LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE TROISIÈME. — LE PEUPLE ET LE SÉNAT.

LA COMPÉTENCE DE L’ASSEMBLÉE DU PEUPLE.

 

 

Si résolument que le droit public historifié des Romains  prenne pour point de départ l’antériorité du roi au peuple, n’est pas cependant le rex c’est le populus qui constitue pour lui l’État. Tout ce qui appartient à l’État ou qui concerne l’État est publicum, et la royauté, comme plus tard la magistrature, n’est que l’agent de l’action de l’État. La condition privée du roi, qui est en même temps l’un des citoyens, et, à plus forte raison, celle du magistrat de la République subsistent à côté de leurs pouvoirs publics. Telle est la conception fondamentale qui s’est maintenue pendant les trois grandes périodes de la Royauté, de la République et du Principat : la souveraineté idéale du peuple est toujours restée, pour le droit public romain, une idée primordiale et impérissable.

La différence de principe de la Royauté, de la République, et du Principat tient aux rapports du peuple et de la magistrature et à la représentation de l’État par l’un ou l’autre. Le point a été traité en détail dans la théorie de la Magistrature[1] ; il suffira ici de récapituler les grandes lignes.

Sous la Royauté, la volonté souveraine de la cité trouve son expression dans l’accord des volontés du roi et du peuple. La magistrature, dont le titulaire actuel tient son imperium de son prédécesseur, a son fondement en elle-même, elle figure, avec des droits égaux aux siens, en face du peuple, incapable d’exercer l’imperium[2]. La preuve patente de la persistance avec laquelle la pure doctrine romaine repousse l’idée du mandat du peuple comme origine de l’imperium, est à la fois dans deux faits : dans l’entrée en fonctions sans le concours du peuple, même sous la République, de l’interroi emprunté à l’époque royale et du dictateur en qui revit en un certain sens la royauté ; puis dans les efforts de l’historiographie démocratique récente pour faire remonter les élections des magistrats à l’époque royale[3].

Sous la République, on maintient le principe selon lequel la volonté publique trouve son expression dans l’accord du magistrat et du peuple. Mais le magistrat reçoit désormais ses pouvoirs du peuple[4], et la notion de la magistrature se développe dans ce sans qu’on est magistrat lorsqu’on a reçu directement son mandat du peuple et seulement alors[5]. L’égalité de droit existant entre la magistrature et le peuple est donc rompue : le peuple est le maître et la magistrature est à son service. La vigueur avec laquelle cette idée était sentie et la netteté avec laquelle on rattachait le changement de principe au passage de la Royauté à la République se montrent, plus clairement que dans tout le reste, dans la dénomination de serviteur du peuple, Poplicola, attribuée au premier consul[6] et dans le récit corrélatif selon lequel il faisait incliner le symbole de l’imperium, ses faisceaux, devant le peuple[7], nomme le préteur le fait devant le consul. L’accroissement apporté en principe à la souveraineté du peuple ne supprime pas le concours de la magistrature à l’expression de la volonté publique ; mais il lui apporte des restrictions qui sont, d’une manière assez caractéristique, liées, avec l’institution de la provocatio, à l’établissement même de la République, et qui enlevèrent aussi bientôt à l’élection vies magistrats, sinon en Totalité, au moins essentiellement, son caractère bilatéral, tandis que l’idée première s’est mieux conservée en matière législative.

Lorsque ensuite la République céda la place au Principat, le rapport de la magistrature et du peuple se déplaça, si l’on considère la réalité des choses, pour mettre à la place de l’équilibre primitif des deux pouvoirs et de la prédominance postérieure du peuple la prédominance de la magistrature et pour faire considérer la volonté du magistrat suprême comme l’expression légitime de la volonté du peuple. Le rôle politique de ce dernier fut par là terminé.

C’est ce rôle politique, tel qu’il s’est constitué sous la Royauté et la République, c’est la compétence du peuple, soit patricien, soit patricio-plébéien que nous devons ici décrire d’une façon générale ; les formalités de convocation et de scrutin trouveront leur place dans-la partie suivante :

L’ensemble des citoyens est dépourvu de la capacité naturelle qui appartient à. chacun d’entre eux. En vertu d’un principe de droit, ou, pour employer la terminologie juridique des Romains, en vertu d’un fiction, en considère comme un acte de l’État soit l’acte accompli par le magistrat dans les limites de sa compétence, soit, lorsque on est en dehors de cette compétence, l’accord conclu dans des formes déterminées entre lui et les citoyens. Les citoyens rassemblés dans les formés légales qui accomplissent, en commun avec le magistrat, un acte concernant l’État, sont appelés, dans la langue technique, comitia[8], les rassemblements. C’est par un écho de l’époque de la guerre des classes que cette expression éminemment politique est bien employée pour les assemblées symétriques des colonies et des municipes[9], mais ne l’est pas, dans le langage rigoureux, pour celles des plébéiens[10].

La capacité de vouloir et d’agir de l’assemblée des citoyens est subordonnée à, trois conditions : le caractère bilatéral de l’acte, exprimé par une interrogation et une réponse ; le concours personnel des citoyens en droit de voter, et l’accomplissement de l’acte dans la forme de disposition du peuple prescrite par la constitution.

1. Une résolution du peuple ne peut, dans la conception romaine, être un acte unilatéral. La magistrature peut, à elle toute seule, représenter l’État ; les citoyens ne le peuvent qu’en agissant avec le magistrat[11] ; ou, peut-on dire encore, l’État ne peut vouloir et agir que par l’intermédiaire du magistrat qui est tantôt compétent à lui seul et tantôt compétent avec le concours du peuple. La décision du peuple implique donc, comme le recoupait le récit schématique de l’origine de la cité romaine fait par le droit public, l’existence de la magistrature[12]. Par conséquent, toute résolution populaire se compose, comme tout traité valable, d’une question adressée par le magistrat aux citoyens assemblés[13] et de la réponse de ceux-ci. Le magistrat dit : Vos rogo quirites, et, lorsqu’il peut être répondu à la question par un simple oui, cette adhésion est exprimée par les mots : Uti rogas[14]. Par suite, tes résolutions populaires, dans lesquelles la réponse consiste dans un oui ou un non, et dans lesquelles la question ressort donc plus que la réponse, sont désignées précisément par le mot : question, rogatio[15]. La participation du magistrat à cet acte est donc l’intervention au contrat de l’un des deux contractants. En principe, le magistrat n’est pas obligé à poser la question, et il peut, jusqu’à ce qu’il n’y ait été répondu, la modifier à sa guise ou la retirer. A la vérité, le concours des magistrats se transforma de plus en plus, dans le cours des temps, surtout pour les procès et les élections, en une présidence du scrutin ; mais l’action du magistrat n’a jamais perdu complètement son caractère primitif. Le peuple est donc, comme le citoyen isolé, dépourvu d’initiative les citoyens ne peuvent que répondre, ils ne peuvent pas de leur côté poser au magistrat la question de savoir s’il est d’accord avec eux pour telle ou telle chose. Par conséquent, cette procédure à laquelle, parmi les institutions aujourd’hui existantes, ce serait le vote suisse de tout le peuple sur les résolutions prises par ses représentants qui serait le plus comparable, n’est pas de nature à aller pratiquement au delà d’une simple réponse par oui ou non, ou de la nomination de personnes déterminées. Demander aux citoyens non pas s’ils veulent ou ne veulent pas, mais ce qu’ils veulent, était bien une chose possible en droit, mais ce n’était praticable que dans des cas exceptionnels[16].

2. Un acte bilatéral exige, d’après la notion romaine, la comparution personnelle de deuil ou plusieurs parties. Cette règle s’applique aux comices, la forme de l’interrogation orale suffit pour l’établir. Mais l’idée de la représentation est admise en ce sens que même les absents et ceux qui ne sont pas encore nés sont liés par l’acte des citoyens qui ont comparu au jour et au lieu fixés. Nous réservons, pour la partie qui suivra, l’exposition précise de cette règle.

3. On considère comme étant une résolution du peuple la résolution de la majorité de ses parties constitutionnellement disposées et se décidant chacune individuellement ; ce n’est pas le populus qui décide ; c’est la curie, la centurie, la tribu. Il faut qu’aucune de ces parties constitutionnellement disposées ne fasse défaut pour qu’un acte soit réputé un acte du peuple. Ce principe s’exprime, dans le langage, à la fois parla désignation du tout au moyen de ses parties, qui n’est pas rare dans le langage formel[17], et par le pluriel comitia. La volonté de fait du peuple, le consensus[18], quelque clairement qu’il puisse être exprimé dans l’assemblée du peuple qui prépare les comitia (conventio, contio)[19], ou au théâtre, ou ailleurs, n’existe pas pour le droit public.

Nous traiterons, dans la théorie du Sénat, de la restriction qui est encore apportée à la capacité d’agir du peuple, ou mieux à celle du magistrat qui agit avec lui, par l’antique principe selon lequel toute résolution du peuple est soumise à la ratification du conseil de la cité tel qu’il était, constitué à l’époque la plus ancienne[20].

La capacité du peuple se borne, dans le système le plus ancien, à fournir son assistance et à s’obliger. Son pouvoir de décision a donc pour origine la faculté, qui ne peut être déniée à celui qu’il s’agit d’obliger, de se refuser à contracter cette obligation. Dans ces limites, les comices sont aussi anciens que Rome, et leur existence peut être établie dès le temps des Rois[21]. Le pouvoir de provoquer et de recevoir l’expression de la volonté du peuple appartient exclusivement au roi : c’est lui, et lui seul[22] qui comitiat. C’est aussi depuis les temps les plus reculés que la disposition du peuple, qui est la condition de l’expression’ de sa volonté, peut être indifféremment la’ disposition civile par curies ou la disposition militaire par centuries ; seulement cette diversité se manifestait probablement plus, à l’époque la plus ancienne, dans la différence du costume civil et du costume militaire, et dans la différence du mode de convocation : convocation civile par le héraut ou convocation militaire au son de la trompette, que dans la différence des divisions elles-mêmes. Si, comme nous l’avons expliqué plus haut, le peuple patricien se compose de trente curies et l’armée civique patricienne de trois et plus tard six centuries de cavaliers et de trente centuries de fantassins, l’assemblée du peuple et la levée du peuple se rapprochent de très près. Et c’est encore plus le cas, si, comme il est vraisemblable, l’infanterie de la levée du peuple comprend non seulement les citoyens mis en premier lieu dans les centuries, mais, aussi bien que dans le système de Servius, tous les citoyens soumis, à la centuriation. Les deux formes ont, de tout temps, existé l’une à côté de l’autre : la preuve irréfutable en est dans les applications qui en sont faites pour les comices non délibérants et que nous allons étudier immédiatement. Pour les comices délibérants qui ont également existé de tout temps, nous montrerons plus loin qu’il est probable qu’on recourait, suivant les circonstances, à une forme ou à l’autre.

Les citoyens sont réunis, comme assistants, soit pour certains actes d’inauguration, soit pour la clôture du cens. En matière d’inauguration, le concours du peuple est requis pour l’inauguration du roi et des trois grands flamines : la présidence de l’acte appartient au roi, même pour sa propre inauguration. Les citoyens se réunissent tantôt par curies, tantôt par centuries. Le dernier procédé est employé pour la consécration du prêtre de Mars[23], et le premier probablement pour les autres.

La grande purification (lustrum) du peuple, qui termine le cens et qui donne seule force de loi à toutes ses dispositions, est accomplie, d’une manière analogue, par le magistrat qui y a présidé, c’est-à-dire, à l’origine, par le roi, avec l’assistance des citoyens distribués dans leurs nouvelles centuries[24].

Dans ces actes, le rôle des citoyens qui y prennent part est réduit à la plus faible mesure : ils regardent ou ils sont purifiés ils ne sont même pas invités à servir de témoins[25]. Cependant il y a là une représentation de la collectivité. La contio réunie sur une convocation spéciale est quelque chose de plus qu’une application de la règle générale, selon laquelle tout acte public doit se faire coram populo ; ces comitia sont, à leur tour, quelque chose de plus que la contio ; car l’acte ne doit pas seulement être accompli devant tous les citoyens qui veulent bien y assister ; il faut en outre que chaque partie du peuple y soit représentée.

L’évolution postérieure n’a touché à ces comices dépourvus d’importance politique qu’en mettant à la place du roi, pour l’inauguration, le grand pontife[26] et pour la lustration, d’abord le consul, puis le censeur[27], en remaniant les centuries pour y introduire les plébéiens, et, en soumettant l’armée du peuple à une nouvelle organisation des centuries. Les actes eux mêmes sont, dans la mesure du possible, restés ce qu’ils étaient.

Le point de départ de l’intervention des comices dans la politique est l’obligation prise par les citoyens dans les comices, partie d’obéir aux magistrats, partie de reconnaître des règles nouvelles. il nous faut, avant d’étudier l’activité même des comices, déterminer d’abord la portée de l’engagement qui lui sert de base, de la lex[28].

Le mot lex ou fréquemment, en considération des diverses clauses qui y sont réunies, leges, désigne l’engagement[29] d’un sujet de droit envers un autre, et cela toujours en ce sens qu’une partie formule les conditions de l’engagement et à l’initiative, tandis que l’autre se soumet à ces  conditions. L’idée s’étend à tout le domaine du droit, sauf à modifier son application dans chaque milieu. En droit privé, la lex est le contrat proposé par une des parties, accepté par l’autre[30], ou, dans son application aux associations, la règle fixée par l’un de ces groupes à ses membres (lex collegii). Dans les relations des hommes avec les Dieux, les leges sont les modalités du signe demandé au Dieu, telles que les déterminent les augures pour le cas particulier, les tees auxquelles la divinité se soumet pour sa réponse[31]. En droit international, les leges sort les conditions des traités de paix ou d’alliance conclus entre États différents. Dans le droit public duquel nous nous occupons ici, la lex est, en première ligne, tout comme en droit privé, l’engagement proposé au peuple par son chef, en vertu duquel populus lege tenetur[32], ainsi que nous allons avoir dans un instant à l’expliquer plus en détail.

La relation inégale de deux parties, qui se présente dans toute lex, n’implique pas absolument la subordination d’une partie à l’autre : la preuve en est la legum dictio augurale. Mais elle implique l’inégalité nécessairement inhérente aux rapports de celui qui fait une proposition et de celui qui l’accepte. C’est en partant de cette situation prépondérante appartenant à l’un des contractants que l’engagement conclu entre le citoyen et l’État en arrive à constituer une loi. Lex et jus[33] sont dans le même rapport que la règle et le droit. Dans le premier mot, l’on envisage surtout l’origine de l’engagement et ses clauses ; dans le second, son existence et sa portée d’ensemble. Au fond, les deux se correspondent essentiellement : jubere, faire du droit, c’est exercer, l’activité qui donne naissance à la lex[34]. La somme des engagements en face de l’État qui out été transmis au citoyen ou qu’il a pris lui-même, constitue la lex publica ; tout acte accompli conformément aux règles eu vigueur est accompli lege ; celui qui intente une action civile, comme le licteur qui exécute un jugement du magistrat, lege agit, et la lex publica donne les règles en matière de condamnation, d’associations, de confections de testaments, de droit des sépultures, en général pour tous les rapports réglés par l’État[35].

Cette réglementation qui ne peut émaner que de la magistrature est une lex data ou une lex rogata, selon qu’elle n’est pas ou qu’elle est établie d’accord avec ceux qu’elle oblige[36]. Le cercle des leges datæ comprend les institutions primitives de l’État ou, selon l’expression romaine, la législation de Romulus[37] et les dispositions de pouvoirs constituants prises plus tard sur le même modèle, en particulier celles prises par Auguste avant l’établissement du Principat[38], mais ce cercle comprend aussi les instructions générales rédigées parles administrateurs de la justice pour les particuliers qui demandent justice[39] et par les autorités préposées au cens pour les citoyens qui y sont soumis[40] ; il comprend également toutes les instructions adressées par le magistrat dans la sphère de sa compétence à ses auxiliaires et à ses délégués[41], notamment les règles générales posées par le pouvoir central pour les sphères inférieures de l’administration de la justice, ainsi les statuts de villes ou de pays donnés par le préteur romain ou le gouverneur et plus tard par l’empereur[42]. Dans tous ces cas, le citoyen n’est pas seulement lié sans avoir été interrogé ; celui qui doit obéir ne peut, dans la conception romaine, pas même s’entendre demander s’il veut obéir.

En face de la lex data du magistrat, il y a la lex rogata du magistrat, l’engagement résultant de l’interrogation (rogare) du peuple par le magistrat, par conséquent dé la proposition (ferre) de celui-ci[43]. Et ce n’est que de lui, que nous devons nous occuper ici. Si, comme le montre la lex data, l’obligation qui résulte d’un ordre obligatoire rentre elle-même dans l’idée de la lex, on entend cependant par excellence par lex la lex rogata, celle produite par l’accord du magistrat et du peuple[44]. En la forme, la question posée au peuple par le magistrat tend toujours à savoir s’il veut (velle) et s’il tient pour légal (jubere)[45] ; elle implique par conséquent la possibilité de ne pas vouloir, le droit de rejet, la liberté de décision. Mais l’obligation qui se produit en cas de réponse affirmative peut intervenir ou pour renforcer une obligation déjà existante, ou pour étendre les obligations des citoyens au delà des bornes antérieures.

A la première catégorie appartient l’acte général par lequel les citoyens s’obligent à l’obéissance envers le magistrat et qui est étudié dans la théorie de la Magistrature[46]. Selon le plus ancien système, il se produit dans deux cas : en premier lieu, lors de tout changement de magistrat, en second lieu, au commencement du cens. Le roi seul peut y présider ; néanmoins le peuple s’oblige envers le magistrat supérieur non seulement à lui obéir, niais à obéir à ses auxiliaires et ses serviteurs. Quant à la forme, c’est la même chose que pour les comices qui assistant aux actes. En général, le peuple fait sa promesse de fidélité dans les curies ; mais, pour le cens, qui est proprement une révision de l’armée du peuple, il la fait en ordre militaire. Le rôle du citoyen est ici plus actif que dans le cas d’assistance ; puisqu’on demande à chaque citoyen s’il est disposé à accorder au magistrat l’obéissance qu’il lui doit, il faut imaginer comme étant au moins possible qu’il refuse d’assumer cette obligation. Cependant, puisque cet acte ne fait que renforcer une obligation préexistante, ainsi que le prouve avec une clarté spéciale sa répétition lors du cens, ce n’est juridiquement rien autre chose qu’une solennité, ce n’est pas proprement un accord de volontés. Le magistrat, ayant seulement le droit et non le devoir d’interroger les citoyens et n’en étant pas moins magistrat en l’absence de la promesse de fidélité, il le reste également quand l’acte n’a pas lieu ou ne se fait pas convenablement.

Ce que nous avons dit des comices où le peuple ne joue qu’un rôle d’assistant est également vrai de ceux où il fait la promesse de fidélité : ils ont subsisté sans modification dams la mesure où les institutions qui y interviennent n’ont pas été elles-mêmes transformées : le roi a été remplacé par le consul[47] ; les curies et les centuries qui font la promesse de fidélité sont devenues celles de l’époque moderne ; mais l’acte est, clans son essence, resté le même.

C’est l’acte par lequel le peuple assume une nouvelle obligation qui a été la source de sa souveraineté. C’est de lui que vient le principe que les institutions existantes ne peuvent être modifiées sans que le peuple ait été interrogé et p ait consenti. On ne peut à la vérité invoquer en faveur de son caractère primitif le fait que nos sources font remonter les comices de la République jusqu’au temps de Numa[48] cette exposition proleptique, qui remonte certainement beaucoup trop en arrière, n’est pas une preuve ; c’est une combinaison faite sous l’empire de tendances politiques. Mais ce droit restreint des comices n’a pas seulement en sa faveur les vraisemblances intimes ; il nous est attesté clairement par les antiques institutions de l’adrogation et du testament ; les curies ont certainement procédé à l’accomplissement de ces deux actes, dans l’État patricien, tout aussi bien qu’elles le font dans l’État patricio-plébéien. Et, parmi les droits qui appartiennent plus tard aux centuries patricio-plébéiennes, il y en a encore une portion essentielle qui doivent avoir déjà été exercés par les curies ou les centuries patriciennes et être passés d’elles aux secondes, quoique l’on ne puisse naturellement rien trouver à ce sujet dans notre tradition qui ignore en principe le peuple patricien. Dès le début, les comices sont les titulaires de cette puissance souveraine qui reste au repos tant que fonctionnent les institutions existantes, mais qui entre en mouvement lorsqu’il faut les écarter ou les changer. Par exemple, en présence d’une déclaration de guerre qui contient en elle la rupture d’un traité, le peuple ne doit, dans l’ancienne conception, avoir été tenu à : aucune obéissance envers le roi agissant seul ; car le roi n’était pas compétent pour faire une guerre en violation du droit établi ; il lui fallait, pour pouvoir la faire, l’assentiment des comices. Il doit y avoir eu là, de toute antiquité, un vote proprement dit exigeant la formation d’une majorité.

La lex génératrice d’une obligation nouvelle, des temps historiques, opposée à celle qui n’est pas rogata, et à la lex rogata qui ne fait que renforcer une obligation existante, comme, aussi aux élections et aux jugements du peuple provoqués par une rogation, se présente à nous comme énergiquement caractérisée par deux particularités de forme : elle est nécessairement écrite ; elle porte un nom individuel. Son caractère écrit ne peut remonter à son origine : il n’est jamais question pour l’adrogation et le testament d’une rédaction écrite de la décision des curies. La rédaction par écrit requise pour les lois du peuple patricio-plébéien peut être rapprochée de l’usage établi par la coutume de rédiger sous forme de cautio le contrat formé verbalement, et par dessus tout du caractère écrit probablement imposé à la même époque et de la même façon aux conventions internationales[49] : elle nous montre, avec une clarté frappante, combien ces institutions romaines qui sont pour nous les plus anciennes sont, même dans leurs fondements, déjà loin des véritables conditions primitives. — Quant à la dénomination des lois, celles qui remontent à l’époque de l’État patricien ne sont pas désignées par le nom du rogator : elles sont, désignées comme des leges curiatæ ou centuriatæ, selon l’assemblée employée pour leur confection[50]. Mais cette sorte de dénomination est étrangère aux lois écrites de .l’État patricio-plébéien. Pour elles s’est développée, par suite de leur caractère écrit, la forme de l’en-tête, index ou præscriptio[51]. Cet en-tête indique dans un ordre fixe, le nom du ou des rogatores ; leur magistrature, par laquelle l’année de la loi se trouve déterminée ; le lieu et le jour du mois où cette loi a été faite enfin le nom de la curie, centurie ou tribu pour laquelle la recitatio a été faite en premier lieu et celui du citoyen qui y a voté le premier. Cet usage a amené à son tour celui de nommer ces actes, dans le langage officiel, par les n oms de famille des rogatores ou par celui du premier d’entre eux[52] ; on ne désigne au contraire jamais par de telles dénominations, dans le langage correct, la lex sortie de la volonté unilatérale d’un seul[53].

Si, après avoir développé l’idée de la lex rogata, nous passons à la question plus large de savoir pour quels actes le magistrat a besoin de s’entendre avec le peuple, et quelle est par conséquent l’étendue de la compétence de celui-ci, il faut à ce sujet faire une observation.. Déjà dans l’État patricien, l’assemblée civile des curies et l’assemblée militaire des centuries existent l’une à côté de l’autre ; puis, dans le cours du développement, l’assemblée patricio-plébéienne des centuries est venue se mettre auprès de l’assemblée patricienne des curies, qui, elle aussi, a plus tard admis les plébéiens dans son sein ; et ensuite encore se sont ajoutées à ces deux assemblées celle des tribus patricio-plébéiennes et celle des tribus exclusivement plébéiennes. Or, nous avons bien déjà étudié individuellement toutes ces formes d’assemblées et pouvons les supposer connues. Mais, en étudiant la compétence générale du peuple, il nous faut également décrire la compétence spéciale de chacune de ces quatre assemblées, en tant qu’elle peut être déterminée.

