Tout énergiquement et constamment que les Romains aient eu le sentiment de l’unité et de l’exclusivité de leur constitution propre, tant au point de vue des personnes qu’à celui du territoire ; tout énergiquement et constamment aussi que les fonds de terre situés en dehors des limites de leur territoire et les citoyens des autres villes, même voisines et amies, aient été regardés et traités par eux comme leur étant étrangers, l’évolution politique a cependant principalement consisté à mettre une certaine zone de l’extérieur dans la dépendance pratique de Rome sans la faire pour cela rentrer dans l’intérieur : en fait et en droit, l’empire romain a été formé par l’union de l’intérieur du pays et de cet extérieur qui lui est coordonné dans une forme déterminée. On ne peut donc s’abstenir, dans un tableau de la constitution romaine, de décrire les relations de Rome avec l’étranger, soit avec l’étranger indépendant, ce qui fera l’objet de ce chapitre, soit avec l’étranger lié à Rome à titre durable de façons diverses, ce qui fera l’objet des deux chapitres suivants. Selon la conception du droit romain, ce qui constitue la règle en face de l’étranger[1], c’est l’absence réciproque de droit[2], considérée aussi parfois moins exactement comme un état de guerre permanent ; l’existence de rapports internationaux est une exception, introduite seulement par un accord des deux parties et ne s’étendant pas au delà des bornes de cette convention. Cette convention peut être conclue par la cité romaine soit avec une autre cité, soit avec un étranger isolé, que ce dernier appartienne à une cité qui n’est pas en traité avec Rome ou qu’étant membre d’une cité alliée il reçoive par là des avantages spéciaux[3]. — Si le traité ne présente pas un caractère transitoire, comme par exemple les trêves d’armes et les alliances militaires conclues dans un but précis, s’il doit rester perpétuellement en vigueur, il fait naître une relation de droit international durable, selon les expressions romaines, un droit d’hospitalité public (hospitium publicum), ou bien un lien d’amitié (amicilia), qui se rapproche essentiellement de ce premier droit. Quant à la forme, la convention d’amitié est soumise aux mêmes règles que les conventions publiques en général. Une convention exige une expression de volonté concordante des deux parties et la connaissance par chaque partie de l’expression de la volonté de l’autre. Ce caractère nécessairement bilatéral du traité international a pour antithèse le caractère nécessairement unilatéral des règlements arrêtés entre l’État et une portion de ses membres. Sans doute le caractère synallagmatique des dispositions s’efface de plus en plus à mesure que la prédominance de Rome s’accentue, lorsqu’une dépendance légalement formulée vient se greffer sur l’amitié : leurs lais furent plus tard données par les autorités romaines aux cités amies dont l’autonomie était limitée tout comme aux cités de demi-citoyens et de citoyens complets Mais, au moins jusqu’à ce que Rome et l’Italie ne se fussent confondues, les traités restèrent, même en face des pays étrangers soumis, le fondement de la constitution romaine. La compétence pour faire cette déclaration appartient, du côté non romain, à quiconque est considéré par le représentant de Rome comme capable de procéder à un pareil acte ; en son nom personnel ou au nom de son pays. Pour les traités personnels conclus avec un étranger, on ne s’occupe de la cité à laquelle il appartient que si, par exemple, il y a quelque clause à ce sujet dans un traité conclu entre elle et Rome. La conclusion d’un traité d’amitié avec un monarque étranger implique d’elle-même sa reconnaissance comme roi, ou comme portant le titre quelconque qu’il se donne ; suivant l’expression : romaine, elle implique l’attribution du titre royal. Il est alors d’usage depuis un temps reculé, — la légende fait remonter cette coutume au traité avec le roi Porsenna[4], — d’envoyer au roi ainsi reconnu, avec d’autres présents, les insignes des magistrats romains, en général[5] dans la forme la plus élevée que connaisse la constitution romaine, par conséquent dans celle où les portent les magistrats supérieurs pour le triomphé[6] ; c’est une façon d’exprimer que Rome reconnaît la souveraineté de ces princes comme aussi complète que la sienne propre. Du côté de Rome, est compétent pour la conclusion des traités le magistrat supérieur dans les attributions duquel rentre le règlement des rapports existants entre les deux cités. Après que, comme nous l’avons précédemment expliqué (VI, 1), le concours, primitivement peu actif, des comices et du sénat fut arrivé à tenir plus de place dans les actes internationaux, la déclaration du magistrat passa de plus en plus au second plan, et elle se confondit en général avec le sénatus-consulte et la loi, qui sont également tous deux des actes du magistrat. L’existence de formalités nécessaires est exclue par la nature du droit public. La forme ordinairement employée était le simple échange d’une interrogation et d’une réponse, se rapportant à un titre écrit, et lui-même rédigé par écrit et exposé au Capitole pour y rester dans une perpétuelle mémoire[7]. Le renforcement du traité par un serment d’exécration, le fœdus[8], a souvent été pratiqué pour les conventions d’amitié, notamment à l’époque ancienne[9]. Ces conventions ont pour effet propre l’inscription sur la liste officielle des amis (formula amicorum, τό τών φίλων δίαταγμα)[10]. La convention d’amitié est toujours conclue sans limitation de temps[11], et, même lorsque l’une des parties est une personne, elle n’est pas restreinte à la durée de la vie de cette personne ; car les droits d’hospitalité publique, comme ceux d’hospitalité privée, passent aux descendants. Le traité conclu avec un roi ou un prince, en raison de son titre, fait cependant exception. Le droit public romain reconnaît bien la royauté individuelle ; mais le traité conclu avec un prince ne s’étend pas à son successeur ; car un traité de ce genre peut sans doute être dressé en vue des descendants ; mais le successeur du roi n’est pas nécessairement son descendant[12] et son descendant n’est pas nécessairement son successeur[13]. C’est