Les individus appartenant à la cité romaine, qui étaient à l’origine privés du droit de cité donnèrent à leurs efforts pour écarter cette infériorité deux directions distinctes qui se contredisaient en principe l’une l’autre. La lutte des classes a pour but à la fois l’établissement de l’égalité des droits entre le plébéien isolé et le patricien, et la constitution de la plèbe en une communauté séparés. La première tendance est la plus ancienne, c’est aussi la tendance naturelle, et elle est arrivée à ses fins. Les premières phases en remontent jusque par delà toute tradition. La plus précoce d’entre elles qui soit formulée par les annalistes est la réforme de Servius. Cette tendance n’a pas besoin d’une exposition spéciale, et elle n’en est même pas susceptible ; car elle n’a eu pratiquement pour objet que les différents droits : l’admission au droit de famille et au droit du patrimoine, la capacité de plaider en justice sans le concours du patron, le service de soldat et d’officier, le droit de voter dans les centuries et les curies, celui de siéger dans le conseil de la cité, la communauté du mariage, les magistratures et les sacerdoces, et enfin le service de cavalier dans les six centuries nommées. Au point de vue politique, le résultat total de ces différents actes est bien la réalisation de l’égalité entre le plébéien et le patricien. Mais, à vrai dire, c’est là une abstraction. En droit public rigoureux, pour une partie, les plébéiens n’ont pas obtenu l’égalité, et, pour une autre partie, ils ont acquis des privilèges qui mettent les patriciens dans un état d’infériorité. Nous laissons ici de côté ce développement. Ce qu’il nous faut étudier, quant à son principe et à ses résultats, c’est la constitution en communauté séparée, en plebs, des membres de la cité qui étaient exclus de l’union des citoyens. A l’inverse de la première tendance, celle-ci semble contre nature et dépourvue de conclusion pratique. Elle ne commence non plus à se développer que relativement tard. Selon la formule des Annales, la plèbe se constitue la 168 année de la République, la 260e après la fondation de Rome, à la suite de la retraite des plébéiens de la ville. il n’y a pas, dans notre tradition, de préhistoire de la plèbe. Certainement la plèbe n’est pas plus née comme corps distinct, en 260, sur le Mont sacré ou l’Aventin, que Pallas Athénè n’a jailli de la tète de Zeus. Mais nos anciens maîtres se sont eux-mêmes abstenus de faire des combinaisons de droit public sur sa genèse, et le mieux est pour nous de suivre leur exemple. Supprimée en 302 par l’établissement du gouvernement des décemvirs, la plèbe fut rétablie sur son ancienne base, dès 305[1]. Sa constitution fut achevée par les institutions provoquées en 465-468 par le dictateur Q. Hortensius. Les trois grandes phases des années 260, 305 et 465-468 se rattachent toutes à l’idée de sortie de la cité (secessio). La première constitution de la plèbe, son rétablissement, son organisation définitive[2] sont trois compromis conclus par la cité avec des membres qui l’ont quittée. Le but des sécessionnistes, auquel ils renoncèrent à la suite de ces compromis, n’est précisé, dans notre tradition, pour aucune des trois sécessions[3] ; il ne peut pas avoir été essentiellement différent de celui poursuivi par les Italiens dans la guerre sociale. Il s’agit toujours d’une révolution et du moyen d’y parer. Ce que la cité légitime accorda aux séparatistes pour les déterminer à revenir dans la communauté, ce fut, tout comme dans la guerre sociale, le demi accomplissement de leurs vœux. La constitution de la plèbe est l’organisation restreinte et enchâssée dans les institutions existantes, mais durable, de la communauté qu’aurait créée la révolution triomphante[4], l’établissement d’un. État dans l’État, une institution qui, pour peu qu’elle s’étende, devient la ruine de l’État. Aucune nation n’a réalisé l’œuvre de la réforme constitutionnelle avec une constance aussi grandiose que la nation Romaine dans la lutte des plébéiens pour l’égalité ; mais aucune n’a non plus donné à l’œuvre de la Révolution, quelque choquante qu’elle fût en théorie et en pratique pour l’organisation, une expression aussi durable que n’a fait la nation Romaine dans les institutions plébéiennes. Toute association existant dans l’intérieur de l’État a des assemblées et des chefs ; cependant les associés ne forment pas, au point de vue du droit public, une unité coordonnée à l’État. Mais ce ne sont pas les plébéiens qui prennent des résolutions, c’est la plebs, et c’est à la tête de la plebs et non pas des plébéiens que sont les tribuns elle les édiles. La plebs n’a rien de commun avec le collegium ; elle est mise sur la même ligne que le populos : les Grecs anciens traduisent avec raison à la fois populus et plebs par δήμος[5], tandis que plus tard, afin de distinguer, on employa pour la plebs le mot synonyme πλήθος, par opposition à δήμος réservé au populus[6]. De même que la civitas est le fait d’appartenir au populus, le fait d’appartenir à la plèbe est, à l’époque ancienne, désigné par le mot plebitas[7] qui disparut plus tard avec la distinction. L’idée est d’accord avec le mot. La plebitas est, ainsi que nous l’avons déjà vu, non pas de même valeur, mais de même nature que la cité. Le plébéien n’appartient pas à la plèbe, comme le charpentier au collegium fabrum, mais comme le citoyen à l’État. On n’appartient pas à la plèbe en vertu de son libre choix ou de ses opinions politiques, mais en vertu de la naissance ou de la loi. Sous ce rapport, la plebi est pareille au populus. Mais les institutions ne correspondent pas au principe pour à communauté les points fondamentaux. La cité est établie à l’intérieur pour l’administration de la justice en temps de paix, à l’extérieur pour la guerre ; elle exige une armée et des impôts ; elle ne peut être imaginée sans un conseil communal ; elle est titulaire de droits de propriété et de créances. La plèbe ne possède aucun de ces pouvoirs. Ses chefs n’ont jamais tranché un procès civil ni exercé un commandement militaire, une armée plébéienne et des impôts plébéiens iraient contre le sens ; il n’y a pas de