Après le droit spécial des alliés des Romains appartenant à la même race qu’eux, vient le droit général des alliés, le droit des États entrés par une union militaire perpétuelle dans la dépendance de Rome, et par suite faisant partie de l’empire, à propos duquel nous étudierons d’ailleurs les institutions communes aux Latins et aux autres alliés. Le droit public n’a pas pour triché d’exposer dans son ordre historique l’extension progressive du cercle des alliés. Mais cependant il nous faut encore ici marquer les étapes caractéristiques de ce développement et en particulier l’origine et les limites de l’union militaire italique. Le point de départ de la fédération avec les alliés a été, comme nous l’avons déjà montré, l’union de la nation latine sous l’hégémonie romaine. L’alliance militaire étendue au delà des bornes du Latium aux cités non latines d’Italie peut en un certain sens être regardée comme un élargissement de la ligue latine. Parmi les cités de race étrangère, qui, tout en conservant leur autonomie[1], sont entrées dans cette union militaire, les premières ont été celles des Herniques ; mais leur nationalité peut ne pas avoir été trop éloignée de celle des Latins eux-mêmes, dans laquelle il y avait anciennement des degrés multiples, et nous avons déjà expliqué qu’ils étaient, dès avant le milieu du VIe siècle de Rome, passés dans la nation dominante et qu’ils ont depuis toujours été, comptés parmi les Latins. La plus ancienne cité incorporée parmi les alliés comme de race étrangère, qui est restée étrangère jusqu’à son absorption par Rome et même après, a probablement été Neapolis, en Campanie, qui entra dans cette condition en 428 de Rome, et qui d’ailleurs ne fournissait aux Romains que des vaisseaux et des marins[2]. Le souvenir de la confédération romano-napolitaine s’est conservé dans la terminologie politique gréco-romaine : les expressions δήμαρχος et σύγκλητος[3] qui lui sont propres ont été empruntées par les Romains aux Napolitains. — Parmi les cités de race étrangère obligées seulement à fournir un contingent militaire, les plus anciennes ont peut-être été les cités samnites, entrées dans la confédération en 164[4]. Dans la dernière partie du Ve siècle, toutes les villes de la péninsule, à l’Ouest jusqu’à l’Arnus, à Pisæ, et à l’Est jusqu’à l’Æsis, à Ancona, sont réunies en un seul tout, comme redevables de contingents pour l’armée ou la flotte, probablement en vertu d’un plan général rapidement mis à exécution, et l’Italie se trouve ainsi politiquement constituée. Elle est opposée non seulement aux pays ennemis de l’étranger, mais aussi aux alliés étrangers, par exemple aux Insubres et aux Cénomans de la région celtique cisalpine. Les colonies de droit latin fondées dans ces pays étrangers appartiennent naturellement toutes à la confédération. Mais il y a en outre plusieurs autres villes, par exemple Ravenna[5] et Genua[6] qui, sans être des colonies, sont organisées selon le type italique et font probablement partie de la confédération. L’union militaire italique existait certainement dans cette forme en l’an 529 de Rome, dans lequel nos annales nous en rapportent la composition au sujet d’une levée en masse faite contre les Celtes[7]. L’armée de terre, formée par les villes non grecques de la péninsule, était complétée par la flotte, constituée, sous la direction de Rome, sur le modèle grec, en grande partie par les villes grecques de l’Italie méridionale. Nous voyons donc apparaître là pour la première fois dans l’histoire, l’Italie unie, non pas, comme la fédération romano-latine, sur le fondement d’une nationalité commune, mais sur celui d’une organisation militaire homogène et commune, et ce devait être là l’origine de cette pseudo-nationalité latino-hellénique dont l’action a donné sa forme à l’ancien monde et, pour une certaine part, au monde actuel. L’Italie et les Italiens étaient par là créés quant au fond ; ils ne l’étaient pas encore quant au nom. Les soldats alliés réunis sous le commandement de Rome étaient, verrons-nous, appelés togati, et les Grecs italiques n’y étaient pas compris. La réunion des deux groupes sous le nom commun d’Italici s’est d’abord opérée à l’étranger. Les Romains ne revendiquaient pas seulement pour eux la position privilégiée qu’ils ont acquise dans les territoires d’outre-mer soumis à leur autorité, et grâce à laquelle ils ont en quelque sorte monopolisé pendant des siècles le gros commerce de tout l’empire, ils la réclamaient aussi pour tous leurs alliés italiques. Relativement aux privilèges juridiques, — soumission exceptionnelle à la compétence du gouverneur romain de la province[8] et de juges romains[9], exemption des droits de douane, — comme relativement aux avantages de fait qui peuvent, d’une manière licite ou illicite, résulter des circonstances politiques pour les gens d’affaires[10], il n’y avait pas de différence sensible entre ceux qui portaient la toge comme Romains et ceux qui la portaient comme alliés des Romains, ni même entre eux et les Grecs de l’Italie méridionale. C’est là que nous rencontrons pour la première fois les Italici comme une collectivité légalement fermée et privilégiée[11]. Cette dénomination, tirée d’une ancienne désignation purement géographique et vacillante donnée particulièrement à la portion méridionale de la péninsule, a sans doute été introduite par les gouvernés et adoptée par les gouvernants, probablement d’abord en Sicile, puis dans les provinces en général[12], surtout dans l’Orient grec, où ce langage s’est si fortement ancré que, jusque dans les temps récents de l’Empire, les Grecs donnent le nom d’italiques aux monnaies romaines, aux poids et mesures romains[13] et à d’autres coutumes romaines[14]. La puissante insurrection de 664-665 mit l’une en face de l’autre sur le champ de bataille, après de longues luttes politiques, ces deux grandes masses qui n’apparaissaient comme unies qu’à l’étranger, celle des citoyens de la ville maîtresse et celle de ses alliés dépendants. Ces derniers n’atteignirent pas le but qu’ils s’étaient assigné : sinon la destruction des Romains, au moins leur fusion dans l’ensemble des Itali, et non des Italici, et la désignation de la capitale du nom d’Italia[15] ; mais l’égalité de droit leur fut acquise par l’incorporation dans le peuple romain des alliés antérieurs, y compris sans doute les cités de droit latin qui existaient dans la Gaule cisalpine[16]. L’Italie antérieure devint ainsi une extension de Rome. Cependant, la latinité ayant été accordée en Même temps aux cités jusqu’alors pérégrines de la Gaule cisalpine et cette contrée devenant en fait de plus en plus une portion de l’Italie, on réunit encore sous le nom d’Italici les membres des cités de droit latin ou romain situées dans la péninsule jusqu’aux Alpes[17]. Mais, quand la Gaule cisalpine eut à son tour obtenu le droit de cité en 705, les citoyens romains prirent, même à l’étranger, partout la place des Italici[18], et il ne s’est conservé de vestiges de l’ancienne terminologie que dans le droit du sol italique que nous avons déjà étudié et dans le droit des villes italiques que nous étudierons plus loin. Les citoyens romains et les citoyens des villes provinciales de droit latin n’ont plus été désormais réunis par là terminologie, d’un coté, parce que leur ensemble ne présentait pas cette unité géographique qui servait de fondement à la dénomination complexe antérieurement employée, et, d’un autre côté, parce que les Latins politiquement inférieurs de l’époque récente ne pouvaient plus être mis, sur un pied d’égalité, à côté des membres de la cité dominante. Il n’y a pas besoin d’étudier de la même façon l’extension du cercle des alliés extra-italiques. Ici le point du départ a été dans les anciennes relations avec les villes helléniques situées à l’extérieur de la péninsule. Mais on ne peut pas distinguer avec la même netteté qu’en Italie la convention d’amitié basée sur l’égalité légale des parties et l’union militaire impliquant la dépendance. Les contributions en navires qui avaient d’abord été demandées de Neapolis, furent ensuite étendues à la cité sicilienne fédérée des Mamertins, et si la marine romaine avait suivi un développement analogue à celui de l’armée romaine, il se serait constitué chez elle quelque chose de correspondant à la formula togatorum. La transformation de Rhodes de cité égale en cité dépendante opérée en 587 par l’établissement à sa charge de l’obligation de fournir des vaisseaux prouve que, dans les deux cas, le fondement juridique est le même. Mais, par suite de la rapide décadence de la marine militaire de la République romaine, on n’en arriva point, en cette matière, à la constitution de contingents réguliers, même alors qu’ils auraient pu être réclamés en vertu de traités, et, par suite, la condition de ces États alliés n’est pas arrivée à se préciser bien nettement. — Par rapport aux cités étrangères à l’Italie qui n’étaient point grecques, en particulier par rapport aux peuples celtes qui faisaient partie de l’empire, la République romaine est toujours restée sur la réserve : elle les a bien admis en partie à la fédération ; elle ne les a point admis à une communauté d’armes durable. L’alliance qui établit l’union militaire perpétuelle est au fond une convention de soumission : cela se montre avec une égale clarté dans les formes de sa conclusion et dans ses conséquences juridiques que nous étudierons plus loin. Si nous connaissions mieux dans le détail les phases de l’évolution, notamment en ce qui concerne le Latium, nous verrions plus nettement les termes de transition par lesquels Rome a passé de la position de ville occupant la première place au milieu d’alliés égaux à une souveraineté officiellement affirmée. Dans la forme où elle nous est parvenue, notre tradition ne nous permet de vue précise que sur la phase où la soumission est complètement réalisée. La convention de soumission est, quant à la forme, nécessairement bilatérale. L’État qui entre sous l’hégémonie romaine peut demander à être admis dans l’union militaire, et cette demande peut être accueillie ou repoussée[19]. Il suffit de renvoyer à ce sujet aux développements déjà donnés sur les traités publics en général ; et en particulier sur les traités d’amitié. L’inscription sur la formula amicorum est ici remplacée par l’inscription sur la formula sociorum[20]. Après que cette partie s’est livrée à discrétion (in fidem) ou, ce qui revient au même, après qu’il y a eu deditio[21], il n’y a pas besoin de demande spéciale ; car, par cet acte, la cité vaincue s’est soumise d’avance à toutes les mesures qui pourraient être prises envers elle, et par conséquent : aussi éventuellement à son incorporation dans l’union militaire. Les dediti ne peuvent donc pas refuser d’y entrer après la deditio, et la détermination des conditions dépend alors exclusivement des Romains. Les traités d’alliances des Romains qui nous sont connus ont en général été conclus ou transformés plus tard de cette façon, et ils sont moins convenus entre deux parties qu’imposés par une partie prépondérante. L’alliance ne peut pas, comme la convention d’amitié, être conclue entre une cité et un particulier[22]. Elle peut, dans la notion romaine, être conclue à perpétuité entre deux villes, ce que Rome est restée légalement même sous le Principat. Quand un traité de cette espèce est conclu avec un prince, le droit public, avons-nous déjà vu, ne connaît pas de procédé pour transformer le traité personnel conclu avec le roi en traité avec le royaume, pour lui donner la stabilité légale d’une convention jurée conclue avec la République. L’autonomie des royaumes et des principautés entrés dans les liens d’autonomie dépendante reste donc toujours précaire en ce sens qu’elle disparaît légalement à la mort du souverain et peut bien alors être établie à nouveau par la puissance suzeraine, mais qu’elle peut aussi être alors supprimée par elle. Nous aurons ici à nous occuper, à côté des villes fédérées, des principautés qui sont en clientèle ; mais elles constituent une catégorie irrégulière en face des villes alliées. Leur condition légale est infiniment moins homogène que celle des villes dépendantes ; le principe en est que le royaume légalement dépendant trouve la seule base de son existence dans la convention avec Rome, et qu’à chaque transmission du trône, ce royaume peut être réduit en circonscription administrative ordinaire sans violation du droit ; ce qui fait que le gouvernement romain attend en général la vacance du trône pour procéder à de telles transformations[23]. Si transparente que soit la terminologie de la matière des rapports d’alliance, elle présente cependant4es difficultés propres en ce que la condition des alliés y est plutôt désignée à des points de vue différents qu’elle n’y fait l’objet de subdivisions distinctes. Les alliés dépendants sont appelés fœderati par corrélation avec le caractère théorique de l’acte qui sert de fondement à leur condition ; ils sont appelés liberi comme constituant des républiques urbaines par opposition aux royaumes dépendants ; ils sont appelés socii principalement en considération du service militaire auquel ils sont obligés par leur traité. Tous ces points de vue s’entrecroisent, de façons multiples, et rien n’a plus contribué à produire la confusion d’idées existant en cette matière que l’habitude, dont les Romains avaient au reste déjà donné l’exemple, de mettre ces différentes dénominations dans une opposition qu’elles ne comportent pas en réalité et qui ne leur a été donnée que dans un langage relâché. Il nous semble convenable d’étudier, avant l’institution elle-même, les trois désignations terminologiques qui lui sont appliquées, et de déterminer en même temps quelle a été l’application faite de cette terminologie aux Latins. Nous étudierons ensuite un à un, sans les diviser d’après ces catégories, les droits et les devoirs qui résultent de l’alliance militaire perpétuelle. Le fœdus est, avons-nous vu[24], le traité public qui est accompagné d’un serment d’exécration et qui est rendu par là irrévocable. Les alliés sont, en leur qualité de fœderati, liés à Rome par un tel traité, Mais les peuples des États qui ont conclu un fœdus avec Rome ne sont pas tous des fœderati romains[25] ; cette dénomination ne s’applique qu’à ceux dont le fœdus implique une autonomie à la fois restreinte et assurée, établie à titre perpétuel, et l’expression ne s’étend pas aussi loin que le serment. — Les cités latines sont assurément des cités fédérées[26] ; mais, dans le langage rigoureux, on les met à côté et au dessus des fédérées[27]. Les traités latins, avec leur fondement national et nécessaire, sont distingués des fédérations arbitrairement conclues avec les pérégrins de l’Italie ou de l’extérieur. — Les princes et les rois admis à faire partie de l’empire[28] ne sont pas en droit au dessous des villes fédérées[29] ; mais on ne les appelle jamais fédérés, on les appelle uniquement socii. La raison doit en être que les traités conclus avec ces princes, ayant leur durée légalement limitée à la vie de chacun d’eux, ne présentaient pas le caractère de stabilité lié par les Romains à l’expression fœderati, tandis qu’au contraire il n’y avait pas d’objection à parler alors de la communauté d’armesqui peut être temporaire. — A fœderatus correspond en grec ένσπονδος ; mais on n’attache dans l’emploi de cette expression, aucune importance à l’existence du serment, et on l’applique à toutes les cités alliées par opposition aux cités sujettes[30]. Elle n’est d’ailleurs jamais employée comme titre officiel, et, dans la moitié grecque de l’empire, les villes fédérées portent en général le titre de villes libres[31]. D’un autre côté, on attribue à la cité autonome dépendante la liberté, la libertas ou έλευθερία. Cette expression désigne la souveraineté, exercée dans la forme républicaine[32]. Le liber populus est la cité urbaine se gouvernant elle-même par opposition à. celles qui sont gouvernées soit par des rois, que ce soient leurs princes propres ou des souverains étrangers, soit par les gouverneurs de provinces de la République romaine, dont l’administration a toujours été considérée comme l’exercice d’une autorité souveraine, aussi bien par les gouvernants que par les gouvernés. En ce sens, les villes libres, même celles dont la liberté est reconnue par Rome, sont étrangères à notre sujet actuel[33]. Les villes et les ligues de villes grecques existant en Europe ou en Asie, avec lesquelles les Romains, en train de briser ou de repousser la royauté en Orient, nouèrent des relations d’amitié, étaient par là reconnues par eux comme des républiques, parfois même elles ne furent constituées en républiques que par eux[34], et elles étaient en fait essentiellement sous le protectorat des Romains ; mais, en droit, elles étaient en dehors de l’union militaire romaine, et elles étaient aussi étrangères aux Romains que toutes les autres villes amies. Nous n’avons ici à nous occuper que des républiques urbaines qui ont à la fois leur liberté reconnue et leur souveraineté restreinte, qui font partie de l’empire. Elles comprennent, en premier lieu, toutes les cités fédérées, car une alliance militaire jurée de la nature expliquée plus haut contient nécessairement en elle la reconnaissance de la souveraineté républicaine, et, en second lieu, toutes les cités dont la dépendance et l’autonomie sont reconnues par les Romains par un traite non juré ou par une loi purement unilatérale. La condition, juridique des deux catégories de villes ne diffère pas en elle-même[35], mais seulement par 1a possibilité de révocation qui plane sur les villes de la seconde classe[36]. En considération de cette différence, on distingue, en droit public, les populi liberi en fœderati et liberi[37] et en liberi tout court[38]. Mais, dans la terminologie, les fœderati et liberi sont le plus souvent appelés simplement fœderati, comme c’est naturel, puisque la fédération implique nécessairement la libertas ; il n’est même pas rare, et, avons-nous vu, il est habituel dans la moitié grecque de l’empire qu’on les désigne simplement comme des villes libres. Ln sens inverse, les cités qui sont soumises au gouvernement de Rome, mais qui s’administrent elles-mêmes dans une forme républicaine, sont parfois comptées parmi les villes libres ; mais, ainsi que nous l’établirons dans la partie qui suit, ce n’est que rarement et abusivement et jamais à titre officiel. La désignation de la ville libre comme αύτόνομος ne se présente point d’une manière indépendante dans la terminologie latine, bien que, dans les privilèges des villes, elle soit représentée par la concession des suæ leges permanente à côté de celle de la liberté. Les termes αύτονομία et έλευθερία se confondent en ce sens qu’ils se, rapportent tous deux à la même condition juridique, envisagée dans le second du côté de la souveraineté du peuple et dans le premier du côté de l’existence d’une constitution distincte, et pair suite ils sont souvent réunis[39]. Mais cependant les Grecs peuvent déjà avoir regardé l’έλευθερία comme l’antithèse de la royauté et l’αύτονομία comme l’autonomie communale conciliable avec cette dernière[40] ; et la terminologie romaine de la fin de la République et du temps de l’Empire semble avoir, en s’attachant à cette idée, fait une distinction entre les deux termes. Ce n’est sans doute pas par un pur hasard que, dans les titres officiels, l’αύτονομία prédomine en Syrie et dans les pays limitrophes et l’έλευθερία dans le reste de la Grèce[41]. Ainsi que nous le montrerons plus loin, il est probable que l’αύτονομία n’entraîne pas la propriété du soi et la soustraction à l’impôt romain qui en est la conséquence, qu’elle constitue par suite une indépendance dépouillée de ses effets essentiels, et qu’elle se rapproche plus de la sujétion proprement dite que du droit des villes libres dépendantes. Les sujets autonomes du peuple sont appelés bien plus fréquemment que populi fœderati ou populi liberi, socii populi Romani. Le mot socius qui, dans son sens primitif, désigne le compagnon, l’auxiliaire[42] est, en matière de droit public, comme le mot allemand Bundesgenosse, appliqué à l’idée de concours militaire : nous le voyons à la fois dans la désignation semblable donnée à ceux qui se sont alliés aux Romains pour une guerre isolée, dans le nom de socii navales donné dès un temps très ancien aux membres des cités italiques obligées à fournir des secours au cas de guerre maritime[43], et enfin dans la traduction constante du mot par le mot grec σύμμαχοι. La communauté d’armes conclue à temps est étrangère à l’emploi qui en est fait en droit publie : on ne regarde comme alliés du peuple romain que les États entrés à titre durable dans cette condition. Jusqu’à la guerre des Marses, le mot est employé de préférence pour désigner les alliés italiques[44], parce qu’ils étaient militairement unis aux Romains, à titre permanent, dans des formes précises. Mais cependant la qualité de socii populi Romani ne peut pas être refusée aux peuples fédérés non italiques. Peu importe pour la societas que la cité autonome soit liée à Rome par un fœdus juré en de toute autre façon. L’extension du mot aux sujets qui ne sont pas autonomes est abusive ; maïs cependant elle a été faite dans une très large mesure, spécialement depuis que les anciens alliés militaires italiques out été absorbés dans le peuple romain. Nous nous occuperons, dans la partie qui suit, de cette acception élargie de l’époque récente ; l’acception ancienne, selon laquelle il n’y a d’autres socii que les peuples politiquement autonomes, s’est maintenue, à côté de celle-là, jusque sous l’Empire[45]. Il nous reste à chercher dans quelle mesure la terminologie a pu séparer les sujets autonomes non latins des latins. Bien que la ligue nationale latine ait été le germe et la semence du régime des alliés romains et que, comme nous avons déjà remarqué, la fédération italique soit, en un certain sens, une extension du Latium, les Latins ne sont cependant, dans la terminologie rigoureuse, pas plus compris parmi les socii du peuple romain que parmi les fœderati ; car la confédération romano-latine ne fait pas autre chose que donner une formule juridique à la communauté de nationalité, elle est plutôt réglée que fondée par les traités, et au contraire l’union militaire (socii), tout comme l’union fédérative (fœderati), présente, au sens strict, un certain caractère accidentel. Mais la terminologie rassemble les Latins et les socii italiques ; les titres du sixième et du septième siècle nomment couramment les Latins et les alliés (italiques) les uns à côté des autres. Dans le langage correct, les deux catégories sont séparées ; mais il n’y a que dans le titre le plus ancien, dans celui de 568 que la catégorie la plus ancienne et la plus élevée soit mise la première ; postérieurement elle n’est mise en tête que lorsque l’écrivain veut opposer les deux classes[46], et sans cela elle est toujours placée la seconde[47]. Dans un langage moins correct, on substitue même aux Latins et aux alliés ou aux alliés et aux Latins, les alliés de la race latine[48] ou les Latins tout court[49], en faisant ainsi rentrer les alliés italiques parmi les Latins. On peut ajouter que la toge, qui donne son nom officiel à toute l’union militaire italique, est, au sens propre, le costume national latin et que le nom de municipium, qui, étant fondé sur la communauté de propriété foncière, ne convenait en face de Rome qu’aux cités latines, est, après la guerre des Marses, pris par toutes les cités italiques jusqu’alors autonomes. Cette terminologie, dont nous ne pouvons établir l’existence que pour l’époque postérieure à cette guerre, mais sans aucun doute seulement parce que les anciens ouvrages en prose sont perdus, doit avoir tiré son origine de cette latinisation croissante de l’Italie qui a été opérée tant en fait qu’en droit dans les derniers siècles de la République et que nous avons déjà étudiée précédemment. Ce qui s’était produit en droit pour les Herniques doit s’être plus ou moins répété en fait pour toute la péninsule et avoir amené un état de choses dont la législation provoquée par la grande guerre fut la conclusion. Mais cependant il ne faut pas que cette terminologie, qui se rencontre principalement dans des énonciations d’ensemble et qui est au sens propre abusive, conduise à regarder la distinction des Latini et des togati comme écartée dès avant la guerre des Marses. Il se peut que certaines cités italiques aient été de bonne heure légalement assimilées aux Latins ; mais il est certain que les alliés italiques en général, n’ont pas été fondus dans le Latium ; c’est dans Rome qu’ils ont été fondus en même temps que le Latium. Quant aux effets, nous avons déjà expliqué que le rapport d’alliance, qui doit être étudié ici, contient toujours un rapport d’amitié[50] et ne peut pas plus titre formé à temps que le rapport d’amitié[51]. Pour le surplus, il est de nature double : il produit, d’une part, un assujettissement limité à Rome et, d’autre part, une indépendance politique également limitée, mais garantie par la puissance protectrice. Le caractère de sujets des alliés est déjà exprimé dans les monuments les plus anciens[52], et, dans les traités modernes d’alliance, il est directement affirmé par la reconnaissance des droits de souveraineté du peuple romain[53]. Cet assujettissement résulte avec une telle nécessité de la condition des alliés que l’expression fœdus æquum, qui par elle-même exprime la reconnaissance réciproque de l’égale souveraineté des États contractants, est employée par la langue technique pour désigner le traité qui implique également une dépendance, mais qui ne l’exprime pas directement par la formule de majesté[54]. — Quoique dans ces relations internationales on ne puisse pas absolument distinguer la question de fait de la question de droit, l’autonomie légalement restreinte de la dépendance dans laquelle l’État le plus faible se trouve en face du plus fort[55], les développements qui suivent montreront que les Romains, sans avoir peut-être fixé théoriquement la définition de l’autonomie dépendante, entendaient cependant par là une condition déterminée : en premier lieu, la renonciation durable et conventionnellement réglée aux droits de faire la guerre et de traiter, qui sont compris avec une nécessité logique et pratique dans la souveraineté et qui passent à la puissance suzeraine ; ensuite l’obligation durable à la fourniture de secours militaires ou au paiement d’un tribut, qui est également inconciliable avec la souveraineté. Comme nous avons vu, le rapport de dépendance ne se révèle pas dans les noms. Les Romains, fidèles à leur habitude d’éviter la dureté des mots sinon