Après que la noblesse héréditaire constituée par les anciens citoyens eut perdu sa situation dominante primitive, l’égalité de droits politiques régna dans l’État patricio-plébéien. Il n’y avait pas de citoyen qui ne pût devenir consul ou pontife ; il n’y avait pas d’ordre privilégié, de noblesse, le mot et la chose manquaient également. Mais l’égalité du peuple patricio-plébéien, qui fut dès le principe plus nominale que réelle, disparut en fait dès le temps de la République et s’effaça, même théoriquement, sous le Principat. Il se forma deux noblesses : la noblesse héréditaire, la nobilitas ou, comme elle s’appela plus tard, l’ordre sénatorial, formé par la magistrature et par le sénat qui en sortait, et la noblesse personnelle, l’ordre équestre, constitué par l’institution de la cavalerie civique et le corps d’officiers qui en sortait. Le reste du peuple est opposé à toutes deux. La mise à part des ordres privilégiés commence extérieurement par la séparation de leurs sièges dans les spectacles. Le début du gouvernement des optimates est caractérisé par la proédrie accordée aux sénateurs en 560 ; la proédrie symétrique des chevaliers, probablement introduite du temps des Gracques, caractérise également le début du gouvernement à deux têtes. Mais cette opposition ne consiste pas seulement dans des faits extérieurs. Le droit aux magistratures et aux sacerdoces de la cité revient, non pas il est vrai théoriquement, non pas non plus sans exceptions, mais en fait, à la première catégorie de personnes. La répartition des places entre le sénat et l’ordre équestre remonte à C. Gracchus, et ce qui avait été commencé par la démocratie fut achevé par le Principat. L’ancien système, selon lequel toutes les fonctions publiques étaient ouvertes à tous les citoyens, fut renversé : les magistratures et les sacerdoces furent complètement fermés à ceux qui n’appartenaient pas à l’une des deux noblesses, et, parmi les deux noblesses, il n’y eut qu’une moitié des magistratures et des sacerdoces d’accessible à chacune. La transformation fondamentale des institutions politiques se manifeste de la manière la plus énergique dans la façon dont fut traitée l’infamie. Le droit de la République connaît une dégradation privée, qui trouve son expression dans l’incapacité portée par le préteur de représenter une autre personne en justice, et une dégradation politique, qui a pour expression, dans la sphère de la compétence du consul, le refus de l’éligibilité, dans celle de la compétence du censeur, le refus des droits honorifiques des citoyens, du siège au sénat, du cheval équestre, du droit de suffrage complet[1]. Cette double infamie existe encore sous l’Empire. Mais l’infamie politique ne fonctionne plus qu’en ce sens que le sénateur peut être expulsé de la carie et le chevalier être privé de son cheval. L’idée que le plébéien n’a plus ni droits ni honneurs civiques ne peut pas être exprimée plus énergiquement que par le fait qu’il n’y a plus de forme pour les lui retirer. Le mot s’accorde avec la chose pour la classe privilégiée. Ordo, au sens propre, une rangée, et par conséquent une division militaire comme une corporation civile[2], ne perd pas cette acception large, même à l’époque récente. Mais il est employé par excellence pour l’ordre sénatorial et les chevaliers ; l’idée de classes privilégiées s’exprime particulièrement en toute clarté dans l’uterque ordo du Principat[3]. Avant de nous consacrer à l’étude des deux noblesses, nous devons nous occuper du terme qui leur est opposé, de l’ensemble des citoyens qui ne sont pas nobles, qu’il nous faut étudier au moins quant à la terminologie ; car, pour le surplus, cette catégorie, qui n’est caractérisée que négativement par l’absence de droits politiques actifs, trouve sa description dans celle des corps privilégiés qui lui sont opposés. La désignation antithétique des citoyens qui n’appartiennent pas aux deux ordres favorisés est le mot plebs, qui est traduit, dans ce sens, du moins, par Dion Cassius, par δμιλος tandis qu’il appelle πλήθος[4] la plèbe qu’on oppose aux patriciens. En partant de l’idée de multitude, le mot exprime, dès le principe, l’opposition avec les citoyens de haut rang, et par conséquent plebs se rapproche sous ce rapport de populus pris dans son acception récente : seulement, — que l’on compare homo popularis et sermo plebeius, pour s’en rendre compte, — l’idée de la multitude est prise dans populus au sens favorable et dans plebs au sens défavorable[5]. Le sens moderne, dans sa portée précise, étrangère à la langue de la République[6], se rapporte aux frumentationes de la capitale, desquelles les sénateurs et les chevaliers sont exclus. Les bénéficiaires urbains de ces distributions se désignent eux mêmes de ce mot, en y ajoutant urbana ou un qualificatif correspondant[7]. Cette division tripartite n’a pas été appliquée, dans la langue officielle, à l’ensemble des citoyens de l’empire. On les a appelés, comme sous la République, senatus populusque ; mais plebs est employé ailleurs fréquemment, même sans corrélation avec les distributions, par opposition au sénat et aux chevaliers, et, dans les municipes, par opposition aux décurions et aux sévirs[8]. Nous pouvons être brefs sur la nobilitas ; car elle trouve son expression essentielle dans la magistrature et le sénat, et il n’y a ici que peu de choses à expliquer relativement à elle-même. Nous n’avons pas de raison de douter que les différentes gentes aient été, les unes à côté des autres, sur un pied d’égalité dans le sein du patriciat. Celles desquelles il était sorti des rois et des consuls, doivent bien avoir joui dès le principe d’une certaine préséance en face des autres familles patriciennes, tout comme, dans la noblesse romaine contemporaine, les familles papales ont une position à part ; si le jus imaginum[9] remonte à l’époque de l’État purement patricien, cette position à part peut avoir eu dès cette époque son expression en forme. Mais la classe privilégiée de laquelle nous nous occupons ne se rattache pas aux différences de rang ainsi possibles dans le patricial ; elle se rattache à l’ancienne opposition des patriciens et des plébéiens elle-même, les premiers étant seuls citoyens au sens propre et les seconds étant au sens propre des clients des citoyens, pour certaines catégories desquels le lien de clientèle disparut à la vérité par la suite. Ces derniers furent séparés des plébéiens restés en clientèle et furent regardés par les patriciens comme leurs égaux. Ce patricial élargi est désigné, en langue technique, comme le fait d’avoir un nom ; un homme qui a un nom, nobilis, de noscere, comme nomen même est celui qui appartient à ce milieu. Les caractères du patriciat se transmirent naturellement à ce pseudo-patriciat. La nobilitas n’est pas sans doute un droit de gentilité comme le patriciat ; mais elle est aussi héréditaire : elle est acquise à la personne, mais elle se transmet à la descendance agnatique du premier acquéreur[10], ou plutôt c’est chez ses descendants qu’elle commence ; car celui qui n’entre pas dans ce cercle par droit de succession, l’homo novus, n’est pas lui-même nobilis[11], et il anoblit ses descendants[12]. Nous allons chercher d’abord quel cercle de personnes comprend la noblesse héréditaire élargie, la nobilitas ; puis nous verrons quels sont les droits qui en résultent. La nobilitas comprend trois catégories de personnes : les patriciens, les personnes sorties du patriciat en conservant le droit de cité et les plébéiens arrivés aux magistratures curules ainsi que leurs descendants. 