LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE TROISIÈME. — LE PEUPLE ET LE SÉNAT.

LE DROIT DE CITÉ INFÉRIEUR, ET EN PARTICULIER CELUI DES AFFRANCHIS.

 

 

L’affranchissement a été, d’après son fondement, sa forme et ses effets juridiques, classé avec raison par les Romains dans le droit civil. Ceux qui exposent aujourd’hui le droit public doivent, surtout lorsqu’ils connaissent eux-mêmes ce droit civil, s’abstenir d’y copier des renseignements qui ne peuvent être suffisamment développés dans un tableau du droit public et qui lui sont, par leur nature, étrangers. Mais, d’autre part, la description de la libertinité et des infériorités légales qu’elle implique, de ce véritable droit de cité de seconde classe, et des variétés voisines, ne peut pas non plus être faite, d’une manière satisfaisante, par le droit civil. Et elle rentre d’autant mieux dans le domaine du droit public que la condition primitive des plébéiens nous est probablement représentée d’une façon plus énergique et plus vive par ces affranchis, qui sont en quelque sorte leurs successeurs, que par l’image, encore plus artificielle qu’effacée, que notre tradition nous offre de la plèbe.

La demi-liberté qui existait, à l’origine, dans l’État patricien a été décrite plus haut, dans la mesure où le caractère hypothétique des institutions primitives a semblé le permettre. Nous ne reviendrons pas sur elle. Ce que nous devons exposer ici, e’est la condition juridique des personnes sorties de l’esclavage qui se trouvaient comprises parmi les personnes à moitié libres, telle qu’elle s’est constituée à l’époque historique, c’est la condition des libertin au sens ordinaire du mot[1] ou, pour employer une expression plus exacte, la condition de ceux qui servitutem servierunt[2]. Nous écartons d’abord les individus qui ne sont parvenus qu’à la liberté de fait et qui, par conséquent, sont encore esclaves au sens strict du mot, les individus affranchis entre amis[3], quoique cet acte produise certaines conséquences juridiques dans le droit récent. Nous écartons encore ceux qui, bien qu’affranchis par un citoyen romain, n’ont pourtant acquis qu’un droit de cité latine ou même la liberté sans aucun droit de cité : ce sont là des conditions individuelles contraires à la nature de l’institution, que l’ancien droit ne connaissait pas et qui n’ont été appelées à l’existence que par les limitations apportées aux affranchissements au début de l’Empire[4]. Enfin nous écartons les personnes qui possédaient, avant l’affranchissement, la cité et l’ingénuité et qui, en sortant de puissance, perdent leur droit de gentilité, mais non leur ingénuité. On applique bien à ces personnes, en droit civil, la notion de l’affranchissement et la terminologie faite pour elle[5], mais politiquement elles n’appartiennent pas à la catégorie dont nous nous occupons ici. Au contraire, nous devons étudier, en même temps que la condition inférieure des citoyens sortis de l’esclavage, ce qui nous a été transmis et ce que l’on peut conjecturer sur l’infériorité analogue de leurs enfants, des individus nés hors mariage et des autres variétés de personnes soumises à des dégradations symétriques.

Le libertinus, au sens politique, est celui qui, depuis sa naissance, est légalement affecté de la tache d’une origine servile. Le mot libertinus est corrélatif au mot ingenuus, c’est le terme qui lui est diamétralement opposé[6], et il a, comme lui, changé de signification. Les enfants des affranchis, bien qu’ils ne soient pas des liberti, étaient anciennement compris sous le nom de libertini[7] ; et les individus nés hors mariage ou, ce qui est la même chose, les individus nés de mariages irréguliers à raison de la disproportion du rang des parties, devaient, ainsi que leurs enfants, leur être assimilés anciennement ; car, l’éligibilité aux magistratures plébéiennes ayant longtemps fait défaut aux fils d’affranchis aussi bien qu’aux affranchis, l’individu qui légalement n’a pas de père et son fils ne peuvent pas avoir été d’une condition meilleure que le fils procréé en mariage par un affranchi. La tache résultant de l’origine servile ne s’est probablement jamais étendue plus loin dans la cité patricio-plébéienne ; les petits-fils d’affranchis ont, de tout temps, été comptés parmi les ingenui[8]. Mais le fils d’affranchi a lui-même cessé d’être appelé libertines avant le temps où commence notre littérature ; il n’y a pas pour lui d’autre désignation que libertini filius, en grec έξελευθέρου ou άπελευθέρου παϊς. Libertinus et libertus se confondent donc, dans ce langage, en ce que les deux expressions désignent un ex-esclave ; mais la première le désigne dans sa condition générale de citoyen, et la seconde le vise comme l’ex-esclave d’un maître déterminé[9]. Cette restriction du sens du mot est certainement la suite de la restriction du cercle des personnes mises dans un état d’infériorité quant au mariage, et elle est ramenée avec vraisemblance à l’égalisation quant au droit de suffrage des enfants des affranchis, et sans doute en même temps des spurii et de leurs fils, avec les enfants des ingénus opérée en l’an 565.

Les infériorités dont étaient frappés les affranchis ne nous sont jamais rapportées dans un tableau d’ensemble, et notre connaissance des particularités juridiques spéciales à cette dernière couche du peuple est naturellement encore plus imparfaite que celle que nous avons des droits spéciaux des classes privilégiées. Nous allons rassembler ici ceux des renseignements que l’on rencontre qui ont un caractère politique ou qui sont dans une relation étroite avec les choses politiques. L’infériorité sociale des affranchis ne peut trouver sa place dans cette exposition ; on peut seulement remarquer que, d’après l’étiquette de la cour, un affranchi ne pouvait, au moins à l’époque d’Auguste, être appelé à prendre place à la table impériale[10].

Comme le non citoyen en usurpant le droit de cité, le libertinus en usurpant l’ingénuité ou en exerçant l’un des droits interdits aux affranchis, doit s’être, de tout temps, ex-posé a la coercition du magistrat, et il se peut qu’il y ait eu, dès l’époque de la République, une procédure criminelle spéciale organisée contre cette infraction. Sous le Principat, la répression a été renforcée, en première ligne relativement au port illégal des anneaux d’or, par un sénatus-consulte de l’an 23 après J.-C.[11] et par une loi Visellia de l’année suivante, qui fut provoquée par ce sénatus-consulte[12] ; il ne manque pas non plus de témoignages qui montrent des poursuites judiciaires intentées dans des cas pareils[13].

1. DÉNOMINATI0N.

a. Les noms individuels romains, les prænomina ont longtemps été le signe distinctif de la plénitude du droit de cité, et c’est là, ainsi que nous l’avons déjà expliqué, ce qui fait comprendre leur exclusivisme et leur nombre limité. A la phase la plus ancienne où nous puissions connaître le système de leurs noms propres, c’est-à-dire environ à la première moitié du VIIe siècle, les affranchis romains, portent parfois encore, à la place des prénoms officiels ordinaires, les désignations individuelles, tirées de l’origine, de caractères déterminés, ou encore arbitrairement choisies, qui sont données aux esclaves. Il est probable que, dans les premiers temps de la République, les premiers prénoms étaient portés, comme signe distinctif de la plénitude du droit de cité, à côté des patriciens, par les plébéiens éligibles, et que les affranchis et tous les autres citoyens de la seconde classe étaient forcés de porter un nom individuel différent. Cependant les débris du système de dénomination des affranchis qui écartait les prénoms officiels ont de bonne heure disparu ; sans doute sous la pression de cet effort fait par-les affranchis pour arriver à la plénitude et à l’égalité du droit de cité, qui domine l’histoire du VIIe siècle la limitation aux quinze prénoms leur est au moins appliquée depuis l’époque des Gracques. Ce fut le cognomen qui vint bientôt jouer pour eux le même rôle dans l’écriture. A la vérité, les affranchis semblent n’avoir d’abord, après avoir obtenu l’usage des prénoms officiels, pas plus porté officiellement d’autre dénomination individuelle que ne font les plébéiens[14]. Mais, soit que cela ait été provoqué dans les grandes maisons par une nécessité pratique, soit que, comme il est plus vraisemblable, une loi spéciale ait établi une séparation en matière de noms entre les ingénus et les affranchis, le cognomen, et le cognomen simple[15], se présente chez les affranchis, depuis l’an 660 environ, avec une telle constance qu’il trace une ligne de démarcation entre eux et les plébéiens ordinaires qui, en règle, ne portent pas de cognomen à cette époque[16]. Seulement comme les noms de la nobilitas et ceux des affranchis se trouvaient par saute se confondre extérieurement, on créa une séparation d’une autre manière : on défendit aux affranchis de porter les surnoms de famille qui étaient usités et se transmettaient de génération en génération dans les vieilles familles de la noblesse et de l’ordre équestre (cognomina equestria), et on les contraignit ainsi à se servir principalement de cognomina grecs ou d’autres cognomina étrangers[17]. Cependant il ne semble pas avoir été très rare qu’on leur permît de prendre, à côté de ce premier surnom, un second surnom plus distingué[18]. Des dispositions légales ont certainement été prises et même ont été appliquées sur ce point. Les censeurs de Rome ne peuvent à la vérité avoir exercé de contrôle sur les noms, puisque, depuis Sulla, il n’y en a eu en fonctions que d’une manière extraordinaire. Mais il faut se rappeler que, depuis la guerre sociale, tout citoyen devait appartenir à une cité municipale et que chacune de ces cités avait ses censeurs municipaux et dressait ses listes de citoyens. Avec un tel régime, il ne pouvait manquer d’y avoir des variations e des exceptions. Mais néanmoins, le système des noms de l’Empire, qui nous est bien connu, se conforme, sauf des exceptions qui ne sont pas trop nombreuses, à ces règles. En particulier on y discerne clairement que les fils d’affranchis ne sont pas soumis à la défense de se servir des cognomina distingués, et que par suite ils ne prennent pas en général les prénoms de leurs pères et en prennent fréquemment d’aristocratiques.

Une autre innovation relative aux noms individuels des affranchis est intervenue sous Auguste, probablement encore par une loi. Des deux noms individuels, le prénom et le surnom, que porte désormais tout affranchi, le, second continue à être laissé à l’arbitraire de l’auteur de l’affranchissement ou de l’affranchi ; mais au contraire, au lieu du prénom jusqu’alors arbitrairement choisi lui-même, l’affranchi doit désormais porter le prénom de l’auteur de l’affranchissement, ou, si l’affranchissement est fait par une femme, celui du père de cette femme[19]. Probablement on voulait exprimer par là, plus énergiquement qu’elle ne l’avait été jusqu’alors, la dépendance dans laquelle est l’affranchi, quant à sa condition civile, en face de son ancien maître.

b. L’affranchi appartenant nécessairement à la gens de son patron, gens qui hérite en cette qualité de lui comme de son patron lui-même[20], il n’a jamais été fait, quant au nom de famille également fixé par la loi pour eux tous, de distinction entre l’ingenuus et le libertinus[21].

c. Le lien de puissance dans lequel se trouve l’affranchi a sans doute été, à l’époque la plus ancienne, exprimé pour lui tout comme pour l’ingénu par l’addition du nom individuel de celui qui l’a sous sa puissance mis au génitif de propriété. Mais, lorsque le besoin se fit sentir de distinguer l’ingenuus et le libertinus, on y arriva pour le premier par l’addition du mot filius, et de même pour le second par celle du mot servus : telle était, nous en avons la preuve, l’expression officielle encore employée au temps de la guerre d’Hannibal ; ce n’est que dans le cours du VIe siècle qu’elle a été remplacée par libertus[22]. L’imperfection légale de l’affranchissement trouve une expression énergique dans la conservation par l’affranchi de la dénomination propre de l’esclave. Ce n’est que lorsque le mouvement tendant à l’émancipation politique des affranchis eut gagné de plus en plus de terrain, peut-être vers l’époque de la destruction de Carthage et de Corinthe, que les affranchis ont été reconnus comme libres, même dans le système des noms, et que leur rapport avec l’auteur de l’affranchissement a été représenté comme le rapport avec un maître dont le droit s’est éteint.

Le fils de l’affranchi ne pouvait être expressément signalé comme tel dans sa dénomination que par l’addition au nom de son père du nom de celui qui avait eu ce père en puissance (Marci, qui est Marci servus — ou, plus tard libertus, — filius) ; mais il est probable que l’absence de grand-père ne se manifestait dans son nom que par L’omission du nom de ce grand-père.

d. Quant à l’indication du district dans le nom, il n’existe pas de différence entre l’ingénu et l’affranchi, pourvu que ce dernier appartienne à un district quelconque, question dont il sera traité plus loin.

2. COSTUME.

Nous avons déjà remarqué que les affranchis ne diffèrent pas, quant au costume, des citoyens de la meilleure condition. S’ils se présentaient après l’affranchissement les cheveux coupés et la tête couverte, ils ne faisaient par là que prendre la tenue habituelle des citoyens. A la vérité, lorsque la coutume changea et que les hommes libres ne parurent plus le chapeau sur la tête, le maintien de cet usage, en particulier pour la première apparition en public faite par l’ancien esclave après qu’il avait obtenu sa liberté, se transforma d’un signe de liberté en un signe de libertinité[23]. On ne peut pas tout au moins voir là une infériorité dont l’affranchi ait été frappé dès le principe. C’en est au contraire une que la toga prætexta portée par les enfants des ingénus ait été refusée durant une certaine période aux enfants des affranchis[24], et cette interdiction peut être rattachée avec vraisemblance à ce qu’ils ont également été privés pendant longtemps du droit d’arriver aux magistratures[25].

3. DROIT DE SE MARIER.

La communauté du droit de mariage fut établie entre patriciens et plébéiens par la loi Canuleia ; mais elle ne le fut entre ingenui et libertini que par la loi d’Auguste sur le mariage, de 736[26]. Jusqu’alors l’union entre un ingénu et une affranchie ou réciproquement n’avait pas le caractère d’un mariage romain[27], et, par conséquent, puisque le droit romain ne connaît pas de mariage qui ne soit pas conforme aux règles sur le rang des époux et qui cependant soit légalement valable[28], elle était aussi nulle que le mariage patricio-plébéien avant la loi Canuleia. Assurément une pratique plus douce ou plus relâchée avait dérogé à la règle légale dès avant Auguste[29], et celui-ci, en modifiant le principe, ne fit que mettre de côté une restriction déjà devenue inadmissible, ou plutôt que la limiter à l’ordre sénatorial à propos duquel nous y reviendrons. — Il n’y a pas de preuve que cette limitation de la capacité se soit jamais étendue aux enfants des affranchis[30].