Dans l’État patricien, la compétence des curies peut être regardée comme constituant la compétence normale en face de celle des centuries. Il faut à vrai dire attribuer peu de poids à ce que, dans nos annales, les assemblées délibérantes du temps des rois sont constamment celles des curies et à ce que, d’après elles, qui ne font jamais allusion à l’usage des centuries pour l’inauguration et la promesse de fidélité, les centuries ne seraient arrivées à jouer un rôle politique qu’avec la fondation de la République, en qualité de centuries serviennes. Mais on peut invoquer le fait que la promesse de fidélité faite au nouveau magistrat lui est toujours faite dans les curies, et que le comitium, le vieux siège de l’assemblée du peuple n’a pu servir que pour les curies, puisque les centuries se sont certainement toujours réunies hors de la ville[54]. En outre les statuts de villes latines de l’époque récente ne savent rien des centuries, ils ne connaissent que l’organisation en curies, et, quoique la constitution d’une cité dépendante lie puisse avoir un caractère militaire, ce fait est favorable à l’idée que l’organisation en curies était, au sens propre, l’organisation légitime. Enfin les droits restés aux curies dans les temps historiques aussi bien que les pouvoirs de leurs chefs, portent le caractère de ruines d’une compétence plus étendue à l’origine ; et autant il est certain que les pouvoirs de magistrat du grand pontife sont un débris de l’ancienne puissance royale, autant il l’est que le pouvoir des comices présidés par lui est un débris d’un pouvoir comitial autrefois plus complet.

Comme pouvoir législatif proprement dit, on peut probablement attribuer à l’assemblée la plus ancienne des centuries, qui n’est que le peuple se tenant prêt à commencer la guerre, le pouvoir de déclarer la guerre car ce pouvoir appartient postérieurement en principe aux centuries, et le peuple qui décide la guerre ne peut être imaginé que disposé en centuries. Cependant nous ne voulons pas dire que la ligne de démarcation existant entre les deux sortes d’assemblée ait eu une rigueur absolue. Il était dans la nature des choses que l’adrogation fut soumise aux curies et la déclaration de guerre aux centuries. Mais dans les deux cas, c’était le même populus qui votait, et cela suffit à exclure l’idée formelle de compétence.

Dans l’État patricio-plébéien, il est tracé une ligne de démarcation profonde entre l’assemblée des curies d’une part et le reste des assemblées des citoyens de l’autre. Cette démarcation doit se rattacher, avons-nous vu, à ce que l’assemblée patricienne des curies a existé durant un longtemps à côté des centuries patricio-plébéiennes, et à ce que la limite des compétences a dû se figer avant que les plébéiens n’eussent obtenu le droit de voter dans les curies[55]. Probablement elle n’a pas toujours été la même ; elle a dû se déplacer dans le cours des temps en faveur des centuries et au préjudice des curies. Mais il serait oiseux de construire a ce sujet des hypothèses. Nous ne pouvons que décrire la compétence des curies en matière de leges rogatæ, telle qu’elle était figée à l’époque historique.

Les curies, telles que nous les connaissons, n’ont conservé exclusivement qu’un droit : celui de délier, à titre isolé, des règles de la gentilité ; tout le reste de la, législation, qu’il empiète on non sur la gentilité, leur est étranger. La limite est tracée de telle sorte que, lorsque les curies sont compétentes, les centuries ne le sont pas, et réciproquement. Les comices par curies délibérants, dont la présidence appartient constamment au grand pontife et qui sont par suite appelés calata comme les comices convoqués pour assister à une inauguration[56], ont par conséquent seuls le droit d’accorder les privilèges personnels qui suivent.

1. La constitution en une association gentilite de citoyens vivant en dehors des liens de gentilité a probablement été soumise à l’autorisation des curies. Cependant, comme elles ne pouvaient, depuis que les familles plébéiennes en faisaient partie, conférer plus de droits qu’elles n’en avaient elles-mêmes, on ne pouvait faire naître ainsi qu’une stirps plébéienne et non une gens patricienne. La concession du droit de cité, qui devait autrefois se confondre avec celle du droit de gentilité, exige désormais une décision du peuple patricio-plébéien prise sous la présidence d’un magistrat.

2. Le changement de famille, l’adrogatio du citoyen sui juris du sexe masculin, et la detestatio sacrorum qui s’y lie exigent, après une enquête pontificale préalable, un débat devant les curies et le consentement de la majorité d’entre elles. Pour cet acte des comices, qui se maintient au moins en théorie jusqu’aux temps les plus récents[57], le pouvoir législatif du peuple le plus ancien est resté constamment en vigueur dans la forme[58]. Il y a là une véritable rupture des institutions légales, et par conséquent une preuve de la souveraineté qui appartenait déjà en principe au peuple le plus ancien. Le droit de famille patricien ou plébéien existant est anéanti par l’adrogation, et celui du père nouveau, qu’il soit patricien ou plébéien, est acquis à l’adrogé.

3. Le mariage hors de la gens parait avoir également exigé une loi, qui cependant était le plus souvent rendue dans la forme du testament.

4. Le soin de restituer des droits de gentilité à un homme sorti du groupe des citoyens et rentré parmi eux peut être renvoyé aux curies par une résolution de l’assemblée politique du peuple. C’est probablement là le point de départ des concessions individuelles du patriciat qui se rencontrent depuis César.

5. Le testament primitif est fait devant les curies, et il y a, dès les temps les plus anciens, deux jours dans l’année, probablement le 24 mars et le 24 mai, qui sont fixés comme jours réguliers pour ces comices par curies[59]. En théorie, cette forme de tester s’est maintenue jusqu’à l’époque historique, en pratique, elle a de bonne heure disparu[60], et c’est sans doute uniquement pour cela qu’il n’est pas question pour le testament, comme pour l’adrogation qui subsistait pratiquement, de l’enquête préalable des pontifes. L’acte est’ à la fois une prise à témoin[61] et une loi provoquée par un citoyen afin de modifier le droit existant pour un cas isolé. Pas plus que la femme ne peut être adrogée, elle ne peut, dans le droit le plus ancien, faire de testament ; car elle n’a pas le droit d’entrer dans l’assemblée des citoyens et de prendre ses concitoyens à témoins[62]. L’exclusion des héritiers légitimes ; la continuation fictive d’une personne en réalité disparue par un ou plusieurs individus arbitrairement choisis par elle-même ; l’admission dans le legs testamentaire d’un droit de propriété ou de créance, qui, contrairement à tous les principes ordinaires du droit, n’a été fondé par aucun acte du nouveau propriétaire ou créancier[63] ; les règles absolument différentes des règles ordinaires appliquées, dans le testament, au terme et à la condition[64] ; la faculté de concéder à un esclave primitivement une liberté garantie par l’État et même, dans la conception postérieure, le droit de cité, ce sont là autant de traits caractéristiques du privilegium. Si le testament n’est plus un tel acte à l’époque historique et si pourtant il garde tous les mêmes effets, c’est précisément parce qu’il y a eu là une loi qui s’est transformée en acte privé ; et la voie par laquelle on est arrivé à la transformation est probablement celle que montre l’adrogation : le droit de confirmation du peuple se sera, dans le cours des temps, réduit au rôle de formalité. D’un autre côté, la liberté de tester est inconciliable en principe avec l’essence de l’État basé sur la gentilité et son droit religieux liait la gens ; il apparaît donc encore à ce point de vue comme croyable que l’ordre légal des successions a d’abord été entamé par des privilegia particuliers et a ainsi été progressivement dépouillé de son caractère obligatoire. Il est probable que l’établissement de la liberté de tester et la liaison des sacra à l’hérédité, qui était étrangère à l’ancien droit, sont allés ensemble : à partir du moment où l’héritier testamentaire fut aussi bien astreint aux sacra que l’héritier gentilice, la liberté de tester put paraître admissible aux pontifes.

En dehors de la compétence réservée aux curies, que nous ne connaissons que limitée au cercle restreint des dispenses du droit de famille, le titulaire primitif de la souveraineté est, dans l’État patricio-plébéien, l’assemblée des hommes obligés au service militaire, les comices des centuries patricio-plébéiennes ; pendant un certain temps, il n’y a eu à pouvoir exprimer la volonté du peuple que cette assemblée. Mais, sous la République, il en surgit, de bonne heure, deux autres à côté d’elle : le concilium de la plèbe présidé par les magistrats plébéiens, et les comices des tribus patricio-plébéiennes présidés par les magistrats patriciens.

Le concilium de la plèbe est la plus ancienne des deux nouvelles assemblées ; il se réunissait probablement au début par curies. Le nombre primitif des quatre tribus serviennes suffit à prouver qu’elles ne furent pas directement constituées dans un but électoral ; car, bien qu’un nombre pair ne soit pas un obstacle à la formation d’une majorité, puisqu’au cas d’égalité de suffrages et d’absence de majorité, la proposition est rejetée par là même[65], on comprend que tout système de vote exige une disposition des unités électorales dans laquelle il n’y ait pas trop fréquemment égalité de voix. En outre les plus anciens organisateurs de l’État n’ont, afin d’assurer l’unité du peuple, certainement pas voulu permettre aux citoyens qui se trouvaient en rapports de voisinage, de jouer ensemble un rôle politique et, pour cette raison, au lieu de prendre la circonscription administrative comme unité de vote, ils ont, autant que possible, recruté chaque centurie dans toutes les, circonscriptions. L’influence personnelle, qui en général est une influence locale, fut également limitée efficacement par la séparation en matière de vote des citoyens habitant ensemble. Mais ce sont peut-être précisément ces considérations qui, comme nous avons vu, conduisirent, en 283, à faire de la circonscription administrative une unité de vote pour la plèbe. Nous avons montré là comment l’assemblée des plébéiens n’eut pendant longtemps qu’à titre exceptionnel et en vertu d’une permission spéciale du sénat, le droit d’exprimer la volonté du peuple. Dans ces limites, elle parait avoir exercé ce droit dès avant les Douze Tables ; mais le plébiscite n’a reçu force de loi sans réserve que par la loi Hortensia, entre 465 et 468.

Même pour le peuple, la tribu a plus tard été prise pour comices par unité de vote. Les assemblées des tribus, qui ont été convoquées à bien des reprises pour des élections, des procès, ou des lois par les consuls, les préteurs, les édiles curules, sont, différentes du concilium plebis et sont patricio-plébéiennes, c’est une conséquence certaine de ce que les magistrats dont il s’agit n’ont le droit d’agir que cum populo, et que par conséquent le peuple réuni par eux ne peut pas plus être la plebs que l’assemblée avec laquelle agissent les tribuns ne peut être le populus. En outre, il n’est pas possible de refuser le droit de vote aux patriciens dans les comices où un patricien peut être élu, par exemple dans les comices des questeurs. Enfin toute la tradition est dans ce sens ; car toutes les assemblées délibérantes de citoyens, qui sont caractérisées, en particulier par la présidence d’un magistrat patricien, comme n’étant pas restreintes à ta plèbe, se conforment pour les critériums technologiques comme pour les autres, aux particularités qui caractérisent les comitia par opposition au concilium[66]. — Nous rencontrons cette seconde catégorie de comices patricio-plébéiens, en premier lieu indirectement dans les Douze Tables, car, leur comitiatus maximus étant certainement celui des centuries[67], on ne peut trouver, pour l’opposition nécessitée par là, d’autres comices que ceux des tribus[68]. Ces comices peuvent par conséquent s’être introduits peu de temps auparavant, peut-être en même temps que l’assemblée plébéienne des tribus, en 283. D’après les Douze Tables, ils doivent avoir statué sur tes procès de peu d’importance. Bientôt après les comices par tribus furent utilisés pour l’extension de l’élection populaire aux questeurs, qui se produisit, semble-t-il, en 307[69]. Les édiles curules ont été élus de la même façon, depuis qu’ils ont été mis en 387 à côté des édiles plébéiens[70]. Ces élections se font sous la présidence d’un consul ; mais les magistrats qui sont élus sous la présidence d’un préteur[71], et en général les magistrats inférieurs sont aussi élus dans, les comices par tribus[72]. La loi de 415, qui semble s’être également occupée des décisions des comices par tribus, peut avoir réglé leur tenue par le préteur créé peu de temps auparavant[73]. Nous trouvons les cas les plus importants réservés d’une manière analogue, en matière de lois et de poursuites, soit par des prescriptions formel-les, soit au mains pratiquement, aux comices par centuries. Les comices par centuries, étant les principaux, sont appelés comitiatus maximus[74], et les nôtres, comme les inférieurs, comitia leviora[75]. Il est probable que ce ne sont pas des considérations politiques proprement dites qui ont exercé l’influence décisive sur leur organisation et leur application pratique, mais simplement la préoccupation de simplifier et d’accélérer la procédure.

La souveraineté du peuple a pour organes les comices des centuries et des tribus et le concilium de la plèbe. Les sources nous renseignent bien plus abondamment sur cette compétence générale du peuple, à laquelle nous passons maintenant, que sur celle des trois formes distinctes d’assemblées ; car, dans nombre de cas, l’intervention du peuple est établie et la forme dans laquelle elle a eu lieu n’est pas connue, ou même, sous bien des rapports, est indifférente. La question de la compétence générale du peuple est aussi, théoriquement et historiquement, d’une bien plus grande importance que celle des limites de la compétence des diverses assemblées, qui ne la fait d’ailleurs que trop souvent oublier. Car, à tout prendre, les centuries, les comices par tribus et le concilium ont des fonctions concurrentes ; et il n’est même pas rare qu’ils soient appelés électivement à agir les uns à côté des autres[76]. La forme des comices a aussi beaucoup moins servi de règle pour l’expression du vote qu’on ne l’admet fréquemment. Essayons donc, en rassemblant le mieux possible nos matériaux épars sur une large surface, de déterminer ce que pouvait et ce que ne pouvait pas le peuple romain et de montrer comment sa compétence s’est, au moins quant à la forme, constamment étendue sous la République pour être ensuite anéantie sous le Principat.

Quant à son objet, il est de l’essence de la loi romaine, — intimement différente de la loi grecque sous ce rapport, — qu’elle concerne nécessairement les affaires du peuple ou de ses membres, que la résolution du peuple intervienne donc pour régler son droit propre ; les affaires étrangères au peuple ne peuvent être portées devant lui[77]. Au surplus, la compétence du peuple ne peut se déterminer que négativement ; la consultation de l’assemblée du peuple est nécessaire pour tous les actes publics qui ne rentrent pas dans la compétence des magistrats. Lorsque le magistrat exerce ses pouvoirs, les comices ne sont pas consultés, et, à l’inverse, lorsque le magistrat consulte les comices, c’est qu’il n’est pas compétent. L’assemblée du peuple ne peut intervenir dans la conduite de la guerre et des procès parce que le magistrat a pour y procéder son imperium ; quoique, selon la notion qui a prévalu sous la République, l’imperium soit regardé comme un plein pouvoir donné par le peuple au magistrat, on n’en a jamais tiré la conséquence que le fondé de pouvoirs eût seulement la faculté de prendre l’avis du mandant pour les affaires qui lui étaient confiées. La compétence des comices et celle de la magistrature se complètent donc l’une l’autre. La perte par le magistrat supérieur du droit de nommer son successeur a été en même temps l’extension des pouvoirs des comices aux élections. L’acquisition par les magistrats supérieurs du droit de proroger les pouvoirs du général après avoir pris l’assentiment du sénat a été une limitation du droit des comices de proroger l’imperium. Nous rencontrerons entre les deux territoires des frontières incertaines, en matière de peines capitales infligées pour crimes de droit des gens, en matière de traité de paix. Mais, dans ses grands traits, la règle a été maintenue en vigueur à toutes les époques.

Le droit public romain divise, selon leur objet, en laissant de tété les résolutions des curies, les résolutions du peuple patricio-plébéien, et aussi celles de la plèbe, en trois grandes catégories qui sont nettement séparées par la terminologie : il 16s divise en lois, en élections, et en jugements[78]. En logique, on peut objecter à cette division que les deux dernières catégories ont bien un contenu concret, mais que la première n’a au contraire le sien déterminé que négativement, par le principe que toute résolution du peuple qui n’appartient ni à la, secondé ni à la troisième catégorie est une lex[79]. Mais c’est précisément pour cela qu’elle a une valeur historique. Le pouvoir législatif a appartenu, de tous les temps, aux comices, quoique le cercle de ses applications ait été plus ou moins large selon les époques ; l’élection des magistrats et la justice criminelle étaient en dehors de la compétence primitive du peuple et s’y sont ajoutées comme des droits acquis. L’histoire conventionnelle fait remonter les trois ordres d’attributions à l’époque royale ; mais, cependant, même d’après elle, les élections et surtout les jugements n’arrivent vraiment à la vie que sous la République. En réalité, l’activité des comices, est, d’après le développement que nous avons exposé, primitivement restreinte à la fixation des règles légales, et le premier rôle doit précéder les élections et les jugements déjà par cette raison que les unes et les autres requièrent l’existence d’une loi qui les organise. L’État romain ne peut être conçu sans le pouvoir réglementaire des comices. Si le magistrat est le mandataire du peuple et doit être accepté ou même choisi par lui, si le criminel condamné a le droit de demander sa grâce au peuple, ce n’est pas par une conséquence de la souveraineté du peuple, c’est par une conséquence de l’établissement de la République. Nous étudierons donc d’abord les comices législatifs, puis nous adjoindrons à cette étude les détails que nous devons donner ici sur les élections et les jugements :

Les droits réservés, appartenant au peuple de la République, exercés par une loi, soit directement, soit par l’établissement d’une magistrature compétente pour un cas isolé (extra ordinem), échappent à une exposition rigoureusement méthodique ; car la souveraineté du peuple prise dans son ensemble ne comporte pas d’analyse. Il faut se contenter de réunir certains de ces droits par groupes, exclusivement à titre d’exemples[80].

1. CONCESSION ET RETRAIT DU DROIT DE CITÉ.

Le nécessaire a déjà été dit sur la concession par les comices du droit de cité patricien à l’époque la plus ancienne, puis de la qualité de plébéien dans l’État patricio-plébéien. Nous avons également expliqué aux mêmes lieux qu’en dehors des modes d’acquisition établis par la loi, la concession du droit de cité à des communes ou à des individus resta, même pratiquement, entre les mains des comices jusqu’à la fin de la République et ne fut, dans cette période, incorporée que dans une faible mesure dans la compétence des magistrats. C’est seulement sous le Principat que l’extension de la compétence du prince à cette concession anéantit le droit du peuple.

Nous avons également déjà expliqué que le retrait du droit de cité Romaine ne peut non plus être prononcé que par les comites. Il convient de noter que l’incompétence de la magistrature et du sénat est expressément reconnue pour cet acte important[81].

La loi des Douze Tables décidait en outre que le peuple ne pourrait prononcer le retrait du droit de cité que dans l’assemblée des centuries, et que par conséquent les comices par tribus ne seraient pas compétents pour cet acte[82]. La question de savoir si l’égalité établie par la loi Hortensia entre les plébiscites et les résolutions du peuple s’appliquait à cette catégorie de résolutions a été controversée ; cependant la compétence de la plèbe en cette matière est plus conforme aux principes, et la plèbe a statué pratiquement dans plusieurs cas de ce genre[83].

2. CONCESSION ET RETRAIT DU DROIT DE SUFFRAGE.

La concession du droit du suffrage à des citoyens qui ne l’avaient pas jusqu’alors et le retrait du droit du suffrage avec maintien du droit de cité, rentrent aussi parmi les droits réservés qui n’appartiennent qu’au peuple[84]. Par suite, les censeurs, si librement qu’ils procèdent dans le règlement du vote, ne sont pas considérés à l’époque moderne comme ayant le droit d’exclure de la liste électorale un citoyen légalement en droit de voter[85], quoique cela ait eu lieu constamment à l’époque ancienne moins dominée par l’idée de la souveraineté du peuple, et que cela put s’y justifier en principe par l’observation que l’acte du censeur ne supprime pas juridiquement le droit de suffrage et en suspend seulement l’exercice.

3. RÈGLEMENT DES MAGISTRATURES ET DES SACERDOCES.

L’organisation d’une magistrature[86], et pareillement d’un poste d’officier ou d’un sacerdoce[87], exige une loi dont l’objet est de régler la compétence de cette autorité, et aussi en général son titre et ses insignes. Pour les fonctions ordinaires, la compétence, le titre et les insignes passent à l’individu nommé, à la suite de sa simple nomination, en vertu de la loi qui les a constituées. Une extension de pouvoirs réclame naturellement un nouvel acte législatif, ainsi par exemple la loi Atilia ajouta à la compétence du préteur°urbain le droit de nomination des tuteurs. L’inébranlable observation du principe que la puissance du magistrat ne peut naître que d’un mandat exprès des comices a assuré la durée de la constitution républicaine. En sens inverse, la destruction de la République s’exprime dans le fait que l’imperium n’est plus attribué au prince par les comices[88] ; elle s’y manifeste d’autant plus clairement que le nouveau maître s’abstient de recourir à cette nomination uniquement parce qu’elle implique en principe la reconnaissance de la souveraineté des comices. Du reste il subsiste, à côté de cela, dans la concession de la puissance tribunicienne, qui continue à être faite par les comices[89], un reste de l’ancien régime correspondant en droit public à ce qui survivait encore en fait de l’ancienne constitution.

Par opposition à la royauté à vie, la situation de chef délégué par le peuple a théoriquement et pratiquement pour base l’annalité du pouvoir[90]. L’unique exception réelle que nous connaissions à ce principe dans l’imperium urbain, celle relative aux pouvoirs de magistrat concédés le jour du triomphe au magistrat qui triomphe après l’expiration du terme de ses pouvoirs urbains, ne se produit jamais qu’avec la permission du peuple concédée par une résolution spéciale[91]. Constitutionnellement, la concession à vie des pouvoirs de magistrat, telle qu’elle sert de base au principat, n’est pas moins possible que celle faite pour le jour du triomphe ; en pratique, la souveraineté du peuple a pour base l’annalité de la magistrature, et elles ont péri toutes deux en même temps.

Cette limitation de temps ne s’applique pas à l’autorité exercée hors de la ville : le général n’a par suite besoin d’aucun nouveau pouvoir pour continuer simplement sa magistrature. Mais la prolongation des pouvoirs du général avec fixation d’un nouveau terme extinctif est considérée avec raison comme la concession d’une nouvelle magistrature, et même d’une magistrature extraordinaire, et par conséquent on l’évite à l’époque ancienne ; mais elle a plus tard été, depuis 427, admise en vertu d’une loi spéciale, d’où elle a pris le nom de prorogatio. Par la suite, ce fut là une des compétences qui passèrent, en fait, le plus tôt du peuple au sénat[92].

La loi qui constitue une fonction détermine à quelles personnes cette fonction peut être conférée. La fondation de la magistrature et la désignation de la personne qui l’occupera peuvent être rassemblées dans la même loi pour les magistratures extraordinaires, et on l’a fait sans scrupules pour celles dépourvues d’importance politique[93]. Mais, d’après le principe constitutionnel selon lesquelles questions de personnes doivent être écartées des comices législatifs, la république ancienne a, pour les postes importants, tenu rigoureusement séparées la création de la magistrature et son attribution. Au contraire les deux ont été en règle réunies pour les pouvoirs constituants extraordinaires[94], et il en a été de même pour le principat[95]. Ailleurs la loi, ou bien prescrit des élections, ou bien transporte il un magistrat supérieur la nomination à la fonction, comme c’est la règle pour les postes d’officiers et comme cela s’est aussi produit pour les représentants du préteur envoyés dans les communautés italiques de citoyens[96]. D’autres modes de nomination peuvent encore être prescrits ainsi, par exemple, l’attribution de certains sacerdoces a été renvoyée au vote de la plus petite moitié du peuple. Au contraire, la combinaison des pouvoirs de magistrat avec une nomination qui n’émane pas des comices, combinaison qui est caractéristique de l’époque royale[97], rentre parmi les actes qui sont bien rationnellement possibles, mais qui sont inconstitutionnels. Avec des créations comme la puissance proprétorienne des légats choisis uniquement par le général, la dictature de César et le principat reviennent aux institutions de la royauté, et ces créations marquent la fin de la République.

