-même que dans l’un des domaines, dans celui de la monnaie ayant cours[120]. Au contraire ces matières ont été fréquemment réglementées par le gouvernement romain dans les différentes provinces, naturellement en partant des institutions existantes, et leur réglementation a même formé une portion essentielle des lois d’organisations provinciales mentionnées plus haut : la pseudo-autonomie des différentes cités ne s’est exercée dans ce domaine qu’à condition de n’être pas liée par les règles générales portées pour la province. La délimitation des deux cercles se résout d’ailleurs en de telles spécialités que nous nous contenterons ici de signaler les distinctions sans les développer.

Pour le calcul du temps, le calendrier général de l’empire a probablement seul été en vigueur, dès le début de la domination romaine, dans les provinces non grecques : du moins on ne trouve nulle part d’allusion au maintien d’anciens calendriers en Espagne, en Gaule[121], en Afrique, sous la domination romaine. Au contraire, dans la portion grecque de l’empire, les calendriers que chaque peuple avait à son gré constitués et remaniés jusqu’alors n’ont pas été supprimés ; mais ils ont été, sinon du temps de la République, au moins sous le Principat[122], réglementés et simplifiés sous le contrôle de l’autorité romaine[123]. Ainsi par exemple, il y a, à cette époque, deux calendriers en usage dans la province d’Asie : le calendrier de Pergame, qui n’est autre chose que le calendrier macédonien introduit dans les monarchies d’Alexandre[124] et le calendrier employé à Éphèse et à Smyrne qui correspond essentiellement au calendrier délico-attique[125]. Tous deux sont dans une telle relation entre eux et avec le calendrier julien que la transposition des dates peut s’y faire facilement[126]. Le calendrier provincial syrien de l’époque romaine se rattache encore plus étroitement au calendrier romain ; il ne s’en distingue que par la dénomination des mois, qui sont ici les mois macédoniens, et par le commencement de l’année, qui est placé au 1er octobre : il régit toute la province. Il y avait, d’une façon analogue, des calendriers provinciaux pour la Bithynie, la Lycie, la Cappadoce, l’Arabie, la Crète, Chypre, l’Égypte. Nous avons déjà remarqué que leur empire ne s’étendait pas nécessairement aux villes libres ; au contraire les villes non autonomes étaient obligées de suivre le calendrier ou, comme en Asie, les calendriers de la province.

La désignation de l’année a été traitée par les Romains de la même façon que le calendrier. Ils n’ont pas eu d’ère applicable à tout l’empire. Dans les différentes provinces, en particulier en Orient, il est fréquemment arrivé, lors de l’organisation ou de l’accroissement de la province, ou bien que l’on conserva le mode antérieur de calcul des années, — ainsi l’ère partant du commencement de la dynastie antérieurement régnante, en Syrie[127] et en Bithynie[128], — ou bien que l’on ait pris comme année initiale l’année de la prise de possession par Rome de ce pays ou de cette portion de pays, — c’est ce qui a été fait d’abord, en 608, lors de la création des provinces d’Achaïe et de Macédoine, puis ce qui s’est reproduit lors de l’occupation de l’Asie en 620-621 et lors de l’accroissement de cette province par Sulla, en outre lors de l’acquisition des villes du Pont et de Cilicie, enfin lors de la fondation de la province de Maurétanie sous Gaius et de la province d’Arabie sous Trajan[129]. Nous avons déjà remarqué que l’emploi de cette dernière ère se restreint aux villes sujettes, mais d’ailleurs que les ères divergentes, qui se rencontrent surtout chez les cités libres, ne sont pas rares non plus chez les cités sujettes.

La désignation des années par les gouvernants concorde avec l’ère, à condition qu’on lui donne pour base un commencement de Tannée fixe, indépendant des transmissions du pouvoir, et qu’une règle précise soit établie pour la désignation des années dans lesquelles ces transmissions ont lieu. C’est de cette façon que les années ont été comptées en Égypte depuis un temps immémorial, et ce système a été conservé sous la domination romaine, cependant avec une modification : l’ancienne année égyptienne sans jour intercalaire a été remplacée par l’année julienne avec son jour intercalaire : les vingt-deux années de 365 jours de Cléopâtre sont, dans la liste des souverains d’Égypte qui sert de, fondement à ce calcul, suivies par les quarante-quatre années d’Auguste, en général de 365 jours et tous les quatre ans de 366 ; le premier jour de l’an traditionnel arrivant le 1er Thoth, qui, dans l’année sans jour intercalaire, se déplaçait constamment par rapport à l’année solaire vraie, se trouva ainsi fixé pour l’avenir au 29 ou 30 août, auquel il tombait à cette époque[130].

Nous avons déjà remarqué que les cités sujettes recevaient, avec le droit de battre monnaie, celui de dater les années sur les monnaies par les noms de leurs magistrats propres. Les dates tirées des gouverneurs romains se rencontrent non pas exclusivement, mais principalement sur les monnaies des villes sujettes.

En matière de poids et mesures, les deux, unités, les plus importantes sont à la fois romaines et helléniques ; car le pied romain concorde avec le pied attique de Solon[131], et la livre romaine est avec la mine attique de Solon dans le rapport simple de 1 à 1 1/3, qui est même probablement admis dans le système d’empire[132]. Cela correspond au caractère bi-national de l’État romain développé. Rome n’a pris sous ce rapport de mesure générale à l’égard des sujets dépendants autonomes et des sujets non autonomes que pour mettre impérativement d’accord toutes les dispositions locales avec les poids et mesures officiels de l’empire. Cela doit avoir eu lieu souvent pour des provinces tout entières[133] ; mais il ne manque cependant pas de preuves de divergences existant dans l’intérieur de la même province[134]. Les mesures de distance font exception : pour elles, les Romains ne se sont pas contentés de mettre les mesures antérieures dans un rapport fixe avec les romaines[135] ; ils ont mesuré les routes de l’empire en mesure de l’empire[136]. Par exception, l’empereur Sévère a, dans la construction des routes des Gaules, substitué la leuga celtique au mille romain, probablement parce qu’il ne pouvait mettre les habitudes locales d’accord avec la mesure d’empire[137].

Le système monétaire a été réglé par le gouvernement romain dans les provinces d’une façon très diverse selon les temps et les lieux. Nous ne pouvons ici qu’indiquer les grands traits de ces dispositions.

La monnaie d’or, depuis qu’elle a pénétré dans le monnayage régulier romain, n’a été frappée qu’au pied d’empire et seulement par le pouvoir central. Elle est par conséquent absolument en dehors de la frappe provinciale. La frappe des espèces d’argent a aussi, selon toute apparence, été interdite aux cités sujettes dès leur passade sous la domination romaine[138]. Il n’était que logique, après l’avoir retirée aux cités autonomes d’Italie, de ne pas la laisser aux cités non autonomes extra-italiques. Mais, sans doute à titre de compensation, non pas il est vrai dans l’Occident, mais dans les provinces de l’Orient qui avaient appartenu autrefois au royaume d’Alexandre, les gouverneurs ont émis, pour circuler seulement dans l’intérieur de leurs provinces, à un pied différent de celui du denier, des monnaies d’argent mises avec là monnaie d’empire dans un rapport légal qui leur est défavorable. Ainsi, en laissant de côté les provinces plus petites, on frappait pour la Macédoine et l’Achaïe le tetradrachme du pied attique, ayant un poids normal de 17 gr. 46 et valant au cours légal 4 deniers = 15 gr. 6[139] ; pour l’Asie et les provinces voisines de Bithynie, de Lycie et de Pamphylie le cistophore d’environ 12 gr. 64, ayant cours légal pour 3 deniers = 11 gr. 7, et la drachme de Rhodes qui en était le quart[140] ; pour la Syrie et la Cappadoce le tetradrachme d’Antioche d’environ 15 gr. 28, ayant également cours légale pour 3 deniers et la drachme et le didrachme de Césarée qui en sont la moitié et le quart[141] ; pour l’Égypte le tetradrachme de billon de Ptolémée égal en poids à 4 deniers environ, valant en argent environ un denier et ayant cours pour cette valeur[142]. Ces monnaies provinciales ont été introduites soit au moment même de la fondation de la province, comme par exemple en Asie, soit peu après, comme par exemple en Égypte par Tibère, et, sauf les monnaies macédoniennes, disparues dès avant le Principat, elles ont continué à être émises jusqu’au troisième siècle. Le caractère de ces émissions faites légalement par le gouverneur pour sa province se révèle surtout clairement dans les pièces macédoniennes qui portent le nom du pays Maue6vwv et à côté de lui celui du gouverneur ; habituellement la province n’est pas nommée, et, sous le Principat, le nom du gouverneur disparaît aussi de ces monnaies, sur lesquelles il ne reste donc en général que celui de l’empereur. Mais la frappe même était sans doute faite constamment par les autorités des villes. Les anciens cistophores portent les monogrammes des villes qui les émettent dans la province d’Asie et qui sont généralement les chefs-lieux de circonscriptions ; lorsqu’une portion de cette province est soumise à titre exceptionnel au gouverneur de Cilicie, les lieux d’émission restent les mêmes, et il n’y a de changé que le nom du gouverneur. Sur les monnaies provinciales d’argent syro-cappadociennes, qui sont principalement frappées dans les deux chefs-lieux de province, on peut suivre les disgrâces d’Antioche, pendant lesquelles la frappe est suspendue ou transportée ailleurs. A l’époque ancienne, le lieu d’émission n’est pas indiqué sur les tetradrachmes, quand c’est Antioche, mais il l’est au contraire, quand la frappe a lieu ailleurs par exception ; plus tard, le lieu d’émission est régulièrement indiqué sur les pièces d’argent provinciales syro-cappadociennes[143]. La langue de ces monnaies, qui tiennent le milieu entre les monnaies de l’empire et celles des villes, est tantôt le latin, tantôt le grec, assez souvent les deux ; ce n’est habituellement le grec qu’en Égypte. Le nom officiel de l’unité monétaire donnée pour base à ces émissions est toujours δραχμή, tandis que le denier d’empire est désormais toujours appelé δηνάριον même par les Grecs. Le denier sert d’unité de compte ; mais l’Égypte fait encore ici exception : on y compte toujours par drachmes et par talents, même sous l’Empire. La drachme provinciale se subdivise selon le système romain, au moins dans la province d’Asie où elle se partage en 16 άσσάρια[144] ; au contraire à la drachme égyptienne se divise encore sous l’Empire en 6 oboles et l’obole en 8 chalkus.

