LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE TROISIÈME. — LE PEUPLE ET LE SÉNAT.

LES INSTITUTIONS DE L’ÉTAT PATRICIEN.

 

 

Après avoir décrit les deux groupes des Gentils et des Clients, nous devons, dans cette partie, exposer la disposition du peuple qui en procédait, et réunir les renseignements qui peuvent être donnés sur l’organisation primitive de l’armée et de l’impôt. Toute fragmentaire que soit nécessairement notre connaissance de ces temps les plis anciens, il nous a cependant été conservé, comparativement à ce qui a lieu pour les autres États, des informations relativement suffisantes sur les commencements de l’État Romain, soit dans l’organisation des curies, qui a été mise de côté, mais qui n’a pas été détruite, soit dans les institutions municipales latines, dont l’origine nationale est la même et que les changements politiques n’ont guère touchées.

La disposition régulière du peuple, c’est-à-dire sa répartition en un nombre fixe de petits groupes de citoyens, est, selon la conception générale du droit italo-hellénique, le fondement nécessaire de toutes les charges et de tous les droits des citoyens. C’est toujours en s’appuyant sur elle que l’État intervient dans ce domaine.

La disposition politique la plus ancienne du peuple romain, celle qui fut primitivement la seule, était la division par curies. Elle est la base de toutes les institutions politiques de l’État patricien. Nous nous occuperons donc d’abord ici des curies ; puis nous étudierons, à la fin de cette partie, dans la mesure où elles demandent un examen propre, d’autres divisions qui remontent également à l’époque patricienne ; la division religieuse du peuple d’après les hauteurs de la ville et les circonscriptions agraires de la campagne et la division qui se rattache aux sacella des Argei.

La division du peuple en curies était générale chez la race latine. A peu d’exceptions près, les institutions municipales modernes n’en connaissent pas d’autre dans les villes de droit romain et de droit latin[1]. Le mot curia, probablement formé de quiris et par conséquent désignant un groupe de citoyens[2], avec son dérivé curialis[3], en grec φρατρία[4], se rapporte, pour le sens, en première ligne aux personnes et ne fut que plus tard étendu au sol.

Les citoyens sont divisés entre les curies par gentes, si bien que chaque gentil appartient, à titre permanent, à une curie déterminée[5]. Par suite, l’indication de la curie n’a jamais fait partie du nom ; car la curie résulte, avec nécessité, de la gens[6]. Mais la disposition par gentes comme celle par maisons s’efface dans l’intérieur de la curie. Pour le recrutement comme pour le vote, le fils en puissance n’est pas au-dessous du père, mais à côté de lui. Cela tient au principe que la curie et le populus appartiennent au droit public et là maison et la gens au droit privé.

Une curie n’a pas de supériorité sur une autre, ni dans l’intérieur de la curie, un curiale sur un autre[7]. Le système s’est transformé en système aristocratique lorsque à côté des maîtres qui participaient activement au pouvoir vinrent les clients qui en étaient exclus ; mais, en lui-même et dans sa forme première, il a pour base l’égalité de tous les ayants-droit[8]. Sans doute, il s’est, dans le cours des temps, établi quelques différences de rang sinon entre les curies, au moins dans l’intérieur des curies. Dans la cité constituée par la combinaison des trente curies, que nous aurons à étudier plus loin, les curies doivent forcément avoir été rangées dans l’ordre des trois tribus ; mais il n’est pas besoin que cet ordre de tribus ait été un ordre de rang. Au contraire, dans l’intérieur des différentes curies, on distingue les gentes moindres, c’est-à-dire entrées plus récemment[9]. Cependant elles ne paraissent avoir été au-dessous des autres qu’en ce que leurs sénateurs votaient au sénat en second lieu. L’égalité essentielle entre tous les curiales est toujours restée le principe de ce système et le trait qui le distingue de la constitution patricio-plébéienne.

Chaque curie se composant d’un certain nombre de gentes, ce nombre, ainsi qu’il a déjà’ été démontré, ne peut être fixe[10]. Il doit, comme le nombre même des personnes appartenant à la curie, quoique avec des variations moins rapides, avoir été sujet à hausser et à baisser.

Les curies ont compris, de tout temps, tous ceux qui appartenaient à la cité, tant patriciens que plébéiens et clients ; cela résulte de ce que ces derniers appartiennent eux-mêmes aux gentes et que la curie n’est que l’expression totale d’une certaine quantité de gentes ; en particulier, la participation des non patriciens à la curie se révèle clairement dans leur situation, par rapport aux sacra du peuple. Mais ce n’est sans doute qu’à une époque postérieure que les plébéiens y sont arrivés à l’égalité des droits, notamment au droit de vote dans les comices, par curies. Quand est-ce arrivé ? Notre tradition ne nous le dit pas : lés plébéiens y sont au contraire regardés comme ayant, de tout temps, eu dans les curies les mêmes droits que les patriciens[11]. Mais il n’y a pas là seulement une anticipation les plébéiens n’ont obtenu-le droit de vote dans les comices par curies que plus tard que dans ceux par centuries, résulte-t-il avec certitude de la compétence des deux assemblées que nous, étudierons plus loin. La réserve des affaires des gentes aux curies peut uniquement s’expliquer par le fait que, lorsque les plébéiens arrivèrent au droit de vote politique, le droit de vote leur resta encore refusé dans les affaires de gentilité, restées essentiellement patriciennes, et fut laissé, dans ces matières, aux curies, qui étaient donc encore purement patriciennes. Le droit des plébéiens de voter dans les curies est probablement aussi plus récent que le testament par mancipation, car l’introduction de ce testament doit avoir eu pour cause que les plébéiens avaient été jusque-là exclus du testament comitial. Il n’y a pas de preuve que ce droit de vote remonte très haut dans le passé. Les tribuns du peuple ont été, jusqu’à la loi Publilia, élus par curies, et le sénat fut, depuis que la composition en eut passé aux censeurs, au milieu du Ve siècle, recruté curiatim[12]. Mais cela prouve que les plébéiens appartenaient aux curies, cela ne prouve pas qu’ils eussent alors déjà le droit de voter dans les curies. Si les annales anciennes ne rapportent rien sur cette question et si les annales récentes regardent par suite le droit de vote comme ayant existé dès l’origine, cela peut facilement s’expliquer par le fait que l’admission des plébéiens dans les curies ne leur fit pratiquement guère acquérir autre chose que l’aptitude à l’adrogation et que, par conséquent, elle rentre essentiellement dans la sphère du droit privé. D’autre part, il résulte d’une série de faits authentiques qu’à l’époque historique les plébéiens et les patriciens figuraient avec des droits égaux dans les curies[13]. La décision des curies est regardée comme une décision du populus, que les patriciens ne constituent pas plus à eux seuls que les plébéiens à eux seuls ; l’élection des magistrats supérieurs par les centuries et leur confirmation par les curies sont même envisagées comme un double vote du peuple[14]. L’adrogation, qui se fait devant les curies, est un droit des plébéiens. Pour la réception de la promesse de fidélité, les trente curies sont représentées par trente citoyens quelconques. Dans l’énumération des conséquences juridiques qu’aurait la disparition du patriciat, on ne cite pas la disparition des comices par curies, qui sont indispensables dans la formé[15]. Tous ces faits impliquent que le droit de vote des plébéiens dans les curies, quoique plus récent que leur droit de vote dans les centuries, appartint cependant à une époque assez précoce ; le fait que la dignité de grand curion, jusqu’alors réservée en fait aux patriciens, fut attribuée, en 545, à un plébéien, fournit tout au moins un terminus ante quem[16].

Le droit de vote dans les curies ne fut pas non plus accordé seulement à une partie des plébéiens ; il le fut à tous. L’idée qu’ils appartenaient aux gentes grandit d’une manière générale et en même temps que l’idée du droit de cité plébéien ; par conséquent, tout plébéien fut, comme tout patricien, à l’époque moderne, un curialis en droit de voter. Lorsque la participation de la personne à une curie précise n’allait pas de soi, comme pour le fils émancipé et pour les affranchis d’un patricien, on n’aura pas, manqué dans la constitution pseudo-gentilice de la plèbe d’attribuer cet homme à une curie déterminée. Mais, pour de nombreux plébéiens, leur dépendance d’une curie était tombée dans l’oubli. On a aussi, à l’époque récente, fréquemment négligé, pour les nouveaux citoyens, de les incorporer dans une gens appartenant à une curie ou de les faire entrer, avec un droit de gentilité propre, dans une curie. Celui qui ne savait à quelle curie il appartenait ne pouvait pas plus voter que sacrifier dans une curie ; mais le droit n’était pas altéré par là.

L’emploi du mot caria pour désigner topographiquement une portion du territoire résulte, déjà naturellement du rapport des curies avec les gentes ; car chaque gens doit avoir eu, à l’origine, son territoire fermé. Cette idée est confirmée par le fait que, soit d’après1es indications des anciens[17], soit d’après les rares noms qui nous sont parvenus[18], diverses curies portent des dénominations locales. Selon Denys, une quantité égale de terres arables aurait même été accordée à toutes les curies ; mais il ne doit y avoir là qu’une accentuation de l’égalité première de tous les curiales. Postérieurement il n’est plus question de ce partage du sol. Les érudits : Romains eux-mêmes peuvent fort bien ne pas en avoir eu une con naissance directe ; ils peuvent en avoir supposé l’existence en partant de ce que, les curies constituant l’organisation politique générale avant Servius, on devait aussi admettre leur intervention pour le partage du sol.

Avant d’étudier le nombre et le rôle des curies, il convient de préciser la notion du terme intermédiaire qui se placé entre le populus et la curia, de la tribus, la φυλή des Grecs[19].

L’étymologie du mot tribus commun aux Romains et à la race italique des Ombriens, n’est pas éclaircie[20]. Mais il est établi empiriquement que ce mot, exclusivement employé dans une acception politique, désigne toujours le territoire délimité officiellement : dans le langage italique, les terres de la cité, le territorium[21], dans le langage romain, plutôt une fraction de ces terres, un district[22]. La langue latine, telle que nous la connaissons, n’emploie plus le mot dans le premier sens, bien que tribunal, le siège de la justice, tribunus, le chef de la cité, et tributus, l’impôt de la cité, se rattachent probablement, à ce que, même en Latium, tribus désignait autrefois la cité[23]. L’intervention, à l’époque la plus reculée, de l’idée de partie dans ce mot qu’il excluait originairement, implique que, dans le plus ancien État Romain qui se présente à notre étude, plusieurs États autrefois indépendants s’étaient fondus pour constituer un tout. Ce que nous pouvons discerner de la nature de la tribu romaine correspond à cette idée. Elle ne peut pas avoir été une partie originaire de la cité, parce que ce rôle était déjà rempli par la curia. La distribution du peuple en unités plus petites est aussi ancienne que lui. Mais une double distribution, d’abord du tout en grandes fractions, puis de chaque grande fraction en fractions plus petites n’a pas l’aspect d’une institution primitive. Les institutions municipales dans lesquelles on rencontre si souvent l’organisation par curies, ne présentent jamais entre la cité et la curie de terme intermédiaire correspondant à la tribu.