sénat plébéien ; la propriété, les créances, que peut avoir tout collège, sont refusés à la plèbe, il n’y a ni res plebeia ni ærarium plebis[8] ni alter plebeius. Tandis que la distinction entre les actes publics accomplis à l’intérieur (domi) et ceux accomplis au dehors (militiæ) est de l’essence de l’État romain et que l’on n’y peut concevoir l’un des deux cercles sans l’autre, toutes les institutions plébéiennes ont leur limite à la première borne milliaire. Au delà, il n’y a plus ni patriciens ni plébéiens, il n’y a que des citoyens romains. Tous les droits par lesquels seuls l’État est l’État, en théorie comme en pratique, manquent à la plèbe, et ils ne lui manquent pas comme lui manquait, par exemple, la communauté de mariage avant la loi Canuleia ou l’éligibilité avant la loi Licinia ; il n’y a jamais eu, il n’y a jamais pu avoir d’agitation tendant à l’acquisition par elle de ces droits. L’idée de révolution organisée est une idée qui s’anéantit elle-même. L’essai de considérer cette révolution comme terminée et celui de la terminer seraient, l’un et l’autre, le premier au point de vue théorique, le second au point de vue pratique, peut-être la création d’un État nouveau, mais certainement la fin de l’État romain. Cette institution est précisément un compromis auquel restèrent toujours, malgré toute la logique et l’énergie que l’on put déployer là dans l’organisation politique, sa faiblesse et son illogisme natifs. Rien ne le montre plus clairement que le résultat final. Le mouvement de la plèbe tendant à sa constitution en État séparé est, au point de vue de la forme, arrivé, par la loi Hortensia, plus complètement à son but que celui qui tendait à l’égalité politique des deux ordres. Mais pratiquement il a pour résultat deux principes relativement indifférents, ceux selon lesquels le nombre des magistrats supérieurs de l’État se trouve augmenté et le peuple peut valablement voter dans ses assemblées primitives, soit avec la noblesse, soit sans elle. Si la plèbe n’est ni ne peut être un véritable État, les éléments qui sont communs à l’État et à toute société s’administrant elle-même, les chefs et l’assemblée délibérante de la communauté sont, pour la plèbe, aussi rapprochés qu’onde peut sans détruire l’essence du populus, des magistrats et des comices de l’État quant à la forme, et, quant au fond, ils ont les pouvoirs des magistrats de l’État et des comices de l’État. La nomination des tribuni plebi et des ædiles plebi sur le modèle des consuls et des questeurs, et l’attribution aux premiers du droit de prohibition qu’a le magistrat de l’État contre son collègue sont étudiées, en détail, dans la théorie des Magistratures. Il faut seulement rappeler ici, pour faciliter la conception d’ensemble des institutions plébéiennes, que le terrain sur lequel existaient les magistrats de la plèbe n’était pas le terrain juridique de la loi ; c’était celui du serment prêté par la plèbe, — considérée ici comme État, — pour elle-même et pour sa postérité, d’user du droit de se faire soi-même justice contre quiconque porterait atteinte soit à la compétence soit à la personne de ces magistrats[9]. Assurément on a tenté de remplacer ce fondement, manifestement révolutionnaire, par une légitimation légale. On l’a tenté de deux façons, partie en appuyant l’inviolabilité tribunicienne sur une loi consulaire, rendue lors du rétablissement du tribunat, après la chute des décemvirs[10], partie en essayant de faire rentrer le rapport du peuple et de la plèbe parmi les conventions internationales et de transporter les privilèges de cette dernière sur le terrain légal du fœdus. Mais la seconde conception est peu topique, elle ne parait pas autre chose qu’un essai malheureux fait par les jurisconsultes romains pour écarter en théorie cette pierre d’achoppement de leur route ; et, si, par le premier moyen, l’inviolabilité des tribuns reçoit un fondement juridique formel et peut dès lors se passer du fondement religieux, le caractère sacro-saint du tribunat n’en continua pas moins à être regardé, probablement par suite de sa portée essentielle d’opposition, comme étant non seulement son caractère originaire, mais son caractère décisif. La révolution organisée réclamait et conserva comme fondement la force révolutionnaire. Il nous reste à étudier les pouvoirs de l’assemblée composée de l’ensemble des plébéiens à l’exclusion des patriciens[11] et la force législative de ses résolutions. Là encore la plèbe se révèle, aussi bien dans la terminologie que dans les institutions, comme un État dans l’État, comme une copie du populus qui veut être le populus et qui ne l’est pas. L’assemblée compétente pour émettre l’expression légitime de la volonté du peuple porte la dénomination de comitia. Le défaut de compétence semblable de l’assemblée des plébéiens trouve son expression dans la terminologie : l’assemblée des plébéiens est appelée concilium[12] en grec σύλλογος[13], c’est-à-dire la convocation, d’une dénomination qui, non seulement quant à l’étymologie, mais aussi pratiquement, s’applique à n’importe quelle assemblée non comitiale de citoyens quelconques[14]. Cette distinction a été maintenue longtemps après que la compétence du concilium, avait été assimilée à celle des comices. Ce sont seulement les écrivains du temps de l’Empire qui emploient comitia d’une manière générale, pour toutes les assemblées de citoyens où l’on vote[15]. Le fait que la résolution des plébéiens ne lie pas le peuple est également exprimé par la terminologie : ce qui lie juridiquement se dit lex et l’acte de lier jubere, tandis que pour la plèbe on emploie les expressions indifférentes qui signifient résoudre et résolution, scissere, scitum[16]. Cependant, lorsque, selon les règles citées plus bas, la résolution de la plèbe oblige le peuple, elle reçoit, à. côté de la dénomination de plebi scitum, encore celle de lex, et cette dénomination a fréquemment été employée pour les plébiscites obligatoires, à l’époque ancienne comme à la moderne[17]. Jubere a été, à aussi bon droit, appliqué à la plèbe, et la formule : Velitis jubeatis, quirites, rogo s’emploie pour le plébiscite comme pour la loi proprement