4. DROIT DU PATRIMOINE.

En matière du droit du patrimoine, nous ne devons relever que ce qui a une importance pour la condition générale des affranchis.

a. Le fait que les contrats conclus par l’État, soit pour l’exploitation de ses droits productifs de revenu, soit pour l’accomplissement de travaux, apparaissent toujours comme un monopole des chevaliers ne peut s’expliquer que d’une façon : c’est par l’idée que, tandis que les citoyens pauvres n€avaient pas le pouvoir d’y participer, les affranchis n’en avaient pas le droit ; nous le démontrerons dans la partie des Chevaliers. Les auteurs sont muets sur cette déchéance des affranchis, et il est possible qu’elle ne fût pas inscrite dans la loi, mais que les censeurs aient simplement fait usage dans ce sens de leur droit d’admettre et de ne pas admettre qui ils voulaient aux adjudications publiques. Il ne peut par suite pas non plus y avoir de réponse à la question de savoir s’il en a toujours été ainsi : depuis qu’il est parlé de tels contrats, ils sont conclus avec les chevaliers. L’importance économique et politique de cette exclusion est d’autant plus grande que c’est de ces contrats publics qu’est issu à l’époque postérieure le gros commerce de banque des Romains.

b. On ne peut pas démontrer, et il n’est même pas vraisemblable que l’affranchi ait été, en matière de procédure civile, soumis à des limitations d’une autre nature et d’une autre durée que le client en général. Depuis que le droit du patrimoine lui a été reconnu, l’affranchi a dû être admis par le préteur comme demandeur ou défendeur aussi bien que l’ingénu.

c. Les affranchis furent-ils, lorsque la propriété privée du sol eut été admise, mis sous ce rapport immédiatement sur le même pied que les ingénus ? On ne peut ni l’affirmer ni le nier. Tout ce que nous savons, c’est que, lors du cens de 586, un avantage fut fait aux affranchis propriétaires fonciers, et que par conséquent les affranchis pouvaient, au moins à cette époque, être propriétaires d’immeubles. En fait, la propriété foncière ne doit avoir existé chez eux qu’à une époque relativement récente. En dehors des raisons qui résident dans leur condition elle-même, ils ne peuvent en effet que difficilement avoir participé aux partages des terres domaniales, même à ceux qui étaient faits viritim. Ils doivent avoir plutôt été admis à prendre part à l’achat de celles qui étaient vendues.

d. L’ancien droit ne connaît pas, dans le droit du patrimoine, d’aggravation de condition dont l’affranchi soit frappé au bénéfice du patron ; la règle honorable selon laquelle le client n’est pas destiné à enrichir le patron[31] régit aussi la condition de l’affranchi. Le droit de succession ab intestat du patron s’applique sans modification essentielle au patronat exercé sur les affranchis ingénus et n’est qu’un simple droit de parenté : il s’efface tant devant le droit de succession testamentaire que devant le droit de succession ab intestat des descendants, et ne produit effet qu’autant que le défunt ne laisse pas d’héritiers du sang[32].

e. Les charges qui pèsent dans le droit privé moderne sur l’affranchi au profit du patron ont eu pour origine le droit de faire des contrats établi par l’affranchissement entre le maître et son ancien esclave. La législation ne s’est, en résumé, préoccupée que de limiter l’abus frauduleux de ce droit. S’il n’y a pas de lien juridique possible entre le maître et l’esclave et si l’affranchissement postérieur lui-même ne rend pas valable la convention antérieurement nulle, la promesse faite par l’affranchi à son ancien maître le lie précisément parce qu’il ne pouvait pas être contraint légalement à la faire[33] ; et, comme il se conçoit, on forçait les affranchis à prendre ainsi des engagements à la suite desquels leur liberté était rendue pratiquement illusoire et probablement bien des fois plus intolérable que l’esclavage. Il fut remédié à ce mal par l’un des rares hommes intègres et capables que présente le VIIe siècle, par le consul de 649, P. Rutilius Rufus, également distingué comme magistrat, comme jurisconsulte et comme militaire[34]. Ce fut principalement par lui que les obligations ainsi prises furent limitées à des journées de travail personnel (operæ), c’est-à-dire à l’obligation imposée à l’affranchi de travailler comme domestique un certain nombre de jours par an ou de livrer au maître le produit résultant de son travail d’ouvrier pendant le même délai. Si le maître n’invoquait pas ce droit, il était, à l’origine, considéré comme copropriétaire de la fortune de son affranchi, et par conséquent la moitié des gains de ce dernier lui appartenait. Plus tard ce droit fut limité : le maître ne fut plus autorisé à prendre la moitié de la fortune de l’affranchi qu’après sa mort et seulement à condition qu’il laissât moins de trois enfants et que son hérédité dépassât le chiffre de 100.000 sesterces[35] ; c’est ensuite devenu l’origine d’une supériorité honorifique du libertus centenarius[36].

5. JURIDICTION DOMESTIQUE.

En droit criminel, les affranchis[37] sont sur le même pied que les esclaves et les fils de famille en ce sens qu’à côté de la puissance publique à laquelle naturellement ils sont aussi soumis, la puissance domestique, fondée au sens strict sur le droit de propriété, joue pour eux le rôde d’un second tribunal également compétent, voire même d’un tribunal plus libre de son action ; car on ne peut pas former de provocatio contre la sentence du paterfamilias comme contre celle du magistrat. Des peines capitales ont été ainsi prononcées contre des affranchis jusqu’au temps de César[38] ; ce n’est que depuis Auguste que les affranchis ont cessé d’être, sous ce rapport, traités comme les esclaves,

6. IMPOSITIONS

Sous le rapport des impôts, il n’a jamais été fait de différence entre les ingénus et les affranchis : les derniers ont sans doute été pour la plupart des ærarii, et, en tant que les ærarii étaient plus fortement imposés que les citoyens astreints au service, il en a été ainsi pour le plus grand nombre des affranchis. Mais on ne rencontre jamais une trace d’une inégalité dont ils auraient ici été frappés comme tels. Les modifications apportées a. leur préjudice à leur égalité de droit primitive semblent mètre restées sans effet sur ce domaine, par suite de la précoce disparition pratique de l’impôt civique. Lorsque cet impôt fut levé à titre exceptionnel pendant les guerres civiles, les affranchis y furent soumis dans des proportions si démesurées que la sûreté publique en fut mise en péril[39].

7. INCORPORATION DANS LES SECTIONS DU PEUPLE ET DROIT DE VOTE.

Le droit de cité a certainement été étendu aux esclaves affranchis longtemps avant que la dénomination de servus eût cessé de leur être appliquée, probablement en même temps qu’il l’a été à l’ingenuus affranchi, en même temps qu’a été constitué l’État patricio-plébéien ; et, depuis lors, il a fallu nécessairement que les affranchis prissent place dans les sections du peuple. Les différences de droit et les infériorités que l’on rencontre ne sont que des dérogations récentes à l’égalité première.

Les affranchis ont, dès le principe, appartenu aux curies en ce sens que la curie de leur patron était en même temps la leur[40], et, en tant que les plébéiens y ont obtenu un droit de suffrage, il n’y a pas de raison de le refuser aux affranchis.

Il n’en est pas autrement, ainsi que l’atteste la tradition[41], des tribus serviennes et des centuries patricio-plébéiennes qui en sont issues. Ces tribus, qui n’étaient à l’origine que des divisions du territoire, excluaient par suite les citoyens qui n’y étaient pas propriétaires. Les centuries comprenaient tout le peuple, les citoyens propriétaires occupant exclusivement les centuries des classes et les rares centuries qui existaient en dehors des classes restant seules ouvertes à ceux qui n’étaient pas propriétaires fonciers. Les citoyens propriétaires ont donc, dans ce régime, un avantage qui touche au monopole ; mais il n’y a là rien qui implique ni que l’affranchi ait été admis à la propriété foncière plus tard que l’ingénu, ni que, lorsqu’il y était arrivé, il fut mis au dessous de Ce dernier. Les affranchis doivent donc, dans les temps anciens de la République, avoir aussi bien appartenu aux tribus que les ingénus, à condition qu’ils fussent propriétaires fonciers, et, en pareil cas, ils doivent aussi avoir été admis dans les centuries des classes.

Les censures d’Appius (442) et de Fabius Maximus (450) ne doivent pas non plus, quelque essentiellement qu’elles aient modifié la condition politique des citoyens non propriétaires[42], avoir, selon toute apparence, rien changé légalement à celle des affranchis. La fortune fut mise à la place de la propriété foncière comme condition du droit de vote, dans toutes les tribus, d’après Appius, d’après Fabius, dans les quatre tribus urbaines ; les citoyens riches qui n’étaient pas propriétaires fonciers gagnèrent par là, pendant le court espace de temps durant lequel le système d’Appius subsista, l’égalité de droit avec les propriétaires dans toutes les centuries des classes tirées de la totalité des tribus[43] ; ils la conservèrent même ensuite, dans la mesure où les quatre tribus urbaines contribuaient à la formation de ces centuries. Or les affranchis occupaient sans nul doute la première place parmi les gens riches qui n’étaient pas propriétaires fonciers. La réforme d’Appius peut donc pratiquement être désignée comme la concession du droit égal de vote aux affranchis[44] et celle de Fabius comme l’exclusion de ces derniers des tribus[45]. En fait, le rapport des propriétaires et des non propriétaires est dérangé par là. Mais l’égalité théorique entre les ingénus et les affranchis reste intacte.

On ne peut établir avant le commencement du VIe siècle l’existence d’une infériorité dont les affranchis soient frappés en face des ingénus quant au droit de suffrage, et il n’en a probablement pas existé beaucoup plus anciennement. Niais, peu de temps avant la guerre d’Hannibal, entre 520 et 534, peut-être dans cette dernière année, en même temps qu’eut lieu la transformation du droit de vote basé sur le service militaire, qui fut alors accomplie par C. Flaminius, on ne fit pas une loi, mais les censeurs en fonction exercèrent, au préjudice général des affranchis, leur droit de distribuer les citoyens à leur guise dans les districts de vote. Tous les affranchis et fils d’affranchis propriétaires furent exclus des tribus des propriétaires fonciers, et on leur assigna des places dans les quatre tribus urbaines parmi les citoyens qui n’avaient pas de propriétés[46]. Lors de la censure de 565, cette déchéance fut supprimée pour les fils d’affranchis à la suite d’une loi proposée par le tribun du peuple Terentius Culleo[47]. Il est probable que la même modification fut faite en même temps pour les enfants nés hors mariage et pour leurs fils, et que l’idée de l’ingénuité se trouva ainsi attachée, comme elle l’est restée depuis, à la liberté existant depuis le moment de la naissance. Mais, par rapport aux affranchis eux-mêmes, la déchéance a subsisté. Selon toute apparence, elle ne vint pas surtout de la haute aristocratie qui avait probablement ces couches de la population dans la main et n’avait aucune raison de vouloir amoindrir le poids de leurs voix[48], mais de la classe moyenne indépendante que l’égalité légale avec les anciens valets atteignait dans ses intérêts et blessait dans son amour-propre ; la même tendance qui faisait exclure les affranchis des marchés de l’État, a aussi provoqué cette- mesure plus directement politique[49]. Quant aux détails, les dispositions prises à ce sujet ont subi des variations multiples ; les partis ont lutté sur ce terrain pendant deux siècles avec un succès changeant, les uns voulant le renforcement des mesures prises contre le droit égal de vote des affranchis, les autres voulant la suppression de cette infériorité ; mais il manque plus d’une feuille dans nos annales. En 586, nous trouvons la déchéance des affranchis atténuée, nous ne savons depuis quand, par deux limitations essentielles : les affranchis propriétaires fonciers qui avaient un fils âgé de plus de cinq ans, étaient tous et ceux qui n’en avaient

 IIt qu’il est parlé là sous lapas étaient eux-mêmes, si leur fortune foncière excédait 30.000 sesterces, c’est-à-dire rentrait dans la première ou la seconde classe, traités de la même façon que les ingénus propriétaires. Mais les censeurs de cette année, en particulier Ti. Sempronius Gracchus, le beau-frère du second Scipion l’Africain et le père des deux tribuns, renforcèrent de nouveau l’infériorité. Le privilège attaché à la paternité fut maintenu ; quant aux autres affranchis, Gracchus fut bien empêché par son collègue patricien C. Claudius Pulcher de les exclure complètement des districts et de les dépouiller ainsi du droit de vote, mais ils ne furent pas seulement tous placés dans les quatre tribus urbaines : on enleva en outre toute efficacité pratique à leur droit de vote en décidant que, sur ces quatre tribus, il n’y en aurait qu’une déterminée par le sort, — pour tout le lustrum semble-t-il, — à leur être ouverte[50]. Il n’est plus fait allusion postérieurement à l’avantage résultant de la paternité ni au tirage au sort de la tribu, et ces deux institutions n’ont peut-être, pas subsisté. Mais la déchéance resta en vigueur dans sa portée essentielle. La loi proposée sur cette question par M. Æmilius Scaurus comme consul de 639[51] ne nous est pas connue dans son contexte ; mais, d’après le parti auquel appartenait son auteur, elle ne peut avoir fait qu’accentuer l’infériorité.