La légende romaine, qui ne connaît pas d’époque antérieure aux rois, ne connaît pas non plus d’autre : cité que la cité unifiée, et elle ne connaît la tribu que comme une fraction de l’État. Mais deux de ces trois parties de l’État se sont antérieurement fait la guerre, chacune avec son roi propre, et apparaissent, par conséquent, non pas dans le cadre de l’évolution romaine, mais dans la période antérieure à l’histoire, comme des États indépendants, et il n’y a aucun renseignement ancien sur l’origine de la troisième.

Enfin et par dessus tout, les institutions les plus antiques de la cité conservent, dans les chiffres et dans les noms, des vestiges de sa nature tri-unitaire, montrent qu’elle est issue de trois cités autrefois égales et indépendantes, ayant chacune son organisation complète, qui ont peut-être, commencé par être dans un lien de confédération perpétuelle sans avoir de chef commun et qui sont ensuite devenues un tout unique par l’établissement d’un seul roi pour elles trois. Nous aurons plus bas .à relever les vestiges de ces trois anciens États.

Le nombre, les noms, et l’ordre[24] des trois tribus patriciennes sont connus. La première est celle des Titienses[25], signalée par ce fait qu’un sacerdoce spécial a été établi pour son culte admis dans les sacra du peuple[26]. La seconde est celle des Ramnes ou Ramnenses[27]. La troisième est celle des Luceres[28].

La tribu n’étant que l’expression collective d’un certain nombre de curies, cette division doit aussi s’appliquer à la fois au territoire et aux personnes. Et en effet la relation des tribus avec les gentes[29] et avec la division du sol[30] est également attestée. Mais, tandis que la curie a été étendue de la personne au territoire, la tribu l’a été du territoire à la personne ; car, ainsi qu’il a déjà été remarqué, le mot tribu a une signification première d’ordre topographique. Les noms des tribus ont également un cachet topographique. Relativement à leur étendue territoriale, il est établi que les tribus patriciennes ne se limitaient pas à la ville comme firent primitivement les tribus Serviennes ; elles comprenaient aussi ses terres. Il est également établi qu’elles ne s’étendirent pas, comme les tribus de la cité patricio-plébéienne, avec l’extension de la propriété quiritaire immobilière ; elles restèrent restreintes au territoire le plus ancien, sans doute à l’ager Romanus, au sens technique, sur lequel on comparera la partie consacrée au territoire de l’empire. Trois points demeurent douteux : d’abord la division de la ville telle qu’elle est entourée par l’enceinte de Servius, qui doit avoir été celle de la cité des trois tribus, entre ces tribus patriciennes[31], qui paraissent elles-mêmes se subdiviser en deux moitiés personnelles et locales correspondant aux gentes majores et minores ; puis le rapport qui lie les trois tribus patriciennes à la ville palatino-esquiline, que le septimontium nous fait connaître, et à la ville du Quirinal, que d’autres indices ont fait supposer avec vraisemblance avoir été autrefois indépendante ; enfin la relation de ces tribus avec les quatre quartiers de la ville de Servius[32]. Les trois tribus patriciennes des gentes majores peuvent, par exemple, être identifiées à la ville palatino-esquiline du septimontium et aux trois premières tribus de Servius, de telle sorte que la Suburana correspondrait aux Tities, la Palatina aux Ramnes et l’Esquilina aux Luceres. Les curiæ veteres situées à l’arc de Constantin, à la séparation du Palatin et de l’Esquilin, conviennent bien comme centre de la ville du septimontium. Les trois tribus patriciennes des minores gentes pourraient correspondre à la ville du Quirinal et à la tribu Collina. Ces trois anciennes divisions relatives à la ville de Rome n’ont certainement pas été indépendantes l’une de l’autre. Mais on ne peut arriver à aucune certitude sur leur corrélation, et l’hypothèse que nous venons de proposer ne prétend qu’à faire mieux comprendre ce qui a été possible.

Sur la répartition du territoire, on ne peut pas seulement risquer une conjecture. Bien que ces tribus fussent sans douté topographiquement aussi immuables que celles de Servius, la tradition ne contient même pas un indice sur les limites des cités primitives.

Le nombre total des curies n’a, selon la tradition Romaine, jamais changé ; Romulus en crée trente[33] et les nouveaux citoyens y sont incorporés[34]. Le nombre est resté le même jusqu’aux temps les plus récents[35]. Puisque ces trente curies sont celles de la cité tri-unitaire, chacune des cités primitives devait en avoir dix ; et la forme ancienne de la légende de la fondation de Rome peut en réalité avoir eu pour base l’organisation en dix curies et le synœcisme des trois cités ; car, encore dans nos annales, Romulus ne passe à la division en trente qu’après que les Sabins, conduits par le roi Titus Tatius, qui est pour la fable l’éponyme des Titienses comme Romulus est celui des Ramnes, sont entrés dans la cité de Romulus[36]. Les institutions municipales connaissent aussi, sans préjudice d’autres chiffres, la division en dix curies[37].

La tribu n’a pas d’organisation corporative, depuis qu’elle est une fraction de la cité. La plus ancienne organisation militaire qui se rencontre dans la tradition ne connaît pas de chef distinct de la tribu elle ne connaît que trois chefs du populus ; lorsque à l’époque la plus reculée les trois cités se fondirent en un tout, le commandement militaire particulier de chacune dut être écarté en théorie et en pratique. Même en matière religieuse, la confrérie des Titii vient bien du culte distinct des Titienses, mais elle constitue aussi bien un culte de l’État romain que les sacerdoces institués plus tard pour les dieux d’Albe et de Cænina. Il n’y a pas de sacra séparés des Titiens.

La curie ne révèle pas non plus d’organisation corporative : en principe général, les institutions romaines de tous les temps ne laissent les fractions du peuple fonctionner qu’à ce seul titre et ne leur permettent pas d’exercer chacune une action politique indépendante. Les curiales composant une curie n’ont ni président ni réunions réglées[38], pas plus que n’en ont les tribus de Servius organisées sur le même modèle. Mais la curie isolée fonctionne comme association religieuse, principalement et peut-être exclusivement[39], il est vrai, dans ce sens que les cérémonies religieuses parallèles célébrées par toutes les curies constituent une cérémonie religieuse collective, accomplie par l’ensemble du peuple régulièrement disposé. Dans ce but, un édifice commun à toutes les curies, mais où un espace séparé était réservé à chacune, était élevé sur le versant du Palatin[40], et il était nommé à chaque curie, que ce fût par le roi et plus tard par le grand pontife ou que ce fût par cooptation, un chef appelé curio ou curionus[41], aussi sacerdos curio sacris faciendis[42], et un sacrificateur auxiliaire (flamen)[43] qui avaient à offrir, au foyer, de la curie[44], à sa déesse (Juno suris, curitis, quiritis) des sacrifices, et des banquets (curionia sacra), selon un rituel déterminé[45]. Ils étaient tous sous la haute surveillance du grand curion (curio maximus), pris parmi les curions, à l’époque moderne, par une sorte d’élection[46]. Les frais des sacrifices étaient supportés par le trésor public[47]. Les prêtres devaient avoir dépassé la cinquantième année afin d’âtre libérés du service militaire actif et de n’être pas entravés par lui dans l’accomplissement de leurs fonctions religieuses. Ils étaient dispensés des autres charges publiques. En outre, dans diverses fêtes où les citoyens accomplissaient directement les cérémonies du cuite, ils étaient disposés par curies, ce qui faisait que les curions prenaient également part à ces fêtes et que la direction en appartenait au grand curion[48].

La disposition du peuple par tribus et par curies est politiquement utilisée en matière administrative, pour la formation de l’armée et la perception de l’impôt, en tant que les diverses fractions du peuple doivent contribuer proportionnellement à ces charges. Elle l’est aussi dans les votes du peuple, qui, pour exprimer sa volonté, est groupé selon cette disposition ou selon une disposition qui en procède. Enfin il est tenu compte de ce groupement, sous des rapports multiples, pour le recrutement des sacerdoces et la formation du Sénat. Mais il vaut mieux réserver aux parties, de la Compétence des comices patricio-plébéiens et de la Procédure suivie devant eux ce qui peut être dit sur les comices de notre époque et sur leurs pouvoirs ; car ces comices primitifs se sont maintenus, bien qu’à titre secondaire, dans les temps postérieurs, et la position qu’ils occupaient à l’époque patricienne ne peut être éclaircie qu’en ; partant de celle qui leur a été donnée plus tard. Nous avons par conséquent ici seulement à exposer les indications qui peuvent être réunies sur l’organisation militaire et l’organisation fiscale les plus anciennes dans leurs rapports avec les tribus et les curies et à étudier brièvement les relations des tribus et des curies avec le recrutement des sacerdoces et du Sénat.

Relativement à l’organisation militaire fondée sur les tribus et les curies, nous pouvons partir du principe que, dans la cité patricienne tout autant que dans la cité patricio-plébéienne postérieure, l’obligation au service incombait à tous les citoyens mâles et majeurs, mais seulement aux citoyens[49]. Par conséquent, tant qu’il n’y eut que les patriciens de citoyens, il n’y eut également qu’eux de soldats, et les clients furent exclus de l’armée. Sans doute, notre tradition considère les plébéiens comme ayant été de tout temps aptes au service, et les institutions militaires elles-mêmes n’ont gardé aucun vestige certain de l’exclusion des clients. Cependant le fait connu qu’il y avait, dans la légion des temps historiques, à côté des 3.000 hommes complètement armés, 1.200 hommes non armés, peut se rattacher à ce qu’anciennement on aurait adjoint à l’armée du peuple, composée normalement de 3.000 hommes, 1.200 des non citoyens appartenant à la cité. Le droit de porter les armes n’a assurément pas été étendu aux clients d’un seul coup, sur le pied d’une égalité complète ; il peut y avoir eu une phase intermédiaire dans laquelle ils ont, quant au service militaire, joué le même rôle qui est donné, dans l’État patricio-plébéien, aux citoyens sans fortune. — Les exemptions ou exclusions des enfants et des vieillards, des individus physiquement impropres au service, des personnes infâmes, ont nécessairement existé de tout temps. On ne peut préciser la mesure dans laquelle les règles établies plus tard à ce sujet remontent à l’époque la plus ancienne. Le système des interprètes romains du droit public, selon lequel le service militaire, comme toutes les charges publiques, aurait été, à l’époque la plus ancienne, égal pour tous et n’aurait été proportionné à la fortune que par le roi Servius[50], est purement schématique et sans base matérielle. La distinction du service en service de cavalier et service de fantassin est, d’après les anciens eux-mêmes, antérieure à Servius Tullius, et cette dualité de service est précisément, pour l’époque la plus ancienne encore plus sûrement que pour la constitution de Servius Tullius, liée à la différence de fortune.