la dureté des actes, s’abstiennent, avant tout à l’égard des alliés, d’exprimer directement leurs rapports de, maîtres et de sujets[56]. L’État autonome, qui entre dans l’union militaire romaine, perd le droit d’être dans une relation juridique durable avec un État autre que Rome, et tous ses traités antérieurs sont abrogés. Par suite, non seulement un pareil État ne peut conclure de traité avec aucun État qui se trouve en dehors de l’empire ; mais, par une déduction logique de ce principe, tant les ligues de peuples égaux que les liens de vassalité existant entre cités différentes sont supprimés dans le cercle de l’hégémonie romaine. — Les conventions dépourvues d’intérêt politique conclues entre deux cités dans des buts spéciaux doivent être restées permises aux cités autonomes malgré la suprématie romaine. Ainsi par exemple, il nous a été conservé un traité conclu entre les deux villes campaniennes de Nola et d’Abella, relativement à un temple d’Hercule commun élevé à la limite de leurs territoires. Nous avons déjà étudié la suppression des ligues de peuples dans son application la plus importante, dans celle qui fut faite au Latium. Nous avons vu là que ce point angulaire de l’hégémonie romaine n’en fut aucunement le point de départ. Les villes latines ont été liguées entre elles jusqu’en 416, toutes les villes berniques jusqu’en 448, trois des villes herniques encore plusieurs années après. Mais, à partir de cette époque, le principe de la dissolution des ligues de race, des concilia, a été rigoureusement appliqué aux cités autonomes. En Italie, on ne peut y signaler d’autre dérogation que la survivance religieuse de la confédération des trente cités latines dans la fête du Latiar célébrée sur le mont Albain et que la fête collective analogue des villes étrusques célébrée à Volsinii sous la présidence des préteurs et des édiles du pays organisé à l’image des villes[57]. Hors de l’Italie, on ne rencontre jamais d’organisation fédérative chez les États autonomes ayant quelque importance comme Massalia, Rhodes, Sparte, Athènes. Au contraire les Romains ont souvent permis ce groupement aux petits États, considérés comme restant en dehors de l’union militaire romaine et comme n’appartenant même pas aux alliés dépendants. Ils usèrent de cette méthode, en premier lieu, dans la Grèce d’Europe la transformation du territoire abandonné par Sparte en ligue des vingt-quatre villes des Laconiens, ou, comme ils s’appellent plus tard, des libres Laconiens, est caractéristique sous ce rapport. Cette organisation fut en grande partie supprimée après la guerre d’Achaïe ; mais elle subsista cependant pour la ligue des villes de Lycie ; cette ligue possédait encore théoriquement le droit de paix et de guerre au temps de Tibère. Le droit d’avoir soi-même des alliés dépendants se concilie encore moins avec l’autonomie laissée parles institutions de Rome à ses alliés. II y a sans doute, pour une telle dépendance directe, une forme juridique nettement établie que nous étudierons dans la partie des Lieux attribués. Mais nous montrerons là que ces localités sont dépourvues de toute organisation politique indépendante, et que par conséquent elles ne sont pas du tout avec leur chef-lieu dans le même rapport que Préneste et Athènes avec Rome. Aucune ville italique n’a, à notre connaissance, eu, sous l’hégémonie romaine, d’autres villes dans sa clientèle[58]. Parmi les villes fédérées non italiques, il y en a sans doute certaines qui ont possédé des terres étendues en dehors de leur territoire[59], et il y a d’ailleurs même eu des cités italiques qui ont eu de telles possessions[60]. II s’est aussi constitué, à de nombreuses reprises, sur ces terres, des localités ayant une administration locale : en particulier, lorsque les cités alliées n’exploitaient pas leurs possessions en les donnant à ferme ou d’une manière analogue et les remettaient en propriété à leurs citoyens à titre de vente ou gratuitement, il s’est ainsi créé des établissements pratiquement indépendants. Mais jamais un de ces établissements n’a reçu de constitution propre ni de magistrats propres, et on peut l’expliquer par la maxime politique romaine de n’admettre l’autonomie dépendante que par rapport à l’État dominant. Il ne sera pas superflu d’exposer ici la forme donnée à cette institution, sous l’hégémonie romaine, dans les Mats alliés dont la condition était la meilleure. L’organisation la mieux connue est celle des possessions extérieures accordées aux Athéniens sous la suprématie romaine, en particulier de l’île de Délos passée à Athènes en 588 par une donation des Romains. Tandis qu’à l’époque de l’indépendance d’Athènes les clérouquies attiques avaient fréquemment une organisation communale propre modelée sur celle de la mère-patrie et un droit de cité ou un pseudo-droit de cité propre à côté du droit de cité attique[61], les Romains, lorsqu’ils prirent définitivement possession du pouvoir, vers le temps qui suivit la guerre d’Achaïe[62], firent les Athéniens remanier le régime administratif de leurs possessions extérieures en y supprimant la symmachie dépendante. Désormais les actes publics y sont rédigés au nom du peuple athénien ou encore au nom des Athéniens résidant à Délos[63] ; les magistrats sont, à l’époque récente, envoyés d’Athènes[64], à commencer par l’épimélète renouvelé chaque année qui est à leur tète et par le nom duquel on date les événements. Nous trouvons les mêmes épimélètes à Paros[65] et à Haliartos[66], au commencement du VIIe siècle. Aucune des villes fédérées n’a eu de possessions territoriales des massaliotes, aussi vastes que Massalia, et aucune ne les a conservées aussi longtemps. Les côtes qui s’étendaient depuis Agatha (Agde) jusqu’à Monœcus (Monaco) ont, pendant tonte la durée de la République, été soumises aux Massaliotes, et leurs possessions de l’intérieur ont encore été considérablement accrues dans les derniers temps de la République[67]. Même après qu’ils en eurent perdu la plus grande part à la suite de la prise de la ville en 705, ils conservèrent, jusqu’à une époque avancée de l’Empire, outre d’autres localités plus éloignées, la localité, faisant géographiquement partie de l’Italie, de Nikæa (Nice). Nous n’avons aucun renseignement sur la façon dont ils gouvernaient leurs possessions à l’époque ancienne. Mais l’absence dans ce large domaine de tout vestige de constitution hellénique indépendante[68] n’est pas favorable à l’idée qu’il y ait jamais eu de symmachie sous l’autorité de Massalia. Sous l’Empire, on rencontre un episcopus Nicæensium massaliote analogue aux épimélètes athéniens[69]. Les Romains reconnurent la symmachie, c’est-à-dire les droits de souveraineté des Rhodiens sur la Lycie et la Carie, au début de leur intervention dans les affaires de l’Asie. Au contraire ils ont soustrait ces pays à l’hégémonie de Rhodes lorsque, après la guerre de Persée, ils commencèrent à traiter l’Asie mineure comme un pays sujet[70]. La distinction de l’autonomie véritable reconnue par Rome et de la sujétion autonome se manifeste pratiquement dans cette perte du droit de clientèle. Les possessions que les Rhodiens conservèrent après que l’hégémonie romaine eut été juridiquement précisée et que la province d’Asie eut été organisée, furent probablement traitées comme de simples possessions immobilières[71]. De l’incapacité où sont les États alliés de Rome d’être en relations avec d’autres États, il résulte naturellement que toute déclaration de guerre, tout traité de paix ou toute autre convention conclue par Rome s’étend par là même à ses alliés[72], sans qu’il y ait, sauf dans des cas exceptionnels incertains, même besoin de leur adhésion de forme[73]. Dans les négociations de Rome avec les États étrangers, il n’est jamais question de la convocation de représentants des villes alliées[74]. — En revanche, l’État allié ne peut déclarer la guerre à un autre État ; en principe, il ne peut même pas se défendre lui-même. A la vérité, cette dernière disposition n’a pu être appliquée qu’imparfaitement, en particulier dans les territoires limitrophes des pays étrangers. Les rois qui appartenaient à l’union romaine avaient été communément placés où ils étaient pour assurer la défense locale des frontières, et par conséquent le droit de faire la guerre devait leur cure laissé dans de certaines limites[75]. Il en est de même pour certaines villes, par exemple pour Palmyre[76]. Enfin, même en dehors de la défense des frontières, il était probablement permis à chaque ville d’avoir une certaine forcé armée dont elle avait le droit de faire usage quand la sûreté publique était troublée[77]. Le droit de porter les armes restait à l’État allié, puisque l’union militaire avait pour but d’augmenter les forces romaines immédiates à l’aide des forces alliées. L’obligation ainsi imposée aux alliés de fournir leur contingent pour les armées romaines était légalement aussi illimitée[78] que l’obligation des citoyens au service militaire. Il n’est que logique d’étendre ce principe à la communauté militaire établie à perpétuité ; l’État romain peut, dans la mesure du possible, réclamer légalement de ses alliés comme de ses citoyens toute espèce de service militaire. Mais ici aussi l’obligation au service ordinaire est distinguée de cette obligation générale, et c’est seulement la première que règlent les traités. Par conséquent, même où elle n’est pas stipulée et même olé elle est conventionnellement exclue, l’obligation générale au service et la dépendance militaire pèsent néanmoins sur les alliés autonomes de Rome. Le fondement de l’obligation au service ordinaire est qu’en vertu du traité d’alliance, Rome a le droit, lorsqu’elle lève elle-même des troupes[79], de demander en même temps leur contingent aux alliés. Le contingent ordinaire simple de chaque cité doit avoir été fixé dans les traités. La charge était répartie, selon ce schéma, dans la proportion des forces respectives[80] ; et ce contingent ordinaire était probablement celui qui était fourni habituellement. Une réquisition excessive était une violation du traité, et le magistrat qui y procédait arbitrairement tombait légalement sous le coup des voies de poursuite internationales[81]. Mais, quant au fond, c’était du gouvernement romain qu’il dépendait de décider, dans chaque cas particulier, à quelles cités[82] et dans quelle mesure des secours seraient demandés, probablement en vertu de clauses des traités qui réservaient le droit d’appel illimité pour le cas de guerres importantes et qui laissaient à la puissance directrice le soin de décider quelles guerres étaient importantes. Les secours consistent soit en hommes pour l’armée de terre, soit en navires pour la flotte. C’est la préoccupation d’augmenter l’armée de terre qui a donné naissance à cette institution, et elle a d’abord pris la communauté de nationalité pour fondement ; car les alliés primitifs sont précisément les frères de race des Romains, les Latins. Si le cercle des alliés s’est ensuite étendu au delà de la race latine, cela s’est produit par un élargissement de la nationalité elle-même, par l’extension du service militaire des Latins au cercle voisin des Italiens, ou, selon l’expression du droit public romain, aux socii nominisve Latini, quibus ex formula togatorum milites in terra Italia imperare solent[83]. Car le droit de porter la toge, qui est, au sens propre, le costume national des Romains et des Latins, a été étendu, avec l’obligation au service militaire, à toutes les cités alliées qui doivent un contingent pour l’armée de terre. Il a également fallu jusqu’à nu certain point étendre en vue du commandement l’usage de la langue latine à tous ceux qui portaient la toge ; car les officiers supérieurs sont romains même pour les contingents alliés. — Ces raisons suffisaient pour que l’organisation militaire et la disposition intérieure de ces contingents dussent nécessairement correspondre à, celles des troupes romaines. L’uniformité militaire établie entre les contingents et les troupes romaines aussi bien qu’entre les contingents eux-mêmes, a été l’origine de l’unité de l’Italie, et c’est de cette unité première qu’est venue à son tour l’unité politique[84]. Le corps d’armée romain, la legio, composée de dix cohortes d’infanterie, qui constituent autant de petites légions, et de dix turmæ de cavalerie, est avec la cohorte ou la turma isolée[85] fournie probablement par chaque ville importante, — pour les contingents plus faibles, il y avait forcément des modes de rassemblement divers[86], — dans le même rapport que Rome elle-même avec Préneste. La symétrie est même poussée si loin que l’on forme des divers contingents fédéraux des corps correspondant aux légions (æla sociorum), dont chacun est commandé par six officiers d’état-major romains[87], comme la légion par les six tribuns militaires,et qui obéissent tous également au général ou aux généraux romains. Dans la mesure où ces règles le permettaient, on respectait pour le surplus l’autonomie de la cité qui fournissait le contingent. Le recrutement romain ne s’étendait pas au peuple des cités dépendantes ; c’étaient les magistrats de chaque ville particulière qui y levaient les hommes, en vertu d’un cens analogue au cens romain et en observant les exemptions garanties par le traité[88]. Chaque contingent restait réuni et était conduit à l’armée par son magistrat propre ou par un représentant de ce magistrat nommé par lui[89], absolument comme les Romains par le consul ou son remplaçant. Les contingents alliés prêtaient le serment de fidélité à leur chef, comme les Romains au consul[90]. De même que le consul romain est accompagné d’un questeur romain, chaque chef de cité est accompagné d’un payeur distinct chargé de payer la solde aux frais de la cité[91]. Cette organisation politique est indépendante de l’organisation militaire proprement dite : il n’y a, dans la légion romaine, rien qui corresponde aux chefs et aux payeurs des divers contingents[92]. — La prépondérance assurée aux citoyens romains par l’habitude du commandement et par leur unité d’une part, la supériorité du nombre des Italiens non seulement au point de vue absolu, mais dans la levée régulière[93] d’autre part, et enfin la communauté de tactique et d’instruction militaire expliquent parfaitement que, lorsque les deux masses qui avaient si longtemps combattu de concert tournèrent leurs armes l’une contre l’autre, les Romains aient aussi bien capitulé devant les Italiotes que les Italiotes devant les Romains. La flotte de la République, depuis qu’il en existe une, a également pour base le principe de la fédération. Cependant l’idée de nationalité, énergiquement observée pour l’armée de terre, a été abandonnée pour elle, ou plutôt ne lui a jamais été appliquée. Même comme romaine, la flotte resta essentiellement grecque. Les conséquences s’en manifestent partout. Tandis que, dans les armées de terre, les troupes alliées n’ont guère été employées toutes seules, les flottes romaines ont été composées souvent principalement, parfois exclusivement de vaisseaux non romains[94]. Les Italiens, de race grecque, forment le noyau de la flotte romaine[95] ; mais les non Italiens ne sont pas exclus de la flotte de la même façon que de l’armée de terre : les Grecs de Sicile en particulier[96], mais aussi ceux d’Orient[97] fournissent également aux Romains des navires et des marins ou en sont dispensée, à titre spécial[98]. L’organisation du commandement est la même que dans l’armée de terre : c’est toujours un magistrat romain qui exerce le Commandement de la flotte ; les capitaines des navires alliés doivent avoir été considérés, de même que ceux des contingents de l’armée de terre, comme des officiers romains. Si leur traité d’alliance imposait la fourniture d’un contingent fixe aux cités italiques et a quelques rares cités extra-italiques, l’obligation au service militaire elle-même s’étendait, ainsi que nous l’avons déjà remarqué, aussi loin que l’alliance, et, dans des circonstances extraordinaires, des troupes pouvaient être réclamées pour l’armée romaine même aux autres villes et pays fédérés[99] et aux reges socii[100]. Mais le principal usage militaire fait par les Romains de ces sujets consistait dans l’importante obligation qui leur était imposée de défendre les frontières avec leurs propres forces. Ces contingents étrangers, les auxilia externa[101], n’étaient pas militairement homogènes aux armées romaines de terre et de mer, comme l’étaient les contingents italiques et ceux des Grecs extra-italiques obligés à fournir des navires, et par suite ils ne constituaient pas des éléments fixes du cadre de mobilisation romaine. En outre l’autorité romaine a toujours répudié, pour des motifs faciles à comprendre, les secours militaires immédiats des pays étrangers soumis et la communauté d’armes avec ces éléments de nationalité plus ou moins étrangère. Pratiquement il ne parait avoir été fait usage, antérieurement à la guerre sociale et en dehors de cas exceptionnels, des forces militaires de ces fédérés que pour les guerres d’outre-mer et encore dans une mesure limitée. A côté de la transformation de l’armée opérée par Marius, la fusion de l’Italie dans Rome a mis fin au système de contingents de la République[102]. Les villes latines de la Haute Italie ne semblent pas avoir fourni à l’armée romaine de contingents fixes, comme les Italici de la formula togatorum. Nous ne pouvons dire si les Latins des derniers temps de la République ont été appelés à faire partie de l’armée, ni de quelle façon[103]. Les appels adressés aux alliés d’outre-mer furent accrus à cette époque, notamment parce qu’à la suite de l’extension du droit de cité aux Italiotes, la cavalerie recrutée jusqu’alors principalement parmi eux se trouva à manquer, et que le gouvernement romain fut dans la nécessité de compléter le vide soit par des enrôlements faits dans les pays étrangers proprement dits, soit par l’appel au service des sujets d’outre-mer. Il ne recourut au premier procédé que dans une faible mesure. Mais au contraire les royaumes vassaux en particulier ont souvent été invites à fournir, pour l’armée romaine, soit principalement de la cavalerie, soit même de l’infanterie légère, dont la légion de Marius manquait également. On ne peut discerner, à cette époque troublée, de règles fixes relatives à ce service auxiliaire, et il est difficile qu’il y en ait eu. L’organisation militaire introduite par Auguste n’a probablement pas modifié la situation des anciens fédérés, en tant qu’elle subsistait encore. Les rois alliés continuèrent à envoyer leurs contingents. Parmi les cités extra-italiques peu nombreuses dont les obligations fédérales avaient déjà été réglées du temps de la République, Massalia, Athènes et Sparte n’ont probablement jamais été soumises à des obligations militaires effectives ni sous la République, ni sous le Principat ; tout au moins il ne nous en est rien dit. Rhodes continuait, sous le Principat, à envoyer annuellement ses vaisseaux pour la flotte romaine. Au contraire, les cités qui sont parvenues sous César et sous le Principat au droit de latinité ou à nu droit d’alliance quelconque, et dont par conséquent les obligations fédérales n’ont été réglées qu’alors, semblent avoir été soumises an système de conscription impériale établi par Auguste. On peut invoquer dans ce sens, outre des témoignages particuliers[104], l’étendue considérable des territoires en question. Même dans certaines des principautés dépendantes, par exemple en Thrace, il a probablement été fait des levées pour Rome dès avant l’annexion[105]. A moins d’obstacles résultant de traités anciens, on ne paraît pas, sous le Principat, avoir fait de distinction pour le recrutement entre les membres de l’empire autonomes et les autres. On voit reparaître ici le principe suivi par Auguste d’augmenter la dépendance chez les cités fédérées et d’augmenter l’autonomie chez les cités sujettes de manière à rapprocher les deux catégories. Il n’a jamais été accordé aux États qui se trouvaient avec Rome dans une confédération particulière de droit à une part dés terres conquises ou du butin, tel que celui qu’ont possédé, d’après la tradition, les ligues des Latins et des Herniques confédérées avec Rome. Ce n’est que par faveur qu’ils ont reçu une portion secondaire des gains produits par la guerre. Les libéralités triomphales étaient faites également aux non citoyens et aux soldats non citoyens, et en général pour le même montant[106]. Les objets venant du butin ornaient principalement les places et les temples de Rome, mais il y en a eu cependant aussi d’exposés hors de la ville[107]. Des sommes d’argent ont même été remises sur le butin aux divers contingents pour leurs cités[108], probablement afin de rembourser à leurs trésors comme au trésor romain, sur les profits de guerre, la dépense de la solde des troupes faite pour la guerre. Quand les terres conquises ont été partagées ; les alliés ont été au moins parfois admis au partage, mais toujours pour une quotité moindre que les citoyens[109]. Si elles n’étaient pas partagées, elles restaient la propriété de la cité romaine ; mais certaines fractions en étaient données en jouissance aux cités alliées, de sorte que ces cités pouvaient en permettre l’occupation à leurs citoyens, comme Rome faisait en faveur des siens[110]. Lorsque la loi agraire de Gracchus proposa le partage de ces terres communes, elle atteignit dans leurs intérêts les riches Latins aussi bien que l’aristocratie romaine[111]. L’obligation d’un État de verser de l’argent à un autre à titre permanent peut être conçue de deux façons : ou bien ce peut être le versement d’une somme d’argent — en général fixée une fois pour toutes — fait par le trésor de la cité soumise à celui de la cité dominante, ou bien la première peut transporter à la seconde son droit de percevoir l’impôt. Le dernier procédé est aussi inconciliable avec une autonomie réelle, quoique restreinte, que le transfert du droit d’opérer les levées de troupes à l’État qui exerce l’hégémonie. Le premier n’est ni plus ni moins attentatoire à l’autonomie que la fourniture d’un contingent. Mais, selon la conception ancienne des Romains, l’alliance implique la prestation d’un contingent et exclut le paiement d’une redevance pécuniaire avec une égale nécessité. Les États fédérés ne sont par conséquent soumis à des charges pécuniaires qu’indirectement, en tant qu’ils doivent subvenir aux dépenses occasionnées parleurs troupes[112]. Cette règle s’appliqua à l’Italie latine et en général à toute l’Italie alliée. Il n’est jamais fait allusion, pour une ville italique, ni au paiement d’une redevance directe à la cité dominante[113], ni au caractère exceptionnel de son immunité. La concession du droit latin faite par voie de fondation de colonie ou autrement entraîne par suite, à l’époque de la République, lorsque le territoire était antérieurement soumis à une redevance en qualité de propriété publique de Rome, la suppression de cette redevance et l’exemption d’impôts. Le même principe est posé pour les fédérés non italiques[114] et il est confirmé par de nombreux exemples[115]. L’immunité ne fait pas l’objet d’un titre officiel[116], probablement parce qu’on exprimerait trop crûment la dépendance de la ville libre en célébrant son exemption des impôts. — Cependant cette situation est, sous plus d’un rapport, dépourvue de base naturelle ; en présence de l’exemption du service militaire effectif, dont elles jouissent au mains en fait, l’exemption d’impôts d’Athènes, de Sparte et d’Ilion apparaît dès le principe comme une faveur politique. Aussi ne s’est-elle pas maintenue par rapport à ces fédérés, bien que le changement de système ne puisse pas être suffisamment suivi dans le détail de ses phases. Il a sans doute été opéré moins par l’établissement d’une règle générale que par la fixation d’impôts à la charge de cités antérieurement autonomes faite dans un cas après l’autre, soit au moment d’une nouvelle concession de l’autonomie, soit comme imposition additionnelle d’une redevance. Les cités qui n’étaient pas constituées en villes[117] et les principautés dépendantes[118] payaient déjà, sous la République, des tributs annuels fixes au gouvernement romain ; l’obligation à l’impôt se rencontre aussi, pour diverses villes libres, au moins dès le commencement de l’Empire[119], et le nombre de celles qui ont, dans le cours des temps, été imposées selon ce système n’a probablement point été mince. Si l’imposition d’un tribut annuel est conciliable avec la souveraineté limitée, il n’en est pas de même, l’avons-nous déjà dit, de l’imposition directe, qui, comme nous montrerons dans la partie suivante, est le véritable signe caractéristique de la cité sujette et qui n’a, jusqu’à la fin de la République, jamais été appliquée à une ville reconnue comme libre par les Romains. Mais, lorsque Pompée, en organisant la Syrie[120], y accorda l’autonomie à une série de villes, l’immunité ne fut, ainsi que nous avons déjà vu, point tenue pour comprise dans cette autonomie, et les Romains continuèrent, selon toute apparence, à percevoir l’ancien impôt royal. Il fut assurément ainsi introduit dans les institutions romaines une catégorie de villes dont l’autonomie ne peut plus être désignée comme une souveraineté limitée et qui rentrent au sens propre parmi les cités sujettes. — La même chose a probablement été faite plus tard également pour la constitution latine, et, parmi les villes de l’Occident qui sont parvenues au droit latin dans le dernier siècle de la République et sous le Principat, les plus récentes tout au moins n’ont pas obtenu en même temps l’immunité. A la vérité, les témoignages font ici pour ainsi dire complètement défaut. Dans les listes de villes espagnoles de Pline, les villes d’Espagne gratifiées du droit de latinité du temps d’Auguste sont opposées aux villes stipendiaires ; il est possible, mais il n’est pas certain que l’exemption du tribut leur soit ainsi attribuée. Au contraire, dans la liste relative à l’Afrique, il y a une ville latine sur deux qui est signalée comme stipendiaire[121]. Lorsque ensuite, ainsi que nous montrerons dans la théorie du régime municipal, les cités de citoyens furent régulièrement soumises à l’impôt dans les provinces et que l’immunité ne fut qu’exceptionnellement accordée à des colonies isolées et pour ainsi dire jamais à des municipes, il a été impossible que des empereurs tels que Vespasien aient, en accordant la latinité à toutes les villes espagnoles du territoire du Sénat et du territoire impérial ; entendu renoncer par là aux impôts directs de ce vaste domaine. Il est probable que l’imposition des cités de sujets qui reçurent le, droit latin fut réglée selon le principe que nous avons déjà rencontré pour les cités de citoyens d’outre-mer. La transformation de l’ager publicus populi Romani en ager privatus susceptible de propriété quiritaire est en général impossible en dehors de l’Italie, et par conséquent le caractère domanial du sol n’est pas supprimé par sa division. Or, si le sol reste la propriété de l’État après la transformation de la cité sujette de Malaca, soumise au paiement de la redevance foncière, en cité de droit latin, il est rationnel que la redevance foncière doive toujours être payée par lui. Les villes libres qui ne sont pas sujettes à l’impôt n’en sont pas moins soumises à certaines obligations de bonne amitié fédérale envers la cité dominante et ses magistrats : c’est une chose qui résulte des rapports généraux. Même à leur égard, la loi établissait et réglait, au profit des magistrats et des officiers qui se trouvaient dans la province, un certain droit de réquisition pour les besoins personnels d’eux et de leur suite[122]. Le droit public n’a point à s’occuper de l’usage et de l’abus qui ont pu être faits de pareils secours amicaux des alliés dans des cas extraordinaires, notamment en temps de guerre. Si nous passons maintenant à l’autre face de l’alliance dépendante, à l’étude de l’autonomie laissée aux États de cette espèce, le droit public de la République romaine reconnaît en principe les États fédérés comme ayant la souveraineté, en tant que les traités particuliers conclus avec chacun d’eux n’en suppriment pas telle ou telle conséquence. Tandis que les citoyens romains et les cités sujettes qui n’ont pas de traité avec Rome doivent se soumettre sans autre forme ; toutes les prescriptions de l’autorité romaine, cette autorité ne peut réclamer des cités alliées que l’observation de leurs traités. Si ce traité est violé par la cité dépendante, le lien de droit est rompu[123] ; au reste cette cité est libre de se gouverner et de s’administrer aussi bien ou aussi mal qu’elle veut, d’user et d’abuser à sa guise de sa souveraineté. Le principe a été, verrons-nous, plus d’une fois atteint et limité du temps de la République,par suite des privilèges spéciaux réclamés par l’État romain pour lui-même et pour ses membres et des restrictions et des lésions apportées par là à l’autonomie des alliés. Mais la République n’est guère intervenue pour d’autres raisons dans l’administration indépendante des villes libres. Au contraire, le gouvernement impérial, plus sérieusement préoccupé du maintien du bon ordre .que l’oligarchie des derniers temps de la République, sans doute aussi plus d’une fois sous le coup de la nécessité pratique, a de plus en plus transformé l’hégémonie de Rome en un gouvernement véritable ; en particulier, il s’est arrogé le droit non seulement de réprimer à titre isolé les abus de l’autonomie[124], mais aussi de la supprimer dans les cas graves[125]. Le fondement de l’autonomie est l’autorité exercée par la cité fédérée ou libre[126] sur son propre territoire, c’est-à-dire, selon la conception des Romains, l’existence à son profit de la propriété publique — ou de la propriété privée dérivée de la propriété publique — sur le sol enfermé dans ses limites[127], le traité exceptant par une clause expresse les terres domaniales de l’État romain qui peuvent s’y trouver comprises[128]. Ce n’est que par une autre formule de la même idée que les territoires de ces cités sont considérés comme ne faisant pas partie de l’empire[129]. Si, dans les cités de Syrie gratifiées de l’autonomie par Pompée et dans les pays latins de la péninsule pyrénéenne, le sol a été, comme il semble vraisemblable, considéré comme sous la propriété du peuple romain, il n’y a là qu’une nouvelle preuve que cette autonomie et cette latinité sont plus voisines de la condition des sujets que de celle des alliés. — De ce principe découlent les corollaires suivants, pour lesquels nous signalerons en même temps les limitations multiples qu’ils ont reçues. 