Le peuple n’a pas le droit d’intervenir dans les pouvoirs dans qu’il a donnés aux magistrats. La compétence des comices trouve sa limite dans celle des magistrats, ou du moins elle doit l’y trouver ; car cette limite elle-même n’est qu’une maxime constitutionnelle. Le peuple peut annuler le marché conclu par le censeur[98] et casser un jugement en remettant dans son premier état un individu judiciairement dépouillé du droit de cité[99]. Il le peut en particulier lorsque le magistrat, sur la compétence duquel il empiète ainsi, souhaite ou même propose une telle cassation. Mais le maintien de la constitution repose essentiellement sur le non-exercice de ce pouvoir théorique. L’esprit public politique des Romains a sérieusement et utilement maintenu la magistrature en possession de sa compétence en face des comices, et en particulier il n’a pas permis au peuple de se mêler des questions de personnes relatives à l’attribution du commandement en chef des troupes. Il rentré dans cette idée que la dictature, qui viole en fait le principe de la collégialité, ne soit pas conférée par le peuple ; il faut encore y rattacher la disposition selon laquelle les officiers supérieurs appelés en commun au commandement ont à régler entre eux, avec le concours du sénat, il est vrai, le partage de ce commandement et par conséquent l’attribution du commandement effectif, mais selon laquelle il n’est accordé aux comités aucune intervention dans ce domaine, si voisins qu’ils en fussent mis par l’égalité de droit des collègues. A vrai dire, il y a eu des dérogations à ce principe. Entre les postes prétoriens de généraux déterminés par le tirage au sort légal, il ne pouvait, après le tirage au sort, être fait de changement que par l’assemblée du peuple seule autorisée à délier des lois[100]. Lorsqu’un consul et un proconsul prétendaient au même commandement, l’un en vertu de sa puissance de magistrat et l’autre en vertu de sa prorogation, la décision entre eux a parfois été remise au peuple[101]. Mais les deux actes qui auraient le plus profondément et le plus directement violé ce principe auraient été l’attribution individuelle faite par l’assemblée du peuplé, en violation de la collégialité[102], du commandement ordinaire à l’un ou à l’autre des magistrats compétents, et l’établissement d’un commandement extraordinaire par une loi spéciale ; or, en dehors du commandement donné en Espagne pendant la guerre d’Hannibal et peu après elle, cela, n’a pas eu lieu avant le temps de la Révolution[103]. Lorsque le peuple envoyait un magistrat urbain de son choix en Afrique pour inviter le roi Jugurtha à venir à Rome avec un sauf-conduit ou qu’il conférait directement à un officier à sa convenance le commandement contre Mithridate, c’en était fini de cette règle comme de la République elle-même.

4. RÈGLEMENT DES DROITS ET DES DEVOIRS DES CITOYENS.

Les magistrats n’ont exclusivement qu’à assurer l’exercice des droits et des devoirs des citoyens : en dehors de cercles isolés des fonctions du censeur, des limites étroites sont légalement tracées à leur arbitraire en face des citoyens. S’ils interviennent néanmoins par des règlements généraux, les mesures qu’il leur a plu de prendre ainsi ne lient ni eux-mêmes, ni à plus forte raison leurs successeurs. La réglementation des droits et des devoirs des citoyens est véritablement l’objet propre des accords conclus entre le magistrat et le peuple, c’est-à-dire des lois. Cette classe de lois, qui est simple en théorie, plais qui embrasse en pratique presque tout le droit public, dont les lois sont du reste pour une grande partie en même temps des règlements de la compétence des magistrats, comprend d’abord les lois qui règlent les droits politiques proprement dits, par exemple celles sur le droit des citoyens d’en appeler au peuple des décisions pénales du magistrat ; celles sur le droit aux magistratures, comme les leges annales ; celles sur le droit de suffrage ; celles sur le service militaire, comme par exemple la permission d’entrer au service avant dix-sept ans, au cas de danger militaire sérieux, de telle sorte que ce temps compte dans le calcul du service. Une autre catégorie de lois règle les relations et les mœurs des citoyens, ainsi les lois sur le mariage, sur la limitation des affranchissements, sur le droit d’association, les lois somptuaires. Au point de vue de droit du patrimoine, ce cercle comprend les lois sur les prestations à faire par les citoyens à l’État, par exemple la loi de 397 sur l’impôt mis sur les affranchissements,ou à l’inverse sur les prestations faites par, l’État aux citoyens, comme celles sur les prêts faits par l’État[104] et sur les distributions de grains ; en outre celles sur les créances nées de délits au profit de l’État, comme celles relatives aux spéculations sur les grains et d’innombrables autres lois génératrices d’amendes ; celles faisant naître pour la même raison des droits au profit de particuliers, comme les lois sur le vol et sur les dommages matériels ; ensuite encore les lois relatives au droit de succession, la loi Voconia sur le droit de succession des femmes et la, loi Falcidia sur la réduction des legs ; les lois sur la propriété, comme la disposition des Douze Tables sur l’usucapion ; les lois sans nombre relatives aux droits de créance, sur les prêts, sur le cautionnement, sur le taux de l’intérêt, sur les promesses de donation et sur d’autres choses encore.

5. RÈGLEMENT DE L’ORGANISATION ET DE LA COMPÉTENCE DE L’ASSEMBLÉE DU PEUPLE ELLE-MÊME.

Par suite de sa souveraineté, l’assemblée du peuple ne peut, sera-t-il démontré plus loin, mettre à sa liberté une barrière absolument obligatoire. Mais cependant elle peut lier son action future à des conditions réglées, en ce sens que, tant que ces règles n’auront pas été abrogées, la loi qui violera l’une d’elles sera annulable ou même nulle[105]. Toute la constitution des élections et des jugements populaires a pour base de telles lois réglant pour l’avenir dans un sens donné les pouvoirs du peuple ; et il en est de même de toutes celles qui règlent les comices en général ou les uns par rapport aux autres, par exemple qui attribuent aux comices par tribus et au concilium plebs le pouvoir d’exprimer la volonté du peuple, comme encore de toutes les lois étudiées dans la partie qui suit, sur la convocation et le Cours des assemblées du peuple, par exemple sur la réglementation des auspices et du trinum nundinum. Il suffit de rappeler en bloc ces conditions de forme ; mais c’est ici le lieu d’examiner les conditions légales auxquelles est subordonnée, quant au fond, la validité de la résolution populaire.

a. Comme en général dans toutes les dispositions réglementaires romaines[106], il y a en particulier flans les lois une clause permanente déclarant non contenu dans la loi tout ce qui pourrait violer les droits des Dieux[107]. Cette catégorie comprend toutes les violations de dispositions sacro-saintes[108] ; mais elle comprend également la violation de tout droit quelconque appartenant aux Dieux, ce qui se rapporte probablement en première ligne à l’inviolabilité des res sacræ[109]. La loi elle-même dépouille de leur force les mesures qui tomberaient sous le coup de cette disposition ; par conséquent, il n’y a pas besoin de les annuler, il suffit de constater les faits. Mais, alors même que la clause se trouvait à manquer, on doit avoir regardé comme inexistantes les dispositions légales contraires au droit religieux.

b. Dès l’époque de la constitution de la plèbe et ensuite dans les Douze Tables, il a été interdit de mésuser du pouvoir législatif au préjudice personnel de citoyens isoles[110]. On a critiqué, en partant de cette disposition, la loi Scribonia de 605 sur le manquement à la foi des traités commis par le gouverneur de Lusitanie[111], la loi Clodia de 696 sur le bannissement de Cicéron, la loi Pompeia de 702 sur le meurtre de P. Clodius et plusieurs autres encore[112].

c. La réunion dans un seul et même vote de dispositions qui n’étaient pas liées quant au fond ; la lex satura n’a pas toujours été prohibée[113] ; mais elle l’était du temps des Gracques[114]. Cette prohibition a été renforcée par une loi des consuls Q. Cæcilius et T. Didius rendue en 656[115].

d. La proposition qui a été repoussée une fois ne peut pas être reprise par le même magistrat pendant son année de magistrature[116].

Nous étudierons à la fin de cette partie la question grave de savoir quelles suites a la violation de ces règles et d’autres règles appartenant à la même catégorie, la question de la mesure dans laquelle la loi rendue per saturam, ou en violation des auspices, ou en violation du délai de promulgation, est soit nulle, soit annulable.

6. EXEMPTION D’UNE PERSONNE D’UNE OBLIGATION LÉGALE.

Aucun obstacle de droit ne s’oppose au privilegium rendu au profit d’un citoyen isolé ; seulement la libération d’une règle générale obligeant les citoyens ne peut émaner que de l’autorité qui a le droit d’obliger les citoyens par de telles règles. Ce principe est attesté, plus clairement que par les exemples isolés, innombrables et relatifs aux choses les plus futiles[117], par, le blâme adressé, en 887, par le tribun du peuple C. Cornelius à la conduite allusive du sénat : C. Cornelius blâme le sénat d’avoir d’abord revendiqué pour lui, dans les cas urgents, la dispense des lois légalement réservée aux comices, puis de l’avoir ensuite en fait complètement attirée à lui, enfin de n’avoir plus exécuté ou même d’avoir totalement écarté la clause usitée dans ces sénatus-consultes pour réserver la ratification du peuple[118]. Mais ce débat conduisit finalement à reconnaître législativement au sénat, sous certaines précautions, le droit de dispenser des lois[119].

7. INTRODUCTION D’UN PROCÈS DE HAUTE TRAHISON.

Quand les magistrats supérieurs eurent perdu la juridiction pénale dans l’administration urbaine, elle y fut exercée, pour les crimes capitaux de droit commun, par les questeurs. Mais, pour les accusations de haute trahison, non seulement les autorités judiciaires furent toujours nommées à chaque fois, mais elles ne le furent probablement jamais que sur une autorisation expresse des comices[120]. L’introduction de procès capitaux de haute trahison fait donc partie des droits réservés du peuple. Cependant cela n’a gardé d’importance pratique que tant que la même compétence fit défaut aux tribuns ou du moins ne leur fut pas reconnue complètement. Depuis qu’ils purent susciter une procédure de perduellio sans pouvoir spécial du peuple, il fut sans importance pratique que ce droit n’appartint à aucun des magistrats patriciens ordinaires.

8. PSEUDO PROVOCATION DU VERDICT DES FÉTIAUX.

Lorsqu’un citoyen a été reconnu coupable de violation du droit des gens par le consul assisté des fétiaux[121], ce verdict entraîne l’extradition du coupable à la cité offensée, et par conséquent la perte pour lui de la liberté et du droit de cité. Ce verdict n’est pas soumis à la provocation, et, le consul ayant agi dans les limites de sa compétence, les comices ne pouvaient pas intervenir par une loi. Il ne semble pas non plus que le magistrat qui avait statué pût être forcé de soumettre l’affaire au peuple. Mais, dans la conception romaine, le magistrat qui n’est pas lié par le droit de provocation peut, s’il le veut, remettre à la discrétion du peuple la grâce qu’il ne veut ou ne peut accorder au citoyen reconnu coupable ; le magistrat qui a statué a donc ici la faculté de, soumettre la décision au peuple, pour qu’il la rejette ou la confirme[122].

9. ALIÉNATION À TITRE GRATUIT DES TERRES DE L’ÉTAT OU EN GÉNÉRAL DES BIENS DE L’ÉTAT.

Aucun magistrat ordinaire de la République n’est compétent pour l’aliénation à titre gratuit des terres publiques, qu’elle soit faite dans un but religieux ou an profit d’un particulier. La dedicatio et l’adsignatio sont toujours accomplies, à chaque fois, ou en vertu d’un pouvoir spécial donné aux magistrats ordinaires, ou par des magistrats extraordinaires créés à cet effet avec une compétence spéciale. Cela est expliqué dans la partie de la magistrature[123]. Quant aux autres libéralités faites aux dieux on aux hommes qui ne consistent pas en une aliénation du sol public, il faut également consulter le peuple sur elles, s’il s’agit de l’établissement de charges durables, comme les fêtes annuelles ou les jeux annuels[124], ou d’un vœu grave, comme est le ver sacrum[125]. Cela peut aussi avoir lieu pour les dons moins importants ; mais alors les magistrats agissent, en général, avec le simple concours du sénat ou même seuls, surtout si les frais peuvent être couverts par le butin qu’ils ont fait[126].

10. FRAPPE DE MONNAIES.

Le droit de battre monnaie ne semblant pas avoir été compris, jusqu’à la seconde moitié du septième siècle, dans la compétence des magistrats ordinaires urbains, il fallait probablement aussi pour son exercice un mandat spécial du peuple[127]. Cependant il doit souvent n’être intervenu à ce sujet qu’un simple sénatus-consulte.

11. INTERVENTION DANS LES RELATIONS AVEC L’ÉTRANGER.

Nous traiterons plus en détail, au commencement de la partie des Latins, des rapports de la cité romaine avec l’étranger. Il suffit ici de rappeler que, dans l’idée Romaine, il ne peut naître de lien de droit international qu’en vertu d’un traité international et que ce droit n’a pas plus d’étendue que ce traité. Nous avons antérieurement décrit le droit du magistrat de conclure un tel traité, un fœdus[128]. A l’époque ancienne, c’était le magistrat seul qui était compétent pour la conclusion des traités internationaux ; la preuve en est dans les formules des anciens traités de soumission[129], et le silence absolu de notre tradition sur la participation du peuple à de telles conventions jusqu’au temps de la guerre des Samnites[130] vaut une véritable négation. Les premiers débats de ce genre que nos annales mentionnent comme portés devant le peuple correspondent à ceux qui se rencontrent en matière de pseudo-provocation pour les délits capitaux religieux : lorsque, en 401 et 436, les magistrats eurent des scrupules à user de leur droit de conclure une alliance, ils soumirent la question au peuple[131]. Mais, quoique le magistrat puisse consulter le peuple avant de conclure un traité (international ou encore lui réserver la décision finale en concluant ce traité, il oblige néanmoins toujours le peuple par sa seule parole. En 513 encore, la première paix avec Carthage ne fut pas seulement conclue, du côté romain, sous réserve de la ratification du peuple ; lorsque le peuple, faisant usage de nette réserve, cassa le traité, les jurisconsultes romains déclarèrent qu’il n’aurait pas été en droit de le faire en l’absence de cette clause[132]. En fait, cette réserve de la ratification devint permanente, et la confirmation des traités d’alliance passa par là au peuple.

La conclusion des conventions internationales ne rentre donc pas dans les droits primitifs du peuple. Il en est autrement de leur dissolution. L’assemblée du peuple n’intervenait pas, il est vrai, dans les relations de Rome et des cités avec lesquelles il n’y avait pas de traité ; car ces relations, qu’elles fussent en fait amicales ou hostiles, n’étaient pas des rapports juridiques. Mais, lorsqu’une cité fédérée n’accomplissait pas les obligations résultant de son alliance et que la procédure de réclamation analogue à celle da droit civil n’amenait aucun résultat, lorsque la cité qui avait violé le traité ne rendait pas, sur l’invitation qui lui a était faite (res repetere), les biens pris à des citoyens romains par ses membres ou ne réparait pas le préjudice causé, il fallait sans doute que l’État Romain en vint à une guerre légitime et forcée ; cependant ce n’en était pas moins une rupture de l’état dé choses légalement établi et juré : dans le cas où l’on agirait sans droit, on donnerait lieu au châtiment divin appelé dans l’exécration. Le droit publie romain considère donc le droit de déclarer la guerre comme ayant, dès le principe, appartenu au peuple[133] ; et c’est avec raison ; car, sans violation du fœdus, il peut bien y avoir un état de guerre, mais non une déclaration de guerre[134]. Quand bien même l’autre partie avait de son côté, expressément déclaré la guerre ou même l’avait commencée en fait, il n’en fallait pas moins une résolution des comices romains, mais naturellement on n’était pas obligé de l’attendre pour repousser matériellement l’attaque. Les comices qui étaient consultés ont probablement été de tout temps les comices par centuries[135] ; il était peut-être licite, mais il n’était pas dans l’usage de soumettre la déclara ration de guerre aux comices par tribus ou au concilium plebis[136]. Un récit, médiocrement avéré, nous fait savoir que le peuple réclamait également ce droit en présence de trêves d’armes conclues pour une série d’années et se rapprochant en fait d’une paix[137], dans lesquelles l’état de paix avait également une convention pour base.

La conception juridique postérieure est différente : dans les deux derniers siècles de la République, c’est au contraire par une conséquence du principe de la souveraineté du peuple que tous les actes internationaux, aussi bien la déclaration de guerre, sur quelque raison de droit qu’elle repose[138], que les traités de paix et d’alliance, ont besoin, pour être pleinement valables, de la ratification du peuple[139]. Dans des circonstances particulières d’une importance à part, l’assemblée du peuple a institué des commissions spéciales pour prendre, d’accord avec le général, les mesures nécessitées par la fin de la guerre[140] ; en principe, le traité de paix ou ses préliminaires sont soumis au peuple, et, s’il les confirme, le règlement des choses est remis, pour le surplus[141], au général, assisté de la commission sénatoriale qui lui est adjointe[142]. Il reste cependant une trace de la différence qui existait à l’époque ancienne entre la déclaration de guerre et les traités internationaux : c’est que, dans le premier cas, les centuries .continuent à Atre convoquées, tandis que le traité international est, comme toutes les autres lois, ordinairement voté dans la forme d’un plébiscite[143]. — On ne peut attribuer d’importance politique pratique à cette extension de la compétence des comices. La déclaration de guerre présentée aux comices suppose l’état de guerre plutôt qu’elle ne l’a pour suite[144]. En outre il n’y a que pour les guerres offensives qu’elle soit autre chose qu’une déclaration ; or l’État romain a fait peu de guerres où il ait été l’agresseur, et, quand il l’a été, il l’a nié sains aucune exception. Par conséquent la déclaration de guerre en forme ne joue aucun rôle essentiel sous la République récente ni sous le Principal. — Le droit de confirmer les traités internationaux ne peut pas avoir eu beaucoup plus d’importance, si fréquemment qu’il en ait été fait usage[145]. L’importance politique n’était pas là dans le vote, mais dans la proposition ; et, à moins que des magistrats isolés qui avaient le droit d’agir avec le peuple n’en abusassent dans des buts particuliers, le sénat savait bien se rendre maître de cette proposition. Notre droit populaire est ainsi devenu le levier régulier de, sa politique extérieure. Le sénat avait par là le pouvoir ou d’imprimer au rapport d’alliance par une loi jurée le caractère d’irrévocabilité formelle de ces lois, ou au contraire d’attribuer les mêmes droits par une simple loi ; ou même par un sénatus-consulte, de façon à ce qu’en ce dernier cas les libertés promises pussent à un moment quelconque être retirées, sans violation du droit, par les comices ou même par le sénat.           

Le pouvoir législatif, qui est le plus ancien des pouvoirs de l’assemblée du peuple, est aussi celui qu’elle a conservé le plus longtemps. Le prince en prit à la vérité immédiatement dans sa main la portion qui concerne les relations avec l’étranger, guerre, paix et traités ; et, si le sénat ne prit, sous le Principat, qu’une maigre part à ces actes[146], il n’y a pas une trace que les comices y aient concouru à cette époque[147]. — Au contraire, l’Empereur n’a pas revendiqué pour lui le reste du pouvoir législatif. L’initiative des lois doit avoir été enlevée par Auguste aux tribuns du peuple[148]. Mais, à part cela, la législation se meut sous Auguste et même encore sous Tibère dans les anciennes formes traditionnelles : elle a même survécu au transport des élections des comices au sénat opéré en l’an 14 ; nous connaissons encore des lois de l’an 19, de l’an 23 et de l’an 24 de notre ère[149]. Mais, dans les dernières années de Tibère, ou au plus tard peu de temps après sa mort, le sénat prend, dans l’exercice du pouvoir législatif qui d’ailleurs, conformément au caractère du temps, se bornait à. des dispositions de droit privé, la place du peuple[150]. Cependant le pouvoir législatif ne parait pas avoir été enlevé au peuple par une disposition formelle, comme le pouvoir électoral ; car les empereurs Claude[151], Vespasien[152] et Nerva[153], se sont encore servi de l’ancienne forme. La résolution à, la fois législative et électorale qui donne au prince la puissance tribunicienne et qui règle dans une série de clauses le reste de sa compétence, a même, tant qu’elle a été rendue, toujours été présentée aux comices sur l’ordre du sénat.

 

Nous avons déjà traité des élections des magistrats au sujet des magistratures. Ces élections ne regardent pas les comices à l’origine. Du temps des rois, la différence entre la magistrature suprême et les autres fonctions publiques est que ces dernières ont toutes pour origine exclusive une nomination émanant du magistrat, tandis que le roi ; est nommé par un magistrat antérieur qui s’évanouit après cette nomination ; ce qui fait que la nomination du roi, une fois accomplie, ne peut être révoquée et ne peut voir finir son effet que par la mort de l’élu, tandis que toutes les autres nominations de magistrats comme d’officiers et de soldats sont révocables. La distinction postérieure de la magistrature, fonction publique confiée par l’élection populaire, et des autres fonctions, exercées en vertu d’une nomination du magistrat, concorde avec la distinction la plus ancienne en ce que l’élection par le peuple se limitait à l’origine à la magistrature lit plus, élevée, et en ce que, même lorsqu’il n’en fut plus ainsi, la nomination, même du magistrat le plus inférieur, faite par les comices fut irrévocable.

De même que, pour la plus ancienne espèce de résolutions populaires, pour les lois, il fallait l’accord du magistrat qui interrogeait et du peuple qui votait, le magistrat a probablement, dans les élections primitives, désigné les personnes à élire, et le peuple répondu en les admettant ou en les repoussant[154]. Mais le peuple est ici devenu de bonne heure autonome. On ne demande plus au peuple s’il choisit celui-ci ou celui-là, mais qui il choisit, et le mandataire du peuple est mis à son poste par 1a libre initiative des électeurs. Le mode d’élection est en général réglé spécialement dans la loi constitutive nécessaire pour les magistratures ordinaires comme pour les magistratures extraordinaires[155]. Si cela n’avait pas eu lieu, l’une ou l’autre des trois formes de comices généralement autorisées pouvait être employée. Les trois formes se distinguaient plus fortement pour les élections que pour les lois et les jugements : les magistrats patricio-plébéiens ont toujours été nommés par le populus, et les plus élevés par les centuries, les inférieurs par les tribus, les magistrats plébéiens par le peuple plébéien à l’exclusion des patriciens.

Le pouvoir électoral du peuple n’a pas longtemps survécu à la chute de la République. Conformément à des instructions écrites laissées par Auguste, Tibère transporta, immédiatement après la mort de son père, en l’an 14, les élections des magistrats ordinaires au sénat[156]. Bien que cette constatation formelle de la chute des institutions républicaines doive avoir provoqué une certaine agitation, elle n’eut aucunement les suites devant lesquelles Auguste reculait en laissant le soin de cette réforme à son successeur[157]. Lorsque l’empereur Gaius essaya de rétablir le pouvoir du peuple[158], la chose se révéla comme si inexécutable qu’il revint dès l’année suivante au système de Tibère[159]. Le peu que nous savons du rôle du sénat, sous l’Empire, comme corps électoral des magistrats de la constitution républicaine ; sera réuni dans la partie qui lui est relative. Nous ne nous occupons ici que des débris des anciens droits électoraux du peuple. Même à l’époque où les élections sont faites par le sénat, les citoyens en général sont convoqués pour les élections de magistrats patriciens, et les plébéiens pour celles de magistrats plébéiens[160] ; il semble qu’il y a également alors un acte formel d’élection[161], dans lequel l’appel des corps électoraux doit être remplacé par une acclamation des citoyens présents[162]. En substance, on fait devant le peuple la renuntiatio des magistrats que le sénat a élus à sa place.

En outre, la compétence du sénat parait s’être restreinte aux magistratures ordinaires annales ; pour la seule magistrature extraordinaire au sens de la République qui existât alors, pour le principat lui-même, la concession : de la puissance tribunicienne semble avoir été réalisée par des comices qui avaient peut-être la prétention de représenter un vote populaire émis à la façon de la République[163].