dite. Comme toutes les autres prescriptions fondamentales relatives aux comices, la nécessité de la distribution régulière du peuple s’applique au concilium ; mais en outre les sections dans lesquelles la plèbe est distribuée pour le vote sont celles du peuple patricio-plébéien, déduction faite des patriciens. Les plébéiens ne sont à la vérité jamais réunis par centuries ; car toutes les institutions militaires font défaut à leur communauté ; en particulier les tribuns de la plèbe, qu’ils aient ou non emprunté leur nom aux officiers de la légion[18], n’ont pas de commandement militaire[19], et l’emploi des simples formes militaires n’est pas lui-même compatible avec les bornes dans lesquelles ils sont enfermés[20]. On ne pouvait donc trouver pour la plèbe une autre distribution que celle par curies. Les maîtres du droit public romain regardent aussi en effet l’élection par curies comme la forme primitive de nomination des tribuns[21] ; seulement ils pensent là à l’assemblée patricio-plébéienne et non à, une assemblée des plébéiens distribuée par curies[22]. Mais c’est inconciliable avec la nature de la plèbe, et cette allégation n’est probablement elle-même qu’une conclusion tirée de deus faits bien établis, du fait que la plèbe n’a jamais pu se réunir par centuries, et de celui que sa constitution remonte à une époque où le populus ne se réunissait pas autrement que par centuries et par curies. Personne ne s’avisera aujourd’hui de vouloir déterminer de plus près la constitution d’une assemblée de plébéiens votant par curies, les patriciens exclus ; cependant, puisque l’on appartient à la curie exclusivement en vertu de sa geais et que, dans l’intérieur de la curie comme dans tout autre corps électoral romain, l’on vote par tètes, les familles nobles peuvent avoir possédé par leurs clients une influence décisive dans cette assemblée. D’après une tradition, selon toute apparence digne de foi, le vote par curies fut remplacé, en 283, sur la proposition du tribun du peuple Volero Publilius, par le vote par circonscriptions territoriales, par tribus[23]. Il est évident, et il est signalé par les annalistes[24] que les hommes qui dirigeaient la plèbe devaient tenir avant tout à séparer les membres de la cité qui étaient en fait indépendants des anciens citoyens et ceux qui eu dépendaient en fait, à séparer les plébéiens des clients, afin d’avoir au moins solidement dans la main leur assemblée propre pour leurs résolutions et aussi pour leurs élections. Ce résultat ne pouvait être atteint plus simplement qu’en attribuant les votes aux propriétaires fonciers plébéiens par le transfert de la compétence aux circonscriptions territoriales. En face des curies, dans lesquelles chaque plébéien avait sa place, il y a la une restriction du droit de vote analogue à celle qui réservait les centuries d’hommes armés exclusivement aux propriétaires fonciers la suite de la noblesse se trouva par là exclue des deux assemblées. De l’emploi fait alors pour la première fois de la tribu relativement au vote, il faut rapprocher le fait que, d’une part, ainsi que nous verrons, le nombre des districts fut probablement fixé à vingt lors de l’addition des tribus rustiques aux tribus urbaines, et que, d’autre part, il y avait 21 tribus avant l’an 365. Le nom de la 21e tribu, ajoutée, selon toute apparence, à ce moment, de la tribu Clustumina, est celui du lieu clans lequel s’accomplit la constitution de la plèbe en 260 et duquel la sécession d’alors prit le nom de sécession Clustumina[25]. Pour le concilium de la plèbe, dont la principale fonction fut, dès. le principe, l’élection de ses chefs, le nombre pair des unités électorales était incommode ; on l’aperçoit encore à ce que, dans les nombreuses augmentations qui portèrent depuis le chiffre des tribus de 21 à 35, on a toujours observé-le principe des chiffres impairs. La création de la 21e tribu a donc probablement été une portion intégrante de la transformation de la plèbe opérée par la loi Publilia, transformation qui, au point de vue politique, mérite peut-être plus que la première constitution elle-même d’être regardée comme le début de l’institution. À partir de là, les magistrats de la plèbe, édiles et tribuns, ont été constamment élus par le concilium distribué par tribus. Pour l’existence de la plèbe, la condition préalable était que son droit de se rassembler et de prendre des résolutions dans ses assemblées fut soustrait à l’arbitraire du peuple, que la puissance souveraine de l’État fût limitée sous ce rapport. Cela est en effet arrivé, et c’est dans ce droit de réunion et de décision de l’État séparé, qui ne pouvait être supprimé par aucun acte législatif du peuple, que la nature révolutionnaire de l’institution trouve son expression la plus profonde et en même temps la plus palpable. Ce droit a pour sauvegarde, à coté du droit d’intercession accordé aux tribuns contre les rogations soumises au peuple[26], avant tout la prétendue loi Icilia, punissant quiconque empêche d’une manière quelconque une réunion de la plèbe[27]. Relativement à la validité des résolutions de la plèbe, il faut, comme pour les résolutions des comices, distinguer les trois domaines de l’élection des magistrats, des procès criminels et de la législation. Mais, tandis que l’activité des comices a commencé par la législation à laquelle se sont plus tard jointes les procédures criminelles et enfin les élections de magistrats ; celle de l’assemblée plébéienne s’est développée dans l’ordre inverse. Sur le droit de la plèbe de se choisir, comme le peuple, des chefs propres, les tribuns et les édiles, et sur les fonctions de ces chefs dans l’État, le nécessaire a été dit dans la partie des Magistratures. Il suffit ici de rappeler que les tribuns ne peuvent être conçus sans l’égalité de collègues avec les magistrats supérieurs pour le droit de prohibition et sans le droit d’empêcher et d’anéantir légalement leurs actes par l’intercession ; pouvoirs qui sont des pouvoirs de la plèbe en ce sens que c’est d’elle que les tribuns reçoivent leur mandat. En matière criminelle aussi, nous pouvons renvoyer soit aux développements donnés sur le tribunat et