1. Le territoire des cités alliées est soustrait au gouvernement des consuls, en Italie et dans le département administratif gouverneur qui en dépend[130], à l’autorité du gouverneur dans les provinces[131]. Ce dernier ne peut pas y paraître en sa qualité officielle[132] : avant tout, il ne peut exercer sa juridiction[133]. Cependant, par dérogation à cette règle, les sièges des assises romaines ont souvent été mis dans dés villes liures, dans les pays qui n’ont été ouverts que tardivement à la civilisation romaine[134]. De même que la suppression de l’autonomie entraîne nécessairement l’incorporation du territoire dans une province existante ou la création d’une province nouvelle[135], la ville devenue autonome sort de la province, et, lorsque des provinces tout entières reçoivent l’autonomie comme cela arriva temporairement pour la Crète[136] et pour l’Achaïe[137], le gouverneur est en principe supprimé[138]. 2. Les troupes romaines ne peuvent pas davantage camper sur le territoire des confédérés[139]. Cependant cette règle n’est pas seulement mise de côté, comme il va de soi, en cas de guerre et de péril de guerre : elle comporte en outre des restrictions multiples. Les troupes romaines avaient toujours le droit de passer sur le territoire des alliés ; dans les lettres de liberté récentes, il est seulement spécifié que les officiers romains ne pourront prendre leurs quartiers d’hiver sur le territoire de la ville libre à moins d’y être autorisés par un sénatus-consulte spécial[140]. 3. L’État romain n’a pas le droit de lever des impôts sur le territoire confédéré et d’empiéter ainsi sur les droits du gouvernement local ; car les impôts, et notamment l’impôt foncier, se fondent, en droit public, sur la souveraineté territoriale. Cependant les Romains ont, dès l’époque de la République, pénétré dans ce domaine en accordant à des citoyens isolés, de villes latines notamment, l’exemption des charges publiques de leur patrie en retour de services rendus par eux à Rome[141]. Nous avons déjà expliqué que le transfert du droit d’impôt à la cité dirigeante est inconciliable avec l’essence de l’autonomie et que, lorsqu’il a lieu, l’autonomie latine ou pérégrine est en fait supprimée. 4. L’établissement de droits de douane maritime ou terrestre est également considéré comme une conséquence de la souveraineté territoriale, et par conséquent c’est l’autorité locale qui y procède sur le territoire des Etats alliés[142]. Mais c’est sur tout sous ce rapport que l’hégémonie romaine a de bonne heure et largement empiété sur les droits des cités autonomes. Les biens de l’État romain, par conséquent en particulier les objets expédiés par les magistrats romains[143] et les fermiers des impôts romains, étaient probablement partout absolument soustraits aux droits de douanes[144]. Mais on ne s’en est pas tenu là. Si, dans le cercle de la puissance romaine, on a imposé, en faveur des citoyens romains et des Italiens qui leur sont assimilés, des exemptions de droits de douane aux États voisins n’appartenant pas à l’empire[145], on a dû le faire encore bien plus à l’encontre des villes libres et des royaumes appartenant à l’empire, et c’est principalement par là qu’on est arrivé, dans les deux derniers siècles de la République, à mettre, surtout le territoire de l’empire, le haut commerce de plus en plus dans les mains de la nation dominante. La cité fédérée conserve en outre l’organisation légale qu’elle avait au moment de la conclusion de l’alliance et le droit de modifier cette législation à sa guise suivant les formes établies par sa constitution propre, c’est-à-dire, selon l’expression romaine, le droit de vivre selon ses lois propres (suis legibus uti)[146]. Il en est ainsi en particulier des territoires gouvernés par des rois, des princes ou des prêtres, qui sont dans la clientèle romaine : chacun d’eux conserve son droit national[147]. Comme applications de ce principe, on peut citer, en première ligne, les assemblées communales organisées dans chaque ville libre selon sa coutume et à son gré ; ensuite la législation sur les fiançailles,différente de la législation romaine, des vieil-les villes latines, qui a été abrogée par la concession du droit de cité[148] ; l’exclusion de la nomination des tuteurs par le magistrat romain et du tuteur optif de la femme contenue probablement encore dans les statuts municipaux latins du temps de l’Empire[149] ; la disposition contenue dans le statut communal de Ségeste en Sicile selon laquelle aucun non citoyen ne pouvait acquérir de propriété foncière dans son territoire[150] ; le droit de préférence accordé a la cité, en matière de faillite par le statut communal d’Antioche en Syrie[151]. Pour que l’innovation approuvée par les comices romains puisse s’appliquer dans une ville latine[152] ou en général dans une ville fédérée[153], il faut qu’elle y soit également adoptée par le peuple. Selon toute apparence, les cités italiques n’ont pas fait un usage étendu de leur autonomie ; elles sont restées à ce point de vue principalement sous l’influence de la cité dirigeante, et elles ont copié ses institutions sous plus d’un rapport[154]. En droit, cette autonomie est naturellement limitée en principe par la règle que toute disposition en contradiction avec la convention d’alliance est nulle. Mais en outre elle est restreinte pour le Latium et pour l’Italie tout entière par le pouvoir législatif suprême que la République romaine s’est arrogé sur ces régions. Nous avons déjà remarqué que la suppression de l’assemblée fédérale latine n’a pas fait disparaître ses droits : ils ont passé aux organes corrélatifs de l’État romain, et par suite la loi romaine était légalement obligatoire pour les villes latines ; et la prédominance politique de Rome a donné de plus en plus d’efficacité à ce principe. Les relations établies entre Rome et le Latium ayant servi de modèle pour toute l’Italie, la même idée a dû être appliquée dans les traités conclus avec le reste des cités italiques. Il peut bien sans doute avoir été apporté une limitation aux pouvoirs de la cité prépondérante : c’est l’impossibilité de supprimer l’État dépendant par une décision unilatérale des comices romains. Mais, pour le surplus, il est probable que toutes les lois romaines dont les dispositions étaient étendues aux cités italiques avaient légalement force obligatoire pour ces dernières, et de telles lois générales ont été rendues fréquemment, sans que cela ait été aucunement un produit exclusif des empiétements de l’État dominant. Des vestiges multiples attestent l’influence exercée par la législation romaine sur l’organisation des villes autonomes d’Italie. L’identité de forme du plus ancien cens romain et de celui des constitutions des villes italiques remonte certainement à l’organisation de la ligue latine primitive. Mais la conformation de cette institution et surtout son extension à toute l’Italie appartiennent sûrement au gouvernement romain. En présence du rôle fondamental qu’avait le cens dans l’organisation militaire de toute l’armée commune italique, l’adoption d’un système uniforme a sans doute été imposée pour condition à toute cité qui entrait dans cette communauté. Dans la constitution municipale osque de Bantia, la punition du citoyen de Bantia qui omet de se présenter au cens devant les autorités locales est réglée sur le modèle romain[155], et la censure y apparaît, conformément aux institutions romaines modernes, comme la plus haute magistrature locale, accessible seulement à l’ex-préteur. Dans le dernier siècle de l’autonomie dépendante des Italiens, le cens est même centralisé à Rome pour toute l’Italie par l’envoi dans la capitale des listes de recensement des cités autonomes[156]. Une autre application de cette hégémonie est l’établissement de l’édilité dans les cités italiques. L’agoranomie, telle qu’elle a été introduite à Rome en 387[157], sué retrouve, dans toutes les constitutions des États italiques, si parfaitement semblable à elle-même et à l’agoranomie romaine que ce ne peut être l’œuvre de législations particulières, même influencées par Rome ; d’autre part, la réglementation et la protection du commerce interlocal des marchés, qui constituent la destination propre de cette magistrature, rentraient en première ligne dans la compétence de la cité dirigeante. Selon toutes les vraisemblances, l’édilité locale a pour origine fine loi romaine, qui obligea d’abord les villes latines à remanier leurs constitutions municipales dans ce sens et à laquelle les autres villes italiques furent ensuite également astreintes à se conformer. Cette organisation donnée non pas seulement au Latium, mais à toute l’Italie par l’autorité romaine, a disparu de la tradition historique. Mais le souvenir en a été fidèlement conservé, par l’impartiale tradition du langage : les mots politiques originairement latins d’ædilis[158], quæstor[159], censor[160], imperator[161], senatus[162], peut-être de lex et même de prætor[163] et de tribunus plebis[164] ont passé dans la terminologie officielle des Ombriens, des Campaniens et des Lucaniens, avec les abréviations usitées à Rome. Dans ce domaine de la constitution politique, où l’indépendance de développement entraîne nécessairement des diversités de formations et surtout des diversités de dénominations, les institutions des villes italiques présentent, même hors des pays de langue latine, des similitudes multiples et surprenantes avec les institutions romaines, et elles affirment la constitution et la transformation de l’Italie opérées sous l’hégémonie de Rome. On peut relever, comme applications spéciales du droit de la cité dominante d’intervenir dans l’autonomie des cités dépendantes : le plébiscite sempronien de 561 qui assimila les italiotes aux Romains en matière de dettes d’argent[165] ; les dispositions connues qui étendirent à toute l’Italie les mesures prises en 568 contre les associations de sectateurs de Bacchus[166] ; la loi Didia qui étendit en 611 aux Italiotes la loi Fannia sur le luxe rendue en 593[167]. Nous ne sommes pas à même de dire dans quelle mesure l’Italie voyait dans le peuple romain un chef ou un tyran. Il n’y a, dans notre tradition, d’ailleurs exclusivement romaine, aucun indice que les mesures de cette espèce aient jamais été considérées comme un empiétement. La législation romaine fut donc étendue à toute l’Italie, dès avant que ses habitants fussent entrés légalement dans le cercle des citoyens. Au contraire cette législation n’est pas directement intervenue dans l’autonomie des fédérés d’outre-mer. Politiquement Massalia et Athènes ne dépendaient pas moins de Rome que Préneste et Perusia. Mais la législation romaine ne pouvait pas légalement s’immiscer dans les institutions des premières comme dans celles des secondes, et les Romains n’avaient pas là le même intérêt qu’en Italie à établir l’uniformité. Sans doute, les cités dépendantes étaient, soit au moment de l’alliance, soit par la suite, amenées par toute espèce de contraintes à régler leurs institutions intérieures de la façon qui convenait aux Romains, en particulier à remanier dans le sens oligarchique leurs institutions démocratiques[168]. Mais c’est communément arrivé par voie indirecte et dans les formes indiquées par la constitution de la cité dépendante : cela rentre dans l’histoire politique et non pas dans le droit public romain. Sans doute il ne manque pas de preuves que la République romaine elle-même se mit déjà au dessus du principe théorique de l’indépendance des alliés grecs. Sans parler des privilèges des Romains et des Italiens ; qui ont sans doute été plus d’une fois introduits sans traités par un acte d’autorité pur et simple, la dérogation au principe que les enfants suivent la patrie du père, admise en faveur de la ville d’Ilion, constituait par exemple une atteinte aux droits de toutes les autres cités de l’empire[169]. La législation générale de l’empire a restreint dans une mesure toujours plus forte la législation propre des cités autonomes[170], et, sous le Principat, dont la tendance était d’anéantir l’autonomie et de l’assimiler à la sujétion, il n’en est finalement pas resté grand’chose. Mais ce qui s’était accompli en Italie dès les derniers siècles de la République n’eut lieu pour le reste de l’empire que dans la période impériale moderne, et, à l’époque dont nous nous occupons ici, la distinction est en pleine vigueur. Il nous reste à étudier une question : la cité romaine a-t-elle le droit de conférer, par un acte unilatéral, son droit de cité au membre d’une cité alliée, de manière à ce qu’en l’acceptant il perde son droit de cité antérieur, ou bien faut-il en outre pour cela le consentement de la cité intéressée ? Naturellement il n’est pas besoin de ce consentement quand il s’agit de I’application de règles contenues dans les traités. Quand les traités latins liaient l’acquisition du droit de cité romaine au transport du domicile à Rome ou à l’exercice des magistratures de la patrie latine, les cités alliées avaient par là même d’avance donné leur consentement au changement de droit de cité. Si, à l’inverse, les Romains s’étaient obligés dans certains traités à ne concéder le droit de cité à aucun membre de la cité contractante, ils étaient liés par cette clause[171]. Lorsque on n’était ni dans un cas ni dans l’autre, la logique du droit réclamait le consentement des deux États intéressés, et ce principe a encore été appliqué pratiquement, dans le cas le plus important, dans celui de concession du droit de cité romaine à tous les citoyens d’une ville autonome, aux résolutions de ce genre votées à la suite de la guerre sociale pour toutes les cités italiques[172]. Même relativement aux individus isoles, les Romains semblent avoir considéré le droit rie cité romaine comme subsistant jusqu’à ce que les comices romains n’eussent statué sur sa disparition lorsque un citoyen romain passait dans une cité qui n’était pas en traité avec Rome[173]. Quant aux cités alliées, la nécessité de leur assentiment a été controversée dans les derniers temps de la République[174], et le droit de cité romaine peut bien, en fait, avoir été conféré à leurs membres par un acte unilatéral de Rome ; mais l’opinion contraire est sans aucun doute seule correcte. — Sous le Principat, on ne trouve aucune trace de ce droit des fédérés. Nous sommes partis, dans l’étude de cette question, de l’ancien principe de l’incompatibilité du droit de cité romaine avec un droit de cité de même nature. Cette incompatibilité est dans la nature des choses, et elle a sans doute toujours été maintenue par rapport à l’étranger indépendant. Le Carthaginois du temps de la République, ou le Perse du temps de l’Empire, qui reçoit le droit de cité romaine cesse sans doute par là, au point de vue romain, d’être Carthaginois ou Perse. Mais relativement aux États autonomes dépendants de Rome, le droit a changé ; et l’on peut voir dans cette modification, comme dans la modification symétrique relative au postliminium, l’expression transparente de la transformation de l’autonomie dépendante en incorporation dans l’empire. Pendant toute la durée de la République, c’est un principe établi que, comme dit Cicéron, aucun peritus nostri moris n’accepte le droit de cité d’Athènes s’il veut rester citoyen romain. Cependant on voit déjà là qu’il était alors devenu vacillant au moins en pratique, et en fait il est bientôt après signalé comme juridiquement controversé par Cornelius Nepos (loc. cit.). Sous Auguste et depuis, la règle contraire est établie : le droit de cité romaine est conciliable avec le droit de cité de toutes les cités de l’empire, qu’elles soient latines ou pérégrines autonomes ; c’est-à-dire que les cités autonomes de droit latin ou de droit pérégrin qui appartiennent à l’empire se sont transformées d’États en villes. La tradition ne nous dit pas quand et comment s’est opérée cette transformation, ni si elle a eu lieu d’un seul coup ou successivement biais elle doit se rattacher essentiellement à la guerre sociale, ainsi que nous l’avons déjà expliqué au sujet des cités cisalpines de droit latin, en tout cas, elle est impliquée par l’organisation militaire d’Auguste ; car c’est en vertu de ce principe que les légionnaires peuvent indiquer comme leur patrie aussi bien Nemausus ou Ancyra que Capua. En théorie comme en pratique, le droit de cité romaine est compatible, sous le Principat, avec le droit d’origine de toutes les cités de l’empire, et la concession du premier ne change rien au second. Ce régime a abouti à permettre au fils de Septime Sévère d’accorder le droit de cité romaine à tous les non citoyens de l’empire[175] sans modifier par là les institutions existantes des diverses cités de non citoyens, ainsi qu’on peut le voir notamment par l’exemple d’Athènes[176]. L’entrée dans l’union militaire romaine avait souvent pour conséquence la codification du droit local. Un statut de ce genre se rattachant aux institutions des anciennes trailles latines était surtout nécessairement donné aux cités fondées comme cités de droit latin ou plus tard gratifiées de ce droit. Quant au fond, les statuts latins étaient semblables entre eux, pour les points essentiels, et ils ne se distinguaient, à l’époque récente, que par leur rattachement au nom de telle ou telle ville[177] ; quant à la forme, chacun d’eux est la constitution municipale d’une ville indépendante. Comme il se conçoit, cette codification est faite en partant de l’identité essentielle du droit romain et du droit latin, et elle se rapporte principalement aux points sur lesquels on ne pouvait pas se contenter d’appliquer purement et simplement les institutions romaines, c’est-à-dire à la constitution municipale et, en droit privé, surtout au droit des personnes. — Il n’est pas invraisemblable qu’en Italie les cités alliées qui n’avaient pas été fondées par Rome ont été elles-mêmes, en entrant dans la confédération, invitées à faire une codification analogue de leur statut local ; car les institutions qui devaient être communes à toutes les villes alliées n’auraient pas facilement pu être introduites autrement. Un statut local de ce genre, appartenant à la ville de Bantia en Lucanie et rédigé dans la langue du pays, nous est parvenu en partie. Les magistratures qui y sont énumérées sont : la censure, la préture, dont le titulaire peut être remplacé par un præfectus, la questure et le tribunat du peuple ; elles sont mises dans un ordre analogue à celui de la loi Villia[178]. On y trouve en outre réglés : l’intercession ; le pouvoir judiciaire du peuple en matière capitale et en matière de multa ; la procédure suivie en matière de multa devant le préteur ; enfin le cens et la procédure observée contre celui qui s’y soustrait. Partout on reconnaît les institutions romaines, y compris même les plébéiennes lorsque on rencontre des divergences, elles semblent soit provenir de coutumes locales, comme par exemple la substitution du mois de trente jours au trinum nundinum, soit se rapporter à ce qui était prescrit à Rome plu0t par l’usage que par la loi : ainsi l’éligibilité à la censure a ici pour condition en forme l’occupation de la magistrature, et l’intercession, semble-t-il, un sénatus-consulte. — La concession de ces statuts locaux émanait, pour les colonies latines[179] et les cités qui n’avaient pas été antérieurement autonomes[180], de l’autorité romaine, qui avait à déterminer les modalités de la constitution locale en même temps qu’elle l’accordait. Dans les cités déjà ; reconnues antérieurement comme autonomes, le contenu du statut citait sans doute théoriquement adopté par une résolution de leurs comices[181]. Une autre conséquence de l’autonomie était l’existence de tribunaux indépendants. Nous avons d’autant moins à insister sur le principe que, comme nous le montrerons plus loin, les tribunaux propres ont été, en matière criminelle et plus encore en matière civile, étendus aux cités qui n’étaient pas légalement autonomes et aux cités de citoyens, liais il y a une question nécessaire à poser, quelque difficile qu’une réponse satisfaisante soit rendue par l’état des sources : c’est la question de la mesure dans laquelle Rome a, en vertu de son hégémonie, empiété sur la souveraineté de juridiction civile et criminelle appartenant aux cités alliées. La justice criminelle est, dans les cités fédérées, encore rendue par elles-mêmes sous le Principat[182]. La constitution municipale de la ville de Bantia,en date du temps des Gracques, que nous avons citée tout à l’heure, nous permet d’apercevoir à la fois le libre exercice de cette souveraineté et l’influence exercée par l’imitation du modèle romain : elle donne au peuple de Bantia juridiction sur la personne et les biens des citoyens exactement dans les formes du judicium populi romain[183]. En principe cette juridiction s’étend, comme celle de Rome[184], sur toute la sphère d’autorité de la ville, c’est-à-dire sur tous lés individus qui ,e trouvent sur le territoire en question, sans distinction de statut personnel ; par conséquent même sur les Italici qui s’y trouvent. En droit, l’Athénien est justiciable des tribunaux romains pour le crime commis à Rome, et le Romain est justiciable de l’Aréopage pour le crime commis à Athènes ; et, lorsque le Romain coupable se trouvait entre les mains des autorités alliées, le droit de, punir parait avoir été exercé en fait contre lui par les cités autonomes de la meilleure condition[185]. Mais lorsque le Romain était hors d’Athènes, il est difficile qu’Athènes en ait obtenu l’extradition : en pareil cas, l’affaire était sans doute déférée à un tribunal romain sur la demande des alliés. En outre, il est probable que, par suite de la position prépondérante de Rome, la juridiction criminelle a été, relativement aux citoyens romains et au reste des Italiens, retirée par leurs traités à la plupart des cités fédérées en tout ou en partie. Si l’autonomie a été retirée à plusieurs de ces cités sous le Principat pour cause d’empiétements sur cette juridiction[186], le reproche peut s’être rapporté, à côté de la façon dont la juridiction avait été exercée, au fait même de l’avoir exercé. Sous le gouvernement meilleur de l’Empire, la répression des infractions des citoyens peut ensuite avoir été progressivement soumise aux mêmes règles dans les cités autonomes que dans les cités de citoyens. — A l’inverse, le gouvernement romain n’a pas seulement soumis les citoyens des villes libres aux tribunaux romains en vertu du principe de la souveraineté de l’autorité du lien ; il est allé au delà de ce principe soit pour les sou mettre à la justice criminelle de l’empire à raison de certains délits[187] ; soit pour les y soumettre arbitrairement d’une façon générale[188]. Les villes libres partageaient avec les cités de sujets et celles de citoyens la possession