L’existence d’une frappe de monnaie de cuivre opérée par le gouverneur, analogue à la frappe provinciale de monnaie d’argent, est attestée principalement[145] pour la Sicile, où elle avait son siège à Panormos[146], pour l’Égypte, où elle l’avait à Alexandrie, pour la Syrie, où elle l’avait à Antioche[147], et pour la Gaule du Nord, où elle l’avait à Lugudunum[148] ; elle est fréquemment caractérisée dans les pays grecs par une légende partiellement ou complètement latine.

D’autres règles s’appliquent aux menues monnaies communales, aux pièces d’argent des villes inférieures au denier et à leurs pièces de cuivre. Le droit de faire de telles émissions peut être regardé comme un privilège avantageux, non pas seulement parce que l’autorité qui fait l’émission gagne nécessairement sur la petite monnaie, mais aussi parce que l’Antiquité n’était pas arrivée à la notion juridique de la monnaie d’appoint et que la menue monnaie pouvait être employée même pour des paiements importants. Il est probable que la petite monnaie communale a joué à peu près le même rôle à l’époque romaine que de nos jours en Italie les petites coupures de papier-monnaie émis par les villes. Ce doit être là le motif pour lequel la relation existant entre la souveraineté de la cité et le droit de battre monnaie s’efface pour ainsi dire complètement relativement à celui-ci. Il est, selon les circonstances, accordé ou refusé à la ville elle-même, et il se rencontre également chez des villes autonomes, chez des villes non autonomes et même, sous le Principat, chez des cités de citoyens.

Il n’a été frappé dans les communes que peu de menue monnaie d’argent : ainsi à Syracuse, aux commencements de la domination romaine[149] et surtout, à l’époque, de César et d’Auguste, en Gaule[150].

La frappe communale de monnaies de cuivre a eu une étendue bien plus large : elle se présente d’une façon très inégale. Certaines cités n’avaient le droit de frapper que les plus basses unités de la petite monnaie ; d’autres étaient invitées à employer un pied différent de celui de la monnaie de cuivre d’empire et plus léger, évidemment pour empêcher le mélange de fait de cette dernière avec la monnaie communale. Elle est parfois absolument exclue. Sans parler de l’Égypte, où il n’y a pas de villes et ou son fondement fait défaut, elle n’a été admise, sous la République, ni en Gaule cisalpine, ni en Gaule transalpine, ni en Sardaigne, ni en Afrique, et elle l’a été dans les deux Espagnes, en Sicile, en Macédoine, en Achaïe et dans tout l’Orient grec. La généralité avec laquelle elle se présente dans les régions où elle apparaît implique une concession générale. Il est probable qu’à l’organisation de chaque province on a posé à ce sujet des règles d’ensemble ou qui excluaient d’un seul coup le droit monétaire ou qui, sans l’accorder absolument à chaque cité, en rendaient au moins la concession plus naturelle et plus facile.

Sous le Principat, le droit communal de battre monnaie a été traité de même que sous la République et d’abord avec une plus grande libéralité. Son application à la Gaule nouvellement soumise, et en particulier son extension déjà citée à la petite monnaie d’argent porte la marque des égards qui furent toujours témoignés à ce nouveau territoire par son conquérant. Les villes d’Afrique entrent aussi désormais parmi celles qui battent monnaie, mais cependant, avons-nous déjà remarqué, à l’exclusion des villes sujettes. Pourtant la tendance opposée prévalut bientôt, au moins relativement à l’Ouest. D’une part, le désordre des finances communales que devait nécessairement entraîner ce système d’emprunts dissimulés doit avoir poussé le gouvernement à des restrictions ; d’autre part, la tendance centralisatrice doit avoir contribué à ne faire admettre qu’exclusivement la monnaie de l’empire dans le territoire latin ou destiné à être latinisé. La suppression de la frappe de monnaies dans les pays limitrophes du nord de l’Italie et la non extension du droit de battre monnaie aux cités de citoyens d’Italie[151] et de Sicile avaient déjà constitué un premier pas dans cette voie. Les hôtels de monnaie communaux de la Gaule furent probablement fermés déjà par Auguste, lors de l’organisation définitive de cette contrée[152] ; ceux de Sicile[153], d’Afrique[154] et d’Espagne ultérieure[155] disparaissent sous Tibère, ceux de l’Espagne citérieure sous Gaius[156], ceux de Tingitane sous Néron[157]. — Tandis que la frappe de petite monnaie communale disparaît ainsi en Occident, comme en même temps celle de petite monnaie provinciale[158], elle se maintient dans les provinces grecques, à côté de la frappe de monnaies provinciales de valeur, jusqu’à une époque avancée du IIIe siècle. Le retrait de la quantité énorme de petites monnaies existant dans ces régions peut avoir excédé les moyens financiers de l’empire, ou bien encore l’énergie de son chef avoir reculé devant ce travail ; les monnaies qui remplissent nos musées ont contribué pour leur part à la banqueroute des communes plus profonde à l’Orient qu’à l’Occident.

Naturellement les petites pièces émises par les communes et les provinces devaient être mises en relation avec l’unité d’argent de laquelle, elles dépendaient. Dans les endroits où le denier supplanta une ancienne unité d’argent, on a procédé, même dans les cités non autonomes, comme à Naples et à Athènes. On a maintenu nominalement les dénominations et les divisions anciennes, et on a donné à ces anciennes dénominations une valeur fixe se rapportant au pied du denier. C’est sur ce procédé que reposent le talent de Syracuse de trois deniers ou, en d’autres termes, la titra syracusaine de la valeur d’1/40 de denier[159], à laquelle se rattachait la monnaie de cuivre émise là. Mais en général, il est probable qu’on a, surtout dans les cités sujettes, abandonné les anciennes dénominations et les anciennes divisions et émis les petites monnaies comme fractions sait du denier lui-même, soit d’une des drachmes provinciales qui étaient dans une relation fixe avec le denier ; ainsi par exemple les monnaies de la province d’Asie doivent avoir été frappées d’après le type de la drachme provinciale de 16 assaries.

 

 

 



[1] V. tome I, la théorie des Appariteurs, sur les Bruttiani.

[2] V. tome I, la théorie du Conseil du magistrat, sur l’emploi du conseil en matière administrative, dernière note.

[3] La preuve la plus frappante en ce sens est fournie par l’organisation des Vocontii dans la Narbonnaise, qui ont, en qualité de cité fédérée, gardé de la façon la plus pure l’ancienne constitution de clan : Vocontiorum civitatis fœderatæ duo capita Vasio et Lucus Augusti, oppida vero ignobilia XVIIII, sicut XXIIII Nemausensibus attributa (Pline, H. n. 3, 4, 37). Aucune cité romaine ou hellénique ne peut avoir deux capitales, c’est-à-dire n’en avoir aucune.

[4] La province étendue du Pont, dont l’organisation a été établie d’une manière instructive par Niese (Rhein. Mus. 33, 577), n’était divisée qu’en onze circonscriptions, qui avaient toutes pour point central des villes grecques anciennes ou nouvellement fondées : leur étendue est montrée, par exemple, par le fait que Sinope était à l’ouest limitrophe d’Amastris et s’étendait à l’est jusqu’à l’Halys.

[5] Après que l’organisation du territoire sujet selon le type de gouvernement royal fut devenue conciliable avec les institutions romaines, la constitution urbaine ne fut plus sans doute aussi indispensable qu’elle l’était encore à la fin de la République. Le rapprochement de la province de Cappadoce organisée sous Tibère avec la province du Pont de Pompée est instructive sous ce rapport les dix stratégies royales subsistent dans la première.

[6] Les Romains n’ont pas d’expression pour faire la distinction de la cité pér4rine urbaine ou non urbaine au point de vue politique. Natio est bien employé de préférence pour les pérégrins qui ne sont pas arrivés à la constitution en villes (Hermes, 19, 28), mais seulement au sens ethnologique. On dit également natione Gallus et natione Sequanus, et le mot n’exprime pas l’indépendance politique. Les mots qui expriment cette idée, populus et civitas s’emploient indifféremment pour la cité urbaine ou non urbaine. En grec, l’opposition de πόλις (ou Έλληνες) et έθνος vise la commune urbaine comme exclusivement hellénique et l’établissement non urbain comme barbare. Aristote, Polit. 2, 2, p. 1281, 27. Ainsi dans le traité entre Smyrne et Magnésie de l’époque pré-romaine, C. I. Gr. 3437, ligne 11, et dans l’inscription d’Éphèse relative au dictateur César, C. I. Gr. 2957. Droysen, Hell. 3, 1, 31 = tr. fr. 3, 32. En un certain sens, il en est de même chez les Romains ; la cité non urbaine est destinée à devenir une ville.