Même dans les municipes, le droit de vote effectif ne doit pas avoir longtemps survécu au droit de vote général du peuple. A la vérité, le droit des citoyens d’élire les autorités locales est, dans la forme, encore reconnu de la manière la plus précise sous les Flaviens, par les constitutions municipales[164], et cela peut avoir encore continué dans la suite. Les élections municipales ne furent pas immédiatement atteintes par la réforme de Tibère ; de même que l’autonomie administrative était accordés au municipe et était refusée à la capitale, de même que, sauf des exceptions en voie de disparaître, il n’était pas toléré d’associations dans cette dernière, certainement aussi dans notre matière le principe de l’administration du peuple par lui-même a été traité avec plus de ménagements hors de la capitale que pour les élections au Champ de Mars, dont le passé gigantesque rendait encore le cadre puissant et périlleux. Mais le silence relativement à de telles élections, des monuments municipaux de cette époque, si bavards sur tout le reste, est, pour qui tonnait ces monuments, un témoignage certain que les comices municipaux ne fonctionnent déjà plus en fait dans le courant du premier siècle du Principat ; les rares témoignages de leur existence, en date du temps d’Hadrien et d’Antonin le Pieux, ne font que confirmer la règle[165]. Mais avant tout les programmes électoraux de Pompéi, qui ne font jamais allusion à une section de vote[166], conduisent, avec une nécessité impérieuse, à l’admission d’un droit électoral exercé sous la forme d’acclamation et qui serait inconcevable sans un droit de proposition préalable, en fait décisif. Le conseil communal pourrait donc, même hors de Rome, avoir exercé ; dès le premier siècle de l’ère chrétienne, tin droit d’élection préalable, qui était probablement moins nettement déterminé, mais qui ne différait pas pour le fond de celui du sénat de Rome[167].

 

Le tribunal du peuple, judicium populi[168], est, pour les Romains, la véritable expression de la souveraineté populaire ; et c’est à bon droit. Il peut bien être concilié avec la notion primitive de la décision des comices considérée comme un accord du peuple et du magistrat, la condamnation étant prononcée en première instance par le magistrat, en seconde instance par le peuple, et tout jugement valable étant par conséquent approuvé à la fois par les deux. Mais cependant la procédure est constamment et avec raison envisagée plutôt comme un examen de la sentence du magistrat opéré par une autorité supérieure[169] et comme un exercice fait par le peuple de son droit de grâce, même à l’encontre de la volonté du magistrat. Par conséquent, le droit de provocation de la République est, dans son principe, inconciliable avec la puissance royale ; et c’est le sentiment de nos sources. Car il est d’une nature différente de celle de la provocation facultative que l’on admet soit pour l’époque royale, soit pour la dictature, qui n’est que le rétablissement temporaire de la puissance royale, soit pour les autorités constituantes extraordinaires investies des pouvoirs royaux[170]. Les divers magistrats dont il s’agit là sont simplement autorisés à admettre la provocation au peuple du condamné : l’obligation du magistrat supérieur de donner suite à la provocation est caractérisée comme l’un des affaiblissements apportés sous la République à la magistrature supérieure, par son rattachement à la première loi votée après la fondation de cette République[171]. Historiquement il est certain que le droit de provocation est supposé et reconnu dans toute son étendue par les Douze Tables[172]. Les extensions qu’il  reçut plus tard sont étudiées en leur lieu.

Le droit de provocation est limité sous quatre rapports différents : il n’existe qu’au profit des citoyens ; il n’existe que dans la ville ; il n’existe que contre la coercition du magistrat et contre sa justice criminelle ; enfin il n’existe que contre les peines déterminées comme l’autorisant. Bien que toutes ces restrictions aient déjà été étudiées dans d’autres ordres de développements, il convient de les réunir ici brièvement.

1. La provocation est considérée comme l’appel d’un citoyen à ses, concitoyens ; elle exige donc, comme l’adrogation, la participation aux comices et n’est pas ouverte aux femmes romaines[173]. Cependant cela ne s’applique qu’à la provocation de la magistrature supérieure ; les actions Miliciennes en paiement d’amendes établies par des lois spéciales peuvent être intentées même contre des femmes[174].

2. La provocation ne peut être formée que contre le magistrat qui exerce ses fonctions à Rome ou en deçà de la première borne milliaire[175]. Le magistrat qui exerce ses fonctions en dehors de ce territoire (militiæ) est, dans l’ancien système, absolument soustrait à la provocation. Dans le système introduit, probablement entre 631 et 646, par la loi Porcia, la provocation peut encore être formée contre lui, parce que la sentence qui y donnerait lieu, si elle était rendue dans le cercle de la compétence domi, est inadmissible ou nulle dans celui de la compétence militiæ. Le général peut seulement envoyer le coupable à Rome pour que son procès lui soit fait par les autorités romaines selon les règles en vigueur dans la capitale[176]. Ainsi donc, même à cette époque, la procédure de provocation est restreinte aux magistrats en fonctions dorai, mais le droit de provocation produit son effet même dans le cercle de la compétence militiæ.

3. La provocation n’est admissible que coutre la juridiction criminelle et la coercition du magistrat[177]. Sont par conséquent exclus les délits religieux[178], bien que leurs conséquences, par exemple pour le cas d’offense à des ambassadeurs étrangers, soient les mêmes que celles des crimes. Sont encore exclues toutes les sentences qui appartiennent à la justice administrative exercée entre le peuple et un citoyen, ou à la justice civile exercée entre citoyens, quoique le plus ancien droit civil connaisse des délits privés capitaux, par exemple celui du voleur pris sur le fait. Enfin sont encore exclus par là les jugements des quæstiones issues de la procédure civile, les judicia publica, quoiqu’ils aient peu à peu absorbé dans leur compétence les crimes qui donnaient lieu aux judicia populi[179].

4. La provocation exige enfin l’existence d’une peine ou d’un acte de coercition qui y donne lieu. Elle n’est pas applicable contre l’emprisonnement, contre la saisie ni contre les amendes inférieures au maximum de 3020 as[180]. Elle a été étendue aux châtiments corporels, probablement par la loi Valeria de 454, dans cette forme que le magistrat ne doit pas prononcer de pareille condamnation et que, s’il le fait, cet acte est puni comme une violation du droit de provocation[181]. Par conséquent, le judicium populi est, depuis qu’il existé, applicable aux peines capitales. Le principe qu’une condamnation à mort ne peut être exécutée contre un citoyen romain qu’après que le peuple a été consulté, fut, après, avoir été’ soumis à des atteintes multiples pendant la réaction dirigée contre le mouvement des Gracques, encore renforcé par la loi de C. Gracchus de 631[182]. La justice du peuple a été en outre, nous ne savons depuis quand, mais depuis une époque reculée, étendue aux amendes excédant le maximum que nous avons indiqué[183]. Les deux catégories de moyens de répression, la pœna et la multa, sont séparées dans le langage exact[184], et il n’est pas permis par la loi de les cumuler[185].

La procédure qui se déroule devant le tribunal du peuple est un second degré de procédure[186], ou plutôt, dans la conception primitive, une instance en grâce au profit du citoyen condamné. Toute sentence prononcée dans les limites indiquées, par voie de justice ou de coercition, amène, silo condamné fait usage de son droit, la réunion du tribunal du peuple. La sentence de première instance a pour base, la question, la quæstio, de laquelle les plus anciens titulaires de la justice criminelle ordinaire tirent leur nom[187]. La quæstio est, à l’origine, la procédure criminelle du magistrat, comme la juris dictio est la procédure civile du magistrat, parce que le magistrat a, dans la première, à rechercher les faits, comme il a, dans la seconde, à préciser les règles selon lesquelles agira le juge appelé à rechercher les faits[188]. L’instruction n’est soumise en elle-même à aucune règle de forme[189] ; il est laissé à la discrétion du magistrat de se procurer, comme il veut et comme il peut, les renseignements dont il a besoin, par conséquent de recevoir des dénonciations, d’ouvrir des informations, de procéder à des auditions de témoins[190] de même, s’il le veut, de s’adjoindre un consilium[191]. Lorsque le magistrat s’estime suffisamment informé, il rend, pour peu que le cas ne soit pas sujet à provocation, une sentence définitive. Si l’affaire est sujette à provocation, il passe, quand il s’est résolu à demander compte à un citoyen de l’accusation dont il s’agit, de la quæstio à l’anquisitio[192], c’est-à-dire de l’instruction simple à l’instruction en forme[193] : il accuse le prévenu, régulièrement assigné, d’un crime déterminé devant le peuple assemblé, et il indique la peine qu’il a en vue[194]. Il cite en outre le peuple et l’accusé pour le surlendemain[195] ou pour un jour plus éloigné[196]. A ce jour, et à deux autres, qui doivent égaiement être fixés d’avance en observant l’intervalle d’un jour (diem prodicere)[197], le débat a lieu, à trois reprises, devant le peuple assemblé, le magistrat développant les preuves et la parole étant donnée à l’accusé et aux témoins. Il est dans la nature des choses que le magistrat, après en être arrivé à l’anquisitio, prenne en fait le rôle d’accusateur, et qu’il défende devant l’assistance la peine à laquelle il a conclu. Nous ne savons si des précautions légales étaient prises pour assurer d’une manière suffisante l’audition de l’accusé ; de ses témoins, et de ses défenseurs ; pourtant il est très vraisemblable que les dispositions de ce genre de la quæstio moderne intentée devant les jurés ont eu leur modèle dans les règles ou tout au moins dans la pratique de l’ancienne anquisitio. Après le troisième débat public, le magistrat prononce le jugement. Si c’est un acquittement, le procès est fini par là. Si c’est une condamnation, pour laquelle il n’est pas lié par la première peine qu’il a indiquée, pour laquelle il peut aller au dessus ou au dessous de cette peine[198], et si le condamné fait provocation au peuple, un nouveau terme est fixé pour le vote[199], et l’on doit même observer alors, comme pour toutes les assemblées délibérantes du peuple, un intervalle de vingt-quatre jours[200] à partir de la convocation, à moins que l’accusé ne renonce lui-même au bénéfice de ce délai[201]. L’ajournement du vote à un autre jour, admissible en matière de lois et d’élections, est ici exclu ; si, pour une raison, quelconque, la condamnation de l’accusé n’a pas lieu au jour dit, le procès est terminé[202] ; et la reprise de l’accusation par le même magistrat est désapprouvée[203]. Cette quatrième délibération amène donc toujours la décision du procès. Pendant que les trois premières se passent seulement publiquement, in contione[204], on réunit toujours soit les tribus, avec ou sans les patriciens, soit les centuries pour la quatrième. La question de savoir laquelle des trois sortes d’assemblées .est compétente dépend de la nature de la première sentence, selon qu’elle prononce la peine de mort ou une amende. La plèbe peut avoir, pendant un certain temps, revendiqué le même droit ; ou, si l’on préfère, le même pouvoir de vie et de mort qui appartient au peuple ; depuis que les choses se sont régularisées, au moins depuis la loi des Douze Tables, les procès capitaux sont réservés aux centuries[205], qui sont réunies dans ce but ou par les questeurs patriciens, on par les duoviri perduellionis, ou par les tribuns de la plèbe. La loi Hortensia, qui éleva le plébiscite au même rang que les résolutions du peuple et qui dérogea pour le surplus aux privilèges réservés par les Douze Tables aux centuries, n’a, selon toute apparence, pas plus été appliquée à la procédure judiciaire, qui était probablement réglée par une loi spéciale, qu’aux institutions électorales. Au contraire le procès en prononciation d’une multa ne peut pas être porté devant les centuries[206] : la provocation contre la sentence des édiles curules[207] ou du grand pontife[208] va alors aux tribus patricio-plébéiennes, et celle contre la sentence des tribuns ou des édiles plébéiens[209] au concilium plebis[210]. — Le point de savoir s’il y avait encore, à ce dernier terme, pour lequel l’accusé était toujours cité spécialement[211], une accusation et une défense, est un point douteux[212].

Le peuple statue dans sa souveraineté de par la nature de cette institution, non seulement il doit absoudre le citoyen condamné à tort, mais il peut gracier le citoyen condamné à bon droit. En face de la manière misérable dont se passent les faits devant le prétendu tribunal du peuple de la fin de la République, où la décision dépend de toute autre chose que de l’appréciation légale du fait, il ne faudrait pas oublier une excuse : théoriquement, c’est un recours en grâce qui est formé là devant le peuple dans une affaire légalement vidée. Le récit paradigmatique du procès des Horaces est à bon droit conçu de telle sorte que, d’une part, la gravité du crime et la certitude de la preuve et, d’autre part, le droit moral du criminel patriote à sa grâce y sont également élevés au point le plus extrême. Le citoyen romain qui absout un coupable ne fait pas autre chose que ne fait, dans un état monarchique, le roi en usant du droit de grâce. Dans cette. République, ce n’est pas seulement le sénat qui est une assemblée de rois ; chaque citoyen est aussi roi pour sa part.

C’est le droit de justice qui a été le plus tôt retiré au peuple. Décadence de Les débuts de la limitation légale du droit de provocation se montrent dans les tribunaux spéciaux établis par des lois, dont l’existence peut être démontrée depuis la fin du sixième siècle. On peut opposer à ces lois, par lesquelles soit un magistrat en fonction[213] soit des magistrats choisis spécialement à cette fin[214] étaient appelés à statuer sans consulter le peuple sur un cas qui légalement aurait dû lui être soumis, d’abord qu’elles constituent d’odieux privilégia[215], ensuite que ce sont des lois spéciales dérogeant à la défense générale d’établir une magistrature soustraite a la provocation. Cependant leur validité n’a point été contestée de ce chef. Il ne pouvait pas manquer d’arriver que, dans ces quæstiones soustraites à la provocation, les quæsitores ne prissent, soit en vertu de la loi, soit spontanément, des conseillers, auxquels fut peut-être déjà reconnu dans des cas isolés un droit de vote liant le quæsitor. Ainsi se développèrent les premiers éléments d’une procédure criminelle suivie devant un magistrat qui la dirige et des jurés. Cette procédure se rencontra avec le renforcement de la procédure civile, caractérisé dans la partie de la Préture, en vertu duquel le procès civil intenté dans certains cas, dans l’intérêt de l’État, sous la direction d’un magistrat devenait un judicium publicum. La nouvelle forme de procédure, qui est devenue pour la première fois permanente en 605 dans la cour de justice instituée pour la procédure repetendarum, prit la place, partie des judicia publica, partie des judicia populi et remplaça dans ces derniers la provocation par le jury. En fait, Sulla a mis fin à la procédure de provocation. L’ancien procès de meurtre des questeurs est remplacé par la quæstio inter sicarios, les procès politiqué des tribuns par la quæstio majestatis[216]. Et cela n’a pas été changé depuis. L’idée des Césariens, cherchant après la mort de César un refuge dans l’ultra démocratie, de rétablir la provocation an profit des individus condamnés par des jurés pour crimes politiques (vis et majestas), n’a pas eu de suite pratique[217]. — Il n’y a pas eu ou il n’y a eu que d’une manière éphémère[218] de suppression en forme des anciennes institutions, mais, dans les temps postérieurs à Sulla, le judicium populi est en fait une procédure exceptionnelle, qu’il se produise dans la forme d’un procès devant les duoviri perduellionis, comme cela dut avoir lieu d’abord pour l’affaire de Rabirius[219], ou qu’il se présente dans celle d’un procès tribunicien on Milicien en paiement d’une multa, formes dont la première fut employée contre Rabirius[220] et la seconde par Clodius contre Milon. Avec le Principat ces ruines elles-mêmes ont disparu[221]. Lorsque la juridiction criminelle illimitée de l’Empereur d’une part[222], des consuls et du sénat de l’autre[223] fut alors reconnue, les théoriciens loyalistes du droit public purent, de même qu’ils apercevaient le maintien de la souveraineté du peuple dans le transport du pouvoir législatif et électoral au sénat, voir dans la justice du sénat la régénération du judicium populi[224] et écrire ainsi son épitaphe ironique e l’ancien ordre de choses.

 

Après avoir exposé quelle est la compétence du peuple, il nous reste a répondre à une question : comment s’accomplit l’abrogation de la loi ? en particulier dans quelle mesure la loi est-elle irrévocable ?

En général, elle ne l’est pas. La souveraineté du peuple n’existerait plus si elle était, d’un côté quelconque, arrêtée par une limite juridique, si elle pouvait être liée, fut-ce par elle-même. Le peuple romain s’est plus abstenu, que n’ont fait la plupart des autres, d’intervenir arbitrairement dans la sphère juridique du citoyen isolé. Mais néanmoins il a toujours fermement maintenu le principe sur lequel repose en réalité toute constitution politique et en particulier toute législation pénale, le principe que l’État prend envers ses citoyens les dispositions qui lui plaisent[225]. Les maîtres du droit public romain n’ont jamais admis la conception fausse selon laquelle l’État et le citoyen seraient dans un rapport juridique conclu de part et d’autre comme deux citoyens entre eux. Aucune résolution du peuple ne peut donc limiter pour lui le droit de la révoquer plus tard. Le peuple n’est pas plus lié que ne l’est le testateur par l’expression de sa dernière volonté : et cela alors même que ; comme il n’était pas rare, il aurait établi une disposition pour toujours et en aurait défendu l’abrogation[226]. Les Douze Tables assuraient au peuple en termes exprès le droit de changer toute loi antérieure par une loi nouvelle[227] ; et, par une disposition surabondante, chaque loi déclarait d’ordinaire abrogées toutes les dispositions contraires des lois antérieures ainsi que les prescriptions pénales qui en dépendaient[228].

Lorsque les représentants, du peuple ont, selon les règles indiquées ailleurs[229] confirmé la loi, par un serment, la modification de la loi par l’accord des parties reste d’abord toujours possible, en tant que cette loi rentre sous la notion du contrat[230]. En outre, si une loi de ce genre n’est pas observée par l’une des parties, l’autre partie cesse d’être liée par elle. Même en dehors de ces cas, la possibilité légale d’abroger une telle loi ne peut pas plus être contestée au peuple romain que celle de faire une guerre injuste ou plus largement de mésuser de son droit. Mais, pour une cité comme la cité romaine, qui est l’État du droit par excellence, qui est constamment sous l’empire de l’idée qu’elle a bien le pouvoir de commettre une injustice, mais qu’elle n’en commet jamais, la loi sacro-sainte est en pratique irrévocable.

Ces lois immuables comprennent : tous les traités internationaux conclus pour durer perpétuellement, les fœdera[231] ; en outre, parmi les institutions intérieures, par exemple l’exemption du service militaire ordinaire accordée aux colons d’Ostia et d’Antium et l’obligation imposée aux citoyens de ne pas rétablir la royauté, même sous la forme, qui sans cela serait légalement admissible, d’une proposition au peuple[232], obligation qui fut reproduite en termes analogues après la suppression de pouvoirs constituants extraordinaires, du décemvirat et de la dictature de César[233]. A côté de ces résolutions du peuple fortifiées par le serment des magistrats se placent, avec des droits matériellement égaux, les résolutions de la plèbe qui s’appuient sur le serment collectif des plébéiens. La preuve qu’il ne naît pas non plus, dans ce cas, de lien formel proprement dit se manifeste notamment dans ce qu’en face de la violation d’un tel engagement, spécialement en face du rétablissement de la royauté ou d’actes équivalents, il en est appelé, au cas le plus extrême, au droit de chaque particulier de se faire justice à lui-même, c’est-à-dire à la Révolution[234].

Nous avons encore à voir quelles suites se produisent si une résolution du peuple, que ce soit une loi, une élection ou une sentence judiciaire, se heurte, dans une forme ou l’autre, à une règle générale établie, soit que des vices de forme aient été commis, par exemple par le défaut de prise des auspices, par l’inobservation du délai de promulgation ou parla continuation de l’acte après la formation d’une intercession, soit qu’on ait violé des dispositions de fonds, par exemple en établissant une magistrature soustraite à la provocation ou en réunissant dans la même loi des matières différentes. C’est sur l’observation de toutes ces règles que repose l’idée du jure rogare et du jure sciscere[235] des comitia justa[236]. Le pouvoir nomophylaktique, reconnu primitivement au sénat, et que nous étudierons à son sujet, servait, à l’époque la plus ancienne, à constater l’observation de ces règles, et par conséquent la validité de la loi, ou à constater le contraire ; mais il a de bonne heure cessé d’8tre exercé en .pratique, et il ne s’applique aucunement en théorie à la forme législative qui devint postérieurement de beaucoup la plus usitée et la plus dangereuse, au plébiscite. L’absence à. l’époque historique d’une voie de droit régulière pour faire trancher la question de validité d’une loi quand elle était contestée, conduisit à un dilemme mauvais en théorie et pernicieux en pratique. On ne pouvait pas imposer aux magistrats et aux particuliers de reconnaître comme une loi tout acte qui se donnait pour tel, et on ne pouvait pas davantage laisser à l’arbitraire de chaque individu d’examiner les vices que pouvait avoir une loi et de la traiter comme obligatoire ou non selon sa fantaisie personnelle. En pratique, il fallait choisir entre la suppression des effets de la résolution prisa illégalement et la déclaration de sa nullité. Le premier procédé était illogique ; car l’abrogation d’une loi nulle est superflue, et, à proprement parler, impossible, et cette façon de traiter la loi nulle ne se distingue pas de celle de traiter une loi qu’on désapprouve. Le second procédé est logique ; mais il appartient à ces conséquences logiques qui, appliquées pratiquement, anéantissent la constitution de l’État.

La première procédure a été observée, en laissant de côté l’époque de l’agonie de la République, à l’égard des vices de forme qui se rattachent à l’auspication (vitia). On leur applique la règle inadmissible en logique, indispensable en pratique, selon laquelle la loi défectueuse est une loi[237]. La décision des Dieux, ou du moins de leurs interprètes autorisés, les membres du collège des augures, est ici décisive[238] elle fait anéantir, dans la mesure du possible, tous les actes affectés du vice[239]. Par conséquent, les magistrats ainsi élus sont obligés à se retirer[240], et ils ne peuvent ni présider les élections destinées à les remplacer[241] ni y être élus[242]. Les exemples de ces dépositions fondées sur un vice sont nombreux pour les magistratures patriciennes[243] ; au contraire, ils manquent pour ainsi dire complètement pour les plébéiennes[244], et, particulièrement en ce qui concerne les tribuns du peuple, on ne voit pas par qui, en présence d’une abdication de tout le collège, les élections nouvelles auraient pu être dirigées[245] ; si bien que l’admissibilité même de cette procédure apparaît comme douteuse pour la plèbe, médiocrement imbue de sentiments religieux. Si les magistrats refusaient d’obéir à la consultation des augures, ils ne pouvaient pas y être forcés : l’élection était valable en elle-même, et ni le- sénat ni les comices n’étaient en droit de la casser. C’est ainsi que le consul de 531, C. Flaminius est en fait resté en fonctions jusqu’à la fin de la campagne en dépit du décret des augures et de l’invitation du sénat[246]. Mais en présence d’une telle violation des auspices, unie action capitale pouvait être intentée contre le magistrat, après qu’il avait déposé sa magistrature[247].

Les vices des auspices survenus dans la confection d’une loi ont difficilement pu être soumis au même régime. L’impossibilité de laisser exister la loi elle-même et d’effacer ses conséquences a dû se faire sentir là encore plus fortement. Il n’y a  pas de témoignages relatifs à de tels incidents survenus dans les temps anciens.

On a certainement procédé de la même façon dans quelques autres cas. La défense des privilegia établis au préjudice dune personne n’a par exemple jamais pu avoir d’autre effet pratique que de faire écarter une proposition de loi de cette espèce par l’intercession tribunicienne ou autrement, et, si elle avait cependant été votée, d’en faire provoquer l’abrogation ; ceux qui attaquaient pour ce motif la loi relative à Cicéron ne prétendaient rien de plus[248]. On a évidemment traité de la même façon la disposition plus importante selon laquelle il n’est pas permis au peuple d’établir une magistrature soustraite à la provocation. Les adversaires d’un projet contraire s’appuyaient sur ce principe constitutionnel, et ils réclamaient, lorsqu’il avait été violé, la suppression de la mesure qui le violait ; ils ne la regardaient pas comme nulle.