d’une juridiction criminelle propre ; mais la leur avait théoriquement et pratiquement plus d’importance, et elle s’est sans doute aussi maintenue plus longtemps. L’intervention des tribunaux romains, qui rentrait pour le reste des habitants de l’empire dans le cours légal et habituel des choses, était en face d’eux une violation de leurs privilèges[189]. L’absence de témoignages suffisants ne permet pas d’étudier cette situation de plus près. La justice administrative des villes libres était entre les mains de leurs autorités. Le gouverneur romain commettait un empiétement en évoquant devant son tribunal une action en paiement d’une dette dirigée contre une ville libre[190]. Mais, au moins sous le Principat, le pouvoir central avait un droit d’intervention. Des contestations existant entre la cité d’Athènes et les propriétaires fonciers obligés à lui faire des fournitures sont tranchées, selon une constitution d’Hadrien, par la βουλή ou l’έκκλησία ; mais on peut faire appel devant le proconsul et l’empereur[191]. Si une cité sujette autonome ou l’un de ses citoyens a été lésé par la cité romaine ou par un citoyen ou un sujet romain, la victime a, en dehors du droit d’agir devant les tribunaux romains, nécessairement contenu dans un pareil traité, celui de porter plainte au gouvernement romain, tel qu’il peut être exercé notamment par l’envoi d’ambassadeurs[192] entre deux États liés par un traité. Quoique la faculté de s’adresser, en toute occasion, en passant par dessus la tête du gouverneur, au gouvernement proprement dit ait sans doute eu, même pratiquement, une importance, cependant ces communes n’avaient naturellement qu’un droit de doléances, et elles devaient s’incliner devant la décision des consuls et du sénat, quelle qu’elle frit. En outre, le droit de guerre leur manquant d’ordinaire, elles n’avaient, lorsqu’elles étaient lésées par un État dépendant de Rome ou même par un État indépendant, d’autre ressource que de se plaindre aux Romains, et elles étaient également responsables devant eux si un autre État se plaignait d’elles. Les deux cités jouaient, surtout lorsqu’elles dépendaient toutes deux de Rome, le rôle des parties, et les consuls et le sénat celui des autorités judiciaires[193]. Cependant cette procédure a toujours eu plutôt pour caractère de soumettre un débat survenu entre deux États è l’arbitraire plus ou moins obligatoire d’un troisième, et même elle n’a jamais reçu de limitations précises[194] ni de formes procédurales arrêtées[195]. En matière civile, les restrictions, que nous trouverons apportées dans les cités de citoyens à la compétence des autorités municipales au profit du préteur ou du gouverneur, ne comportent aucune application aux cités autonomes. Le citoyen d’une ville latine procède aux affranchissements et à tous les autres actes légaux devant ses magistrats, tandis que celui qui appartient à une cité de citoyens ne peut y procéder que devant les magistrats de l’empire[196]. Les limitations apportées aux affranchissements romains ne s’appliquent pas, en principe, aux affranchissements latins. Tandis que les procès déférés aux magistrats des cités de citoyens ont ; dans une certaine mesure, le caractère d’affaires de justice de paix, par suite de la compétence réservée sur les affaires importantes aux tribunaux de l’empire, les tribunaux des villes fédérées sont saisis de tous les procès et ont qualité pour les trancher tous. Cette distinction se manifeste avec une grande vigueur dans la limitation apportée au droit de juridiction des cités de droit latin de la Gaule cisalpine, lors de leur entrée dans le peuple Romain en 705[197]. Cependant nous avons déjà remarqué que lorsque Vespasien donna la latinité aux villes espagnoles, il ne leur accorda pas la plénitude de l’autorité judiciaire. — La réciprocité internationale exige que les procès civils soient régis par le droit du tribunal du lieu ; et ce principe a été reconnu par les Romains pour des cités particulières, par exemple pour Chios[198]. Le Romain ne pouvait poursuivre le Chiote domicilié dans sa patrie que devant le tribunal de son domicile, et, si lui-même avait établi à Chios sa résidence durable (consistit), il pouvait être poursuivi devant le tribunal du lieu, décisions qui avaient toutes deux une importance pour les nombreux négociants romains et italiens qui se trouvaient dans les provinces. Mais il est probable que cette réciprocité n’était établie que dans un petit nombre de traités d’alliance[199], et, même lorsque c’était le cas, le principe a dû souvent être violé par des dispositions d’exception et tel procès qui aurait été rigoureusement du ressort du tribunal allié être déféré aux autorités romaines et aux jurés italiques. En ce qui concerne l’application aux villes libres des règles établies à Rome pour la division du temps, les poids et mesures et les monnaies, la dispersion de ces recherches en une infinité de spécialités ne nous permet que d’indiquer approximativement les diverses catégories. En général, les règles romaines ne régissent pas les villes libres, notamment les villes libres italiques, tant qu’il en subsiste. Mais cependant ici encore les empiétements de la puissance exerçant l’hégémonie n’ont pas été rares. Quant à la mesure du temps, les calendriers des villes italiques divergents du calendrier romain n’ont disparu qu’avec leur entrée dans le peuple romain : c’est un fait connu[200]. Les cités autonomes n’étaient pas non plus obligées de se conformer au calendrier, provincial romain dont nous nous occuperons plus loin : la preuve en est dans les calendriers divergents de diverses villes libres d’Asie[201] et de Syrie[202] ; la présence d’un pareil calendrier a l’époque romaine est un criterium d’autonomie[203]. Le calcul provincial des années, se rattachant, comme nous l’expliquerons dans la partie suivante, à une mesure générale prise par les Romains lors de leur entrée en possession de la province, ne s’impose pas davantage aux villes libres. Ce n’est qu’exceptionnellement qu’elles calculent les dates d’après l’ère de la province, et, lorsque cela a lieu, le mode de calcul a probablement en droit une autre source. Les villes libres de Syrie, qui se servent, comme les villes non autonomes, de l’ère des Séleucides[204], l’ont conservée depuis l’époque antérieure aux Romains. Ailleurs, par exemple en Macédoine[205] et en Syrie[206], l’année de l’occupation romaine est en même temps celle de la délivrance à la ville de ses lettres de liberté, et, par suite, le calcul des années à partir de la concession de l’autonomie, fréquent dans les villes libres, se trouve se rencontrer en fait avec le calcul par l’année de la conquête romaine. Par conséquent, l’usage de dater par l’année de la conquête n’est pas à lui seul une preuve de l’absence d’indépendance ; à l’inverse, l’usage d’une ère qui ne part pas de l’année de la conquête n’implique pas nécessairement la qualité de ville libre ; car, bien que les ères de ce genre qui se rencontrent à l’époque romaine appartiennent en grande majorité à des villes libres, les villes non autonomes elles-mêmes comptent souvent les années en partant d’une autre date que celle de la conquête[207]. Le droit de designer les années d’après les magistrats locaux est naturellement compris dans l’autonomie ; mais les cités véritablement autonomies le partagent avec les cités sujettes pseudo-autonomes et avec les cités de citoyens. — La désignation de l’année par les noms des magistrats romains n’est pas seulement en conflit avec l’autonomie : elle exprime en outre avec violence le lien de dépendance. Il est difficile qu’elle ait jamais été employée par les alliés italiques, Dans les cités autonomes extra-italiques, on date par les consuls et par les empereurs tout comme dans le territoire proprement dit de l’empire, au moins sous le Principat qui fit énergiquement ressortir leur qualité de partie de l’empire. Au contraire, on évite en principe les dates tirées du nom des gouverneurs de provinces, quoiqu’on en trouve aussi des exemples, au moins en Syrie, dés l’époque d’Auguste[208]. Relativement aux poids et mesures, on n’aperçoit, au moins dans l’état actuel de nos connaissances, aucune différence de principes entre les membres de l’empire autonomes et sujets, et nous ne pouvons que renvoyer à la partie qui suit. Il en est autrement pour l’argent et les monnaies de l’époque ancienne. La liberté illimitée en cette matière est, au sens propre, aussi bien en théorie qu’en pratique, le criterium de l’autonomie, et il n’y a pas d’autre domaine où nous puissions aussi bien suivre les progrès de l’hégémonie de Rome. Il faut y distinguer, d’une part, l’exclusion des monnaies étrangères du cours forcé dans l’intérieur de l’État, et, d’autre part, la restriction et la suppression du droit de battre monnaie. Les plus anciennes règles relatives aux équivalents généralement admis pour le commerce, et à leur évaluation sont par essence internationales : le commerce s’est certainement fait, dans le sein de la ligue latine, dès ses origines, soit par, suite d’une coutume ancienne, soit en vertu de résolutions de la confédération, en employant comme monnaie ou bien les moutons eues bœufs que l’on comptait par tètes, nubien le cuivre, l’argent et plus tard aussi l’or, que l’on pesait, un rapport officiel fixe de valeur étant selon toute apparence admis entre les trois métaux. Hais, lorsque le progrès eut conduit à faire des pièces de monnaie marquées des armes des cités, ces pièces n’eurent probablement de valeur légale que sur le territoire de l’État qui les frappait et l’as romain ne valut probablement dans le reste du Latium que son poids de cuivre, tout comme les monnaies de cuivre latines à Rome. Il peut y avoir eu entre des cités particulières des arrangements conventionnels sur la circulation„ réciproque de leurs monnaies ; mais il n’y a pas eu entre Rome et les villes latines de convention générale telle que par exemple celles conclues entre les villes alliées d’Achaïe et du Bruttium ; car il n’y a aucune concordance de métal ni de valeur : Rome et un certain nombre d’autres villes, probablement latines pour la plupart, fondent ou frappent du cuivre lourd au pied de dix onces, Hatria, Ariminum et d’autres villes de la côte orientale du cuivre lourd au pied de quatorze onces, Cales, Teate, Cora, Signia, Alba dans le pays des Marses, de l’argent en pièces diverses[209]. Selon toute apparence, les villes admises à l’alliance avec Rome ont gardé leurs droits monétaires intacts jusqu’à la première guerre punique ; dans ce temps-là, la monnaie n’était qu’une marchandise en dehors du territoire où elle avait été émise[210], et chaque cité indépendante qui frappait des’ monnaies en réglait comme elle l’entendait le métal et la valeur. Mais, vers le temps où commence à Rome la frappe de la monnaie d’argent, vers l’an 486 de Rome, après la guerre de Pyrrhus et peu avant la première guerre punique, on voit commencer également la limitation de l’autonomie des alliés en matière d’argent et de monnaie et la concentration des droits qui s’y rapportent entre les mains de l’État dirigeant[211]. Le but, poursuivi par le gouvernement romain était d’arriver à monopoliser la frappe des monnaies de valeur dans tout le domaine soumis à son autorité, et il l’a d’abord atteint en Italie. La frappe de monnaies d’argent a nécessairement été interdite, au moment de leur fondation, à toutes les colonies latines fondées depuis cette époque, et le droit d’y procéder doit également avoir été retiré à la même date aux autres villes alliées latines et italiques[212]. Des mesures analogues paraissent avoir été prises pour la frappe d’espèces de cuivre ; elle cesse bientôt après, surtout comme frappe de monnaies de valeur. Hors de l’Italie, Rome semble s’être d’abord préoccupée de supprimer la frappe de monnaies d’or. Les Romains eux-mêmes ne fabriquèrent pas, comme on sait, en général de monnaie d’or avant César. Riais leur commerce se faisait déjà depuis longtemps principalement à l’aide d’or en barres, et il est très vraisemblable qu’ils ont, dès avant le temps où l’Orient fut, au sens propre, réduit en provinces, interdit, dans le territoire soumis à leur autorité, cette frappe de pièces d’or dont ils s’abstenaient eux-mêmes[213]. La frappe de grandes monnaies d’argent est d’abord restée permise aux cités autonomes extra-italiques sous la domination romaine ou même n’y a commencé que sous cette domination. La frappe de monnaies conformes au système du denier romain leur a même, au début, parfois été permise. Au reste, tout doit avoir dépendu là des clauses des traités. Athènes, Massalia, Rhodes, les ligues de villes macédoniennes, les villes de l’Espagne citérieure, qui peuvent certainement être classées à cette époque parmi les alliés autonomes[214], ont, en qualité d’alliés dépendants de Rome, soit continué à frapper des pièces d’argent de grand modèle sur le type antérieur, soit, comme les Espagnols, commencé à en frapper seulement depuis la conquête et au pied romain. Ces monnaies n’avaient cours légal que dans le territoire où elles étaient frappées, ainsi qu’il va de soi et qu’il est attesté, même pour l’argent d’Osca frappé au pied romain, par les lieux de trouvailles et par les témoignages des écrivains[215]. La concentration du gros commerce dans les mains des négociants romains aura pourvu à la substitution pratique du denier romain au tetradrachmes attique dans son usage universel. — Mais, si les choses se sont passées ainsi aux débuts de la domination romaine, les Romains ne s’en sont pas tenus là. Lorsque l’occasion s’en est présentée, la frappe des grandes pièces d’argent a été limitée entre les mains des cités fédérées ou leur a été enlevée. Selon toute vraisemblance, la frappe de l’argent a cessé à Athènes après la prise de la ville par Sulla[216], à Massalia après sa prise par César[217] ; à Sagonte[218], à Apollonia d’Illyrie[219], et à Rhodes[220], elle n’a du moins pas duré jusqu’au Principat. A prendre les choses en bloc, on peut poser en règle, probablement déjà pour les derniers temps de la République et certainement pour le Principat, que la frappe de monnaies de valeur y a été retirée aux États autonomes dépendants et est devenue un privilège spécial de l’empire. Sans doute les exceptions ne font pas complètement défaut. De grandes pièces d’argent ont été frappées, du temps des triumvirs ou sous Auguste, par la ville autonome de Tripolis en Syrie[221], et par la confédération également libre de Lycie[222] sous Hadrien et Antonin le Pieux, par la ville libre d’Amisos dans le Pont, et par celle de Tarse et d’autres encore en Cilicie[223]. Les royaumes de Maurétanie, le royaume du Pont de Polemon, le royaume nabatéen en Arabie et surtout le royaume du Bosphore ont, tant qu’ils ont existé, frappé des pièces d’argent et même en partie aussi des monnaies d’or[224]. Le droit de frapper de petites monnaies est resté aux États autonomes : ainsi, par exemple, en Italie, les cités autonomes, après avoir été dépouillées du droit d’émettre des monnaies d’argent, continuèrent à émettre de petites monnaies de cuivre, ou même commencèrent à le faire, comme les villes autonomes de Copia et de Valentia fondées en Italie méridionale en 561 et 565. Mais le même droit fut accordé dans une large mesure aux cités sujettes. On ne voit pas en principe en cette matière de privilège accordé aux premières sur les secondes. Sous l’Empire, il semble avoir fallu partout, pour de telles émissions, une permission spéciale du gouvernement, à laquelle il est fait allusion à titre isolé, même pour des villes libres[225]. Cependant il est remarquable qu’en Afrique, en dehors de quelques cités de citoyens, le droit de battre monnaie n’a été exclusivement exercé que par des cités autonomes[226]. En ce qui concerne l’empreinte, l’effigie de l’empereur et le nom de l’empereur sont aussi plus fréquemment omis sur les monnaies des villes autonomes que sur celles des villes sujettes et des villes de citoyens[227]. La limitation du droit de battre monnaie entraîne nécessairement après elle d’autres limitations de la souveraineté monétaire, soit l’admission légale des monnaies de l’État dominant et la circulation dans les États alliés, soit la réglementation et le contrôle des émissions de l’État dépendant par l’État dominant, en particulier l’introduction du pied romain dans le monnayage autonome. Lorsque Athènes perdit le droit de frapper des tetradrachmes et ne put plus émettre que de la monnaie de billon, le denier dut nécessairement y être introduit et la monnaie de billon être mise en rapport avec lui. Cependant ces mesures pouvaient aussi précéder la limitation du droit de battre monnaie, et cela a probablement été le cas le plus fréquent : a Athènes par exemple, on a de bonne heure admis le denier au cours officiel et mis le, poids et le titre du tetradrachmes en relation avec ceux de, la monnaie romaine. Nous ne savons que peu de chose sur ces réglementations. A Athènes, du temps où le denier était la seule monnaie ayant cours légal et où il y avait à côté de lui une monnaie d’appoint autonome, l’ancienne drachme de six oboles devint à son tour l’obole du denier de l’empire, de sorte que ce denier se divisait dans le territoire d’Athènes en 6 drachmes locales et 36 oboles[228]. A cette drachme attique d’1/6 de denier ou, peut-on dire encore, au talent attique de 1000 deniers, correspondent les types de monnaie d’appoint établis pour d’autres cités autonomes également dépouillées du droit propre d’émettre des monnaies d’argent : le talent de Neapolis de 6 deniers, celui de Rhegion d’un ½ denier[229] ; de même celui qui sert de fondement à la désignation de la pièce de cuivre rhodienne du nom de δίδραχμον. La drachme provinciale des Romains étant comme le denier d’empire divisée selon le système de l’as, il y avait encore, dans ce maintien du système des drachmes et des oboles, une conséquence de l’autonomie[230]. — On peut rattacher à la même idée le fait que l’État client du Bosphore, de même qu’il frappe, des monnaies d’or, suit, pour sa monnaie d’appoint, un système de, division analogue mais non pas identique à la division duodécimale romaine[231]. Il n’a jamais été accordé aux alliés dans leur ensemble de privilèges personnels généraux tels que ceux qu’avaient les Latins relativement au commercium et à l’acquisition du droit de cité romaine. Le droit d’exil sans réciprocité qui fonctionne pour les États non latins est un privilège des citoyens romains : il assure au Romain qui déclare vouloir émigrer à Naples, non pas sans doute le droit de cité de cette ville, mais cependant l’entrée dans le peuple napolitain et par suite la sortie du groupe des citoyens romains. Mais, si un Napolitain vient à Rome, il n’y devient pas pour cela membre de l’État romain et son statut personnel n’est pas modifié. Un acte conclu dans les formes romaines avec un pérégrin est nul, l’institution d’héritiers et le legs faits entre Romains et pérégrins sont également nuls, que le pérégrin appartienne ou non à une cité alliée. Des privilèges particuliers peuvent bien avoir été accordés, quant au conubium[232], ou au commercium[233], à des étrangers ou à des cités étrangères isolées, en particulier dans la période antérieure à la guerre sociale pour favoriser le commerce entre les Romano-Latins et le, reste des Italiens autonomes et par suite la fusion des races. Mais il n’y a certainement pas eu de dispositions générales de cette espèce. Les avantages personnels accordés aux Italiens en matière militaire, en matière de douanes, rapprochaient leur condition de celle des Latins et ont essentiellement contribué à faire entrer dans une seule nation politiquement unie non pas seulement les cités latines, mais toute l’Italie ; il n’a jamais été accordé de telles faveurs aux membres des cités dépendantes ordinaires. |
[1] Les cités qui possèdent le droit de cité romaine, si limité qu’il soit, comme Capua et Cære, ne font pas partie des alliés italiques. Il est possible que, dans certaines d’entre elles, l’annexion ait été précédée par cette union militaire dépendante. Mais il n’y a pas d’indices précis qui indiquent nulle part un tel développement.
[2] La réglementation fixe de ces contributions navales peut n’avoir eu lieu qu’en 457, lors de la création des quatre questeurs de la flotte ; cf. tome IV, dans la théorie de la Questure, le début de la section des questeurs italiques. Mais l’obligation elle-même est certainement aussi ancienne que l’alliance.
[3] C. I. Gr. 5799 (sans nul doute authentique) ; cf. même recueil, 5491. 5152, et le volume du Sénat. Les autres expressions telles que στρατήγος, άγοράνομος, ταμίας, sont du grec général, et sont aussi probablement toutes et certainement la seconde, en même temps napolitaines.
[4] Assurément nous n’avons pas d’informations suffisantes sur les conditions de soumission définitivement imposées aux Samnites, et il est possible que cette réglementation ne soit intervenue qu’en 452, après la guerre de Pyrrhus.
[5] Ravenna était encore une ville fédérée en 665 (Cicéron, Pro Balbo, 22, 50). Cf. Hermes, 16, 33.
[6] C’est ce que montre la sentence arbitrale des Minucii de 637 (C. I. L. I, 199).
[7] Cf. mon étude sur cette liste, Rœm. Forsch. 2, 382 et ss.
[8] Sénatus-consulte relatif aux trois capitaines (C. I. L. I, n. 20) de 676, ligne 20.
[9] Dans le sénatus-consulte qui régla les relations avec Ambrakia en 567, par conséquent avant que cette ville appartint à l’empire, il était spécifié, ut... portoria quæ vellent terra marique caperent, dum eorum immunes Romani ac socii nominis Latini essent (Tite-Live, 38, 44, 4).
[10] Le consul de 622, P. Popillius se glorifie (C. I. L. X, 6950) de ce que : Prætor in Sicilia fugiteivos Italicorum conquæisivei — c’est-à-dire d’avoir fait la chasse aux esclaves des Grecs de l’Italie méridionale.
[11] La désignation officielle romaine nominis Latini ac socii n’était pas seulement incorrecte en elle-même ; elle n’excluait pas clairement les Athéniens et les autres alliés d’outre-mer étrangers à l’union militaire. La plus ancienne mention qui soit faite des Italici dans le sens postérieur, comme les détenteurs lu grand commerce dans les provinces, se trouve dans l’inscription d’Halæsa, C. I. L. X, 7459, si cette inscription appartient réellement à L. Scipio, préteur en 561. Ils sont en outre nommés ait sujet de la guerre des esclaves de Sicile de 622 (C. I. L. X ; 6950 ; Diodore, 34, 3, 2-r) ; à l’occasion de la guerre de Jugurtha en 643, à Cirta (Salluste, Jug. 36) ; dans l’inscription de Délos de 657 (Bull. de corr. hell. 4, p. 190). La réunion des Italici et Græci quei in insula negotiantur dans les inscriptions de Délos, Eph. epigr. IV, 77. V, 334, mérite d’être remarquée.
[12] Salluste (Jug. 36) et le continuateur de César (Bell. Afr., 36) les citent en Afrique ; Diodore, 5, 26, 3, les cite en Gaule.
[13] Cf. Hermes, 21, 411 et ss.
[14] Les καλίκιοι, mentionnés par Polybe, 30, 19, dans la description de la tenue d’un affranchi romain, sont appelés ύποδήματα Ίταλικά par Appien, qui reproduit ce passage, Mithr. 2.
[15] Les écrivains latins donnent la dénomination Italici aux insurgés de la guerre des Marses ; mais ils s’appellent eux-mêmes, sur leurs balles de fronde (Zangemeister, Eph, epigr. VI, p. 11), et ils sont appelés, chez les Grecs, Itali ; leur nouvelle capitale est aussi appelée, sur les monnaies, Italia et, chez les écrivains, Italica (Hermes, 21, 418, note 1).
[16] Hermes, 19, 29 et es. Les cités qui n’avaient pas été fondées par Rome, mais qui étaient organisées selon le type italique, comme Ravenna et Genua, peuvent aussi avoir été alors admises au droit de cité.
[17] Des inscriptions datées des Italici, analogues aux anciennes, se rencontrent pour les années c. 668 (Eph. ep. V, n. 184) et 680 à Délos (Bull. de corr. hell. 8, p. 146), pour 663 (C. I. L. III, 531) et 687 (C. I. L. III, 532 = Eph. ep. V, n. 1426) à Argos. Les negotiatores Italici d’Afrique dans le Bell. Afr. de César, 36, sont de même nature. Il faudrait aussi entendre dans le même sens les 'Ρωμαΐοι καί Ίταλοί nommés par Appien, Mithr. 22, au sujet du massacre de Mithridate, s’il ne fallait pas plutôt voir là une confusion de l’auteur. Tous les autres historiens ne nomment que les citoyens romains, et avec raison ; car la concession générale du droit de cité était alors déjà accomplie. En tout cas, les Romains sont incorrectement nommés à côté des Italiens ; car les premiers sont compris parmi les seconds.
[18] Les inscriptions non datées d’Italici semblent aussi être toutes antérieures à César. C’est un point incertain de savoir si les Romains avaient fait précédemment des dédications à Délos (C. I. Gr. 2285b et à ce sujet Eph. ep. V, p. 603) ; le plus ancien monument sûrement daté que je connaisse qui nomme les Romains au lieu des Italici est l’inscription des civeis Romanei quei Mytileneis negotiantur de l’an 723 (C. I. L. III, 455).
[19] Tite-Live, 4, 30, 1 : Æquorum legati fœdus ab senatu cum petissent et pro fœdere deditio ostentaretur. De même Capua, Tite-Live, 7, 31, 4. Un autre exemple dans Tite-Live, 31, Il. A l’époque où la prépondérance de Rome était reconnue, il était d’usage de former simplement la demande et d’attendre de Rome la fixation des conditions (Tite-Live, 42, 6, 8. c. 25, 4. 11).
[20] Tite-Live, 43, 6, 10.
[21] Polybe, 20, 9, 12. Tite-Live, 8, 2, 13. c. 19, 1. 37, 45, 2. 42, 8, le sénat réprouve les mauvais traitements prescrits par le consul de 581, M. Popillius, contre les Satielli deditos in fidem populi Romani. De même 8, 25, 3. 33, 38, 7. Dedere se et l’indicionem esse qui en résulte ne différent pas juridiquement d’in fidem se dare et de l’in fidem esse correspondant. On pense plutôt, dans le premier cas, à la reddition d’un vaincu et, dans le second, à une soumission volontaire : dans le premier, à l’absence de droit des individus soumis, dans le second, et la grâce du vainqueur ; c’est ainsi que, dans le droit privé, fides s’emploie principalement pour le lien de clientèle (lex repetundarum, ligne 10). Si Cicéron dit, Verr. 3, 6, 15, en parlant des Siciliens, in amicitiam fidemque populi Romani venire, c’est là une expression voilée pour désigner la sujétion légale. Les deux notions peuvent également ou se lier entre elles, ainsi que dans les textes cités plus haut, on s’opposer l’une à l’autre. In fide populi Romani esse est employé par Tite-Live, 8, 1, 10, en opposition à in dicione esse. Les Gaulois disent de même, 39, 54, 7 : Redisse se prius in fidem quam in potestatem populi Romani. Le consul de 513, Q. Catulus fait dans le même sens traiter moins durement les Falisques vaincus en invoquant l’idée Faliscos non potestati sed fidei se Romanorum commisisse (Val. Max. 6, 5, 1).