La petite unité de l’infanterie est, dans l’armée romaine la plus ancienne, principalement la centuria, le corps de cent hommes[51] aussi appelé manipulus, guidon ; d’après les chiffres donnés pour le contingent de la tribu et pour l’armée totale, c’est le contingent de la curia[52]. Le commandement de la centuria appartient au centurio[53], ou centurionus[54]. Dans une autre division de l’infanterie, le contingent de la curie est regardé comme constituant dix decuriæ[55] et l’on passe, de la decuria, qui est alors la petite unité, en la combinant avec les trois tribus, à la turma de trente hommes ; ce qui fait que l’infanterie se répartit ou en 30 centuries ou en 300 turmæ[56]. — Les deux divisions de l’infanterie se répètent pour la cavalerie et y ont, selon toute apparence, existé l’une â côté de l’autre, celle par centuries comme division de la tribu, fondée sur la cité de dix curies, et celle par turmæ comme division fondée sur la cité tri-unitaire et destinée à fusionner en matière militaire ses parties entre elles. — Quant au langage comme quant au fond, les deux systèmes se rattacher clairement à ce travail de fusion et laissent apercevoir l’ancienne cité simple dans le sein de la cité tri-unitaire.

Milites, qui, sans nul doute, dérive de mille[57], indique comme étant la, grande unité primitive, le nombre mille ; ce fut ensuite le contingent de la tribu[58], et, par suite, l’armée de la cité tri-unitaire, la legio, se compose de 3.000 hommes[59]. Les trois tribuni militum, qui commandent plus tard en commun la légion[60], ont donc, à l’origine, ainsi que l’indique leur ancienne dénomination grecque χιλίαρχος[61], commandé chacun mille hommes dans l’armée fédérale[62], et par conséquent, le principe monarchique duquel procède la constitution Romaine se manifeste, même en matière militaire, dans la grande unité stratégique aussi bien que dans la petite.

Les cavaliers (celeres)[63] ont, en leur qualité de troupe permanente, mieux conservé leurs traditions ; ils ont même transporté leur organisation, quant à son principe, dans la constitution patricio-plébéienne postérieure. Chez eux, la petite unité est la decuria, le groupe de dia hommes, qui est le contingent de la curie[64] ; de même que la centurie est sous les ordres du centurio, la décurie est sous les ordres du decurio ou decurionus[65]. Les décuries peuvent, selon l’organisation en curies, avoir été réunies en centuries, de façon que la centurie unique représente la Cavalerie de la cité primitive et que, en passant à la cité tri-unitaire, on obtienne les trois centuriæ equitum les plus anciennes[66], donnant le chiffre de 300 cavaliers[67]. Ces centuries de cavaliers des trois tribus se sont maintenues et ont conservé leurs noms disparus dans l’infanterie. Lors d’un doublement de la cité, que l’on peut rattacher avec quelque vraisemblance à la réunion de la cité du Quirinal à la cité palatino-esquiline, elles ont, tout en conservant leurs anciens noms, été portées au nombre de six, et elles ont passé, sous le titre de sex centuriæ ou de sex suffragia, dans l’organisation postérieure du vote[68]. Au contraire, on ne trouve pas, dans l’organisation militaire, plus de trace de la centurie de cavaliers que des mille fantassins correspondants. Les chefs de ces centuries, les tribuni celerum, qui étaient probablement également trois, ont disparu, comme officiers, avec la chute de la royauté et ils n’ont subsisté, comme le roi lui-même, qu’ad sacra[69]. Il n’y a pas, dans l’organisation militaire de la République, de commandement en chef de la cavalerie. Mais le principe de la fusion des trois cités a été appliqué à la cavalerie comme nous l’avons, vu appliquer, à l’infanterie : les dix décuries des Titienses, des Ramnes et des Luceres sont réunies en dix détachements de cavalerie, turmæ, chacun de 30 hommes, et, de même que les trois tribuni militum commandent la légion tout entière, trois decuriones pris dans les trois races sont mis à la tète de chaque turma[70]. Tandis que la centurie, ici comme dans l’infanterie, constitue la forme première, qui s’est par suite toujours maintenue dans l’organisation stable de l’armée qui sert pour le vote, la turma tripartite postérieure, créée seulement par la cité tri-unitaire et de bonne heure écartée dans l’organisation militaire de l’infanterie, a été conservée dans la cavalerie permanente, et elle nous y garde devant les yeux, comme ferait un torrent saisi par la glace, la vivante image des trois cités en train de se pénétrer. Elle nous fournit en même temps une preuve nouvelle que le patricial moderne a commencé par être autrefois tout je peuple ; car, puisque les détachements de cavaliers les plus anciens de l’armée politique se composent encore, à l’époque historique, de patriciens[71] et qu’ils portent jusqu’aux temps les plus récents les anciens nones des tribus des trois races, il faut qui autrefois toute la cavalerie tout au moins et probablement par, suite toute l’armée aient été prises dans la future aristocratie.

Si nous n’avons que de faibles renseignements sur les institutions militaires de notre époque, tout ce que nous savons à vrai dire de son système fiscal ; c’est que, même dans la cité tri-unitaire, il n’était pas basé sur cette cité, mais sur l’ancienne cité simple. Selon la tradition, les tribus ont, à l’époque ancienne, perçu leurs quotes-parts de l’impôt[72] ; le témoignage bien avéré, d’après lequel le paiement des soldati ne fut mis à la charge du trésor public qu’en 318[73], rend également vraisemblable qu’il était jusqu’alors fait par les tribus, précisément avec le produit de ces impôts perçus à cet effet. Ce qui sera expliqué plus loin sur les fonctions des chefs des tribus serviennes fait aussi penser que ces attributions leur sont passées des tribus patriciennes. Peut-être même est-ce de ces tribus que les mots tribuere, tributus, tributum ont été tirés, dans leur sens primitif. La confédération des trois cités primitives s’est donc peut-être à l’origine contentée de procéder au mélange des trois levées, avec ses diverses conséquences, tandis que la répartition de l’impôt, si le butin ne suffisait pas à payer la solde ou si un versement de fonds était nécessaire pour autre chose, restait à la charge des différentes tribus. Sans doute, celles-ci doivent alors avoir gardé une certaine organisation corporative ; il faut que la tribunus des Titiens, par exemple ; tout en n’exerçant le commandement qu’en commun avec ceux des deux autres cités, ait pour sa part perçu les impôts et payé la solde. L’amalgame des trois cités desquelles le people romain est sorti, s’est sûrement fait selon une progression dont il ne nous est pas donné de suivre les phases.

La magistrature procède, en laissant de côté les officiers, de la royauté et de sa représentation ; ni la tribu, ni la curie n’ont donc pu y trouver d’expression. — Il en est tout autrement des sacerdoces les plus anciens. On ne rencontre, il est vrai, chez eux, en dehors des prêtres des curies, jamais de représentants des fractions d’une cité ; mais on y voit ressortir avec une vigueur singulière le développement par lequel l’État unitaire est sorti de la confédération. Les collèges des pontifes[74], des augures[75], des vestales[76] comptaient, à l’origine, trois membres ; or ce chiffre est en discordance avec le principe de la dualité qui prédomine à l’époque ancienne[77] ; il doit, sans nul doute, se rattacher, comme celui des trois tribuns de la légion et celui des trois décurions de la turma, à ce que les trois cités pareillement organisées des Titiens, des Ramnes et des Luceres avaient chacune un pontife, un augure et une prêtresse de Vesta et que, lors de la fusion des trois cités, on a combiné leurs institutions. — Si plus tard ces trois collèges, les pontifes, les augures[78], et les vestales, furent portés du chiffre de trois membres à celui de six, cette transformation eut lieu certainement de la même manière et à la même date que les minores gentes furent ajoutées aux majores et que l’on doubla les trois centuries équestres en maintenant leurs trois noms traditionnels[79]. Pour les collèges des Luperci et des Saliens, le doublement s’exprime par le fait que les sacerdoces de la cité romaine comprennent désormais les deux collèges des Salii Palatini et des Salii Collini et ceux des Luperci Quinctiales du Palatin et des Luperci Fabiani du Quirinal. Nous avons déjà remarqué plusieurs fois que ce doublement[80], rattaché principalement au nom de Tarquin l’Ancien, correspond à. la fusion de la cité da Quirinal dans celle du Palatin.

Sur le sénat de la cité romaine, nous renvoyons à la partie qui lui est relative. Quand bien même il attrait été dans le principe une réunion des chefs des gentes ou tout au moins des représentants des gentes, il n’y a certainement plus eu, dès une époque très reculée, un sénateur par famille, mais il y a eu cent sénateurs en tout dans la cité de dix décuries, et ce chiffre est resté, jusqu’à une époque récente, le chiffre normal dans les municipes organisés sur le modèle romano latin. Le nom de decurio donné aux membres du sénat municipal parait aussi être en rapport avec ce système ; car la cité de dix curies suppose un nombre total schématique de mille premiers habitants, et par conséquent il y a un membre du conseil pour dia d’entre eux. A Rome, le sénat de trois cents membres des temps historiques est sorti de la fusion des sénats des trois cités confédérées.

Pour toutes ces institutions se pose une question : les parties ainsi unies se sont-elles immédiatement confondues ? Chacune des trois races a certainement nommé un des trois premiers pontifes de la cité unie. Mais la place laissée vacante par un Ramnes était-elle prise par un autre Ramnes, c’est là le point douteux. Probablement il n’y avait pas de prescription dans ce sens, ou du moins, s’il en a existé une, elle a été écartée des l’époque la plus ancienne. Chez les cavaliers, la conservation des noms empêchait qu’un Titien ne pût servir ou voter parmi les Rampes, en même temps que l’organisation des turmæ pourvoyait à l’amalgame nécessaire. Au contraire, on peut conclure, pour les prêtres, du défaut de désignations analogues à l’absence de pareilles barrières juridiques. Il est également difficile que le roi ait été obligé constitutionnellement à prendre, pour le sénat, juste dix membres de chaque curie et cent de chaque tribu, quoique naturellement il ait dû se préoccuper d’assurer la représentation de toutes les parties du peuple dans le conseil.

 

A côté de la distribution générale du peuple et de son territoire par tribus ethniques et par curies, qui ne tient aucun compte de la distinction de la ville et de la campagne, qui peut fort bien être antérieure à la fondation de la ville, il y a la division de la ville en quartiers et de la campagne en circonscriptions rurales. A la différence de la division en tribus et en curies, celle-ci ne s’applique pas aux personnes ou du moins ne s’applique à elles que tant qu’elles habitent le quartier ou qu’elles ont leur établissement dans la circonscription rurale les noms des circonscription urbaines et rurales sont tous d’origine locale[81]. Les quartiers et les champs réunis faisaient l’État tout entier, et par suite ils appartenaient, comme les curies, aux sacra publica[82]. Ou ne les a pas pris comme base pour la répartition générale du sol ou du peuple ; leur origine n’est certainement pas non plus dans des cités autrefois indépendantes[83], mais plutôt dans un groupement des terres des citoyens fait dans un but religieux.