Mais on ne peut pas toujours rester dans cette voie paisible. Le principe de logique que la loi nulle n’est pas obligatoire pouvait être écarté pour partie. Mais il était également inévitable et dangereux. Toutes les lois gui réglaient la compétence des comices et par suite toute l’organisation de l’État étaient dépouillées de leur force si chaque loi postérieure contraire à leurs dispositions était regarder comme y dérogeant, et en particulier si on appliquait le principe que les élections sont aussi bien des résolutions du peuple que les lois et par conséquent ne sont pas subordonnées à ces dernières[249]. Quand, lors des élections des consuls de 607, les électeurs persistèrent à voter pour Scipion, incapable à raison de l’âge, le sénat recourut à l’expédient d’abroger la lex annulis et de la remettre en vigueur pour l’année suivante[250] ; c’est évidemment parce qu’en présence d’un candidat élu en contradiction rit 367 patente avec la loi, la question de savoir s’il était consul ou non n’aurait pu être évitée. Les violations flagrantes du droit formel ont probablement été moins fréquentes dans la république romaine, qui fut de tous les temps conduite par les mains d’un ; petit nombre, que dans les lieux où ont gouverné l’anarchie démocratique ou la démagogie monarchique. Mais lorsqu’on en est venu à des illégalités proprement dites, le pouvoir nomophylalctique sans base légale formelle, mais décisif en pratique du sénat patricio-plébéien, qui est en un certain sens la continuation de l’ancienne patrum auctoritas, a statué en dernier ressort sur la validité des lois. Des sénatus-consultes ont reconnu comme nuls et écarté pour inobservation du délai de promulgation, ou pour réunion de dispositions de nature différente, ou pour violation des auspices, et plus souvent pour plusieurs de ces vices à : la fois, les plébiscites Appuléiens en 654[251], les Titiens en 655[252], les Liviens en 663[253], le Manilien en 688[254], et postérieurement encore d’autres lois[255]. Assurément tous ces exemples appartiennent à la période de la Révolution : la marié sauvage de légiférer y est réprimée par une procédure de cassation qui n’est pas moins misérable. Les élections populaires n’ont jamais été traitées de cette façon, et les lois elles-mêmes n’ont certainement pas été traitées avec une telle brutalité à la bonne époque. Mais le procédé lui-même, qui est nettement distingué en droit public théorique de l’abrogation d’une loi à la suite d’un sénatus-consulte qui en propose une autre[256], appartient parfaitement à. la république encore vivante, et il est inattaquable en la forme et au fond : le sénat était, par sa situation dans l’État, appelé non pas exclusivement mais par préférence, à constater la nullité d’un acte qui se présentait comme une résolution du peuple.

 

 

 



[1] V. tome I, la partie des Attributions du magistrat.

[2] V. tome I, la partie de la Magistrature et des Pouvoirs des magistrats, sur l’imperium et la potestas.

[3] C’est à ces efforts que se rattachent les élections des rois dans les comices par curies (v. tome III, la partie de la Royauté) et les élections des questeurs de l’époque royale inventées seulement par Junius Gracchanus (v. tome IV, la partie de la questure, sur son origine). Le fait qu’aux élections consulaires pour 607 l’objection des électeurs au magistrat président du vote, qui restait fidèle à la législation électorale, (Appien, Lib. 112), est parfaitement historique et montre l’importance politique de cette souveraineté du peuple placée dans le droit primitif par les archéologues démocratiques.

[4] V. tome I, la partie de la Magistrature et des pouvoirs des magistrats, sur la définition de la magistrature. Denys, 8, 49, cite, a côté de la loi Valeria sur la provocation, une seconde loi.

[5] Chez les auxiliaires des magistrats, c’est exclusivement en vertu de cette raison que la même situation, par exemple celle du tribun militaire ou du præfectus commis à l’administration de la justice, est considérée comme étant une magistrature quand elle est conférée par le peuple et comme ne l’étant pas au cas contraire.

[6] La formation du mot non pas de publicus, mais, comme le prouve la brièveté de l’o ; directement de populus (Corssen, Ausspr. 1, 669), est transparente, comme celle d’agricola, et elle est aussi ancienne. Il n est pas douteux à mes yeux, pour d’autres raisons encore (Rœm. Chronol. p. 207), que les autres noms de consuls placés à la première année de la République soient une fiction moderne, et que le note de P. Valerius Poplicola placé primitivement en tête de la liste ait tout entier reçu cette place exactement pour la même raison pour laquelle, jusqu’à l’époque moderne, les Valerii furent mis au commencement des listes.

[7] V. tome II, la partie des Faisceaux, sur les faisceaux comme insigne de la puissance la plus élevée.

[8] On trouve aussi comitiatus (Cicéron, De leg. 2, 12, si. 3, 4, 1) en outre comitiæ dans les gloses de Dosithée (éd. Estienne, p. 280), et dans une inscription du temps de Tibère, C. I. L. VI, 10213. Ce mot transparent a naturellement déjà été compris correctement par les étymologistes anciens ; ils prennent pour point de départ son acceptation topographique (Varron, 5, 155).

[9] Loi Julia municipalis, lignes 98, 132. C. I. L. XIV, 375. 2410.

[10] Il a été remarqué, que, dans le langage non technique, comitia désigne toute assemblée du peuple où l’on vote, que, par suite le concilium plebis est aussi appelé comitia tributa.

[11] Le changement de magistrats lui-même n’implique pas d’acte unilatéral du peuple, même à l’époque où il n’y avait pas d’autre magistrat que le roi ; quand le roi meurt, le conseil de la cité composé de rois, dont les pouvoirs sont en suspens, rentre en activité. Cf. tome II, la partie de l’Interrègne, sur la nomination de l’interroi.

[12] Romulus est antérieur au populus Romanus, et ce n’est pas le peuple qui crée le roi, mais le roi qui crée le peuple. Cf. tome III, la partie de la Royauté, sur la nomination du roi.

[13] Festus, p. 282. Cicéron, De leg. 3, 3, 9. Il n’y a pas besoin d’autres témoignages pour une habitude de langage dont l’antiquité et la diffusion sont avant tout attestées par les expressions du droit public qui en sont dérivées : Abrogare, adrogare, conrogare, derogare, exrogare, inrogare, obrogare, perrogare, prærogativus, prorogare, subrogare. — Rogare se dit aussi du magistrat qui préside une élection. Mais, après que le droit de proposition du magistrat eut disparu, l’idée de question perdit du terrain dans ce domaine ; une élection West jamais appelée rogatio. Si, dans les inscriptions pariétaires de Pompéi, rogare est souvent employé pour désigner l’électeur, cela tient, comme l’emploi général correspondant de facere et dicere, au changement survenu en matière d’initiative. Tant que le magistrat désigne la personnalité à élire, c’est lui qui rogat facit dicit ; depuis que les électeurs le font, ces expressions peuvent aussi être employées pour eux.

[14] Cf. la partie qui suit.

[15] Ælius Gallus dit, avec raison, dans Festus, p. 266 : Il y a entre la loi et la rogation cette différence : la rogation est une espèce de loi ; la loi n'est pas toujours une rogation. La rogation ne peut pas ne pas être une loi, si toutefois elle a été portée dans des comices régulièrement tenus ; la lex est une idée beaucoup plus large ; elle peut, mais ne doit pas nécessairement avoir pour source une interrogation adressée au peuple. Mais ce que le grammairien a conclu de la définition raisonnable du jurisconsulte n’a ni sens ni raison.

[16] Lors du jugement rendu en 544 contre les citoyens romains de Capua, le peuple fut interrogé par les mots : De iis rebus quid fieri velitis vos rogo Quirites (Tite-Live, 26, 33, 13). La réponse : Quod senatus juratus maxima pars censeat qui adsient id volumus jubemusque était évidemment accotée d’avance. Il était matériellement impossible d’arriver directement à une décision par cette voie, même dans un cas de ce genre où tous les citoyens étaient d’accord quant au fond. Toute résolution qui va au delà d’une réponse par oui ou non, est, dans le système romain, réservée au sénat ; le peuple règne, mais il ne gouverne pas.

[17] Ainsi, sur une inscription, populus curiarum X, et souvent quinque et triginta tribus.

[18] Les comitia populi et le consensus populi sont le vote du peuple et l’opinion publique ; cf. par exemple, Tite-Live, 6, 22, 7 ; 4, 51, 3 (cf. Weissenborn, sur ce texte), où plebs se rapporte au vote des tribus, tandis que, comme il convient, c’est le populus qui est nommé pour l’opinion publique. C’est pourquoi consensus est employé à la fois lorsqu’on veut exprimer, à côté de la décision en forme, l’approbation générale : — ainsi, dans le décret de Pise, Orelli, 642 = C. I. L. XI, 1420, l’intention manifestée sans fondement juridique per consensum omnium ordinum est ensuite confirmée par le conseil communal, et le consensus populi est souvent opposé au decretum decurionum dans les inscriptions du temps de l’Empire, — et lorsque l’opinion prend la place d’une résolution constitutionnelle du peuple : — ainsi, dans le célèbre consensus universorum de l’inscription commémorative d’Auguste, qui a été si riche en conséquences pour la constitution de l’imperium impérial. Cf. tome II, la fin de la partie des fonctions de magistrat remplies par un citoyen en cas de force majeure, et, tome V, la partie de l’Imperium ou puissance proconsulaire du prince. V. pour d’autres détails, mon commentaire sur le Mon. Ancyr. 2e éd. p. 147.

[19] Cf. tome I, la partie du droit d’agir avec le peuple, sur la contio.

[20] Lorsque plus tard, selon l’usage et même en partie selon la loi, toute proposition à faire au peuple est d’abord discutée clans le sénat, il y a là en première ligne une restriction de l’initiative du magistrat, qui du reste n’était pas moins limitée que la compétence du peuple par la patrum auctoritas.

[21] Q(uando) r(ex) c(omitiavit) f(as) y a-t-il dans le calendrier de Numa, le 24 mars et le 24 mai (cf. tome III, le commencement de la partie de la royauté) ; et tout jour qui n’est pas affecté aux jugements ou aux fêtes y est désigné comme c(omitiatis).

[22] L’interroi est aussi roi, seulement pour cinq jours il est vrai. Il n’est pas sûr que le droit du représentant s’étende jusque-là. Cf. tome I la partie du droit d’agir avec le peuple, sur les magistrats qui ont le jus agendi et, tome II, la partie de la représentation du magistrat absent de Rome, sur la compétence du représentant.

[23] Labéon (cité par Lælius Felix, ad Q. Mucium l. 1. dans Aulu-Gelle, 15, 27) : Calata comitia esse, qua pro collegio pontificum habentur aut regis aut flaminum (probablement des trois grands flamines de Jupiter, de Mars et de Quirinus) inaugurandorum causa : eorum autem alia esse curiata, alia centuriata : curiata per lictorem curiatum calari, centuriata per cornicinem. En se reportant à Servius, ad Æn. 6, 859, on doit rapporter l’Inauguration devant les centuries au flamen Martialis qui est certainement consacré sur le champ qui tire son nom de la même divinité.

[24] Cf. tome IV, la partie de la Censure, sur la forme de la lustratio.

[25] Le peuple peut aussi être témoin, même pour un particulier, ainsi que le prouve le testamentum le plus ancien. Il est par suite naturel et j’ai moi-même essayé antérieurement de considérer le testamemtum in procinctu comme un testament comitial fait devant l’exercitus centuriatis, mais c’est inconciliable avec la tradition. Ce testament est, comme on sait, fait par le soldat prêt à combattre, entre la première et la seconde auspication du général (Sabidius, dans les scolies sur l’Énéide, 30, 231. Cicéron, De div. 2, 8, 9), oralement, devant les camarades qui sont près de lui. Il est parallèle au testament calati comitiis et lui est opposé (Gaius, 2. 201 ; Lælius Felix, dans Aulu-Gelle, 15, 27 ; Ulpien, 20, 2) ; mais le caractère de comices n’est attribué nulle part à l’armée ainsi rassemblée, et elle ne peut pas l’avoir eu à une époque qui ne connaît pas d’idées juridiques dénaturées. La validité de ce testament doit plutôt être ramenée à ce que le plus ancien testament est une résolution des comices et à ce que, tandis que, pour lui, il fallait une déclaration faite par le testateur de son vivant, devant le peuple, on aura, peut-être d’abord par une décision spéciale, puis par une autorisation générale, considérée comme suffisante, pour le citoyen mort les armes à la main, une déclaration avant la bataille faite et attestés dans la forme indiquée.

[26] Labéon, dans Aulu-Gelle, 15, 27. V. tome III, sur l’inauguration et les comitia calata, les théories de la Royauté et du Grand Pontificat. Pour leur faire prendre des résolutions, le grand pontife ne peut convoquer que les curies ; mais, quand il ne s’agit que de les faire assister à un acte, on ne peut lui refuser le droit de convoquer les centuries.

[27] Cf. tome II, la partie de l’entrée en fonctions, sur la lex curiata, et, tome IV, la partie de la censure, sur rentrée en fonctions des censeurs. Il se manifeste ici encore plus clairement que dans la convocation des centuries par le grand pontife, que cette assemblée convoquée pour assister à un acte n’est pas soumise aux règles des comices ; car le censeur n’a pas le droit cum populo agendi. Par suite aussi, la lustration n’est pas comptée parmi les réunions des comices, quoiqu’elle ne se distingue sous aucun rapport de ceux qui ne prennent pas de résolution et que, tant qu’elle est un acte du roi, elle ne puisse être conçue autrement.

[28] Parmi les érudits modernes, le seul qui ait compris cette idée est Rubino (Rom. Untersuch. 1, 853 et ss. 352 et ss.), et son opinion n’a pas trouvé d’écho.

[29] On ne peut pas douter raisonnablement que lex doive être rapproché de legare = donner mandat (cf. tome IV, la partie des Légats, sur leur dénomination), et de con-lega = comandataire ; et le sens fondamental se trouve établi empiriquement par là. Mon collègue J. Schmidt me communique la notice suivante sur l’étymologie du mot : Le latin lex se rattache à l’ancien nordique lög, neutre pluriel, lois (le singulier lag signifie mettre en ordre, mettre à sa place), en anglais law. Ils sont dans la même liaison avec notre legen, gothique lagjan que gesetz avec setzen, θεσμός θέμις avec τίθημι. V. les textes dans Curtius, Griech. Etym. 5e éd. p. 364 ; ajouter le gothique bellagines, Jordan. c. 11, interprété par J. Grimm, Gesch. d. deutschen sprache, p. 453, en bilageineis de bi-lagjan. La racine n’est, en dehors, conservée en grec et en latin qu’au sens concret, lecius, λέχος. Le g de l’osque ligud est le seul cas de g osque remplaçant le gh primitif ; cependant cela ne parait pas, en face de la concordance indéniable de lex et de lög, devoir être un point essentiel, étant donné le petit nombre de mots osques qui ont le gh primitif au son médial. Peut-être le mot est-il seulement passé du latin dans l’osque comme aidilis : αίθω, sanscrit idh, où le d plaide pour un emprunt au latin, voir Ascoli, Zeitschrift für vergleichende Sprachforschung, XVII, 256.

[30] Cette habitude de langage se manifeste aussi bien dans les relations de droit privé entre le peuple et les citoyens, les leges censoriæ (cf. tome IV, la partie de la Censure) que dans la lex commisseria, les leges locationes, etc. du droit privé proprement dit.

[31] Cf. au sujet de cette legum dictio, le tome I, à la partie des Auspices, sur la distinction des Auguria impetrativa et oblativa.

[32] Lege populos tenetur est, comme on sait, l’expression technique pour désigner une loi valable (Tite-Live, 9, 36, S, et les textes cités sur la question de la validité des plébiscites), et lege populus non tenetur celle qui exprime sa nullité (Cicéron, De domo, 16, 47 ; Phil., 5, 4, 10. 12, 5, 42). Cette façon de parler n’est pas usitée dans le droit privé, parce qu’en général les deux parties y sont tenues, et non pas seulement l’acceptant comme dans la lex rogata.

[33] Relativement à l’étymologie, Schmidt me fait remarquer ce qui suit : jus, védique, yös, ce qui est saint, bon, seulement dans la formule çàm yös ou çàm ca yöçca, vieux bactrien yaos, pur, yaosdadhaiti, il purifie, épure (c’est-à-dire yaos + τίθησι). Benfey, sur jubeo (Abh. d. Gœtting. Ges. XVI) veut lier ce dernier au latin jubeo. Les sons s’accordent, mais les significations sont difficiles à réunir. Il n’est pas prouvé que les mots aryens aient jamais signifié convenance, droit, comme l’admet Benfey. En sanscrit, il y a un verbe yäu-ti, yuv-äti ; il lie, attache, participe yulä — lié, uni (racine yu) ; mais pour yös, le sens de liaison ou de quelque chose de semblable ne peut précisément être établi. Le b de joubeo, jubeo ne doit pas être rapproché d’habere, mais il vient d’un dh primitif, ainsi que le prouvent le parfait et le participe, jubeo : jussi, jussus = ruber (sanscrit rudhirä, έρυθρός) : russus.

[34] La relation des deux mots ressort clairement dans la formule courante. Populus legem jubet (Cicéron, De leg. 3, 16, 35 ; Tite-Live, 4, 5, 2. 6, 40, 7. 9, 34, 7. 10, 8, 12), c’est-à-dire legem jus facit ; la règle particulière est incorporée dans le droit. Jubere est aussi propre au populus qu’imperare au magistrat. Ce mot n’a le sens de commander que dans une acception dérivée. Les vestiges de l’ancien langage qui réserve au populus jabere, faire du droit, tandis que sciscere, résoudre, se dit du populus comme de la plebs sont relevés par Lælius Felix, dans Aulu-Gelle, 15, 27, et Festus, p. 330.

[35] Caton, éd. Jordan, p. 21 : Duo exules lege publica [condemnati] et execrati. Selon Gaius, Digeste, 47, 22, 4, les Douze Tables permettent aux citoyens de s’associer, dum ne quid ex publica lege corrumpant. Gaius, 2, 104, dans la formule de confection du testament : Secundum legem publicam. Dans les inscriptions funéraires, la lex publica est souvent invoquée pour les droits de servitude existant au profit du tombeau. (C. I. L. VI, 9404. 10235). La lex publica est la règle de la cité romaine, comme le jus publicum est son droit, le magistratus publicus, son chef et la res publica, sa fortune.

[36] C’est là tout ce qui importe pour la distinction. Les lois de Romulus sont aussi bien des leges datæ (v. tome III, la partie de la Royauté, sur la compétence du roi) que la loi municipale de Genetiva (note 42), parce que ni le peuple de Rome n’a voté sur les premières, ni les citoyens de Genetiva n’ont voté sur les secondes. La compétence en vertu de laquelle a lieu la datio est indifférente. On ne trouve pas de cas où un statut local ait été soumis aux comices Romains. Si c’est arrivé, cette lex a été à la fois rogata par rapport à Rome et data par rapport au lieu qu’elle concernait.

[37] Cf. tome III, la partie de la Royauté, sur la compétence du roi.

[38] Cf. tome IV, la partie des Pouvoirs constituants extraordinaires, sur le pouvoir législatif, et le début du tome V.

[39] En ce sens, l’édit prétorien, qui n’est pas rendu pour un cas particulier, mais qui règle la procédure à titre général, est appelé lex annua (v. tome I, la théorie du droit d’agir avec le peuple, sur les édits).

[40] C’est la lex censui censendo ou censoris (v. tome IV, la partie de la Censure, sur la formula census).

[41] Telle est la lex donnée parie roi Tullus aux duoviri perduellionis (v. tome IV, le début de la partie des Duoviri perduellionis).

[42] Cela comprend les instructions données par le préteur urbain à ses représentants de Capoue (v. tome IV, la partie des præfecti Capuam Cumas, sur leur compétence) ; tous les statuts municipaux (lex Julia municipalis, ligne 159 ; lois municipales de César pour Genetiva, c. 133, et de Domitien pour Salpensa, c. 26) ; de même, toutes les constitutions provinciales, par exemple les leges relatives à la Sicile (Cicéron, Verr. 2, 37, 90. c. 50, 125), à la Macédoine (Tite-Live, 45, 31, 1. c. 32, 7), à la Crète (Tite-Live, Ép. 100) etc.

[43] Il n’y a pas besoin de preuve pour l’emploi en droit public de legem ferre ; à, peine faut-il rappeler perferre = perrogare. En droit privé et religieux, ferre est en règle remplacé par dicere.

[44] La lex est ainsi conçue dans la définition traditionnelle du droit civil : Lex est quod populus jubet alque constituit (Gaius, 1, 3). Quand Capiton, dans Aulu-Gelle, 40, 20, définit la lex : Generale jussum populi aut plebis rogante magistratu, non seulement il laisse de côté les leges qui ne viennent pas de magistrats et la lex data du magistrat, mais il rétrécit encore la définition en y ajoutant le caractère de règle générale, pour opposer la lex au privilegium. Ælius Gallus fait au contraire ressortir que lex est plus large que rogatio. Mais le langage indiqué par Capiton prévaut de plus en plus, et il n’est plus, qu’exceptionnellement question, sous l’Empire, de la lex data du magistrat.

[45] La formule de la rogation : Velitis jubeatis, uti... vos quirites rogo, telle que l’attestent Aulu-Gelle, 5, 49, 9 et Tite-Live, 4, 46, 4, pour les comices par curies, s’emploie, comme on sait, pour toutes les assemblées on l’on vote (Cicéron, De domo, 17, 44. 30, 80. là Pison. 29 ; 72. Tite-Live, 21, 17, 4. 22, 10, 2. 26, 33, 14. 30, 43, 2. 31, 6, 1. 36, 1, 5. 38, 54, 3. 44, 23, 4, etc.), et nous n’en connaissons pas d’autre. Legem jubere est fréquent.

[46] V. tome II, la partie de l’Entrée en fonctions, sur la lex curiata.

[47] La convocation des centuries pour la promesse de fidélité au censeur n’appartient pas à ce censeur, mais au consul. Cf. tome II, la partie de l’Entrée en fonctions, sur la lex curiata.

[48] L’élection des rois est expressément attribuée aux curies par Cicéron (v. tome I, la partie de la nomination des magistrats, sur la nomination de successeurs) et par Denys (2, 60). Le dernier parle aussi de résolutions des curies sur l’expulsion des Tarquins, 4, 84, et sur la restitution de leurs biens, 5, 6. Les lois royales sont, d’après Pomponius (Digeste, 1, 2, 2, 2), sanctionnées par les curies.

[49] V. tome I, la partie des Actes conclus entre l’État et un État étranger.

[50] Lex curiata est fréquent ; lex centuriata se rencontre pour l’acte formel analogue dans Cicéron, De l. agr. 2, 11, 26, mais, à ma connaissance, jamais pour la loi votée dans les centuries ; lex tributa ne se rencontre ni ne peut se rencontrer, car le peuple patricien ne connaît pas de résolution des tribus.

[51] Index et præscriptio, Cicéron, De l. agr. 2, 9, 22 ; præscriptio pour le sénatus-consulte, Cicéron, Ad fam. 5, 2, 4 (selon les manuscrits). Cicéron emploie index legis, dans un autre sens, dans celui de court sommaire, Phil. 1, 9, 20 ; il y en a du reste un pareil d’inscrit sur les tables mêmes de la loi ; par exemple, il y a sur la huitième table de la loi de Sulla élevant le nombre des questeurs à vingt : VIII de XX q. (C. I. L. I, p. 109).

[52] Par exemple, la loi sur les mariages d’Auguste de l’an 9 de notre ère est rarement appelée, chez les juristes, lex Papia Poppæa (Gaius, 1, 145 ; Ulpien, 16, 2), et est au contraire appelée en règle les Papia. Cependant les lois consulaires ne semblent avoir leurs noms ainsi abrégés que si elles se présentent très fréquemment chez les juristes ; dans le langage ordinaire, les  consuls sont en général nommés tous deux ; ainsi, dans Cicéron, la lex Cæcilia et Didia de 655, la lex Licinia et Mucia de 658, la lex Terentia et Cassia de 680 (une fois, Verr. 3, 75, 173, lex Terentia avec allusion à c. 10, 463), la lex Gellia et Cornelia de 681, la lex Junia et Licinia ou Licinia et Junia (Cicéron emploie la première formule trois fois, la seconde deux) de 691, la lex Ælia Sentia de l’an 4 après le Christ. L’ordre des noms n’est pas, semble-t-il, d’une fixité absolue ; la conjonction, qui était supprimée ici comme pour les noms de consuls à l’époque ancienne (Cicéron, Pro Sest. 64, 135 rapproché de Pro Balbo, 8, 19), est déjà toujours, présente dans Cicéron. — Au contraire les plébiscites n’ont en général qu’un nom. Les exceptions sont très rares : la lex Fufia Caninia des jurisconsultes doit appartenir à un couple de consuls qui n’est pas autrement connu ; il n’y a que dans la résolution relative à Astypalæa (C. I. Gr. 2485), qu’il semble y avoir un plébiscite à deux noms ; on n’a pas expliqué comment la lex Julia agraria se trouve placée dans les Gromatici, avec un nom de cinq mots : Lex Mamilia Roscia Peducæa Alliena Fabia. Selon toute apparence, cette unité de nom a pour base unique, une abréviation, qui est ici d’autant plus caractérisée qu’habituellement la rogation était faite par tous les tribuns ou la pluralité d’entre eux. Le promoteur de la loi et les adscriptores sont sans doute distingués (Cicéron, De l. agr. 1, 9, 22) ; mais la dénomination du plébiscite d’après le nom de son rogator a difficilement une autre cause que la raison purement extérieure. — Au reste, comme, dans la langue, on réunit souvent incorrectement au singulier plusieurs lois (ainsi lex Ælia et Fufia, voir tome I, la partie des Auspices, sur l’obnuntiation des magistrats ; de même, chez les juristes, lex Juliæ et Poppæa), il y a parfois doute sur le point de savoir si on est en face d’une loi à deux noms ou de deux lois à un seul.