[22] La relation établie entre la sociorum formula et le lien personnel d’amitié dans Tite-Live, 41, 16, 7, et dans le décret d’Oropos de 681, est une translation incorrecte.
[23] La royauté vassale de Chypre fut retirée au roi Ptolémée par une loi romaine, par cette raison que le titre de socius ne lui avait pas encore été reconnu (Cicéron, Pro Sest. 26, 57). Un autre exemple frappant est fourni par la saisie de la Cappadoce en l’an 17 après J.C. Auguste reproche au roi des Nabatéens Arétas d’avoir pris possession du pouvoir sans l’aveu de son suzerain (Josèphe, Ant. 16, 9, 4). Archélaos, fils du roi des Juifs Hérode, attend, pour entrer en fonctions, qu’Auguste ait confirmé le testament de son père (le même, 17, 8, 4 et ss.). Il n’est pas besoin de dire que la casuistique qui considérait les traités des rois comme purement personnels avait son côté très pratique.
[24] V. tome I, la théorie des Actes conclus avec un État étranger, sur le Fœdus.
[25] Les traités avec Carthage étaient tous en la forme des fœdera (Polybe, 3,25 ; Tite-Live, 30, 13) ; amis ils ne fondaient comme effet durable que l’amicitia. Il en est de même des premiers traités avec les Samnites (Tite-Live, 7, 19, 4. 8, 2, 1) et d’autres cas nombreux.
[26] Cicéron, dans sa discussion du droit des cités fédérées, prend pour exemple les Latins, mais en montrant clairement qu’on ne les appelle pas de ce nom (Pro Balbo, 24, 54 : Latinis, id est fœderatis).
[27] Dans les listes des villes de Pline, pour la Sicile (3, 8), la Bétique (3, 1, 17), la Tarraconaise en général et ses conventus (3, 1, 18. c. 23-25, et 3, 5, 77), la Lusitanie (4, 22, 117), la Maurétanie (5, 2) et l’Afrique (5, 4, 29), les oppida Latinorum (Latina, Latii, Latinæ condicionis, Latio donata) sont sans exception après les cités de citoyens et avant les fæderata. Les derniers font donc partie des peregrini qui sont opposés aux Latins.
[28] Les reges avec lesquels Claude conclut un fœdus à Rome avec l’assistance de fétiaux (Suétone, Claud. c. 25) sont probablement des rois de Bretagne appartenant à l’empire, tels que Cogidumnus (Tacite, Agric. 14, C. I. L. VII, 11) ; s’il était venu à Rome, à cette époque, des rois n’appartenant pas à l’empire, nous le saurions sans doute. Pour l’époque de la République, il ne nous est rien rapporté de semblable.
[29] Ælius Gallus (dans Festus, v. Postliminium, p. 218) le montre de la manière la plus énergique par l’opposition aux postes et l’assimilation aux républiques indépendantes en traités avec Rome ; v. en outre Strabon, 17, 3, 27, p. 839. Quant au fond, la suite de nos développements montrera cette idée confirmée sous tous les rapports.
[30] Dion, 54, 9, oppose aux ένοπονδοι, qui sont administrés τώ πατρίω σφίσι τρόπω, l’ύπήκοον administré κατά τά τών 'Ρωμαίων έθη (de même, 38, 36. 41, 55) ; ailleurs (47, 39. 52, 19. 53,5) il oppose, dans le même sens, τό συμμαχικόν et τό ύπήκοον. L’autonomie légale et l’autonomie précaire sont là nettement séparées. Cependant précisément pour cela le cercle des ένοπονδοι est plus large que celui des fœderati : non seulement ce mot est appliqué aux reges socii (Dion, 40, 20. 41, 55. 52, 31), mais on y comprend même les villes que Cicéron oppose aux fœderatæ comme étant sine fœdere immunes et libers. — Ένορκος est aussi employé dans ce sens. Appien, B. c. 3, 102. Polybe, 6, 15, 8.
[31] Le droit de ville fédérée d’Amisos est attesté ; mais, d’après Strabon, 12, 3, 14, p. 547, elle reçut la liberté d’abord de César, puis d’Auguste, et, sur ses monnaies, elle s’appelle fréquemment έλευθέρα (Eckhel, 2, 313). Tyr s’appelle, sur une inscription latine (C. I. L. X, 4601), fœderata, en grec, très fréquemment αύτόνομος, Aphrodisias en Carie avait l’autonomie (C. I. Gr. 2845), et il est expressément fait mention du traité juré par les Romains ; mais le sénatus-consulte rendu à ce sujet (C. I. Gr. 2737) lui assure, en confirmant les droits qu’elle avait déjà, notamment ses lois et ses tribunaux propres, seulement la liberté et l’humanité légale la plus étendue. — Dans les listes de Pline, les villes fédérées de la moitié grecque de l’empire sont communément citées comme civitates liberæ, ainsi Athènes (4, 7, 24). Byzance (4, 11, 46) ; Aphrodisias (5, 29, 409) ; Amisos (6, 2, 6) ; Mopsos (5, 21, 91). Quand il est question ailleurs de fédérés chez les Grecs ou relativement au monde grec, par exemple dans la classification de Strabon, ou dans les récits du retrait de l’autonomie, c’est en général sous le nom de liberté que leur condition est désignée.
[32] Proculus, Digeste, 49, 15, 7, 1.
[33] Cela se comprend de soi. Mais cependant rien n’a produit de plus grandes confusions dans l’exposition de ce régime que le mélange des institutions juridiques des États qui appartiennent à l’empire et de ceux qui n’y appartiennent pas.
[34] C’est là le sens de la proclamation connue de 558, Polybe, 18, 46 (= Tite-Live, 33, 32). L’organisation des ligues était nécessairement liée à la conclusion des traités d’amitié. C’est par là que s’expliquent des indications comme celle de Polybe, 18, 47. Flamininus régla même la constitution des différentes villes de Thessalie, d’après les indications des titres de Kyretiæ (C. I. Gr. 1770) et surtout de Narthakion (Bull. de corr. hell. 6, 363). Nous possédons encore quelques titres de ce genre, la lettre du sénat aux habitants de Teos en Lydie, de l’an 561 (C. I. Gr. 3045), et celle adressée par le consul Cn. Manlius, en 566, à Heracleia en Carie (Lebas-Waddington, n. 588). Sénèque, De benef. 5, 16, c. 6, pense aux mêmes institutions.
[35] C’est ce que montre notamment la façon dont est traité le postliminium chez le juriste Ælius Gallus (dans Festus, v. postliminium, p. 218) ; car le postliminium ne peut fonctionner qu’entre États indépendants. Proculus qui écrit (sous les Claudiens) en se reportant par la pensée à cette définition sûrement traditionnelle, Digeste, 49, 15, 7, pr., repousse par conséquent la décision de Gallus. La même différence d’opinion reparaît au sujet d’une espèce concrète entre Cicéron, Pro Balbo, 11, 28 et Pomponius, Digeste, 49, 15, 5, 8, qui justifie ensuite la solution. C’est à la même question que se rapporte Cicéron, De orat. 1, 40, 182. La théorie ancienne se fonde sur l’indépendance réciproque des deux États. Ce Menander, que son maître romain aurait pu avant l’affranchissement revendiquer comme son esclave devant les tribunaux romains, n’aurait pas pu pour cela être réclamé par lui avec succès devant les tribunaux d’Athènes. Au contraire, même d’après les idées des Romains, son status devait, s’il retournait dans sa patrie, être apprécié selon les lois de celle-ci, par conséquent sa condition d’esclave romain et son acquisition du droit de cité romaine en résultant n’existaient pas légalement, le postliminium avait procédé relativement à lui, quoique Rome et Athènes ne fussent aucunement en état de guerre. De cette manière, un Romain devenu citoyen athénien peut redevenir Romain en vertu du postliminium et un Gaditan devenu citoyen romain (par exemple par une réduction en esclavage romain suivie d’un affranchissement) redevenir Gaditan en vertu da même principe (Cicéron, Pro Balbo, 12, 29). C’est là le postlimirium in pave ; ce que le Digeste, 50, 15, 5, 2, désigne de ce nom n’est ainsi nommé qu’improprement. La volonté de la personne dont il s’agit, à laquelle Pomponius, loc. cit., attache une valeur, importe bien pour le postliminium, in bello, mais non pour celui-ci ; car le droit de l’autre cité est reconnu ici, même à Rome. Si les jurisconsultes postérieurs n’admettent plus ces solutions, cela tient à ce qu’ils ne considèrent plus Athènes comme un État souverain égal en droit à l’État romain. Avec l’indépendance sa conséquence a disparu. L’idée d’un droit général de l’empire a prévalu ; et on exclut le postliminium partout où une poursuite légale romaine était possible.
[36] La distinction de la révocabilité et de l’irrévocabilité n’est pas faite expressément ici. Mais elle résulte de la nature de la liberté avec fœdus et sine fœdere (Cicéron, Verr., 3, 6, 13). Ce n’est que par cette raison que les cités fœderatæ peuvent mieux se défendre contre le gouverneur que les cités simplement liberæ, comme il résulte des témoignages de Cicéron sur le frumentum imperatum (Verr. 4, 9, 20 rapproché de 3, 73, 150. 5, 12, 56).
[37] Suétone, Gaius, 3 (Germanicus) libers ac fœderata oppida sine lictoribus adibat, où il pense à Athènes. Pline, Ép. 92.
[38] La distinction est faite de la façon la plus énergique par le jurisconsulte Proculus : il définit le liber populus, et il ajoute qu’il peut aussi être fœderatus. Les catégories constituées par les bats dépendants dont la liberté est garantie par un serment, par les États dépendants dont la liberté est reconnue, et par les cités sujettes sont fréquemment opposées les unes aux autres. Appien. B. c. 1, 102. Servius, Ad Æn. 3, 20. En Sicile, Cicéron, Verr. 3, 6, 13, distingue, relativement aux impôts, les deux civitates fœderatæ, quarum decumæ venire non soleant, les cinq cités sine fœdere immunes ac liberæ et les autres cités soumises à la dîme. En Bétique, Pline cite, 3, 1, 7, après les villes de droit latin, libertate (donata) VI, fædere III, stipendiaria CXX (cf. 3, 1, 12), où c’est sans doute par une erreur que les villes libres sont mises avant les fédérées. Dans la liste de Pline des trois provinces du nord de la Gaule (3, 4), les peuples fédérés et libres sont distingués exactement. Il y en a quatre des premiers (Carnutes, Hædui, Lingons et Remi) et onze des seconds d’énumérés. Les titres employés dans les inscriptions en Gaule et en Espagne correspondent à ces indications : les Remi sont souvent appelés fœderati (Orelli, 3841. Henzen, 5212), la ville des Helvètes colonia pia Flavia constans emerita Helvetiorum fœderata (Inscr. Helvet. 175) d’autres cités sont appelées liberæ en Gaule (Henzen, 5221 ; Comptes rendus de l’Acad. 1877, p. 34) et en Bétique (C. I. L. II, 2021. 2023). Si Pline, 5, 4, 29, cite, en Afrique, après les villes latines (parmi lesquelles il faut comprendre d’après sa place l’oppidum stipendiarium unum) oppida libera XXX et leur oppose les autres civitates ou nationes, il ne parait précisément y avoir eu là aucune cité admise au fœdus. Les mêmes villes sont aussi désignées souvent comme libres (par exemple, Utique est appelée par Cicéron, Pro Scauro, 44, amica populo Romano ac libera civitas), et encore en même temps comme immunes (Acholla : civitas libera et immunes, dans Bell. Afr. 33, 7, de même Leptis minor, eod. loc. 7 ; Pline, 5, 4, 23) ; mais il n’y a d’indiqués comme fédérés que les gens d’Utique, dans Cicéron, Pro Balbo, 22, 51, sans doute par une négligence d’expression. Cette division terminologique tripartite ne s’applique pas à l’Orient.
[39] Polybe, 4, 21, 5.21, 19, 9. e. 22, 7. 25, 5, 3. Pale, dans l’île de Kephallenia (C. I. Att. 3, n. 481) et les villes de Cilicie Mopsos et Sébaste (Eckhel, 3, 81) portent les deux désignations dans leur titre officiel. Dans Polybe, 18, 47, 6 = Tite-Live, 33, 34, 6, l’αύτονομίας n’est pas désignée par là comme étant différente de l’έλευθερία et comme constituant une condition meilleure ; mais Polybe relève pour les Orestes de Macédoine la suppression de la domination royale et pour les Perrhæbi non Macédoniens celle de la domination étrangère ; le régime juridique établi chez les uns et les autres est donc le même (Willamowitz).
[40] Seleukos II Kallinikos έβεβαίωσεν τώ δήμω (Magnesia près du Sipylos) τήν αύτονομίαν καί δημοκρατίαν (C. I. Gr. 3137, ligne 10 ; cf. ligne 65).
[41] Les nombreuses villes de Syrie et de Cilicie qui s’attribuent le titre αύτόνομος sur leurs monnaies, sont énumérées par Eckhel, 4, 263. Sont attestées par des inscriptions : en Syrie, Antioche (C. I. Gr. III, p. 1172, n. 4476 ; cf. Porphyre, chez Eusèbe, éd. Sali. p. 262), — Balanea (Renan, Mission de Phénicie, p. 107) — Gaza (C. I. Gr. 5892, sous Gordien), — Tyr (C. I. Gr. 5853, de l’an 174, après J.-C., cf. Strabon, 16, 2, 93, p. 757 et Dion, 54, 7) ; en Cilicie Mopsos (C. I Gr. 5885, sous Antonin le Pieux). — En dehors de ces limites, le titre est porté par Termessos en Pisidie, Tyana en Cappadoce, et, réuni avec acu0spa, par Pale dans l’île de Kephallenia. Sur Aphrodisias, cf. C. I. Gr., 2845.
[42] Etymologiquement socius est parent d’as-secla, sequi, secundus (Corssen, Aussprache, 2, 29, 153 ; Curtius, Griech. Etym. 58 éd. p. 460).
[43] Nous ne trouvons assurément l’expression employée que pour les marins de la marine de guerre, sans qu’il soit fait de distinction selon qu’ils sont Romains, étrangers ou esclaves, en général par opposition aux soldats de l’armée de terre reçus à bord (Tite-Live, 9, 38, 2. 21, 49, 7, c. 61, 2. 22, 11, 7. c. 31, 3. 25, 48, 6. 32, 23, 9 ; etc. ; Herm. Haupt, Hermes, 15, 154 et ss.), parfois aussi par opposition aux rameurs (Tite-Live, 37, 40, 9). Mais cette dénomination ne peut venir que d’une chose : c’est de ce que le gros de ces matelots était fourni en temps ordinaire par lés villes fédérées obligées au service de la flotte.
[44] C’est ce que montrent avant tout les habitudes de langage militaire bien connues du temps antérieur à la guerre sociale : les contingents des socii sont constamment ceux des alliés italiques, en règle générale sans qu’on ajoute de qualification pour préciser. Les socii nominisve Latini sont également opposés aux externe nations dans la lex repetundarum de 631-632 ; car, les choses considérées dans leur ensemble, les socii étaient alors des italiens et les non Italiens dés sujets. C’est aussi ce qui justifie l’expression sociale bellum (Tacite, Ann. 6, 12, etc.), quoiqu’on dise ordinairement plutôt Italici populi et bellum Italicum. Tite-Live emploie exceptionnellement l’expression socii et Italici populi, tandis que Salluste, Jug. 40, 2, dit, en paraphrasant la formule ordinaire, homines nominis Latini sociique Italici et qu’il met, 43, 4, les reges a côté des socii nomenque Latinum. Dans le même sens, la loi agraire détermine plus précisément les socii nominisve Latini par la mention de la formula togatorum. On trouve encore égaiement, dans lés Verrines, les socii et les exteræ gentes mis en opposition ; mais, à cette époque, les socii sont certainement tous en même temps des exteri. Le langage ancien continue là à faire sentir son influence.
[45] Cicéron, Pro Balbo, 9, 24. Le même, In Cæc. 3, 7. Suétone, Cæs. 25. Sous Marc Aurèle encore, les arvales font des vœux pour voir prospères : R[es publica populi Romani quiritium, imperium Roma]num, exercitus, so[ci, natione]s, quæ sub dicione p(opuli) Romani) q(uiritium) sunt (Henzen, Arv. p. CLXXVIII-CLXXX).
[46] C’est le cas de la formule amplifiée de Salluste, Jug. 40, 2 et de la relation de Tite-Live de la défection des villes fédérées dans la guerre d’Hannibal : Tite-Live, 27, 9, y place le Latinum nomen ou les Latini avant les socii, et il dit ensuite du refus de concours des douze colonies : Idem alias colonias facturas, idem socios.
[47] Cette violation surprenante de l’ordre chronologique et hiérarchique a sans doute exclusivement pour but de faciliter grammaticalement le discours : l’ordre socii nominisque Latini est plus commode que l’ordre inverse, parce qu’il met le membre de phrase indéclinable le second. En dehors des titres cités au § La ligue nationale latine, sur nomen Latinum, on trouve :
Socii ac nominis Latini, Tite-Live, 41, 8, 9. c. 9, 9.
Socii ac Latinum nomen, Tite-Live, 33,4. 37, 2, 6. 9. c. 39, 7. 40, 4, 6.
Socii ac nünien Latinum, Tite-Live, 35, 1, 5.
Nomines nominis Latini et socii Italici, Salluste, Jug. 40, 2.
Socii et nomen Latinus, Cicéron, Brut. 26, 99 ; De re p. 1, 19, 31. Salluste, Jug. 39, 2. Tite-Live, 43, 6. 39, 20, 3.
Socii et Latinum nomen, Tite-Live, 22, 27, 11. 34, 56, 5.
Latinum nomen sociique, Tite-Live, 27, 9, 1.
Socii nomenque Latinus, Cicéron, De re p. 3, 25, 41. Salluste, Jug. 43, 4. Tite-Live, 8, 3, 8. 10, 26, 34. 36, 3, 43. 41, 14, 10.
Socii Latinumque nomen, Tite-Live, 22, 57, 40.
Latini sosiique, Tite-Live, 27, 9, 2.
Socii et Latini, Cicéron, Verr. 5, 24, 60 ; Pro Sest. 13, 30 ; Pro Balbo, 8, 21 ; Læl. 3, 12.
Socii populi ac Latini, Cicéron, Pro Balbo, 8, 20.
Socii et Latium, Salluste. Hist. 1, 17. c. 41, 12, éd. Dietsch.
[48] On trouve très fréquemment, dans Tite-Live, socii Latini nominis ou socii nominis Latini employé de telle sorte que le génitif y dépend forcément de socii (29, 24, 14. 30, 41, 5. 38, 35,9.c. 44, 4. 39, 3, 4.40, 1, 5. c. 19, 6. c. 36, 9. c. 43, 7. c. 44, 12. 41, 5, 4. c. 9, 9. c. 14, 6. 43, 12, 7. 41, 21, 6) ; de même dans Asconius, In Pison. éd. Orelli, p. 17 : Nominis Latini socios. Par conséquent la formule, fréquente chez Tite-Live, socium Latini nominis (par exemple, 21, 55. 4. 26, 47, 1. 35, 20, 4. 37, 2, 2. 39, 3, 4. c. 20, 1. 40, 36, 6. 11. c. 4.5, 5. 43, 42, 3) ne peut pas non plus être considérée comme étant asyndétique dans la pensée de l’auteur ; les deux termes ont sans doute été conçus comme asyndétiques à l’origine ; mais, en présence de l’indéclinabilité du second, il était impossible de le manifester, et cela a fini par ne plus être senti. Cet obscurcissement du discours aura dénaturé le langage, en même temps que les Latins et le reste des populations italiques se mélangeaient en fait.
[49] Tite-Live, 22, 37, 7 : Milite atque equite scire nisi Romano Latinique nominis non uti populum Romanum. 43, 12, l’un des consuls reçoit un certain nombre sociorum nominis Latini, et à l’autre il est Latinorum major quam collegæ decretus numerus. Per. 20 : Eo bello (pour la guerre des Celtes en 529) populum Romanum sui Latinique nominis DCCC armatorum (Fabius ?] ha buisse dicit (ensuite vient, comme on sait, l’énumération de tous les contingents italiques). De même, 22, 7, 5, c. 50, 6. 23, 47, 8 (où l’expression alterne avec Latini nominis ac socii). 30, 43, 43. 37, 39, 7. 39, 20, 1. C’est pourquoi il ne faut pas non plus changer, dans 22, 38, 1, la lecture qui nous a été transmise : Dum socii ab nomine Latina venirent. L’expression n’est là ni meilleure ni pire que dans tous les textes rassemblés ici. — Si les Latini sont une quantité innombrable de fois compris parmi les socii il n’y a pas là une incorrection, mais seulement un emploi du mot fait dans un sens plus large que le sens rigoureusement technique, tout comme pour le grec Ces tournures se trouvant dans notre littérature exclusivement chez des écrivains qui décrivent les institutions du passé, leur langage constant doit être rattaché à la période ancienne ; mais on ne peut pas peser chaque phrase particulière au trébuchet, et il faut tenir compte des incorrections de langage. Cicéron, Pro Balbo, 8, 21 : Julia... lege civitas est sociis et Latins data, ne veut pas, nous montre la suite du texte, identifier les deux catégories ; mais il réunit, par une négligence de langue, la loi Julia relative aux Latins et la loi Plautia relative aux socii. La formule incorrecte : Socii et Italici populi dans Tite-Live, Per. 72, peut être mise au compte de l’abréviateur. Tite-Live, 41, 8, 9 : Lex sociis ac nominis Latini... dabat, ut cives Romani fierent, est très choquant, puisqu’il s’agit là indubitablement d’un privilège latin. Cependant il est cette fois difficile d’imputer la responsabilité de la faute aux copistes.
[50] La distinction du simple traité d’amitié et de la relation de société ressort de la manière la plus énergique dans les négociations entre les Romains et les Rhodiens en 537 (Polybe, 30, 5, 6 = Tite-Live, 45, 25 ; Polybe, 31, 1, 4. c. 7, 20) à la suite desquelles les seconds turent obligés de renoncer à leur amitié de 1-Wans avec Rome et de se faire incorporer dans l’alliance militaire (cf. Appien, B. c. 4, 66). Le roi Philippe reçoit aussi le conseil, quoniam pacem impetrasset, ad societatem amicitiamque petendam Romam mitteret legatos (Tite-Live, 33, 35, 5).
[51] Une conclusion révocable est inconciliable avec la nature de l’autonomie limitée. Niais il est accordé une exemption révocable de diverses charges pénibles qui y sont contenues (Appien, Hisp. 44).
[52] Dans le premier traité avec Carthage (Polybe, 3, 22), les Romains, qui traitent pour eux et leurs alliés, se font promettre que les Carthaginois ne feront de dommage à aucun Latin ; et le second (Polybe, 3, 24) laisse, d’une manière analogue, aux Carthaginois la liberté de prendre dans le Latium une ville non soumise aux Romains et d’en emporter les personnes et les choses. Nous avons déjà signalé l’opposition énergique qui est faite là entre les sujets alliés et les amis indépendants. — On ne peut dire avec certitude quelles expressions latines sont traduites par ύπήκοος et ύποτάττεσθαί τινι ; peut-être parere. — On comprend que, dans un langage rhétorique ou d’opposition, cette condition puisse être désignée comme une servitude. C’est ainsi que dans un titre carthaginois (Polybe, 7, 9, 13), les Romains sont désignés comme les maîtres des Kerkyréens, et que Cicéron (Verr. l. 1, 32, 81) appelle les gens de Lampsaque condicione socii, fortuna servi. Tacite, Hist. 21 81, parle même, sans idée d’accentuation spéciale, de reges inservientes.
[53] La clause majestatem populi Romani conservanto est interprétée par Cicéron, Pro Balbo, 16, 35, 36 ; de même, peut-être en partant de cette interprétation de Cicéron, Proculus, Digeste, 49, 15, 7, 1. On ne peut établir que cette formule ait été mise dans le traité d’une ville italique, et même ailleurs elle n’était pas dans tous les traités ; nous la trouvons dans le traité avec Cades conclu en 548 et renouvelé en 676 (Cicéron, loc. cit.) et dans le traité avec les Ætoli de 565 selon Polybe, 21, 32, 2 = Tite-Live, 38, 11, 2.