l’édilité, soit à la partie dans laquelle nous traiterons de la compétence des différentes assemblées des citoyens. Cette procédure a ici pour origine la justice qu’on se fait à soi-même, et le serment collectif qui est le fondement général de l’existence de la plèbe est formulé dans ce sens[28]. La justice criminelle de la plèbe, telle qu’elle fonctionne dans la constitution romaine moderne, est la copie de la procédure légale de provocation. Il est dans la nature des choses qu’elle puisse être exercée aussi bien contre les patriciens que contre les plébéiens, qu’elle le soit même, en pratique, principalement contre les premiers[29]. Le fait qu’elle n’intervient que lorsque la plèbe elle-même est lésée concorde en principe avec ce qui existe pour la procédure criminelle légale ; car celle-ci se borne pareillement en principe à réprimer les actes par lesquels un préjudice est causé à la cité elle-même. A la vérité, cette idée, susceptible d’une extension très diverse, a été conçue plus étroitement dans la procédure criminelle plébéienne que dans la procédure criminelle légale : le meurtre d’un citoyen tombe sous l’empire de la dernière ; la première ne s’étend probablement qu’aux actes positifs ou négatifs portant atteinte aux privilèges de la plèbe[30]. Au surplus, la condamnation est ici prononcée par les tribuns comme dans la procédure légale elle l’est par les magistrats patriciens, et le concilium plebis est saisi de l’affaire par la provocation[31]. Les autres règles posées par la loi des Douze Tables et les lois postérieures relativement à la compétence pénale des magistrats plébéiens et du concilium plébéien seront étudiées à propos de la compétence des comices. Quant aux lois, par lesquelles nous entendons, conformément à l’usage romain, toutes les résolutions du concilium qui ne sont ni des nominations ;de magistrats plébéiens ordinaires, ni des verdicts rendus sur une provocation adressée à la plèbe, la tradition qui nous est parvenue est incomplète et obscure. Selon la teneur de cette tradition, toutes les lois déjà nommées, le plébiscite constitutif de 260[32], le plébiscite Icilien, le plébiscite Publilien, et de même la décision selon laquelle il n’est plus permis aux comices d’exercer leur pouvoir législatif au préjudice d’une personne isolée[33], existent de droit, sans qu’il faille pour cela rien autre chose que la volonté de la majorité de l’assemblée de la plèbe et son serment, sans notamment qu’il faille une ratification spéciale de la cité légale ou de ses organes, en particulier sans la confirmation du sénat patricien (patrum auctoritas) qui est en principe inapplicable aux plébiscites[34]. Cette conception a pour base l’idée que ces lois ne concernent que les seuls plébéiens et que la plèbe a le droit de lier les plébéiens. Mais cela est faux logiquement et pratiquement. L’autonomie reconnue au collegium, qui n’empiète jamais sur les droits du peuple, ne peut pas être reconnue à la plèbe ; car la plèbe n’est pas un collegium ; elle est elle-même un État. Le caractère obligatoire pour le peuple des résolutions votées par la plèbe n’est qu’une autre expression de leur validité. Ni les nominations d’autorités destinées à annuler les actes des magistrats, ni les procédures pénales intentées contre les citoyens nobles comme contre ceux qui ne le sont pas, ni les lois qui rendent ces institutions plébéiennes permanentes et inviolables pour l’assemblée souveraine du peuple, ne concernent exclusivement les plébéiens : elles lient tout le peuple. Cependant, si indubitable que cela soit, la Révolution dont cette institution est l’organisation, a conçu l’autonomie plébéienne en ce sens qu’une résolution prise par la plèbe relativement à la plèbe a force de loi absolue[35]. Mais, quand bien même les plus anciens plébiscites jurés pourraient se grouper sous l’idée que la résolution de la plèbe est valable, si c’est la plèbe qu’elle concerne en première ligne, il faudrait tout au moins, pour le régime régulier de l’époque récente, une reconnaissance en forme légale de cette validité du plébiscite. Et même cela ne suffirait pas. Il y a une série d’anciens plébiscites dont la validité était reconnue, la loi Terentilia promulguée en 292, qui a été l’origine du décemvirat et de la loi des Douze Tables[36], la loi Canuleia sur les mariages patricio-plébéiens, la loi Licinia de 387 sur l’admission des plébéiens à la magistrature suprême, la loi Ogulnia de 454 sur leur admission aux sacerdoces, qu’il est impossible de faire rentrer sous l’idée de l’autonomie plébéienne, si élastique qu’on puisse l’imaginer. D’un autre côté, c’est un point établi que le concilium de la plèbe fut mis seulement par la loi Hortensia qui se place entre 465 et 468, sur le même pied que les comices quant au pouvoir de faire des lois. Si la loi Valeria Horatiade 305[37] et la loi Publilia de 415[38] qui attribuent la même force aux résolutions des tribus se rapportent aux résolutions du concilium de la plèbe et non, comme il est plus vraisemblable, à celles des tribus patricio-plébéiennes, il n’y a aucune espèce de clause limitative dans la rédaction de ces deux lois qui nous a été transmise. En tout cas, il est également incontestable que, d’une part, de nombreux plébiscites présentés avant la loi Hortensia et concernant directement l’ensemble du peuple ont été valables en la forme et que, d’autre part, les plébiscites ne l’étaient pas jusqu’alors en général. Probablement une résolution du peuple semblable à la loi Hortensia a décidé, nous ne savons quand, mais dès avant la loi des Douze tables, qu’une rogation soumise à la plèbe avec l’assentiment du sénat obligerait les citoyens, si elle était admise par la plèbe, tout comme si elle avait été approuvée par les comices. Les récits des Annales sur ces anciens plébiscites obligatoires pour tout le peuple sont toujours rédigés dans le même sens : les tribuns ne peuvent présenter sans autre forme leur proposition aux comices ; ils s’efforcent, souvent pendant des années, d’écarter un obstacle constitutionnel obscurci dans notre tradition, tandis que, la rogation une fois faite, sa validité est hors de doute. L’obstacle ne