1. Le patricien ne peut, dans aucune circonstance, être un homo novus[13]. Au sens strict, la nobilitas, notamment en tant qu’elle est identifiée avec le jus imaginum[14], n’appartient pas au patricien en cette seule qualité[15] ; car il n’a pas forcément de magistrats curules parmi ses ascendants. L’idée fondamentale de l’institution se révèle ici : les personnages anoblis par les magistratures sont mis sur le même rang que les nobles de naissance, mais le noble de naissance n’est pas soumis aux conditions auxquelles les gens de l’autre catégorie acquièrent la noblesse. 2. Le patricien sorti par émancipation de la puissance paternelle et pareillement celui qui passe du patriciat dans la plèbe perdent par là leurs droits nobiliaires, mais ils conservent leurs ancêtres[16], et eux et leurs descendants agnatiques appartiennent à la nobilitas. L’émancipation qui est déjà sanctionnée par les Douze Tables et qui doit remonter encore plus haut dans le passé, a été sans doute le point de départ de la fondation de la nobilitas. Au sens rigoureusement propre, elle, constitue le pseudo-patriciat des maisons plébéiennes qui se regardaient, à tort ou à raison, comme issues de maisons patriciennes[17]. Il est encore vrai pour ces maisons qu’elles ne possèdent pas nécessairement le jus imaginum. 3. Depuis que les magistratures curules ordinaires de la cité jusqu’à l’édilité curule, qui avaient d’abord été réservées aux patriciens dans l’État patricio-plébéien, devinrent accessibles aux plébéiens, ce qui se produisit en premier lieu, en 387, pour le consulat, le magistrat acquit avec la magistrature pour lui et sa descendance agnatique les droits que nous allons avoir à étudier et que l’on réunit sous le nom de nobilitas ; l’homme nouveau créa dans sa postérité une nouvelle famille de noblesse romaine[18]. Les conséquences juridiques de la nobilitas n’ont probablement, pas plus que l’institution elle-même, jamais été réglées par la loi, et, par suite, elles sont plutôt de fait que de droit. Elles comprennent le droit aux images des ancêtres, la libération de la clientèle, le cognomen nobiliaire et la facilitation de la candidature aux magistratures et aux sacerdoces. Toutes ces conséquences n’ont, au sens strict, été tirées que pour la troisième catégorie, et elles ne comportent notamment pas d’application à la première, en ce sens que les patriciens possèdent les droits en question ou d’une manière absolue, ou, comme le jus imaginum, pourvu que les autres conditions en soient réunies. 1. Le droit des descendants d’exposer dans l’atrium de leur maison les images de leurs ancêtres qui ont occupé des fonctions curules et de les faire figurer en cas de mort dans leur cortège funèbre a été exposé précédemment[19]. Il devait être permis de se glorifier de ses ancêtres au citoyen qui était sorti du patriciat sans que son honneur fût atteint et qui était resté dans la cité tout aussi bien qu’au patricien. Mais la faculté qui était accordée à la postérité du consul patricien ne put pas être refusée, depuis qu’il y eut de tels consuls, à la postérité du consul plébéien. 2. Relativement à la libération de la clientèle qui résultait de l’anoblissement, on peut avant tout penser à la suppression des égards qui sont dus par le client au patron et qui trouvent leur expression juridique dans l’inadmissibilité des procès privés et du témoignage en justice entre patron et client. Il s’agit encore, pour ce droit, principalement de la troisième catégorie de la noblesse, bien qu’il puisse aussi s’appliquer à la seconde. 3. Nous avons déjà expliqué que le cognomen héréditaire était par lui-même le signe distinctif du patriciat, mais que la noblesse plébéienne reçut, peut-être d’une loi, le droit général de le porter et qu’une partie de cette noblesse le portait. 4. L’avantage le plus important que procure la nobilitas est aussi celui qui est le moins susceptible d’être déterminé juridiquement. Il consiste en ce que les descendants de l’homme nouveau sont, comme appartenant à la noblesse héréditaire, sur le pied d’égalité avec les nobles pour la brigue des magistratures et des sacerdoces. La noblesse héréditaire romaine a, dans son exclusivisme, plus ou moins entravé l’admission de tous les hommes nouveaux ; mais elle n’a pas prolongé l’opposition jusqu’au second degré coutre le roturier une fois entré dans son cercle. En droit, cette conduite de l’aristocratie dominante, est condamnée par le principe de l’éligibilité égale pour tous ; mais, en fait, elle a généralement prévalu contre lui. Auguste trouva les choses dans cet état, et il le prit pour base de sa constitution nouvelle. L’éligibilité générale des citoyens fut supprimée, et le privilège de fait appartenant à la nobilitas par rapport à la brigue des magistratures, et au siège sénatorial, qui y resta lié après comme avant, fut transformé en loi positive. La nobilitas devint par là un ordre sénatorial légalement fermé[20], une pairie héréditaire. Tant que la brigue des magistratures de l’Etat fut, dans les limites tracées par l’ordre obligatoire de succession des magistratures et les autres conditions de capacité, ouverte à tous les citoyens, l’incorporation dans la nobilitas des citoyens qui n’y appartenaient pas par la naissance dépendit des comices. Auguste supprima la liberté d’être candidat et lia le droit de l’être, pour ceux qui n’appartenaient pas par leur naissance à l’ordre sénatorial, à leur admission dans la classe des sénateurs, c’est-à-dire à leur nomination à la pairie. Cette concession se faisait de deux manières différentes, selon que la personne était apte à parcourir de bas en