[54] Fœdus æquum peut signifier ce qu’indique le sens des mots, cela va de soi ; dans une série de textes de Tite-Live, (9, 4, 4. c. 20, 8, où il est opposé à in dicione esse. 34, 57, 8. 39, 37, 13) et dans Justin (43, 5, 10 : Fœdus æquo jure percussum, du traité conclu entre Rome et Massalia après l’incendie de Rome par les Gaulois), il ne peut non plus être compris que du traité public fondé sur la reconnaissance réciproque de la pleine souveraineté des parties. Mais le style officiel douceâtre désigne plutôt par là le traité qui établit l’hégémonie romaine sans contenir directement la clause de majesté. C’est ainsi que Proculus, loc. cit., les définit : Liber populus estis qui nullius alterius populi potestati est subjectus (il faut effacer sive). Is fœderatus est item, sine æquo fœdere in amicitiam venit sive comprehensum est, ut is populus alterius populi majestatem comiter conservaret. Car, puisque l’expression populus fœderatus ne peut être étendue aux cités qui ne font pas partie de l’empire et que la clause de majesté ne se trouvait pas selon Cicéron dans tous les traités conclus avec des cités fédérées de l’empire, Proculus ne peut avoir entendu par fœdus æquum que le traité qui fonde l’autonomie vassale sans clause directe de majesté et qui par conséquent suppose en la forme la souveraineté réciproque des deus contractants. On ne peut non plus comprendre que dans ce sens la désignation de l’alliance avec Camerinum comme fœdus sanctissimum et æquissimum dans Cicéron, Pro Balbo, 20, 46, et comme fœdus æquum dans Tite-Live, 28, 45, 20. C’est aussi avec raison que les Latins appellent, dans Tite-Live, 8, 4, 2, leur condition umbra fœderis æqui, et le traité avec Capoue est également considéré de cette façon dans Tite-Live, 23, 5, 9.
[55] Les traités que Rome conclut avec Carthage après la guerre d’Hannibal et avec le roi Antiochus après la bataille de Magnesia, restreignaient leur souveraineté d’une manière sensible et durable et les mettaient, au point de vue politique, dans la dépendance durable de Rome ; mais ces :tacs ne perdaient ni le droit de faire la guerre, ni celui de conclure des traites, et ils n’entraient pas dans une communauté d’armes perpétuelle avec Rome ; donc, au point de vue du droit public, ils ne peuvent être comptés que parmi les amici et non parmi les socii popudi Romani. Les villes grecques sont également, après la défaite de la Macédoine, Politiquement sous le protectorat de Rome ; mais la réponse de la ville de Chalcis au roi Antiochus selon laquelle elle ne veut conclure d’alliances que sur les indications (ex auctoritate) de Rome (Tite-Live, 35, 46, 13), prouve que légalement elle n’était pas empêchée d’en conclure.
[56] Le jurisconsulte Proculus compare très justement le droit des Romains sur les populi fœderati et liberi à la clientèle ; Cicéron dit, d’une manière analogue, De off. 2, 8, 27 : Illud (le gouvernement romain antérieur) patrocinium orbis terræ verius quam imperium poterat nominari, et Tite-Live, 37, 5i, 19, fait les Rhodiens parler du patrocinium receptæ in fidem et clientelam vestram universæ gentis (de même les Syracusains, 26, 32, S). Mais terminologiquement on n’emploie pas ici les mots cliens et clientela. — La position de Reine en face des États dépendants est encore moins considérée comme un patronales, quoique ce droit soit attribué, avec une précision technique, sur les colonies latines à celui qui les a déduites et sur les cités arrivées au fœdus par une dédition aux magistrats qui ont reçu la dédition ; l’obstacle parait avoir été ici que la cité, comme personne juridique, pouvait, dans l’ancien droit, difficilement exercer un patrocinium autrement que par l’intermédiaire de ses magistrats.
[57] La subsistance religieuse de la ligue des villes étrusques même sous la domination romaine est attestée soit par l’Ara de Cære, sur laquelle sont ou étaient représentées ces villes (sont conservées Tarquinii, Vetulonium, Volci), soit par le remarquable rescrit adressé par Constantin aux Umbri (Henzen, 5580), soit par divers titres de magistratures qui se rattachent à cela : le prætor Etruriæ XV populorum (Vita Hadriani, 19. Sénateurs : C. I. L. IX, 3667. XI, 5132 [= Mur. 767, 7], consul de l’an 168 ; XI, 2699 [= Orelli, 96] ; autres : C. I. L. XI, 1911 [= Orelli 97]. 2411. 2115 [= Mur. 4039, 1]. Henzen, 6183. 6497 = C. I. L. XI, 3361), dont la fonction est susceptible d’itération (C. I. L. XIV, 173 cf. p. 479, de l’an 184 ; C. I. L. XI. 4432) ; en outre l’ædilis Etruriæ (C. I. L. XI, 2116 [= Willmanns, 2092] 2120. 3257) ; un jurat(us) ad sacra Etruriæ (C. I. L. XI, 1848 = Orelli, 2182) ; un coronatus Tusciæ et Umbriæ du temps de Constantin (Orelli, 3866). D’après le rescrit de Constantin, les villes de Tuscie nommaient, selon l’ancien usage, chaque année un prêtre (sacerdos) et les villes d’Ombrie en nommaient un second, qui organisaient en commun, à Volsinii, la fête fédérale étrusco-ombrienne, accompagnée de spectacles Pt de jeux de gladiateurs (mentionnés aussi dans Orelli, 6183), et ce rescrit sépare la fête annuelle des Umbri de la tête étrusque et la transfère comme fête indépendante à Hispellum. Le premier prêtre, le coronatus Tusciæ et Umbriæ, ne doit pas être différent de celui que, selon les annales romaines, les villes étrusques nommaient annuellement pour les jeux à célébrer ad fanum Voltumnæ (sans nul doute à Volsinii) (Tite-Live, 5, 1, 5). Ce prêtre unique a forcément eu à ses côtés les pseudo-magistrats dont les noms mêmes indiquent le chiffre multiple ; conclusion à laquelle amène aussi la rédaction de l’inscription, C. I. L. XI, 2115. Le pays lui-même doit donc avoir été organisé en populos, et on a certainement élu chaque année au scrutin, dans l’assemblée du pays, ses deux prætores et ses deux ædiles ainsi que son prêtre annuel. Nous avons déjà remarqué que cette organisation trouve une analogie dans les deux préteurs nommés par les villes dés Latium jusqu’à la dissolution de leur concilium. Comme corps électoral, on ne peut penser qu’aux députés des différentes villes ; les dix premiers latins impliquent l’existence d’un sénat du pays correspondant à ces magistrats et qui était peut-être formé des magistrats des différentes villes présents à la fête. On ne peut savoir si les XV populi sont les douze villes étrusques augmentées de trois autres ou les douze villes étrusques réunies à trois cités représentant l’Ombrie.
[58] Les huit oppida sub dicione Prænestinorum (Tite-Live, 6, 29 ; Festus, v. Trientem, p. 363) et les villes tiburtines d’Empulum et de Sassula (Tite-Live, 7, 18, 19) ne pourraient pas être invoquées, lors même que les récits seraient mieux avérés et que l’on ne pourrait pas les considérer comme des vici ; car, dans ces récits, Préneste et Tibur sont en guerre avec Rome. En temps de paix, il n’y a pas d’exception à la régie.
[59] Des cités qui devaient un tribut aux Romains ont été plus d’une fois invitées à le payer en tout ou partie à une ville fédérée ; mais cela ne change rien légalement au caractère du tribut, ni à la dépendance directe de Rome seule. Nous reviendrons sur ce régime au sujet des lieux attribués.
[60] Les grands saltus, qui sont cités comme propriété de la colonie de Luca dans la table alimentaire de Veleia, se trouvaient en partie dans les territoires de Veleia, Parma, Placentia et dans les montagnes environnantes. Cicéron, Ad. fam. 13, 11. Sur les possessions crétoises de la ville de Neapolis, cf. C. I. L. X, p. 368, n. 3938.
[61] Gilbert, Griech. Staatsalterth. 1, 423. La distinction de ce système et du système postérieur des épimélètes a été correctement faite par Köhler, Athen. Mitth. 1, 267.
[62] Une date approximative est fournie par le fait que l’inscription des clérouques attiques de Lemnos (sans doute immédiatement avant l’an 588, C. I. Att. II, n. 593, rapproché de p. 422) montre encore l’ancienne organisation des clérouques et qu’au contraire l’inscription de Paros, de l’an 612 ou 637, nomme les épimélètes. L’inscription de Lemnos (Bull. de corr. hell. 4, 543), qui appartient à la même organisation ancienne des clérouquies, peut facilement se placer à une époque antérieure à l’organisation de la province d’Achaïe. C’est à la même époque qu’appartiennent, ainsi que l’a démontré Bœckh, C. I. Gr. 2270, les résolutions du conseil et du peuple des Athéniens habitant à Délos dont l’une se trouve dans le C. I. Gr. loc. cit., et dont deux autres inédites m’ont été communiquées par Th. Homolle. L’une de ces résolutions est présentée à la ratification du conseil et du peuple à Athènes.
[63] Rassemblés par Homolle, Bull. de corr. hell. 1879, p. 371.
[64] Rassemblés par le même, Bull. de corr. hell. 1884, p. 139.
[65] Inscription de Paros dédiée par le δήμος τών Άθηναίων, par les soins de l’épimélète, à L. Cæcilius Q. f. Metellus (Köhler, Athen. Mitth. 1, 258), qui ne peut être que le consul de 612 ou celui de 637.
[66] Henzen, Ann. 1848, p. 55.
[67] César, B. c. 1, 35.
[68] Une exception est faite par Antipolis, qui, sans changer de nom, a plus tard un statut municipal ; mais, en dehors de ce qu’il pouvait en être donné un à un côme massaliote ; l’assertion de Strabon, 4, 1, 9, p. 184, semble indiquer un débat juridique, suivi à Rome, dans lequel les Antipolitains auraient soutenu et fait reconnaître qu’ils étaient indépendants de Massalia.
[69] C. I. L. V, 7914. Strabon, 4, 1, 9, p. 184. Cf. C. I. L. V, p. 916.
[70] Après la paix avec Antiochos, on discuta si les Romains avaient attribué les Lyciens et les Cariens aux Rhodiens comme sujets ou comme alliés (Polybe, 22, 5, 7. 30, 5, 12). Dix ans plus tard, en 577, le sénat décida en somme dans le dernier sens (Tite-Live, 41, 6, 12 ; Polybe, 25, 4, 5, où l’ambiguïté de la réponse est relevée ; cf. 25, 5, 1). Après dix autres années, en même temps que les Rhodiens entraient dans la clientèle romaine, le sénat les déclara libres (Polybe, 30, 5, 12 ; cf. Tite-Live, 44, 15, 1. 45, 25), et les choses restèrent en cet état. Les Rhodiens sollicitent ensuite seulement que l’on protège les propriétés privées qui appartiennent là à leurs citoyens (Polybe, 31, 15, 3). C’est à l’époque où les Rhodiens avaient là des droits de suzeraineté qu’appartiennent leur stratège έπί τό περάν et les trois άγεμόνες έπί Καύνου, έπί Καρίας, έπί Λυκίας, (Röhl, Mitth. des athen. Instituts, 2, 224).
[71] Dans les possessions qui restèrent aux Rhodiens, il ne se trouve, ainsi que me fait remarquer Willamowitz, aucune localité dont l’existence politique indépendante soit attestée. Il en est ainsi même pour Kalynda (Polybe, 31, 15, 3. c. 16, 5). Les sacra sont ceux de Rhodes. — Les possessions accordées par Sulla aux Rhodiens au point de vue financier, mais sans droit de suzeraineté, rentrent dans la catégorie des cités qui devaient un tribu au Romains et qui étaient invitées à le payer en tout ou partie à une ville fédérée.
[72] Traité de 565 avec les Ætoli, Polybe, 21, 32, 1 (= Tite-Live, 38, 11, 3 rapproché de c. 8, 10).
[73] Strabon, 11, 3, 3, p. 665, dit de la ligue des villes de Lycie. Cette ligue avait donc encore théoriquement le droit de paix et de guerre sous Tibère ; et il peut en avoir été de même d’autres cités spécialement favorisées. Mais naturellement c’était là un droit dont on ne pouvait faire usage.
[74] Naturellement cela n’est vrai que pour les États entrés dans une dépendance en forme. Les Rhodiens prirent une position différente dans la guerre d’Antiochus ; mais ce ne fut qu’en 587 qu’ils entrèrent dans cette dépendance.
[75] C’est pour le Bosphore que nous rencontrons le plus nettement le droit de faire la guerre à l’époque récente (Rœm. Gesch. 5, 292 = tr. fr. 10, 87) ; mais il n’en était pas autrement pour la Maurétanie, la Cappadoce, l’Arabie, etc.
[76] Rœm. Gesch. 5, 421 = tr. fr. 10, 271. Ce droit fut même accordé, lors de leur constitution en 587, aux républiques de Macédoine, qui n’étaient pas légalement autonomes. Tite-Live, 45, 29, 14.
[77] Tacite, Hist. 1, 68 : Rapuerant pecuniam missam in stipendium castelli, quod olim (depuis longtemps, et non à l’époque ancienne) Helvetii suis militibus ac castellis tuebantur. Il ne faut pas omettre de remarquer que les Helvetii appartenaient alors aux peuples fédérés de la meilleure condition (Hermes, 16, 447).
[78] L’alliance latine, dans Denys, 6, 93, le dit expressément, et est confirmé par la relation des armements de 599, où la levée en masse rut en fait soit prescrite, soit projetée. Le silence des sources, en particulier pour la guerre d’Hannibal, est encore plus probant : s’il y avait en des maximums obligatoires, il devrait nécessairement en être question, notamment à propos du relus de service des douze colonies. Et la preuve du contraire est qu’elles sont invitées, à titra de peine, à fournir, comme infanterie, le double du nombre d’hommes le plus élevé auquel se soit porté leur contingent depuis le début de la guerre, et 120 cavaliers chacune (Tite-Live, 29, 15, 7). Même quant au fond, il serait contradictoire de déterminer un maximum absolu (et ce n’est que de celui-là qu’il peut être question) au moment de la fondation d’ana colonie ; car il était impossible de fixer légalement d’avance le nombre d’hommes qu’elle aurait plus tard à fournir.
[79] Cette restriction se trouvait sans doute expressément dans les traités : les dérogations à cette règle se présentent principalement dans la forme de congés donnés à des époques différentes (Tite-Live, 31, 8, 7. 10. 32, 1, 5. c. 8, 7. 43, 9, 2).
[80] Si, dans Tite-Live, 41, 8, 8, en 577, les Samnites et les Pæligni se plaignent des émigrations de leur patrie, qui n’empêchent pas qu’ils aient après comme avant le même nombre de soldats à fournir, il ne résulte de là que la stabilité de fait du contingent dans ces années de tranquillité. Il en est de même de l’offre des dix-huit colonies, dans Tite-Live, 27, 10, 3, de fournir plus de soldats qu’il n’en était demandé ex formula, et de la déclaration des douze colonies qu’elles sont à peine en état de fournir le simplum ex formula (Tite-Live, 29, 15, 12). De la disposition du fœdus des Mamertins, ut novem dare necesse sit (Cicéron, Verr. l. 5, 19, 59), or peut tout au plus conclure que Messana n’avait qu’un navire à fournir pour la flotte ordinaire, on n’a pas le droit d’en déduire que non pas le gouverneur, mais le gouvernement de Rome ne put pas en demander davantage au cas de nécessité. Il y a nécessairement eu une certaine classification dés diverses cités obligées, quoiqu’il n’en soit jamais question expressément.
[81] Cicéron, Verr. 5, 19, 49.
[82] C’est ce que prouveraient, s’il en fallait une preuve, les mots de Polybe, 2, 24, 4 et la mobilisation de 529 (Polybe, 2, 24) ; toutes les cités de l’Italie du Nord, et elles seules, sont appelées en même temps sous les drapeaux.
[83] Loi agraire de 643, lignes 21. 50 (p. 231, note 1), textes qui, complétés l’un par l’autre, donnent seuls la formule complète. Elle est abrégée dans Tite-Live, 22, 57, 10 : Ad socios Latinumque nomen ad milites ex formula accipiendos mittunt. 27, 9, 3 : Milites paratos ex formula esse. Dans Polybe (2, 24, 4), ils sont appelés αί συμμαχίδες πόλεις αί έκ τής Ίταλίας. Les indications particulières qui nous ont été conservées (Handb. 5, 397, note 3 ; E. Marcks, De alis, p. 16) sont parfaitement d’accord avec cela : on ne trouve pas parmi eux de troupes extra-italiques, et les cités anciennes ou coloniales latines l’emportent ; mais on trouve aussi des Perusini, des Étrusques, des Lucani, des Samnites, etc. Les Formiani et les Sidicini, n’appartiennent pas à ce cercle.
[84] Cette organisation ne peut être étudiée ici qu’au point de vue politique. Ce n’est pas le lieu de s’occuper des particularités militaires.
[85] Sans parler de la nécessité intime des choses, l’identité se révèle dans la similitude de terminologie. La exhorte de la légion est exactement aussi ancienne que la cohorte alliée. De même que la : cohorte de la légion est une réduction de la légion, c’est-à-dire la réunion d’un manipule de chacune des lignes (triarii, principes, hastati) avec les individus armés à la légère qui en dépendent, la cohorte auxiliaire en est également une. Le simple fait que le recrutement des alliés se fonde sur le cens (Tite-Live, 29, 15, 7) et est nommé d’un nom semblable au recrutement romain (Polybe, 6, 21, 5) suffit pour impliquer une identité essentielle de disposition des hommes.
[86] La colonie latine importante de Placentia fournit une cohorte (Tite-Live, 41, 1, 6) et une turma (Tite-Live, 44, 40, 6). Il est possible que des villes déterminées aient eu à fournir, à titre ordinaire, plusieurs cohortes ; mais il n’y en a pas de preuves certaines. Les deux cohortes de Camorinum dans la guerre des Cimbres (Val. Max. 5, 2, 8 et ailleurs) ne prouvent rien, en face du caractère national de cette guerre. — Nous n’avons pas de preuves extérieures du rassemblement ; ce peut être simplement par suite d’une généralisation ou de l’emploi d’une formule d’ensemble qu’il est question d’une cohors Pæligna (Tite-Live, 44, 40, 5), d’equites Latini (Tite-Live, 33, 36, 10). Mais, en présence de la nature des ligues de villes, un rassemblement ne pouvait guère être évité. — On ne peut aucunement conclure de ces tournures et de tournures semblables que le concilium des Pæligni par exemple ait envoyé un contingent aux Romains.
[87] Et non trois, comme on a voulu conclure de Polybe, 6, 26, 5 (Handb. 5, 396. Polybe, dans un langage assurément de nature à induire, en erreur, rapporte les douze præfecti sociorum à l’armée consulaire simple : la preuve en est dans la division des troupes qui sont sous leurs ordres en deux portions, une aile droite et une aile gauche (c. 26, 9), tandis que l’armée consulaire double à quatre alæ (c. 34, 1).
[88] C’est là la vacatio (= vocatio) ex fœdere de la lex Julia municipalis, lignes 93 et 103, qui a survécu même à la guerre sociale. Des cités alliées ont pu être exemptées tout entières, par exemple de la façon dont l’étaient les colonies maritimes ; mais nous n’en avons pas de preuves.
[89] Polybe, 6, 21, 5. Le chef de la cohorte prénestine assiégée dans Casitinum ; Tite-Live, 23, 19, 17, est le préteur de la ville ; l’inscription de Cora, C. I. L. X, 6527 : Q. Pomponius Q. f. L. Tulius Ser. f. praitores ære Marlio emerut se rapporte sans doute a ceci. L’attribution du commandement militaire. qui peut exister dans les cités de citoyens, faite encore au magistrat du lieu ou a son mandataire, est une imitation de cela, de même que tout le régime municipal n’est qu’une ombre de l’ancienne autonomie.
[90] Il n’est jamais question d’un serment prêté au général romain par les non romains ; car il n’y a tuas à tenir compte du serment en sous-ordre du camp, qui est reçu même des esclaves (Polybe, 6, 33, 1 ; Handb. 5, 386).
[91] Polybe, 6, 21 5 ; Tite-Live, 27, 9. — Ou peut rattacher à cela l’existence d’au moins trois questeurs dans la colonie latine de Venusia déduite en 463 (C. I. L. IX, 439) et d’au moins cinq dans celle de Firmum déduite en 490 (C. I. L. IX, 5351).
[92] Les cohortes de citoyens romains n’ont pas de chefs, mais les cohortes alliées en ont. Les chefs politiques des alliés exerçaient en même temps les fonctions d’officiers, résulte-t-il a la fois de l’analogie des consuls et des questeurs et des témoignages particuliers (Tite-Live, 25, 14, 4 ; Marquardt, Handb. 5, 996, note 7). Il y a de nombreuses questions qu’il faut laisser sans réponses : par exemple ; la façon dont s’opérait le rassemblement militaire de plusieurs contingents politiques ; le rapport dans lequel étaient, au point de vue des lois pénales militaires, les pouvoirs des officiers d’état-major romains et ceux des chefs locaux ; mais le principe est clair.
[93] Ce n’est pas ici le lieu d’étudier ce point en détail (Cf. Marcks, De alis, p. 21 et les auteurs qu’il cite). L’assertion de Polybe, 6, 26, 7, selon laquelle, au moins dans l’infanterie, les Romains et les Italiens se balançaient approximativement, exprime sans doute plutôt le principe politique, admis par exemple par Scipion, que la réalité des faits. Dans les exemples isolés, que nous trouvons en grand nombre dans Tite-Live pour la seconde moitié du VIe siècle, les seconds l’emportent communément en nombre, sans pourtant que cela aine jusqu’à supprimer à l’égalité approximative. On ne trouve pas de chiffres proportionnels fixes, et les essais de découvrir en cette matière des règles précises ont été, à mon sens, infructueux. Il est probable que la surcharge des Italiens dans les levées s’est plus tard accrue. Selon Velleius, 2, 15, les Italiens fournissaient deux fois autant de fantassins que de cavaliers dans la dernière période qui précéda la guerre sociale, et ce doit être la vérité.
[94] Handb. 5, 499. Il n’y a pas, dans le territoire habité par les citoyens, de circonscriptions de recrutement de la flotte distinctes ; on y prenait pour ce service des individus astreints au service de l’armée de terre, et cela de préférence dans les couches inférieures qui n’étaient employées au service militaire qu’en cas de force majeure. L’essai fait par les colonies maritimes d’étendre leur vacatio rei militaris à la res navalis (Tite-Live, 30, 3, 4) montre combien elles étaient étrangères au service de la flotte.
[95] La liste des villes soumises à cette obligation qui nous sont connues est donnée R. M. W. p. 322 = tr. fr. 3, p. 197.
[96] Cicéron, Verr., 5, 19, 49. Les navires fournis par les cités non fédérées le sont, comme on le voit ici clairement, en vertu d’un autre principe juridique.
[97] Les Rhodiens ont fourni jusque sous l’Empire des navires pour la flotte. Dion Chrysostome, Or. 31, p. 620, compare les charges du temps de la République à celles du temps présent. Les subsides en argent qu’Hérode accorda aux Rhodiens (Josèphe, Bell. 1, 21, 11 ; Ant. 10, 5, 3) doivent aussi nécessairement être rapportés à la flotte de guerre ; car l’État, auquel allait cet argent, ne construisait pas de navires de commerce. Cf. Rœm. Gesch. 5, 248 = tr. fr. 10, 26.
[98] Cicéron, Verr. l. 5, 19, 50 ; ce qui d’ailleurs ne fut pas observé et ne supposait pas légalement aux réquisitions extraordinaires. Athènes et Massalia peuvent avoir eu des privilèges semblables. Lorsque les traités postérieurs, tels que ceux conclus avec Astypalæa et Termessos, ne disent rien de pareilles prestations, il y a là une renonciation tacite, qui d’ailleurs ne peut avoir plus d’effet que la renonciation expresse. On ne rencontre pas de telles exemptions pour l’armée de terre.
[99] Il n’y a guère eu de cités extra-italiques de droit latin à l’époque où le système de contingents de la République était en vigueur.
[100] Cette situation juridique se manifeste de la façon la plus claire dans Appien, Hisp. 44 : Ti. Gracchus conclut en 575 avec les Belli et les Titthi d’Espagne un traité juré, par lequel ils s’obligeaient notamment à fournir des troupes taux Romains ; les Espagnols prétendent cependant que remise leur a été faite des tributs et (selon le nom inexact donné à ce droit par Appien) des ξεναγία, avec raison, ajoute Appien, mais sans doute, selon l’usage romain, seulement jusqu’à nouvel ordre. Postérieurement il n’est guère question de telles stipulations. Il n’était évidemment pas possible de donner dans le territoire d’outre-mer, une application stable à l’obligation de fournir un contingent, et les arrangements conventionnels n’étaient ni nécessaires ni obligatoires pour les circonstances extraordinaires.