[7] Hermes, 16, 433 rapproché de 19, 316. Les traités conclus après la guerre d’Hannibal avec les Cénomans (Brescia) et les Insubres (Milan) ont nécessairement fourni la base de ce régime.

[8] Appien, Hisp. 43. La destruction générale des fortifications opérée par Caton en Espagne et la décision du sénat selon laquelle il ne pourrait y avoir de fortifié que la citadelle et non la ville des Thisbéens sont sans doute exclusivement des mesures militaires.

[9] Rescrit de Vespasien aux magistratus et senatores des Vanacini en Corse, C. I. L. X, 8038. La formule senatus populusgue, qui n’est autrement pour ainsi dire jamais employée par les cites provinciales, est employée par des cités africaines absolument dénuées d’importance dans des décrets de patronat du temps de César (C. I. L. VIII, 10525), d’Auguste (C. I. L. VIII, 68) et de Tibère (C. I. L. V, 4920. 4922). Le conseil de Sulci en Sardaigne se nomme également senatus (C. I. L. X, 7513).

[10] Droysen, Hell. 3, 1, 31. = tr. fr, 3, 32.

[11] De la manière la plus nette dans le jurisconsulte Gallus. Le mot dicio, qui ne se rencontre que dans des formules arrêtées (et auquel les anciens grammairiens refusent pour cette raison le nominatif) se présente seul dans la formule paradigmatique : Deditis vos... in meam populique Romani dicienem, Tite-Live, 1, 38, 2, cumulé avec d’autres expressions synonymes dans la loi : Dedere se in arbitrium dicionemque populi Romani, Tite-Live, 26, 33, 12, et dans la lex repetundarum, au début : In arbitratu dicione potestate amicitiave populi Romani, à côté d’amicitia, dans Cicéron, Div. in Cæc. 26, 66, et dans des constructions analogues une quantité innombrable de fois. — On rencontre comme synonymes potestas (seul, Tite-Live, 1, 38, 2. 7, 31, 6. 24, 29, 12, etc. ; dicio ac potestas, Cicéron, De l. agr. 2, 27, 74 ; potestas ac dicio, le même Verr. l. 1, 38, 97) ; manus (Tite-Live, 5, 27, 4) ; imperium (seul, Tite-Live, 5, 27, 12. 8, 19, 2, etc. ; imperium dicioque, Cicéron, Verr. l. 1, 21, 55 ; Pro Font. 5, 12 ; dicio imperiumque, Tite-Live, 22, 20, 11. 29, 29, 10), qui au sens strict est cependant rapporté au magistrat ; jus judiciumque (Tite-Live, 36, 39, 9. 39, 24, 8. 41, 22, 4) et jus dicioque ou jus ac dicio (Tite-Live, 21, 61, 7. 28, 21, 1. 32, 33, 8. 36, 14, 9. 38, 48, 3. 40, 35, 13 ; Salluste, Cat. 20, 7) ; arbitrium et arbitratus dans les lois invoquées plus haut. — L’autonomie consiste à suæ dicionis esse, Tite-Live, 14, 29, 7, in sua potestate esse, Tite-Live, 1, 38, 2, etc.

[12] Tite-Live, 9, 20, 8. 21, 60, 3. 41, 6, 12. Il n’est pas fréquent que ces expressions soient rapportées spécialement aux alliés comme dans ces textes ; mais on désigne souvent ainsi l’indépendance en général, sans s’occuper de la distinction légale des alliés et des sujets.

[13] Pour les affaires non romaines le mot est employé sans scrupules : Hæduos, dit César, B. G. 1, 33, in servitute atque dicione videbat esse Germanorum.

[14] Vectigalis est aussi employé dans le même sens pour les personnes (Cicéron, De prov. cons. 5, 10 ; Tite-Live, 21, 41, 7), ordinairement pour le sol (Tite-Live, 22, 54, 11. 34, 47, 3. 31, 29, 7. c. 31, 9. 37, 55, 6, etc.) — Tributarius n’est jamais employé dans ce sens à l’époque de la République ; car le tributum y est l’impôt des citoyens. Au contraire, il est, sous l’Empire, employé dans le droit des personnes comme synonyme de stipendiarius (Pétrone, c. 57 ; Suétone, Aug. 40). La distinction faite selon que la taxe est versée à l’ærarium ou au fiscus est étudiée, tome V, au sujet de la Puissance impériale.

[15] C’est ce que fait aussi le scoliaste de Bobbio, in Scaur. p. 375 : Aliæ civitates sunt stipendiariæ, aliæ liberæ.

[16] Il n’y a sans doute pas d’autre exception que les civitates stipendiariorum pago Gurzenses, C. I. L. VIII, 68.

[17] En Sicile, où il n’y a que deux villes fédérées, Messana et Tauromenion, celles qui doivent des redevances sont appelées liberi in societatem, non servi in custodiam traditi Romanis (Henna, Tite-Live, 24, 37, 6 ; de même 25, 40, 4) ; et, des honneurs spéciaux étant rendus aux dix-sept villes restées toujours fidèles aux Romains (Diodore, 4, 83 ; Cicéron, Verr. 5, 47, 124), la qualité d’alliés ne peut tout au moins pas avoir été refusée à ces villes.

[18] Les Siculi en général sont très souvent appelés socii populi Romani dans les Verrines (Div. in Cæc. 4, 12. 5. 17. 18. Act. 1, 5, 17. c. 14, 42. c. 18, 56. l. 3, 6, 15. c. 52, 122, etc.).

[19] Cicéron, Verr. l. 3, 23, 56. c. 34, 79. c. 43, 102. c. 45, 106.

[20] Tacite, Hist. 3, 55, emploie sans équivoques le mot dans ce sens. Mais même ailleurs il emploie en général le mot de la même façon, par exemple en appelant les Mediomatrici (qui, autant que nous sachions, ne sont ni fédérés ni libres) une socia civitas (Hist. 4, 70) ou en qualifiant les troupes auxiliaires du nom de socii (Ann. 1, 11. c. 49. 4, 73 ; Hist. 3, 46) et en citant le concilium sociorum (Ann. 15, 22). Par conséquent, dans Ann., 15, 45 : Pervastata Italia, provinciæ eversæ, sociique populi et quæ civitatium liberæ vocantur, le troisième terme désigne non pas les cités fédérées, mais les cités sujettes, de sorte que le second terme est spécialisé dans le troisième et le quatrième. Suétone, Aug. 44, dit de même. On ne peut pas toujours arriver pour ce mot à une complète sûreté d’interprétation ; car l’ancienne acception, où socius et fœderatus se confondent, se rencontre encore dans Suétone, qui à la vérité suit peut-être là une autorité ancienne, et Tacite (Ann. 2, 53, fœderi sociæ urbis, en parlant d’Athènes) n’exclut pas non plus toujours les fœderati des socii.

[21] A Syracuse, les Romains ne font qu’entrer dans les droits des trois, et la ville garde finalement la liberté et l’autonomie. Tite-Live, 25, 28, 3 : Cum haud ferme discreparet quia quæ ubique regum fuissent Romanorum essent, Siculis cetera cum libertate ne legibus suis servarentur ; cf. 24, 33. 6. 25, 23, 4. c. 31, 5. c. 40, 1. Plutarque, Marcell. 23.

[22] Dans les proclamations de 587 (Tite-Live, 45, 29, 4. 12, rapproché de c. 18, 1 ; Diodore, éd. Wess. p. 581 ; Vita Hadriani, c. 5) les États de Macédoine et d’Illyrie sont déclarés libres ; mais ils sont soumis au tribut et par conséquent appartiennent à l’empire.

[23] Dans la lettre du proconsul Q. Fabius à la ville de Dyme (C. I. Gr. 1543), qui semble avoir été écrite peu de temps avant la guerre d’Achaïe, il cite τής άποδεδομένης κατά κοινόν τοΐς Έλλησιν έλευθρίας, en paraissant faire allusion par là à la libération de l’autorité royale de Persée.

[24] Un des documents les plus remarquables fournis par les fouilles de Pergame est une résolution de cette ville (encore inédite) qui m’est communiquée par son futur éditeur, [έπεί] βασιλεύς Άτταλος Φιλομήτωρ καί Εύεργέτη[ς μεθισ]τάμενος έξ άνθρώπων άπολέλοιπεν τή[μ πατρ]ίδα ήμών έλευθέραν, la confirmation de cette disposition de dernière volonté par les Romains étant encore attendue, de conférer aux classes d’habitants de la ville qui n’ont pas le droit de cité ce droit ou une condition personnelle voisine. Les Romains ont sûrement accepté la charge de ce legs avec l’hérédité. Mais il ne donnait à la ville que sa libération du gouvernement royal direct ; selon Tite-Live, Ép. 59, les Romains déclarèrent la guerre à Andronicus en partant de là, parce que Asiam occupavit, cum testamento Attali regis legatta populo Romano libera esse deberet. — Les habitants de Pergame honorent le proconsul d’Asie P. Servilius Isauricus en 708 (Jahrbuch der preuss. Kunstsammlungen, 1880, p. 190).

[25] C. I. L. I, n. 588. La guerre contre Mithridate est faite, suivant un décret des mêmes Éphésiens (Lebas-Waddington, n. 136 a).

[26] Les Ephésiens s’attribuent la majorum libertas, les gens de Pergame la δημοκρατία. Les Lyciens légalement autonomes s’attribuent également une majorum libertatem (C. I. L. I, p. 589). [V. encore sur la condition de liberi attribuée aux sujets à la même époque et dans le même sens, l’inscription C. I. L. II, 5041.]