haut la carrière sénatoriale ordinaire ou qu’on ne pouvait pas lui demander de le faire, en présence de son âge ou de sa position sociale. Le prince s’attribua le droit de concéder à des jeunes gens le rang sénatorial (latus clavus). La seconde faveur, plus élevée et plus rare, l’admission à titre extraordinaire (adlectio) d’un homme n’appartenant pas à la classe sénatoriale dans l’une des trois classes hiérarchiques inférieures du sénat, était de la compétence des censeurs, et elle en est restée tant qu’il y a eu théoriquement une censure indépendante du Principat ; mais, la censure étant constamment administrée, sous le Principat, par les empereurs et leurs corégents, ce pouvoir était également exercé en pratique par les empereurs. C’est pourtant seulement depuis que la censure eut passé sous Domitien parmi les attributions impériales, que la réception extraordinaire dans le sénat a pu être classée légalement parmi les droits de l’empereur. Il est traité de ces deux droits impériaux dans la théorie du Principat[21]. Les hommes de l’ordre sénatorial appartenant, dans le système d’Auguste, à la classe des chevaliers tant qu’ils ne sont pas entrés dans le sénat, nous aurons à revenir sur eux à propos de l’ordre équestre. Le principe de l’hérédité de l’anoblissement fut appliqué à ces créations de pairs. L’idée républicaine de l’anoblissement fut par là détruite en théorie ; car les patriciens et les plébéiens devenus nobles jusque-là qui n’appartenaient pas an sénat ou qui n’étaient pas classés dans l’ordre sénatorial, soit par eux-mêmes, soit par leurs ascendants, au moment où ce système fut mis en vigueur, restèrent en dehors de la pairie héréditaire[22]. En pratique, les homines novi furent comme l’ambitus, essentiellement écartés par la liste de candidats de l’empereur et par les adlections impériales[23]. Le droit, appartenant par privilège aux familles sénatoriales sur les magistratures, fut effacé matériellement par les créations de pairs impériales, accomplies par le gouvernement avec le dessein bien calculé de faire perpétuellement entrer dans la carrière des magistratures les familles équestres riches et considérées. L’ancienne nobilitas de la république se maintient en fait à côté de l’ordre sénatorial sous la dynastie Julio-Caudienne[24]. Mais les vieilles familles s’éteignirent rapidement ou furent détruites ; avant tout, elles furent écrasées sous la pression de la noblesse des fonctionnaires qui était légalement sur le même rang, mais qui était moins homogène et qui s’avançait derrière elle en nombre toujours plus considérable : à partir du temps des Flaviens, la nobilitas républicaine a, dans l’État romain, une place encore plus restreinte que celle occupée par le patriciat à l’époque moderne de la République. La distinction énergique des deux aristocraties qui caractérise l’agonie de la République n’a pas non plus longtemps survécu à sa chute. Il reste bien deux catégories de noblesse, la noblesse héréditaire sénatoriale et la noblesse personnelle équestre ; mais en général les chefs de la seconde sont au seuil de la première. Relativement au rang sénatorial qui prend la place de la noblesse, nous devons réunir ici le peu que l’on peut dire sur l’acquisition et la perte de ce rang, en tant qu’elles ne se confondent pas avec l’acquisition et la perte du siège sénatorial lui-même. Nous devons en outre déterminer les droits qui appartiennent aux membres de la classe sénatoriale en cette seule qualité, tandis que c’est ailleurs que nous aurons à étudier ceux des sénateurs. Le rang sénatorial s’étend, en dehors des sénateurs eux-mêmes et des personnes auxquelles il est donné en vue de les faire entrer dans le sénat, à leurs femmes et à leurs descendants agnats jusqu’au troisième degré, mais pas au delà des arrière-petits-fils[25]. Les enfants nés ou adoptés avant l’acquisition des droits sénatoriaux sont compris[26]. Le rang de la femme étant déterminé par celui du mari[27], la fille du sénateur sort, à moins qu’il n’en soit autrement décidé par un privilegium impérial[28], de la classe sénatoriale par son mariage avec un homme de plus base condition, et, à l’inverse, la femme qui n’est pas d’origine sénatoriale entre dans cette classe en épousant un sénateur. Celui qui a les droits et les devoirs attachés à ce rang soit de naissance, soit par une concession postérieure, reste dans sa condition, même s’il n’entre pas ensuite dans le sénat, comme il y entrait en règle d’après les institutions d’Auguste, mais comme cependant cela pouvait ne pas avoir lieu, ainsi qu’il arriva au futur empereur Claude. Les causes en vertu desquelles le siège sénatorial était perdu, par exemple une condamnation criminelle ou la perte de la fortune, entraînaient toujours comme conséquence la peste du rang sénatorial, et ce rang devait nécessairement être également perdu lorsque ces événements se produisaient dans la personne d’un non sénateur[29]. La perte du rang sénatorial s’étend aux enfants nés postérieurement de l’ex-sénateur[30] ; mais elle ne s’étend pas aux personnes qui avaient antérieurement acquis ce rang par son intermédiaire[31]. Le changement de rang peut consister en ce qu’un individu appartenant à l’ordre sénatorial passe dans l’ordre équestre, par conséquent échange le latus clavus contre le clavus angustus[32]. Comme droits et devoirs attachés au rang sénatorial, il faut citer le droit de porter les insignes sénatoriaux, celui de porter le titre sénatorial, celui d’assister aux séances du sénat ; certaines limitations apportées à la capacité en matière de mariage et de droit du patrimoine ; l’exemption des obligations municipales. 1. Les insignes du rang sénatorial, le soulier rouge[33] et la large bande de pourpre (latus clavus) sur la tunique[34] appartiennent, en vertu de sa naissance, au fils de sénateur, et ils sont portés par lui, le premier dès le principe[35], le second depuis le moment où il revêt le costume viril[36]. 2. Les personnes de rang sénatorial qui ne sont pas entrées dans le sénat ont les droits des chevaliers ; mais elles ne portent pas le titre officiel des chevaliers : eques Romanus equo publico[37], parce qu’elles sont quelque chose de plus. Sous les empereurs Marc-Aurèle et Verus[38] une loi hiérarchique, embrassant en même temps les deux ordres privilégiés, attribua comme titre officiel à l’ordre sénatorial une qualification honorifique depuis longtemps usitée pour les sénateurs[39], la qualification clarissimus, en grec λαμπρότατος ou encore συγκλητικός[40], qui fut désormais portée, avec une abréviation fixe, immédiatement après le nom propre par les hommes (vir clarissimus), les femmes (femina clarissima), les jeunes gens (juvenis clarissimus) et les enfants des deux sexes (puer clarissimus, puella clarissima). Cependant il n’est pas toujours fait usage de ce titre ; il ne figure par exemple jamais dans les actes du collège des Arvales. — Les classes hiérarchiques des sénateurs subsistent naturellement dans le sein du clarissimat. 