[53] Si, d’après Cicéron, l’édit provincial du préteur de Sicile n’est qu’abusivement appelé lex Rupilia (Verr., l. 2, 13, 32), il ne peut s’agir là de la, désignation lex, qu’il emploie lui-même à plusieurs reprises pour ce statut, mais de la désignation d’une lex data par le nom de son auteur ; je n’en connais pas d’autre exemple, sauf la lex Pompeia de Bithynie que Pline appelle ainsi (Ad Traj. 79. 80. 112. 144), évidemment sous l’influence de l’usage de la province, tandis que Gaius, 1, 193, parle correctement de lex Bithynorum. — La désignation par le titre du magistrat est commune à la lex data et à la lex rogatar on dit aussi bien lex consularis et lex tribunicia que lex censoria.

[54] Peut-être est-il permis d’ajouter que, dans les centuries serviennes, les liticines ou tubicines, qui viennent probablement des curies, passent avant les cornicines qui appartiennent sûrement à l’exercitus centuriatus.

[55] Même après que cela fut arrivé, les plébéiens peuvent avoir en pour le vote un rang moins avantageux dans les curies disposées par gentes que dans les centuries où dominait la propriété foncière moyenne.

[56] V. tome III, la partie du Grand Pontificat, sur les actes législatifs du grand pontife.

[57] L’empereur Dioclétien (Cod. Just. 8,47 [48], 2, 1) regarde encore l’adrogation comme existant légalement.

[58] Le grand pontife interroge le peuple : Velitis jubeatis, uti L. Valerius L. Titio.... filius siet.... hæc ita uti dixi, ita vos quirites rogo, (Aulu-Gelle, 5, 19). Cicéron, De domo, 29, 77 : Si id XXX curiæ jussissent. Gaius, 1, 99 : Dicitur adrogatio quia..... populus rogatur an id fieri jubeat.

[59] Gaius, 2, 301 : Testamentorum.... genera initio duo fuerunt : nam aut calatis comitiis testamentum faciebant, quæ comitia bis in anno testamentis faciendis destinata erant, aut in procinctu ; Ulpien, 20, 2 ; Inst. 2, 10, 1 ; Labéon, dans Aulu-Gelle, 15, 27. Le 24 mars et le 24 mai sont les deux seuls jours qui soient désignés, dans le calendrier de Numa, par la mention : Quando rex comitiavit fas, comme étant nécessairement comitiaux ; c’est donc probablement à eux que Gaius faisait allusion (v. ma Chronol. p. 241 et ss.).

[60] Gaius, 2, 103, indique cette forme comme disparue ; elle n’a probablement jamais été supprimée ; elle a été supplantée par le testament fait dans la forme de la mancipation, qui fut d’abord introduit pour le cas de force majeure (Gaius, 3, 102), mais qui fut ensuite admis à titre général. La haute antiquité de ce dernier ressort en quelque mesure de ce que, lors de son introduction, la restriction de la mancipation aux choses mancipi était encore inconnue. La validité du testament par mancipation est appuyée avec raison sur la règle des Douze Tables : Uti legassit, ita jus esto ; mais on ne sait s’il fut introduit ou reconnu par cette loi, et la seconde idée est peut-être la plus vraisemblable.

[61] La dénomination du testamentum prouve bien que, déjà dans cette forme ta plus ancienne, les citoyens présents étaient pris a témoins des dernières volontés de la personne, et il ne pouvait en être autrement avant l’invention dé l’écriture. La formule : Ita do ita lego ita testor itaque vos, quirites, testimonium mihi perhibetote, est, ce discours s’adressant mieux au peuple qu’au petit nombre de témoins de la mancipation, elle-même certainement passée du testament comitial au testament privé. Le droit de confirmation des curies est ici aussi peu exclu par leur rôle de témoins que dans la sacrarum detestatio. Lorsque Labéon (dans Aulu-Gelle, 15, 27, v. tome III, la partie du grand Pontificats sur les actes législatifs du grand pontife et des curies) fait confectionner le testament calatis comitiis in populi contione, on ne peut pas, comme je l’ai cru antérieurement, voir dans le mot contio la négation du pouvoir délibérant. L’observation attentive des habitudes de langage (cf. la partie du Fonctionnement des comices) prouve au contraire que la contio est une portion intégrante des comitia, et que le rôle délibérant impliqué par le dernier mot n’est pas exclu par le premier.

[62] Gaius, 1, 115 a. Cicéron, Top. 1,18. En tant que le droit de tester était accordé aux femmes, ce pour quoi il fallait au début une loi spéciale et un privilegium général fut plus tard tout au moins accordé aux vestales (cf. tome III la partie du grand Pontificat, au sujet de la juridiction du pontife sur les prêtres), cela peut s’être rapporté à tous les actes pour lesquels les quirites étaient appelés comme témoins, qu’ils eussent lieu dans les comices ou en matière privée. — La concession du droit de faire un testament privé faite aux femmes sorties de leur gens n’a rien de commun avec ce régime qui appartient à une époque où il n’y avait pas de testament privé.

[63] Le modèle fut évidemment la translation de propriété émanant de l’État, l’adsignation, et la constitution de créance opérée, dans le droit du patrimoine de l’état, par le tributus et la cession d’action du droit public.

[64] V. tome I, la partie de la Justice administrative.

[65] Cf. la partie suivante, au sujet de la détermination de la majorité.

[66] J’ai réuni, dans les Rœm. Forsch., 1, 150 et ss., les preuves de la différence des comices par tribus patricio-plébéiens et du concilium plebis ; il ne sera pas besoin de les reproduire ici en détail. Parmi les documents relatifs à cette catégorie de résolutions populaires, le plus instructif est la loi de 745 de Rome conservée par Frontin, De aquæduct. 129. Ainsi donc, c’est le populus qui vote, et non la plebs ; il vote au Forum, et par conséquent pas au champ de Mars ; il vote pro tribu et par conséquent pas par centuries. Cf. Cicéron, Phil. 1, 10, 26.

[67] Cicéron ne considère pas seulement les comitia centuriata comme ceux quæ maxime majores comitia justa dici haberique voluerunt (Cum sen. gr. egit, 11, 27) ; il admet, dans sa constitution, De leg. 3, 4, 1, la loi : De capite civis Romani nisi per maximum comitiatum ollosque, quos censores in partibus populi locassint, ne ferunto ; dans le commentaire, il désigné, c. 19, 44, cette lex qui de capite civis rogari nisi maximo comitiatu vetat, comme empruntée aux Douze Tables, et il l’entend sans équivoque des comices par centuries ; car il déclare nuls les tributa capitis comitia.

[68] Les Douze Tables supposent incontestablement, pour les procès non capitaux, un jugement du peuple d’ordre inférieur, c’est-à-dire précisément la situation que nous trouvons plus tard : la juridiction criminelle, en tant qu’elle ne revient pas a la plèbe, partagée entre les centuries et les tribus et les affaires capitales réservées aux premières. On ne voit pas de quel autre comitiatus non maximus il pourrait s’agir. Le concilium plebis n’est pas un comitiatus, sans compter que, du temps du décemvirat, la plèbe était mise de côté et qu’il ne pouvait guère dire dans les intentions des décemvirs de la laisser survivre. Les comices par curies sont étrangers à la sphère de la justice.

[69] Cf. tome IV, la partie de la Questure, sur l’élection des questeurs. Il est certain que les questeurs, depuis qu’ils sont élus, le sont de cette façon. L’année n’est signalée que par Tacite. — Il y a probablement deux autres témoignages, inadmissibles dans la forme où ils se présentent, qui se rapportent aux commencements des comices par tribus patricio-plébéiens. En 585, les consuls L. Valerius et M. Horatius auraient fait rogation d’une loi ut quod tributim plebes jusisset populum teneret, selon Tite-Live, avec lequel Denys, est d’accord. Le plébiscite n’ayant reçu force de loi que bien plus tard ; je maintiens toujours comme vraisemblable ma supposition que le concilium plebis a été nommé ici à la place des comitia tributa. On a objecté (Soltau, Die Gültigkeit der Plebiscite, p. 8, 110 et ss.) qu’alors ce serait précisément le mot décisif qu’on aurait changé en mettant plebs pour populus. Mais c’est oublier que les comices par tribus du populus et le concilium plebis ont peut-être été appelés à la vie en même temps et sont étroitement parents, que les annalistes les mêlent entre eux sous des rapports multiples, et que par conséquent celte confusion a pour elle toutes les vraisemblances. Je ne peux attribuer qu’encore moins de poids aux autres objections. À la vérité, on ne peut rien atteindre de plus que la vraisemblance dans un problème qui ne peut être résolu sans une correction des sources (dans laquelle rentre l’interprétation ou la supposition de sous-entendus) ; et par bonheur les choses sont ici telles que, de quelque façon qu’on apprécie le contenu de cette loi Valeria Horatia, l’évolution des droits des tribus et du concilium n’en est pas essentiellement altérée. Mais, dans une question qui n’est aucunement fondamentale, on ne devrait pas oublier qu’il convient d’être bref quand on n’a rien de certain à apporter. Également en 305, les auspices auraient été accordés, selon une autre version, aux tribuns du peuple (Zonaras, 7, 19). Il ne s’agit pas ici des auspicia oblativa, auxquels Boitait (Gültigkeit der Plebiscite, p. 65) voudrait rapporter le texte, mais de la prise d’auspicia impetrativa ; d’est un point qui tombe sous le sens. Seulement, ces auspices n’ayant jamais appartenu aux tribuns du peuple et les auspices étant au contraire naturellement pris pour les comitia tributa, il paraît y avoir encore ici une seconde confusion semblable à la première. — Une ancienne tradition semble donc avoir fait remonter l’origine des comices par tribus au temps du décemvirat et peut-être l’avoir liée à l’organisation de l’élection des questeurs pour laquelle ils sont employés depuis les temps les plus reculés.

[70] Cf. tome III, la partie du Consulat, sur les comices.

[71] Cf. tome III, la partie du Consulat, sur les comices.

[72] V. tome III, eod. loco. Messala, dans Aulu-Gelle, 13, 15, 4.

[73] Nous ne savons rien à ce sujet, si ce n’est qu’en 415 le dictateur Q. Publilius Philo, le même qui, en 417, fut le premier plébéien à occuper la préture (cf. tome III, la partie de la Préture, sur son caractère patricio-plébéien) fit la rogatio de la loi ut plebiscita omnes Quirites tenerent. Puisque cette règle ne fut, comme on sait, admise législativement qu’un demi-siècle plus tard, par la loi Hortensia, il peut y, avoir ici une confusion analogue à celle relative à la prétendue loi de 305.

[74] Messala rapproche de même (Aulu-Gelle, 13, 15, 4) les majores magistratus des comices par centuries et les minorés des comices par tribus. Lorsque les annalistes spécifient pour des lois qu’elles ont été votées par les centuries, comme ils le font par exemple pour les Douze Tables (Tite-Live, 3, 34, 6), c’est pour les rehausser. La considération que de ce temps tous les citoyens votaient au moins théoriquement dans les comices par centuries, tandis que les comices par tribus ne comprenaient que les propriétaires fonciers, ne peut que difficilement avoir influé là-dessus.

[75] Cicéron, Pro Plancio, 3, 7, relativement aux comices électoraux des édiles curules.

[76] En 544, le sénat décide l’élection d’un dictateur en ces termes : Ut consul... populum rogaret..., si consul noluisset, prætor populum rogaret, si ne is quidem vellet, tum tribuni ad plebem ferrent (Tite-Live, 27, 5, 16) ; de même en 703 : Si quid de ea ve ad populum plebemve lato opus esset, uti... consules prætores tribunique plebis quitus earum videretur ad populum plebemve ferrent (Cicéron, Ad fam. 8, 8, 5) ; il y a aussi, dans les notes de Probus, 3, 24 : Si quid mee (?) de ea re ad populum plebent ne lato opus est consules prætores tribuni plebis..... quitus eorum (quod ejus ou quod eis dans les Mss.) videbitur ad populum plebemve ferant. Il est souvent arrivé que des magistrats patriciens et plébéiens se soient trouvés en concurrence avec des projets de lois semblables ou ayant le même objet (Tite-Live, 4, 39, 3 ; Cicéron, Ad Att. 1, 16, 2. 4, 1, 7 ; Cum sen. gr. egit, 8, 21. 9, 22 ; In Pison. 15, 35).

[77] Le seul cas dans lequel nos annales fassent une allusion à une résolution prise par le peuple autrement que sur sa propre chose est la sentence arbitrale rendue entre les Ardeates et les Aricini en 308 (Tite-Live, 3, 71. 72) ; mais cet événement, tel qu’il est raconté, ne peut pas être proprement appelé une exception ; car l’assemblée est désignée par le nom de concilium populi, le nom légitime de comitia lui est donc refusé avec intention, quoique la résolution y soit prise par tribus et que les patriciens soient certainement supposés y avoir participé. — L’opposition de la constitution politique hellénique et de celle de Rome ressort ici avec vigueur. Le sénat romain a rendu une quantité innombrable de fois de telles sentences arbitrales ; notre jugement arbitral populaire, dépeint avec un humour féroce, n’a probablement été inventé que pour, montrer combien il est absurde et périlleux de soumettre de pareilles questions aux citoyens.

[78] Relativement aux suffragia, Cicéron, De leg. 3, 3, 10, distingue : Creatio magistratuum, judicia populi, jussa vetita, et, dans le commentaire sur ce point, c. 44, 33 : In magistratu mandando ac (les Mss. : an) de reo judicando [sciscendo]que (Mss. : judicando qui) in loge aut rogatione ; les connaissances nécessaires pour les comices consistent également, De div. 2 35, 74, vel in judiciis populi vel injure legum vel in mandis magistratibus. Les trois mêmes pouvoirs du peuple servent de fondement à l’exposition de Polybe, 6, 14. En pratique, on ne distingua plus tard, lorsque les jugements du peuple eurent disparu, que les comitia legum et les comitia magistratuum (Cicéron, Pro Sest. 51, 109 ; de même Tite-Live, 4, 17, 9. 6, 41, 10 ; Dion, 38, 13). La division tripartite en élections, actes législatifs et droit de paix et de guerre, que présente plusieurs fois Denys (2, 14. 4, 20. 6, 66) est embrouillée ; le troisième terme rentre plutôt dans les actes législatifs, et les jugements du peuple y manquent, non seulement sous Romulus, mais postérieurement.

[79] Ainsi la déclaration de guerre est appelée lex de bello indicendo (Tite-Live, 4, 60, 9, rapproché de c. 58, 16).

[80] On arrivera toujours à plus de résultats en groupant les lois qui nous sont connues d’après leur objet qu’en continuant, sur la compétence respective des tribus et des centuries, des études qui rappellent sous bien des rapports le travail de moulins condamnés à moudre à vide.

[81] Dans Tite-Live, 28, 33, 10, un sénateur déclare : Per senatum agi de Campanis, qui cives Romani (sans suffrage) sunt, injussu, populi video non posse, et, en s’appuyant sur un précédent, un plébiscite rendu en 435 relativement aux Satricani qui étaient également arrivés à la cité, on fait concéder au sénat par un plébiscite le pouvoir de statuer sur les Campaniens, et ensuite la droit de cité est enlevé à ces derniers par un sénatus-consulte.

[82] La disposition des Douze Tables : De capite cives Romani nisi per maximum comitiatum ne ferunto s’étend au judicium populi, mais elle se rapporte en première ligne aux comices législatifs : Cicéron le dit expressément (Pro Sestio, 34, 73), et la loi rendue contre lui appartenait a cette dernière catégorie.

[83] Cicéron, en attaquant, pour cette raison, le plébiscite rendu contre lui, est juge dans sa propre cause non seulement on ne voit aucun motif rationnel pour exclura inapplication de la loi Hortensia, mais la pratique moderne admet absolument le plébiscite. Les résolutions relatives aux Satricani et aux Campani citées ci-dessus, note 81, sont des plébiscites, et elles sont d’autant plus probantes pour la solution de la question de droit qu’il n’y avait là en jeu aucun intérêt de parti, mais simplement les principes constitutionnels. — La concession du droit de cité, qui a été fréquemment opérée par plébiscite, et aussi parfois dans les comices par tribus (cf. tome III, la partie du Consulat, surie rôle des consuls en matière législative) rentre difficilement dans la notion de de capite cives R. ferri ; on n’aura entendu par là, comme en matière de privilegia, que les déchéances.

[84] Quelques tribuns voulaient s’opposer à la proposition de l’un de leurs collègues d’accorder le droit de suffrage à diverses cités de male méridionale ayant le droit de cité, parce que le sénat n’avait pas été préalablement consulté ; mais ils y renoncèrent, edocti populi esse, non senatus jus suffragium quibus velit impertire (Tite-Live, 38, 36, 8). Par conséquent certains hommes du parti populaire semblent être allés jusqu’à critiquer l’initiative du sénat pour les lois relatives aux pouvoirs réservés du peuple.

[85] À la proposition du censeur de 585, Ti. Sempronius Gracchus, tendant à exclure les affranchis du droit de suffrage, son collègue objecte qu’il y aurait là un empiétement de compétence, et il triomphe (Tite-Live, 45, 15).

[86] La procédure suivie pour l’institution des duoviri navales (v. tome IV, la partie des Officiers magistrats, n° 2) peut servir d’exemple. Cf. tome IV, la partie des Magistrats auxiliaires extraordinaires.

[87] Ainsi les épulons en 558 (Tite-Live, 33. 42, 1). Il en est de même de la multiplication du nombre des places (cf. tome III, la partie du Grand Pontificat, sur la composition du collège).

[88] V. tome V, la théorie de l’imperium ou puissance proconsulaire du prince, sur l’acquisition de l’imperium.

[89] V. tome V, la partie de la Puissance tribunicienne de l’Empereur, sur la subsistance des comices impériaux.

[90] V. tome II, le début de la partie de la Prolongation des pouvoirs du magistrat.

[91] V. tome I, la partie du Commandement militaire, sur le triomphe célébré après l’expiration du temps des Pouvoirs et sur l’imperium militaire du triomphateur.

[92] V. ce qui est dit sur tous ces points, tome II, au sujet de la Prolongation des pouvoirs de magistrat.

[93] Ainsi pour les duoviri ædi dedicandæ, pour les magistrats chargés d’adsignations (v. tome IV, les parties qui leur sont relatives). Cf. tome IV, la partie des Magistrats auxiliaires extraordinaires, sur le particulier général en chef.

[94] Cf. tome IV, la théorie des Pouvoirs constituants extraordinaires sur leur création par une loi spéciale.

[95] V. tome V, la partie de la Puissance tribunicienne du prince, sur la collation de cette puissance tribunicienne.

[96] V. tome IV, la partie des Præfecti Capuam Cumas, au début.

[97] V. tome I, la théorie du droit de nomination du Magistrat, sur les nominations de successeurs.

[98] V. tome IV, la partie de la Censure, section des Ultro tributa, sur la défense au censeur de faire des libéralités.

[99] Cicéron, Pro Sulla, 22, 63.

[100] V. tome III, la partie de la Préture, sur la sortitio avant Sulla.

[101] V. tome II, la partie de la Prolongation des pouvoirs du magistrat, sur la compétence du magistrat prorogé.

[102] V. tome I. la théorie de la Collégialité, sur l’intervention du peuple dans la répartition des provinces.

[103] Cf. tome IV, la partie dos Magistratures extraordinaires, sur la nomination d’un particulier comme général.

[104] Cf. sur ce dernier point, les détails donnés tome IV, au sujet des Magistrats commis à la frappe des monnaies ou à des prêts faits par l’État.

[105] On a bien essayé d’attaquer ce principe en s’appuyant sur ce que la loi nouvelle l’emporte sur l’ancienne. Après que la loi Licinienne out réservé aux plébéiens une des places de consul, il arriva que le magistrat président du vote le proclama, lorsqu’il avait porté sur deux patriciens : Jussum populi et suffragia esse (Tite-Live, 7,17, 12). V. des cas semblables, tome II, au commencement de la partie de la Capacité d’être magistrat, sur les dispenses, et tome IV, à la partie de la Censure, sur la durée maximum des fonctions de censeur. Mais la règle n’a pas été contestée à l’époque républicaine ; elle est au contraire renversée par la théorie de la souveraineté du peuple d’Ulpien (tome II, eod. loc.)

[106] Dans le sénatus-consulte sur les Bacchanales, leur destruction est ordonnée, exstra quam sei quid ibei sacri est, ou, comme l’exprime Tite-Live, 39, 18, 7 : Ut omnia Bacchanalia... diruerent, extra quam si qua ibi vetusta ara aut signum consecratum esset.

[107] La formule est dans Probus, De litt. sing. 8, 14 : Si quid sacrisancti est (ce qu’il ne faut pas confondre avec le sacrosanctum), quod non jure sit rogatum, ejus hac lege nihil rogatur. Dans Cicéron, Pro Cæc. 83, 95, et de même De domo, 40, 106, elle est conçue en ces termes : Si quid jus non esset rogarier, ejus ea lege nihilum rogatum, et elle se trouve, d’après lui, in omnibus legibus. Dans le second texte, le jus non esse est expressément rapporté à la res sacra, tandis que le premier est général, et, bien que la clause eût peut-être une plus large étendue dans cette rédaction, l’exception du sacrum sanctum est cependant son objet essentiel, tout comme si on lui donnait la formule indiquée par Probus. Dans la loi municipale de Tudor (C. I. L. I, 1409), cette formule semble remplacée par la formule qu’il n’y aura de valable que ce qui ne sera pas contraire aux lois de Rome. — La formule ejus (sic dans la loi agraire, ligne 34, dans la loi Antonia, 2, 30, C. I. L. II, 804, et dans la loi Quinctia chez Frontin, De aq. 129 ; eum = eorum dans la lex Julia municipalis, ligne 52 ; ex. dans la loi agraire, ligne 13, dans la loi Rubria, C. I. L. I, 205, 2, 24, et dans la loi Julia municipalis, ligne 76) hace lege nihilum rogato (sic, avec l’ancienne forme de l’impératif passif, dans la loi repetundarum, ligne 78, et dans la loi Quinctia ; rogatum dans Cicéron, Pro Cæc. 33, 95 ; rogatur dans la loi Antonia, 2, 30 et dans Probus) se trouve dans les lois, le plus souvent écrite seulement par ses initiales, partout oui il est fait une exception.

[108] L’argumentation faite dans Cicéron, Pro Balbo, 14, 32 et ss., le prouve.

[109] C’est à cela qu’appartient la dédication de la maison de Cicéron faite par Clodius en vertu d’un mandat du peuple (De domo, 40, 406). On objectait que la loi sur son retour avait, comme fonte autre, réservé les droits des Dieux, et que par suite il n’était pas restitué dans ses droits antérieurs.

[110] Cicéron, De leg. 3, 4, 11 et 19 ; 44 ; De domo, 17, 43 ; Pro Sestio, 30, 65. Il y a des exceptions ; mais elles ne sont pas fréquentes. Les proscriptions de Sulla, par la mention desquelles il est sans doute fait allusion à la loi contre les gens de Volaterra et consorts, sont elles-mêmes citées par Cicéron (De domo, 17, 43 rapproché de 30, 79) comme en constituant une. L. Aurelius Cotta, consul en 802, ne se contenta pas de ce que le sénat annulât les années de service doses cavaliers insoumis ; il provoqua un plébiscite dans ce sens (Frontin, Strat. 4, 1, 22). D’autres exceptions apparentes n’en sont pas en réalité. Le judicium n’est pas une lex. L’interdiction de l’eau et du feu qui suit l’exilium du condamné est un privilegium défavorable ; mais il atteint un ex citoyen. L’abrogation de la magistrature, qui ne peut être conçue que comme un privilegium, n’est pas attestée par des témoignages suffisants (cf. tome II, la partie des formes de la sortie de charge, sur l’abrogation).