[101] Auxilia est employé par Salluste, conformément au sens du mot, pour toutes les troupes alliées (Jug. 43, 2. Si, 2), même lorsqu’il ne s’agit que des italiques (Jug. 39, 2), et, lorsque Tite-Live veut parler des non italiques, il ajoute exterarum gentium (Per. 72), externa (22, 37, 7. 25, 33, 6) ou provincialia (40, 31, 1). L’emploi du mot sans complément pour désigner les troupes auxiliaires de nationalité étrangère, les alienigenæ (Varron, 5, 90), les socii Romanorum exterarum nationum (Festus, Ép. p. 17) ne s’est sans doute introduit qu’après la guerre sociale, qui amena la disparition des auxilia italiques. Au reste, c’est la un terme purement militaire, et il désigne les divisions de non citoyens sans que l’on distingue lice sont des contingents d’États autonomes ou des levées de sujets.
[102] Après la guerre sociale, les togati disparaissent de l’organisation militaire. Quand il est question, sous le Principat, du droit à la toga, elle est opposée au pallium, et ce n’est pas tant aux pérégrins qu’aux Grecs qu’elle est interdite, si bien que l’Occident latin prend dans une certaine mesure la place des togati de la République.
[103] Dans les levées en masse des crises de la guerre civile, en n’a certainement pas omis d’incorporer dans les cadres romains les non citoyens propres au service ; on aura usé pour cela du droit du général de conférer la cité et peut-être en outre dune méthode analogue A celle qui donna naissance aux cohortes voluntariorum d’affranchis.
[104] L’ala, qui porte le nom de la cité fédérée des Vocontii doit avoir eu pour première origine la conscription opérée dans ce territoire (Hermes, 19, 45). Les peuples fédérés de la Gaule du Nord, tels que les Hædui et les Remi servaient aussi dans l’armée romaine On ne peut pas tirer de conclusions certaines de la présence de villes déterminées dans les inscriptions des soldats ; car il peut y avoir eu au service des volontaires venant de villes exemptes. Il y a encore moins à tenir compte de la non représentation de certaines villes et de certains pays dans les inscriptions de soldats que nous possédons.
[105] Hermes, 19, 49. Cela n’avait probablement pas lieu dans tous les États clients.
[106] L’égalité des gratifications accordées aux citoyens et aux socii Latini nominis est expressément indiquée an 574 (Tite-Live, 40, 43, 7) et 576 (Tite-Live, 43, 7, 3), sans doute aussi en 567 (Tite-Live, 39, 5, 17) ; il faut sans doute comprendre dans le même sens toutes les relations anciennes dans lesquelles il n’est pas fait de distinction ; l’attribution d’une demi-part seulement aux non citoyens en 577 excita du mécontentement (Tite-Live, 41, 13, 8).
[107] Nous connaissons une offrande faite avec le butin d’Ætolie de 565, qui revint à Tusculum (C. I. L. I, n. 534). Les inscriptions et les écrivains attestant des dédications faites par Mummius avec le butin de Corinthe note seulement à Rome, mais dans toute l’Italie et même à Parma dans la Gaule cisalpine et à Italica en Espagne (C. I. L. I, n. 544-546). Il n’était, pour ces présents du général, tenu aucun compta de la condition juridique des lieux gratifiés.
[108] Inscription de la colonie latine de Cora, C. I. L. X, 6527.
[109] V. tome IV, la théorie des Magistrats agris dandis adsignandis et coloniæ deducenda, sur l’adsignatio.
[110] V. tome IV, eod. loc. Selon la loi agraire de 643, ligne 24, on indemnise, en qualité de vetus possessor, pour la terre commune romaine qui lui est enlevée, non seulement le citoyen romain, niais le membre d’une cité inscrite dans la formula togatorum ; et il est question, ligne 31, du poplice deve senti sententia ager fruendus datas aux colonies et aux municipes des Latins et peut-être des Italiens en général. Cicéron, De re p. 3, 29, 41. Cf. C. I. L. I, p. 90. Il ne faut pas confondre avec ces terres les barres communes appartenant aux cités alliées elles-mêmes, comme par exemple celles de Genua d’après la sentence des Minucii. Dans les institutions municipales, les terres romaines données en jouissance à la cité et les terres communes municipales existent également les unes à côté des autres.
[111] Appien, B. c. 1, 36.
[112] Pour les vivres qui sont fournis aux soldats, il est fait une déduction sur la solde des citoyens ; mais il n’est rien compté aux alliés (Polybe, 6, 39, 15).
[113] Des contributions volontaires ont même été refusées, par exemple celle des Neapolitani en 537 (Tite-Live, 22, 32). L’imposition, en 550, aux douze colonies qui refusaient le contingent d’une contribution annuelle de 1 pour 1000 (Tite-Live, 29, 15, 9) ne fait que confirmer la règle ; au reste, cette disposition pénale est difficilement restée en vigueur jusqu’à la guerre sociale.
[114] Le type de la fédération extra-italique doit être cherché dans les relations avec Massalia et les autres État’s semblables, et l’obligation au tribut n’y est pas plus prise pour fondement que dans les traités italiques. Partout où il est tenu compte de l’obligation à l’impôt pour la classification des cités, les cités fédérées et libres apparaissent comme libres d’impôts, ainsi par exemple dans Appien et Cicéron.
[115] Dans les cas où nous possédons les actes de fédération, pour Astypalæa, Termessos, Aphrodisias, ou Il n’y est pas question de tribut, ou, comme dans le dernier traité, l’immunité est spécifiée expressément. — L’existence de l’immunité est attestée expressément pour les cités suivantes qui, en tant que nous connaissons leur condition légale, ont toutes possédé l’autonomie : en Gaule, Massalia (Justin, 43, 5, 40, placée par un anachronisme après l’incendie de Rome par les Gaulois) — en Afrique, Theudalis (Pline, 5, 4, 23), citée comme ville libre dans la loi agraire de 643 ; — en Achaïe, Sparte (Strabon, 8, 5, 5, p. 365), — Elateia en Phocide (Pausanias, 10, 34, 2. c. 4), — Pallantion en Arcadie (Pausanias, 8, 43, 1), — Amphisa (Pline, 4, 3, 8) ; — en Asie, outre les villes nommées au commencement, avant tout ilion. Rome lui fit obtenir déjà du roi Seleukos (probablement, Seleukos II Kallinikos : Droysen, Geschichte des Hellenismus, 3, 4, 387 = tr. fr. 3, 373) l’immunité complète (Suétone, Claud. 25). En conséquence, la liste de Pline, 5, 30, 424, accorde l’immunité à la ville, et Strabon, 13, 1, 27, p. 595. S’il fut décidé, sous Claude, ut Ilienses omni publico munere solverentur (Tacite, Ann. 12, 58) ou, selon l’expression de Suétone, loc. cit., s’il tributa in perpetuum remisit aux Iliens, cela ne peut s’entendre que d’une disposition confirmative et extensive ; Callistrate, Digeste, 27, 1, 17, 4 ; — Alabanda (une ambassade d’Alabanda renouvelle l’amitié avec les Romains, selon l’inscription Bull. de corn. hell. 10, 299 ; monnaie avec άτελείας Άλαβανδέων, Monnet, 3, 306, 14, exemplaire net dans la collection Imhoof ; Alabanda libera, Pline, 5, 29, 109) ; — Lycie, (Appien, B. c. 5, 7) ; — en Cilicie, Tarse (Appien, loc. cit. ; Lucien, Macrob. 21) ; — en Syrie Laodicée (Appien, loc. cit.).
[116] Les monnaies d’Alabanda (note précédente) sont absolument isolées.
[117] Le traité conclu avec les Belli et les Titthi espagnols en 575 le prouve.
[118] Polybe, 2, 12, 3, sur l’an 526 ; Tite Live, 22,33, 5 ; Josèphe, Bell. 8, 1, 6 (cf. Ant. 14, 4, 4) : Pompée rendit Jérusalem tributaire des Romains, tribut qui fut plus tard remis par César (Rœm. Gesch. 5, 501 tr. fr.11, 79). César donna au roi des Atrébates Commius l’immunité en même temps que le pouvoir (César, B. Gall. 7,76). Antoine imposa des tributs permanents aux princes institués par lui en Orient (Appien, B. c. 5, 75). Lucien, Alex. 57.
[119] Lorsque en 53 remise est faite à la ville de Byzance des taxes (tributa) pour cinq ans (Tacite, Ann. 12, 63), il peut difficilement s’agir là de la part appartenant à Rome dans les taxes sur la pêche du détroit (Strabon, 7, 6, 2, p. 320). La ville était, depuis la dernière guerre de Macédoine, alliée aux Romains, et elle n’avait sûrement pas été alors grevée d’un tribut ; mais elle eut sans doute sa condition définitivement réglée par Pompée lors de l’organisation de la province du Pont et de Bithynie, à laquelle elle appartenait (Pline, Ép. 43. 44), et il peut lui avoir alors été imposé un tribut. — Parmi les villes de la province d’Asie qui obtinrent, après le tremblement de terre de l’an 17, la remise des impôts avec d’autres faveurs (Tacite, Ann. 2,47), il y en a deux de libres, Magnesia près du Sipyle (Strabon, 13, 3, 5, p. 621) et Apolionidea (Cicéron, Pro Flacco, 29, 71). — Si le roi Hérode réconcilia les habitants d’Ilion avec Agrippa irrité contre eux, libéra les habitants de Chios de leurs dettes envers les procurateurs de l’empereur et de leurs impôts (Josèphe, Ant. 16, 2, 2), cela n’indique sans doute qu’une inobservation temporaire et un rétablissement de la liberté d’impôts. — Il est surprenant que l’immunité ne soit attribuée, dans les listes de Pline, qu’à quelques rares villes de droit pérégrin, — Theudalis en Afrique, les Locriens Ozoles et Amphisa en Achaïe, Ilion en Asie. Mais on ne peut pas déduire du simple silence du négligent compilateur que toutes les villes de ces provinces aient été soumises au tribut.
[120] Si divus Antoninaus (le fils de Sévère) Antiochenses colonos fecit salvis tributis (Paul, Digeste, 50, 15, 8, 5), Antioche, qui a reçu l’autonomie de Pompée, a donc payé un tribut, étant ville autonome ; et ici, dans une province impériale, il ne peut s’agir que d’une perception directe. — La concession par Sévère du droit colonial romain et de l’exemption d’impôts (jus italicum) à Tyr et Laodicée en Syrie, qui sont également de vieilles villes autonomes, ne prouve pas absolument qu’elles aient été antérieurement soumises a l’impôt ; la nouvelle distinction pouvait consister exclusivement dans la concession des droits de colonie, et d’autres témoignages attestent l’exemption d’impôts antérieure de Laodicée.
[121] L’oppidum stipendiarium unum (Castra Cornelia) que Pline, 5, 4, 29, indique après les 15 oppida civium Romanorum et l’oppidum Latinorum unique et avant les 30 oppida libera et les civitates tout court, doit avoir été d’une condition supérieure à celle des simples oppida stipendiaria appelés ici civitates ; la place qu’il occupe implique le droit de latinité combiné avec la soumission à l’impôt.
[122] Dans le plébiscite relatif aux Termessiens de 683 : Neive quis magistratus prove magistratu legatus neive quis alius facito neive inperato, quo quid magis iei dent præbeant ab ieisve auferatur, nisei quod eos ex lege Porcia (autrement inconnue) dace præbere oporiebit. A cela correspond les lettres de protectorat données par César aux Juifs (Josèphe, 14, 10, 2. 6) ; il est donc fait en première ligne allusion aux réquisitions militaires. Mais cela comprend également les fournitures faites moyennant indemnité pour l’entretien du gouverneur et de sa suite (Cicéron, Verr. 4, 9, 20). Les dispositions connues de la lex repetundarum de César sur le droit de réquisition du gouverneur et de sa suite dans les provinces (Cicéron, Ad Att. 5, 16, 3, etc.) s’étendent, tout au moins, aux États libres. Ce sont là les φιλικαί λειτουργίαι, qui, selon Strabon, pouvaient être réclamées même de la ville libre de Sparte.
[123] La question de savoir si cela a eu lieu, — si prior defexit, dit le serment (Tite-Live, 1, 24) — est tranchée non contradictoirement par les autorités romaines, à l’époque ancienne, sûrement sous l’influence prépondérante du collège des fétiaux. Le droit d’alliance de Fregellæ a été cassé de cette façon par les Romains en 629.
[124] Il est inutile de citer des preuves ; la conduite de Trajan à l’égard de la population d’Amisos est caractéristique à ce point de vue.
[125] Suétone, Aug. 41, où il s’agit de Cyzique, de Tyr et de Sidon (Dion, 54, 2). Des décisions pénales semblables sont rapportées pour Tibère (Tacite, Ann., 4, 36 ; Suétone, Tib. 37 ; Dion, 57, 24) ; pour Claude (Suétone, Claud. 25 ; Dion, 60, 17, 24) ; pour Vespasien (Suétone, Vesp. 8), pour Sévère (Dion, 74, 14). Sans doute il n’est là question nulle part que de la libertas ; mais il s’agit clairement de celle qui se fonde sur un fœdus. L’autonomie révocable, accordée à titre unilatéral, pouvait être retirée sans violation du droit théorique et être remplacée par l’administration municipale accordée aux villes sujettes. Par un phénomène surprenant, ces cassations se limitent presque absolument à la moitié grecque de l’empire ; en Occident, où les villes latines étaient cependant si nombreuses, on n’en rencontre que très rarement (Dion, 54, 25). — Les cassations de l’autonomie survenues du temps de la République, par exemple pour Fregellæ et les villes libres de Sulla, procèdent d’autres causes.
[126] Il n’y a pas, sous ce rapport, de différence entre les deux espèces de villes : la chose se comprend d’elle-même, et elle est expressément attestée par la façon dont sont traitées les civitates liberæ d’Afrique dans la loi agraire de 643.
[127] Ce principe est formulé, de la façon la plus énergique, dans la négation de l’autonomie, c’est-à-dire dans la deditio. Les vaincus livrent, dans Tite-Live, 1, 38, urbem, agros, aquam, terminos, delubra ; cf. Polybe, 36, 4, 2. A l’inverse, on trouve, dans toutes les lettres de liberté et les relations qui s’y rapportent, la concession de la propriété propre du sol ; cependant, dans les textes rédigés en langage rigoureux, on évite la formule usitée pour la propriété romaine et l’on emploie celle usitée pour la propriété pérégrine. Les Romains assurent aux Carthaginois, après les deux premières guerres, et urbem et agios (Tite-Live, 42, 24, 9) dans les négociations qui précédent la guerre de destruction de Carthage, cf. ce qu’ils leur assurent dans Polybe, 36, 1, 4, où l’omission de la ville indique le projet de la raser. Ces assurances données à Carthage et à Thisbæ concernent des villes qui n’appartenaient pas alors à l’empire. Mais, sous ce rapport, elles ne sont pas dans une autre situation que les villes libres appartenant à l’empire, auxquelles se rapportent les témoignages qui suivent. Plébiscite relatif à Termessos de 683. Sénatus-consulte de l’an 710 environ (C. I. Gr. 2737). César, Bell. Gall. 2, 23 (Pline, 3, 17, 106). Dion Chrysostome, 34, éd. Reiske, p. 36. La méconnaissance de cette propriété foncière est une violation du droit. Appien, B. c. 1, 102. Suétone, Tib. 79, se rapporte en partie à cela. — Nous nous occuperons, dans la partie qui suit, de la concession du droit de propriété foncière liée avec la sujétion, qui ne se rencontre qu’aux débuts du régime provincial romain.
[128] Plébiscite relatif à Termessos. Par conséquent, l’ager publicus populi Romani reste dans cette condition, quand il est régulièrement affermé ; s’il ne l’est pas ou s’il l’est illégalement, son usus fructus (car c’est évidemment à cela que se rapporte en première ligne cette expression) est accordé aux Termessiens.
[129] Cela se manifeste plus clairement que partout ailleurs dans la décision de Trajan (dans Pline, Ép. 92. 93) sur les clubs existant dans le Pont et spécialement à Amisos, civitas libera et fœderata : il faut les défendre dans les cités qui font partie de l’empire ; à Amisos, cela ne peut être fait qu’en cas de force majeure. Le compétent Strabon, 17, 3, 24, p. 839, distingue, comme divisions générales de l’empire romain : les provinces, les villes fédérées, enfin les δυνάσται, φύλαρχοι, ίερεις. Absolument de même Cicéron, Pro Balbo, 4, 9. C’est pourquoi l’introduction du gouvernement provincial ne s’étend pas à ces villes (Suétone, Cæs. 25). Proculus appelle, dans le même sens, externi les villes fédérées par rapport aux Romains, et il admet le postliminium entre elles et les Romains. — Si ce que dit Josèphe des villes de Syrie auxquelles Pompée donna l’autonomie (Ant. 14, 4, 4 ; Bell. 1, 7, 7), cela doit peut-être être rapporté au maintien du droit d’impôt.
[130] V. Tome III, la partie du Consulat, relativement à la juridiction du consul sur le territoire militiæ.
[131] Sénatus-consulte relatif à Chios de l’an 674 (C. I. Gr. 2222). Strabon, 4, 1, 5, p. 181. Le même, 4, 4, 12, p. 187, c. 4, 6, 4, p. 203.
[132] Germanicus entra à Athènes avec un seul licteur, par conséquent sans licteurs (v. tome II, la théorie des Faisceaux, sur leur caractère de signes de l’autorité souveraine).
[133] Cicéron, De prov. cons. 3, 6. Plutarque, Pomp. 10. Parmi les villes de conventus de l’Asie, (Marquardt, Handbuch, 4, 340) il n’y a qu’une ville libre, Alabanda, pour laquelle l’exception est signalée (Pline, 5, 29, 109).
[134] Utique, Hadrumète, Thapsus, en Afrique, Gades, en Espagne, sont des villes libres qui sont en même temps le siège d’un conventus. Cf. Marquardt, Handb. 4, 80 = tr. fr. 8, 408.
[135] Suétone, Vesp. 8. Dion, 60, 17.
[136] Cicéron, Phil. 2, 38, 97.
[137] Pausanias, 7, 17, 2, raconte la proclamation de la liberté de toute la province d’Achaïe par Néron. Il faut donc que le gouverneur ait été supprimé. Il aurait pu être maintenu pour les deux villes de citoyens de Corinthe et de Patræ ; mais on doit y avoir pourvu autrement à la juridiction.
[138] A la vérité, cela n’a pas été étendu à l’Espagne, lorsqu’elle a reçu le droit de latinité.
[139] La disposition selon laquelle les Romains ne pouvaient pas mettre de garnison dans une ville alliée, doit avoir eu anciennement une grande importance en Italie ; mais nous n’avons aucun renseignement sur son application à cette région. Les annales rapportent sur l’an 555 (Tite-Live, 32, 3, 5) : Les habitants de Gadès obtinrent aussi sur leur demande qu'on ne leur enverrait pas de préfet; ce qui était contraire à la capitulation signée par eux avec L. Marcius Septimus lorsqu'ils s'étaient soumis au peuple romain. La suppression des garnisons de la Grèce à la suite de la proclamation de sa liberté par Flamininus, proclamation dans laquelle cette suppression est d’ailleurs expressément spécifiée, est d’accord avec ce principe (Polybe, 18, 46, 5 ; cf. Tite-Live, 34, 50, 8. 35, 46, 10).
[140] Lettres de liberté de Termessos de l’an 683. Les lettres de protectorat données aux Juifs par César dans Josèphe, Ant. 14, 10, 2. 6, sont rédigées en termes semblables (cf. Rœm. Gesch. 5, 501 = tr. fr. 11, 79).
[141] Tite-Live, 23, 20, 2, sur l’an 538. Dans la lex repetundarum de 631-632, ligne 79, le choix est laissé au Latin qui poursuit avec succès un citoyen romain pour concussion entre l’acquisition du droit de cité romaine et la militiæ munerisque poplici in su[a ceiv]itate [vacatio]. cf. la partie des Sujets.
[142] V. tom. IV, la théorie de la Censière, à la section des Vectigalia, sur leur mise à ferme. Plébiscite relatif à Termessos. Cicéron, De prov. cons. 3, 5, cite le vectigal ac portorium Dyrrachinorum. C’est aussi à cela que se rattache le tarif de douane de Palmyre, du temps d’Hadrien (Dessau, Hermes, 19, p. 486 et ss.).
[143] Les expéditions que Verrès fait des ports de Sicile, entre autres de ceux des villes libres de Messana et d’Halæsa (Cicéron, Verr. l. 2, 73, 185), sans payer de droits de douane, sont représentées comme une spoliation des fermiers de ces droits (op. cit. 70, 171 et ss.), mais c’est évidemment uniquement parce qu’il fait usage, dans les ports romains et non romains, pour son propre intérêt privé de l’exemption douanière attachée à ses fonctions (op. cit. c. 72, 176. c. 74, 182).
[144] Plébiscite relatif à Termessos.
[145] Ainsi, en 507, à la ville d’Ambrakia, et avant tout aux Athéniens, lors du transfert de l’île de Délos, qui leur fut fait, en 588, sous la condition de la déclarer port libre ; les conséquences sont suffisamment connues (Polybe, 31, 7). Le point jusqu’auquel les Romains allèrent dans cette voie est attesté par l’ordre adressé aux Juifs, avant la constitution de la province de Syrie, d’accorder la liberté douanière dans leurs ports au roi d’Égypte (Josèphe, Ant. 14, 10, 22).
[146] Parmi les nombreux témoignages qui montrent l’autonomie fédérale fondée sur les suæ leges, on peut relever les suivants. Sénatus-consulte de 673 relatif à Stratonikeia (Bull. de corr. hell. 9, p. 437), ligne 42. C. I. Gr. 2222. Plébiscite de 683 relatif à Termessos (C. I. L. I, n. 204). Sénatus-consulte relatif à Aphrodisias (C. I. Gr. 2737). Tite-Live, 9, 43, 23. 29, 21, 7. 45, 29, 4. Trajan à Pline (Ép., 92, 93). Dion, Or. 34, éd. Reiske, p. 36. — Au reste la même formule se rencontre à l’égard des États avec lesquels Rome est seulement en relations d’amitié, par exemple dans la proclamation de Flamininus aux Achéens et ailleurs encore (Tite-Live, 9, 4, 4. 37, 32, 14. 38, 39, 12).
[147] Strabon 17, 3, 24, p. 839. César rendit à Commius, roi des Atrébates les jura legesque de sa tribu (César, B. Gall. 7, 76).
[148] Aulu-Gelle, 4, 4, 3.
[149] Statut municipal de Salpensa, c. 22, et mon commentaire, p. 439. 459.
[150] Cicéron, Verr. 3, 40, 93. Les Romains ne sont pas exceptés.
[151] Papinien, Digeste, 42, 5, 37.
[152] Cicéron, Pro Balbo, 8, 21. Aulu-Gelle, 16, 13, 6, fait aussi entrer dans sa définition des municipes, qui à la vérité mélange l’ancien et le nouveau, les mots : Neque ulla populi Romani lege adstticti, nisi in quam populos eorum fundus factus esset. La cité qui possède ce droit semble être appelée municipium fundanum à la fin de la loi Julia municipalis ; tout au moins cette explication proposée par moi (Stadtrecht von Salpensa, p. 409) me parait préférable à celle de Savigny qui y voit la cité entrée de son consentement parmi les citoyens. Sur le mot, cf. surtout Festus, Ép., p. 89.
[153] Cicéron, Pro Balbo, 8, 20. 11, 27.
[154] Des exemples remarquables à ce sujet sont l’agitation en faveur du vote secret dans l’ancienne cité volsque d’Arpinum et le citoyen de la ville hernique d’Aletrium appelé Censorinus parce qu’il avait deux fois revêtu la censure (v. tome II, la théorie des Causes d’inéligibilité relative, n. 5, sur l’interdiction de l’itération de la censure). Il est difficile que la législation spéciale de ces cités ait constitué une anomalie sous ces rapports.
[155] V. tome IV, la théorie de la Censure, à la section de la confection des rôles des citoyens, sur la procédure suivie contre les défaillants.
[156] V. la même section, sur l’étendue du cens.
[157] V. tome IV, la théorie de l’Édilité moderne, sur le rang et les insignes des édiles curules, in fine.
[158] La dérivation du latin de l’osque aeidilis peut être établie indubitablement (Ascoli, Zeitschrift für vergleichende Sprachforschung, 17, 256). Car le dh primitif (sanscrit idh, αΐθω) est représenté, en osque, par un f, par exemple dans mefiait, latin media, sanscrit madhya. Joh. Schmidt.
[159] L’origine des formes que l’on trouve à la place de quæstor, en ombrien kvestur, en osque kvaeisstur, ne peut se déterminer linguistiquement avec certitude. Nous n’avons pas de preuve extérieure pour le latin quærere ; le latin qu peut être le sanscrit çv, et il a pour correspondant régulier en osque-ombrien kv ; exemples : sanscrit açva-s, latin equos, ombrien ekvine ; sanscrit dàça, latin decem, decu-, ombrien tekvias, osque dekvkeiareiem. Joh. Schmidt.
[160] Censor se dit en osque keenzstur, censtur, kenzsur ; linguistiquement l’on ne peut pas non plus là fournir la preuve de l’emprunt, me fait remarquer Schmidt.