pourquoi l’alliance conclue avec un roi n’est pas, comme la convention d’amitié, applicable aux descendants[14] et est, selon les anciens principes de droit, regardée comme sans terme fixe il est vrai, mais comme limitée au temps de la vie du roi[15] ; en revanche, la mort du gouvernant romain n’y apporte aucun changement ; car, même sous le Principat, l’État romain ne se considère pas lui-même comme une monarchie. Le droit international romain ne fournit pas de forme pour faire passer à un État le traité de son roi. La formation d’un traité perpétuel entre une ville et un royaume est étrangère au droit public de Rome ; le renouvellement de la convention, qui se présente ailleurs fréquemment, mais seulement à titre confirmatif, est, lors de la mort du roi, juridiquement indispensable. Quoique, la convention d’amitié ne puisse pas contenir de terme extinctif, elle est susceptible de se dissoudre de la même façon dont elle s’est formée. La promesse simple peut être retirée, celle confirmée par un sénatus-consulte ou une loi peut être supprimée par un sénatus-consulte ou une loi postérieure, sans qu’il y ait là de violation du droit[16]. C’est seulement lorsque la formule d’exécration a été prononcée que la cité romaine est liée par le traité tant que l’autre partie l’observe, les autorités romaines décidant du reste seules si l’autre partie l’observe ou non. On ne trouve plus, depuis la paix avec Antiochus[17], d’exemple de l’emploi de cette formule dans une convention d’amitié qui n’établisse pas en même temps un rapport de sujétions c’est un effet de la situation prépondérante de Rome qu’elle ne conclut plus avec l’étranger indépendant d’engagement considéré par elle comme perpétuel. La convention d’amitié conclue entre deux cités, la pax (de pango) contient, en premier lieu, l’établissement d’un état de paix durable entre les deux États contractants[18] et la reconnaissance réciproque de la liberté et des propriétés de leurs citoyens[19]. Elle contient en outre la convention que, dans le cas où l’un de ces États serait engagé dans une guerre, l’autre État s’oblige à ne pas fournir de secours d’armes, de navires ou d’argent à l’ennemi de son allié, à ne pas permettre aux troupes de cet ennemi de passer sur son territoire[20], enfin à mettre en liberté les prisonniers de guerre faits à son allié, s’ils parviennent sur son territoire[21]. On peut adjoindre à la convention d’amitié une clause restrictive de l’autonomie, légale de l’État ami[22] ; mais, lorsque cette convention se présente dans sa forme simple, elle contient plutôt l’expression de l’égalité juridique des cités contractantes[23]. La convention d’amitié a encore pour conséquence nécessaire la réglementation de l’échange des ambassadeurs entre les parties contractantes[24]. Les hôtes publics de cette espèce ne sont pas seulement traités avec des égards spéciaux[25]. Ils ont légalement droit au logement (locus), à son aménagement et à son approvisionnement convenables (lautia), et à des frais de séjour, dont le montant est fixé une fois pour toutes dans le traité, eu égard au rang des parties, et est spécifié sur la liste officielle des amis[26]. En outre, ils ont, comme les sénateurs, une place d’honneur aux fêtes publiques[27] ; ils sont admis à sacrifier au Capitole ; en cas de maladie, ils sont soignés aux frais de l’État, et, en cas de mort, il leur est fait des funérailles publiques[28]. Le règlement des relations privées des membres des deux États contractants est encore plus important que celui des relations des deux États eux-mêmes. Le non citoyen ne peut ester en justice à Rome qu’en vertu d’un traité, nous révèle notamment la terminologie. L’ancien langage technique désigne par le mot hostis, très probablement de la même famille que l’allemand Gast[29], le citoyen d’un État allié protégé par une convention d’amitié[30], tandis que la même dénomination peut aussi être attribuée, après la rupture du traité, à l’hôte transformé en ennemi et qu’à l’époque moderne elle n’est plus employée que dans ce dernier sens[31]. L’hostis au premier sens est remplacé plus tard, à côté du Latinus, c’est-à-dire du non citoyen de même nationalité, par le peregrinus[32], c’est-à-dire par l’étranger qui appartient à un État en traité avec Rome[33]. L’expression hostis et l’expression peregrinus, qui sont toutes deux des termes techniques du droit privé, excluent l’une et l’autre l’étranger qui n’appartient à aucun État allié ; elles lui refusent donc le droit d’ester en justice à Rome. Au reste, on ne voit pas comment il aurait pu, en l’absence de traité, exercer cette faculté à Rome. Les Romains n’ont jamais connu de droit international au sens actuel du mot, de lois générales s’appliquant à toutes les personnes qui se trouvent dans l’intérieur des frontières de l’État[34]. Pas plus qu’ils n’ont l’idée, ils u’ont de mot pour désigner l’étranger qui n’est pas protégé par une convention spéciale. Exter (externus, extraneus) n’exprime qu’une exclusion topographique, sans considération du statut personnel et sans corrélation fixe avec un cercle déterminé, et il est principalement employé, à l’époque ancienne, par opposition à l’Italiote[35]. La réglementation des relations entre les membres des deux États ne doit avoir fait défaut dans aucun traité international ; mais elle y tendait fréquemment plutôt à l’exclusion qu’à la concession de la communauté du droit privé. Dans le plus ancien traité conclu entre Rome et Carthage, les marchands romains sont invités à conclure leurs marchés avec l’assistance d’un magistrat carthaginois et à s’adresser pour leur paiement aux autorités carthaginoises[36] ; les relations commerciales privées sont donc expressément interdites. Ces restrictions apportées aux relations avec les États étrangers qui n’étaient pas légalement dans la dépendance de Rome, se sont avec le temps toujours renforcées davantage. Ainsi avant tout, sous le Principat, le droit de pénétrer sur un territoire étranger indépendant n’était accordé au Romain, et le droit de pénétrer sur le territoire romain ne l’était à l’étranger indépendant, même pour affaires commerciales, que dans des conditions déterminées et le plus souvent sous le contrôle