A la suite de la réception des Italiotes parmi les citoyens Romains, la tribu fut liée au droit de cité, et les citoyens ingénus qui n’étaient pas propriétaires, furent, pour peu qu’ils eussent le droit de cité complet, transférés des tribus urbaines dans les tribus rustiques[52] ; mais les affranchis restèrent comme auparavant enfermés dans les quatre tribus urbaines[53]. Leur infériorité fut par là essentiellement aggravée. Jusqu’alors les affranchis propriétaires, et encore ni tous ni toujours, avaient seuls eu un droit de suffrage moins avantageux ; désormais la grande, masse composée de non propriétaires fut également mise au dessous des ingénus pour le droit de vote. Par suite on commença, aussitôt après la guerre, une agitation pour faire obtenir l’égalité des droits de citoyens tant aux affranchis qu’aux nouveaux citoyens qui étaient égaiement mis dans un état d’infériorité. La motion faite en 666 par le tribun du peuple P. Sulpicius[54] afin d’accorder à l’affranchi la tribu du patron et par conséquent le droit de suffrage que ce dernier avait dans sa tribu rustique[55], fut adoptée, et, bien que le parti contraire l’eût fait immédiatement casser, elle fut appliquée en 670, après le triomphe de la démocratie qui se produisit alors[56]. Cependant ces succès éphémères du parti populaire s’évanouirent devant la victoire des armes de Sulla. Les tribuns du peuple C. Manlius en 687-688[57] et P. Clodius en 695-696[58] entreprirent bien de reproduire la loi Sulpicia ; mais le plébiscite Manilien, si tant est qu’il y en ait eu un, fut aussitôt cassé, et Clodius n’arriva même pas à pouvoir faire une rogation dans ce sens. — Il est possible que certaines catégories d’affranchis, par exemple les propriétaires fonciers[59], soient restés exceptées ou aient été alors exceptées de cette infériorité ; mais cela ne peut être affirmé avec certitude pour aucune.

Postérieurement on ne s’abstint pas seulement d’accueillir une seule des propositions d’améliorer la condition politique principat. Selon toute apparence, Auguste, s’il ne les écarta pas des tribus lors de sa reconstitution des institutions républicaines — nous démontrerons, au sujet des Libéralités faites aux citoyens, qu’ils restèrent dans les tribus urbaines, — leur enleva du moins définitivement le droit de suffrage. Car c’est seulement par là que l’on peut expliquer que les affranchis ne portent plus jamais dans leur nom, depuis le commencement du Principat, l’indication de la tribu, regardée avec raison comme le signe du droit de suffrage[60]. Auguste avait, sous d’autres rapports, essayé d’assurer dans les comices l’influence de la meilleure portion du peuple ; il est donc parfaitement croyable qu’il ait, relativement au droit de suffrage des affranchis, réalisé la pensée de Gracchus et qu’il ait enlevé le droit de vote aux affranchis non pas seulement sans restriction dans les tribus rustiques[61], mais même, sauf peut-être pour certains individus ou certaines catégories, dans les tribus urbaines[62].

En même temps on voit apparaître dans les tribus urbaines certaines catégories de citoyens romains ingénus exclus des tribus rustiques pour des causes personnelles. Les tribus urbaines ne sont par conséquent pas, comme les tribus rustiques, dans un rapport fixe avec les cités d’origine ; elles se concilient avec tous les droits d’origine[63]. Les tribules urbains occupent, sous le principe, une situation intermédiaire entre les citoyens complets des tribus rustiques et les affranchis absolument privés du droit de suffrage, et nous les retrouverons frappés d’une infériorité symétrique, en nous occupant du service militaire. La date où ces mesures furent prises et la manière dont elles le furent sont aussi incertaines que leur véritable portée. La question de savoir si l’on subissait seulement une pénalité morale en votant dans la Palatina au lieu de voter dans la Pollia ou si au contraire le vote exprimé dans la Pollia avait réellement plus de poids que celui exprimé dans la Palatina peut d’autant moins être tranchée que ces dispositions ne furent peut-être prises qu’à, l’époque où le droit de vote lui-même était supprimé de fait. Les causes de déchéance peuvent être déterminées en partie et nous devons réunir ici les faits de cet ordre qui ont déjà été observés :

a. Le fils d’un affranchi entre souvent dans la tribu rustique du patron de son père[64] ; mais il entre aussi fréquemment dans la Palatina[65], plus rarement dans la Collina[66].

b. Parmi les habitants des deux grandes villes maritimes d’Italie, Ostie et Puteoli, qui étaient placées la première dans la Voturia[67] et la seconde probablement dans la Falerna[68], la Palatina se rencontre avec une fréquence si extraordinaire[69] qu’il faut que des circonstances spéciales y aient influé sur son attribution. La tribu rustique locale peut par exemple avoir été refusée aux Grecs qui acquéraient le droit de cité romaine en même temps que le droit de bourgeoisie de ces villes, et même encore à leurs fils.

c. Les individus d’origine grecque auxquels était offert individuellement le droit de cité, recevaient fréquemment comme tribu personnelle une tribu rustique ; mais ils recevaient souvent aussi une tribu urbaine, la Collina[70].

d. On ne rencontre qu’à titre exceptionnel des enfants nés hors mariage dans une tribu rustique[71] ; on n’en trouve même pas facilement dans la Palatina[72], mais au contraire fréquemment dans la Collina[73], dans la Suburana[74], et aussi dans l’Esquilina[75].

e. Les comédiens et les fils de comédiennes figurent avec une fréquence relative dans l’Esquilina[76].

Aucune de ces règles ne s’applique sans réserves. Il est à croire que des exceptions fixes étaient portées, pour des cas déterminés, aux déchéances générales, et il doit aussi être fréquemment intervenu des faveurs personnelles. Le système appliqué en principe après la guerre sociale, selon lequel tout citoyen romain doit appartenir à une cité de citoyens, a dit s’étendre aussi bien à ces tribules appartenant aux tribus urbaines qu’aux affranchis dépourvus de tribu ; on aura donc, dans les municipes, en dressant les listes de citoyens, refusé la tribu rustique municipale aux individus des deux catégories,et on les aura inscrits dans la liste, les uns sans tribus, les autres, soit d’après des règles fixes, soit d’après l’usage ou arbitrairement, dans une tribu urbaine. Il ne manque pas parmi les tribules urbains d’hommes de haut rang, même de rang sénatorial[77], et du reste l’on sait que des fils d’affranchis et des Grecs d’origine arrivèrent fréquemment, sous le Principat, aux dignités et à la considération. Mais on ne trouve pas, chez les citoyens de la seconde classe, d’hommes ayant des ancêtres, c’est à peine si l’on en rencontre un qui puisse se nommer un grand-père[78], et les tribales urbains paraissent n’avoir jamais transmis leurs tribus à leurs fils, qui passaient au contraire dans la tribu rustique de la patrie de leurs pères[79].

8. PARTICIPATION DES AFFRANCHIS AUX LARGESSES FAITES AUX CITOYENS.

Le peuple romain recevait, comme on sait, dès le temps de la République, mais en particulier sous le Principat, une certaine quantité de grains à titre gratuit, à des dates fixes, et l’on y joignit ensuite sous l’Empire, fréquemment et dans une large mesure, des libéralités en argent[80]. Ce n’est pas ici le lieu d’étudier en détail la limitation apportée sous l’Empire à ces largesses par l’exclusion soit des sénateurs et des chevaliers romains, soit des citoyens qui n’étaient pas domiciliés dans la capitale, c’est-à-dire leur limitation à la plebs urbana, ni la restriction nouvelle du nombre des bénéficiaires à un chiffre fixe, par suite de laquelle les citoyens en droit de profiter de cet avantage n arrivaient à sa jouissance effective qu’en entrant dans les places vacantes ; nous n’avons pas davantage à examiner la répartition des grains entre les trente-cinq sections de la plebs frumentaria ni la constitution progressive de ces sections en corporation en forme, encore existantes au IVe siècle[81], corporations[82] ayant leurs magistrats[83] et leurs appariteurs propres[84], qui célébraient des fêtes en commun[85], qui dédiaient des monuments honorifiques[86], qui procédaient à des élections et prenaient des résolutions[87]. Mais c’est un trait caractéristique du droit de cité de seconde classe que l’infériorité des affranchis et leur exclusion des tribus ne s’étendent pas à ces tribus et à ces largesses. La participation des affranchis aux frumentationes[88] et leur classement dans les tribus de la plebs frumentaria[89] nous sont attestés. La même conséquence résulte des listes de noms et des chiffres qui nous ont été conservés relativement aux donataires des grains. Un tableau ne contenant que des chiffres[90], qui appartient à ce cercle, et qui cependant ne donne certainement pas le nombre complet des tribules ayant, pour le moment, droit aux secours en denrées, accuse, pour la Suburana, sur laquelle nous n’avons peut-être pas plus de six documents épigraphiques[91], 4.068 têtes[92], et la relation est la même pour l’Esquilina. Il faut donc qu’il y ait eu, dans ce temps-là, beaucoup de citoyens qui n’avaient pas le droit de porter la désignation de la tribu dans leur nom, d’inscrits dans les tribus urbaines. Tandis que les tribules rustiques en droit de bénéficier des distributions, dont le même tableau permet de constater le chiure relativement faible, étaient, selon toute vraisemblance, des ingénus[93], les urbains étaient non pas exclusivement[94], mais principalement des affranchis. On peut invoquer, dans ce sens, soit les noms de ce document et d’autres documents semblables qui amènent communément à supposer des affranchis[95], soit la manière dont la tribu est envisagée par Scævola, jurisconsulte du temps de Marc-Aurèle : il la regarde en effet comme une rente sur l’état aliénable et transmissible, qui est achetée, tout comme les places d’appariteurs[96], par des personnes de basse condition ou pour elles, et au moyen de laquelle le patron constitue très habituellement une rente viagère à ses affranchis dans son testament[97] : finalement la tribu n’a plus exprimé dans la capitale que l’idée d’une institution de bienfaisance[98].

Le système de protection de l’enfance établi sous le Principat réclame l’ingénuité chez le bénéficiaire[99]. Mais ce n’est pas là une infériorité dont soient frappés les affranchis. Car ces aliments sont donnés en considération des parents vivants ou décédés, et il n’est fait, sous ce rapport, aucune distinction entre ingénus et affranchis. On n’avait pas de motif de faire participer à ces privilèges les enfants qui seraient eux-mêmes affranchis.

9. SERVICE MILITAIRE.

L’obligation au service militaire a, de tout temps, été reconnue comme pesant sur tous les citoyens sans exception, et par conséquent aussi sur les affranchis depuis qu’ils furent des citoyens. La différence profonde existant entre les citoyens par rapport au service ordinaire est à l’origine complètement étrangère à l’affranchissement. Tant que l’on ne leva pour la légion que les citoyens propriétaires, les affranchis ont difficilement été frappés d’une infériorité légale au point de vue du service militaire, précisément parce que les propriétaires fonciers étaient rares parmi eux et que le magistrat qui faisait la levée était libre d’omettre qui il voulait. Par conséquent, dans les temps anciens de la République, l’armée régulière était formée des citoyens propriétaires, y compris les affranchis propriétaires, tandis que les citoyens non propriétaires, qu’ils fussent ingénus ou affranchis, faisaient leur service dans les compagnies d’ouvriers, de musiciens, ou d’hommes de réserve. Mais, vers le milieu du Ve siècle, à la suite des censures d’Ap. Claudius et de Fabius Maximus, les citoyens non propriétaires furent assimilés aux propriétaires pour les levées ordinaires. On traça alors, probablement en même temps, une ligne de démarcation, et les affranchis furent exclus du service régulier. A partir de 458, les annales témoignent de levées d’affranchis qu’on emploie à un service inférieur ; ce n’est qu’en cas de force majeure qu’ils sont appelés à servir dans les légions[100], et, depuis qu’il y a une flotte, ils y sont employés en principe[101] avec les ingénus du cens le moins élevé. Cette règle n’a pas été complètement étendue aux affranchis qui avaient des immeubles : tout au moins ceux d’entre eux qui possédaient un immeuble valant plus de 30.000 sesterces ou qui avaient un fils de plus de cinq ans, de même qu’ils étaient encore en 586 les égaux des ingénus pour le droit de rote, doivent aussi sans cloute avoir servi à leurs côtés dans l’armée ; et les affranchis qui possédaient, à côté des immeubles, le privilège accordé à la paternité doivent avoir conservé au moins alors l’égalité du droit de suffrage et peut-être le droit de sertir dans les légions. Par la suite, il n’est plus question de ces exemptions de catégories de personnes ; les affranchis ont probablement cité écartés des légions et ont cessé d’être employés pour le service de campagne ordinaire. Lors de la guerre sociale, on ne les admit pas dans les légions, mais on employa, à côté des logions, des cohortes faites de leurs volontaires[102].

Sous le Principat, les affranchis ont de la même façon fait, en cas de nécessité, le service de campagne dans des cohortes séparées[103]. Ces cohortes sont désormais sur le même rang que les cohortes auxiliaires composées de non citoyens. Mais les divisions ainsi formées qui subsistèrent furent plus tard recrutées de préférence parmi les non citoyens, et passèrent donc à vraiment parler dans les troupes auxiliaires. En la forme, il n’y a pas de règle qui ait été appliquée sous l’Empire avec une plus grande rigueur que l’exclusion des affranchis du service militaire. Dans l’armée de terre, l’ingénuité était requise non seulement chez les prétoriens et les légionnaires, mais également dans les cohortes urbaines et les corps de troupe de nationalité pérégrine. Les empereurs ont même renoncé au droit de concéder l’ingénuité fictive pour ne pas ensevelir, à l’aide de cet expédient, le principe fondamental de la composition de l’armée[104]. La flotte fut, il est vrai, armée en partie à l’aide d’esclaves par Auguste, et elle fut encore, sous Néron, fréquemment commandée par des affranchis[105]. Mais, après que ce service fut lui-même devenu un service militaire, on y exigea également l’ingénuité, qui à la vérité y était souvent fictive[106]. Ce fut seulement pour les pompiers de la capitale, qui tiraient leur origine des escouades publiques chargées d’éteindre les incendies[107], qu’Auguste se borna à exclure les esclaves ; dans cette troupe, les affranchis ont toujours été admis à côté des ingénus. Mais elle n’était pas à proprement parier comprise dans l’armée, quoique ses chefs fussent traités comme des officiers[108]. — Il est, en présence de tout cela, surprenant que la militia, qui est considérée dès le second siècle comme un droit aliénable et transmissible, et qui est probablement la qualité de membre d’un corps de troupe en garnison dans la capitale, soit accessible aux affranchis. Cependant il peut s’agir là du service dans les pompiers, ou bien encore l’admission des affranchis dans d’autres corps de troupes peut avoir été rendue possible au moyen de la fiction de l’ingénuité dont le domaine s’étendit de plus en plus[109].