peut avoir été que dans l’assentiment du sénat[39]. Tous les plébiscites valablement votés avant la loi Hortensia semblent, d’après la relation des Annales, l’avoir été sur l’assentiment du sénat[40]. Si l’autorisation préalable du sénat était requise, à l’époque ancienne, pour les plébiscites, le jour se fait sur le renseignement, aussi digne de foi que singulier, selon lequel les édiles de la plèbe avaient, depuis 305, la surveillance des sénatus-consultes déposés au temple de Cérès[41] ; ils ne peuvent pas avoir été, à cette époque, des archivistes sénatoriaux ; mais ils peuvent avoir été les gardiens des actes du sénat desquels dépendait la force obligatoire des plébiscites. En outre, Sulla a rétabli, en 666, un système ancien, mais depuis longtemps abandonné en décidant qu’aucune rogatio ne pourrait être soumise à la plèbe qu’avec l’assentiment du sénat[42], et nous trouvons encore, dans un plébiscite de 683 rendu sous l’empire de la législation de Sulla, la note : de senatus sententia[43]. La règle selon laquelle la volonté autonome de la plèbe est valable si elle concerne principalement la plèbe, devient elle-même, avec cette supposition, jusqu’à un certain point compréhensible. Il n’y a pas là un criterium absolu de validité, mais une règle de conduite suivie par le sénat lorsque son assentiment lui est demandé. On comprend que le sénat ne devait pas se risquer à refuser son autorisation à des projets qui pouvaient facilement être ramenés sous l’empire de cette idée, et qu’il lui fallut également donner son consentement à quelques autres pour lesquels ce principe ne pouvait que faussement être invoqué ou même ne l’était pas. A la place de la validité conditionnelle des plébiscites, la loi Hortensia, délibérée sans doute avec les centuries par le dictateur Q. Hortensius, mit, comme il a été dit, entre 465 et 468, leur validité sans conditions. Désormais toute résolution convenue entre le tribun du peuple et la plèbe eut la même force obligatoire que celles convenues entre un magistrat patricien et les centuries ou les tribus patricio-plébéiennes[44]. Cette innovation s’exprime dans la terminologie : la dénomination lex, qui était antérieurement appliquée à certaines résolutions particulières de la plèbe, l’est maintenant à toutes sans distinction, et, même dans les citations de lois isolées, il est souvent fait une mention expresse de l’égalité existant entre les décisions du peuple et celles de la plèbe[45]. Les règles spéciales sur la compétence des différents comices ne furent pas atteintes par cette disposition générale ; les élections des magistrats ordinaires continuèrent à s’accomplir selon le système électoral établi pour chaque catégorie, et les règles de compétence relatives à la provocation restèrent également en vigueur, ainsi qu’il sera montré ailleurs plus en détail. — Nous avons déjà dit que Sulla remit en exercice, en 666, le système antérieur à la loi Hortensia. Mais la loi Pompeia rendit, en 683, leurs anciens pouvoirs législatifs aux tribuns et au concilium plebis, et il n’y eut plus ensuite de changement. |
[1] Voir, tome III, le commencement de la partie du Tribunat.
[2] A mon avis, il n’y a pas à douter du fait des trois sécessions, bien que ce qui est raconté de la première remonte difficilement à des documents contemporains. L’existence de la plèbe avant la loi des Douze Tables est suffisamment certaine ; la constitution d’elle-même et de ses tribuns sur le Mont sacré, faiblement attestée par l’histoire et énergiquement localisée pomme elle l’est, rentré, aussi bien que le gouvernement royal primitif, parmi ces événements qui ont été maintenus dans la mémoire des générations suivantes moins par des récits que par les institutions elles-mêmes.
[3] Les trois récits ne vont pas au delà de l’idée négative contenue dans le mot secessio. Denys seul, 6, 79. 90, dit que les sécessionnistes de 260 avaient le projet de se disperser dans le monde ; si cette conception paisible et débile est vraiment empruntée à d’anciennes annales, c’est que leurs auteurs n’auront pas voulu raconter le conflit dans sa violence. Selon le meilleur témoignage que nous ayons sur la seconde sécession, celle de 304-305, ses auteurs avaient l’intention de s’emparer de la ville par les armes (Diodore, 11, 24. 25). Quant a la troisième, celle de 465-408, qui est la seule sur laquelle nous puissions attendre un témoignage digne de foi dans le détail, noies n’avons pas de relation approfondie. Il n’est jamais question du projet de fonder une autre ville ; au reste, une pareille fondation ne pourrait être imaginée comme but de la sécession que dans le sens, par exemple, où l’on peut représenter la fondation de la ville Italia comme le but de la guerre sociale.
[4] C’est pour cela que les sécessions elles-mêmes ont lieu eu dehors du nomerium, sur le Mont sacré, au bord de l’Anio, sur l’Aventin et sur le Janicule, tandis que l’activité de la plèbe se meut dans l’intérieur de la ville.
[5] La preuve en est la qualification δήμαρχος qui se rencontre déjà dans un acte publie de l’an 561 de Rome et qui a été constamment maintenue. Cf. tome III, la partie du Tribunat, sur le titre des tribuns. Si cette dénomination avait été introduite en vue des chefs des diverses tribus, l’analogie du δήμαρχος athénien aurait pu déterminer le choix de l’expression ; mais, la tribu s’appelant on aurait du plutôt dire φύλαρχος ; en outre il n’est pas douteux que δήμαρχος est simplement la traduction de tribunus plebi. C’est surprenant en ce sens que, comme me le fait remarquer Wilamowitz, les chefs de l’État chez les Grecs portent bien fréquemment la qualification analogue de δαμιοργοί mais ne s’appellent δήμαρχος nulle part ailleurs que dans la ville campanienne de Neapolis (C. I. L. X, p. 112). C’est par conséquent airs Grecs de Campanie que les Romains ont emprunté la dénomination grecque du tribun du peuple. Il est probable que cette expression ne fut introduite qu’après la loi Hortensia, lorsque populus et plebs étaient devenus politiquement des synonymes (v. la note qui suit) et que les tribuns de la plebs pouvaient aussi bien être appelés des chefs du peuple que les consuls.