de l’autorité[37]. Sans doute les traités qui excluaient en principe la liberté du commerce privé ne pouvaient pas se dispenser de faire certaines exceptions absolument requises par la convention d’amitié elle-même. Cette liberté est par exemple reconnue sans restriction aux ambassadeurs[38], et elle existe également au profit des otages et des prisonniers de guerre soumis au même régime qu’eux[39]. Les frontières romaines étant closes, d’une part, aux étrangers indépendants et un statut personnel étant, d’autre part, attribué par contrat aux étrangers qui franchissaient ces frontières d’une façon légale, il a été possible d’arriver à maintenir la règle que l’État romain ne reconnaît la capacité juridique aux étrangers qu’en vertu d’un traité international tout en parvenant cependant à faire qu’il n’y eût pas, en dehors de rares exceptions, d’étrangers exclus de la jouissance du droit commun dans le territoire soumis à la puissance romaine. Mais plus on remonte dans le passé, plus la participation conventionnelle, plus ou moins libre, à la législation romaine établie s’étend au delà des limites du territoire soumis à Rome. Dans sa jeunesse, Rome est l’État du libre négoce. Les barrières dressées en face de l’étranger marquent sa vieillesse. Les relations établies dans le sein du Latium et fondées sur la communauté de mœurs et de langage sont antérieures à l’hégémonie romaine. Les relations analogues avec les États de nationalité différente remontent également au passé le plus reculé. La vente trans Tiberim, restée incorporée parmi les institutions juridiques de Rome, nous en fournit un premier témoignage authentique. Nous en avons un autre dans le second traité de commerce avec Carthage, qui n’ouvre pas à la vérité tout le territoire aux étrangers, mais qui, dans la partie qu’il leur en ouvre, leur donne le même droit de commerce qu’aux citoyens[40]. Ces relations avec l’étranger, autorisées, mais cependant différentes de celles qui existent entre citoyens, ont pour sanction une procédure judiciaire, la restitution recuperatio[41], sur les particularités de laquelle nous ne sommes qu’imparfaitement renseignés, mais dont nous pouvons néanmoins discerner les grands traits. Le droit d’ester en justice des étrangers dans cette situation n’était peut être pas, à l’époque la plus ancienne, plus complet que celui des clients ; ils avaient peut-être besoin, pour l’exercer, de l’assistance de leur hôte, de leur hospes[42]. Tout au moins on ne voit pas bien en quoi aurait pu consister l’importance légale de l’hospitalité privée, si ce n’avait pas été dans tette assistance juridique donnée par l’hôte à ses hôtes étrangers tout comme à ses clients qu’on en rapproche. Les nombreuses difficultés pratiques soulevées par la supposition d’un étranger demandeur sort également un argument en faveur de cette idée. D’ailleurs la dénomination patronus n’est pas appliquée à l’hôte, et elle ne lui convient même pas ; car l’hospitalité n’est pas un rapport permanent, et elle ne crée pas, comme la clientèle, de statut personnel. En tout cas, si les plus anciennes dispositions internationales, — sous ce rapport comme sous les autres, c’était naturellement le texte du traité qui décidait en premier lieu pour chaque cas particulier, — n’ont accordé à l’hôte étranger le droit de comparaître devant les tribunaux romains qu’avec le concours de l’hôte qui le reçoit, les Romains ont certainement abandonné cette coutume dans leurs traités postérieurs, et ils ont accordé à l’hôte en droit d’agir comme au client en droit d’agir la faculté d’ester en justice sans aucune assistance. Mais le concours que le patronus donnait à son client pour ses procès d’après le droit récent, peut avoir également été dû alors à l’étranger par son hôte, quand il en avait un[43]. La forme du procès et ses règles de fond dépendaient en premier lieu des dispositions du traité. Mais on doit avoir cherché dès le principe à établir une certaine uniformité entre les clauses des différents traités. Par la suite, la création, en 512, d’une seconde juridiction supérieure pour les procès à juger à Rome qui n’étaient pas engagés entre citoyens[44], fournit l’instrument nécessaire à la formation d’un droit spécial des étrangers. Les procès engagés entre citoyens et Latins ne peuvent pas avoir été déférés au prætor qui inter peregrinos jus dicit ; ils sont nécessairement restés soumis au préteur qui inter cives jus dicit. Car, en terminologie, les Latins ne sont pas comptés parmi les pérégrins, et, puisqu’ils sont au dessous des citoyens et au-dessus des pérégrins, ils peuvent bien être sous-entendus lorsqu’on mentionne les cives, mais une juridiction instituée pour les latins et les pérégrins aurait, en abrégeant son titre, supprimé la mention de ces derniers. En outre, les Romains et les Latins étant soumis aux mêmes lois privées, il y avait un avantage pratique à donner pour fondement à la séparation des deux juridictions la différence de droit positif. A vrai dire, nous ne pouvons point établir l’existence d’une procédure propre aux étrangers. La procédure suivie devant les reciperatores, c’est-à-dire devant de petits collèges de jurés en nombre impair qui statuent à la majorité, appartient assurément à la procédure internationale ; car ils tirent leur nom de la reciperatio, et la décision par un juré unique,qui prédominait dans les procès entre citoyens, n’était pas en général usitée quand les parties au procès avaient des législations personnel-les différentes ; dans ces procès, chaque partie doit avoir proposé un ou plusieurs jurés et le jury avoir été complété par l’adjonction d’un président[45]. Mais la procédure par récupérateurs s’est probablement développée en premier lieu dans les relations avec les Latins, et, telle que nous la connaissons, elle n’est pas réservée au tribunal des pérégrins ; elle est également employée comme seconde forme de procédure dans les deux cours de justice, peut-être précisément parce que les Latins étaient soumis à la juridiction des citoyens. Au contraire, nous rencontrons, en étudiant l’évolution du droit privé,un droit opposé au droit civil fondé sur les coutumes nationales latines ou sur la législation romaine (jus