3. Les membres de l’ordre sénatorial du sexe masculin ont, après qu’ils ont pris le costume viril, la faculté d’assister aux séances du sénat[41]. 4. L’ingénuité du conjoint, qui, d’après l’ancien droit, était une condition générale de validité pour le mariage du citoyen ou de la citoyenne de naissance libre, ne l’est plus, d’après la législation d’Auguste, que pour l’ordre sénatorial[42]. Par conséquent, en l’absence de dispense accordée par l’empereur[43], les enfants nés d’un homme de rang sénatorial et d’une femme affranchie ou d’un affranchi et d’une femme de rang sénatorial sont considérés comme nés hors mariage[44]. 5. En matière de droit du patrimoine, la disposition selon laquelle les sénateurs sont, tout comme les affranchis, exclus des marchés des censeurs, s’est, sous la République, malaisément étendue légalement à leurs enfants, lorsqu’ils n’étaient pas en puissance et n’appartenaient pas eux-mêmes au sénat. Mais, pour l’époque du Principat, le caractère héréditaire de cette exclusion est assurément dans la logique[45]. — Les sénateurs eux-mêmes participaient, du temps de la République, aux libéralités qui étaient faites par le gouvernement à tous les citoyens pris individuellement (viritim)[46]. Au contraire ces libéralités ne sont faites, en droit, sous le Principat, qu’aux citoyens qui n’appartiennent ni au sénat ni à l’ordre équestre[47]. Nous avons déjà remarqué que la distinction des deux ordres privilégiés en face de la plèbe ne s’est manifestée nulle part ailleurs aussi promptement et aussi énergiquement que par rapport à ces libéralités gracieuses de l’empereur. Les deux ordres privilégiés du peuple romain n’ont jamais reçu de ces présents faits aux citoyens individuellement par le pouvoir. Au contraire, les deux classes qui correspondent, dans les municipes, au sénat et aux chevaliers, y participent en général aux présents faits aux citoyens, et cela pour un montant supérieur à celui des membres non privilégiés du municipe[48]. 6. Celui qui appartient à l’ordre sénatorial est par là même exempt, d’après une décision d’Auguste, semble-t-il[49], des obligations municipales, c’est-à-dire de toutes les prestations personnelles, munera proprement dits ou honores, envers la cité à laquelle il appartient selon le droit relatif à l’origo désormais en vigueur[50] : cette exemption ne s’étend d’ailleurs pas aux prestations qui se rattachent au droit de propriété foncière. Il conserve son droit d’origine lui-même et par suite aussi l’aptitude à revêtir, s’il le veut, des magistratures dans sa cité d’origine[51]. — Par connexité avec la façon dont le sénateur est ainsi retiré du cercle municipal, le signe du droit de bourgeoisie municipale, la tribu fait souvent défaut dans son nom, même dans la formule officielle complète, ainsi qu’il arrive en général pour les membres de la famille impériale[52]. — Il faut, semble-t-il, reconnaître aux personnes de rang sénatorial un bénéfice de juridiction, en ce sens que, pas plus en matière civile qu’en matière criminelle, elles ne sont justiciables des tribunaux municipaux de leur cité d’origine[53]. Mais, quant au surplus, il n’existe pas, dans le temps antérieur à Dioclétien, de privilège de juridiction pour l’ordre sénatorial ; au civil et au criminel, il est soumis essentiellement aux règles ordinaires de compétence. En matière civile, il n’y a absolument aucune juridiction sénatoriale propre, même dans la période postérieure à Dioclétien : les deux capitales de l’empire sont bien organisées en circonscriptions judiciaires distinctes, et les sénateurs, y ayant leur domicile légal, sont en règle par là même sous la compétence des autorités de ces capitales, mais ils ne le sont ni plus ai moins que toutes les autres personnes domiciliées dans les mêmes lieux. — En matière criminelle, les quæstiones ordinaires sont compétentes même pour les poursuites criminelles contre des sénateurs[54]. Les tribunaux provinciaux pouvaient également être saisis de tels procès[55] ; mais le principe que le gouverneur n’avait pas qualité pour statuer en matière capitale sur un citoyen romain, était naturellement observé en première ligne eu face des sénateurs, et, même lorsque l’empereur déléguait le jus gladii, les sénateurs étaient au premier rang parmi les catégories de personnes exceptées[56]. — Parmi les tribunaux extraordinaires les plus élevés ; le sénat organisé en cour de justice[57] n’est aucunement une cour des pairs destinée à l’ordre sénatorial ; car tout chevalier et même tout plébéien peut lui être déféré, et les sénateurs peuvent l’être à d’autres juridictions. La juridiction de l’empereur[58] était en elle-même compétente relativement aux poursuites contre des sénateurs ; pourtant, dès l’époque des Flaviens, il se fait sentir une tendance à lui soustraire tout au moins les procès capitaux des sénateurs, et cette règle est arrivée, au troisième siècle, à être admise en théorie ; mais seulement en théorie. Le rang de l’accusé ne constitue pas non plus une protection légale contre la juridiction criminelle, basée sur une délégation impériale[59], des præfecti prœtorio et du præfectus urbi, parmi lesquels le dernier notamment vit ses fonctions devenir avec le temps, d’une autorité de police qu’elles étaient au sens propre, la première juridiction criminelle de la capitale[60]. — On ne peut dire jusqu’à quel point a été appliqué un principe que nous trouvons posé seulement sous Hadrien et qui peut difficilement être beaucoup plus vieux : le principe de n’admettre aucune personne étrangère au sénat comme juge dans le procès capital d’un sénateur. Il ne s’applique pas à la procédure des quæstiones du temps de l’Empire, où les sénateurs sont exclus de la liste de jurés. En partant de lui, les membres de rang équestre du conseil de l’empereur ne prennent dans l’exercice de la justice impériale, sous Hadrien et Marc-Aurèle, aucune part aux débats concernant un sénateur[61]. Afin de donner au præfectus prætorio compétence sur les sénateurs, Alexandre Sévère lui a conféré le rang équestre[62]. |
[1] V. tome II, la partie de la Censure, sur l’infamie reconnue par le censeur dans son rapport avec celle prononcée par les antres magistrats.