La division topographique de la ville dépend de son étendue[84]. L’éminence du Palatin a été la Rome la plus ancienne elle se subdivisait en trois districts appelés monts (montes) : le Palatium proprement dit, la Velia et le Cermatus, dont chacun célébrait sa fête annuelle distincte[85]. On y ajouta ensuite et le district de la Subura qui faisait primitivement partie de la campagne (pagus Sucusanus)[86], et l’Esquilin, dont les trois hauteurs, le mont Oppius, le mont Cispius et le Fagutal constituaient, comme celles du Palatin des communautés religieuses. La ville ainsi agrandie[87], qui est probablement la ville tri-unitaire des Titiens, des Ramnes et des Luceres, célébrait sa réunion en un tout par la fête des Sept Monts (septimontium) qui était fêtée le même jour, le 11 décembre, sur les six monts et dans le district rural de Subura et qui est déjà mentionnée dans le calendrier de Numa[88]. Dès la fin du Ve siècle, ce septimontium a été pris pour modèle dans les villes fondées par Rome[89], et par conséquent a été regardé comme constituant la Rome primitive.

Mais les montes et pagi dont il est question à la fin de la période républicaine ne comprennent pas seulement les sept districts et indiqués ; ils comprennent toute la population de la capitale[90]. Nous ne pouvons apercevoir qu’en partie par quelle voie cela s’est fait. Le Cælius peut avoir appartenu au septimontium comme partie de la Subura. Pour la circonscription de la ville du Quirinal, une organisation semblable au septimontium peut avoir disparu. L’Aventin[91] et sans doute aussi le Capitole[92] ont anciennement été considérés comme des pagi ; la raison déterminante peut en avoir été que, comme nous montrerons dans la partie des Tribus serviennes, ils ne sont devenus que tardivement susceptibles de propriété privée, or, en envisageant la distinction de la ville et des champs au point de vue de la propriété, les quartiers dans lesquels il n’y avait pas dé propriété de maison étaient en dehors de l’organisation religieuse urbaine proprement dite. La Subura peut même avoir été autrefois dans la même situation en face de la ville du Palatin et n’avoir été que lors de l’extension de celle-ci mise sur le même pied que les six districts urbains proprement dits[93]. Eu tout cas, les puni de l’Aventin et du Capitole sont compris parmi les montani et pagani du temps de Cicéron, et il peut en avoir été de même des pagani du faubourg du Janicule et de ceux d’autres localités situées immédiatement devant les murs.

L’organisation et la destination tant des monts de la ville que des cantons des faubourgs ou de l’intérieur qui leur sont assimilés ne peuvent pas avoir été essentiellement différentes, de celles des cantons ruraux. Quant au détail, on ne sait pour ainsi dire rien d’eux[94]. Ils ne peuvent avoir été dépourvus d’un centre religieux analogue aux compita postérieurs des Lares. Ils ont aussi été utilisés pour l’administration, au moins pour la distribution de l’eau entre les maisons des citoyens[95]. Mais, depuis qu’Auguste eut organisé, en 747, les quatorze régions de la ville de Rome et dans chacune les districts des chapelles des Lares[96], les montes et pagi disparurent comme division de la ville, bien que la fête du Septimontium ait encore continué longtemps après à être célébrée.

La circonscription rurale, le pagus, — c’est-à-dire, d’après le sens des mots, l’espace clos, exactement comme pagina[97], — est opposée à la ville[98], peut-être originairement, avons-nous vu, à la propriété domestique urbaine, plus tard à l’espace entouré par les murs de la ville. Le pagus comprend à la fois les terres labourables et les prairies[99], les propriétés privées et publiques[100]. Il a certainement un centre pour ses sacra : il est possible que la dénomination de croisement, compitum, ait été spéciale à ces cultes de voisins, à la campagne comme à la ville[101]. Mais la nature du pagus réclame avant tout des limites déterminées qui sont parcourues et purifiées lors de la fête rustique annuelle[102]. La division du territoire en pagi n’est pas seulement romaine[103] ; elle est commune à toute l’Italie[104] et, elle fut même transportée par les Romains dans des territoires étrangers à l’Italie[105].

Nous aurons à revenir, dans la partie des Tribus de Servius, sur le rapport du pagus avec le domaine familial. Ils ne se confondent pas. La division de la campagne comprend aussi les terres publiques ; le pagus, à la différence du domaine familial, est une partie intégrante de l’État ; enfin le nombre des pagi était sans doute beaucoup plus faible que celui des gentes patriciennes primitives. Parmi les rares noms d’anciens pagi romains qui nous sont connus, il y en a un qui, selon toute vraisemblance, est emprunté à une gens ; mais ce pagus aura pris ce nom de famille de la même façon dont plus tard les tribus rustiques de la constitution de Servius en prirent de semblables. Quoique il y ait pu y avoir en même temps un pagus cornélien et un domaine familial cornélien comme il y avait une tribu Cornelia, il ne s’ensuit ni que la tribu soit identique au pagus, ni que le pagus le soit au domaine familial.

La destination du pagus est, en première ligne, une destination religieuse, tout comme celle du mons urbain ; la preuve en est, en dehors de ce qui a déjà été dit, dans la dénomination sacerdotale de son ou de ses chefs : magister ou magistri[106], dans la fête des Paganalia[107] et dans les jeux organisés, au moins quelquefois, par le pagus[108]. — En outre, la circonscription rurale est, comme la circonscription urbaine, employée dans un but administratif. Cela peut, à l’époque ancienne, avoir eu une importante étendue d’application[109] : même à l’époque récente, on trouve les membres des pagi mentionnés pour la construction, des chemins[110] ainsi que pour les transports et les fournitures[111]. La tradition établissant un lien entre la fondation de ces districts ruraux et celle de la propriété individuelle du sol[112], cette institution, qui se distingue par sa généralité et son uniformité de la formation, plus influencée par les circonstances, des districts urbains, et dans laquelle se manifeste surtout la préoccupation du maintien des limites des champs, doit forcément avoir eu pour but principal de maintenir dans une perpétuelle évidence la propriété foncière d’abord des gentes, puis des individus, par la réunion et la mise en relations des hommes des champs[113].

Le nombre des districts ruraux était probablement laissé indéterminé en théorie ; il devait différer dans chaque territoire, y monter ou y descendre, selon l’accroissement ou l’amoindrissement de sa surface[114]. Dans celui de Veleia, il y avait au moins quinze pagi[115]. Nous traiterons du nombre des plus anciens pagi romains et de leur rapport avec les tribus rustiques postérieures, en même temps que de ces dernières.

Le district rural et le district urbain sont, pour l’organisation, comparables à des collèges. L’ensemble de leurs membres est capable de prendre des résolutions à la majorité[116]. Le chef du district déjà signalé, qui est surtout préposé aux sacra, mais qui est en général à la tête des affaires du district, est élu annuellement par cette assemblée[117]. Elle peut également prendre d’autres résolutions et, par exemple, se nommer des patrons pour se mettre sous leur protection[118]. Le district est susceptible d’être propriétaire[119] et de faire des actes du droit du patrimoine[120]. Le district rural a encore, comme tout collège, le pouvoir de répartir entre ses membres les dépenses et les charges et le droit d’infliger des peines disciplinaires[121]. Mais cette circonscription n’a de droits politiques d’aucune espèce.

En dehors des districts ruraux délimités, tels que les indiquent avec concordance les titres contenant le cadastre, il y a d’autres pagi, qui ont avec eux ce seul point de contact d’être aussi, pour un motif quelconque délimités dans l’intérieur du territoire d’une cité ; c’est un point qu’il suffira de noter[122].

Vicus, les bâtiments, désigne, dans l’intérieur tant des districts urbains que des districts ruraux, un groupe de maisons délimité d’une manière quelconque ; dans les premiers, une rue, dans les seconds, un village, plus exactement un marché[123]. Il résulte de là que le district urbain se subdivise toujours en vici, tandis que le district rural a fréquemment un vicus[124], mais peut aussi bien exister sans en contenir aucun ou en en contenant plusieurs[125]. Par conséquent, on peut faire abstraction du district urbain ; car le vicus en est lui-même un autre ; au contraire, à la campagne, le pagus s’est maintenu à cité du vicus, devant lequel on le met, lorsqu’on les nomme tous deux[126]. Le but et l’organisation du vicus sont les mêmes que ceux du pagus. Les gens de la même rue et du même village se réunissent ; en premier lieu, pour célébrer un culte commun, et les magistri vici sont chargés d’y pourvoir[127] ; à cela viennent s’ajouter les questions administratives qui sont encore plus soulevées par le fait d’habiter au même lieu que par la simple contiguïté des champs. Le vicus est privé d’organisation politique comme le mons et le pagus ; cependant le vicus n’a pas le caractère de partie de la cité inhérent à ces derniers, et le vicus rural se rapproche extérieurement d’une ville : il peut aussi par suite se rapprocher de l’organisation politique[128], arriver même à obtenir un statut municipal. Nous aurons, à ce point de vue, à revenir sur lui dans la partie de l’Organisation municipale.

La cité politique est probablement partout plus ancienne que la ville et l’État. la ceinture de murailles de la ville. Les traces de ce régime le plus ancien, dans lequel le territoire n’à pas de centre légal, et dans lequel le ou les centres de fait des établissements sont à considérer comme des vicia s’aperçoivent bien chez les Italiotes comme chez les Hellènes, les Celtes[129] et les Germains. Mais il n’en a été gardé aucun souvenir par la tradition romaine, pas même par la tradition qui se marque dans les institutions politiques ; elle commence ab urbe condita[130] pour Rome comme pour ses voisins. Les Sabins[131] et leurs parents de race, les Samnites[132], les Marses, les Pæligni[133], vivaient, d’après les chroniqueurs romains, dans des villages ouverts (vicatim) ; mais ces chroniqueurs ont voulu relever par là moins une différence de droit qu’une différence de fait ; car les mêmes traditions mettent, à côté de ces villages, des villes, par exemple Cures et Réate chez les Sabins, et elles ne considèrent aucunement ces villes comme plus récentes et comme nées par synœcisme. Elles se représentent sans doute la formation de l’armée et l’administration de la justice comme aussi bien liées à la ville sabine de Cures qu’à la capitale des Romains ; mais elles admettent que la seconde servait plus que la première de résidence fixe aux citoyens de la meilleure catégorie[134]. Le régime politique qui fonctionne sans ville centrale peut être laissé de côté dans l’étude de l’État romain.