civile). Il se rattache à une abstraction familière aux jurisconsultes romains, à l’idée abstraite d’un droit privé commun à tous les peuples (jus gentium)[46]. C’est un en semble de règles positives, rattachées à cette idée[47], qui peuvent être regardées, à l’origine, comme constituant un droit subsidiaire aux règles fournies par les traités spéciaux, puis plus tard, lorsque les traités spéciaux non seulement échappent à nos regards, mais sont dépouillés de leur vigueur par la prédominance de Rome, comme formant un droit commun de l’empire applicable à tous les procès qui étaient soumis à des tribunaux romains[48] sans être exclusivement engagés entre citoyens[49], droit dans lequel les dispositions de la législation romaine qui n’étaient pas restreintes aux citoyens sont alors intervenues sous de nombreux rapports. Mais ce droit subsidiaire pérégrin n’embrasse pas tout le droit privé. Il ne s’étend qu’aux relations du commerce privé. Les rapports juridiques qui ne rentrent pas dans cette notion n’existent pas pour lui. Il est instructif, à ce point de vue, de comparer le développement civil de la donation avec celui de la vente et du prêt par exemple. Mais avant tout cela s’applique au droit du mariage et au droit dies successions. Ni l’un ni l’autre ne figurent dans ce droit subsidiaire. Le mariage et les successions sont liés au droit de cité. Les personnes qui n’ont pas de droit de cité et qui sont exclusivement réduites au droit subsidiaire, comme les dediticii, les individus qui leur sont assimilés et les otages, sont, dans la rigueur du droit, exclues de l’un et l’autre[50]. Quant au fend, ce droit subsidiaire a emprunté ses dispositions en partie au droit civil lui-même, c’est ce qui a eu lieu notamment pour le vol et les autres délits privés[51]. Pour partie, il a soustrait le commerce privé aux formules conventionnelles du droit civil et il a reconnu, en s’inspirant du développement plus libre du droit relatif aux biens de l’État[52], l’accord des volontés des parties comme une source suffisante d’action. Il n’a pas créé de formations indépendantes. Môme où l’on pourrait croire en apercevoir, ainsi dans l’hypothèque, c’est l’institution du droit du patrimoine de l’État, le prædium qui a fourni le point de départ, et la réglementation seule appartient au droit commun subsidiaire. Dans la suite de l’évolution, ce droit subsidiaire a supplanté et remanié le droit civil à des points de vue multiples, et il y a fait pénétrer les règles plus libres posées par lui pour le commerce[53]. C’est ce droit privé aussi parfaitement dénationalisé que possible qui est devenu un droit universel et qui a survécu des milliers d’années à la chute de l’État romain. |
[1] L’idée de l’étranger doit ici être entendue au point de vue du statut personnel : est étranger celui qui ne fait pas à Rome partie des nationaux. La distinction précédemment étudiée des patriciens et des plébéiens doit sans doute, quant à ses débats, être considérée comme la distinction des citoyens et des non citoyens. Mais, depuis que les seconds sont regardés comme des hommes libres, on les regarde aussi comme des nationaux, et par suite, s’ils ne sont pas citoyens, ils ne sont aucunement étrangers. C’est là la base de tout le développement. Les notions de nationaux non citoyens et de citoyens de condition inférieure sont des idées voisines à se confondre.
[2] Pomponius, Digeste, 49, 35, 5 : Postliminii jus competit aut in bello aut in pace... in pace... si cum gente aliqua neque amicitiam neque hospitium neque fœdus amicitiæ causa factum habemus. Hi hostes quidem non sunt quod autem ex noster ad eoe pervenit, illorum fit et liber homo noster ab eis captus servus fit eorum : idemque est et si ab illis ad nos aliquid perveniat. Le bellum justum implique, comme le procès un rapport de droit international antérieurement existant et rompu ; en face des étrangers qui n’ont pas de traité avec Rome, il n’y a pas besoin de fétiaux.
[3] Le texte qui fait le mieux connaître le traité individuel du droit international, mentionné, au temps de l’incendie de Rome par les Gaulois, relativement à Timasitheos de Lipara (Tite-Live, 5, 28, 5 ; Diodore, 14, 93), est le sénatus-consulte rendu en 676 en faveur de trois capitaines de navires de Carystos, Clazomènes et Milet qui avaient été employés pendant la guerre, sociale (C. I. L. I, n. 203). Le traité conclu avec Astypalæa en 649 (C. I. Gr. 2485) semble aussi avoir accordé à l’ambassadeur, à titre spécial, un droit personnel d’amicitia (C. I. L. loc. cit., sur la ligne 10).
[4] Denys, 5, 35. C’est la première convention d’amitié avec un roi, qu’aient à mentionner les annales, et l’étiologie y a par suite attaché ses fils.
[5] Si le rex reçoit le vêtement de pourpre, le regulus reçoit la prætexta (Tite-Live, 27, 4 ; encore en 595 le roi de la petite Commagène, Cicéron, Ad Q. fr. 2, 10). Rien n’exprime plus clairement que c’est la magistrature romaine d’où se tire l’échelle de ces dons. On y ajoute fréquemment des présents proprement dits, vases d’or, chevaux, armes ; mais ce sont les insignes de la magistrature, qui ne font jamais défaut, qui constituent essentiellement les présents royaux romains.
[6] Les présents royaux en usage chez les Romains (Appien, Lib. 32) sont, toutes les fois que l’on veut faire des honneurs de ce genre, offerts de la même façon au roi ami, ainsi par exemple on les donna au moins trois fois à Massinissa (Tite-Live, 30, 15. 17. 31, 11), mais naturellement on les leur offre avant tout au moment de la formation des rapports personnels. Tite-Live, 30, 15, 11. César, B. G. 1, 43. Tacite, Ann. 4, 23 (cf. les monnaies Müller, Num. de l’anc. Afr. 3, p. 129). Une ambassade de cette espèce suppose nécessairement la reconnaissance par les Romains comme roi de celui qui la reçoit ; mais elle n’est aucunement la condition de cette reconnaissance qui peut aussi avoir lieu dans toute autre forme ; Denys, 3, 61.
[7] V. tome I, la théorie des Actes conclus entre l’État et un Etat étranger.
[8] V. la même théorie, sur le fœdus et la sponsio.
[9] Par exemple, le traité conclu avec Carthage après la guerre à Hannibal ne contient pas d’alliance militaire ; mais il est conclu par des fétiaux.