Les tribules urbains, qui sont ingénus, mais qu’il faut regarder comme des citoyens de seconde classe, y occupent une place à part dans l’armée. Ce ne peut être par un simple hasard qu’ils sont presque complètement absents parmi les prétoriens[110] et dans les légions[111] et qu’ils figurent en grand nombre dans les cohortes urbaines[112]. Auguste semble n’avoir pas admis ces citoyens de seconde classe à servir dans l’armée proprement dite, mais au contraire en avoir composé, pour la plus grande partie, les cohortes urbaines.

10. DROIT AUX MAGISTRATURES, AU SIÉGE SÉNATORIAL ET AU CHEVAL ÉQUESTRE.

Les affranchis et les fils d’affranchis étaient et restèrent exclus des magistratures et de la curie sous la République et le Principat, avons-nous montré au sujet de l’Eligibilité[113]. — Même dans le domaine religieux, en dehors de quelques cas exceptionnels dont il sera question à propos des sacerdoces équestres, il n’y a que la direction des compita Larum, ou, ce qui est la même chose, des rues de la capitale, qui ait été accordée ou plutôt laissée aux affranchis par Auguste[114]. — De même, le cheval de chevalier n’a jamais pu être attribué à un affranchi, et ce principe a été maintenu jusque sous le Principat[115]. Le nécessaire sera dit dans la partie des Chevaliers sur les quelques cas où, par dérogation à cette règle, les droits de chevalier ont été donnés à un affranchi au moyen de la concession de l’anneau d’or. Les fils d’affranchis eux-mêmes ne parvenaient pas, du temps de la République, au cheval équestre, et ils ont encore été déclarés incapables de l’obtenir par une disposition rendue sous Tibère en l’an 23[116]. Cependant on dérogea déjà, sous Auguste, à plusieurs reprises[117], à cette prohibition, et par la suite les exceptions sont si nombreuses qu’elles détruisent la règle[118]. — Naturellement il est, en vertu de ces prescriptions, interdit aux affranchis de porter tous les titres et les insignes attachés aux magistratures et aux rangs qui leur sont fermés.

11. LES MAGISTRATURES ET HONNEURS MUNICIPAUX.

Les magistratures et les sacerdoces des cités de citoyens comme leur sénat municipal sont fermés aux affranchis. Le dictateur César a bien admis ces derniers comme magistrats et comme décurions hors de l’Italie[119]. Mais ce qui était approprié à la monarchie démocratique de César ne l’était pas au compromis d’Auguste entre l’ancien gouvernement des Optimates et la domination d’un seul. La res publica restituta revint à l’ancienne respectabilité, et elle exclut de nouveau ceux qui avaient été esclaves de toute participation au gouvernement. C’est le régime qui s’est maintenu[120]. Mais Auguste a en même temps assuré dans les municipes sua affranchis, tout en les tenant rigoureusement à l’écart de l’administration communale proprement dite, certains honneurs propres restreints à eux et une organisation correspondant jusqu’à un certain point à celle des magistrats et du sénat municipaux, dans l’institution des Augustales[121]. Cette institution, qui emprunte son nom au fondateur du Principat[122], a principalement été créée dans l’intérêt pécuniaire des cités. Une des sources capitales des finances des villes était dans les prestations qui étaient imposées par le statut municipal aux magistrats et aux prêtres entrant en charge, soit qu’elles fussent directement versées dans la caisse de la ville (summa honoraria), soit que ces personnages dégrevassent les finances de la ville en organisant des fêtes publiques (ludi) ou en faisant d’autres dépenses équivalentes (pro ludis, pro munere). Or, les libertin ne pouvant occuper de magistratures ni de sacerdoces, ces dépenses leur restaient étrangères, si aptes qu’ils fussent en partie à les supporter et si disposés qu’eussent’ été certains d’entre eux à les faire. C’est pour cela que l’on appela à la vie une organisation municipale fictive, dans laquelle il n’y avait rien autre chose de réel que la pompe et les frais. Quant au fond, elle fut créée par le gouvernement, la preuve en est dans la généralité et l’uniformité essentielles avec lesquelles elle se présente dans l’Italie et dans les provinces latines organisées de vieille date, tandis qu’elle ne se rencontre que rarement en Afrique et pas du tout dans les provinces grecques. Mais évidemment elle ne fut pas créée par une loi générale : elle le fut par des résolutions des diverses communes ; que le gouvernement put y amener d’autant plus facilement qu’au point de vue financier la cité ne retirait de là que des avantages et des divertissements. L’établissement de l’institution vient d’Auguste et peut remonter à ses premières années[123]. D’après elle, les décurions nomment annuellement, dans la plupart des villes exclusivement et dans toutes principalement parmi les affranchis[124], des sixeniers[125] sex viri augustales[126]. Cette position est une charge publique comme les véritables magistratures[127], et celui qui s’est soumis une fois à la remplir, en est en principe exempt pour l’avenir[128]. Elle consiste, comme nous avons déjà dit, dans le paiement d’un droit d’entrée à la caisse de la ville et dans l’organisation de jeux. En la forme, les sexviri sont des magistrats sans fonctions à peu près comme ceux d’Albe et de Lavinium. Leur dénomination est une dénomination qui, dans les municipes, est exclusivement usitée pour les magistrats[129], et ils ne remplissent jamais de fonctions sacerdotales[130]. De même que le sénat municipal, l’ordo, a pour source l’exercice des magistratures combiné avec l’adlection, l’exercice de la magistrature fictive, du sévirat, également combiné avec l’adlection donne naissance à l’ordo des Augustales. Le modèle copié par cette institution municipale, ce sont les chevaliers romains. L’ordre équestre, dans lequel les fils d’affranchis ne manquent pas, contient, par opposition à la noblesse de naissance et à la grande propriété foncière, la classe des capitalistes et le gros commerce ; les collègues de Trimalchio, représentent le même milieu dans un cercle moins élevé ; et les collèges des Mercuriales apparaissent à plusieurs reprises comme des précurseurs des Augustales[131]. La position qu’occupent les Augustales dans les municipes est aussi exactement celle des chevaliers[132]. Ils sont comme eux une portion intégrante de l’état, mais ils ne sont pas plus qu’eux, au sens juridique rigoureux, une corporation. Ils ne peuvent ni prendre des résolutions indépendantes ni acquérir des biens[133], ils n’ont qu’exceptionnellement les droits des corporations, et ce n’est qu’en ce cas qu’ils peuvent avoir des chefs et une caisse[134]. Mais ils ont, comme les chevaliers, leur place particulière aux jeux et une situation intermédiaire entre le sénat et le peuple de la cité[135]. L’ordo des ingénus et l’ordo des affranchis sont dans les municipes ce qu’est à Rome l’uterque ordo par opposition à la plebs urbana[136]. La dénomination des sexviri et les ludi sevirales sont passés de la chevalerie romaine à sa copie municipale[137] ; les sévirs des chevaliers ne sont certainement ni des prêtres ni des officiers, mais ils figurent parmi les magistrats quoique n’ayant tout aussi sûrement aucune attribution de magistrats ; il en est exactement de même pour les sévirs des municipes. Les sexviri des chevaliers et les sexviri municipaux sont sans doute aussi arrivés à la vie en même temps. Les deux institutions sont étrangères à la République, et toutes deux sont nées dans les commencements du Principat. Les sévirs à la tête desquels chevauchent les princes de la maison impériale sont sans doute d’un plus haut rang que ceux de Cumes représentés par Pétrone. Mais entre les premiers et les seconds le rapport est le même qu’entre Cumes et Rome.

 

 

 



[1] L’expression ordo libertinus familière aux écrivains de l’époque impériale (Tite-Live, 42, 27, 3. 43, 49, 9. 45, 15, 3. c. 49, 19 ; Suétone, De gramm., 18 ; Aulu-Gelle, 5, 19, 12 ; De viris ill., 73, 3) est évitée à la bonne époque, bien qu’elle pénètre parfois dans le langage (Cicéron, Cat. 4, 8, 16), et elle n’est pas correcte ; car les affranchis ne forment pas une corporation appelée à agir collectivement.

[2] Cette désignation des affranchis se rencontre chez Tite-Live, 40, 13, 7, (là précédée de cives Romani). 45, 15, 5, et, comme celle des antiqui, chez Quintilien, Inst. 7, 3, 26. Dans la loi Cincia de l’an 550 les affranchis s’appellent même encore servi ; mais les gens sortis d’une injusta servitus s’appellent qui pro servis servitutem servierunt. L’expression qui servitutem servierunt a été choisie, parce que l’ingenuus manumissus peut lui-même être nommé libertinus.

[3] La manumission sacrorum causa, (Festus, v. Manumitti, p. 153. 159 et v. Puri, p. 250) rentre elle-même dans cette catégorie. L’esclave ainsi consacré au service des Dieux n’est pas libre au sens juridique ; le maître s’oblige seulement, par un vœu, à payer dix livres d’or s’il enlève cet esclave à ce service ; au point de vue du droit civil, il n’y a donc pas une manumission, mais une promesse d’argent conditionnelle.

[4] Ce qu’il y a à dire des libertini Latini Juniani viendra dans la partie de la Latinité. Sur les libertini dediticiorum numero, cf. tome VI, 1.

[5] Dans le droit des successions, les jurisconsultes appliquent indistinctement patronus et libertus à la manumission ex ingenuitate et à celle ex servitute ; libertinus n’est employé que rarement pour le premier cas, mais il l’est cependant (Tite-Live, 41, 8, 10), et la rareté provient seulement de ce que, dans le langage ordinaire, c’est le sens politique du mot qui prédomine. Au reste il y a, même en droit civil, des différences de droit entre le manumissus ex servitute et l’ingenuus manumissus (cf. Inst. 1, 4, 1 ; Cod. 7, 13 ; Digeste, 37, 12, 2).

[6] Gaius, 1, 10, 11. Marcien, Digeste, 1, 5, 5. Horace, libertino patre natus, est, par suite, ingenuus (Sat. 1, 6, 7). Cf. tome II, la partie de la Capacité d’être magistrat, sur l’incapacité des affranchis et de leurs enfants. — Si ingenuus est bien rapproché de patricius, mais ne lui est pas assimilé, on peut encore moins identifier libertinus et plebeius, et, tandis que la première qualité, si elle est héréditaire, ne l’est qu’à la première génération, la seconde se transmet au contraire perpétuellement. — Il faut encore signaler, comme document ancien sur l’emploi du mot libertinus, la désignation comme colonie libertinorum (Tite-Live, 43, 3) de la colonie de droit latin de Carteia fondée en 533 dans l’Espagne Ultérieure. Les membres de cette colonie étaient les enfants des Espagnoles qui avaient vécu sans conubium avec les soldats romains, ou leurs (descendants et) affranchis (car c’est par une faute de l’auteur ou du copiste qu’il n’y a pas dans le texte genuissent vel avant manumississent). Quant à leurs droits personnels, ils étaient pérégrins et pouvaient bien être assimilés aux affranchis, mais non pas être eux-mêmes désignés comme des affranchis.

[7] Suétone, Claude, 24. Suétone semble penser que les affranchis et les fils d’affranchis auraient été distingués en liberti et en libertini. Mais cela est philologiquement impossible ; car libertus n’est pas, en langage correct, employé d’une manière indépendante ; il ne l’est qu’en ajoutant ou en sous-entendant le nom du patron, pour désigner l’homme affranchi par celui-ci ou celui-là. Le texte de Suétone a introduit dans notre latin moderne l’usage de libertinus par opposition à libertus pour désigner le fils d’affranchi ; mais cet usage est aussi incorrect que trompeur.

[8] L’opinion contraire, celle d’après laquelle Appius aurait le premier admis des petits-fils d’affranchis dans le sénat, est à la vérité soutenue par Suétone, loc. cit. ; mais il est seul de son avis. Tous les autres témoignages considèrent la mesure d’Appius comme ayant consisté à faire entrer des fils d’affranchis dans le sénat. Diodore, 20, 36, dit de l’élection comme édile curule de Cn. Flavius, qui est contemporaine de cette censure : Πρώτος 'Ρωμαίων ταύτης τής άρχής κατρός ών δεδουλευκότος. Tite-Live, 9, 46, 1, dit du même personnage : Patre libertino... ortus. 9, 46, 10 : Senatum primus libertinorum filiis lectis inquinaveret. L’empereur Claude dans Suétone, loc. cit. Tacite, Ann., 11, 24. Plutarque, Pompée, 13. L’allégation de Suétone selon laquelle libertinus a changé de sens est, avec la restriction indiquée plus haut, pleinement digne de foi, et Appius lui-même peut fort bien avoir appelé libertinus à la fois l’affranchi et le fils d’affranchi. Mais d’un autre côté, il n’est pas moins certain que, dans la littérature qui nous est connue, libertinus n’a jamais ce sens large, ni ingenuus le sens étroit corrélatif, et, comme ce n’est pas le récit d’Appius que nous possédons, mais celui de l’annaliste Tite-Live, il faut y comprendre libertinorum filii des fils d’affranchis, et non, comme le veut Suétone, des petits-fils d’affranchis.

[9] C’est pourquoi, dans le langage correct, libertus, mais non libertines est en règle accompagné soit du génitif de propriété, soit du pronom possessif, ou du moins ce dernier est sous-entendu. Lorsque, dans Salluste (Cat. 59), Catilina prend place dans l’ordre de bataille cum libertis, il s’agit de ses affranchis ; cum libertinis désignerait l’ensemble des affranchis présents. Il n’y a pas d’intérêt pratique à suivre l’effacement progressif de cette distinction rigoureusement observée chez les bons auteurs. — La langue grecque ne connaît pas cette distinction et emploie dans les deux sens άπελευθέρος ou έξελευθέρος. Plutarque dit quelquefois άπελευρικός (Sull. 1 ; Cic. 7) ou έξελευθερικός (Sull. 8. 33 ; Anton. 58), évidemment pour reproduire le latin libertinus, mais c’est pour l’affranchi lui-même et non pour le fils d’un affranchi.

[10] Suétone, Auguste, 74.

[11] Pline, H. n. 33, 32, 2. Cf. la partie des Chevaliers.

[12] Dioclétien, Cod. Just. 9, 21, Ad legem Viselliam ; en partie reproduit ibid. 93 31, 1 : Lex Visellia libertinæ condicionis homines persequitur (et criminellement, comme il est dit expressément plus bas), si ea que ingenuorum sunt circa honores et dignitates ausi fuerint attemptare vel decurionatum adripere, nisi jure aureorum anulorum impetrato a principe sustentantur. C’est à tort que j’ai contesté dans les Jahrbücher des gem. deutsch. Rechts de Bekker et Muther, 2, 535, que cette loi ait été proposée par le consul de l’an 24, L. Visellius Varro ; elle constitue clairement la mise à exécution du sénatus-consulte de l’année précédente.