[6] Diodore emploie déjà δήμος et πλήτος (par exemple : 12, 25). Dion Cassius fait une distinction technique que la terminologie romaine ne fait pas entre la plèbe de la république, à laquelle il oppose les patriciens, et celle de l’Empire, à laquelle s’opposent les sénateurs et les chevaliers ; lui aussi appelle la première πλήθος (par exemple fr. 63. 42, 29. 43. 45. 51. 53, 21. 55, 34. ss., 2. 20), et il désigne la seconde par le mot όμιλος (41, 7. 34, 25. 46, 35. 60, 7), que, dans le langage habituel da récit, il emploie pour la multitude et ne met que très rarement à la place de πλήθος (53, 21, rapproché de 38, 8. 39, 29). Οχλος a toujours un arrière sens défavorable. — Polybe ignore absolument la distinction : il ne connaît que le δήμος (6, 14. 15. 17. 15, 19, 7. 18, 42. 21, 21, 2) qu’il appelle d’ailleurs aussi πλήθος (6, 17. 16, 15, 11) ; et, comme il écrit en homme politique et non en antiquaire, il a parfaitement raison de prendre au sérieux la formule : lex sine id plebi scitum est. Il serait à souhaiter qu’on suivît son exemple et qu’on ne se laissât pas masquer la vue de l’histoire moderne de la république par les ruines de l’ancien système.
[7] Il se trouve dans Caton, éd. Jordan, p. 49 : Propter tenuitatem et plebitatem et dans Cassius Hemina.
[8] D’où la consecratio bonorum et, pour les procès en paiement d’amendes, la judicatio in sacrum (v. tome I, la partie du Droit de coercition du magistrat) ; les deux institutions proviennent de la justice criminelle plébéienne.
[9] V. tome III, la partie des Tribuns, sur leur manque de caractère légal.
[10] V. la même partie, sur la définition de leur potestas sacrosancta.
[11] Æmilius Felix, dans Aulu-Gelle, 15, 27. Tribuni plebis neque advocant patricios neque ad eos referre (plutôt ferre) ulla de re possunt. Il est superflu de donner d’autres preuves de cette exclusion des patriciens des assemblées présidées par les tribuns et les édiles, qui s’est maintenue jusqu’aux temps les plus récents.
[12] Cicéron distingue nettement le concitium plebis (ainsi seulement De inv. 2. 17, 52) ou concilium tout court (Cum sen. gr. egit, 5, 11 ; De domo, 30, 79 ; Pro Sest. 30, 65. c. 35, 73 ; In Vat. 2, 5. c. 6, 15. c. 7, 18 ; De leg. 2, 12, 31. 3 19. 42 ; Asconius, In Cornel. p. 58), l’assemblée des plébéiens, et les comitia tributa qui sont pour lui exclusivement (même De leg. 3, 19, 45) l’assemblée patricio-plébéienne, sauf qu’il appelle aussi l’assemblée électorale plébéienne : comitia tribunicia (Ad Att. 1, 1, 1). La liste des textes est empruntée au travail consciencieux de Berne, De comitiorum tributorum et conciliorum plebis discrimine, Wetzlar, 1875, p. 35. Concilium désigne également l’assemblée délibérante de la plèbe dans Tite-Live, 2, 56, 15. c. 57, 2. c. 60, 5. 3, 54, 15. c. 64, S. 6, 35, 8, c. 38, 1. c. 39, 1. 7, 5, 5. 25, 3, 14 : c. 4, 4, etc. Il est employé par opposition de la manière la plus nette, 39, 15, 11 : Cum aut..... comitiorum causa exercitus eductus esset, aut plebi concilium tribuni edixissent, aut aliquis ex magistratibus ad contionem vocasset. Dans ce sens, les deux expressions sont employées en même temps dans la langue légale, par exemple dans la loi de Bantia (C. I. L. 1 ; 197, ligne 5) : Mag(istratus) queiquomque comitia conciliumve habebit ; de même Cicéron, De leg. 2, 12, 31, et Cum sen. gr. eg. 5, 11 ; Festus, Ép. p. 50, v. Cum populo agere ; Tertullien, Apol. 38. Lælius Felix a la même pensée dans Aulu-Gelle, 15, 27. A côté de cela, l’on rencontre, il est vrai, un emploi plus général du mot concilium. — Concilium tributum ne se dit pas, parce que toute assemblée régulièrement distribuée de la plèbe est distribuée par tribus et que par suite il n’y aurait pas de terme opposé.
[13] Dion emploie tout au moins ce mot aussi bien pour les vraies assemblées délibérantes de la plèbe (36, 22. 39,. 7. 34. 35-36) que pour la contio (36, 27. 37, 51. 39, 19) ; il l’emploie donc absolument comme concilium.
[14] L’usage général du mot qui se révèle dans conciliabulum, concilia adimere, etc. se rencontre aussi par rapport à des assemblées romaines. Ainsi il est question, dans la loi Julia municipalis, ligne 132, des élections des magistrats municipaux comitiis conciliove, en entendant par concilium toute assemblée qui n’est pas appelée comitia, mais qui, selon le statut local, a les pouvoirs électoraux des comices. Les assemblées des pagani et montani sont appelées par Cicéron (De domo, 28, 73) les conventicula et quasi concilia de la plebs urbana. Tite-Live emploie aussi quelquefois (1, 8 1. c. 26, 5. 2, 7 ; 7) consilium populi pour la simple contio (3, 11) ou pour la réunion du peuple pris comme arbitre entre des États étrangers. Concilium a, au sens strict, une portée négative : il se dit de toute assemblée de citoyens qui ne constitue pas des comitia, qui n’est pas une assemblée délibérante de la totalité du peuple ; son emploi à titre tout à fait isolé pour désigner les comices par tribus (Tite-Live, 1, 36, 6) ou même par centuries (Tite-Live, 6, 20, 11) est incorrect. Cf. Rœm. Forsch. 1, 110.