[111] Cicéron, Brutus, 23, 89.

[112] Cf. outre les textes cités, Cicéron, Cum. sen, gr. egit, 4, 8. De domo, 10, 26. 20, Si. 22, 57. 58.

[113] Les lois Liciniennes disparates de 386 furent réunies dans un même vote (Tite-Live, 6, 39, 2).

[114] Cicéron, De leg. 3, 4, 1 ; c. 19, 43. D’après la loi repetundarum de 631-632, ligne 72, la participation à l’assemblée du peuple libère dans certains cas le citoyen d’autres devoirs publics, mais non sei quid in saturam feretur. Diomedes, 3, p. 486 : A legs satura quæ uno rogatu multa simul comprehendat (de même dans la glose de Philoxène : Satura lex πολλά περιέχων) en invoquant une ligne de Lucilius, l. I : Per saturam ædilem factum qui legibus solvat, dans laquelle on ne peut à la vérité comprendre comment cela a pu se produire pour l’élection d’un édile, à moins qu’il n’y ait là quelque métaphore. Festus, p. 314 : Satura... lex multis (Ms. : tis) alis legibus conferta : nuque in sanctione lequm adscribitur : neve per saturam abrogato aut derogato. Il semble avoir été fait application de cette règle aux triumvirs de Gracchus nommés pour la distribution des terres ; l’imperium qui leur avait été donné per saturam parait leur avoir été retiré comme n’existant pas légalement (cf. tome IV, la partie des magistrats agris dandis adsignandis et coloniæ adsigrandæ, sur la durée de leurs pouvoirs).

[115] Cicéron, De domo, 20, attaque la loi Clodia rendue contre lui, parce qu’elle manque d’unité. Clodius objecte que la curatio est donnée au même individu ; Cicéron n’admet pas la réponse. Cicéron reproche aussi à Clodius, dans le texte corrompu du De domo, 19, 50 : Pluribus de rebus uno sortitu (c’est-à-dire des tribus pour la renuntiatio) rettulisti (on s’attendrait à tulisti), et il faut, d’après ce qui suit, que cette critique ait aussi été dirigée contre les lois Livia rendues en 663.

[116] Semel consulunto (note 114) ne semble pas pouvoir être compris autrement. La disposition peut plus précisément avoir tenu, par exemple, à ce que le même magistrat ne peut pas faire la même proposition une seconde fois. La déclaration de guerre contre Philippe fat, à vrai dire, contrairement à cette règle, présentée deux fois à l’assemblée (Tite-Live, 31, 50, 9), mais la prohibition légale peut être postérieure. On trouve encore une prescription analogue en matière d’accusation.

[117] On peut citer, par exemple, les plébiscites rendus au commencement du VIe siècle, pour permettre aux sénateurs aveugles de se servir de voitures (cf. tome II, la partie des voitures et des sièges des  magistrats, sur la droit d’aller en voiture à l’époque de la République) pour permettre à un magistrat, empêché de prêter serment par des devoirs religieux, de se substituer son frère (Tite-Live, 31, 50, 9 de 554) ; la concession à une vestale du droit de prendre des témoins comme les hommes (Aulu-Gelle, 7, 7, 2) ; la restitution de son honorabilité légale à une prostituée (Tite-Live, 39, 19, 5, sur l’an 566).

[118] Asconius, In Cornel., p. 51.

[119] Selon Dion, 36, 39 [22], les comices sont obligées de confirmer la décision prise par le sénat (en présence d’au moins 200 de ses membres, d’après Asconius), ce qui mettrait, à vrai dire, ces comices sur le même rang que ceux des trente licteurs.

[120] V. tome IV, la partie des Duoviri perduellionis.

[121] V. tome III, la partie du Consulat, sur la juridiction criminelle du consul en matière de délits de droit des gens.

[122] Il est établi, tome III, loc. cit., qu’il n’était pas toujours forme de provocation en pareil cas ; quand il y en avait une, c’était que le magistrat qui avait statué la provoquait et la souhaitait. Dans Diodore, 14, 113, l’accusé Fabius est condamné par le sénat, mais son père, un des tribuns consulaires alors en fonctions, provoque au peuple, et celui-ci casse la sentence du sénat, ce que l’auteur du récit blâme amèrement. D’après le récit de Tite-Live, 5,36, et de Plutarque, Cam. 18, c’est le sénat qui soumet l’affaire au peuple. Comme, en la forme, ce n’est pas le sénat, mais ce sont les magistrats supérieurs qui rendent la sentence, les deux versions aboutissent à ce que ces magistrats auraient pu et peut-être dit accomplir l’extradition, mais ont volontairement soumis la question au peuple. — Le consul de 618, P. Furius Philus décide, avec son consilium, l’extradition de Mancinus, et la soumet ensuite au peuple, devant lequel Mancinus lui-même défend le jugement (Cicéron, De re p. 3, 18, 28 ; De off. 3, 30, 109) ; ici, encore Philus a, selon toute apparence, consulté lui-même les comices pour dégager sa responsabilité. C’est là par conséquent une consultation facultative des comices analogue à celle que les annalistes admettent pour la provocation de l’époque royale.

[123] V. tome IV, les sections des duoviri ædi dedicandæ et des magistrats chargés d’adsignations et de déductions de colonies.

[124] Tite-Live, 21, 23, 7, sur l’an 548. Macrobe, 1, 11, 5. Cicéron, Phil. 2, 43, 110. Puisque la plupart des jeux annuels ont eu pour origine la répétition du vœu, leur permanence peut, en fait, reposer en grande partie sur l’usage, mais, en droit, elle exige certainement une loi.

[125] Dans Tite-Live, 22, 18, les pontifes décident populum consulendum de vere sacro injussu populi voveri non posse. 33, 44, 2.

[126] V. tome I, la théorie des attributions du magistrat sur les actes conclus entre le peuple et une divinité.

[127] V. tome IV, ce qui concerne les magistrats chargés de la frappe des monnaies et des prêts publics.

[128] V. tome I, la théorie des actes conclus entre l’État et un État étranger.

[129] Tite-Live, 1, 24. 38.

[130] Cela est exposé en détail par Rubino, Untersuchungen, 1, 264 et ss., il invoque aussi avec raison dans ce sens la théorie romaine (que nous aurons à développer de plus près dans la partie des Alliés), selon laquelle la convention internationale conclue par la roi de Rome est résolue par sa mort. Avant tout, le récit du traité de Caudium de 434 n’a absolument aucun sens, si on ne part pas de l’idée qu’il liait le peuple en droit ; il n’y aurait à cela rien de changé quand bien même la deditio, comme Aulu-Gelle la dit seul et probablement à tort, 17, 21, 36, aurait eu lieu populi jussu. Des façons de parler générales, comme le langage de Denys sur les droits du peuple au temps de Romulus, et les expressions  analogues de Tite-Live. 1, 49, 1, ou les phrases intercalées par lui dans le récit de l’affaire des Fourches Caudines (9, 9, 5, 4 et c. 9, 4) n’ont aucun poids contre cet argument.

[131] Tite-Live, 7, 20, 3, sur l’an 404. 9, 20, 2. L’exactitude matérielle de ces récits importe peu.

[132] Polybe, 4, 62. Lorsqu’ensuite les Carthaginois, invoquant cet exemple, refusèrent de reconnaître un traité conclu par Hasdrubal (Pol. 3, 21, 2 = Tite-Live, 21, 18, 10), les Romains répliquèrent (Pol. 3, 29, 3 = Tite-Live, 21, 19, 3) que l’argument ne portait pas.

[133] Mais aucun écrivain ancien ne dit ni ne peut dire que les droits des comices aient eu pour origine la déclaration de guerre. La déclaration de guerre des comices est exactement aussi ancienne que l’adrogation des comices. La lex comitiale n’a pas pour fondement des considérations d’utilité pratique, mais un principe.

[134] C’est pourquoi, dans le schéma des annalistes, très purement conservé chez Tite-Live, 1, 32 (moins bien dans Cincius, chez Aulu-Gelle, 16, 4, 1), la déclaration de guerre est rapportée au prototype des cités fédérées, aux prisci Latini, et rattachée à l’alliance conclue avec eux sous Tullus. Après que le publicus nuntius populi Romani juste legatus a pris les Dieux à témoins populum (ilium) injustum esse neque jus persolvere, le roi déclare la guerre, quod populus Romanus quiritium bellum cum Priscis Latinis jussit esse senatusque populi Romani quiritium censuit ennsensit conscivit ut bellum cum Priscis Latinis fieret. Dans le récit des annales, on ne trouve, pour cette loi fondant la plus ancienne déclaration de guerre contre des alliés infidèles au traité, d’autre exemple de l’époque ancienne que les déclarations de guerre de 371 et 372 aux gens de Lanuvium (Tite-Live, 6, 21, 5) et à ceux de Préneste (Tite-Live, 6, 22, 4) ; lorsque d’autres lois sont citées, il s’agit d’Etrusques ou d’autres étrangers non susceptibles d’être liés par un fœdus proprement dit (Denys, 8, 91. 9, 69. 11, 3 ; Tite-Live, 4, 30, 15. c. 58, 8. 7, 6, 7. c. 12, 1. c. 19, 10. c. 32, 1. 8, 22, 8. a 25 ; 2. c. 29, 6. 10, 12, 3. c. 45,7). Ce n’est peut-être pas un pur hasard. Les anciens rédacteurs expérimentés des annales peuvent n’avoir fait allusion sous ce rapport à l’action des comices, que lorsqu’elle ne se comprenait pas d’elle-même. Parmi les lois extérieurement avérées autorisant la guerre, la plus ancienne concerne la première guerre avec Carthage (Polybe, 1, 11).

[135] Nous trouvons cités expressément, probablement parce que la réunion des centuries pour les lois était, à l’époque récente, inusitée, les comices par centuries tenus pour les déclarations de guerre aux Véiens en 327 (Tite-Live, 4, 30, 15), à Philippe de Macédoine en 554 (Tite-Live, 31, 6, 3. c. 7, 1) et à Persée en 583 (Tite-Live, 42, 30, 10).

[136] Il n’y a pas d’exemple certain d’une déclaration de guerre prononcée par une loi tribute ou par un plébiscite, tandis que, dans les autres matières, ce sont là, à l’époque récente, de beaucoup les formes les plus habituelles de rogation. La déclaration de guerre proposée en 587 par le préteur M’. Juventius Thalna peut avoir été proposée aux centuries, puisque le droit de les réunir ne peut être dénié au préteur (v. tome III, la partie du Consulat, sur les comices). L’assertion de Tite-Live, 6, 21, 5, selon laquelle, en 371, omnes tribus bellum (contre les gens de Lanutium) jusserunt, sans que le magistrat qui fait la proposition soit désigné, peut facilement être une erreur.

[137] Tite-Live, 4, 30, 45. Le récit a l’air d’un exemple factice de droit public, et les mots et dies exierat de l’addition d’un ignorant ; car il n’y a qu’une trêve qui n’est pas expirée qui puisse être comparée à une alliance.

[138] Depuis que l’idée du droit international s’est étendue en dehors du domaine du fœdus, ce qui se montre en particulier dans la disparition de ces trêves tenant lieu de fœdus et dans l’emploi des fétiaux a l’égard de toutes les nations, la distinction de la déclaration de guerre rompant un traité et de la déclaration de guerre tout court est, à proprement parler, sans objet ; car une déclaration de guerre ne peut guère ne produire, à l’époque récente, qu’en violant un ancien traité international.

[139] Polybe, 6, 14, formule le principe de la manière la plus énergique. Lorsqu’en 556, les Achéens demandèrent la societas avec les Romains à leur représentant, quia injussu populi non poterat rata esse, in id tempus quo Romam mitti legati possent, dilata est (Tite-Live, 32, 23, 2). Salluste, Jug. 39. Tite-Live, par anticipation pour le traité de Caudium ; en outre, Ép. 64. Cf. le même, 37, 19, 2. Cicéron, Pro Balbo, 14, 35. Par conséquent, on blâme sévèrement le magistrat qui commence la guerre sans une loi préalable : ainsi Cn. Manlius Volso partant contre les Galates (Tite-Live, 38, 45. 46), ainsi César soumettant la Gaule (Dion, 38, 35. 41 ; cf. César, Bell. Gall. 1, 35). — Nous reviendrons, au sujet du sénat, sur sa participation. En fait, c’est à lui qu’appartient le gouvernement des relations extérieures sous la République. En droit, le concours du sénat n’est pas nécessaire, en dehors de l’ancien concours des patres requis pour la déclaration de guerre comme pour toute autre loi ; mais, sous la République récente, il en fut de cela comme de la concession des privilegia. Le sénat retira aussi en fait ces lois spéciales des mains du peuple. La façon dont Cicéron, loc. cit., déclare nul le traité conclu par les Gaditans seulement avec le sénat, et cependant le traite comme absolument valable, est tout à fait caractéristique.

[140] V. tome IV, la partie des Magistrats nommés pour la conclusion de la paix.

[141] La paix de 553 avec Carthage a été conclue de cette façon.

[142] V. tome IV, la partie des Légats du sénat, sur les ambassades de dix membres envoyées pour régler la paix.

[143] Tite-Live, 29, 12, 16. 30, 43, 2. 33, 25, 6.

[144] Dans le seul cas de rejet d’une telle proposition qui nous soit connu, lorsque, peu après la défaite de Carthage, l’expédition de Macédoine fut proposée au peuple fatigué de combats, le sénat lit pourtant prévaloir sa volonté en seconde délibération (Tite-Live, 31, 5 et ss.). Tant que les plébéiens furent en lutte avec les patriciens et que le sénat ne domina pas rassemblée du peuple, ces résolutions purent naturellement servir d’armes à cette dernière.

[145] La confirmation de traités internationaux par une loi est citée pour le célèbre traité d’alliance avec les Mamertins de 490 (Polybe, 1, 41) ; pour la paix avec Hiéron de 491 (Polybe, 1, 17) ; pour celle avec Philippe de 549 (29, 12, 15) ; celle avec Carthage de 553 (Tite-Live, 30, 10, 14. c. 43, 2. c. 41, 13) ; pour le traité avec le roi de Numidie Vermina eu 554 (Tite-Live, 31, 11, 17) ; le second avec Philippe en 558 (Polybe, 13, 42, 3 ; Tite-Live, 33, 25, 6) ; une alliance avec Masinissa (Val. Max. 7, 2, 6) ; la paix avec Antiochus, en 564 (Polybe, 21, 10, 8. c. 11, 5) ; l’alliance avec Rhodes en 565 (Tite-Live, 37, 55, 3) ; un traité avec Viriathus (Appien, Hisp. 69). Nous reviendrons, dans la partie des Alliés, sur d’autres lois qui nous sont, en partie, arrivées dans leur contexte, en particulier sur celles relatives à Astypalæa et à Termessos.

[146] V. tome V, sur le pouvoir de l’Empereur et le rôle du sénat, le début de la partie des affaires étrangères.

[147] La cérémonie des Dieux était faite à l’occasion. Cf. tome V, eod. loc.

[148] V. tome III, la partie du Tribunat sur le pouvoir législatif des tribuns. [L’initiative des lois n’a tout au moins pas été enlevée aux tribuns lors de la reconstitution de l’État opérée par Auguste ; car ils l’ont encore exercée en 746 (Macrobe, Sat. 1, 12, 35). Il n’y en a pas de mention postérieure.]

[149] La lex Junia Petronia (Digeste, 40, 1, 24, rapproché de 48, 8, 11, 2) appartient à l’an 19 ; la loi citée par Tacite, Ann. 4, 16, à l’an 23 ; la loi Visellia, que nous étudierons dans la partie des Chevaliers, à l’an 24. La lex Junia Vellea (si son nom transmis avec une rédaction indécise doit étire restitué de la sorte ; Inst. 2, 13, 2 et ailleurs) se place dans ce temps ; mais l’année n’est pas déterminée.

[150] La dénomination des sénatus-consultes du nom du consul qui en fait la relatio, tout comme les lois étaient désignées sous la République, est caractéristique dans ce sens. Les noms sont ici toujours simples.

[151] Tacite, Ann. 11, 13 ; Gaius, 1, 167. 171 ; Ulpien, 11, 8.

[152] Domitien, proposa, sous son règne, aux comices, en qualité de préteur urbain, l’abrogation d’une magistrature : sur l’abrogation, cf. tome II, la partie de l’extinction de la magistrature.

[153] Callistrate, Digeste, 37, 21, 3,1.

[154] Cf. tome Il, le commencement de la partie de la capacité d’être magistrat.

[155] Le mode de nomination des décemvirs de la loi Servilia, organisé sur le modèle de l’élection du grand pontife ; est caractéristique dans ce sens. Cf. tome IV, la partie des magistrats chargés d’adsignations de terre et de déductions de colonies, sur leur mode d’élection.

[156] Velleius, 2, 124. Tacite, Ann. 1, 15. L’ensemble des idées montre, chez les deux auteurs, que les comitia dont il s’agit sont, comme il arrive souvent, uniquement les comices électoraux.

[157] L’allusion au mécontentement des basses classes, auquel la disparition des gratifications faites aux électeurs (de la largitio de Tacite) avait probablement plus de part que l’esprit d’opposition, doit être rapprochée des improbæ comitiæ in Aventino, ubi [Sej]anus cos. factus est, qui, d’après une inscription (C. I. L. VI, 10213), jouèrent dans la conjuration de Séjan un rôle quine a’accorde pas absolument avec les relations des écrivains. Séjan étant consul lors de sa catastrophe, il faut qu’il se soit, dans l’acte électoral dont il s’agit, fait confirmer par le peuple le consulat qu’il occupait en vertu de l’organisation établie par Tibère, en se présentant comme un restaurateur de la constitution, ou encore qu’il s’en soit fait conférer un second pour l’année suivante conformément à l’ancienne méthode. Il est vraisemblable que c’est précisément à cela que se rapporte le passage célèbre de Juvénal, 10, 7, 4. Si, dit le poète, Séjan avait réussi à écarter Tibère, populus..... hac ipsa Sejanum diceret hora Augustum. Mais c’en est fini du populus.

[158] Suétone, Gaius, 16 ; Dion, 59, 9, sur l’an 33.

[159] La suppression eut lieu dès l’an 39, parce qu’il se révéla comme pratiquement impossible de rétablir l’ancien ordre de choses, en particulier de ressusciter la brigue des magistratures ; il n’y avait pas plus de gens à poser leurs candidatures qu’il n’y avait de places à pourvoir (Dion, 59, 20 cf. tome II, la partie de l’ordre légal des magistratures, sur la disparition du degré de l’édilité et du tribunat au VIIe siècle).

[160] Dion, 53, 20, sur l’an 32.

[161] Il ne manquait rien à la libere civitatis simulatio (Pline, Panég. 68) : les drapeaux flottaient sur le Janicule, quand les centuries étaient appelées (Dion, 37, 28) ; les citoyens apparaissaient à l’endroit du vote, les magistrats et les candidats étaient sur l’estrade ; le résultat du vote était rapporté au président, et il le faisait renuntiare par le præco (Pline, loc. cit. ; Suétone, Dom. 10). Nous ne savons pas pendant combien de temps cette procédure s’est maintenue. Des formules comme celle de Sidoine, Carm. 3, 19, dans la poésie en l’honneur de l’empereur et consul de 468 Avitus : Te curia plausu, te punctis scripsere tribus, peuvent être des réminiscences littéraires. Niais, d’un autre côté, la suppression de ces comices apparents ne résulte aucunement des phrases de sujets soumis, familières aux loyalistes récents, selon lesquelles le gouvernement impérial aurait heureusement délivré le peuple du mal des comices (Mamertinus, Grat. act. 19 ; Ammien, 14, 6, 6 ; Symmaque, Or. pro patre, 7 ; Ausone, Grat. act. 3, 13. c. 9, 44).

[162] Il n’y a pas au moins de témoignages précis sur le maintien de la réception des votes. Il ne faut pas prendre trop a la lettré des tournures comme celle de Pline, loc. cit. On avait eu l’occasion de faire la connaissance de l’esprit d’opposition, dans le vote secret ; et on aura, lors de la réforme des comices, pris soin de lui fermer la bouche.

[163] Les comices impériaux (cf. tome V, la partie de la puissance tribucienne du prince, sur la concession de cette puissance) sont bien du reste aussi des comices électoraux ; mais ce sont en première ligne des comices législatifs.

[164] Le statut municipal donné par Domitien à la ville latine de Malaca attribue ces élections, selon l’ancien principe républicain, aux curies ; et il n’y a pas de raison pour ne pas étendre cette décision aux cités de citoyens.

[165] Les rares mentions des comices municipaux sur les inscriptions de l’Empire (C. I. L. XIV, 375, d’Ostie, du temps d’Hadrien ; C. I. L. XIV, 2110, de Bovillæ, de 457 ; C. I. L. I, 7053, de Catina) ont l’air d’indiquer que l’élection par les comices aurait été, dans les municipes, une exception, peut-être, çà et là, une innovation d’archaïsants.

[166] Il est évident que les Salinienses, Campanienses, Forenses, qui se rencontrent çà et là sur les affiches électorales de Pompéi, ne sont pas des sections électorales, comme le pense Willems (Les élections municipales, p. 86) ; on pourrait aussi bien chercher des circonscriptions électorales dans les viciai. Une élection réelle par le peuple, dans la forme domestiquée que révèlent ces affiches, et sans intervention des circonscriptions électorales, est un non-sens. Si l’élection préalable, ou plutôt, en théorie, la proposition appartenait à l’ordo, et si la concurrence et l’ambitus jouaient dans l’intérieur de cet ordo le même rôle qu’ils jouaient dans les élections de Rome au temps de Pline, la marche des choses devient compréhensible pour qui se rappelle les allures d’importance municipales et les habitudes de compliments qui étaient là érigées en système. Il n’est pas plus surprenant de voir les petites gens se montrer polis envers les candidats par le ministère des dealbatores que de voir élever des statues et des groupes de statues au membre du conseil honnête et généreux. L’inscription du temps de Vespasien, C. I. L. IV, 768 prouve bien que le facere n’appartenait pas à l’ordo ; mais non que le facere fût autre chose que le droit d’acclamer.

[167] Il est rien moins que démontré que le schéma, qui est formulé dans le statut municipal de Malaca, ait été mis en pratiqué sans autre forme. En même temps que le statut municipal, était, accordé conformément au modèle théorique, les élections communales pouvaient parfaitement, dans la pratique, être subordonnées à l’initiative de l’ordo, ou encore, dans les provinces, à la confirmation du gouverneur, sans que ces dispositions dépendant du gré de l’empereur fassent insérées dans la lettre de concession. Les institutions établies pour les villes de provinces ne peuvent pas non plus être transportées sans autre forme aux villes d’Italie. On pouvait laisser aux premières, soumises à l’autorité d’un gouverneur, un droit retiré aux communes italiques, qui s’administraient elles-mêmes sans surveillance d’aucun supérieur direct.

[168] Judicium populi désigne, en langage technique, le tribunal dans lequel statue le populus (C. I. L. I., 1409. 1502 ; Tite-Live, 3, 56, 5. 5, 11, 12. 1, 28, 9. 10, 46, 16. 29, 22, 9. c. 37, 4 ; cf. 4, 7, 5 8, 37, 8) ou encore la plèbe (Cicéron, chez Asconius, In Scaur. p.20). Judicium publicum veut au contraire dire, en langage technique, un procès directement privé soulevé pour le compté de l’État et renvoyé à un tribunal spécial, en particulier la procédure des questions (V. tome I, la partie de la Juridiction administrative, sur le recouvrement des mulla, et tome III, la partie de la Préture sur la présidence des quæstiones).

[169] Cela se révèle notamment dans le renvoi de la première instance devant les questeurs plutôt que devant les magistrats supérieurs.

[170] V. tome III, la partie de la Royauté, sur la compétence du roi, et celle de la Dictature, sur la soustraction du dictateur à la provocation, tome IV, celle des autorités constituantes extraordinaires, sur leur droit illimité de justice criminelle.

[171] Cicéron, De re p. 2, 31, 54 (de même Val. Max. 4, 1, 1). Il critique, eod. op. 1, 49, 62, comme ayant été la suite de l’établissement de la République, les provocations omnium rerum. Tite-Live, 2, 8, 2 ; Pomponius, Digeste, 1, 2, 2, 16, fait la provocation intervenir contre l’in caput civis Romani animadvertere, Denys, 5, 19 contre la sentence tendant à άποκτείνειν ή μαστιγοϋν ή ζημιοΰν είς χρήματα.