[13] Pline, 33, 2, 33 : Adeo id (le port illégal de l’anneau d’or) promiscuum esse cœpit, ut apud Claudium Cæsarem in censura ejus unus ex equilibus Flavius Proculus quadringentos ex ea causa reos postularet. La preuve que C’était là une véritable action, parfaitement intentée comme telle devant l’empereur, résulte partie de la rédaction du texte, partie de ce que la rota du censeur n’avait aucune efficacité à cette époque ni contre de telles personnes. Il résulte des exemples cités plus loin, note 114, sur les affranchis poursuivis pour usurpation des privilèges équestres, que la peine pouvait aller jusqu’à la privation de la liberté.

[14] Parmi les inscriptions datées des magistri de Campanie (C. I. L. X, 3772 et ss.), qui nous permettent seules de comprendre ce développement, celtes qui se placent avant 660 ne donnent pas, pour la plupart, de cognomen aux affranchis, et, lorsqu’elles leur en donnent un, il est écrit en règle par une abréviation qui n’est pas communément intelligible, et souvent dans une écriture plus petite, ce qui se reproduit aussi sur d’autres documents anciens. L’addition du cognomen ainsi opérée parait avoir été faite exclusivement pour arriver à une détermination plus précise, et il y a là un témoignage de l’absence légale de cognomen. Cf. Rœm. Forsch., 1, 38 et ss.

[15] La notion du cognomen n’implique pas qu’il soit simple ; et l’on rencontre en nombre suffisant des surnoms nobiliaires multiples tout aussi tôt que des simples. Au contraire le principe de la simplicité est à peu près aussi rigoureusement observé pour le surnom de l’affranchi que pour la prénom du temps de la République : cela se fonde évidemment sur une règle légale et doit servir de base à la distinction des deux catégories. Les exceptions à cette règle se rapportent (en dehors des affranchis impériaux qui conservent la dualité de, nom des esclaves impériaux) presque absolument à la catégorie des cognomina equestria accordés aux affranchis réhabilités ci-dessous, note 18).

[16] Tandis que les trois inscriptions de 642-643 et de 648 (C. I. L. X, 3774. 3178. 3175) nomment 17 affranchis sans cognomen et n’en nomment que 8 avec un cognomen (le plus souvent abrégé), il y en a, sur celles de 660 et de 683 (C. I. L. X, 3772. 3183), au moins 14 sur 15 qui en ont un, et le cognomen ne fait défaut que dans un 15e cas qui, n’est même pas certain. Dans l’inscription de Samothrace de 662 (C. I. L. III, 713), il y a aussi deux affranchis sur trois qui ont le cognomen, et le troisième a la tribu. Dans les inscriptions certaines de l’époque récente, les affranchis sans cognomen sont très rares (cf. C. I. L. IX, p. 810), cependant cela ne prouve pas grand’chose, les non affranchis eux-mêmes ayant bientôt pris tous le cognomen.

[17] Cette règle domine encore la nomenclature du Principat ; ceux qui voudront pourront le vérifier dans les tables des cognomina du C. I. L. qui spécifient pour cette raison la qualité des affranchis. Les cognomina qui se présentent principalement chez les ingénus se distinguent clairement d’autres qui sont généralement propres aux affranchis, et parmi lesquels il y en a même de latins, comme Fausta (et non Faustina), Felix, Salvius.

[18] Willmanns a rassemblé dans l’index de ses Exempla, 2, p. 404, un certain nombre de ces doubles noms d’affranchis : Phileros Æquitas (C. I. L. VI, 10 003), — Davos Calidus, — Salvius Gallus, — Philargurus Labeo, — Hermias Naso, — Eros Merula, — Nicepor Peccio, — Antiocus Tuscus. Il est visible que le nom mieux porté, qui est toujours mis au second rang, leur est accordé à titre exceptionnel, comme l’affranchi de Galba Icelus reçut, en même temps que la concession de l’anneau d’or, le cognomen equestre Marcianus. Mais ils n’ont pas pour cela reçu la restitutio natalium ; puisqu’ils continuent à se qualifier d’affranchis. Les exemples appartiennent pour la plupart aux derniers temps de la République et aux commencements de l’Empire. Si par la suite on rencontre plus rarement ces doubles noms, il faut exclusivement en chercher la raison dans ce qu’alors le nom d’affranchi était en règle mis de côté : c’est ainsi que certains affranchis, par exemple le savant M. Verrius Flaccus, seront arrivés à porter de purs noms équestres. Cf. sur les doubles cognomina des affranchis ma dissertation Hermes, 2, 156.

[19] Rœm. Forsch. 1, 30. Nous ne connaissons cette innovation qu’exclusivement par l’opposition des noms d’affranchis antérieurs et postérieurs à Auguste qui nous sont connus par les inscriptions. Tandis que pour les premiers les prénoms du patron et de l’affranchi sont très fréquemment différents, c’est parla suite pour ainsi dire quelque chose d’inouï. Une évolution analogue, mais cependant encore moins expliquée, s’est accomplie pour la translation aux fils du prénom paternel (Handb. 7, 84).

[20] Sur le fait, il n’y a pas de doute ; on ne peut décider si les gentils étaient appelés expressément à la succession de l’affranchi par le droit civil, et, dans la classe unde legitimi, par le préteur. Cf. Huschke, Studien, p. 169.

[21] Ce n’est que par une confusion que le M. Pomponius Dionysius de Cicéron, Ad Att. 4, 15, 1, est regardé comme un affranchi de Cicéron, par Borghesi, Opp. 5, 329, et d’après lui, par Henzen, 6379, et dans le Handb. 7, 22 ; l’auteur de l’affranchissement était Atticus (Drumann, 5, 67. 6, 463), et le nom arbitrairement choisi était le prænomen et non le nomen.

[22] Dans le système des noms de l’époque ancienne de la République, il y a servus où l’on a mis plus tard libertus. C’est une conséquence qui aurait dû être tirée depuis longtemps des mots de la loi Cincia sur les donations de 556 conservés Vat. fr. 307 : Si quis a servis quique pro servis servitutem servierunt accipit duit[ve] is ; Paul remarque : servis liberti continentur ; mais l’observation est inexacte en ce que la donation de l’esclave à son maître n’est pas valable légalement et que le servierunt qui suit montre qu’il ne s’agit pas des servus et pro servo actuels, mais de ceux qui l’ont été. L’affranchi n’est par conséquent pas seulement compris dans l’expression servus de cette loi, e’est de lui seul qu’il s’y agit. Cependant on n’a pas tiré cette conclusion, et l’on n’en a pas davantage rapproché le fait que les anciens noms des affranchis, Gai por, etc. impliquent également la persistance de la servitude. Mais il est venu au jour dans les dernières années différents témoignages directs de cet usage du mot servus, qui établissent le fait révoqué en doute (cf. Eph. epigr. 1, 20. 4, 246). J’ai connaissance des suivants

C. Sextio V. s. — Vase d’argile de Rome, Eph. epigr., loc. cit.

Servio Gabinio T. s. fecit. — Flambeau d’argile de Campanie C. I. L. X, 8054, 8.

Retus Gabinio (ou Gabinius) C. s. Calebus fecit. — Vase d’argile à figures noires de Cales. C. I. L. X, 8054, 7.

C. Fladius Ban. f., Luccia V. s. — Inscription funéraire du Samnium, C. I. L. IX, 2782.

Les trois premiers documents appartiennent sûrement à l’époque antérieure à la guerre d’Hannibal, l’inscription funéraire samnite à peu prés au vue siècle ; il est probable que l’ancienne coutume s’est maintenue là plus longtemps. Mais Cicéron, Ad fam. 5, 20, 2, dit encore : Librum accepi a meo servo scriba, ce que l’on aurait bien fait de ne pas écarter par de fausses corrections, et nous lisons dans une inscription espagnole (C. I. L. II, 3495) qui est sans doute des derniers temps de la République : Plotia L. et Fufiæ l. Prune hæc vocitatast ancilla : heic silast.

[23] Tite-Live, 45, 44, 19.

[24] Macrobe, Saturnales, 1, 6, 12.

[25] V. tome II, la partie de la Capacité d’être magistrat, sur l’incapacité des affranchis et de leurs enfants.

[26] Dion, 54, 16 (de même 56, 7) sur l’an 736. Celse, Digeste, 23, 2, 23.

[27] Dans le sénatus-consulte de 568 (Tite-Live, 39, 19, 5), il est, entre autres faveurs, accordé par le sénat à la fille publique affranchie Hispalla Fecenia, à raison des services qu’elle a rendus au peuple, uti ei ingenuo nubere liceret neu quid ei qui eam duxisset ob id fraudi ignominiæve esset. La relation même implique, en dehors des indications que nous possédons an sujet de la loi Julia, sur le mariage, que l’empêchement au mariage dont elle était exceptée ne tenait pas à son industrie honteuse, mais à sa qualité d’affranchie. Car, si les filles publiques avaient alors été frappées d’une incapacité de se marier, le mariage leur eût été interdit d’une manière générale, et la dispense n’aurait pas pu se rapporter exclusivement à l’union avec un ingenuus. Si, d’après Scævola, les gentils en droit de succéder doivent être ab ingenuus oriundi, cette exigence ne peut, comme on le fait d’habitude, être rapportée aux père et grand-père ; car ce dernier est déjà visé par l’incidente : quorum majorum nemo servitutem servit ; il s’agit des père et mère (cf. Columelle, 1, 3, 5 ; Salluste, Jug. 5). Les mots de Tite-Live, 6, 40, dans un discours : Non unus Quiritium quilibet, qui modo me duobus ingenuis ortum... sciam ont aussi été jusqu’à présent, même par moi, rapportés à tort au père et au grand-père ; la relation qui se présente la première à l’esprit est celle avec les deux auteurs. Il mérite encore d’être remarqué qu’est incapable d’être vestale celle, cujus parentes alter ambove servierunt aut in negotiis sordidis versantur (Aulu-Gelle, 1, 42, 15, rapproché de Sénèque, Controv. 1, 2, 1. 11, 13. 15).

[28] Le droit romain considère, on le sait, comme un concubinatus l’union extérieurement semblable au mariage, d’un homme avec une femme qui, par suite d’un empêchement tenant à son rang, n’est pas capable de l’épouser, ou encore avec une femme dont il n’a pas voulu faire son épouse ; et il est probable que cette notion n’a pas été introduite par la législation d’Auguste, qu’elle avait déjà été développée du temps de la République pour les unions de ce genre entre l’ingenuus et libertini. Mais cette union n’est, ni quant au mot, ni quant à la chose, aucunement un mariage ; les enfants qui en naissent n’ont pas plus de père que les vulgo quæsiti, et elle ne peut servir de base à aucune prétention légale. L’idée en rentre essentiellement dans le droit criminel, en ce sens qu un pareil commerce n’est pas regardé comme un stuprum. — L’époux de rang moins élevé est souvent qualifié, par opposition à celui du plus élevé, du nom d’inégal (impar) (Salluste, Jug., 11 ; Tite-Live, 6, 34, 9 ; Tacite, Ann. 1, 53. Hist. 2, 50) ; mais cette inégalité de fait na aucune influence sur la validité légale du mariage, et c’est incorrectement qu’un mariage nul est appelé, dans Apulée, Mét. 6, 9, 23, du nom d’imparas nuptiæ.

[29] Lorsque Cicéron, Pro Sest. 52, 110, dit d’un chevalier romain : Ut credo, non libidinis causa, sed ut plebicola videretur, libertinam duxit uxorem, il ne regarde une telle union que comme choquante ; or il se serait difficilement borné à cela si l’ancienne prohibition avait encore été pratiquement en vigueur de son temps.

[30] A la vérité, en est choqué du mariage d’un homme de l’aristocratie avec la fille d’un affranchi, comme celui que Cicéron reproche à Antoine (Phil. 2, 2, 3. 3, 6, 17. 13, 10, 23 ; Ad Att. 16, 11, 1) ou avec la fille d’un client, comme celui que contracta Caton l’Ancien (Plutarque, Cato maj. 24).

[31] Aulu-Gelle, 20, 1, 40.

[32] Gaius, 3, 40.

[33] Il était d’usage de se faire garantir par serment avant l’affranchissement la prestation imposée à l’affranchi, et c’était une question controversée de savoir si un pareil serment n’obligeait pas légalement l’affranchi sinon à accomplir le serment (Venuleius, Digeste, 40, 12, 44, pr.), au moins à réitérer le serment après l’affranchissement (Cicéron, Ad Att. 7, 2, 8), Mais l’opinion la plus logique et la plus humaine prévalut. On reconnut seulement que le serment de ce genre prêté après l’affranchissement devait par exception avoir la même force légale que la stipulation.

[34] On ne peut, il est vrai, prouver positivement qu’il soit le prêteur Rutilius d’Ulpien (Digeste, 38, 2, 1, 1) ; mais les conditions chronologiques et la tendance de l’innovation s’accordent avec cette idée, et il est attesté que Rufus fut un jurisconsulte éminent (Cicéron, Brut. 30, 113).

[35] Gaius, 3, 42. Digeste, 38, 2, 1, etc. Le développement rentre dans le droit civil. Au point de vue politique, il est remarquable que, du moins selon le droit des pandectes, aucunes opera : ne peuvent être imposées à l’ingenuus manumissus (Digeste, 37, 12, 4. tit. 13, 10) et qu’au contraire la contra tabulas bonorum possessio s’applique même à lui (Digeste, 37, 12, 1, 1).

[36] Il n’est pas seulement fait mention du libertus centenarius au sujet du droit de succession (Ulpien, Digeste, 37, 16, 14, pr. ; Cod. Just. 6, 4, 4, 8a) l’inscription de Formiæ d’un C. Arrius C. l. Lucrio cent(enarius) (C. I. L. X, 6122) donne au moins à croire qu’une supériorité honorifique, et peut-être même légale, était liée à cette dénomination.

[37] Il faut ici entendre le mot même de l’ingenuus manumissus, puisque l’ingenuus filius familias est soumis à la même puissance.