[2] Ordo, d’oriri, au sens propre la rangée, se rencontre dans son sens concret de la façon la plus énergique, pour les rangées de rames des navires, les rangées de briques des toits (C. I. L. X, 1781, 2, 6), les bancs du théâtre. En matière militaire, le mot n’est employé que pour l’infanterie, et non pour la cavalerie, sans doute parce que la première avait pour base les rangs de la phalange, tandis que la seconde ne combattait pas d’abord en rangs. Dans la langue politique, ordo désigne, conformément à cela, un corps fermé ; ainsi en premier lieu le sénat : ses membres sont régulièrement désignés à Rome comme des membres ordinis senatorii (Cicéron, Pro Cluent. 31, 104 ; Salluste, Cat. 17, etc.), et, dans les municipes, ordo est employé tout à fait habituellement pour désigner le conseil communal. En parlant de l’ordo equester (voir les témoignages sur cette expression, également très ancienne, dans la partie des Chevaliers), on fait probablement allusion en première ligne à son apparition dans la pompa. Mais ce sont aussi des ordines que les jurés inscrits sur l’album (ordo judicum, Cicéron, In Pis. 39, 44 ; Pline, H. n. 33, 2, 34) ; que les corporations (mais pas du tout les bureaux) des appariteurs (v. tome I, la partie des Appariteurs, sur leurs decuriæ et leur ordo), des haruspices (Handb., 6, 415), de certains sacerdotes domus Augustæ (C. I. L. VI, 2010) ; que les associations de mariniers (par exemple les corporati lenuncularii tabularii auxiliares Ostienses, C. I. L. XIV, 250. 251) et de comédiens (ainsi les adlecti scænicorum de Bovillæ, C. I. L. XIV, 2408). Si ordo est aussi employé fréquemment pour les publicains (voir, tome IV, la partie de la Censure, sur la mise à ferme des biens de l’État), le caractère de corps fermé ne leur fait pas non plus défaut. Où ce caractère manque, on peut bien parler de genus hominum ; on ne peut pas parler d’ordo. Les ex-tribuns militaires ne sont pas un ordo, dit Cicéron (Phil. 6, 5, 14, cf. Phil. 7, 6, 16), encore moins les 130 censeurs des villes de Sicile (Cicéron, Verr. l. 2, 55, 131). Si le même auteur (Verr. l. 2, 6, 17) emploie ce mot pour les aratores, pecuarii, mercatores, et si l’on dit souvent, à l’époque récente, ordo libertinus, la dernière expression en particulier est incorrecte ; et l’ordo pedester chez Tite-Live, 5, 7, 7, ne peut être excusé dans une certaine mesure que par l’antithèse avec census equester. C’est tout aussi incorrectement que Pline (H. n. 33, 1, 29) considère le sénat, les chevaliers et le peuple comme tres ordines.
[3] Uterque ordo se rencontre sans doute pour la première fois dans Velleius, 2, 32, 100, plus tard fréquemment, par exemple dans le décret de Domitien (C. I. L. IX, 5 20), dans Suétone, Aug., 15. Ner., 11. Vesp., 9, etc. La même conception dans une inscription du temps d’Auguste, C. I. L. IX, 3158.
[4] Tome VI, 1. Appien, B. c. 1, 30, traduit plebs urbana par πολιτικός όχλος.
[5] L’esprit de parti influe aussi sur cette façon de s’exprimer. Salluste, par exemple, emploie populus en général sans couleur et plebs en général dans un esprit d’opposition en face de nobilitas, senatus, patres, pauci. La différence de l’ancien patriciat et de la nobilitas moderne est le plus souvent négligée.
[6] Cicéron, (De domo, 28, 75) désigne la totalité des montani et pagani comme la plebs urbana. Quant au fond, c’est la même chose que la factio forensis, dont Tite-Live, 9, 46, a sans doute emprunté le nom à d’anciennes annales. L’ancienne acception du mot plebs subsiste toujours à côté de celle-là, principalement, il est vrai, lorsqu’il est question des institutions républicaines, par exemple dans la définition du plebi scitum.
[7] Plebs quæ frumentum publicum accipiebat (Mon. Ancyr. 3, 20), plebs urbana (id. 3, 16), plebs Romana (id. 3, 7) sont employés par Auguste comme synonymes. Sur les inscriptions dédiées par ces bénéficiaires des distributions, ils s’appellent pleps urbana quæ frumentum publicum accipit (C. I. L. VI, 943, du temps de Titus ; à côté : et tribus.....) ou pleps urbana quinque et triginta tributum (C. I. L. VI, 909. 910, du temps de Tibère) ; ailleurs [pl]eps urbana [quæ est i]n regione..... I vicorum..... (C. I. L. VI, 899, du temps d’Auguste).
[8] Horace, Epist. 1, 3, 58 : Sed quadringentis sex septem milia desunt : plebs eris. Ovide, Fastes, 2, 198 : Sancte pater patriæ, tibi plebs, tibi curia nomen hoc dedit, hoc dedimus nos tibi nomen eques. Martial, 4, 2, 3 : Plebs et minor ordo maximusque. — Sans doute populus est souvent employé dans des constructions analogues ; ainsi par Auguste, Mon. Ancyr. 6, 24 : [Senatus et equ]ester ordo populusque Romanus universus appellavit me patrem patriæ ; sur la monnaie Eckhel, 6, 126 : Divus Augustus consensu senat(us) et eq(uestris) ordin(is) p(opuli)q(ue) R(omani) ; dans Martial, 8, 15 : Dat populus, dat gratus eques, dat tura senatus, où suivent les tribus. Dans les inscriptions municipales, on nomme, même dans la langue officielle (ainsi par exemple C. I. L. IX, p. 788, 792. X, p. 1156. 1161), à côté des deux classes privilégiées, ou la plebs, ou le populus, les municipes, les coloni, les cives. Voici comment il faut comprendre cela : plebs exprime l’opposition et par conséquent les trois catégories s’excluent, dans les inscriptions municipales de cette espèce ; au contraire populus et les expressions équivalentes comprennent les. classes supérieures, et, lorsqu’il s’agit de simples citoyens, la désignation, qui s’applique à eux en mense temps qu’aux décurions et aux Augustales, leur est appliquée par politesse. Lorsque l’opposition est en, jeu, populus n’est jamais synonyme de plebs. Horace n’aurait pas pu écrire : Populus eris.
[9] V. tome II, la partie des Honneurs des ex-magistrats et de leur postérité, sur le jus imaginum.
[10] Cela résulte du caractère fondamental patricien, c’est-à-dire gentilice de l’institution. A la vérité, on fit postérieurement figurer dans les cortèges funèbres mêmes les maisons qui n’étaient parentes qu’en ligne maternelle et celles qui n’étaient simplement qu’alliées. Cf. tome II, la partie des Honneurs des ex-magistrats, sur le jus imaginum.
[11] Cicéron, De l. agr. 2, 1, 3. Salluste, Jug. 83. Cette opposition faite entre homo novus et homo nobilis se rencontre fréquemment, ainsi relativement à Caton l’Ancien (Tite-Live, 37, 57, 12. 39, 41, 1 ; Plutarque, Cato maj., 1), pour Marius (Salluste, Jug. 73, 85), pour Cicéron (Cicéron, Verr., 5, 70, 480 ; Ad fam. 1, 7, 8 ; Salluste, Cat. 23 ; Appien, B. c. 2, 2) etc. (Cicéron, Pro Mur. 7, 8 ; Pro Cluent. 40 ; Velleius, 2, 128). Velleius, 2, 34 : M. Cicero... vir novitatis nobilissimæ n’est qu’une fausse pointe.