[10] La liste des cités alliées s’appelle, en langue technique, formula. Les mots de Polybe, 24, 30, 4 : Πόλιν μηδεμίαν έχειν έν τή συμπολιτεία sont traduits dans Tite-Live, 38, 9, 10, par : Urbem ne quam formulæ sui juris faceret (de même Polybe, 18, 2, 4 = Tite-Live, 32, 33, 7), et le même Tite-Live dit, 39, 26, 2 : Paracheloida, quæ sub Athamania esset, nullo jure Thessalarum formulæ factum (de même 26, 24, 6). La formula provinciæ (Velleius, 2, 38) rentre dans la même acception. Galba ajouta deux districts à celle de la Narbonensis, selon Pline, H. N. 3, 4, 37 (cf. Hirschfeld, C. I. L. XII, p. 49). Nous parlerons plus loin de la formula togatorum et de la formula sociarum. — Mais la formula s’étend également aux individus qui sont entrés dans ce rapport de droit avec Rome. Le sénat déclare les trois capitaines φίλους προσαγορεΰσαι et il adresse aux consuls l’invitation [utei]... eos in ameicorum formulam referundos curarent. L’inscription avait sans doute lieu par les soins du questeur (voir tome IV, la section des Quæstores urbani, sur la surveillance des archives). Si Tite-Live, 44, 16, 7, dit, également par rapport à un particulier : Senatus in formulam sociorum eum referri juesit, cette inexactitude d’expression s’explique par la similitude théorique des règles qui concernent les simples socii et les socii et amici.
[11] Polybe, 21, 45, 1 = Tite-Live, 38, 38, 2.
[12] La royauté du droit public romain a pour fondement l’élection, et cette royauté élective a beau n’être an fond qu’une image de la République reportée dans le passé, elle n’en a pas moins déterminé la conception romaine de la royauté étrangère.
[13] On se demande même si le roi qui devient socius et amicus populi Romani transmet, comme les particuliers, le second titre à ses descendants ; les deux semblaient sans doute inséparables, et l’amitié restait, comme la société, attachée à la personne.
[14] Lorsque le second Tarquin prétend à un droit de suzeraineté sur les Latins soumis par son grand-père, voyez ce qu’ils lui répondent, dans Denys, 4, 46. Il y a quelque chose de plus probant que ces réflexions de l’auteur grec, desquelles on pourrait conclure que l’extension de pareilles conventions aux descendants était possible ; c’est le silence dés sources véritablement historiques ; si cette extension avait été on usage, nous en rencontrerions des traces multiples.
[15] Il n’y a pas grand poids à attacher aux récits de Denys, selon lesquels, du temps des rois, les peuples voisins de Rome déclarent souvent les traités conclus avec elle dissous par la mort du roi qui les avait conclus (3, 23. 37. 49. 4, 27. 43. 46. 5, 40. 8, 64), d’autant plus que les Romains n’appliquent jamais cette idée et qu’aucun écrivain latin ne rapporte rien de semblable. Mais le roi Persée déclare expressément aux ambassadeurs de Reine qu’il n’est lié que par ses alliances propres et non par celles de son père (Tite-Live, 40, 23, 10). Cette conception, qui est conforme à celle admise par le droit privé en matière de société (Paul, Digeste, 17, 2, 1 ; cf. le même, 17, 2, 70), est surtout confirmée par les principes qui sont suivis à l’égard des princes clients et que nous étudierons dans la partie qui suit. — La scolie de Virgile, Æn. 2, 161 ne fait que reproduire les mots du poète.
[16] Pour justifier ce principe, il suffit de rappeler que, même dans les rapports privés, la dénonciation de la convention d’amitié est possible. Les droits conférés par le sénatus-consulte de 678 aux trois capitaines pouvaient leur être retirés à un moment quelconque.
[17] Tite-Live, 33, 39, 1. V. tome I, la théorie des Actes conclus entre l’État et un État étranger, sur le fœdus et la sponsio.
[18] Le traité avec Gades stipulait une pia æterna pax (Cicéron, Pro Balbo, 15, 35). Celui conclu avec Astypalæa en 649 (C. I. Gr. 2485), où à la vérité les mots καί συμμασσαν vont au delà du simple droit d’hospitalité. Le traité avec Rhodes, qui va également au delà de ce droit, spécifie όπλα μή φέρειν έπί άλλήλους (Appien, B. c. 4, 66). La convention d’alliance conclue en 692 entre Rome et Mytilène, qui nous est arrivée dans un état encore plus fragmentaire (Fabricius, Athen. Mitth. 9, 83 et ss.), est encore plus explicite. Pour un troisième traité conclu en 669 avec Tyrrheion en Akarnanie (Bull. de corn. hell. 1336, p. 465) il n’y a de conservé que l’en-tête. Le traité latin de 261 chez Denys, 6, 95, est de même nature, et est seulement rédigé en style rhétorique.
[19] Si cela n’est pas dit expressément, c’est uniquement parce que cela résulte de la nature de l’état de paix. Lorsque, dans une guerre entre Carthage et Syracuse, un Romain tombe entre les mains des Carthaginois, il est aussi libre que s’il remettait le pied sur le territoire occupé par ses concitoyens ; naturellement cela n’empêche pas que, s’il a commis un acte donnant, d’après les lois de Carthage, lieu à poursuite criminelle même contre un étranger, il pourra être puni de ce chef à Carthage.
[20] Cf. la clause très détériorée de la convention avec Astypalæa. De même dans le traité avec Antiochus (Polybe, 21, 43) et dans la convention latine de Denys, 6, 95.
[21] Dans le second traité avec Carthage (Polybe, 3, 24), cela est stipulé. La différence juridique des amici indépendants et des sujets latins ne se manifeste nulle part aussi énergiquement qu’ici. Dans le cas supposé note 19, le Latin n’est, selon la règle établie, pas plus prisonnier de guerre que le Romain, et il doit être mis en liberté, à moins qu’il n’ait à répondre de quelque crime devant les autorités de Carthage. Au contraire, les membres des États qui sont seulement en relation d’amitié avec Rome ne profitent du traité qu’autant qu’ils ont atteint le sol romain.
[22] Le droit public n’a pas à s’occuper de la subordination à Rome existant en fait. Sans doute cette subordination de fait peut s’étendre aussi loin au cas de simple convention d’amitié qu’à celui d’hégémonie officielle. Mais cependant les Romains ont alors l’habitude de provoquer la transformation officielle de l’amicitia en societas. L’exemple classique à ce sujet est la transformation provoquée par les Romains en 587 de la convention d’amitié existant depuis cent quarante ans avec Rhodes en alliance militaire.
[23] Selon les formules romaines, ce sont là les amici populi Romani qui ne sont pas en même temps socii à titre durable ; car, ainsi que nous le démontrerons dans la partie qui suif, l’acceptation d’une alliance militaire durable, qui résulte de la société, entraîne une diminution légale de l’autonomie. D’ailleurs tous les socii sont, sans doute, en même temps amici populi Romani et possèdent tous les droits qui résultent de l’hospitalité publique.