Le territoire de la ville peut comprendre de nombreux villages, puisqu’il y en a déjà souvent plusieurs dans un seul district rural. Mais l’extension disproportionnée du territoire de la ville de Rome a donné une extension et une importance correspondantes à ses marchés et à ses bourgades. Sans doute, la colonie de citoyens et le municipe de citoyens ont été reconnus de bonne heure comme des organismes indépendants, et leurs champs avec les hameaux qui s’y trouvaient ont été distraits du territoire immédiatement urbain. Mais une portion considérable dit sol romain, même de celui qui avait été assigné, resta, jusqu’à. la guerre sociale, sans organisation communale propre, et les établissements qui s’y formèrent, les fora et conciliabula civium Romanorum[135] ont une bien plus grande importance que ceux des territoires municipaux. En particulier, les villages routiers (viasii vicani)[136], les établissements de ceux à qui on accordait, le long des grandes voies italiques, des terres publiques en jouis sauce perpétuelle, à condition de tenir ces routes en état, sont fréquemment devenus des localités considérables, et la plupart ont fini par recevoir des statuts municipaux.

 

Il y a encore eu une autre division du .peuple qui date de toute antiquité et dont les notes des pontifes sur les Argei nous ont conservé le souvenir. Il nous faut réunir ici le peu que nous savons à ce sujet.

Parmi les publica sacra que l’on oppose aux sacra privata pro singulis hominibus familiis gentibus, les anciens jurisconsultes visent, à côté des sacra offerts pour le peuple dans son ensemble, pro populo, ceux offerts pour lui dans ses parties par les mots : pro montibus pagis, curiis, sacellis. Or il y a deux fêtes appartenant au culte le plus ancien, qui supposent une distribution du peuple différente de la division par montes pagi aussi bien que de la division par curies. Toutes deux se rattachent au nom des Argei[137]. Le 16 et le 17 mars, les prêtres de la cité faisaient une procession à travers la ville et offraient des sacrifices dans tous les sanctuaires ainsi nommés qui s’y trouvaient dispersés[138]. Le 14 mai[139], les magistrats[140] et les prêtres se réunissaient au pont du Tibre, et les vestales jetaient de ce pont dans le fleuve un certain nombre d’hommes aux pieds et aux mains liés, qui furent plus tard remplacés par des mannequins d’osier : ce sacrifice est également appelé Argei[141]. A l’époque où cette dénomination s’est introduite, on prenait principalement pour cela des prisonniers grecs ; le sacrifice du pont et par suite les lieux consacrés au culte qui y étaient représentés, auront tiré de là leur nom vulgaire[142]. Dans les écrits des pontifes, les derniers sont appelés sacella ou sacraria[143], et, puisque ils figurent dans la procession comme des parties de la ville, puisque, dans le sacrifice du pont, qui était certainement destiné à assurer à la ville et aux citoyens la protection divine contre les périls venant du Tibre, chaque victime représentait évidemment une partie de la ville et leur ensemble la ville tout entière, les publica sacra pro sacellis doivent se rapporter à la répartition dont les cérémonies des Argei nous ont conservé le souvenir[144].

Cette division comprend le territoire de la ville à l’exclusion du Capitole et de l’Aventin, par conséquent le territoire des quatre tribus serviennes, les quartiers de la ville affectés à l’habitation et à la possession des citoyens. Cependant cette organisation n’a pas besoin pour cela de n’avoir commencé à exister qu’avec les quatre tribus urbaines de Servius ou après elles ; car les quatre tribus ne sont peut-être elles-mêmes que les trois tribus de Romulus augmentées du territoire de la ville du Quirinal. — Le nombre des parties est fixé à 27[145]. La cité romaine étant issue du mélange de trois cités, chaque cité de dis curies parait avoir pour elle neuf de ces sacella. Si ce n’est pas par une méprise que le chiffre 30 est donné à côté du chiffre 27 pour le sacrifice du pont[146], les cités primitives peuvent avoir été représentées comme telles, dans le sacrifice, à côté de leurs parties.

Tandis que les curies, qui sont proprement une division politique, n’ont de rôle religieux qu’en tant qu’à l’époque la plus ancienne tout acte public ou privé est en même temps un acte religieux, les deux autres répartitions les plus anciennes tirent leur origine d’un but religieux. La division en montes et en pagi célébrant des fêtes non pas communes, mais uniformes, a sans doute été imaginée comme un culte de voisins célébré pour la ville et les champs ; les sacella appartiennent à la distribution religieuse de la ville[147].

 

 

 



[1] Nous pouvons établir l’existence de la division par curies à Lanuvium (Orelli, 3140 = C. I. L., XIV, 2420) ; dans les villes espagnoles de Malaca (lex. Malac. c. 52. 57) et d’Acinipo (C. I. L. II, 1346) ; dans la colonia Julia Turris Libisonis en Sardaigne (C. I. L. X, 7953) ; enfin dans une série de villes d’Afrique : Abbir Cellæ, — Althiburus, — Cillium, — Cincaritani, — Gurza, — Hippo regius, — Lambæsis, — Mactar, — Mididi, — Mons, — Neapolis, — Simitthus, — Sufetula, — Thagaste, — Thamugadi, — Theveste, — Thubursicum, — Bure, — Turc... (C. I. L. X, p. 4100 ; Eph. epigr. 5, p. 121). Elle existe par conséquent aussi bien dans les municipes de citoyens sortis de villes de l’ancien Latium (Lanuvium) que dans les colonies Latines (Malaca), et probablement aussi dans les colonies de citoyens, car il parait bien y en avoir parmi les lieux cités ci-dessus. La colonie Genetiva est, il est vrai, divisée en tribus de l’espèce des tribus serviennes (cf. Eph. ep. 2, p. 125).

[2] Du groupe de citoyens le mot a été transporté très tôt au local affecté à ce groupe, puis à toute maison de réunion. Son rattachement à l’allemand Hus, Haus, maison, proposé par Corssen, 1, 354 et approuvé par Jordan, Hermes, 8, 217, est philologiquement peu vraisemblable, parce qu’il n’y a pas de preuve certaine que l’r de ce mot vienne d’une s. Si, dans son acception de lieu, curia désigne toujours la maison où l’on se réunit et jamais la placé ou l’on se réunit, cela s’explique par l’idée qu’il n’y avait pas, pour les curiates d’une curie déterminée, d’autres réunions que celles du peuple régulièrement distribué, tandis que chaque curie avait un édifice propre pour ses Dieux. L’étymologie traditionnelle, tirée de curare, donnée pour curia = salle de réunion (Varron, 5, 155, 6, 46. Festus, Ép. p. 49, etc.), mais rapportée aussi à curia = réunion (Pomponius, Digeste, 1, 2, 2, 2 ; Dion, fr. 5, 8) est aussi inadmissible quant à la langue que dépourvue de valeur quant au fond.

[3] Festus, p. 47 : Curiates ejusdem curiæ ut tribules et municipes. Curionius vient au contraire de curia.

[4] En présence du rapport de la φρατρία grecque avec la gentilité et de sa corrélation symétrique avec la φυλή, il n’y avait pas de désignation plus naturelle pour la caria Romaine. Elle peut remonter à Fabius et est exclusivement employée par la suite, mais Plaute, Aul. 2, 2, 2, rend aussi δημότης par curialis (Wilamowitz).

[5] Lælius Felix (dans Aulu-Gelle, 15, 27) indique expressément comme principe du vote dans les comices par curies les genera hominum par opposition aux census et ætas des comices par centuries et aux regiones et loca des comices par tribus. Les genera ne peuvent être ici que les, groupes de parents ; mais, ainsi qu’il a déjà été remarqué, l’expression gentes est évitée pour ne pas exclure les stirpes plébéiennes. Les φυλαί γενικαί semblables aux curies de Denys montrent la même chose, Mais l’ensemble des institutions assigne, plus clairement encore que ces témoignages, la gentilité pour fondement à la plus ancienne disposition du peuplé dans l’État fondé sur la parenté. Il n’y a pas besoin que l’on ait voté par gentes, mais le droit de gentilité est la condition de la participation aux comices. — Au contraire, il n’y a qu’une mauvaise fantaisie de scoliaste dans l’assertion de L. Ampelius, 48.

[6] Selon le témoignage de Probus (de notis, éd. Keil, p. 292), les curies avaient, comme les tribus, des notationes proprias ; elles peuvent avoir été employées pour les tabellæ des fornacalia.

[7] Tite-Live, 1, 43, 10. Denys, 4, 20.

[8] Il est vrai que l’égalité dans l’intérieur de son cercle exclusif est aussi conforme à la nature de l’aristocratie complètement développée.

[9] Puisque les trente curies sont rattachées à Romulus et que les minores gentes sont constamment regardées comme venues plus tard, elles ne peuvent pas avoir forme d’autres curies distinctes dont il n’y a aucune trace.

[10] On ne trouve jamais une telle assertion chez les anciens. Ils sentaient, plus fortement que les modernes, qu’on ne pouvait pas plus fixer des nombres schématiques pour les gentes que pour les maisons on pour les citoyens. Les décuries de Denys (2, 7) ne sont pas des ventes.

[11] Le peuple législateur apparaît dans nos annales par opposition au sénat et aux patriciens, qu’on identifie avec ce dernier, aussi bien à l’époque des rois qu’à celle de la lutte des classes Tite-Live l’appelle le plus souvent populus, mais aussi plebs (1, 37) et Denys dit, par exemple, 2, 14 : Au peuple [Romulus] accorda trois privilèges : choisir les magistrats, pour ratifier des lois, et décider au sujet de la guerre toutes les fois que le roi leur laissait la décision. Lorsque les comices sont indiqués, ce sont les curies qui sont nommées, et ce doit aussi être aux comices par curies qu’ont pensé les annalistes lorsqu’ils ont omis de préciser.

[12] V. tome IV, dans la théorie de la censure, ce qui touche la formation de la liste du sénat.

[13] L’opinion, aussi générale autrefois que dépourvue de fondement, selon laquelle les patriciens seuls auraient voté dans les curies des temps historiques, est réfutée en détail dans les Rœm. Forsch. 1, 144 et ss.

[14] Cicéron, De re p. 2, 1, 26.

[15] Cicéron, De domo, 14, 38 ; Tite-Live, 8, 41.

[16] V. tome III, la partie du Grand pontificat, sur la nomination des prêtres.

[17] Varron, dans Denys, 2, 47. Plutarque, Rom. 20.

[18] Les noms suivants seuls sont avérés : Faucia (Tite-Live, 9, 38, 15), — Foriensis (Festus, p. 474, v. Novæ curis), — Rapta (loc. cit.), — Titia (Festus, p. 366), — Velitia (Festus, p. 114), — Vellensis (peut-être Veliensis : Festus, p. 174). — La curia Acculeia (Varron, 6, 23), la Pinaria (Festus, p. 238 ; cf. mes Tribus, p. 210), la Tifata (Festus, Ép. p. 49) sont très incertaines. — Les noms de curies qui se rencontrent en assez grand nombre dans les inscriptions africaines (C. I. L. VIII, p. 1101 ; Eph. ep. 5, p. 494. 498), sont, pour la plupart, empruntés à des Dieux ou à des empereurs. Pour Lambæsis, par exemple, nous connaissons la Jovia et la Saturnia, puis les Julia felix, Augusta, Trajana, Sabina, Antoniniana, Aurelia et en outre la Papiria qui tire son nom de la tribu de l’empire à laquelle appartient l’Afrique.