[38] Suétone, Cæsar, 48. Valère Maxime, 6, 1, 4.

[39] En 723 on demanda aux affranchis qui possédaient plus de 5.000 deniers la huitième partie de leur fortune et aux ingénus seulement le huitième de leur revenu annuel (Dion, 50, 10. 51, 3. Plutarque, Ant. 58).

[40] La tradition qui rattache le début de l’affranchissement complet à l’origine de la République ; donne expressément au premier affranchi le droit de vote dans les curies ; et les affranchis sont aussi inscrits dans les curies d’après Denys (4, 22).

[41] Denys, 4, 22.

[42] Voir tome IV, la partie de la Censure, sur le classement des citoyens d’après leur tribu personnelle.

[43] Tite-Live, 9, 46.

[44] Plutarque, Poplicola, 7 ; c’est inexact en ce sens que la concession de la cité à l’esclave par la manumissio vindicta constitue le terme opposé et que la réforme d’Appius est indiquée sans autre détail comme définitive. Les relations meilleures de Diodore, 20, 36, et de Tite-Live, 9, 46 (d’où Val. Max, 2, 2, 9), sont exemptés de cette faute.

[45] De viris ill., 32.

[46] L’Épitomé du 20e livre de Tite-Live porte à la fin, d’après le manuscrit (avec addition entre [] des compléments certains, dont le premier est confirmé par Cassiodore) : Lustrum a censoribus per (à changer en quater ?) conditum est : primo lustro censa sunt civium capita CCLXX CCXIII. Libertini in quattuor tribus redacti sunt, cum antea dispersi per omnes fuissent, Esquilinam Palatinam Suburanam Collinam. [C. Flaminius censor viam Flaminiam] muniit et circum Flaminium extruxit. Coloniæ deductæ sunt in agro [de] Gallis capto Placentia et Cremona. Evidemment l’epitomator, qui a relevé le plus souvent les lustres dans la 2e décade, réunit ici ceux qui tombent dans ce livre ; ce sont ceux des années 520, 524, 529, 534. Le primum lustrum ne peut être que celui de 520 ; les indications concernant Flaminius se rapportent à 534. La censure à laquelle il faut attribuer la mise à part des affranchis ne peut être déterminée par des preuves extérieures ; l’adoption habituelle de l’an 534 a pour fondement une connaissance imparfaite et une interprétation incorrecte du texte qui nous a été transmis ; mais, en elle-même, elle n’est pas invraisemblable.

[47] Plutarque, Flam. 18. Les fils des affranchis se trouvaient, tout comme eux-mêmes, dès le principe, dans la liste des citoyens ; évidemment c’est de leur inscription avec égalité de droit qu’il est parlé là sous le nom d’inscription sur la liste. Il est rendu certain par d’autres preuves qu’il a dû y avoir, à une époque quelconque, une mesure de ce genre, séparant les libertinorum filii des libertini et les plaçant parmi les ingenui.

[48] Voir ce que dit le roi Servius dans Denys, 4, 23.

[49] La position des partis par rapport à cette question ressort, de la manière la plus claire, de l’attitude du père des Gracques.

[50] Tite-Live, 45, 15, 1 : Ces censeurs avaient réparti les fils d'affranchis dans les quatre tribus urbaines, à l'exception de ceux qui avaient un fils au-dessus de cinq ans. Un sénatus-consulte maintint ces derniers dans la tribu où les avait placés le dénombrement précédent; quant à ceux qui possédaient une ou plusieurs propriétés rurales d'une valeur de plus de trente mille sesterces, ils furent admis dans les tribus de la campagne... Après de longs débats, on finit par convenir qu'on tirerait publiquement au sort dans le temple de la Liberté une des quatre tribus de la ville dans laquelle devaient entrer tous ceux qui étaient sortis d'esclavage. Le sort désigne l’Esquilina. Le texte a, quant au fond, été correctement complété par Becker, 3e éd. de ce manuel, et sa restitution ne donné, en ce sens, lieu à aucun doute. Le bene cœptum, pour lequel Gracchus est loué par le sénat et qu’il avait d’abord exécuté dans la confection des listes, doit être quelque chose de plus que la limitation antérieure du droit des affranchis et que le projet de compromis ; ce ne peut avoir été que l’exclusion du droit de vote de tous les affranchis, à l’exception de ceux qui étaient protégés par le privilège de la paternité. — Tite-Live ne dit pas si la tribu Esquilina fut assignée une fois pour toutes aux affranchis ou si le tirage au sort devait être recommencé à chaque lustre. Cependant la dernière hypothèse est intrinsèquement plus vraisemblable ; carie tirage au sort fait par des censeurs ne peut pas lier leurs successeurs, même à titre de précédent et elle est requise par d’autres témoignages dignes de foi selon lesquels les affranchis furent mis alors dans les quatre tribus urbaines. Cicéron, De Orat. 1, 9, 38. De viris ill. 57. La dernière relation est inexacte ; mais la courte relation de Cicéron ne peut être conciliée avec la relation détaillée de Tite-Live, qu’à condition que la tribu tirée au sort ait varié.

[51] De viris ill. 72.

[52] Cf. la partie des Institutions municipales.

[53] C’est attesté pour le temps de Cicéron aussi bien par Cicéron lui-même, à la manière dont il s’exprime sur la conduite de Gracchus (De orat., 1, 9, 38), que par Asconius (In Mil., 52) ; en outre par Denys, 4, 22. La proposition qu’il fait ensuite de soumettre les affranchis de chaque année à une révision des censeurs ou des consuls et de n’accorder qu à ceux qui seraient admis la, curie et la tribu et la résidence à Rome, suppose aussi que la curie et la tribu appartiennent à tous les affranchis.

[54] Tite-Live, 77. Asconius, In Cornel. p. 64.

[55] Dion, 36, 25, et ce qu’il dit de la loi Manilia, qui n’était pas autre chose qu’une reproduction de la loi Sulpicia.

[56] Le consul Cinna demande, en 667, l’application de la loi Sulpicia (Schol. Gronov. sur Cicéron, Cat. 2, 40, 21, éd. Orelli, p. 410 : Cœpit Cinna de libertinorurn suffragiis agere) ; elle a lieu en 670 (Tite-Live, 84 : Libertini in quinquo et XXX tribus distributi sunt). Il ne semble pas avoir été proposé de loi spéciale ; car Asconius, loc. cit., dit que Manilius présenta de nouveau la loi de Sulpicius, et il aurait du nommer là Cinna, s’il avait fait quelque chose de plus que de faire appliquer la dernière loi.

[57] Dion, 36, 25. Asconius, In Mil. p. 46. Cicéron, Pro Cornel., chez Asconius, p. 64, et sur ce texte Asconius, p. 64 et p. 65. Cicéron, Pro Mur. 23, 47.

[58] Asconius, In Mil. 52 ; Cicéron, Pro Mil. 33, 89 (cf. 12, 33 et, sur ce texte, Schol. Bob. p. 346) : De ære al. Milonis avec les Schol. Bob. p. 346.

[59] Lorsque Cicéron (De leg. agr., 2, 29, 79) blâme l’infériorité dans laquelle sont mis les tribules des tribus urbaines en face de ceux des tribus rustiques, en disant que par suite ante rusticis (datur) alter qui habent, quam urbanis, quibus ista agri spes et jucunditas ostenditur, il peut parier ainsi quand bien même les rares affranchis propriétaires seraient dans les tribus urbaines ; mais son langage acquiert une propriété plus énergique s’il n’y a, à son époque, aucun propriétaire foncier dans les tribus urbaines.

[60] Le fait que la tribu fait défaut dans les inscriptions assez nombreuses d’affranchis des derniers temps de la République, sauf l’unique exception relevée note 62, ne peut être invoqué à l’encontre des témoignages précis qui attestent leur droit de suffrage à cette époque. Mais les inscriptions du Principat existent en quantité et montrent d’une manière évidente, notamment lorsqu’elles nomment à la fois des ingénus et des affranchis, que non seulement la tribu n’est pas mentionnée pour les derniers, mais même qu’ils ne l’ont pas. Pour relever seulement l’un de ces témoignages innombrables, dans l’inscription de Tusculum, C. I. L. XIV, 2523, l’affranchi n’a pas de tribu, tandis que ses fils appartiennent à la tribu Collins, et son patron à l’Aniensis. Cela implique avec une nécessité impérieuse une limitation du droit de suffrage des affranchis opérée postérieurement au temps de Cicéron. Or cette épuration des comices peut parfaitement avoir été accomplie par Auguste, et elle ne pourrait l’avoir été par aucun de ses successeurs.

[61] Les exceptions s’évanouissent devant la règle. La présence de la tribu rustique se justifie chez l’affranchi qui prend du service en qualité de Latinus Junianus dans le corps des pompiers et qui est ensuite gratifié du droit de cité (C. I. L. VI, 220). Je cite les autres exemples qui me sont connus, sans avoir la prétention d’être complet : Q. Octavio Q. l. Pob. Prunus (C. I. L., V, 3415, de Vérone, avec la tribu locale de cette ville) ; M. Talicius M. l. Pub. Jucundus (C. I. L. V, 7192) ; M. Servilius M. lib. Claudia Myrismus (C. I. L. VI, 23636) ; [Tr]ib. Claudia [L.] Æbutius L. l. [F]austus (Eporedia ; C. I. L. V, 6786) ; C. Oppius C. l. Leonas honoratus in tribu Cl(audia) patrum et liberum clientium (Auximum, de 159 ; C. I. L. IX, 5823) ; M Abillius M. lib. Gal. Silvanus (Narbo ; C. I. L. XII, 4541), enfin les deux bizarres inscriptions urbaines de Smet. 65, 8 (aussi dans Ursinus, Fr. hist. p. 91) : Q. Trebonius. Q. l. Cla. Gallus ex-patribus libertinis et Gruter, 891, 8 : Q. Trebonius Q. l. (et non Q. f.) Cla. Aristo ex patribus libertinis. Le L. Casperius L. f. Pal. Fab. Latinus, fils d’un affranchi (environs de Rome, C. I. L. ICIV, 2836) avec une double tribu, une tribu rustique (peut-être de la ville de Rome) et une tribu urbaine constitue un phénomène absolument isolé. De beaucoup la plupart des exemples isolés de tribus d’affranchis réunis par moi, il y a des années dans mes Tribus, p. 174, ont, depuis que l’épigraphie se meut sur un terrain plus ferme, été écartés, sait comme des fautes de lecture, soit autrement. On ne peut déterminer la mesure dans laquelle ceux qui restent doivent être attribués à des fautes de lecture ou d’écriture, à des usurpations on à des ignorances à côté de lois spéciales. La fréquence relative avec laquelle on y rencontre la tribu Claudia a quelque chose de surprenant.

[62] Parmi les affranchis placés dans les tribus urbaines, le seul à ma connaissance que nomment les inscriptions du temps de la République (C. I. L. III, 713, de Samothrace, de 662 — l’année 624 est exclue par les cognomina — : P. Livius. M. f. Pal.) appartient à la Palatina. Les autres affranchis de la Palatina sont presque tous de la Transpadane (C. I. L. V, p. 1183, seize exemples) ou des provinces des Gaules (Narbo, C. I. L. XII, 5026, et aussi sans doute XII, 4606, 4158 ; Nemausus, C. I. L. XII, 3525 ; XII, 3809 ; Ausci en Aquitaine, Allmer, Rev. épigr. du midi de la France, 1887, p. 257). En dehors de cela, je ne trouve pas d’autres exemples que C. I. L. IX, 1326 (où la tradition n’est même pas la meilleure) et deux inscriptions de la ville de Rome (Gruter, 836, 4, garantie seulement par Ligorius et Boissard ; Mur. 1286, 2). — Pour la Colline, je trouve trois exemples (C. I. L. V, 3626. X, 1046. 7967), un seul pour l’Esquilina (C. I. L. VI, 9155) et aucun pour la Suburana.

[63] Dans les inscriptions qui indiquent en même temps la tribu et l’origo, la Palatina se rencontre fréquemment pour Ostia et Puteoli (note 69), mais aussi pour Sutrium (C. I. L. VI, 3884. I, 27), pour Canusium (C. I. L. X, 3958), pour Sassina (C. I. L. VI, 2382 b. 23), pour Fundi (C. I. L. V, 6881), cités qui appartenaient notoirement à une tribu rustique. La Collina se rencontre aussi, en dehors de son application aux Asiatiques (note 70), dans des inscriptions du temps de la première dynastie, auprès de Placentia (C. I. L. VI, 24729 = Mur. 304, 3) et auprès de Dripsinum (C. I. L. X, 1079). Lorsque, comme c’est le cas ordinaire, les tribules des tribus urbaines n’indiquent pas la localité à laquelle ils appartiennent, ils appartiennent communément à la circonscription qu’indique le lieu de la trouvaille.

[64] Par exemple C. I. L. III, 2097, les trois fils d’un affranchi de Tibère se rattachent tous trois à la Tromentina. Autres exemples, C. I .L. VI, 1818 ; Grotefend, Imp. Rom. trib. diser., p. 12.

[65] Des exemples particulièrement clairs en sont fournis par l’inscription de Corfinium, C. I. L. IX, 3184, des deux frères Q. Cæcilius, Q. f. Pal. Optatus et Pælinus, fils de Q. Cæcilius Q. et (mulieris) l. Hermes ; par celle de Formiæ de T. Flavius Palatina Fuscianus, fils de Tertiolus Aug. l. (C. I. L. X, 6092). Voir d’autres exemples qu’on pourrait multiplier facilement, C. I. L. II, 4527. V, 1000. VI, 1851. 15131. 15232. 15595. IX, 1618. 3524. X, 1807. XIV, 412. 415.

[66] C. I. L. VI, 9971. XIV, 2523.

[67] Il y a au moins une inscription qui réunit cette tribu à Ostia comme origo (C. I. L. XIV, 230, récente) et de nombreuses anciennes et bonnes inscriptions d’Ostie de la même tribu qui paraissent appartenir à des Ostienses de naissance (Dessau, C. I. L. XIV, p 4).

[68] Le même phénomène se répète ici : nous n’avons pas encore, il est vrai, d’inscription qui réunisse l’origo de Puteoli avec une tribu rustique, mais nous avons de nombreuses inscriptions paraissant appartenir à des Puteolani de naissance avec la Falerna (C. I. L. X, p. 1138).