[24] Au cas de convention d’amitié avec un particulier, le même honneur est naturellement accordé à l’ami du peuple romain. Le sénatus-consulte relatif aux trois capitaines dit : [Sei de rebus sueis legatos ad senatum mit]tere lega[teive] veneire vellent, uti eis leibercis postereisque eorum legatos venire mittereque liceret.
[25] Voir la proposition des consuls pour les capitaines (C. I. L. I, n. 203), et, dans Polybe, 22, 17, 10, le conseil du sénat aux Achéens. S. Bases (Έφεμ. άρχ. 1886, p. 43) a vu que καταλογή, que le glossaire de Philoxène explique par respectus et qui, d’après Phrynichos, signifie τήν πρός τινα αίδώ dans le langage non classique, est la traduction d’honos.
[26] C’est là le munus ex formula du sénatus-consulte de 673 ; de même dans le sénatus-consulte d’Astypalæa, ligne 9 et dans celui de Priene (C. I. Gr. 2905, in fine). Cf. Rœm. Forsch. I, 345 = Hist. Rom. 4, 405.
[27] Varron, De l. L. 5, 155 : Locus substructus sub dextra hujus (curite) a comitio ubi nationum subsisterent legati, qui ad senatum essent missi : is Grœcostasis appellatus a parte ut multa. Selon Justin, 43, 5, 10, un locus spectaculorum in senatu est datus aux Massaliotes à raison de leur concours après l’incendie de Rome par les Gaulois.
[28] Cette question est traitée en détail, Rœm. Forsch. 1, 343 et ss. (résumé Hist. rom. 4, 405 et ss.)
[29] Curtius (dans mes Rœm. Forsch. 1, 326 et 319, résumé Hist. rom. 4, 399) rattache le mot, comme notre Gast, au sanscrit ghas = edere ; Corssen, Ausspr. 4, 796, le rattache à hostire, battre. Mais ni l’une ni l’autre des étymologies n’explique suffisamment l’usage du mot. L’hostis n’est jamais le convive, et l’acception ancienne, parfaitement établie du mot ne peut pas facilement être dérivée de l’idée de celui qui frappe.
[30] La définition de l’hostis de l’ancienne langue dans Varron, De l. L. 5, 3 : Tum eo verbo dicebant peregrinum qui suis legibus uteretur correspond exactement au langage des Douze Tables. L’ancienne formule d’invitation à sortir (Festus, p. 82) : Hostis vinctus mulier virgo exesto, doit également, sans doute dire entendue en ce sens que ceux qui sont en principe autorisés à résider à Rome sont invités à sortir des fêtes des citoyens, ce qui s’applique aux femmes, aux esclaves et aux hôtes.
[31] Corssen, loc. cit., a raison de penser que le sens d’ennemi n’a pas été pris par le mot seulement à une époque récente ; en réalité, on a peine à voir comment le mot, s’il n’avait primitivement désigné que l’étranger mis sous la protection des lois, se serait plus tard transformé pour signifier tout le contraire. Il faut se rappeler que la guerre est, elle aussi, un rapport juridique et qu’elle n’est possible, tout comme le procès, qu’à condition d’avoir été précédée d’une convention antérieure, et le rapprochement du mot d’hostire = æquare me parait toujours la solution la plus vraisemblable.
[32] Varron, 5, 33 : Ut nostri augures publici disserunt, agrorum sunt genera quinque : Romanus, Gabinus (c’est-à-dire celui de cette ville ou d’une autre ville latine ; ager Latinus serait incorrect ; car il n’y a qu’un état à pouvoir avoir un territoire), peregrinus, hosticus, incertus. Loi agraire de 648, ligne 29 : [Quod ceivi] Romano facere licebit item Latino peregrinoque... facere liceto. Les jurisconsultes romains reconnaissent que la distinction des Latini et des peregrini n’a qu’une valeur terminologique, et qu’en droit les Latini sont sur le même rang que les peregrini. Gaius, 4, 79 : (Lex Minicia) ad alios Latinos pertinet qui proprios populos propriasque vivitates habebant et erant peregrinorum numero. Varron, loc. cit. : Gabinus quoque peregrinus (alter), sed quod auspicia habet singularia, ab reliquo discretus. On trouve parfois, mais peu fréquemment et sans doute dans un langage proprement incorrect, la péréginnité attribuée expressément aux Latins. Ainsi on déclare qu’un prodigium observé dans la colonie latine de Fregellæ ne doit pas faire l’objet d’uns expiation de la part des autorités romaines, quod (factum esset) in loco peregrino (Tite-Live, 43, 43, 6).
[33] La discipline augurale, relatée par Varron, 5, 33 (note ci-dessus) distingue l’ager peregrinus comme pacatus de l’ager hosticus ab hostibus. Le peregrinus n’est donc pas tout étranger, mais celui qui est sons la protection de la pax. Hosticus doit ici désigner par opposition tout le territoire avec les possesseurs duquel Rome est en guerre ou n’a pas de traité. — La préposition est employée ici comme dans perjurium, perendis ; on rapprochera les anciennes expressions corrélatives domi et peregri. Corssen, Ausgpr. 1, 776.
[34] Il ne faut pas oublier que le droit pénal public n’a ici rien à voir. L’État punit le meurtre comma un crime commis contre lui, sans distinguer si la victime avait ou non une capacité personnelle. Par suite, ce crime peut être commis même sur un esclave.