[15] Comitia désigne déjà une fois dans Cicéron (note 12), et assez fréquemment dans Tite-Live, le vote du peuple en général, sans tenir compte de la forme dans laquelle il est exprimé. Il peut ainsi être employé même pour le concilium, comme Tite-Live le fait à plusieurs reprises, par exemple pour des élections, 2, 60, 5 : Plus dignitatis comitiis ipsis (aux élections de tribuns) detractum est patribus ex concilio submovendis quam virium aut plebi additum est aut demptum patribus, et surtout, 3, 60, 8. Quinque tribunis plebis creatis.... concilium dimisit nec deinde comitiorum causa habuit ; en outre pour des débats judiciaires, 3, 13, 9. Verginio comitia habente college appellait dimisere concilium. Le concilium votant par tribus est même, à plusieurs reprises, nommé comitia tribula par Tite-Live (note 23), dans le récit de son introduction. C’est à tort que Berns, loc. cit. limite aux assemblées électorales cet emploi relâché et étranger à la langue technique de comitia.
[16] Lælius Felix dans Aulu-Gelle, 15, 27. Festus, p. 330, v. Scitum populi. Décret des pontifes dans Cicéron, Ad Att. 4, 2, 3. Le même, Pro Flacco, 7, 15 ; Pro Balbo, 18, 42. Assurément sciscere a un sens général, et il est employé, même dans la langue technique, pour la décision des comices, populus jure scivit, se trouve dans l’exorde de la loi Quinetia, et scitum populi, est-il dit dans Festus, p. 330, [est quod eum mag stra]tus patricius [rogavit populusque suis suf]fragis jussit. Néanmoins l’exclusion primitive de l’expression lex pour la résolution de la plèbe se manifeste ici, et cette exclusion est d’autant plus remarquable que, comme Il sera montré plus en détail à propos de la compétence des comices, lex s’emploie correctement et fréquemment pour les statuts d’une corporation. Mais la plèbe ne vent pas être une corporation, ni rendre une lex dans le sens où le fait le collegium fabrum.
[17] Nous sommes privés de témoignages valables sur l’ancien usage technique ; mais les plébiscites anciens qui se rencontrent dans nos sources s’appellent régulièrement leges, sans doute parce qu’il s’agit toujours de plébiscites dont la force obligatoire était reconnue même par les patriciens. A l’époque récente, parmi les plébiscites qui nous ont été conservés, la lex repetundarum et la loi agraires appellent toujours elles-mêmes lex, et il y a, dans la première, ligne 74 : Ex lege, quam L. Calpurnius L. f. tr. pl. rogavit. Par suite, on dit aussi lex tribunicia, comme on dit lex consularis. Voir tome III, la partie du Tribunat, sur les pouvoirs des tribuns en matière législative.
[18] Voir tome III, la partie du Tribunat, sur le nom des tribuns.
[19] Voir la même partie, sur leur défaut de fonctions de magistrats.
[20] Les six centuries équestres nommées auraient aussi dû disparaître, en leur qualité de centuries patriciennes ; mais cela avait moins d’importance.
[21] Cicéron, Pro Cornelio, dans Asconius, p. 76. Tite-Live représente l’élection par tribus comme introduite en 283 : il n’indique pas expressément le mode de scrutin antérieur. Selon Denys (6,89), les premiers tribuns sont élus dans les comices par curies, et l’élection des tribuns est transportée, en 282, des curies aux tribus (9, 41, 49), en face de quoi il n’y a pas à tenir compte de ce que les accusations tribuniciennes sont, avant cette date, portées tantôt devant les curies (9, 46) et tantôt devant les tribus patricio-plébéiennes (7, 59. 9, 27. 33). Cf. Rœm. Forsch. 1, 183.
[22] Les assemblées dans lesquelles les tribuns du peuple sont élus avant 283 sont, aux yeux des anciens, les comices par curies patricio-plébéiens, et les patriciens y participent ; cela nous est attesté par Cicéron, qui (note 21) les appelle comitia curiata et fait allusion aux auspices, en outre par Tite-Live, d’après lequel (2, 56, 10. c. 60, 5) les patriciens figurent avec le droit de vote dans l’assemblée qui vote la loi Publilia ; enfin expressément par Dion, chez Zonaras, 7, 17, selon lequel la plèbe n’arriva que par la loi Publilia et avoir une assemblée séparée. Denys est aussi d’accord avec cette opinion, en ce qu’il considère la loi Publilia comme ayant soustrait les assemblées convoquées par les tribuns à l’auctocitas patrum (9, 41. 10, 4), et aux auspices (9, 41. 49. 10, 4), en face de quoi il n’y a pas non plus à tenir compte de ce qu’il cède ailleurs (9, 41. 44) à l’idée naturelle et probablement juste de la composition exclusivement plébéienne de ces assemblées. Cf. Rœm. Forsch., loc. cit. La tradition est par conséquent aussi certaine que son inadmissibilité est évidente. Sou explication est que la constitution postérieure ne tonnait pas de concilium plebis curiatum et que par suite, en l’absence de tradition pure, il ne restait aux archéologues, après avoir éliminé les centuries et les tribus, que les comitia curiata.
[23] Tite-Live, 2, 56, 2. c. 58, 1. Cf. c. 60, 4 ; Denys, 9, 41. 49. 10, 4. Le fait que Diodore fait, sous la date de cette année, allusion non pas à la loi, mais à l’élection pour la première fois de quatre tribuns (cf. tome III, la partie da Tribunat, sur le nombre des tribuns), prouve que les annales les plus anciennes notaient déjà cette phase dans le développement de la plebs.
[24] Tite-Live, surtout 2, 56, 3. c. 57, 4.
[25] Varron, 5, 81 : In secessione Crustumerina.
[26] Cf. tome III, la partie du Tribunat, sur l’intercession contre les rogations.
[27] Cf. la même partie sur le Droit du tribun d’agir avec la plèbe.
[28] Cf. la même partie, sur le Défaut d’autorité légale des tribuns.
[29] Cf. la même partie sur la Justice criminelle des tribuns et ses limitations.
[30] Même dans le procès de Kœso Quinctius, le meurtre n’est pas le véritable chef d’accusation ; il n’intervient qu’à titre complémentaire (Tite-Live, 3, 11, 9. c. 13, 5).
[31] Cf. tome III, la partie du Tribunat, sur la limitation de la justice dés tribuns par la provocation.