[69] Dans une longue liste de soldats des cohortes urbaines (C. I. L. VI, 2384 + 3884), qui sont principalement formées d’ingenui des tribus urbaines, les 23 soldats d’Ostia et les 9 pourvus d’une tribu de Puteoli (pour trois autres la tribu manque) ont tous la Palatina. Elle se rencontre en outre à côté d’Ostia comme origo (C. I. L. VIII, 2825) et du decurionat de Puteoli (C. I. L. VI, 1944) et, dans les deux endroits, sur de nombreuses pierres qui y ont été découvertes. C’est là ce qui m’a amené à considérer à tort la Palatina comme la tribu d’origine de Puteoli (C. I. L. X, p. 183).

[70] C. I. L. VIII, p. 1087 ; Eph. ep. V, p. 260.261 ; C. I. L. III, 1382. 1503. X, 770 (de l’an 68). 867, etc.

[71] M. Domitius Sp. f. Pom. Seeundus (Bull. della comm. mun. 1886, 374). Autres exemples, C. I. L. V, 5197. VI, 5163. La tribu est en principe plus rare chez les spurii que chez les enfants qui ont un père ; on a des inscriptions qui ne leur donnent pas de tribu et qui en donnent une à leurs enfants (C. I. L. V, p. 1123).

[72] C. I. L. VI, 24025. XIV, 2468.

[73] C. I. L. VI, 445. 569 (le fils dans la Palatina ; cf. XIV, 2839). 5301. 7459 c. 16663. 20171. 24039. IX, 2280. 4269. 4967 (fils dans la Quirina). 6310. X, 6490. XIV, 2058. 3380. Gruter, 993, 11. Ces témoignages suffisent.

[74] C. I. L. VI, 392. 5754. 9897, par conséquent trois des six inscriptions de cette tribu.

[75] C. I. L. VI, 2310 = 4462.

[76] J’ai attiré l’attention sur ce point dans la remarque sur la première des quatre inscriptions de cette espèce, C. I. L. VI, 10091. 10103. 10105. 10107. On ne connaît peut-être pas en tout plus de huit pierres de cette tribu.

[77] Les exemples existent en foule pour la Palatina (par exemple C. I. L. V, 4347) ; ils ne sont pas non plus absolument rares pour la Collina (C. I. L. V, 1812. IX, 4968. 4946. 5835. 5836). Il n’y en a pas pour les deux autres tribus.

[78] On trouve dans une inscription de la Carthage Espagnole qui appartient sans doute encore au temps de la République (C. I. L. II, 3504) un L. Sulpicius Q. f. Q. n. Col. Mais en conçoit parfaitement bien à cette époque une tache s’étendant jusqu’au petit-fils. — On comparera la partie du Droit municipal sur la tribu Palatins, des Æmilii et des Manlii, qui se rattache à d’autres causes.

[79] La présence du père comme spurius dans la Collina et des fils dans la Palatina (note 73) ne fait que confirmer le principe.

[80] Ce sont là les commoda et principales liberalitates attachés à la tribu, de Scævola, les largesses extraordinaires faites aux tribules en sus de leurs revenus permanents (Martial, 8, 15 : Et ditant Latias tertia dona tribus ; Pline, Panég. 25, cite aussi, à côté de l’augmentation du nombre des bénéficiaires réguliers — locupletatæ tribus, — le datum congiarium populo). Toutes les fois que les tribus figurent comme corporation, il s’agit de celles de la plebs frumentaria ; ainsi pour le legs d’Auguste (Suétone, Auguste, 101 : Legavit populo R. quadringenties, tribubus tricies quinquies sestertium) ; pour la fête de l’anniversaire de la naissance de l’empereur où elles sont nommées à côté du Sénat et des chevaliers (Stace, Silves, 4, 1, 25). Lorsque la plebs urbana élève des monuments, la relation avec les tribus des donataires de grains se révèle aussi fréquemment. Par suite, ces corporations s’appellent, à l’époque récente, en règle du nom de clientes, ainsi la tribus Claudia patrum et liberorum (C. I. L. IX, 5823, de l’an 159. XIV, 371), la tribus Palatina corporis seniorum (C. I. L. VI, 10215), la tribus Palatina corp(oris) juniorum (C. I. L. VI, 4104 rapproché de p. 814). Les clientes, que Pline, Panég. 23, nomme à côté du sénat et des chevaliers, sont aussi certainement les tribus.

[81] Ammien, 14, 6, 6 : Olim licet otiosæ sint tribus pacatæque centuriæ. 15, 7, 5, un plébéien puni par le préfet de la ville appelle, en 355, tribulium adjumentum. Ils recevaient encore des distributions en 356.

[82] Ce n’est pas à vrai dire la tribu elle-même qui s’appelle corpus, mais bien la demi-tribu de seniores ou de juniores (VI, 1) et les corpora existant dans l’intérieur de la tribu, à côté de ces subdivisions, semble-t-il, le Julianum dans la Suburana (VI, 1) et l’Augustale dans la Palatina et l’Esquilina (VI, 1). C’est par là que s’expliquent les trib(ules) Su(burani) corp(orum) fæder(atorum) tome VI, 1. Cf. Tertullien, Apologétique, 37.

[83] Il est traité des curateurs, tome VI, 1 ; l’honoratus se confond avec eux (VI, 1). On rencontre à plusieurs reprises des immunes : C. I. L. VI, 198 : Cui populus ejus corporis immunitatem sex centuriarum decrevit. Dans C. I. L. VI, 200, il y a, dans l’une des huit centuries de la liste, un immunis en tête après le chef, en dehors de l’ordre alphabétique. VI, 196. 197 : Immunes perpetuo. VI, 10214 ; Bull. comm. 1886, p. 279.

[84] C. I. L. VI, 10215 : Scriba et viator. VI, 10216 : Viator.

[85] Tertullien, Apologétique, 39 : Tot tribubus et curiis (il s’agit de celles d’Afrique) et decuriis ructantibus acescit aer. Présent d’une delphica ærea à la Palatina : C. I. L. VI, 16215.

[86] Statue dédiée à Hadrien par les tribules tribus Claudia[e]..... C. I. L. VI, 980 ; à Gallus et Volusianus par la Palatina juniorum, C. I. L. VI, 1304, p. 844.

[87] Appariteurs élus par eux : C. I. L. VI, 50215 ; immunité concédée par le populus corporis : C. I. L. VI, 598 ; pierre funéraire placée permisse tributiuni, C. I. L. VI. 10214. — Cf. encore Suétone, Auguste, 51 : In restitutionem Palatina : domus incendio absumptæ veterani decuriæ tribus..... pecunias contuterunt.

[88] Il est déjà question, du temps de la République, d’affranchissements faits en vue des distributions dont profiteraient par suite les affranchis (Dion, 39, 24) ; cf. aussi Denys, 4, 24. C’est confirmé pour les Juifs affranchis vivant à Rome par Philon, Leg. ad Gaium, 23. Schol. Persii, 5, 73.

[89] Tacite, Ann. 13, 27. Symmaque, Or. pro patre, c. 7.

[90] Dans la spécification du numerus tr[ibulium...], quibus locis [frumentum accipiant] (C. I. L. VI, 10211), qui se rapporte sûrement aux distributions de blé, il y a 4.191 têtes (homines) pour la Palatina, 4.068 pour la Suburana, 1.717 pour l’Esquilina, 457 pour la Coltina ; au contraire, sur les deux tribus rustiques qui nous sont conservées, la Romilia en compte 68, la Voltinia 85. Le total des personnes indiquées s’élevant par conjecture, y compris les chiffres perdus, à environ 13.000, cette table ne peut pas avoir prétendu relever la totalité des bénéficiaires des distributions, qui étaient environ 200.000, mais plutôt ceux qui étaient entrés parmi eux pendant une année. — C’est à ces places et non à celles du cirque que Pline fait allusion, Panég., 51 : Populo... locorum quinque milia adjecisti (car il continue en disant : Auxeras enim numerum congiarii ; cf. aussi c. 25 : Locupletatas tribus), et c’est à elles que se rapporte l’inscription en l’honneur de Trajan, C. I. L. VI, 955 : Tribus XXXV, quod... commoda earum etiam locorum adjectione ampliata sunt. Ce sont probablement là les 5000 places d’enfants environ, dont parle Pline, Panég. 28. — C’est aussi pour cela que Stace, Silves, 3, 3, 100, cite les dépenses causées par les tribus parmi les dépenses ordinaires impériales.

[91] C. I. L. VI, 392. 1881. 5754. 9105. 9897. XIV, 397. Kubitschek, De Rom. trib. origine p. 41. C. I. L. VI, 2993 = VI, 3613a, est une falsification faite sur pierre de Ligorius.

[92] Il a déjà été démontré plus haut (VI, 1) que le nombre normal des tribules de la Palatina et de la Suburana fut, jusqu’au IIIe siècle, de 1.936 têtes ; il était par conséquent notablement dépassé pour les distributions de blé dans toutes deux.

[93] C’est probablement à la tribu rustique qu’on fait allusion en attribuant à L. Aurelius Tychenianus, fils de L. Aurelius Stephanus, une tribus ingenua (C. I. L. VI, 10220). L’existence d’un affranchi honoratus in tribu Claudia montre seulement que ces règles tombèrent elles-mêmes plus tard en décadence.

[94] On rencontre aussi des ingénus dans les tribus urbaines des bénéficiaires des distributions (C. I. L. VI, 199. 10215).

[95] Dans les listes de la tribus Suburana juniorum de l’an 70 après J.-C. (C. I. L. VI, 196-200) la tribu n’est adjointe à aucun nom. Parmi les huit curateurs de n. 199, l’un se nomme P. f., un autre Hermetis l.

[96] V. tome I, la théorie des appariteurs, sur la durée de leurs fonctions.

[97] Scævola, Digeste, 32, 35, pr.. Tertullien, De resurr. carvis, 57. Le rescrit de 249, Vat. fr. 222, se rapporte-t-il à cela ou tribus y est-il une corruption de scribis, c’est un point incertain. Tessera frumentaria est employé plus fréquemment, exactement dans le même sens que tribus, semble-t-il (Digeste, 5, 1, 52, 1. 31, 49, 1. 1. 87, pr.).

[98] Pline, H. n. 19, 4, 54 : Aliqua sibi nasci tribus negant caule in hortum saginato, ut pauperis mensa non copiat. Martial parle, 9, 57, de la pallens toga mortui tribulis.

[99] Le titre de Veleia établit 231 places dont 279 pour les legitimi et 2 pour les spurii. D’autres fondations alimentaires restreignent la répartition aux ingenui (Pline, Ép. 1, 18 ; C. I. L. II, 1114). Il en est de même rieur les distributions faites dans la capitale dans la mesure où elles concernent les enfants (Pline, Panég. 28).

[100] Il en est question pour la première fois en 458 (Tite-Live, 10, 21, 4 : Libertini centuriati) ; c’est une allégation qui ne peut avoir aucune valeur historique, mais qui doit avoir été rattachée par les anciens et savants annalistes à la censure de Fabius. La même chose est relatée en 537 (Tite-Live, 22, 11, 8). L’affranchissement des pseudo-légions formées d’esclaves lors de la guerre d’Hannibal n’est pas très différent (Tite-Live, 24, 14 rapproché de 22, 57, 11).

[101] C’est relaté pour la première fois en 537, mais comme une mesure extraordinaire et restreinte aux seuls pères de famille. Postérieurement, c’est la procédure ordinaire (Tite-Live, 36, 2, 15. 40, 19, 7. 42, 27, 3. 43, 12, 9) ; cf. Handbuch, 5, 500. Il est probable que cet emploi des libertini est aussi ancien que les duoviri navales créés en 443 (v. tome IV, la partie qui leur est relative), et que les anciennes annales n’ont relevé les mesures prises en 531 que parce qu’elles eurent une étendue exceptionnelle et ne se limitèrent pas aux équipages de la flotte.

[102] C’est à cela que font allusion Tite-Live, 74 et Macrobe, Sat. 1, 11, 32 ; Appien, B. c. 1, 49.

[103] Les cohortes Italicæ civium Romanorurn voluntariorum qui se rencontrent fréquemment sous l’Empire (Eph. epigr. V, p. 243. 249) ont pour source les levées d’affranchis accomplies sur le modèle des levées faites par Auguste dans la guerre d’Italie (voir mon commentaire sur le Mon. Ancyr. 2e éd. p. 71).

[104] V. tome V, la partie de la Participation de L’empereur au pouvoir législatif, sur la concession de l’ingénuité.

[105] V. tome V la partie de la Cour et de la maison de l’empereur, sur les catégories de serviteurs impériaux.

[106] Plus tard, environ depuis Vespasien, les soldats de la flotte ne purent plus, comme les vigiles, être dés affranchis. Les inscriptions, qui sont nombreuses, le montrent avec une évidence absolue. Mais, comme ils indiquent un père pérégrin ou n’en indiquent pas du tout, ceux de la dernière espèce doivent pour la plus grande partie être en réalité des affranchis et leur ingénuité n’être qu’une fiction. Cf. Hermes, 19, 17. Ce ne sont probablement ni des citoyens Romains, ni des pérégrins, mais des Latins.

[107] V. tome V, la partie de l’Administration de la ville de Rome, sur le service des incendies.

[108] Handb. 5, 485.

[109] Cette militia, qui est citée fréquemment dans le Digeste et déjà à plusieurs reprises par Scævola, est accessible aux affranchis (Digeste, 32, 402, 3. 34, 1, 18, 2 ; pas aux esclaves : Digeste, 32, 11, 16). On ne voit pas clairement de quelle espèce de services il s’agit : la mention du salarium (Digeste, 19, 1, 52, 2) fait penser à des fonctions comme celles du médecin et de l’evocatus. Il est probable que, dans le courant de l’Empire, une partie des fonctions militaires de la garnison de la capitale sont devenues des biens héréditaires, de la même façon dont cela s’est produit dans les décuries des appariteurs, si bien que leur titulaire avait la faculté de les transmettre et que l’acquéreur, après avoir justifié de sa capacité personnelle (Digeste, 32, 402, 2) et avoir payé pro introitu (Digeste, 32, 102, 2. 3), entrait en possession des revenus attachés à la place.