[27] Josèphe, Ant., 17, 2, 2, viole cette règle. Dans les mots de Sulla, dans Appien, Mithr. 58, à Mithridate, il s’agit là des villes légalement libres, notamment d’Athènes. Julien, Ép. 35, est étranger à ce sujet ; il s’y agit encore, inexactement pour Argos d’ailleurs, de la situation particulière faite aux villes de la Grèce libres en pratique sous le gouvernement impérial (v. tome V, la partie de l’Imperium du prince, sur les villes libres des provinces).

[28] Philon, Leg. ad Gaium, 21.

[29] Les deux cités, difficilement autonomes, de Thessalie Melitæa et Narthakion, dont les conflits de frontières furent décidés par le sénat romain, vers 611, sûrement après l’extension du lien de sujétion romaine à la Grèce (Bull. de corr. hell. 6, 361), sont appelées amies et alliées, et elles renouvellent à cette occasion leur συμμαχία avec les Romains.

[30] Si, d’après Cicéron (Verr. l. 3, 15, 38), c’est contra omnia jura Siculorum, quæ habent a senatu populoque Romano, qu’ils sont déférés à un autre tribunal que le leur propre, et si, d’après le même auteur (Verr. 2, 37, 99), senatus et populus Romanus rendirent urbem agiras legesque suas à la ville de Thermæ, il ne s’agit pas là de lois spéciales ; les sénatus-consultes sont seulement considérés comme exprimant eux-mêmes la volonté du populus Romanus.

[31] On peut par exemple rappeler la constitution de la province du Pont et de Bithynie après la guerre de Mithridate par une ordonnance de Pompée (Pline, Ad Traj. 79), elle fut soumise à la confirmation du sénat comme faisant partie de ses acta ; mais, comme elle se trouvait en conflit avec les décisions de Lucullus et qu’il en résultait des difficultés, elle fut confirmée par une loi, sous l’influence de César. [Le règlement de la condition des sujets par un décret du gouverneur est aussi attesté par un décret classique quant à la condition des sujets au VIe siècle, par le décret du préteur d’Espagne Ultérieure L. Æmilius Paulus en date du 19 janvier 565 de Rome (C. I. L. II, 5041 ; et Hermes, 3, 261 et ss.).]

[32] Tite-Live, 5, 27, 15. c. 32, 5. 9, 41, 7, etc. Handbuch, 5, 93 = tr. fr.10, 110.

[33] Selon la définition de Cicéron (Verr. l. 2, 3, 7), quasi victoriæ præmium ac pœna belli.

[34] Il ne faut pas confondre cela avec une contribution répartie entre plusieurs années (exemples, Handb. 5, 183, note 4 = tr. fr. 10, 232, note 3).

[35] L’assertion de Tacite, Ann. 11, 22, selon laquelle l’institution des quatre questeurs de la flotte a lieu, en 487, stipendiaria jam Italia, ne peut sans doute être comprise qu’en ce sens qu’il leur incombait de recouvrer les stipendia et que ces taxes s’étendaient alors aussi bien à l’Italie qu’aux provinces. Mais l’annaliste, qui se trompe fréquemment au sujet de l’histoire ancienne, a dû être égaré ici par le nom des magistrats.

[36] Cicéron, Verr. l. 2, 6, 13. 3, 6, 12. Cela est, il est vrai, inexact en ce sens que les institutions romaines n out pas dû être organisées sur le modèle de Syracuse et de ses six villes, auxquelles se rapporte la lex Hieronica visée ici en première ligne, mais sur celui de la Sicile carthaginoise antérieurement conquise. Le système carthaginois servit sans doute également de modèle direct pour l’organisation de l’Espagne et de l’Afrique.

[37] Quand Cicéron écrit, Ad Q. fr. 1, 1, 11, 32 : Græcis id quod acerbissimum est, quod sunt vectigales, non ita acerbum videri debe, propterea quod sine imperio populi Romani suis institutis per se ipsi ita fuerunt, il pense à l’Orient grec et aux institutions de la monarchie à Alexandre imitées de la Perse. Nous en avons une image limpide dans les mesures prises après la soumission d’Antiochos, Polybe, 21, 48 = Tite-Live, 38, 39. Des différentes villes, les unes reçoivent sous L’autorité romaine l’autonomie et l’immunité, d’autres voient réglementer leur obligation au tribut envers Rhodes en Eumène. Au reste, ce système est aussi essentiellement celui d’Athènes : la division de Thucydide (7, 57) des membres de l’empire d’Athènes peut être transportée sans autre forme à l’Etat romain.

[38] Cicéron, Verr. 3, 6, 13. 5, 29, 53. Il s’agit là en première ligne du territoire de Leontini, montrent les Philippiques, 3, 9, 22 ; cf. 2, 17, 43. c. 39, 101. 8, 8, 26 ; ces champs sont mis sur le même rang que ceux de Campanie ; en outre, les terres d’Amestratos sont désignées, Verr. 3, 89, 89, comme étant en la propriété de l’État. Cela doit nécessairement remonter aux mesures prises en Sicile pendant la guerre d’Hannibal ; mais la relation de Tite-Live, 25, 40, 4 (cf. 26, 40, 11), se rapporte plutôt aux droits honorifiques spéciaux des 17 villes restées fidèles ; la peine rigoureuse de l’expropriation n’a évidemment frappé que peu de cités.

[39] V. tome IV, la théorie de la Censure, sur la mise à ferme des vectigalia.

[40] Cicéron dit de la ville débitrice de dîmes de Thermos, Verr, 1. 2, 37, 90 : Cum... senatus et populus Romanus Thermitanis, quod semper in amicilia fideque mansissent, urbem agros legesque suas reddidisset. Il en est ainsi indubitablement de Syracuse même : comme on n’y avait confisqué que les propriétés foncières royales et celles des ennemis du peuple romain (Tite-Live, 26, 21, 11. c. 30, 11), la propriété privée du reste du sol ne fut pas touchée.

[41] Même lorsque tout le sol provincial fut considéré comme appartenant à l’État, on en a toujours distingué les fonds de terre dont la jouissance appartenait à l’État lui-même. La liste des biens de l’État dont il avait la jouissance, dressée par Auguste en 727, est étudiée, tome V, dans la théorie de la Révocabilité des actes des princes, au sujet des beneficia. C’est à leur sujet que Vespasien répond à une cité de la Bétique (C. I. L. II, 1423) : Vectigalia, quie ab divo Aug(usto) accepisse dicitis, custudio : si qua nova adjieere voltis, de his proco(n)s(ulem) adire debebitis, ego enim nullo respondente constituere nil possum. Par conséquent, une portion de ces biens de l’État était laissée en jouissance aux cités, d’après des régler déterminées ; pour changer ces réglas, par exemple pour élever le droit de pâture perçu sur les prés de la montagne ou pour en introduire un nouveau, les autorités locales avaient besoin de l’autorisation du gouvernement romain.

[42] [L’inscription espagnole C. I. L. II, 5041, montre également la propriété du sol laissée jusqu’à nouvel ordre aux habitants selon le droit pérégrin, mais en réservant expressément pour l’avenir le droit de confiscation, qui est une conséquence de la deditio.]

[43] Le territoire des villes fédérées est naturellement étranger à cette régie ; car il ne fait pas partie de la province.

[44] Ce n’est pas ici le lieu de développer ce principe d’une façon plus approfondie. Il apparaît clairement dans Cicéron, Verr. l. 2, 3,1, et chez les jurisconsultes, par exemple chez Gaius, 2, 7. Cf. tome V, la partie de la fortune publique et des caisses publiques, sur les revenus tirés par le fisc des provinces impériales.

[45] Cicéron, Verr. 3, 6, 12 (cf. Fronton, Ad Verum, 2, 1 ; Appien, B. c. 5, 4). Le régime établi en Espagne et en Afrique se concilie mieux avec l’ancien système qu’avec le nouveau ; la censoria locatio de l’Asie n’est possible qu’en partant de l’idée de jouissance du domaine de l’État.

[46] Cela s’applique à l’Afrique, montre la loi agraire de 643. La Sicile est encore traitée théoriquement d’après la règle ancienne à la fin de la République romaine, et le territoire domanial de Rome est restreint au territoire de Leontini et aux parcelles de terre de même nature, montrent les Verrines ; la République romaine n’a pas eu pour système de supprimer directement les mesures qu’elle avait prises une fois. Mais elle avait déjà tiré pour toute file les conséquences du droit de propriété de l’État sur le sol, ainsi que le montrent le refus du titre de ville libre et la revendication par elle de tous les droits de douane maritimes (peut-être à l’exception des villes fédérées de Messana et de Tauromenion). La colonisation d’Auguste prouve, s’il en faut une preuve ; que, tout au moins sous le Principat, il n’est fait aucune distinction, au point de vue de la propriété foncière, entre la Sicile et le reste des provinces.

[47] Cette dernière désignation se rencontre au reste assez souvent. Comme elle s’applique à toute rente du sol, on peut lier vectigales ac stipendiarii (Cicéron, De prov. cons., 5, 10), et le tribut des sujets est appelé vectigal stipendiarium (Cicéron, Verr., 3, 6, 12).

[48] Si de doubles dîmes sont demandées en Sicile et en. Sardaigne (Tite-Live, 36, 2, 12. 37, 2, 12. c. 50, 9. 42. 31, 8) pour des raisons militaires, et par la suite une seconde dîme est demandée régulièrement, sans douta contré indemnité en Sicile (Cicéron, Verr. l. 3, 70, 163), cela peut se concilier aussi bien ou aussi mal avec un principe qu’avec l’autre. On perçut également en Espagne, où la redevance était en principe Suée en argent, un vingtième en sus contre indemnité (Tite-Live, 43, 2, 12).