[19] L’analogie extérieure existant entre les quatre φυλαί ioniennes et les dix athéniennes de Clisthènes d’une part, et les trois anciennes tribus et les tribus de Servius, de l’autre, a sans doute contribué à faire employer quai, pour traduire tribus, autant que nous voyons de tout temps, peut-être sur l’exemple de Fabius. Il ne faut pas chercher dans cette désignation autre chose qu’une équivalence de vocabulaire.

[20] La conception du mot comme un composé de tres et fu-, triade, assemblage de trois races, proposée par Pott et approuvée par Corssen, 1, 163, est contraire aux habitudes de langage ombriennes et latines : le trefo ombrien n’a semble-t-il, rien d’un nombre, et la tribus romaine n’est pas la triade, mais le tiers, comme le comprenaient déjà les anciens (Varron, 5,55 ; Columelle, 5, 1, 7 ; Dion, fr. 5, 8, etc.). Curtius, Griech. Etym. p. 227, rapproche les mots celtiques treb. = vicus, trebu = turmæ, atreba = habitat. Si on pouvait regarder la forme tri-unitaire comme la forme première de l’État italique et généraliser l’emploi des idées de la partie et du tout fait plus tard par les Romains, on pourrait tenir pour établi le rattachement du mot au nom de nombre. Mais le fondement étymologique incertain que nous avons ne peut suffire à lui seul a soutenir de telles combinaisons. Peut-être l’examen comparatif de phases nombreuses et compliquées du développement hellénique pourrait-il autoriser des conclusions pour le développement italique ; car il n’est pas niable que l’union tri-unitaire des Titiens, des Ramnes et des Luceres a un autre caractère, et un caractère plus organique que, par exemple, la fusion de la villa palatino-esquiline et de la ville du Quirinal.

[21] L’usage fait du mot en Ombrien est décisif dans ce sens. Il ne s’y rencontre qu’à côté de tota = commune et comme parallèle avec lui, le même nom de lieu étant précédé par les deux substantifs (1 b, 16 : Tuta Tarinate, trifu Tarinate et ainsi fréquemment pour Tadinum ; III, 25 : Tutape Ijuvina, trefiper Ijuvina pour Iguvium). La trifu ne peut donc pas être une fraction de la tota, elle lui correspond, sans doute en visant la même idée sous un autre aspect. La tribus Sapinia en Ombrie, citée dans Tite-Live, 31, 2, 6. 33, 31, semble aussi être plutôt une cité qu’un de ses districts. — Les rituels des Étrusques enseignaient quomodo tribus curiæ centuriæ distribuantur, (Festus, p. 285, v. Rituales), et le poète étrusque Volnius, dans Varron, 555, déclarait étrusques les noms des trois tribus romaines eux-mêmes.

[22] Les deux constitutions par tribus que nous connaissons à Rome reposent toutes deux également sur la répartition du sol. Les divisions du peuple qui ne sont pas territoriales, comme les classes et les centuriæ, ne sont pas désignées par ce mat. Son usage politique pour désigner le territoire ressort même dans divers composés : ainsi en particulier, attribuere désigne la formation d’une circonscription annexe, contribuere, le versement d’une circonscription dans une autre ; dans distribuere, la signification politique a été effacée par la généralisation moderne. Le mot correspond donc essentiellement, dans son acception romaine, aux expressions : circonscription, district, quartier.

[23] Il semble impossible de rapprocher tribunal de tribus au sens récent ; c’est également difficile pour tribuere dans le sens primitif d’imposer ; car ce sont les citoyens, et non pas les circonscriptions qui paient l’impôt. Tribunus peut ne s’être introduit qu’en même temps que la cité tri-unitaire et vouloir dire le chef d’une division ; mais il peut aussi bien être rapporté à la cité primitive et être compris dans le sens de général.

[24] L’ordre : Titienses, Ramnes, Luceres est dans Varron, à trois reprises (5, 55. 89. 91) ; dans Cicéron, De re p. 2, 20, 38 ; Festus, p. 344 = 349, v. Sex Vestæ sacerdotes, et p. 355, v. Turma ; Properce, 5[4], 1, 31 ; Ovide, Fastes, 3, 331 ; Servius, Ad Æn. 5, 560 ; le scoliaste des Verr. l. 1, 5, 14, p. i59. — Ramnes, Tities, Luceres, dans Tite-Live, 1, 13, 8. c. 36, 2. 10, 6, 7 ; Plutarque, Rom. 20 ; Vir. ill. 2, 11 ; Lydus, De mag. 1, 9. — Ramnes, Luceres, Tities dans Varron, 5, 81. — Tities, Luceres, Ramnes dans Ampelius, 49.

[25] Titienses se trouve dans Varron une fois, dans Cicéron, trois fois dans Festus (loc. cit. et Ép. p. 366, v. Titienses), dans Ovide, Servius, Ampelius, — Tities dans Varron, 5, 81 ; Properce, 5[4], 1, 31 (car Titiens est faux), — Titii dans Lydus, Tatienses dans Plutarque, dans le De viri ill. et dans le scoliaste des Verrines.

[26] Sur les sodales Titii, cf. Handb. 6, 416. Leur destination : conserver le culte distinct sabin (Tacite, Ann. 1, 54) et en particulier certains auspices propres (Varron, 5, 85), ce qu’il faut rapprocher des sacerdoces Romains institués à la suppression d’Albe et de Cænina pour leurs cultes distincts, implique que les Titienses entraient dans un État déjà existant ; et, puisqu’ils sont mis à la tête des trois fractions du tout, ils doivent y titre entrés comme puissance directrice, sinon exactement comme conquérants. Leur rattachement au culte funéraire du roi Tatius (Tacite, Hist. 2, 95 ; Denys, 2, 52) est un produit de l’influence des conditions politiques du temps d’Auguste, pour lesquelles on cherchait une consécration dans cette vieille institution. S’il avait été fait à l’origine, la divinisation de Tatius nous serait rapportée comme la transformation de Romulus en dieu Quirinus.

[27] Ramnes (génitif : Ramnium), est dans Varron quatre fois, dans Horace, Ars poet. 342, dans Festus deux fois, dans Properce, dans Ovide, dans Tite-Live deux fois, 1, 36, 2. 10, 6, 7 ; dans le Pervig. Ven. 73 ; dans le scol. des Verrines. — Ramnenses dans Varron, 5, 55 (à côté de Ramnes), dans Cicéron, dans Tite-Live une fois, 1, 13, 8, dans Plutarque, dans le De viris ill. — Ramnetes (cf. dans Virgile, 9, 324, l’accusatif Rhamnetem) dans Servius, Ampelius, Lydus.

[28] Luceres prévaut absolument. Lucerenses se trouve chez Festus, p. 119, comme forme secondaire, et en outre chez Plutarque (où Λουκερνήσης est sans doute une faute de copiste) et Ampelius. L’assertion qu’ils se seraient précédemment appelés Lucomedi (Festus, Ép. p. 120) ne doit être qu’une mauvaise conjecture.

[29] Lorsque Denys, 4, 14, probablement d’après Varron, représente la division du peuple par Tullius, cela peut exclusivement vouloir dire que, dans la première division, chaque gens était attribuée à une tribu déterminée, tandis que, dans la seconde, les gentils de la même gens pouvaient se trouver dans des tribus différentes.

[30] Varron, 5, 55. Verrius Flaccus, dans Aulu-Gelle, 18, 7, 5, ce qui peut à aussi bon droit être rapporté aux tribus de Romulus, qu’à celles de Servius. La raison pour laquelle Denys, loc. cit., les oppose comme τοπικαί à celles de Servius est expliquée à propos de ces dernières.

[31] Si Tite-Live, 1, 33, attribue le Palatin aux veteres Latini, le Capitole aux Sabins et le Cælius aux Albains, cela se fonde sur d’autres légendes et ne se lie pas aux trois noms de tribus.

[32] Denys, loc. cit.

[33] Le tableau se présente sous sa forme la plus pure dans Cicéron, De re p. 2, 8, 14 ; l’établissement des trois tribus et ries trente curies y est fait par Romulus et Tatius, immédiatement après la conclusion de la paix, et les trois tribus tirent leur nom de Romulus, de Tatius et d’un Lucumo qui Romuli socius in Sabino prælio occiderat. Tite-Live, 1, 13, est dans le même sens. Denys, 2, 7, place l’établissement des trois tribus et des trente curies a la tête des institutions de Romulus, et ce doit être la raison pour laquelle il supprime les noms, car l’histoire de Tatius ne vient qu’ensuite. Notre tradition ne sait rien d’une cité composée de dix curies ; elle semble au contraire considérer le peuple comme n’ayant eu dans les premiers temps aucun système de groupement.

[34] Denys (2, 35) fait incorporer les nouveaux citoyens plébéiens είς φυλάς καί φράτρας ; les autres écrivains ne le disent pas expressément ; mais ils doivent forcément avoir admis la même solution pour les nouveaux citoyens, patriciens ou plébéiens.

[35] Augustin dans le sermon sur le psaume 121, c. 7 (éd. des Bénédictins, vol. 4, p. 1388) explique à ses auditeurs l’expression biblique tribus, et il en rapproche (comme il fait encore ailleurs, sur le psaume 15, vol. 4, p. 792) les curiæ qui leur sont familières ; en les prévenant qu’il ne s’agit pas de curia = ordo. Il n’est donc pas affirmé là que le nombre des curiæ romaines ait été augmenté ; mais les 35 tribus romaines sont rendues intelligibles à l’auditoire africain par leur désignation du nom de curiæ. Probablement en partant de ce texte, Paul identifie, dans son abrégé de Festus, p. 54, v. Centumviralia les tribus et les curies, et il fait ailleurs, p. 49, adjoindre 5 curies, aux 30, de Romulus, — aux deux endroits sans doute en ajoutant au texte de Festus. Le mauvais scoliaste des Verrines, 1, 5, 14, p. 159, ajoute à la mention des 30 curies de Romulus que : Ad postremum XXX et V sunt factæ. J’ai établi contre Ambrosch, dans mes Rœm. Forsch. 1, 141 et ss., qu’il n’y a aucun compte à tenir de ces assertions.

[36] Si la troisième tribu manque ici et si les Luceres sont seulement dans la légende sans que l’on sache pourquoi ils y sont, cela a une bonne raison. La légende républicaine de la double royauté, c’est-à-dire du consulat, a effacé le souvenir de la cité tri-unitaire ; elle n’a pas pu écarter les Luceres, mais elle les a dépouillés de leur légende.