[12] Cicéron, Verr. 5, 70, 180 : (M. Cato) cum ipse sui generis initium ac nominis ab se gigni et propagari vellet. Cicéron appelle le plus ancien magistrat d’une famille indiqué dans les fastes le princeps nobilitatis (ainsi pour les Junii et les Papirii, note 16). Il n’est pas tout à fait exact de qualifier avec Salluste (note 14) la condition de l’homo novus de nova nobilitas. La nobilitas trouve son expression dans les images des ancêtres ; or il en laisse bien à ses descendants, mais il n’en a pas lui-même.
[13] Cicéron, Pro Mur. 7, 16, parlant de M. Emilius Scaurus, consul en 639, qui était parvenu à memoriam prope intermortuam generis sui virtute renovare, ne l’en appelle pas moins un homo nobilissimus et l’oppose à l’homo novus Q. Pompée. Asconius, In Scaur. p. 22, dit également : Scaurus ita fuit patricius, ut tribus supra eum ætatibus jacuerit domus ejus fortuna : nam neque pater neque avus neque etiam proavus... honores adepti sunt : itaque Scauro æque ac novo homini laborandum fuit. Plutarque seul, De fort. Rom. 4, l’appelle incorrectement un καινός άνθρωπος. Tite-Live dit également du premier consul plébéien, 7, 1, 1 : Annus hic erit insignis novi hominis consulatu ; le premier consul plébéien est le premier novus homo ; car un patricien ne peut pas être novus homo.
[14] Salluste, Jug. 83, 23 ; Sénèque, Ép. 44, 5, et De benef. 3, 28, 2 ; Juvénal, 8, 19 ; Tite-Live, 1, 34, 6 ; Cicéron, De l. agr. 2, 36, 100.
[15] La qualification de nobilis est évitée pour le patricien ; il est noble et par conséquent il n’est pas anobli. Tite-Live emploie fréquemment, à proprement parler par anticipation (2, 56, 10. 4, 4, 7. 6, 42, 9. 11. 7, 1, 5, 10, 15, 8. 9), l’expression nobilitas pour le patriciat de l’époque où il n’y avait pas encore de nobiles plébéiens.
[16] C’est ce que montre le raisonnement de Cicéron (Ad fam. 9, 21 ; cf. tome II, la partie des Honneurs des ex-magistrats, sur le jus imaginum) relativement aux Papirii plébéiens de son temps. Ils revendiquent comme le princeps de leurs imagines majorum le consul patricien de 310 et placent parmi ces images tous les Papirii patriciens parvenus à des magistratures curules. Le premier consul L. Brutus, qui est considéré comme patricien, est également appelé, en s’adressant aux Junii plébéiens, princeps nobilitatis vestræ (Cicéron, Brut., 14, 53).
[17] La simple similitude de gentilicium ne prouve rien pour la constitution d’un tel arbre généalogique. Cicéron dit expressément (Brut. 16, 62) que les Tullli patriciens de Rome lui étaient étrangers, et il rattachait sa famille aux rois des Volsques.
[18] Tite-Live, 10, 7, 7. 22, 34, 7.
[19] V. tome II, la partie des Honneurs des ex-magistrats et de leur postérité, sur le jus imaginum.
[20] Il n’y a pas d’expression technique pour désigner l’ordre sénatorial avant Marc Aurèle. Ordo désigne, sous l’Empire comme sous la République, le sénat ; il exclut les fils de sénateur, et cela à d’autant plus forte raison qu’ils appartiennent, jusqu’à leur entrée dans le sénat, à l’ordo equester. Cependant la classe sénatoriale est aussi, faute d’expression exactement juste, désignée par le mot ordo. Ainsi il est parlé de l’adlection in amplissimum ordinem d’un enfant de quatre ans (Henzen, 6829), parce que la concession du latus clavus, qui ne se prend qu’avec le costume viril, ne peut s’appliquer là, et Tacite, Ann. 13, 25, parle même d’un homme senatori ordinis, sed quis nondum honores capessisset, qui est appelé plus correctement par Suétone, Ner. 26, quidam laticlavius ; et aussi Pline, H. n. 33, 1, 29. En règle, cette catégorie de personnes est désignée d’une autre façon ; voir tome II, la partie de l’Ordre légal de succession des magistratures. A l’époque récente, l’ordre sénatorial a un titre officiel, le clarissimat.
[21] V. tome V, la partie de la Nomination des sénateurs, sur l’adlection des non sénateurs.
[22] Il est possible qu’Auguste ait fait des exceptions générales en faveur de ces personnes ; mais il est plus vraisemblable qu’il effaça par des réceptions individuelles les exclusions ainsi produites quand cela lui sembla à propos.
[23] On pouvait sans doute qualifier encore d’homines novi les hommes qui entraient dans le sénat par la concession du latus clavus ou par une adlection, et Tacite, 4, 15, emploie cette expression pour Lucilius Longus, consul en l’an 7 de J.-C. ; mais cette expression tomba en désuétude, parce que l’on ne s’apercevait plus qu’à peine du passage du rang de chevalier à celui de sénateur.
[24] Ce n’est que relativement à elle qu’il est encore question du jus imaginum à cette époque.
[25] La limitation des droits sénatoriaux aux fils, aux petits-fils par les fils et aux arrière-petits-fils nés des petits-fils, est formulée soit relativement aux mésalliances matrimoniales dans la loi Julia de 736 (Digeste, 23, 2, 42, 1), soit par Paul relativement à l’exemption des obligations municipales (Digeste, 50, 1, 22, 5), et leur portée générale est déterminée, en partant de là, dans Ulpien, 13, 4, et au Digeste, 1, 9, 10. On peut d’autant plus sûrement la considérer comme le fondement général de l’organisation romaine des rangs que l’empereur Marc-Aurèle (Cod. Just. 9, 41, 21) concède aussi plus tard les droits attachés au rang de chevalier usque ad pronepotes. — Il n’est naturellement pas tenu compte de la descendance cognatique. Si ex filia senatoris natus sit, dit Ulpien (Digeste, 1, 9, 10), spectare debemus patris ejus condicionem ; au cas de naissance hors mariage, l’enfant acquiert aussi par sa mère le droit de cité, mais non son rang.
[26] Paul, Digeste, 4, 9, 6 ; Ulpien, h. t. l. 7 pr. L’émancipation (à l’exception de celle de l’enfant adoptif) et la dation en adoption n’enlèvent pas à un fils le rang qu’il a une fois acquis ; ce rang est acquis à l’enfant par sa naissance ou plutôt par sa conception avant ou pendant l’existence du rang sénatorial du père, de telle sorte qu’aucun acte du père ne peut plus le lui enlever.
[27] Ulpien, Digeste, 1, 9, 8. Cela s’étend à la classe hiérarchique ; mais on ne trouve consularis femina (Ulpien, Digeste, 1, 9, 1, 1 ; C. I. L. VIII, 8993) comme titre officiel, au moins dans la partie latine de l’empire, que tard et peu fréquemment ; on trouve plus fréquemment ύπατική (C. I. A. 3104. 3908. 4380, b. 2. 4774) dans la partie grecque.