[110] Le seul prétorien appartenant à une tribu urbaine qui me soit connu est C. I. L. VI, 2382, b. 25 : M. Badusieus M. f. Pal. Marcian(us) Sasi(na) ; le fragment Éph. IV, 886, 9 peut appartenir aux cohortes urbaines.

[111] Je ne trouve qu’une exception certaine, le veteranus leg. VII de la Palatina C. I. L. III, 4813. Le centurio frumentarius Pal. Ostia, VIII, 2825 et les primipilaires V, 867. 3757 (XI, 386, il faut sans doute lire Palfuriano comme VI, 2313, au lieu de Pal. Furiano) sont étrangers à la question, parce que la carrière des centurions suit ses règles propres.

[112] La grande liste de soldats des cohortes urbaines donne la tribu à 152 soldats et, sur ce nombre, la Palatina à 38.

[113] V. tome II, la théorie des causes d’inéligibilité absolues, sur l’incapacité des affranchis et de leurs fils.

[114] V. tome V, la partie de l’Administration de la ville de Rome.

[115] Suétone, Claude, 25. Vita Alex. 19. Marcius Agrippa, advocatus fisci sous Sévère, fut poursuivi en justice parce qu’il avait été esclave et s’était glissé parmi les chevaliers (Dion, 78, 13). Avant toutes choses la règle se manifeste clairement en ce que, dans les innombrables inscriptions de chevaliers romains, il n’y en a pas un seul qui se désigne comme un affranchi.

[116] Pline, H. n. 33, 2, 32.

[117] Le chevalier Romain Vedius Pollio, mort en 739, était fils de parents affranchis (Dion, 54, 23 ; et Pline, H. n. 9, 23, 72). Le fils d’un affranchi du consul de l’an 20 après Jésus-Christ Cotta Maximus, M. Aurelius Cottanus servit comme tribun militaire (C. I. L. XIV, 2293).

[118] Tacite, Ann. 33, 27. Assurément il n’est question ici que de l’extraction en général, et relativement aux sénateurs on ne peut penser au premier degré. V. tome II, la partie des Causes d’inéligibilité absolue, sur l’inéligibilité des affranchis et de leurs fils.

[119] Statut municipal de Genetiva de César, c. 405. Exemples pour les villes d’Afrique Carthago : C. I. L. X, 6104, et Curabis : C. I. L. VIII, 977. Cf. Eph. epigr. II, p. 132.

[120] C’est ce que montre avant tout l’absence de tout témoignage contraire parmi des inscriptions qui se comptent par milliers. Ce que le statut municipal de Malaca, c. 53, prescrit pour cette cité latine, d’élire les magistrats ex eo geners ingenuorum hominum, de quo h. l. cautum comprehensumque est (la partie à laquelle il est renvoyé nous manque), s’applique à plus forte raison aux cités de citoyens. Sur l’influence du jus anulorum et de la natalium restitutio, cf. tome V, la partie de la Participation de l’empereur au pouvoir législatif, sur la concession de l’ingénuité.

[121] L’institution des sevri augustales ne peut être ici ni laissée de côté, ni exposée dans ses formations de détail partout différentes. Je me borne à relever, — en partant des recherches soigneuses et raisonnables, quoique à mon sens inexactes dans plusieurs de leurs résultats, de Joh. Schmidt (De seviris Augustalibus, Halle, 1878), — les points de cette institution qui se rapportent à la condition générale des affranchis.

[122] Les honneurs rendus à l’empereur régnant et à l’empereur en général ont déterminé le nom de l’institution, comme cela se montre dans l’adjonction des Claudiales et çà et là dans quelques autres noms d’empereurs plus récents ; cependant cette organisation s’est fixée de si bonne heure, que les empereurs qui ont suivi Auguste y ont de moins en moins obtenu l’expression de leur nom. Au reste rien n’a plus nui aux recherches sur la nature du sévirat que la réunion qu’on a faite (même moi) entre les formes infiniment multiples du culte d’Auguste, quand elles prennent un caractère de collège et appartiennent à la plèbe, et l’organisation spécifique des sexviri augustales, ou du moins les efforts qu’on a tentés pour les mettre dans une relation plus ou moins claire. Ainsi par exemple rien n’est plus habituel que d’identifier avec les sévirs les tres equites Romani a plebe et tres libertini qui, conformément au vœu fait par la plebs de la ville de Narbo en l’an 11 de Jésus-Christ, doivent offrir des sacrifices commémoratifs annuels en l’honneur d’Auguste (C. I. L. XII, 4383) ; or rien n’est plus certain que le caractère de représentants de toute la plèbe qui appartient au contraire à ces habitants de Narbonne, les trois chevaliers représentant les ingénus qui n’appartiennent pas au sénat municipal, les trois libertine représentant les ex-esclaves desquels seuls les sévirs sont la représentation. — Les magistri Larum Augusti, les magistri Augustales, et tous les autres magistri analogues sont également, comme an reste cela a déjà été justement remarqué, notamment par Henzen, certainement différents des sévirs ; car ces derniers, ne portant jamais cette dénomination sacerdotale, n’ont jamais de ministri à leurs côtés comme en ont fréquemment les magistri, et le chiffre quatre prévaut communément chez les magistri ; ces derniers paraissent être en réalité une copie des magistri vici romains ; or ce n’est pas du tout le cas des sexviri.

[123] Les deux inscriptions de sexviri de Verona (C. I. L. V, 3404, cf. id. op. p. 327) et de Narona (C. I. L. III, 1769) ont, comme je l’ai remarqué sur elles, été placées du vivant d’Auguste et sont invoquées avec raison comme argument chronologique par Joh. Schmidt, p. 123. En outre, comme l’a remarqué O. Hirschfeld (Zeitschrift für österr. Gymnasien, 1878, p. 294), le M. Cælius Phileros, qui fut accensus près da gouverneur d’Afrique T. Sextius en 712-714 et qui fut plus tard augustale à Formiæ (C. I. L. X, 6904), ne peut avoir occupé cette dernière position que du vivant d’Auguste. Si l’on ajoute qu’il doit y avoir eu un certain intervalle entre l’établissement de l’institution et son apparition sur les inscriptions, on sera plutôt porté à la placer dans la première période du règne &Auguste que dans la dernière. Dans un fragment des fastes d’un collège qui n’est pas connu plus précisément (Herzen, 7165), il est fait allusion, en l’an 22, à une visite des VI vi[ri] et il est noté en l’an 23, que : IIII primi (les noms des quatre chefs du collège et d’un præco sont donnés auparavant) natale Juliæ August(æ) in pu[blico] cenam decurion(ibus) et Augu[stalibus] dederunt ; eorum séviri [munus] familla gladia[toria ediderunt].

[124] La libertinité est le plus souvent, et même sans exception dans la moitié méridionale de l’Italie, une condition absolue d’aptitude au sévirat. Ailleurs il y a, mais constamment en minorité, des ingénus parmi les sévirs. Il est vraisemblable que certains ingenui, par exemple les spurii, n’étaient pas éligibles aux magistratures municipales et qu’ils auront avec le temps été assimilés aux affranchis relativement au sévirat. Mais nous ne savons jusqu’à quel point le cercle a été étendu par le droit municipal, et les ingenui qui se présentent parmi les sévirs ne pourraient en aucun cas être expliqués tous de cette manière. Car on en trouve parmi eux, en particulier dans l’Italie da Nord, qui ont une tribu rustique ; le sévirat se trouve même, à titre isolé, uni aux magistratures municipales, par exemple C. I. L. XI, 912 (Reggio) ; XI, 1058 (Parma) et 1064 (même lieu). La clef est fournie par les inscriptions de Milan ; elles distinguent deux catégories de sexviri, les seniores, qui se conforment à la règle, et les juniores, qui sont ingénus, qui sont fréquemment arrivés aux magistratures, et qui par conséquent sont peut-être les fils des premiers, mais qui en tout cas constituent une catégorie spéciale annexée à, l’institution du sévirat et n’y appartenant pas au sens propre. Il est vraisemblable que ces deux classes auront également existé, sans y être séparées par les titres officiels, dans les localités plus petites de l’Italie du Nord.

[125] On les trouve à titre isolé remplacés par des octoviri à Firmum et Falerio, par des tresviri à Amiternum.

[126] Leur dénomination subit des variations multiples ; mais il est clairement reconnaissable qu’en règle ceux qui sont chargés pour un an de donner des jeux s’appellent sex viri Augustales pendant qu’ils sont en exercice, et la corporation formée de ceux d’entre eux qui ont satisfait à cette charge Augustales tout court. La distinction se montre en particulier à ce que, lorsque l’ordo s’organise en corporation et reçoit des magistrats, ces quinquennales, questeurs, curateurs sont régulièrement rattachés aux augustales et non aux sévirs. Les deux catégories sont donc dans la même relation que le consul et le consularis, ou encore le magistratus et le senator.

[127] C. I. L. X, 112.

[128] La preuve en est dans la rareté relative de l’itération. Le terme sexvir perpetuus exprime probablement le privilège de partager la présidence avec les sévirs de chaque année.

[129] La constitution municipale ne connaît pas de titres de prêtres analogues à ceux des septemviri et des quindecemviri de Rome, tandis que les noms de la magistrature p sont constamment composés de cette façon. Les sévirs ne sont nulle part appelés sacerdotes ni magistri, ni d’aucune autre désignation analogue ; au contraire on trouve assez souvent honos pour désigner le sévirat.

[130] Car les arguments qu’invoque Schmidt, p. 72, l’obligation imposée aux sévirs en vertu d’un legs d’accomplir un sacrifice à un jour détermine (C. I. L. V, 4203) et les sacrifices qui accompagnent les jeux (C. I. L. V, 3386), s’appliqueraient également à tous les collèges de magistrats. Si l’on a fait un prêtre au lieu d’un colonus de l’Augustale qui coluit annos XXXXV (C. I. L. X, 4577), la faute n’en est pas à l’inscription.

[131] Les plus anciennes inscriptions qui nommant les Augustales la montrent avec une fréquence relative, ainsi l’inscription de Narona, C. I. L. III, 1769, d’un IIIIIIvir m(agister) M(ercurialis) ob honorern (alternant avec la formule IIIIIIvir ob honorem magisterii Mercurialis) et l’inscription de Nola, certainement écrite, elle aussi, sous Auguste, d’après sa langue, C. I. L. X, 1272 : L. Sattio L. l. Phileroti magistro Mercuriali et Augustalei. On reconnaît là clairement à la fois que les Augustales sont sortis de collèges religieux et qu’on a rejeté pour eux le magister religieux.

[132] Les equites Romani n’entrent pas, en cette qualité, eu ligne de compte dans l’organisation municipale. Ils appartiennent, s’il ne siègent pas dans l’ordo, à la plèbe, et ils y font parfois l’objet de distinctions comme dans l’ara de Narbo (C. I. L. XII, 4333) et dans l’inscription C. I. L. VIII, 8938, où les chevaliers Romains sont mis sur le même rang que les décurions pour les largesses publiques. On a trouvé dans le théâtre d’Orange un degré avec la légende : Eq(uitum) g(radus) III (C. I. L. XIV, 441) et les 14 bancs figurent induis dans la caricature des institutions de la capitale faite à Gades (Cicéron, Ad fam. 10, 32, 2). Mais le statut municipal de Genetiva qui connaît la proédrie des décurions ne connaît pas celle des chevaliers. Ils ne se présentent pas comme collectivité dans les différents municipes.

[133] Ce sont les décurions qui procèdent à la nomination des Augustales, et les legs faits aux Augustales sont légalement des legs faits à la cité sub modo. Il a peut-être existé des patronats spéciaux sur les Augustales, et ils peuvent s’être basés sur une sorte de résolution prise par eux ; il y a aussi une pétition des sex viri dans le document de l’an 22, et encore certains autres détails semblables. Mais l’ordo equester Romain a précisément cette situation pseudo-corporative liée à l’absence des droits corporatifs, ainsi que nous le verrons dans la partie qui le concerne.

[134] Ainsi les Augustales de Puteoli sont appelés corporati et ont aussi des quinquennales et des curateurs (C. I. L. X, p. 1150), et, comme il est permis aux augustales de Brixia ex permissu divi Pii aream (par conséquent pas un ærarium, mais simplement une caisse séparée dépendant de la cité ; cf. tome III, la partie du Grand Pontificat, sur les caisses sacerdotales) habere, ils s’appellent socii et collegium (C. I. L. V, p. 1187), ce qui ne se présente pas ailleurs chez les sévirs. Pour ceux qui ont des yeux, ces exceptions sont le miroir de la règle.

[135] Pour faire comprendre les droits liés à l’Augustalité, il suffira de rapporter une résolution rendue à ce sujet en l’an 26 de l’ère chrétienne, en faveur d’un affranchi impérial, par les centumvirs, c’est-à-dire par le sénat municipal de Véies (Orelli, 4046 = C. I. L. XI, 3805) et où d’ailleurs ces droits sont exceptionnellement augmentés. Tout Augustale a sa place au théâtre ; le bisellium proprium est une distinction fréquemment citée. Le droit de siéger parmi les décurions et l’immunité sont également des privilèges individuels particuliers (cf. C. I. L. X, 4760).

[136] L’ordo Augustalium correct ne doit pas être confondu avec l’ordo libertinus qui est abusif. L’augustalité ressort surtout clairement comme seconde classe dans les largesses municipales, qui sont tout à fait habituellement divisées d’après ces trois classes (voir leur aperçu d’ensemble : C. I. L. IX, p. 792. X, p. 1161). Mais la différence des Augustales et des collèges apparaît précisément là avec une lucidité frappante. Les Augustales de Brixia y sont avec le collegium fabrum dans le même rapport où l’ordo equester est à Rome avec le collegium tibicinum ; quand la cité elle-même est représentée, on ne tient pas compte des collèges, on tient compte au contraire des Augustales.

[137] J’ai antérieurement (Archäol. Zeitung, 1878, p. 74) pensé à considérer les sévirs comme une image de la magistrature municipale composée des trois collèges ordinaires des duoviri, des édiles et des questeurs, et c’est assurément de cette façon que s’explique le plus facilement la pseudo-sénat des augustales. Il n’est pas non plus impossible que cette conception ait influé sur la constitution du sévirat. Mais l’analogie des institutions équestres est plus immédiate, et l’on ne pourrait pas expliquer par là les sexviri des chevaliers Romains.