[49] V. tome IV, la partie de la Censure, sur la ferme des vectigalia.

[50] Les colonies de citoyens Sena Gallica, fondée vers 471 ; Pisaurum, fondée en 570 ; Mutina, et Parma, fondées en 571, étaient en dehors des limites propres de l’Italie. L’assignation faite en vertu de la loi agraire Flaminienne en 526 s’étendait au pays gaulois jusqu’à Ariminum.

[51] Il a sûrement été procédé de même dans la partie de la Sicile enlevée aux Carthaginois.

[52] La plus ancienne mention qui se rencontre de la différence du droit foncier italique et de celui d’outre-mer est le principe, appliqué comme incontesté en 511 et 516, selon lequel le dictateur ne pouvait être nommé en Sicile, mais seulement in agro Romano et il ne pouvait y avoir de tel sol qu’en Italie (cf. tome III, la théorie de la Dictature, sur les formes de la nomination du dictateur). Ager Romanus désigne, en langue technique, le territoire primitif de la ville, et il peut être pris ici dans ce sens, si l’on admet, comme il n’y a aucune difficulté à le faire, que le, caractère du territoire primitif pont être attribué à un autre fonds de terre par une des fictions familières au droit public. Que l’on adopte cette opinion ou que l’on entende par ager Romanus l’ager publicus populi Romani, il résulte toujours de la cette règle qu’il n’y a de propre a la nomination du dictateur que le territoire italique, et que celui d’outre-mer y est absolument impropre. Cette nomination devant être faite dans le templum, la règle peut également être formulée en disant qu’il n’y a que le sol italique susceptible de consécration romaine. Ce principe de droit est toujours resté en vigueur. Pline demandant (Ép. 19) s’il y a des objections au transfert d’un temple consacré 3 Nicomédie à la Grande mère des dieu, Trajan (Ép. 50) répond négativement, cum solum peregrinæ civitatis capax non sit dedicationis quæ fit nostro jure. Quoique Nicomédie soit appelée, dans des inscriptions du temps des Sévères (C. I. Gr. 1120. 3774), σύμμαχος άνωθι τώ δήμω τών 'Ρωμαίων, la ville n’avait certainement pas l’autonomie, et la peregrina civitas est donc, ici une ville dont le sol est soumis à la propriété publique de Rome.

[53] Sénèque, De brev. vitæ, 43, 8 (cf. tome IV, la partie des Pouvoirs constituants extraordinaires, sur l’extension du Pomerium). J’ai faussement rapporté ces mots (Rœm. Gesch. 2, 7e éd. 355 = tr. fr. 5, 371) à l’extension de la frontière de l’Italie : agrum adquirere ne peut vouloir dire que acquérir de la propriété foncière, et, puisqu’il s’agit de l’État, c’est à l’extension de la propriété foncière de l’État, en Italie ou dans les provinces, que se rapporte la distinction. Sulla aura par exemple fondé son droit de reculer le Pomerium, sur la transformation du territoire de Pompéi d’ager peregrinus en ager publicus populi Romani et ensuite par assignation en colonia Veneria Cornelia. Je regrette d’autant plus mon erreur que la combinaison proposée récemment par Detlefsen (Hermes, 21, 498 et ss.) au sujet du pomerium a cette confusion pour origine essentielle.

[54] Gaius, 2, 7a. La consécration accomplie par les Pompéiens à Thessalonique et la consécration du soi accomplie fi l’époque récente au delà des mers pour les auspices du général (v. tome I, la partie des Auspices, sur les auspices du départ) sont des applications de ce principe. Sans contestation possible, la dédication du sol a été, en vertu de, cette règle, accomplie avec une pleine efficacité dans toutes les colonies de droit italique.

[55] L’extension du pomerium, à laquelle procédèrent les empereurs Claude et Vespasien auctis populi Romani finibus (C. I. L. VI, 1231. 1232), ne peut être rapportée qu’a l’annexion de la Bretagne, pour le premier, et de la Commagène notamment, pour le second. Si, comme il semble, Sénèque, veut, dans les mots (De brev. vitæ, 13, 8), qu’il met du reste dans la bouche d’un érudit chercheur de détails, attaquer l’extension de frontières de Claude, on voit sur quoi il s’appuie en droit.

[56] Narbo n’avait pas le droit italique : on peut le conclure de ce que Paul, Digeste, 50, 35, 8, 1, ne l’attribue in Narbonensi qu’à Vienne.

[57] La situation ne serait pas changée, quand bien même on pourrait établir l’existence d’exceptions isolées ; mais ce n’est pas le cas. Valentin en Espagne, fondée en 616 de Tome (Tite-Live, Ép. 55), posséda plus tard le droit italique (Digeste, 56, 15, 8, pr.), mais il est douteux que cela ait été depuis sa fondation ; elle a bien été fondée comme colonie, mais peut-être d’abord comme colonie latine. Il n’y a rien de connu sur la condition du sol dans la colonie latine de Carteia fondée en Espagne, en 583 ni dans la colonie de Marius de Mariana en Corse.

[58] C’est pourquoi la fondation de colonies latines et celle de colonies de citoyens sont toujours traitées parallèlement du temps de la République et y sont toutes deux limitées à l’Italie et à la Gaule Cisalpine.

[59] Un rencontre fréquemment des remises d’impôts faites par le sénat non seulement pour un temps déterminé, mais jusqu’à nouvel ordre ; seulement elles sont toujours révocables (Appien, Hisp. 44). C’est sans doute de cette façon que César arriva, selon le De bello Hisp. 42, en qualité de préteur, à faire remettre à l’Espagne citérieure les taxes (vectigalia) qui lui avaient été imposées par Metellus. Lors de l’annulation des immunités concédées à des villes par Sulla, que le sénat prononça lorsqu’il était encore sous la direction des optimates (Cicéron, De off. 3, 22, 87), il a certainement été tenu compte de ce qu’elles ne se fondaient que sur des sénatus-consultes, quoiqu’elles eussent été sans nul doute conférées sous la forme de véritables lettres de liberté.

[60] Tacite, Hist. 5, 25 (cf. 4, 17 ; Germ. 29). La libertas doit encore entendue ici au sens du droit public romain ; les populi liberi avaient légalement l’immunité. Je ne trouve pas d’autre exemple certain ; cependant Amphisa et les Locriens Ozoles rentrent peut-être dans cet ordre d’idées.

[61] L’emploi pour la service de sûreté d’hommes armés, comme celui des Diogmites en Asie Mineure, à, l’époque moderne, n’a légalement rien de commun avec le service militaire.

[62] Diodore, 4, 83. C. I. L. X, 7258. On ne peut pas confondre, comme le fait le Handbuch, 4, 534, ces troupes municipales on provinciales avec les provinciaux appelés sous les armes par les magistrats romains.

[63] A tout le moins, on ne voit pas trace, dans aucune cité sujette, d’un service militaire régulièrement établi sans doute on a pu, aux, débuts de cette institution et avant qu’elle ne se fait développée dans toute sa rigueur juridique, considérer l’appel au service militaire dans la province des sujets astreints au tribut comme l’application d’une obligation qui pesait régulièrement sur eux ; c’est probablement de là qu’est venue l’application qui leur a été faite du nom de socii, mais, en droit, ces réquisitions ne peuvent se justifier que par l’idée de force majeure.

[64] Aulu-Gelle, 10, 3, 19. Voir, pour de plus amples détails, tome I, la partie des Appariteurs, sur les Bruttiani.

[65] Un sénatus-consulte de l’an 562 invite, dans Tite-Live, 35, 23, le gouverneur de Sicile, pour repousser le débarquement redouté des Macédoniens, à mettre sous les armes, à titre extraordinaire, dans l’île même 12.000 fantassins et 400 cavaliers. De même, en Espagne, Tite-Live, 35, 2, 7. Les généraux romains l’ont encore fait bien plus souvent sans autorisation du sénat dans les provinces. Les Verrines montrent notamment que, pour la guerre des pirates en particulier, les flottes furent formes exactement de cette façon.

[66] Parmi les auxilia externa employés dans la guerre sociale, on trouve trois capitaines de navires des villes de Carystos, de Clazomènes et de Mllet dont aucune n’était fédérée. Ces officiers de marine romains pouvaient donc appartenir à des villes sujettes.

[67] Hermes, 19, 69 et ss.

[68] Des députations de cités non autonomes se sont adressées une quantité incalculable de fois aux consuls (par exemple, celles de Sicile portant plainte contre Verrès : Cicéron, Verr. 2, 4, 10. c. 59. 146 et ss.) ou aux préteurs (par exemple, celles de l’Espagne citérieure au préteur César : Bell. Hisp. 43) et par leur intermédiaire au sénat. Les séances da sénat, qui étaient, d’après l’usage, consacrées, peu après l’entrée en chargé dés consuls, à la réception des légations, servaient aussi à recevoir celles des sujets (Tite-Live, 41, 8, 5. Cicéron, Verr. 1, 35, 90).

[69] C’est à cela qu’il faut penser lorsque Cicéron, De har. resp. 16, 34, parle du meurtre d’un legatus ad senatum a civitate libera missus.

[70] Je ne connais pas de documents proprement dits dans ce sens ; mais il n’y en a pas besoin en face de la dépendance absolue dans laquelle sont les cités sujettes par rapport au gouverneur. Il est à remarquer que le sénatus-consulte rendu dans l’affaire des Adramyteni leur est transmis par le gouverneur (G. I. Gr. 2349 d) et que l’ambassade des Oropiens au sénat est conduite par un homme qui avait personnellement le jus legationis.