[161] Embratur sur les monnaies de la guerre sociale.
[162] Senatus aussi dans des textes osques et falisques.
[163] Dans le statut de Bantia.
[164] Il figure dans une inscription de la colonie latine de Venusia (C. I. L. IX, 438) et dans le statut municipal de la ville fédérée lucanienne de Bantia qui sont, le second sûrement et la première probablement, antérieurs à la guerre sociale. II a disparu du régime municipal postérieur.
[165] Tite-Live, 35, 7. La loi Furia sur le cautionnement, applicable seulement in Italia (Gaius, 3, 121 a. 122), concernait le même cercle de personnes. En présence de la situation existante, notamment après l’extension des privilèges commerciaux à tous les Italiens, des dispositions de ce genre devaient nécessairement être prises.
[166] V. Tome 1, la théorie du Droit d’agir avec le peuple, sur le lieu de publication des édits.
[167] Macrobe, Sat. 3, 17, 6.
[168] Par exemple le droit de cité s’achetait à Tarse pour 500 drachmes, et les u tisserands, c’est-à-dire la multitude sans fortune était ώσπερ έξωθεν τής πολτείας (Dion Chrysostome, or. 34, éd. R. p. 43 et ss.)
[169] Ulpien, Digeste, 50, 1, 1, 2. La loi Clodia donna d’une manière analogue au gouverneur de Macédoine juridiction sur les dettes d’argent des cités autonomes. A l’époque récente, il est souvent arrivé qu’une règle de droit romain fût étendue par une loi ou un sénatus-consulte aux provinces (Gaius, 1, 47, 185. Ulpien, 11, 18. 20).
[170] Ce que dit Cicéron, Pro Balbo, 8, 22, doit être exact quant au fond.
[171] Cicéron, Pro Balbo (prononcé probablement en 698), 14, 32. Peu importe naturellement que les cités fassent partie de l’empire, comme les Cénomans, ou n’en fessent pas partie, comme les barbari ex Gallia.
[172] Cicéron, Pro Balbo, 8, 21 et Ad fam., 13, 30.
[173] On ne peut comprendre autrement la concession du justum exilium.
[174] Cicéron, Pro Balbo, 8, 19.
[175] Ulpien, Digeste, 1, 5, 17 : In orbe Romani qui sunt, ex constitutione imp. Antonini cives Romani effecti sunt (d’où incorrectement Justinien, Nov. 73, 5). Dion, 77, 9. Vita Severi, 1. Augustin, De civ. dei, 5, 17. Sur le caractère personnel de cette constitution et sur les catégories qui n’y sont pas comprises, cf. Hermes, 16, 474 et ss. [Dans le système de la monarchie de Dioclétien et de Constantin, celui qui appartient à une cité de L’empire organisée selon le type urbain est par lit même citoyen romain et, quelles qu’aient été la rédaction et la portée primitive du teste d’Ulpien, c’est là certainement le sens dans lequel il doit être interprété dans la compilation de Justinien. Mais il ne faudrait pas croire que l’ancienne idée de la pérégrinité appartenant à l’empire eût disparu à cette époque. Elle a seulement diminué d’étendue et changé de nom. Les barbari ou gentiles d’un certain nombre de districts frontières appartiennent à l’empire comme les anciens pérégrins, et, comme en, ils sont exclus des lois personnelles romaines et soumis à leur droit propre. Dans un texte de la première moitié du Ve siècle, Théodoret (Έλλ. Παθημ. θεραπευντική, tract. 9, ad. Gaisf. p. 337 et ss.) décrit l’unité de législation réalisée en principe par les Romains sur tout le territoire, et il remarque notamment que les Athéniens et les Lacédémoniens vivant eux-mêmes a cette époque selon les lois romaines ; mats il constate qu’il y a un certain nombre de peuples des frontières, les Æthiopiens, les Saraceni, les Lazes, les Sanni, les Abasgi et en général les Barbares soumis aux Romains qui ne concluent pas leurs conventions selon les lois romaines. (cf. aussi Themistios, éd. Dindorf, p. 57). Ce qui est vrai dans l’empire d’Orient pour les Lazes et les Saraceni l’est dans l’empire d’Occident pour les Goths qui vivaient également en Italie selon leurs lois propres à côté des citoyens romains vivant selon les leurs, et leur statut personnel survécut même à la conquête de Justinien, ainsi que l’atteste, d’une manière à la fois tardive et frappant un acte fait à Brescia en 769 par un certain Stavila, cives Brixiantis vivens legem Gothorum (Cod. dipl. Langob. n. 38, col. 72). V. Neues Archiv, 14 (1888), p. 526, notes 2 et 4 ; p. 533 et 534.]
[176] Dittenberger a parfaitement établi l’effet de ce rescrit sur le titre C. I. Att. III, 1487, écrit avant 222 : les noms romains, qui sont en minorité dans les anciennes listes d’éphèbes, se trouvent dans celle-ci pour tous et se rattachent pour la plupart à Caracalla.
[177] Comme on sait, une partie du statut de Salpensa a été trouvée à Malaca avec des tables du statut propre de Malaca ; il n’y a qu’une explication possible ; c’est qu’une défectuosité du dernier exemplaire a été comblée par l’acquisition de celui de Malaca.
[178] V. tome II, la partie de l’Ordre des magistratures, sur l’occupation de l’édilité curule avant la préture et sur la relation du tribunat du peuple avec l’ordre des magistratures patriciennes.
[179] Sans aucun doute, tous les magistrats chargés de la fondation d’une colonie latine ont été chargés de faire cette codification, et la concession d’un statut municipal latin rentre aussi bien dans la notion de la lex data romaine que celle du statut local d’une cité de citoyens.
[180] C’est pourquoi les statuts municipaux espagnols du temps des Flaviens se présentent comme des leges datæ.
[181] Un pareil statut ne peut être considéré comme une lex data romaine qu’en sacrifiant la continuité de la constitution antérieure de la cité et de celle établie sous l’influence romaine. Lorsque Brixia changea sa qualité d’alliée contre le droit latin, ce changement fut légalisé par une résolution des Brixiani.
[182] Cn. Piso a du ressentiment contre les Athéniens (Tacite, Ann. 2, 55).
[183] La loi porte, lignes 8 et ss. : Pis pocapit post exac comono hafiest meddis dat castrid lov[frud] en eituas, factud povs tovto deivatuns tanginom deicans, c’est-à-dire Qui quandoque post hac comitia habebit magistratus de capite (castr - ne peut signifier autre chose) libero et pecunia, facito ut populus jurati sententiam dicant (c’est-à-dire juratus suffragium ferat). Puis il est établi contre l’infraction à ces dispositions une mulla fixe ou arbitraire alternativement, selon le système romain (v. tome I, la théorie de la Juridiction criminelle, sur les pouvoirs judiciaires attribués aux magistrats en général), et enfin les quatre délibérations préalables et la délibération définitive des comices judiciaires sont réglées comme il a été indiqué, par les mots : Suæ pis pru meddixud altrei castrovs avti eituas zicolom dicust = si quis pro magistratu alteri capitis aut pecunim diem dixerit.
[184] V. tome I, la théorie, de la Coercition, sur sa définition et son étendue.
[185] Si le sénatus-consulte de 674 (C. I. Gr. 2222) décide, relativement aux Chiotes, όπως.... οί παρ' αύτοΐς όντεν 'Ρω[μαΐο]ι τοΐς Χείων ύπακούωσιν νόμοις, cela doit sans doute s’entendre de la procédure criminelle. Je ne connais pas à ce sujet de dispositions expresses.
[186] On reprocha aux Rhodiens d’avoir mis en croix des citoyens romains (Dion, 60, 24) : aux Cyziceni d’avoir mis aux fers des citoyens romains (Dion, 57, 24 ; additis violentiæ criminibus adversum cives Romanos, Tacite, Ann. 4, 37, de même Suétone, Tib. 37).
[187] Il ne faut pas rejeter le témoignage d’Appien, B. c. 1, 22, selon lequel les juges de Gracchus avaient compétence sur les Romains et les Italiens, parce que nous ne pouvons pas établir à quelles quæstiones il se rapporte. La procédure repetundarum est étrangère à cela ; car elle ne peut être dirigée que contre des citoyens romains.
[188] Proculus (sous les Claudiens), Digeste, 49, 15, 7 2 : Et fiunt apud nos re ex civitatibus fœderatis et in eos damnatos animadvertimus. Cela ne veut certainement pas dire seulement que l’Athénien pouvait être déféré à un tribunal romain à raison d’un délit commis à Rome ; car la simple application du forum delicti commissi n’implique pas la mise à l’écart de l’autonomie fédérale,’que le jurisconsulte a visiblement dans la pensée. Sur l’intervention de la justice impériale, cf. tome V, la théorie de la juridiction criminelle de l’Empereur.
[189] Ainsi Cicéron reproche au gouverneur de Macédoine Cn. Piso les reducti exules Byzantium condemnati (Pro Sest. 26, 56) ou le rappel des rerum capitalium condemnati in liberas civitates (op. cit. 39, 84).
[190] Cicéron, De prov. cons. 4, 7 (cf. In Pis. 16, 37), reproche au gouverneur de Macédoine de s’être fait attribuer, à titre extraordinaire, par une loi le droit d’appeler devant lui en matière pécuniaire les populi liberi, malgré l’interdiction expresse de la loi repetundarum de César (ut tibi de pecuniis creditis jus in liberos populos contra senatus consulta et contra legem generi tui dicere liceret).
[191] C. I. Att. III, 18.
[192] Sur la relation de ces ambassadeurs proprement dits avec les envoyés analogues des cités de sujets et de citoyens, cf. la partie qui suit.
[193] Cela se présente particulièrement pour les conflits relatifs aux délimitations de territoires. On en trouve de pareils mentionnés entre la ville fédérée de Pisœ et la colonie de citoyens de Luna en 586 (Tite-Live, 45, 13) et entre la ville libre de Sparte et la cité de sujets de Messène peu après la destruction de Corinthe (Dittenberger, Syll. n. 240). Les plaintes de pillage adressées a Rome par les Oropiens contre les Athéniens (Pausanias, 7, 11, 4) et par les Leptitani contre le roi Juba (Bell. Agric. 91) sont de même nature.
[194] Le gouvernement romain intervient absolument de la même façon entre États Légalement indépendants, mais qui se trouvent plus on moins dans la sphère de son autorité ; on sait le rôle joué par de telles plaintes dans les guerres avec la Macédoine et avec Carthage. On rencontre aussi fréquemment une intervention, qui est au fond de même nature, dans les conflits entre cités de citoyens et de sujets. Le sénat intervient même, le cas échéant, dans les difficultés soulevées dans le sein des cités autonomes, pour lesquelles cependant il existe légalement une justice compétente ; les plaintes formées par les lieus attribués de Genua contre leur chef-lieu (C. I. L. I, 19,1) sont caractéristiques : les tribunaux du chef-lieu statuent : mais, sur la plainte des lieus attribués, l’affaire est définitivement réglée par un sénatus-consulte (cf. La partie des Lieus attribués). Il n`y a pas ici de limites en forme i Rome peut intervenir pour concilier tout différend survenu entre cieux cités autonomes ou pseudo-autonomes, et le sénat peut intervenir dans le mémé but partout où le gouverneur n’est pas compétent pour les cieux parties ou n’use pas de sa compétence.
[195] Dans le différend des Pisans et des Lunenses, le sénat envoie qui de finibus cognoscerent statuerentque, quinque viros. Les bornes du territoire de la ville fédérée de Genua et des localités qui lui sont attribuées sont également réglées ex senati consulto par une décision arbitrale (sententia) de deux sénateurs après une instruction de l’affaire faite sur les lieux. Lorsque des différends survenus entre deux villes grecques étaient soumis au sénat, il en renvoyait souvent la décision à un tiers ; ainsi celle du litige entre les Spartani et les Messeni aux Milésiens, celle du litige entre les villes non autonomes de Thessalie Narthakion et Meliteia aux Samiens, aux Colophonii et aux Magnetes (Bull. de Corr. hell. 6, 366), une affaire concernant les Adramyteni, également non autonomes, aux Andrii (C. I. Gr. 4359, b).
[196] Statut de Salpensa, c. 22, et mon commentaire, p. 434.
[197] C’est ce que montre le fragment législatif d’Ateste (Bruns, Fontes juris, 5e éd. p. 100) ; cf. Hermes, 16, 34.
[198] La disposition rapportée C. I. Gr. 2222, ne dit pas, pour les Romains vivant à Chios, qu’ils seront traités de la même façon que les Chiotes, mais seulement que les règles posées à Chios pour les procès entre Chiotes et étrangers s’appliqueront même aux étrangers romains, tout comme les Chiotes vivant à Rome étaient soumis, comme demandeurs et comme défendeurs, aux règles posées par le préteur pérégrin.
[199] Dans la loi sur Termessos de 683, la pratique suivie en 663 est indiquée comme devant faire loi : Quæ leges quodque jous quæque consuetudo L. Marcio Sex. Julio cos. inter civeis Romanos et Termenses majores Pisidas fuit, eædem leges eidemque jous eademque consuetudo inter ceives Romanos et Termenses majores Pisidas esto.
[200] Les calendriers des cités italiques antérieurement autonomes conservés à Rome après leur disparition politique pour leurs sacra confirment que l’autonomie implique un calendrier propre et qu’il disparaît avec elle. Le maintien religieux du mensis Flusaris (= Floralis) à côté de la date romaine dans la dédication d’un temple appartenant à Peltuinum de l’an 696 de Rome (C. I. L. IX, 3313) est de même nature.
[201] Stratonikeia (C. I. Gr. 2722), Aphrodisias (C. I. Gr. 2817, etc.) Cysique (C. I. Gr. 3664) ; la dernière ville a donc nécessairement recouvré postérieurement la liberté qui lui avait été enlevée par Tibère.
[202] Séleucie, Tyr, Sidon, Gaza, Ascalon, dont les hémérologies signalent les calendriers particuliers, étaient, nous en avons la preuve, autonomes. Héliopolis ne l’était pis ; mais ce calendrier, qui n’est pas, comme tous les autres calendriers de Syrie, une modification du calendrier macédonien, qui est un calendrier araméen, appartient sans doute au temple et non pas à la série politique.
[203] Ainsi Tyra en Mésie doit être classée parmi les villes libres à cause de la date : τρό ιγ' καλανδών Μαρτίων = Λανεώνος η dans l’inscription C. I. L. III, 781, de l’an 201. Naturellement la réciproque ne serait pas vraie ; de nombreuses villes libres d’Asie et de Syrie datent selon le calendrier provincial.
[204] L’usage de l’ère de Séleucides est attesté pour Antioche pour les premières décades de la domination romaine ; on ne la rencontre plus après l’an 713 de Rome (Eckhel, 3, 269). Je ne connais pas d’autres exemples.
[205] Thessalonique, que Pline, 4, 10, 36, appelle liberæ condicionis, a cependant employé, à côté de l’ère de la bataille d’Actium, celle de la fondation de la province de Macédoine de 608 de Rome (Marquardt, Handbuch, 4, 318). Probablement la ville reçut alors l’autonomie.
[206] L’ère pompéienne de 690, fréquente en Syrie, appartient, comme on sait, aux villes auxquelles Pompée donna l’autonomie lors de la prise de possession du territoire par les Romains ; Evagrius, Hist. eccl. 2, 12, dit expressément pour Antioche άγούσης τής πόλεως έτος τής αύτονομίας. — L’ère de Tyra doit aussi, puisqu’à en juger par son calendrier c’était une ville libre, dater de son autonomie, qui entra certainement en vigueur au moment même de l’annexion de cette contrée à la province de Mésie.
[207] Par exemple, nous trouvons en Cilicie des ères partant de dates certaines : à Mopsuestia, de l’an 686 de Rome (Imhoof, Monn. grecques, p. 362, et dans Sallet, Zeitschrift für Nurmismatsk, 40, 294) à Alexandreia près d’Issos et à Pompeiupolis (Imhoof dans la Zeitschrift de Sallet, 40, 296) de l’an 689 de Rome ; à Ægeæ, de 707 de Rome ; à Anazarbos, depuis Trajan, de 735 de Rome ; dans la même ville, sous Néron et Domitien, et à Augusta de l’an 20 de l’ère chrétienne ; à Ireropolis ou Neronias, de l’an 59 après J.-C. ; à Flaviopolis, de l’an 74 après J.-C. Parmi ces villes, il n’y a que llopsuestia et Ægeæ qui aient eu sûrement l’autonomie, et les autres l’ont eue difficilement. Mais aucune de ces ires ria petit être regardée comme partant de la congnète romaine ; elles ont toutes nécessairement d’autres causes ; certainement, pour Pompeiupolis (l’ancien Soloi) et pour Flaviopolis, la nouvelle fondation de la ville et son changement de nom, En réalité, il suffit de rappeler l’ère partant de la fondation de la ville qui se remontre même dans des cités de citoyens, pour réfuter l’opinion selon laquelle l’existence d’une ère distincte serait un criterium établissant la liberté de la ville.
[208] Έπί Ούάρου, sur des monnaies d’Antioche, des années 748-750 de Rome (Eckhel, 3, 275 ; Res Gestæ, 2e éd. p. 166). Je ne trouve pas de façons de dater semblables dans les villes libres de la province d’Asie.
[209] R. M. W. p. 317 = tr. fr. 3, 130.
[210] Le trésor de Vicarello a montré que les monnaies des cités autonomes ne circulaient pas à Rome. On y a trouvé des monnaies de frappe campanienne avec la légende Romano en grande quantité, et les autres monnaies de Campanie seulement à titre isolé ; c’est donc que les premières avaient cours à Rome et les secondes non (R. M. W. p. 212 = tr. fr. 1, p. 252).
[211] La concordance intime et la simultanéité approximative des mesures développées ci-dessous, que j’ai exposées, R. M. W. p. 349 et ss. = tr. fr. 3, p. 490 et ss., sont évidentes. Il n’est pas nécessaire ni soutenu qu’il y ait pu par exemple une simultanéité absolue entre la frappe du premier denier et la fermeture du reste des ateliers monétaires frappant de l’argent en Italie ; au reste nous ne pouvons discuter, ici les diverses données chronologiques.
[212] La défense de la frappe propre n’empêchait pas naturellement l’ouverture d’ateliers monétaires romains ; il y en a eu, par exemple à Viho et à Crotone, pour la frappe des victoriats.
[213] R. M. W. p. 689 = tr. fr. 3, p. 277. La cessation de la frappe de l’or dans les États des diadoques ne peut pas sans doute être ramenées à l’influence romaine ; mais le défaut presque complet de monnaies d’or de Macédoine postérieures à Persée et en général de monnaies d’or des Mats autonomes soumis à l’influence romaine ne peut que difficilement être une suite du cours naturel des choses.
[214] R. M. W. p. 668 tr. £r. 3, p. 243. Zobel, dans les Monatsberichte de l’Académie de Berlin, 1881, p. 815 et ss. Ce ne peut pas être là une frappe militaire romaine ; car les légendes sont toujours ibériques et les pièces se rencontrent exclusivement en Espagne. Les monnaies seules nous fournissent quelques renseignements sur la condition des villes espagnoles sous la République. Toutes les villes admises à la frappe de grandes pièces d’argent avaient l’autonomie, qu’elles aient frappé, comme la plupart, des deniers et des quinaires ou, comme Sagonte, de même que Massalia des victoriats (cf. Zobel, loc. cit. p. 816).
[215] Les deniers espagnols, qui se rencontrent en général mêlés, peuvent sans doute avoir eu cours dans toute la province citérieure, par conséquent appartenir dans une certaine mesure à la ligue des villes, de même que les monnaies d’une des confédérations macédoniennes devaient être reçues dans toutes les villes y appartenant.
[216] R. M. W. 692 = tr. fr. 3, 233.
[217] R. M. W. 675 = tr. fr, 3, 233.
[218] Toutes les monnaies d’argent de Sagonte (cf. Zobel, Comm. Mommsen. p. 403 et ss.) ont seulement une légende ibérique ; on ne trouve de légende bilingue ou exclusivement latine que sur les pièces de enivre. Par conséquent la ville peut n’avoir acquis le droit de cité romaine qu’elle possédait sous Auguste, que peu de temps auparavant.
[219] R. M. W. 399 = tr. fr. 2, 100.
[220] R. M. W. 706 = tr. fr. 3, 305.
[221] Eckhel, 3, 376. La monnaie la plus récente est de l’an 32 de l’ère pompéienne, = 722 de Rome. Le pied divergent du pied provincial syrien (R. M. W. p. 37 = tr. fr. 4, 47) s’explique par l’autonomie de la ville. — On rencontre aussi à Antioche, sous Auguste, une frappe de même nature très peu abondante (Pick, dans la Num. Zeitschrift de Sallet, 14, 311).
[222] R. M. W. p. 740 = tr. fr. 3, p. 311.
[223] Les monnaies d’argent d’Amisos (R. M. W. 709 = tr. fr. 3, 309), qui sont toutes datées, se placent dans les années 130-130 et 156. Les grandes pièces d’ardent des villes libres de Cilicie Tarse (Mionnet, 3, 624, 422-424, etc.) et Mopsuestia (Löbbecke, Zeitschrift für Numismatik, 10, 80 ; Imhoof, Monn. grecques, p. 361) sont contemporaines et analogues. C’est seulement à ces émissions que se rapporte la question de droit rapportée par le jurisconsulte Scævola qui vit sous Marc-Aurèle (Digeste, 46, 3, 102, pr.) : Creditor obletam a debitore pecuniam ut alia die accepturus distulit : mox pecunia, qua illa res publica utebatur, quasi ærosa jussu præsidis sublata est, d’autant plus que ces pièces de Cilicie sont d’un argent étonnamment mauvais. La frappe de grandes pièces d’argent provinciales semble avoir été alors accordée çà et là aux villes libres de la province.
[224] Nous avons des monnaies d’or de Maurétanie et, avant tout, de l’empire du Bosphore. Les grandes pièces d’ardent du roi Brogitarus de Galatie (p. 710 = tr. fr. 3, p. 312) et les émissions d’or et d’argent d’Amyntas également roi de Galatie, (p. 709 = tr. fr. p.3, 311) sont de même nature. Les grandes monnaies d’argent des Juifs insurgés du temps d’Hadrien se rattachent à leur scission de l’empire.
[225] Les monnaies de la ville libre de Cercina (et non Gergis) en Afrique (cf. Pline, H. n. 5, 7, 42) sont frappées perm(issu) L. Volusi procos. (Müller, Num. de l’Afrique, 2, 35). Les noms de gouverneurs au nominatif, qui se rencontrent aussi à plusieurs reprises sur les monnaies de villes libres d’Afrique, supposent sans doute également une telle permission, bien qu’elle ne soit pas expressément affirmée. Les monnaies de la ville latine d’Ebora en Lusitanie (cf. Pline, 4, 22, 117) portent permissu Cæsaris Augusti p. m. (Heiss, Monn. de l’Espagne, p. 108).
[226] Les ateliers monétaires sûrement attestés de la province d’Afrique sont en dehors de trois colonies, Cirta, Carthage et celle qui frappe avec la légende C. P. I., et du municipe d’Utique, les villes d’Achulia, Cercina, Hadrumetum, Hippo (probablement regius), Leptis magna, Leptis minor, Oea, Thapsus. Parmi ces dernières, Leptis magna et Oea sont probablement et les autres certainement des villes libres.
[227] Ils n’apparaissent jamais sur les monnaies attiques de l’Empire. Ils manquent aussi fréquemment sur les monnaies de Sparte, qui appartiennent certainement aux premiers temps de l’Empire. Au reste, la tête et le nom de l’empereur ne sont même pas obligatoires pour les cités de citoyens ou de sujets. II y a par exemple de la colonie de Corinthe des séries de monnaies soi-disant autonomes, et la colonie d’Auguste Alexandria Troas a jusqu’à Trajan toujours frappé ses monnaies sans y mettre ni la tète ni le nom de l’empereur.
[228] La preuve en est dans le titre de fondation attique, C. I. Att. III, n. 61 ; Hermes, 5, 134.
[229] Festus, v. Talentum, p. 359. R. M. W. pp. 87 et 96 = tr, fr. 1, pp. 134 et 464. Il n’est pas impossible que ce soient là les talents et les litræ des comptes tauromenitains.
[230] Eckhel, 2, 605. On peut aussi rapprocher de la liberté de l’île de Chios le fait que, parmi ses monnaies, il y en a une espèce désignée par τρία άσσαρια, quoiqu’il soit assurément possible que la drachme d’Asie admit une telle division.
[231] R. M. W. p. 700 et ss. = tr. fr. 3, p. 392 et ss.
[232] Ulpien, 5, 4. Nous connaissons seulement la concession faite d’une façon permanente aux vétérans congédiés du droit de contracter un légitime mariage avec n’importe quelle femme pérégrine.
[233] Ulpien, 19, 1. Sur l’application aux cités voisines de l’Italie d’Antipolis et de Flanona.