[172] Cicéron, De re p. 2, 24, 54. La clause correspondante était par conséquent adjointe aux diverses dispositions pénales. Il faut en outre signaler ici la réserve des procès capitaux aux comices par centuries, sur laquelle nous reviendrons, mais non la prétendue loi Valeria de 305 (Tite-Live, 3, 55). Cette dernière n’est pas, comme le veut Tite-Live, un rétablissement du droit de provocation, qui n’avait été rien moins qu’écarté par les Douze Tables, mais une répétition de la loi qui avait supprimé pour toujours la puissance royale, dirigée contre la résurrection de la puissance royale contenue dans le décemvirat (v. tome IV, la partie des Autorités constituantes extraordinaires, sur le décemvirat leg. scr. et sur les tentatives de suppression légale de ces magistratures).

[173] V. tome III, la partie du Consulat, sur la juridiction criminelle du consul dans les matières soustraites à la provocation.

[174] V. tome IV, la partie de l’Édilité sur la procédure d’amende édilicienne.

[175] V. tome I, la théorie de l’imperium domi et de l’imperium militiæ, sur l’imperium domi.

[176] V. tome III, la partie du Consulat, sur la juridiction criminelle du consul dans le cercle de la compétence militiæ.

[177] V. tome I, les théories du droit de justice criminelle et du droit de coercition da Magistrat.

[178] V. tom III, la partie du Consulat, relativement à la juridiction criminelle du consul sur les délits de droit des gens et les autres délits religieux.

[179] V. tome III, la partie de la Préture, sur la présidence des quæstiones et, tome IV, la partie des magistrats présidents de jury.

[180] Voir, sur les trois points, ce qui est dit, tome I, dans la partie du Droit de coercition, sur les moyens de contrainte.

[181] Voir, tome I, la même partie.

[182] Cicéron, Pro Rab. ad pop. 4, 12. Le même, Verr. 5, 63, 163. In Cat. 1, 11, 28. 4, 5, 10.

[183] Polybe, 6, 14, 6.

[184] La distinction ressort clairement dans Cicéron, De leg. 3, 3, 6 et De domo, 17, 45.

[185] Cicéron, De domo, 17, 45.

[186] Tite-Live, 26, 3, donne notamment le tableau le plus clair de la marche des choses.

[187] V. tome IV, la partie de la Questure, sur la juridiction criminelle des questeurs.

[188] V. tome III, la partie de la Préture, sur la présidence des quæstiones.

[189] Cicéron, De leg. 3, 3, 6. Il est désormais superflu de fournir d’autres preuves que le judicium populi n’intervient jamais qu’à la suite d’un judicium magistratus qui le précéda ; au reste, ces preuves sont contenues dans les développements qui suivent. Même l’argument qu’on a souvent invoqué en sens contraire, tiré de ce que, selon Cicéron, Pro Rab. ad pop. 4, 12, les duoviri perduellionis condamnent indicta causa est plutôt une preuve dans notre sens ; car ce langage tourmenté, inspires par l’esprit de chicane ; reconnaît lui-même qu’il y a un premier judicium, nie seulement qu’on puisse s’y défendre. La considération comme fine accusation de l’acte du magistrat qui défend sa sentence devant le peuple est fondée en fait, et elle ne se présente que dans les expositions matérielles des faits ; on ne trouve rien de pareil dans les formules. Si les débats sont considérés comme un combat (certatio : Cicéron, De leg. 3, 3, 6 ; Tite-Live, 1, 26, 6. 25, 3, 14. c. 4, 8) entre le magistrat et l’accusé, qui est tranché par le peuple, cela a également pour raison que la première sentence est défendue comme juste et attaquée comme injuste devant ce dernier.

[190] L’ancienne formule (Tite-Live, 1, 26, 6) : Duumviri perduellionem judicent, ne contient naturellement pas ce que l’avocat veut y mettre, à savoir que les magistrats doivent juger indicta causa, mais plutôt tout le contraire.

[191] Cf. tome III, la partie du Consulat, sur la juridiction criminelle des consuls sous la République, in fine.

[192] La valeur technique du mot est notamment révélée par la désignation dans Varron, 6, 90, du schéma du judicium populi comme le commentarium vetus anquisitionis M. Sergi M’. f. quæstoris qui capitis accusavit Rocum.

[193] Quærere et anquirere sont dans le même rapport que testari et antestari, halare et anhelare : la préposition (άνά) est exclusivement renforçante, comme dans κρίνειν et άνακρίνειν. L’étymologie indiquée par les anciens de amb = circum (Festus, Ép., p. 22) est inadmissible ; l’anquisitio n’est pas une enquête faite à la ronde.

[194] L’anquisitio comprend la désignation du crime (Tite-Live, 6, 20, 12), naturellement avec l’indication qua la défense est possible, et celle de la peine (capite anquirere : Tite-Live, 8,33, 17. 26, 3,6, ou capitis : Tite-Live, 2, 52, 5. 26, 3, 7 ; pecunia anquirere, 26, 3, 5. 7) La différence de l’anquirere et de la condamnation en première instance se montre surtout clairement dans Tite-Live, 2, 52, 5.

[195] Cicéron (De domo, 17, 45) : Intermissa die. C’est de là que vient la comperendinatio de la procédure des quæstiones, procédure qui, sous bien des rapports, a été constituée à l’imitation du judicium populi.

[196] Pour le diem dicere (rei capitales : Tite-Live, 25, 4, 8), il n’est pas besoin de citer de preuves. La présence de l’accusé ne semble pas avoir été exigée pour cette première discussion publique de l’affaire.

[197] C’est pourquoi Cicéron, De domo, 17, 45, relève surtout, comme une des sages dispositions établies par l’ancien droit en matière criminelle, ne improdicta die quis accusetur.

[198] Tite-Live donne un exemple de diminution, 2, 52, 5 ; un exemple d’augmentation, 26, 3, 7 : Cum bis pecunia anquisisset, tertio capitis se anquirere diceret, en présence de quoi l’accusé fait en vain, appel à l’intercession tribunicienne.

[199] Cicéron, De domo, 17, 45. Appien, B. c. 1, 74, raconte que deux individus ainsi accusés se donnèrent la mort : le jour où ils devaient être jugés étant arrivé, et la sommation de comparaître ayant été proclamée (car, après quatre sommations réitérées à des heures dont les intervalles étaient réglés, on pouvait user de mainmise), c’est inexactement ; car l’accusé n’est pas condamné quatre fois, mais, comme le dit Cicéron au troisième terme par le magistrat et au quatrième par le peuple. D’après la loi osque de la table de Bantia, qui copie sans doute ici les institutions romaines, l’assemblée qui statue ne peut avoir lieu qu’après qu’il a été parlé quatre fois au peuple, en comprenant la citation dans le calcul des quatre fois. On trouve appliquée pratiquement dans le procès de P. Scipion le premier terme du diem dicere, Tite-Live, 38, 50, 5 ; — le second du premier débat contradictoire, c. 50, 10, finissant par prodicta dies est ; le troisième c. 51, 6, finissant avec die longiore prodicta, c. 52, 1 ; — le quatrième c. 52, 3, où le procès finit par suite de la formation d’une intercession. L’action que Clodius intenta comme édile curule en 598 contre Milon (Drumann, 2, 323) fut discutée à deux reprises, le 2 et le 6 février (Cicéron, Ad Q. fr. 2, 3), et le nouveau terme fut fixé pour le 17 février le débat final devait avoir lieu le 17 mai (Ad Q. fr. 2, 5).

[200] La loi de Bantia réclame un intervalle de trente jours.

[201] Dans Tite-Live, 43, 16, 11, le tribun demande un tel terme au préteur et, il en reçoit un rapproché. Cicéron, De har. resp. 4, 7.

[202] Cicéron, De domo, 17, 45. Ut..... si qua res illum diem (celui de la quarta accusatio) aut auspiciis aut excusatione sustulit, tota causa judiciumque sublatum sit. Dans la loi de Bantia, il y a pour cela : Neip mais pomtis cum preivatud actud = neue amplius quinquies cum privato agito, de nouveau en comprenant dans le calcul le terme de la citation ; ensuite vient une exception qui n’est pas sûrement expliquée : Pruter pam medicatinom didest. On trouve des applications de cette règle dans le procès de P. Claudius Pulcher, consul en 595 (Schol. Bob. p. 337 ; cf. Val. Max. 8, 1,4) et de G. Rabirius en 691 (Dion, 37, 28). — Cependant cela ne peut être rapporté qu’au cas où une délibération déjà commencée est interrompue. Si l’accusé se fait excuser a raison d’un empêchement et que cette excuse soit admise (Tite-Live, 38, 52), rien ne s’oppose sans doute à la fixation d’un nouveau terme.

[203] Le scoliaste, loc. cit., continue en disant : Postea tribuni pl. intercesserunt, ne iidem homines in eodem magistratu perduellionis bis eundem accusarent : ilague action mutata iisdem accusantibus multa inrogata populus eum damnavit aeris gravis CXX milibus. Cf. Polybe, 1, 52.

[204] Un terme pareil est appelé contio dans Cicéron, In Vatin., 17, 40 et dans Tite-Live, 3, 40, 5. 38, 51, 6. 12. c. 52, 4.

[205] Cicéron, De leg. 3, 4, 11. c. 19, 44. Le même, Pro Sestio, 30, 65. c. 34, 13. Chez le même auteur, De re p. 2, 36, 61, un décemvir accepte caution d’un citoyen soupçonné de meurtre. Plaute, Pseud. 1232. Cette disposition embrasse, comme il va de soi et comme plusieurs des textes le confirment expressément, le cas de provocation faite dans un procès capital Mais elle ne concerné pas seulement le judicium populi ; ce qu’elle concerne en première ligne, ce sont les comices législatifs. Il est surprenant que Polybe, 6, 14, fasse rentrer dans la procédure capitale l’exilium, ce peut n’être qu’une erreur.

[206] Les multæ tribuniciennes sont de la compétence de la plèbe (Tite-Live, 4, 41, 11. 5, 12, 1. 25, 3, 4. 43, S, 9). Une procédure tribunicienne de multa soumise aux centuries est en elle-même peu probable, et on n’en trouve aucun exemple.

[207] V. tome IV, la partie des Édiles curules, sur les poursuites de multæ des édiles.

[208] V. tome III, la partie du Grand Pontificat, relativement à la juridiction des pontifes sur les prêtres appartenant à leur collège.

[209] V. tome IV, la partie de Milité, section I, sur la juridiction pénale propre des édiles, et section II, sur les procès de multæ des édiles.

[210] Plaute, Capt., 414.

[211] Le fragment d’une anquisitio conservé dans Varron, 6, 90. 91, concerne le dernier terme d’un procès capital porté par un questeur devant les centuries. D’après lui comme d’après le contrat se rapportant au même sujet conclu avec le soumissionnaire des sonneries de trompette (op. cit. 6, 92), le cornicen doit, avant le commencement des comices, faire, après le signal général, encore une sonnerie spéciale ante privati (le nom suit) scelerosi januam ou ostium.

[212] Tite-Live, 25, 2, fait la vote avoir lieu, dans un procès de multa, testibus datis. Mais, comme les comices par centuries ne sont pas, verrons-nous dans la partie qui suit, précédés dune délibération, il est douteux, au moins pour la procédure capitale, qu’il y eut encore une procédure contradictoire au dernier terme.

[213] V. tome III, la partie du Consulat, sur la juridiction criminelle du consul au cas de suspension de la provocation.

[214] V. tome IV, la partie des Magistrats auxiliaires extraordinaires, sue les magistrats auxiliaires employés dans la procédure.

[215] Asconius, In Milon. p. 37. Aulu-Gelle, 10, 20, 3.

[216] V. tome III, la partie du Tribunat, sur la suppression des procès criminels des tribuns par Sulla.

[217] Cicéron, Phil., 1, 9.

[218] V. tome III, loc. cit.

[219] V. tome IV, la partie des Duoviri perduellionis.

[220] V. tome III, la partie du Tribunat, sur les droits de coercition et de justice des tribuns.

[221] Tibère, dans Dion, 56, 40, glorifie Auguste d’avoir laissé au peuple les élections, mais de lui avoir retiré la justice ; en réalité, ce n’est pas fondé.

[222] Cf. tome V, la partie de la juridiction criminelle du prince, sur l’étendue de cotte juridiction.

[223] V. tome III, la partie du Consulat, sur la juridiction criminelle des consuls sous l’Empire.

[224] Il se peut que Tacite dise pour ce motif (Ann. 3, 72) : Id solum Germanico..... præstiterimus, quod in curia potius quam in fore, apud senatum quam apud judices de morte ejus anquiritur.

[225] Si les lois qui retirèrent le droit de cité aux Campaniens et aux Arrétins n’eurent pas d’application durable, cela ne tient pas à ce que ce droit aurait été un droit primordial qu aucune décision des comices n’aurait pu atteindre, mais u l’impossibilité pratique de la condition d’un homme libre n’appartenant à aucune cité. En droit, rien n’empêchait de transformer le citoyen même en esclave. La diatribe d’avocat de Cicéron, Pro Cæc. 33, est un discours pour la couronne.

[226] Cicéron, Ad Att. 3, 23, 2 ; Ad Att. 3, 13, 8 ; Cum sen. gr. egit, 4, 8. Un exemple est fourni par la table de Todi, qui appartient probablement à une rogation municipale (C. I. L. I, 409). Dans une autre sanctio, on défend plus raisonnablement non pas l’abrogation elle-même, mais l’abrogation per saturam. — Lorsqu’une loi exprime le contraire de cette clause d’abrogation, comme celle concernant le retour de Cicéron (Cicéron, Ad Att. 3, 23, 3 ; rapprochez tome I, la théorie des droits d’intercession et de prohibition, sur l’annulation résultant du droit des collègues d’agir en commun), cela aboutit, comme l’explique clairement Cicéron, loc. cit., à ce qu’elle maintienne en même temps ce qu’elle supprime et par conséquent s’abroge elle-même, et l’on comprend l’addition de Cicéron : In lege nulla esse ejusmodi caput.

[227] Tite-Live, 7, 17, 12. 9, 33, 9. c. 34, 6 (cf. au tome III, la partie de la Censure, sur sa durée maximum) ; Cicéron, Pro Balbo, 14, 33.

[228] Ce caput tralaticium de impunitate, si quid contra alias leges ejus legis ergo factum sit, ou cette sanctio, comme l’appelle Cicéron (Ad Att. 3, 23, 2), se trouve, également désigné comme sanctio, dans la loi sur l’imperium de Vespasien dans les termes suivants : Si quis hujusce legis ergo adversus leges rogatione plebisve scita s(enatus)ve consulta fecit fecerit, sive quod eum ex lege rogatione plebisue scito s(enatus)ve c(onsulio) facere oportebit non fecerit hujus legis ergo, id ei ne fraudi esto neve quid ob eam rem populo dare debeto, neve cui de ea re actio judicatio esto, nece quis de ea re apud [s]e agi sinito ; un peu différemment dans la loi municipale de Todi (C. I. L. I, 1409) : [Si quis ad versus alias rogationes] hujus rogations ergo fecerit quodve ex earum [aliqua facere eum oporteret, hujus rogationis ergo n]on fecerit, id ei fraudi multæ pœnæ ne esto.

[229] V. tome I, la théorie de la Représentation juridique de l’État.

[230] V. la même théorie, sur les Actes conclus entre l’État et un État étranger.

[231] V. le tome I, loc. cit.

[232] V. tome III, la partie de la Royauté, sur la défense de la rétablir.

[233] V. tome IV, la partie des Pouvoirs constituants extraordinaires, sur les tentatives de les supprimer légalement.

[234] V. tome III et IV, les passages précités.

[235] On met constamment jure avant rogare et sciscere dans les exordes des lois, montrent la formule conservée chez Probus, De litt. sing. 3, 1 et les exemples cités note 107. Il y a également jure agere dans Cicéron, De domo, 16, 42. Des formules analogues se rencontrent fréquemment.

[236] Cicéron, Cum sen. gr. eg. 41, 27.

[237] Varron, De l. L. 6, 30 : Magistratus vitio creatus nihilo setius magistratus. Par suite, les magistratus vitio creati ne cessent, comme ceux rite creati, d’être magistrats que par l’abdication ; par une conséquence logique, de pareilles magistratures sont comptées à leur titulaire (Tite-Live, 27, 22, 1) et rapportées dans les fastes.

[238] V. tome I, la partie des auspices, sur la constatation du vitium.

[239] C’est comitiatus et concilia..... habita rescindere, dans Cicéron, De leg. 2, 12, 31 (v. tome I, la même partie, sur la nuntiatio des augures).

[240] Vitio facti abdicarunt est la formule employée dans ce sens par les fastes Capitolins (années 523. 592), et elle se retrouve fréquemment ailleurs.

[241] Par suite, si les magistrats dont la nomination est vicieuse ont seuls qualité pour présider les nouveaux comices, il se produit régulièrement un interregnum (Tite-Live, 4, 7. 5, 17), et il n’arrive jamais qu’un magistrat ainsi nommé préside les comices avant son abdication ; le vitium existant à son égard se transmettrait visiblement à celui qui serait nommé par lui (Tite-Live, 8, 17). Cf. tome I, la partie des Auspices, sur les auspicia patrum.

[242] Dion, 54, 24.

[243] Ainsi en particulier pour des dictateurs : Tite-Live, 6, 38, en 380 ; 8, 15, en 417 ; 8, 17, en 420 ; 8, 23, en 427 ; 9, 7, en 438 ; 22, 23, en 537 ; aussi pour des tribuns militaires consulari potestate : Tite-Live, 4, 7, en 310 ; 5, 17, en 357. On tenta, en 531, d’obtenir, par les mêmes motifs, l’abdication d’un consul, de C. Flaminius, et on réussit à obtenir, en 539, celle de M. Marcellus (Tite-Live, 23, 31 ; Plutarque, Marc. 12), — c’était la première fois que deux consuls plébéiens devaient exercer leurs fonctions en même temps, — puis ensuite celle dey deux consuls de 592, le collège des augures ayant officiellement informé le sénat d’un vice commis dans leur élection (voir tome I, la partie des auspices, sur la constatation du vice). Des exemples sont donnés pour les censeurs par Tite-Live 6, 23, 5 et les Fastes Capitolins de 523 ; Dion, 54, 24, en donne un pour les édiles cura-les. Je ne relève ici que les cas où l’abdication est expressément rattachée à un vitium ; mais c’est probablement avec raison que Rubino, p. 88, admet que, dans toutes les hypothèses où est provoquée une abdication extraordinaire, le motif, ou du moins le prétexte a été dans un vitium défini daine façon plus ou moins positive.

[244] Les tribuns du peuple, en 462, (Tite-Live, 10, 47), les édiles du peuple, en 552, (Tite-Live, 30, 39) abdiquèrent leur magistrature comme étant vitio creati.

[245] Une institution analogue à l’interregnum faisant défaut pour le tribunat, les tribuns dont la nomination était vicieuse ne pouvaient être remplacés par d’autres que si le vice avait été signalé avant leur entrée en fonctions. Car, si les tribuns en exercice se retiraient sans nommer de successeurs ils ne manquaient pas seulement à nue des lois fondamentales de la plèbe, ils anéantissaient le tribunat ; et, s’ils présidaient eux-mêmes à l’élection de leurs successeurs, il n’y avait avec leur retraite rien de gagné. On accueillera, par conséquent, le témoignage sur l’an 462 avec d’autant plus de défiance qu’il ne se reproduit pas un seul cas de ce genre dans la tradition sûrement historique.

[246] Plutarque, Marc. 4 ; Zonaras, 8, 20 ; Tite-Live, 21, 63, 7.

[247] C’est à cela que se rapporte le capital esto de Cicéron (v. tome I, la partie des Auspices, sur la constatation du vice) ; cf. aussi De n. d. 2, 3, 7 et De div. 2, 32, 71.

[248] Le langage de Caton (dans Plutarque, Cato min. 40. Cic. 34) est digne d’être remarqué si Clodius n’avait pas été plébéien, toutes ses rogations seraient nulles ; mais, comme son adoption a été accomplie dans les formes légales, elles sont, y compris celle relative à Cicéron, inattaquables en droit.

[249] Par conséquent, la compétence du magistrat ordinaire ne peut jamais être élargie par l’élection, la compétence du magistrat constituant ne peut par exemple pas être ainsi attribuées au consul (cf. tome IV, la partie des magistrats constituants extraordinaires). Mais l’acte peut être valable d’une façon modifiée en s’écartant des règles établies, une magistrature plus ou moins extraordinaire être créée par une résolution populaire, par emprunt à une magistrature ordinaire existante. Ainsi le titre de consuls bien pu être refusé aux tribuns militaires mis à la place des consuls, mais la consularis potestas n’a pu leur être contestée (cf. tome III, le début de la partie du tribunat consulaire). Les rigoristes qui refusaient le titre de dictateur au dictateur élu par les comices en 531 le reconnaissaient pourtant pro dictatore (v. tome III, la partie de la Dictature, sur l’autorité qui fait la nomination).

[250] Appien, Lib. 112 (de même, prétend-on, pour les élections pour 620 : Appien, Hisp. 84). Dans l’incident analogue de 466, où l’élection de Q. Fabius avait pour obstacle le défaut de l’intervalle de dix ans, les tribuns s’offrirent à proposer une loi d’exception pour le candidat ; ce qu’il refusa ; l’élection eut lieu néanmoins et fut tenue pour valable. En la forme, elle ne l’était probablement pas. Il est concevable que le privilegium personnel soit ici blâmé — regi leges, non regere, dit Fabius contre lui — et qu’en 607 on lui préfère l’abrogation de la loi : le vice de forme était ainsi masqué, mais quand, en présence de l’organisation de la machine législative romaine, on faisait intervenir des privilegia dans l’organisation électorale, on pouvait tout aussi bien l’abroger elle-même.

[251] Dans Cicéron, De leg. 2, 6, 14, Marcus demande : Tu Titias et Appuleias leges nullas esse putas ? et il continue, après avoir reçu la réponse : Ego vero ne Livias quidem, en disant : Et recte, quæ præsertim uno versiculo senatus puncto temporis sublatæ sine. La nullité était motivée sur l’inobservation d’un signe divin (Appien, B. c. 1 ; 30 ; De viris ill. 73, 1).

[252] Cicéron, De leg. 2, 6, 14 (note ci-dessus). Il dit, De leg. 2, 12, 34, que la résolution du sénat avait pour base un decretum du collège des augures. Le signe ex avibus rapporté par Obsequens 46, doit avoir figuré là dedans.

[253] Cicéron, De leg. 2, 6, 14 (note ci-dessus). Asconius, In Cornel. p. 68. Cicéron, De leg. 2, 12, 31, montre que le collège des augures ne fut pas interrogé dans ce cas, et que l’auteur de la proposition s’occupa seul de ces raisons en sa qualité d’augure. Cependant on critique aussi l’inobservation du délai de la promulgation (Cicéron, De domo, 16, 41), et la rogation per saturam (le même, 19, 50). Cf. encore Diodore, Fr. Vat., éd. Dindorf, p. 127.

[254] Dion, 36, 25. Asconius, In Cornel. p. 65, indique que l’inobservation du délai de promulgation fut ici le motif de la cassation.

[255] P. Clodius soutint, en qualité de tribun du peuple, omnia quæ C. Cæsar esset, quod contra auspicia essent acta, per senatum rescindi oportere (Cicéron, De domo, 15, 40). Les lois consulaires d’Antoine furent également cassées par le sénat comme ayant passé per virm et contra auspicia (Phil., 5, 4, 10. 11, 6, 13. 12, 5, 12. 13, 3, 5).

[256] Cicéron examine, dans le discours pour C. Cornelius, évidemment d’après les auteurs de droit public, les quattuor genera in quibus per senatum more majorum statuatur aliquid de legibus (chez Asconius, p. 67) ; il ne nous en est conservé que le premier : la décision recommandant l’abrogation d’une loi à cause de son inopportunité, et le quatrième dont il s’agit pour nous ici : Quæ lex lata esse dicatur, non videri populum teneri ou, comme la règle est formulée ailleurs (De leg. 2, 32, 31) par rapport aux augures, leges nov jure rogatas tollere.