[71] [C’est ainsi que le décret de L. Æmilius Paulus, C. I. L. II, 5041, montre les Romains écartant dans le cercle des sujets, auquel appartiennent sûrement les Hastenses, les liens de dépendance qu’ils trouvent établis entre eux et leurs clients (car c’est là la condition qu’il faut reconnaître à ces servei, qui ont un oppidum et un ager).] L’attribution est au moins concevable.

[72] Dans un décret, la cité de Pergame accorde, en attendant l’installation de la domination romains, le droit de cité complot aux parèques et en général aux non citoyens propriétaires fonciers et un droit de cité inférieur a d’autres classes de personnes. Selon toute apparence, la période intermédiaire a été utilisée par les radicaux niveleurs pour établir la démocratie pure avant le commencement de la domination romaine.

[73] Les groupes de villages des cités qui ne sont pas arrivées a la constitution en ville, par exemple des 22 cités des Asturi (Pline, 3, 3, 28 ; et Hermes, 19, 25) ne peuvent pas être considérés comme des fédérations, pas plus que les pagi des civitates gauloises.

[74] Tite-Live, 45, 29.

[75] Pausanias, 1, 16, 9. Cf. Rœm. Gesch. 5, 236 = tr. fr. 10, 10.

[76] Cicéron, Verr. l. 2, 21, 51. c. 46, 114.

[77] Le συνέδριον τών έννέα δήμων (Schliemann, Troia, 1884, p. 256) ou encore Ίλιες καί πόλεις αί κοινωνοΰσαι τής θυσίας καί τοΰ άγώνος καί τής πανηγύρεως (op. cit. p. 254) existait déjà du temps d’Antigone (Droysen, Hell. 2, 2, 382 et ss. = tr. fr. 1, 783 et ss.). Rœm. Gesch. 5, 317 = tr. fr. 10, 120.

[78] [Il a été récemment découvert à Narbonne un fragment du règlement (lex) relatif à la Narbonnaise (C. I. L. XII, 0038). La partie qui en est conservée, règle la nomination du flamine de la province et sa situation officielle, en particulier dans le concilium de la province. Ce règlement date nécessairement de l’époque même d’Auguste, puisque le flamen Augus[ti] y est désigné sans indication de la consécration de ce prince.]

[79] Sur les concilia de l’Empire, cf. Handbuch, 4, 503 et ss. et mon Histoire romaine, notamment pour la Gaule, 5, 84 et ss. = tr. fr. 9, 118 et ss., pour la Grèce, 5, 232 = tr. fr. 10, 3 ; 236 et ss. = tr. fr. 10, 10 et ss. ; 242 et ss. = tr. fr. 10, 17 et ss. ; 283 tr. fr. 10, 74 ; pour l’Asie Mineure 5, 316 et ss. = 10, 320 et ss. L’organisation des concilia, quoique procédant partout du même principe, a pourtant reçu des développements différents selon les lieux et, notamment dans les régions helléniques, a toujours été déterminée par l’histoire antérieure. [Dans l’inscription précitée : [Eidem i]n curia sua et concilia provinciæ Narbonesis inter sui ordinis secundum le[gem civitatis suæ maxima honore functos] sententiæ dicendæ jus esto, le jus sententiæ dicendæ, qui est donné au flamine dans sa curie, lui est également attribué dans le concilium provinciæ sans que la préposition soit répétée et de telle façon que les mots intercalés : inter sui ordinis secundum le... se rapportent à la fois à la curie et au concilium. Pour le comprendre, il faut admettre que le concilium provinciæ était une sorte d’assemblée générale des curies et que tous les décurions de toutes les cités de la province avaient le droit d’en faire partie ; et cela n’a rien d’étonnant pour ceux qui savent que ces concilia ont été organisés sur le modèle des institutions municipales. Cf. la note sur ce passage, C. I. L. XII, 6038.]

[80] C’est elle que l’on considère en premier lieu, nous montrent la réunion en une seule assemblée des trois Gaules divisées administrativement tandis que la Narbonnaise romanisée en est séparée, la constitution de l’amphiktyonie grecque sous la Principat (Rœm. Gesch. 5, 232 =tr. fr. 10, 3) et le Panhellenion d’Hadrien (Rœm. Gesch. 5, 244 = tr. fr. 10, 20) comme l’assemblée spéciale accordée aux villas grecques de la province de Mésie (Rœm. Gesch. 5, 283 = tr. fr. 10, 76).

[81] La participation des villes fédérées à l’assemblée provinciale est attestée notamment par la composition de l’assemblée gauloise, qui est celle que nous connaissons la mieux.

[82] Cicéron, Verr. l. 2, 12, 31. 3, 6, 14.

[83] Ainsi le sénatus-consulte de 676 permet aux citoyens de trois cités sujettes d’y plaider έάν έν ταΐς πατρίσιν κατά ίδίους νόμους βούλωνται κρίνεσθαι. Cicéron, Verr. l. 2, 13, 32. c. 37, 96, cf. act. 1, 4, 13. l. 2, 22, 53. Cicéron, Ad Att. 6, 1, 15. 6, 2,4. Dion, 31, 29. La ville non autonome de Pergame célèbre le proconsul d’Asie de 769 P. Servilius Isauricus comme άποδεδωκότα τή πόλει τούς πατρίους νόμους.

[84] Cicéron le dit des Thermitans.

[85] Les jurisconsultes renvoient pour le mariage des pérégrins aux leges moresque peregrinorum (Gaius, 1, 92), pour le testament, aux leges civitatis du testateur (Ulpien, 20, 14), pour les effets juridiques du germent aux singularum civitatium jura (Gaius, 3, 96), pour la tutelle des femmes en Bithynie à la lex de ce pays (Gaius, 1, 193). On retrouve souvent des décisions semblables.

[86] Ce que dit Dion, 54, 9, ne peut vouloir dire qu’une chose, à savoir que la législation romaine avait ici une liberté absolue.

[87] C’est ce que démontre Degenkolb (Die lex Hieronica, Berlin, 1861), notamment au chapitre IV.

[88] V. tome IV, la théorie de la Censure, à la section de la confection des listes, sur le cens des provinciaux.

[89] Cicéron, Verr. l. 2, 50, 123, c. 125.

[90] Cicéron, Verr. l. 2, 13, 32 (cf. tome IV, la partie des Légats du sénat, sur les légations de dix. membres envoyées pour régler la paix), c. 16, 40. Val. Max. 6, 9, 8.

[91] Tite-Live, 45, 31, 4. c. 32, 7. Ép. 100.

[92] Dion, 37, 20. Pline à Trajan, Ép. 79. 80. 112. 114.

[93] Le régime établi en Asie mineure par Pompée constitue une exception de ce genre.

[94] Le decretum de P. Rupilius pour la Sicile s’appuie sur des plains pouvoirs du sénat.

[95] Les deux parties de l’édit, celle qui concerne les Romains et l’edictum provinciale proprement dit, sont distinguées et caractérisées par Cicéron, gouverneur de Cilicie, Ad Att. 6, 1, 15. Son edictum tralaticium sur le maximum des intérêts, Ad Att. 5, 2-1, 11 ; cf. Ad fam. 3, 8, 4.

[96] Il est dit de Pruse, après qu’elle a obtenu un statut local. (Dion, Or. 40, éd. Reiske, p.175) : Κνίζει τούς άλλους πάντας, ότι δή τάς δίκας ύμεΐς άποδέχεσθε καί παρ' ύμϊν άνάγκη κρίνεσθαι. Plus tard, espère-t-il (p. 199), la ville obtiendra peut-être l’έλευθερία.

[97] Ainsi le préteur protège l’individu affranchi par un pérégrin (Dosithée, Fr. de manum. 12). Cicéron, pro Flacco, 30, 74.

[98] Cicéron, Verr. 1. 2, 12, 13. La procédure habituelle d’arbitrage par une cité étrangère au débat se présente donc aussi pour les cités sujettes ; mais c’est le gouverneur qui désigne la cité arbitre ; ce n’est qu’exceptionnellement que de pareils litiges sont soumis au sénat.

[99] Cicéron, Verr. l. 2, 37, 90. La βουλή de Catina statue également sur le pillage du temple Catinensium legibus (Cicéron, Verr. 4, 45, 100).

[100] D’après l’exposition de Cicéron, Verr. 1. 2, 13, les procès entre citoyens de la même ville ressortent seuls des tribunaux de cette ville ; tous les autres, qu’ils aient lieu entre deux Siciliotes de cités différentes ou entre un Siciliote et un Romain, sont de la compétence du préteur romain ; seulement le juré ne peut pas être un Romain, lorsqu’un Siciliote est poursuivi par un Romain.

[101] La détermination du tribunal appartenait quant au lieu au gouverneur, qu’il voulut le choisir dans l’intérieur de son ressort (Cicéron, Ad fam. 13, 53) ou renvoyer l’affaire aux tribunaux de la capitale (Cicéron, Ad fam. 13, 26).

[102] Voir tome I, la théorie de la Juridiction civile, in fine, et tome III, la théorie de la Préture, sur la juridiction civile.

[103] D’après le statut de Sicile, cala lui était interdit pour les, procès entre citoyens de la même cité tout au moins ; mais, puisque en Asie et en Cilicie c’était par une faveur du gouverneur que les procès des Grecs entre eux étaient tranchés par des juges grecs, les provinces créées plus tard ne devaient pats être a beaucoup près dans une situation aussi favorisée.