[35] La désignation exter (externus, extraneus) a en elle-même une portée vacillante ; car la distinction de l’intérieur et de l’extérieur peut être comprise de plusieurs façons. A l’époque ancienne, on l’applique, d’une façon caractéristique pour la situation politique du temps de la République, à la distinction des Italiens et des non italiens. Ainsi la loi repetundarum de 634-632 oppose aux [socii no]minisve Latini, c’est-à-dire aux alliés italiques, les exteræ nationes ; et c’est sous l’influence de cette façon de parler que Cicéron, dans les Verrines, parle sans distinction tantôt de socii et exteræ nationes (Div. in Cæc. 3, 7. 5, 48. 49, 63. Act. 1, 2, 4. l. 1, 22, 59. c. 27, 68. c. 32, 82, etc.), tantôt de socii seulement, tantôt d’exteræ nationes seulement (Div. in Cæc. 20, 66. Act. 4, 44, 44. l. 1, 32, 82), quoique la distinction n’existât plus de son temps. Tite-Live, Per. 72, oppose également aux Italiens insurgés les auxilia Latini nominis exterarumque gentium et Tacite, Hist. 2, 55, blâme Vitellius de Latium exteris dilargiri. Mais le mot se rencontre aussi pris dans d’autres oppositions : ainsi relativement à la province pour ceux qui habitent au dehors d’elle (Digeste, 4, 48, 3) et par rapport au territoire de l’empire pour les villes libres (Proculus, Digeste, 49, 45, 7, pr.) et pour les royaumes indépendants (selon le Digeste, 48, 4, 4, pr., c’est un crime de majesté de faire quo rex exteræ nationis populo Romano minus obtemperet). Cette idée indéterminée en elle-même et essentiellement géographique n’a rien de commun avec la condition des personnes.
[36] Polybe, 3, 22. Cette disposition est relative aux marchands romains qui faisaient le commerce dans la portion du territoire de Carthage qui leur était ouverte ; c’est sans doute simplement par suite d’une lacune que le traité ne contient rien de relatif aux Carthaginois commerçant sur le territoire romain.
[37] Dans Tacite, Hist. 4, 64, les Germains d’au delà du Rhin disent dans leur discours aux Agrippinenses. Ad hunc diem... flumina ac terras... clauserant Romani, ut... inermes ac prope nudi suit custode et pretio coiremus, et ceux-ci répondent, c. 65 : Vectigal et ancra commerciorum resolvimus : sint transitus incustoditis et (et non incustoditi sed) diurni et inermes. Le même, Germ. 41. Dion, 71, 11 ; 71, 15. Cela fut reproduit par Commode (Dion, 72, 2). Des conditions encore plus rigoureuses furent imposées aux Jaziges (Dion, 71, 16), mais elles leur furent plus tard remises (Dion, 71, 19). Lors de la paix de 297, les Perses durent consentir à ce que le commerce entre les deux nations fût limité à la ville romaine de Nisibis (Petrus Patric. fr. 14, éd. Müller. Themistius, Or. 10, éd. Petav. p. 135). Théodose II défendit, en invoquant des constitutions plus anciennes, (Cod. Just. 4, 63, 6), aux marchands romains de faire des opérations de commerce dans le royaume des Perses ailleurs que dans les villes de Nisibis, Kallinikos et Artaxata ; les marchands perses étaient soumis à des restrictions analogues dans l’empire romain (Cod. Just. 4, 63, 4 ; cf. 4, 40, 2 ; tit. 41, 2).
[38] Cod. Just. 4, 41, 2, pr. ; tit. 63, 4. 3.
[39] V. les textes note 50. Les captivi nommés là ne peuvent, puisqu’ils ont des biens, être que des captifs traités de la même façon que le roi Maroboduus.
[40] Polybe, 3, 24.
[41] Festus, p. 274 : Reciperatio est, ut ait Gallus filius, eum inter populum et reges nationesque et civitates peregrinas lex convenit, quomodo per reciperatores redderentur res reciperenturque resque privatas inter se persequantur. Quand la reciperatio est refusée, cela conduit à la rerum repetitio corrélative des fétiaux (Handb. 6, 420) et ensuite à la guerre ; la violation des droits privés figure en tête des causes de guerre légitime.
[42] Leo Meyer (Verpleich. Gramm. 1, 603. 790) compare δεσ-πότης et le slave gos-podi, maître.
[43] Le status condictus dies cum hoste peut être rapporté à l’hostis comme partie adverse ; mais il vaut peut-être mieux l’entendra de l’hostis ayant besoin d’être assisté en justice.
[44] V. tome III, la théorie de la Préture, sur le prætor inter peregrinos.
[45] Il ne résulte pas de là que le tribunal des récupérateurs ait été composé à l’origine de membres des deux nations. Un magistrat romain ne peut avoir eu, le droit de nommer des jurés non romains que si le traité le prescrivait expressément.
[46] Gaius, 1, 1. Le jus gentium (où gentium doit, selon la juste observation de Carks dans Nettleship, Journal of Philology, vol. XIII, p. 172, être compris de la même façon que dans nusquam gentium, minime gentium), expression déjà familière à Cicéron, n’est pas, d’après la conception romaine, — sans doute intimement influencée par les théories grecques, — une invention spéculative : c’est le droit général non écrit (Cicéron, Orat. part. 37, 130) et il est identifié avec le jus naturæ (Cicéron, De off. 3, 5, 23 ; Tusc. 1, 13, 30), en ce sens qu’on entend par là l’ensemble des principes de droit en vigueur partout ou à peu près, qui se trouvent parmi les règles de droit positif connues des Romains ou supposées implicitement par eux. On signale, comme appartenant à ce droit universel, par exemple les règles du droit de la guerre sur la protection des ambassadeurs et leurs saufs conduits (Tite-Live, i, 14. 2, 4. 5, 36 ; Salluste, Jug. 35, 7), sur la légitimité de l’acquisition du butin (Digeste, 41, 1, 5, 7) ; le droit de légitime défense (Salluste, Jug. 22) ; l’extension à l’homme de l’idée de propriété, l’esclavage (Gaius, 1, 52) et l’attribution légale de la condition servile à l’enfant né d’une femme esclave (Gaius, 1, 76-86) ; l’imprescriptibilité des choses appartenant aux dieux (Cicéron, De har. resp. 14, 32) ; : l’acquisition par alluvion (Digeste, 41. 1, 7, 1) et par tradition (Fragm. Vat. 47a ; Digeste, 41, 1, 9, 3 ; naturali jure selon Gaius, 2, 65). La génération d’une obligation par une numération de deniers faite parle créancier (Gaius, 3, 132) ; la convention formée par interrogation et par réponse, pourvu que l’on n’emploie pas les mots spondesne ? spondeo réservés au droit civil (obligation : Gaius, 3, 93 ; acceptilation : Digeste, 40, 4, 8, 4) ; les contrats consensuels (Digeste, 2, 1,1, 7, pr., etc.) ; le droit de succession des enfants à leur père (Quintilien, Inst. 7, 1, 46) ; la reconnaissance de l’inceste en ligne directe ascendante et descendante (Digeste, 23, 2, 68) en face de laquelle le mariage entre frères et sœurs, défendu ou permis selon les différentes législations, fournit un terme opposé d’une vigueur toute spéciale. L’extension du jus naturale à tous les êtres vivants, avec la distinction ainsi obtenue entre lui et le jus gentium (Ulpien, Digeste, 1, 1, 1, 3), n’est qu’une subtilité moderne. Il y a dans Nettleship, loc. cit., un relevé utile des différentes applications de ce terme.