[28] Un tel privilège fut accordé à Julia Mamæa, la fille du sénateur Julius Avitus, lorsqu’elle contracta avec Gessius Marcianus, homme de rang équestre (Dion, 78, 30), le mariage duquel naquit le futur empereur Alexandre Sévère (Ulpien, Digeste, 1, 9, 12, pr. qui attribue ce privilegium concédé par Sévère et son fils exclusivement au dernier sous lequel il écrit). Plus tard Marcianus a même nécessairement reçu le rang sénatorial ; car nous le trouvons, en 213, parmi les Arvales.
[29] On ne trouve pas de documents à ce sujet ; mais il n’en est pas non plus besoin.
[30] Ulpien, Digeste, 1, 9, 7. Mais le fils procréé après l’expulsion de son père du sénat acquiert les droits sénatoriaux, si son grand-père est ou a été sénateur, ut magis ei avi dignitas prosit quam obsit casus patris.
[31] Ulpien, Digeste, 1, 9, 7. Si la cause à raison de laquelle le père est exclu du sénat s’étend aux enfants, comme par exemple en général la ruine de la fortune, la conséquence le fait naturellement aussi. Néanmoins la subsistance des droits sénatoriaux, pouvait, même en dehors de l’entrée de leur titulaire au sénat, être incommode, et elle fut restreinte pour cela. On ne devait pas non plus se faire scrupule de procéder à la radiation arbitraire de telles personnes. Cette radiation a fréquemment eu lieu, même pour des sénateurs, bien que le prince ne revendique pas en théorie le droit d’exclure du sénat (v. tome V. la partie de la Nomination des sénateurs, sur l’exclusion du sénat).
[32] Tacite, Hist. 2, 86. Le poète Ovide, né en 711, arriva au latus clavus et au vigintivirat, vestibule du Sénat (v. tome II, la partie de la Candidature et de la capacité d’être magistrat, sur les mesures prises à l’encontre du manque de candidats sous le Principat) ; mais il n’entra pas dans la curie (Tristes, 4, 10, 35). Ces personnes ayant antérieurement appartenu à la chevalerie du rang sénatorial, elles ne reçoivent pas, au sens propre, le cheval de chevalier ; elles déposent seulement les insignes sénatoriaux et sont effacées de la liste des candidats au vigintivirat ou à la questure. Ce changement de rang peut aussi bien être opéré à titre de faveur qu’à titre de peine. Pour Fuscus, il a eu lieu sur sa demande. Quant à Ovide, l’empereur semble n’avoir pas trouvé dans le poète l’étoffe d’un homme d’État et le poète avoir renoncé sans regret à la carrière politique.
[33] V. tome II, la partie du Costume des magistrats, sur leur chaussure.
[34] Stace, Silves, 5, 2, 27 (cf. Rœm. Forsch, 1, 255).
[35] Suétone, Auguste, 38 : Liberis senatorum, quo celerius rei p. adsuescerent, protinus a virili toga latum elavum induere et curiæ interesse permisit. Stace, loc. cit., continue en disant : Mox Tyrios ex more sinus tunicamque potentem agnovere umeri. Il n’y a pas besoin d’autres preuves. Du reste, dès avant Auguste, probablement ominis causa, les jeunes gens de l’aristocratie paraissent, en revêtant la toga pura et la tunica recta (Festus, p. 186, v. Regillis ; Pline, H. n. 8, 48, 194), avoir pris cette dernière avec une large bande de pourpre (Suétone, Auguste, 94 ; cf. Dion, 45, 2).
[36] Dion, 59, 9, pour l’an 38, à propos de l’empereur Gaius. Mais il donne cela lui-même comme une supposition. Et même des chevaliers qui n’étaient pas nés dans l’ordre sénatorial portaient déjà, sous Auguste, la large bande de pourpre ; car Ovide, qui n’était pas d’origine sénatoriale, la prit avec le costume civil (Tristes, 4, 10, 27 et ss.) avant de revêtir le vigintivirat. Il serait possible que Tibère eût restreint ce droit aux sénateurs de naissance et que Gaius eût rétabli le système d’Auguste.
[37] Les inscriptions du temps de l’Empire qui donnent la carrière complète depuis le point du départ citent bien les fonctions équestres, comme le sévirat, le vigintivirat, le tribunat de légion ; mais je ne trouve le rang équestre lui-même mentionné que sur deux d’entre elles. Dans celle da jurisconsulte connu du temps d’Hadrien et d’Antonin le Pieux L. Aburnius Valens (C. I. L. VI, 1420), il y a à la fin eq(uo) p(ublico) et au-dessous, par suite d’une correction, semble-t-il, c(larissimo) j(uveni). Dans celle du consul de 155, C. Julius Severus (C. I. Gr. n. 4029), l’ignorance du rédacteur se révèle encore à une autre faute bien plus grossière.
[38] La date assignée à la loi est justifiée plus loin, à propos du titre équestre correspondant. L’oratio de Marc-Aurèle et Commode sur les mariages entachés de mésalliance (Digeste, 23, 1, 46. tit. 2, 16), a un sujet voisin ; mais elle ne peut être la loi sur le rang elle-même ; car cette dernière se place avant 168. Les témoignages qui attestent l’emploi de ces qualificatifs hiérarchiques à l’époque de Sévère et parla suite sont innombrables. Mais ils ne font même pas complètement défaut pour l’époque précédente à partir le Marc-Aurèle. L’inscription de Lavinium, C. I. L. XIV, 2070, qu’on ne peut qu’avec peine faire rentrer parmi les cas cités dans la note qui suit, est du temps de Marc-Aurèle ; C. I. L. VI, 8120 est de l’an 183 ; C. I. L. II, 4125, du temps de Pertinax.
[39] Le texte d’un sénatus-consulte de l’an 56 porte déjà (C. I. L. X, 1401) : Hosidio Gela et L. Vagellio cos. clarissimis viris ; la qualification vir clarissimus ou clarissimus vir est également donnée aux sénateurs qui sont nommés dans des titres des années 69 (C. I. L. X, 7861 13) et 101 (C. I. L. VI, 4492) et de sous Hadrien (C. I. L. VIII, 2.132) et Antonin le Pieux (C. I. L. V, 582), le plus souvent en toutes lettres, et seulement abrégée, avec les initiales, comme ce fut plus tard l’usage, dans le titre africain d’Hadrien. C’est là l’origine de la règle future ; mais ce n’est pas encore elle.