[37] Dans le municipe africain d’Althiburus, on rencontre le populus (ou les curiales) curiarum X (C. I. L. VIII, 1927. 4828). Pour Lambæsis, en connaît les noms de neuf curies, auxquelles s’en ajoutait, sans nul doute, une dixième, tirant son nom d’Hadrien (C. I. L. VIII, p. 283) ; cependant on ne peut dire avec certitude s’il ne manque pas encore d’autres noms. — A Turris, il y avait 23 curies.

[38] Il n’y a pas de place de réunion affectée à la curie isolée.

[39] Nous ne savons rien d’un culte distinct des curies isolées ; Denys, 2, 21, dit seulement : Θεούς άποδεικνύς έκάστοις καί δαίμονας, οΰς έμελλος άεί σέβειν.

[40] La situation des veteres curiæ est déterminée par Tacite, Ann. 12, 24 ; ses indications conduisent au versant du Palatin du côté de l’arc de Constantin (Jordan, Top. 1, 1, 165). Leur translation à une époque incertaine de là au compitum Fabricium (dont la situation est inconnue) ne fut pas complété : un certain nombre de curies restèrent dans l’ancienne édifice en vertu de scrupules religieux (Festus, p. 174, v. Novæ curiæ).

[41] Festus, Ép. p. 49, v. Centurionus.

[42] C. I. L. VIII, 1114. Il s’appelle aussi curio minor, C. I. L. II, 1262. VI, 2169, par opposition au curio maximus. L’identité du curio minor et du curio tout court résulte de l’attribution spéciale des curionats aux chevaliers, et de préférence ana chevaliers de rang sénatorial (cf. la partie des Chevaliers) ; car on retrouve la même particularité pour le rang du curio minor, tandis que, s’il avait été analogue au pontifex minor, il n’eût pas été possible qu’il eût le rang sénatorial. L’emploi récent soit de ces personnes comme crieurs, soit seulement du mot curio pour désigner les crieurs (Martial, Prœf. 1. 2 ; Vita Gallieni, 12) peut venir de ce que des fonctions analogues incombaient aux curions en vertu de leurs charges.

[43] Varron, dans Denys, 2, 21 (cf. c. 64). A la vérité, l’âge tout au moins ne s’applique pas aux curions de l’époque impériale qui sont constamment des éphèbes. Festus, Ép. p. 64, nomme les flamines curiales curarum sacerdotes. Il faut se figurer le rapport comme étant le même que celui dans lequel sont le magister et le flamen des Arvales ; le rôle du flamine est d’ailleurs en général, au sens propre, un rôle secondaire. L’identification de ces flamines avec les lictores curiatii est incertaine. Voir, tome II, la partie des Faisceaux, sur les licteurs sacerdotaux.

[44] Denys, 2, 23.

[45] Festus, Ép. p. 64. Le même, Ép. p. 62. Denys, 2, 50 (cf. Festus, Ép. p. 49, v. Curia) sont en première ligne ces sacrifices à Junon (Varron, 6, 46). Sur la qualification de cette Junon, cf. Denys, 2, 50. Si, selon Denys, 2, 13, les φρατριεΐς célèbrent la fête avec les prêtres et participent au banquet, le local choisi démontre que cette fête de Junon ne peut être considérée comme une fête collective des curiales.

[46] V. tome II, dans la partie du grand pontificat, la théorie de la nomination des prêtres.

[47] Festus, Ép. p. 49. Denys, 2, 23.

[48] Ces fêtes sont les fornacalia (au plus tard, le 17 février) et les fordicidia, le 15 avril (Handb. 6. 197 et ss.). Les premières sont annoncées par le grand curion et célébrées sur le Forum, par chaque citoyen dans sa curie (Ovide, Fastes, 2, 527 et ss. ; Varron, De l. L, 6, 43 ; Plutarque, Q. R. 89, où il emploie φρατρία et φυλή l’un pour l’autre).

[49] C’est là aussi la conception de nos sources. D’après elles, le recrutement comme le cens a atteint de tout temps tous les citoyens, parmi lesquels elles comptent naturellement les plébéiens. Denys, 2,-35, le dit expressément dans son récit des premières conquêtes de Romulus : les Cæninenses et les Antemnates, au nombre de 3.000, furent incorporés dans les tribus et les curies.

[50] Tite-Live, 1, 43. Cela ne peut se rapporter aux corvées, qui ne sont pas réglées par le cens, mais seulement au service militaire étau tribut connexes qui est également imaginé comme ayant été jusqu’alors un impôt de capitation égal (Denys, 4, 9. 19. 43. 5, 20). Cela correspond à la conception du droit de vote.

[51] S’il fallait une preuve que la centuria était, dans la plus ancienne organisation militaire, ce que signifie son nom (Varron, 5, 88 ; Festus, Ép. p. 53, s. v.), on la trouverait dans l’emploi du mot comme mesure de superficie pour 100 heredia ou 200 jugera. Centuria, decuria sont formés de centu-viria, decu-viria (Corssen, Ausspr. 2, 683) ; le vir est, dans l’ancien langage, le guerrier (viros voca, prælium ineant, dans l’appel aux armes ; vir virum legit ; viris equisque).

[52] Si nettement que cela résulte du schéma, il n’est jamais dit expressément que curia et centuria soient dans le même rapport que la circonscription d’enrôlement et les hommes enrôlés. Cependant Denys, 2, 7, explique dans ce sens curia par φράτρα καί λόχος.

[53] Denys, 2, 7, et également Paternus dans Lydus, De mag. 1, 9, identifient, à raison de la similitude de la curia et de la centuria, le centurio et le curio ; mais l’officier et le prêtre sont clairement séparés par la terminologie et par la disposition sur l’âge requis.

[54] Festus, Ép. p. 49, v. Centurionus.

[55] D’après Denys, 2, 7 (cf. c. 14) Romulus partage la curia, c’est-à-dire la centuria en dix decuriæ commandées chacune par un decurio. Cela doit être entendu au point de vue militaire ; car Denys, ou plutôt Varron, qui est son autorité, confond le peuple le plus ancien avec la levée la plus ancienne. Peut-être est-ce de la decuria qu’est sorti le contubernium de l’organisation militaire postérieure (Handb., 5, 421). — On a voulu interpréter ce texte,’dont on a gravement abusé, en ce sens que δεκάς désignerait la gens comme dixième partie de la curie, ou encore (ainsi que proposait Schwegler, 1, 614) comme ensemble de dix familles ; mais δεκάς ne signifie pas plus l’une des choses que Vautre, il veut dire decem viri ; en outre, il n’est jamais venu à l’esprit d’aucun ancien et il n’aurait dû venir à celui à aucun moderne de compter pour la curie un nombre fixe de gentes, ni pour la gens un nombre fixe de familles.

[56] Festus, Ép. p. 54. Ce renseignement est seul dans cette forme. Mais précisément pour cela il a autant d’autorité que tel autre qui se trouve fréquemment reproduit dans nos sources compilées, et il s’accorde bien tant avec l’identification militaire irréfutable de la curia et de la centuria qu’avec les décuries de Denys. A la vérité, on est surpris, et la faute en est sans doute seulement à Paul, que la comparaison naturelle de la curie et de la centurie fasse défaut et soit, remplacée par celle de l’armée de 160 turmæ. Ces turmæ ne peuvent être que les turmæ de l’infanterie, résulte-t-il de la relation avec les centimes et du nombre 30 X 100 qui est précisément celui de la legio. Étymologiquement, turma n’est tout au moins dans aucun rapport clair avec le service à cheval. Matériellement, cette indication comble une lacune ; car, puisque les 3 centuries des cavaliers correspondent à leurs 10 turmæ, il doit y avoir aussi, pour l’infanterie, à côté de la division en 30 centuries une autre division en 100 turmæ. En outre, si la double division de la cavalerie avait pour but d’amalgamer les trois tribus, il faut nécessairement que ce système ait aussi été appliqué a l’infanterie. Sa disparition pour l’infanterie et son maintien pour la cavalerie sont une nouvelle conséquence de la différence que l’on retrouve partout entre la cavalerie qui est permanente et l’infanterie qui ne l’est pas.

[57] Le mot est dérivé de mille, en combinaison soit avec ire, sens dans lequel on peut invoquer l’analogie d’eques, pedes, ales, soit avec le même suffixe que dans οίκέτης, έρέτης, φυλέτης, γυμνής (Corssen, Ausspr. 2, 209, rapproché de 1, 383). L’idée de nombre est déterminante pour l’usage militaire du mot qui réclame un nombre précis.

[58] Varron, 5, 89. De même Dion, fr. 5, 8. L’allégation de Plutarque, Rom. 9, est étrangère à la bonne tradition et résulte probablement d’une déduction facile.

[59] Varron, loc. cit., où ressort clairement la différence existant entre le chiffre déterminé des hommes enrôlés et la chiffre nécessairement indéterminé des citoyens. Au contraire, dans Denys (2, 2, 16, cf. 1, 87), Romulus fonde la cille avec en tout 3.000 hommes de pied et 300 cavaliers, qui, après la conquête de Cænina et d’Antemnæ montent à 6.000 (2, 35), et, à la mort de Romulus, il y a 46.000 hommes de pied et environ 1.000 cavaliers (2, 16). Plutarque, Rom. 13, donne les mêmes chiffres fondamentaux, mais il admet dès le principe plusieurs légions, et, après la réunion des Sabins, il fait monter la légion à 6.000 fantassins et 600 cavaliers ; Lydus, De mag. 1, 16, a greffé là-dessous de nouvelles erreurs. — Ces chiffres fondamentaux ont été maintenus en pratique jusqu’au temps de Marius, en ce sens que l’on a augmenté le contingent en multipliant tes légions, mais que la légion a conservé dans son chiffre normal (sana doute fréquemment modifié en’ pratique) le système primitif. Polybe, 6, 20, 8. 9, indique encore, en faisant abstraction des velites, qui étaient évidemment au début à côté de la legio, le nombre 3.000 comme le chiffre normal des, légionnaires complètement équipés.

[60] Varron, 5, 81 ; Denys, 2, 7 ; Plutarque, Rom. 20 ; Pomponius, Digeste, 1, 2, 2, 20.

[61] Cette dénomination, empruntée aux institutions Persico-Macédoniennes, déjà admise pour le tribun militaire romain du temps de Polybe, ne peut, puisqu’en fait il ne commande aucun corps de mille hommes, se fonder que sur le rattachement, certain pour son introducteur, — peut-être Fabius, — du tribunus militum à la cité primitive.

[62] Cf. tome I, la partie de la Collégialité, et tome III, la partie du Tribunat consulaire. Peut-être le nom tribunus vient-il aussi de là.