[104] Une limitation pareille relative à la Sicile a été déjà citée. Les Chypriotes avaient le droit, lorsqu’ils étaient défendeurs, de n’être poursuivis que dans leur île (Cicéron, Ad Att. 5, 21, 6).

[105] Sénatus-consulte relatif aux trois capitaines.

[106] Par exemple, Trajan (Ép. 109) répond à la question de savoir comment il faut se comporter à l’égard du privilège attaché aux créances des cités en matière de faillite.

[107] Il est fait appel au gouverneur d’une résolution du conseil communal de Syracuse concernant la dissolution d’un lien de patronat antérieurement formé, et la résolution tombe par suite (Cicéron, Verr. 4, 65. 66, surtout § 149). Les recensements des cités de Sicile faits sous Verrés furent cassés par son successeur (v. tome IV, la théorie de la Censure, à la section de la confection des listes, sur la force obligatoire des listés du censeur, dernière note).

[108] Dion Chrysostome, Or. 46, pr. invite les citoyens de Pruse à remercier le gouverneur.

[109] Apulée, Apol. 404. Ce n’est pas là, comme le pense Hirschfeld, Verw. Gesch. p. 47, le questeur provincial ; c’est, comme le montre l’épithète vir ornatus et la présence même du personnage, le questeur municipal de la ville d’Œa, qui peut parfaitement être appelé publicus, ce magistrat municipal étant appelé d’une fanon tout à fait habituelle, quæstor pecuniæ publicæ.

[110] Diodore, 14, 93. Le sénat accorde, en 676, à trois capitaines de navires des villes sujettes de Clazomènes, de Carystos et de Milet, à raison de leur conduite pendant la guerre d’Italie, όπως οΰτοι τέκνα έκγονοί τε αύτών έν ταΐς έαυτών πατρίσιν άλειτούργητοι πάντων τών πραγμάτων καί άνείσφοροι ώσιν (avec les développements qui suivent (C. I. L. I, n. 203). Dans le décret de Sulla concernant Oropos les revenus du territoire d’Oropos sont attribués au dieu Amphiaraos à l’exception des possessions d’un individu qui a témoigné de sa fidélité aux Romains (Hermes, 20, 272). Ces exemptions personnelles accordées par Sulla à ses fidèles (viri fortissimi) furent révoquées sous le gouvernement des optimales (Cicéron, Verr. 3, 35, 84. Suétone, Aug. 40. Inscription de Norique, C. I. L. III, 5232 ; des environs de Brixia, C. I. L. V, 4910). Ulpien, Digeste, 50, 6, 1, 2. l. 5. — Les expressions de Cicéron et de Suétone montrent que les immunités personnelles amoindrissent les recettes du trésor de Rome et que par conséquent les cités intéressées n’ont pas à en couvrir le montant.

[111] Ulpien, Digeste, 50, 15, 4, 3. L’immunitas s’étend, semble-t-il, à toutes les prestations que l’autorité qui la confère a le droit d’exiger, par conséquent, si l’État la confère, même non héréditairement, à l’impôt foncier lui-même.

[112] C’est l’objet du titre De jure immunitatis du Digeste (50, 6).

[113] Nous n’avons pas ici à étudier les relations de compétence, en partie très obscures, dans lesquelles sont entre eux, quant au fond et quant aux lieux, les magistrats égyptiens. Je me borne d’autant plus volontiers à indiquer brièvement les points principaux que les détails importent peu pour notion générale du droit public. Cf. Rœm. Gesch. 5, 554 et ss. = tr.fr. 11, 154.

[114] Cela résulte de ce qu’Auguste transféra au préfet la juridiction volontaire dans les formes romaines (Digeste, 1, 47, 1 ; Tacite, Ann. 12, 60).

[115] Ce τών πολλών κρίσεων κύριος, comme l’appelle Strabon, 13, 1, 12, p. 797, n’était pas exclusivement destiné aux Alexandrins ; Strabon le dit expressément, et il y en a encore d’autres preuves (Rœm. Gesch. 5, 567, note 1) ; mais il peut parfaitement être l’unus judex, quem Cæsar dedisset, dont, dit le biographe de Sévère, c. 17, les Alexandrins devaient se contenter jusqu’à cet empereur, et ils peuvent avoir été ses principaux justiciables, tandis que les procès des Egyptiens ne lui arrivaient sans doute que dans des cas spéciaux. Parce que des parties se rendent d’Arsinoé à Alexandrie pour plaider devant le juridicus, cela ne prouve pas, comme le pense Wilcken (Obss. ad hist. Ægypti provinciæ Romanæ, p. 8), que ces parties soient des égyptiens ; leurs noms sont des noms grecs.

[116] C’est l’administrateur de l’ΐδιος λόγος, appelé aussi en latin idiu logu ou de noms analogues, un fonctionnaire de rang équestre de la classe des ducenarii (Marquardt, Handb. 5, 314 = tr. fr. 10. 393).

[117] Ce sont là les procuratores usiaci (sans doute nombreux), qui sont au moins en partie des affranchis impériaux (C. I. L. III, 43) ; c’est à eux que Strabon pense principalement quand il dit : Παρέπονται δέ τούτοις (aux trois fonctionnaires les plus élevés) άπελεύθεροι Καίσαρος καί οίκονόμοι μείζω καί έλάττω πεπιστευμένοι πράγματα.

[118] Édit de Ti. Alexander, ligne 34. Nous ne savons qui avait le droit de proposition.

[119] M’. Aquillius, consul en 625, inscrivit déjà les distances en milles romains sur les bornes milliaires de ses routes d’Asie mineure.

[120] Lorsque, dans Dion, 52, 30, Mécène conseille à Auguste : Μήτε δέ νομίσματα ή καί σταθμά ή μέτρα ΐδιά τις αύτών (des sujets) έχέτω, άλλά τοΐς ήμετέροις καί έκεΐνοι πάντες χρήσθωσαν, ce n’est là, pour les monnaies comme pour le reste, qu’un vœu politique ; les faits sont en désaccord.

[121] Les druides gaulois commencent le mois et l’année au sixième jour du mois lunaire (Pline, 16, 44, 260) ; mais cela ne prouve rien pour l’usage officiel.

[122] Les institutions qui nous sont connues supposent constamment l’année julienne, et elles remontent sûrement à Auguste ; mais les chiffres d’années des cistophores montrent qu’il a existé dès le temps de la République une année provinciale romano-asiatique commençant en automne.

[123] Nos hémérologies sont probablement une collection officielle, au moins quant à sa base, des calendriers en vigueur dans l’empire romain sous le Principat.

[124] Les hémérologies désignent ce calendrier comme le calendrier des Éphésiens (Ideler, 1, 419), et il peut avoir porté officiellement le nom de la capitale de la province, quoique les titres montrent qu’il n’était pas en usage à Éphèse, mais à Pergame (inscription inédite), et que par conséquent on s’attendrait plutôt à lui voir donner le nom de calendrier des Asiani et à voir donner le nom de calendrier des Éphésiens à celui de ce nom. Dans une inscription d’Éphèse (C. I. Gr. 2954a) une dénomination de mois de l’année appelée éphésienne dans les hémérologies est désignée, par opposition à celle usitée παρ' ήμΐν, comme employée παρά Μακεδόσιν καί τοΐς λοιποϊς έθνεσιν Έλληνικοΐς καί ταΐς έν άυτοΐς πόλεσιν.

[125] Ce calendrier est appelé par les hémérologies celui des Asiani (Ideler, 1, 411) ; bien qu’il soit défiguré par le changement ou la corruption de sept noms de mois, les cinq autres (Apaturios, Poseideon, Lenaios, Arteraisios, Hekatombaios) montrent clairement son origine. Les documents d’Ephèse connus jusqu’à présent ont donné huit noms de mois qui jusqu’au Neokaisareon (duquel il faut rapprocher le Kaisarios de l’hemerologium des Asiani) se reproduisent tous dans le calendrier délico-attique (ce sont, outre les mois déjà nommés de Poseideon, Lenaios, Artemision, ceux d’Anthesterion, Thargelion, Maimakterion, Metageitnion). Des mois pareils (Poseideon, Lenæon) sont cités chez les Smyrnéens par Aristide, Or. 23, ed. Jobb, p. 274 et ss.

[126] Le nombre des jours de l’année et le système de l’intercalation faite de quatre ans en quatre ans sont communs aux trois calendriers. Les quatre points séparatifs de l’année (25 mars, 24 juin, 24 septembre, 25 décembre) sont aussi les mêmes (Galien, In Hipp. epidem. 1, éd. Kühn. vol. 17, p. 24 ; Ideler, I, 445). Le nouvel an est placé dans les deux calendriers de la province d’Asie à l’équinoxe d’automne du calendrier romain.

[127] Cette ère commence comme on sait dans l’automne (depuis l’introduction de l’année julienne en Syrie, au 1er octobre) de l’an 312 avant J.-C. = 442 de Rome.

[128] L’ère romano-bithynienne part de l’an 481 avant J. C. = 473 de Rome, tandis que l’ère royale bithynienne commence dans l’année 296 avant J.-C. = 458 de Rome ou peu auparavant (ainsi que je l’ai démontré dans Sallet, Num. Zeitschrift, II, 458). La dernière année paraît avoir été considérée comme celle du commencement, de la dynastie, la première comme celle de la constitution du pays.

[129] Annus provinciæ est fréquent dans les inscriptions de Maurétanie (C. I. L. VIII, p. 1062), έτος τής έπαρχας dans celles d’Arabie (Waddington, dans Lebas, n. 2463) ; ailleurs il n’y a que l’année. La première dénomination ne peut convenir où la formation de la province s’est faite successivement.