[47] Le jus gentium lui-même n’a pas, dans la notion romaine, de valeur positive intrinsèque ; il s’efface devant les lois propres de l’État (Gaius, 1, 83) ; son application subsidiaire elle-même résulte, au sens strict, d’un acte de la législation ; car, en interprétation rigoureuse, les dispositions du droit civil non seulement ne prescrivent pas, mais excluent en général la faculté de le faire valoir en justice. Il n’est devenu possible entre citoyens d’agir en exécution d’une simple convention de vente que lorsque le préteur urbain a, en vertu de ses pouvoirs, admis cette convention dans son album,et l’obligation naturelle,qui existe jure gentium, est dépourvue d’action en droit civil (Digeste, 50, 17, 84, 1). Le a droit commun à tous les peuples » est pour les Romains une source du droit en ce sens que le droit positif doit s’en rapprocher dans la mesure du possible, que, selon l’expression de Cicéron (De off., 3, 17, 69), le droit général devrait être le droit positif. Mais il ne l’est pas toujours, et souvent il ne peut pas l’être sans une détermination législative. Ainsi par exemple le droit de succession ab intestat des descendants et la tutelle des impubères (Gaius, 1, 189) appartiennent bien en principe au droit général ; mais ils ne peuvent être mis en application que par des dispositions spéciales.
[48] Pour le commerce des frontières avec les étrangers proprement dits, les relations peuvent sans doute avoir toujours été réglées en première ligne par les traités.
[49] A l’époque récente, où l’empire romain s’est fermé par rapport à l’extérieur indépendant, le jus civile et le jus gentium, envisagés comme ayant reçu la sanction positive de Rome, peuvent être considérés comme le droit que les tribunaux de l’empire appliquent aux citoyens et celui qu’ils appliquent aux sujets. Mais cela tient à ce que la Rome ancienne seule tonnait un extérieur à la fois indépendant et en commerce juridique avec Rome ; par sa nature, le jus gentium est pris pour base dans tous les procès soutenus par des non citoyens devant des tribunaux romains, que leur cité soit dépendante de Rome ou ne le soit pas.
[50] Sur les dediticii, cf. VI, 1, l’État patricio-plébéien. Quant aux otages, Ulpien dit (Digeste, 28, 1, 11) : Obsides testari non possunt, nisi eis permitttitur, et Marcien (Digeste, 49, 14, 31. 32) : Divus Commodus rescripsit obsidurn bona sic ut captivorum omnimodo in fiscum esse cogenda : sed si accepto usu togæ Romanæ ut cives Romani semper egerint, divi fratres procuratoribus hereditatium, rescripserunt sine dubitatione jus eorum ab obsidis condicione separatum esse beneficio principali : ideoque jus eis servandum quod habent, si a legitimis civibus Romanis heredes instituti fuissent (c’est-à-dire que l’institution d’héritier est valable ou non selon qu’ils sont considérés comme des otages ou comme des citoyens). Les otages ont donc en droit un patrimoine, mais ils n’ont pas en droit d’héritiers. [Cassiodore, Var. 9, 14, pose encore la principe selon lequel les biens du pérégrin mort dans l’intérieur du territoire reviennent à l’État comme biens vacants et sans maître. La règle s’applique même, à son époque, à une nouvelle catégorie de personnes inconnue dans la période antérieure à Dioclétien : c’est aux soldats enrôlés à l’étranger, qui tombent logiquement sons le coup des mêmes incapacités et en faveur desquels on dut précisément pour cela introduire des dispositions d’exception analogues à celles prises en faveur des otages. II est possible qu’on leur ait étendu le droit de tester des soldats, et ce sont peut-être eux qui sont visés en première ligne par la constitution de Constance II (C. Th. 5, 4, i), qui appelle à d4efant d’antre héritier les corps de troupe à la succession des soldats. Cf. Neues Archiv für ältere deutsche Geschichtskunde, 14 (1888), p. 527, note 2, et 528, note 4.]
[51] Gaius, 4, 27 : Civitas Romana peregrino fingitur, si eo nomine agat aut cum eo agatur, quo nomine nostris legibus actio constituta est, si modo justum sit eam actionem etiam ad peregrinum extendi. Il cite comme exemples les actions de vol et de dommage apporté aux biens matériels activement et passivement. Il suit de là que les actions nées des délits privés ne pouvaient pas, en elles-mêmes, être intentées contre un pérégrin ni par lui ; mais il n’en résulte aucunement qu’il n’y ait pas eu de voie de droit en pareil cas, jusqu’à l’époque, sans doute relativement récente, où elles leur furent étendues à l’aide d’une fiction. Nous trouvons au contraire les actions nées du vol intentées par des pérégrins contre des Romains jugées dés le vie siècle par des récupérateurs (car le procès de 533 relaté dans Tite-Live, 43, n’est pas autre chose) ; sans aucun doute, il y avait dans ce but à l’époque ancienne, des actions spéciales, qui ont été plus tard rendues superflues par l’introduction des actions fictives.
[52] V. tome I, la théorie de la Juridiction administrative, sur le droit du patrimoine de l’État.
[53] C’est sans doute à cela que pense principalement Cicéron en disant, De off. 3, 17, 69 : Majores aliud jus gentium, aliud civile esse voluerunt : quod civile, non idem continuo gentium, quod autem gentium idem civile esse debet. Les contrats consensuels sont certainement entrés dans le droit civil, parce qu’il sembla inique de refuser une action aux citoyens dans des cas où on en accordait une aux étrangers.