[40] L’emploi comme titre officiel de ό λαμπρότατος συγκλητικός (ainsi dans les inscriptions de la maison palmyréenne d’Odænathe, C. I. Gr. 4491. 4307 ; aussi C. I. Gr. 3979) ou συγκλητικός tout court (C. I. Att. III, 1177. C. I. Gr. 2781 b. 2783. 2831. 2979. 3502. 3882 f.), usité surtout fréquemment pour exprimer la parenté ou l’alliance avec des personnes de rang sénatorial (par exemple, C. I. Gr. 27,82), se présente surtout en grec, principalement en Asie-Mineure. En latin, on rencontre parfois des désignations comme pater senatoris (C. I. L. IX, 1006. 1587. X, 7237) ; mais on ne trouve jamais senator ou senatorius dans de telles tournures.
[41] Suétone, Auguste, 38. Zonaras, 40, 35. Pline, Ép. 8, 14, 5. Il ne dit pas que cet usage soit supprimé, mais qu’il n’en a été fait aucune application dans la triste époque de Domitien.
[42] Le texte de la loi Julia de 736 a été conservé (Digeste, 23, 2, 11, pr.). Ulpien, 13, 1. Les autres preuves : Dion, 54, 16 ; 57, 6 et Celse, Digeste, 23, 2, 23.
[43] Ulpien, Digeste, 23, 2, 31.
[44] C’est exprimé de la manière la plus formelle dans les Pandectes (Digeste, 23, 1, 36. tit. 2, 46, pr. 27. 49, 1. 24, 1, 3, 1), et ce doit nécessairement avoir déjà été arrêté en principe par Auguste. Car, s’il n’avait pas refusé aux unions de cette espèce la force légale, mais seulement l’effet relatif à la transmission du rang, l’interdiction du mariage entre une fille de sénateur et un affranchi aurait été sans objet, le rang de l’enfant étant déterminé par celui du père. La proposition de Marc-Aurèle et le sénatus-consulte correspondant, sur lesquels s’appuient les jurisconsultes, ne peuvent avoir fait autre, chose que régler et peut-être renforcer ces dispositions.
[45] Il n’y a, à ma connaissance, pas de documents pour attester le maintien de cette exclusion sous le Principat.
[46] C’est ce que montre, de la manière la plus frappante, la réponse connue de Pison à la question de C. Gracchus, sur le point de savoir pourquoi il se présentait aux distributions de grains : Nolim mea bona, Gracche, tibi viritim dividere libeat (on s’attendrait à liceat) ; sed si facias, partem petam (Cicéron, Tusc., 3, 20, 48).
[47] Cela résulte de la façon la plus claire de ce que, d’après l’inscription commémorative d’Auguste, toutes les distributions faites par lui le furent à la plebs. Au reste, ces distributions sont, comme on sait, organisées de telle sorte que les bénéficiaires en doivent être inscrits sur des listes où le nombre des noms est limité ; l’exclusion des classes privilégiées consistant en ce qu’aucun de leurs membres n’est porté sur ces listes, on peut se demander s’il y a eu une exclusion générale expresse.
[48] Cf. en dehors des nombreux témoignages attestant la sportula des décurions, des sévirs et de la plèbe, Papinien, Digeste, 50, 2, 6, 1. Cette sportula revient donc non pas aux décurions, mais aux membres de la classe décurionale.
[49] Ce privilegium n’est pas une conséquence de la logique du droit ; et la similitude de limitation au troisième degré invite à rattacher cette disposition, au moins en tant qu’elle est héréditaire, à l’auteur de la loi Julia sur le mariage. L’exemption personnelle du sénateur des obligations municipales peut avoir déjà été comprise dans l’organisation municipale établie après la guerre sociale.
[50] Paul, Digeste, 80, 1, 22, 3 : Senatores et eorum filii filiæque quoquo tempore nati natæve itemque nepotes [et neptes ex folio, item] pronepotes et proneptes ex [nepole] filio [nato] origini eximuntur, licet municipalem retineant dignitatem. La disparition des mots entre crochets est rendue évidente par l’attribution de la disposition à l’ordre d’idées auquel elle appartient. Il n’est pas question des charges de même nature qui résultent de la résidence parce que les sénateurs sont obligés d’habiter à Rome et y ont par conséquent leur domicile (Digeste, 1, 9, 11. 50, 1, 22, 6 ; Cod. Just. 10, 40 [39], 8) ; la question de savoir si elle n’est pas sujette à prestation comme incola pourrait sans doute être soulevée pour une personne, ayant seulement le rang sénatorial, qui habiterait hors de Rome. — Paul dit (Digeste, 1, 9, 11) : Senatores licet in orbe domicilium habere videantur, tamen et ibi, unde oriundi sunt, habere domicilium intelleguntur, quia dignitas domicilii adlectionem potius dedisse quam permutasse videtur ; c’est étrange, en ce sens que le domicile est plus de fait que de droit et que l’on ne voit pas bien clairement quelle est la portée de cette fiction pour le sénateur.
[51] Hermogénien, Digeste, 50, 1, 23 : Municeps esse desinit senatoriam adeptus dignitatem quantum ad munera : quantum vero ad honores, retinere creditur originem. Paul, loc. cit. On trouve des exemples en ce sens, par exemple C. I. L. IX, 1123 et ailleurs encore fréquemment.
[52] V. tome V, la partie des Titres officiels du prince, sur la suppression de la tribu.
[53] C’est dans la logique ; mais la résidence doit, même pour la personne de rang sénatorial, avoir déterminé le tribunal dont elle était justiciable, quand elle vivait hors de Rome.
[54] V. tome III, la partie du Consulat, sur la juridiction criminelle des consuls à l’époque impériale.
[55] V. tome III, la partie des Gouverneurs de province, sur leur droit de justice criminelle relativement aux citoyens romains.
[56] V. tome V, la partie de la Juridiction criminelle de l’empereur, sur la délégation du jus gladii. Cela s’est maintenu en général, bien que Constantin ait accordé, en 317, aux gouverneurs de provinces la compétence criminelle même sur les sénateurs (C. Theod. 9, 1, 1).
[57] V. tome II, la partie du Consulat, sur la juridiction criminelle des consuls à l’époque impériale.
[58] V. tome V, la partie de la Juridiction criminelle de l’empereur, sur sou application aux sénateurs.
[59] V. tome V, la même partie, sur la Délégation de cette juridiction au præfectus urbi et aux præfecti pretorio.
[60] V. tome V la partie de l’Administration de la ville de Rome, à la section de la police, sur la juridiction criminelle du præfectus urbi.
[61] Vita Hadriani, 8 (v. tome V, la partie du Conseil de l’empereur). Vita Marci, 10.
[62] Vita Alex. 21. Cf. tome V, la partie de l’Imperium ou de la puissance proconsulaire du prince, sur le commandement de la garde.