[130] Cf. tome V, la partie de l’éponymie impériale, sur le commencement de l’année impériale en Égypte. Le calcul par années impériales avec un nouvel au fixe était possible partout où il y eu avait un, et il s’est rencontré avant Trajan, au moins en Syrie (v. tome v, la même partie, sur le commencement de cette année en Syrie) ; mais, il ne s’est vraiment développé qu’en Égypte, et, après l’introduction de l’année fixe d’empire sous Trajan, elle n’est probablement restée en usage que là.

[131] Selon la belle démonstration de Dörsfeld (Mitth. des Athen. Instituts, 7, 277 et ss.)

[132] La mine attique =1 livre romaine 1/3 = 437 gr. se présente à nous non seulement dans les tables métrologiques de l’Empire, mais comme poids employé par les pharmaciens (Pline, H. n. 21, 34, 185 ; Metrol. scr. I, p. 240, 11) et comme poids employé dans le commerce à Pompéi (Hermes, 317 et ss.). Dans le premier cas, elle est misa en relation avec le denier romain d’un 1/84, plus tard 1/96 de livre, et elle est par conséquent divisée en 112 deniers, plus tard en 128. A Pompéi, elle se divise, selon l’usage grec, en 60 statères ou en 100 drachmes. Ce sont là vraisemblablement des poids d’empire, soit d’après la relation intime du poids de pharmacien avec le denier romain, soit parce que l’emploi de la mine attique comme poids commercial à Pompéi serait sans cela absolument inexplicable, soit enfin parce que les Romains appelaient en général en face des Grecs leurs poids et mesures du nom d’attiques.

[133] Par exemple, Galien, Περί συνθ. φαρμ. l. 7, éd. Kühn, vol. 13, p. 893, blâme la recette d’un médecin formulée, seulement en κοτύλαι, où le cotyle d’Ephèse appartient sans doute comme le calendrier d’Ephèse à la province d’Asie.

[134] Dicitur in Germania, écrit Hyginus, éd. Lachmann, p. 123, in Tungris pes Drusianus (sans doute à la suite du cadastre fait par le premier Drusus) qui fiabet monetalem pedem et sescunciam. Epiphane, évêque de Constantia dans l’île de Chypre en 392, éd. Hultsch, p. 261.

[135] Il ne sera peut-être pas superflu de réunir ici dans une vue d’ensemble les dispositions prises en cette matière par le gouvernement romain. Il a admis dans son système au moins trois mesures de distances qu’il trouva déjà employées : la leuga, le stadion attique et le stadion égyptien. Nous ne connaissons la leuga gauloise que par son évaluation romaine à 1 mille et demi (Hultsch, Metrol. p. 691) ; il est probable que cette proportion ne correspond qu’approximativement à la mesure celtique primitive ; mais nous n’avons pas de moyen de contrôle. — Quant aux stades attiques de 600 pieds attiques ou romains, il y en a 8 1/3 par mille. Pour corriger cette proportion incommode, on substitua au stade attique le stadium italicum (Censorinus, c. 13) de 625 pieds romains ou 1/3 de mille (Hultsch, p. 81), ce qui fait qu’en général, dans la période moyenne de l’empire, les milles sont calculés selon le procédé grec. Les Grecs récents emploient, au lieu de cette mesure, probablement sous l’influence du mille égypto-romain dont nous allons nous occuper, des stades de 666 pieds romains, 2/3, dont 7 ½ font un mille romain (Hultsch, p. 573). Le pied romain a donc été maintenu là, et le stade remanié pour être mis avec lui dans une certaine congruence. — Il a été procédé de la manière inverse pour le stade égyptien, aussi pris pour unité en Syrie et probablement en Asie-Mineure, qui est de 600 pieds locaux (à 1 pied romain 1/5) ou de 720 pieds romain, ce qui en donne 6 47/18 pour un mille romain. Le stade est maintenu, et l’on désigne au contraire comme mille romain une mesure concordant avec lui, rapprochée le plus possible du mille romain de 5.000 pieds, soit une mesure de 5.100 pieds romains, c’est-à-dire de ¼ du schrenus égyptien = 7 ½ de ces stades (Hultsch, p. 365, 445), soit une mesure de 5.040 pieds romains = 7 de ces stades (Hultsch, p. 569).

[136] Même en Égypte et en Syrie, c’est le mille d’empire qu’on a employé dans la construction des routes d’empire et non pas le mille romano-égyptien, ainsi que l’a montré Kiepert, Hermes, 3, 435.

[137] Hultsch, Metrol. p. 691 ; Rœm. Gesch. 5, 93 = tr. fr. 9, 330.

[138] On ne peut produire de preuve directe qu’en dehors des monnaies provinciales, toutes les grandes pièces d’argent frappées dans le territoire provincial romain remontent à un temps antérieur à l’organisation de la province, et, par exemple, à Syracuse, cette conséquence de la situation peut ne pas avoir été immédiatement tirée dès les débuts de la domination romaine et la frappe de grandes pièces d’argent avoir été encore tolérée quelque temps. Mais il n’y a pas d’objections certaines contre la fin simultanée de la souveraineté et de la frappe de grandes pièces d’argent, et, mis en balance, le cours des faits historiques, d’une part, et le caractère des émissions, d’autre part, ne laissent subsister aucun doute sur la liaison des deux faits.

[139] R. M. W. 71. 691 = tr. fr. 4, 96. 3, 280.

[140] R. M. W. 703 = tr. fr. 3, 304.

[141] R. M. W. 712. 716 = tr. fr. 3, 318. 319.

[142] Rœm. Gesch. 5, 558. =tr. fr. 11, 161.

[143] R. M. W. 712. 715. = tr. fr. 3, 314. 320. Le nom de la ville se rencontre fréquemment sur les pièces d’argent similaires de Crète (p. 721 = tr. fr. 3, p. 330). Ces frappes sont en partie urbaines non pas seulement en fait mais en droit.

[144] C’est ce que montre la grande inscription d’Éphèse de Vibius Sulataris (cf. ma notice dans Sallet, Numismat. Zeistschrift, 14, 40). Dans le commerce courant, on dit aussi όβολος. pour άσσάριον (Paul, Digeste, 16, 3, 26, 1).

[145] La frappe de monnaies de cuivre de κοινά qui se rencontre à de fréquentes reprises dans les provinces grecques (R. M. W. 734 = tr. fr. 3, 350) est semblable ; les monnaies de Sardaigne (R. M. W. 667 = tr. fr. 3, 240) et d’Afrique (Müller, Num. de l’ancienne Afrique, 2, 2) avec le simple nom du gouverneur et celles des tres Galliæ avec l’autel du Rhône (R. M. W. 683 = tr. fr. 3, 268) appartiennent aux émissions provinciales de cuivre.

[146] R. M. W. 665 = tr. fr. 3, 237.

[147] R. M. W. 718 = tr. fr. 3, 324. La marque S. C., qui se trouve sur ces monnaies de cuivre semblables aux tetradrachmes de la province de Syrie et qui leur est commune avec la monnaie de cuivre de l’État, a évidemment pour but de les distinguer des pièces de cuivre communales et de leur assurer une circulation plus étendue ; mais ma supposition antérieure, selon laquelle ce enivre de Syrie aurait eu, comme celui frappé à Rome, cours dans tout l’empire, ne concorde pas avec les trouvailles. Peut-être cette marque caractérise-t-elle seulement la monnaie provinciale comme telle, et cette monnaie n’a-t-elle été mise qu’en Syrie sur le même rang que les pièces de cuivre de l’État.

[148] R. M. W. 683 = tr. fr. 3, 268.

[149] R. M. W., p. 664 = tr. fr. 3, p. 236.

[150] Cette catégorie comprend certainement le quinaire d’argent de la colonie de citoyens de Lugudunum de l’an 713 de Rome (Eckhel, 6, 39) ; la petite pièce d’argent de la colonie latine de Cabellio (R. M. W. 675 = tr. fr. 3, 853) et les nombreux quinaires d’argent de la Gaule du Nord (R. M. W. 694 = tr. fr. 3, 270). C’est un point douteux de savoir si l’argent des Volsques et de la ville de Nemausus (R. M. W. 674 = tr. fr. 3, 252) rentre dans le même ordre. Ce ne sont pas là des pièces fractionnaires, mais des drachmes légères, massaliotes ; peut-être César a-t-il donné à titre exceptionnel à ces cités le droit de frapper de grandes pièces d’argent. La condition juridique des lieux est, comme on voit, indifférente pour la concession du droit de battre monnaie.

[151] La seule exception est Pæstum.

[152] R. M. W. 677. 685 = tr. fr. 3, 254. 272.

[153] R. M. W. 667 = tr. fr. 3, 240.

[154] R. M. W. 671 = tr. fr. 3, 248.

[155] Zobel dans les Monatsberichte de l’Académie de Berlin, 1881, p. 830.

[156] Même art. p. 828. Je ne vois pas de preuves suffisantes de l’interruption de la frappe de monnaie de cuivre dans l’Espagne ultérieure pendant le VIIe siècle de la République qui est admise par le même savant.

[157] R. M. W. 734 = tr. fr. 3, 354.

[158] Celle des trois Gaules finit sous Néron. R. M. W. 683 = tr. fr. 3, 269.

[159] Festus, p. 859, v. Talentorum. R. M. W. p. 116 = tr. fr. 1, p. 133. Le talent de Sicile étant divisé en 120 litræ, la litra est d’1/20 de sesterce = 1/40 de denier.