[32] La conception de cette loi comme un fœdus est étrangère aux relations anciennes. Cf. tome III, la partie du Tribunat, sur le défaut d’autorité légale des tribuns.
[33] Cicéron, De domo, 37, 43. Le même, Pro Sest. 30, 65.
[34] La patrum auctoritas est le complément de la résolution des comices, et il est impossible de l’appliquer a un autre acte qu’à un acte du populus. L’hypothèse souvent présentée, selon laquelle le plébiscite serait, à l’époque ancienne, devenu une loi par l’auctoritas patrum, est aussi contradictoire que le serait l’admission d’un testament privé confirmé par la patrum auctoritas. Gaius (1, 3) dit aussi expressément que les patriciens appuyaient leur prétention de ne pas être liés, non pas par tel ou tel, mais par n’importe quel plébiscite, sur son existence sine auctoritate des patriciens. L’interprétation de Soltau (Gültigkeit der Plebiscite, p. 72) selon laquelle auctoritas désignerait ici non pas le droit de ratification, mais la participation au vote, se réfute d’elle-même.
[35] Cette conception ne se manifeste pas seulement dans les expressions des patriciens atteints par la coercition ou la justice plébéienne qui disent que les institutions de la plèbe ne les lient pas (cf. tome III, la partie du Tribunat sur les droits de coercition et de justice des tribuns) ; elle se montre encore plus nettement dans les témoignages concordants cités note 43, selon lesquels avant la loi Hortensia les patriciens n’étaient pas liés par les plébiscites et, après cette loi, tous les citoyens (omnes quirites) le furent par eux.
[36] La proposition du tribun demandait, selon Tite-Live, 3, 9, 5, ut quinque viri creentur legibue de imperio consiuari scribendis ; celui qui racontait ainsi les choses admettait forcément l’existence d’une forme légale dans laquelle cette proposition pouvait être accueillie ; Soltau (Gültigkeit der Plebiscite, p. 103) a méconnu cette considération, si claire qu’elle soit. Peu importent les modifications sous le bénéfice desquelles la proposition réussit.
[37] Tite-Live, 3, 55, 3, sur l’an 305 (c£, c. 67, 9). Denys, 11, 45. Les raisons qui recommandent de rapporter ce témoignage aux comitia tributa sont développées dans la partie qui suit assurément on peut objecter que, si le plébiscite avait déjà, comme on n’en peut douter, une validité conditionnelle avant le décemvirat, cette disposition dut disparaître avec l’anéantissement de la plèbe qui accompagna l’établissement du décemvirat, et que, par conséquent, le rétablissement de la plèbe dut aussi comprendre le rétablissement de ce droit. Mais la détermination de la validité conditionnelle des plébiscites semble précisément n’avoir pas passé dans les annales ; au contraire il est impossible quelles n’aient pas contenu une indication sur la genèse des comitia tributa. Au reste, il importe peu qui un récit indubitablement défectueux soit corrigé d’une façon ou d’une autre.
[38] Tite-Live, 8, 12, 14, sur l’an 415.
[39] Cela ne se trouve pas à la vérité dans nos annales, et cela ne peut s’y trouver, puisqu’elles font dater de 305 la pleine validité des plébiscites. Il est souvent et longuement question des résistances du sénat a l’encontre de ces lois ; ainsi Tite-Live dit de la loi Canuleia : Ficti tandem patres ut de conubio ferretur convenere (4, 6 ; cf. 3, 31. 6 ; 42, 9) et, dans Denys, le probuleuma, qui, d’après sa conception, n’est pas nécessaire pour les plébiscites, joue là un rôle important (10, 26. 30. 48. 50. 11, 54), Mais Tite-Live regarde la résistance comme de pur fait et l’on ne peut attacher de poids au probuleuma confus de l’auteur grec. Cf. Rœm. Forsch. 1, 208 et ss.
[40] Sur les plébiscites relatifs au triomphe exécutés contrairement à la volonté du sénat, cf. tome I, la partie du Commandement militaire, sur l’autorité compétente en matière de triomphe.
[41] Cf. tome IV, la partie de l’édilité de l’ancienne cité plébéienne
[42] Appien, B. c. 1, 59.
[43] C. I. L. I, 114.
[44] Æmilius Felix, chez Aulu-Gelle, 15, 27 ; Pline, H. N. 18, 40, 37 ; Gaius, 1, 3 (d’où Inst. 1, 2, 4) ; Pomponius, Digeste, 1, 2, 2, 8. Il n’est pas besoin d’insister sur l’absurdité de cette relation.
[45] Les résolutions populaires, même les plébiscites s’appellent constamment lex, avons-nous déjà remarqué ; on trouve uniquement dans la loi de Bantia de 624-636, à côté de la formule plus fréquente : Ex hace lege, à deux reprises (lignes 7 et 16) : Ex hace legs plebeive scito. Cette formule sa rencontre plus fréquemment lorsque d’autres lois sont citées. Ainsi le fragment d’Ateste, probablement un fragment de la loi Rubria, renvoie à la lex selve illud pl. sc. est quod L. Roscius a. d. V eid. Mart. populum plebemve rogavit ; ainsi il y a, dans la loi agraire, ligne 6 (cf. ligne 43) : [Ex] lege plebive scilo, quod C. Sempronius Ti. f, tr .pl. rog(avit), et dans la loi Rubria, 1, 29. 39 : Ex lege Rubria seive id pl. ve sc. est. Il est exprimé par là que le plebi scitum n’est pas une loi, mais seulement vaut loi. A titre d’opposition, plebi scitum est encore employé seul, comme dans le décret des pontifes, chez Cicéron, Ad Att. 4, 2, 3, dans la loi Julia municipalis, ligne 72 et ailleurs encore, dans le fragment cité d’Ateste. Mais, lorsque cela a un intérêt quelconque, le style de la chancellerie intercale, à côté de la mention dune résolution de la plèbe, voire même de celle d’une résolution du populus (car la loi Roscia a probablement été proposée par un préteur dans les comices par tribus) l’observation que les résolutions du peuple et celles de la plèbe ont la même validité.