[63] Celeres était primitivement le nom technique des cavaliers ; la preuve en est dans le nom resté officiel des tribunis celerum. Cf. tome III, la partie de la Maîtrise de la cavalerie. Les savants Romains sont du même avis, en particulier Festus (ci-dessous, note suivante), Pline, 33, 2, 35, Denys, 2, 13. 61, Servius, Ad Æn. 11, 603. Ce paraît être seulement par une confusion que Tite-Live cite les unes à côté des autres les trois centuries de cavaliers de Romulus (1, 13, 8) et, comme constituant sa garde, les 900 celeres (1, 15, 7) et leur donne par lé tout au moins l’air, d’être des corps différents, Il est suivi par Zonaras, 7, 3, 4 ; par Plutarque, Rom. 26. Num. 7, avec cette addition que Numa aurait dissous la garde, évidemment parce qu’on ne la retrouvé plus ensuite à titre distinct ; enfin, avec des erreurs graves, par Paternus ou plutôt par Lydus, De mag. 1, 9. Certainement la version primitive admettait que les cavaliers, comme troupe permanente, servaient en même temps de gardes du corps ; il faut aussi prendre en considération sur ce point l’emploi de la cavalerie romaine an service de fantassins signalé par Denys. — On rapporte encore deux autres anciennes dénominations des cavaliers : flexuntes (Licinianus, éd. de Bonn, p. 4, cf. p. XXII : Pline, H. n. 33, 2, 35 ; auprès lesquels il faut corriger flexuntæ dans Varron, chez Servius, Ad Æn. 9, 603) et trossuli (Junius Bracchanus, dans Pline, loc. cit. ; Festus, Ép. p. 367 ; scolie de Perse, 1, 81) ; cependant les deux dénominations ne paraissent pas appartenir a la langue juridique.

[64] Festus, Ép. p. 55 ; Servius, Ad Æn. 9, 308.

[65] Festus, Ép. p. 49. Aussi decures = decuriones : Festus, Ép. p. 71. 75.

[66] Tite-Live, 1, 13, 8 : Eodem tempore (sous Romulus, après l’annexion des Sabins) et centuriæ tres equitum conscriptæ sunt : Ramnenses ab Romulo, ab T. Tatio Titienses appellati : Lucerum nominis et criginis causa incerta est. c. 36, 2. c. 43, 9 et plusieurs autres textes.

[67] Le chiffre 300 est fréquemment indiqué comme le chiffre primitif de la cavalerie (Festus, p. 118, note 3 ; Denys, 2, 2. 13. 16. Plutarque, Rom, 13 ; Servius, Ad Æn. 9, 368) et aussi des ceteres lorsqu’ils sont distingués, comme garde du roi, des centuries de chevaliers (Tite-Live, 1, 15, 8 ; Plutarque, Num. 7). Ce chiffre est aussi resté le chiffre normal pour la cavalerie de la légion, tant qu’il y en a eu une, et il apparaît encore comme tel dans Polybe.

[68] Le récit de l’élévation de la cavalerie de 3 centuries à 18, a pour point de départ que les trois centuries primitives de 100 hommes ou les 10 turmæ de 30 auraient été triplées à deux reprises par l’établissement de 10 nouvelles turmæ sans changement du chiffre des centuries. Il ne nous est, il est vrai, pas signalé d’autre phase intermédiaire que l’organisation de 10 nouvelles turmæ par Tullus après la chute d’Albe, dans Tite-Live, (1, 30, 3). Il en est de cela comme de l’élévation du sénat de 100 membres à 300 : la légende connaît, pour les centuries de chevaliers, les chiffres 300 et 900, mais ne sait pas trouver de chemin pour passer de l’un à l’autre. Comme sur le chiffre primitif de 300, on est d’accord sur le fait que le roi Tarquin trouva trois centuries tirant leur nom des tribus et composées de 300 cavaliers et qu’il les porta a 3 centuries doubles de 600 ou à 6 centuries simples de 300 hommes en ajoutant aux priores (Cicéron, De re p. 2, 20, 36) ou primi (Festus, p. 344 a 349, v. Sex Vesta) Titienses, Ramnes, Luceres les posteriores (Tite-Live, 1, 36, 7) ou secundi (Cicéron ; Festus, loc. cit.). Cicéron, De re p. 2, 20, 36. Tite-Live, 1, 36. Ensuite les six centuries antérieures à Servius, de 300 hommes chacune, furent transformées par lui en 18 centuries de 100 hommes, et il réserva les noms portés jusqu’alors à six d’entre elles ; ce que l’on peut encore exprimer en disent qu’il fonda 42 nouvelles centuries et conserva les 6 anciennes, comme le fait Tite-Live, 1, 43. L’organisation postérieure du scrutin qui appelle au vote les douze centuries innommées de chevaliers avant les sex suffragia, aura influé dans ce sens. Dans Cicéron, De re p. 2, 22, 39, il n’y a de conservé que les derniers mots du récit : ... duodeviginti censu maximo, d’après lesquels il a, comme cela ne pouvait pas ne pas, arriver, rattaché toutes les 18 centuries à Servius. Le témoignage de Festus, 11, 334, est rédigé un peu différemment : Sex suffragia appellantur in equitum centuriis quæ sunt adjectæ (Ms. : adfectæ) ei numero centuriarum quas Priscus Tarquinius rex constituit, en ce sens que Servius n’y décompose pas les six anciennes centuries, mais en trouve 12 et en ajoute 6. Probablement cette forme a été donnée au récit parce qu’il n’y avait d’attesté pour l’époque antérieure à Tarquin que le doublement de la cavalerie. Mais le tableau est par là gâté sous deux rapports : d’une part la vieille légende d’Attus Navius (cf. en dehors des textes cités, Festus, p. 169, v. Nævia ; Val. Max. 1, 4, 1 ; De vir. ill. 6, 7 ; Florus, 1, 5, 2) exige absolument qu’il s ait trois centuries jusqu’à Tarquin et six après lui ; en second lieu, il est plus qu’incorrect que les anciens noms des tribus soient attribués par cette version aux centuries créées par Servius. — Au reste, la création récente du récit qui sert de base à tous nos témoignages résulte notamment de ce que la centurie ne peut pas avoir été, à cette époque reculée, autre chose que ce que dit son nom. L’ancienne légende n’a certainement rien su de l’élévation de la centurie de 100 hommes à 800 ; elle a admis seulement des centuries de 100 hommes et a développé des 3 centuries des 3 tribus de Romulus les 6 centuries de Tarquin, auxquelles la constitution de Servius en a ajouté 12 qui n’ont pas de rapport avec la division en tribus. Cela a été probablement modifié pour donner la même vieille noblesse aux 18 centuries équestres : on les a, en torturant les faits, rattachées toutes aux trois plus anciennes et on les a ainsi fait toutes remonter jusqu’aux temps antérieurs à Servius.

[69] Les renseignements qui nous sont restés sur les tribuni celerum sont rassemblés, au tome III, dans la théorie de la Maîtrise de la cavalerie. Il n’y a de sûr que leur nom et leur chiffre multiple ; leur identification avec les trois centurions des cavaliers cités par Antias est probable ; au contraire, le commandant en chef des cavaliers, que le même auteur cite à leurs cotés, est une invention ou tout au moins n’a pas été une institution stable.

[70] Varron, 5, 91. De même, d’après Curiatius, Festus, p. 355. L’étymologie est incertaine ; il est difficile qu’il y ait une corrélation avec turba.

[71] La centuria procum patricium (Festus, p. 249 ; Cicéron, Orat. 46, 156) ne peut être rapporté qu’aux sex suffragia ; il n’y a pas ailleurs de place pour les patriciens dans les divisions de vote.

[72] Varron, 5, 481. Tite. Live, 1, 43, 13. Cette pseudo-étymologie est à la vérité proposée relativement au cens de Servius Tullius ; mais, si elle a, au moins pour le fond, une valeur, elle doit être rapportée aux tribus les plus anciennes. Denys, 4, 14, le dit expressément du roi Servius.

[73] Tite-Live, 4, 59, 11. Handb. 5, 92 et ss.

[74] V. tome III, les préliminaires de la partie du Grand Pontificat.

[75] Cicéron, De re p. 2, 9, 16. Denys, 2, 22. Tite-Live, 10, 6, 7. Le nombre trois primitif est confirmé par la loi de César relative à Genetiva, c. 61.

[76] Festus, p. 344. A la vérité, selon Denys (2, 67. 3, 67) et Plutarque (Num. 10), Numa crée quatre vestales et Tarquin l’Ancien en ajoute deux.

[77] V. tome I, la partie de la Collégialité.

[78] Cicéron (De rep. 2, 14, 26) attribue à Numa le port du collège de trois membres à cinq ; nous montrons ailleurs (v. tome III, les préliminaires de la partie dd Grand Pontificat) qu’il faut compter Numa lui-même et que par conséquent le collège fut alors porté à six membres.

[79] Tous les témoignages sont d’accord sur ce point. D’après Cicéron, De re p. 2, 20, 36, Tarquin eut l’intention de Titiensium et Ramnensium et Lucerum mutare nomina ; il n’y a pas là, comme a cru Becker (1re éd. p. 241, note 494) une erreur ; la légende représente. Tarquin comme projetant de donner de nouveaux noms aux trois nouvelles centuries et comme contraint de leur donner les anciens en y ajoutant une qualification distinctive.

[80] Si Festus (p. 169, v. Navia) et Denys (3, 71. c. 72 ; également Zonaras, 7, 8) ramènent le doublement des centuries de chevaliers au projet de doubler les trois tribus elles-mêmes, cela doit bien vouloir dire qu’il s’agissait d’in doublement général de l’État dont celui de la cavalerie n’aurait été qu’une partie. Mais ce n’est là qu’une opinion, ce n’est pas un témoignage.

[81] En dehors des nombreux noms de districts urbains ou ruraux cités plus bas qui confirment cette règle, nous pouvons encore invoquer ici les pagi de la liste de Veleia et de celle des Bæbiani : dans le territoire de Bénévent, Albanus, — Beneventanus, — Romanus ; dans celui de Placentia, Noviodunus, — Vercellensis, — Veronensis ; dans celui de Veleia, Albensis, — Bagiennus, — Statiellus. Les noms gentilices comme le pagus Domitius et le pagus Valerius dans le territoire de Veleia, le pagus Julius dans celui de Placentia, sont isolés. Dans le Latium, nous connaissons dans le territoire de Fieules, le pagus Ulmanus et Transulmanus Pelecianus (Orelli, 111 = C. I. L. XIV, 4012 ; cf. Hermes, 17, 51). Trois pagi de Nola s’appellent Agrifanue, Capriculanus, Lanita (C. I. L. X, 1278-1280). L’unique pagus du vieux territoire Romain dont nous connaissions le nom, le pagus Lemonius porte un nom de forme gentilice : mais, puisque, selon Varron, les noms locaux des curies sont pour la plupart tirés de pagi, il faut que les noms de pagi aient aussi pour la plupart été locaux.

[82] Festus (p. 254) : Publica sacra quæ publico sumptu pro populo fiunt quæque pro montibus pagis curiis sacellis.

[83] Il n’y a pas de synœcisme dans les montes et les pagi, par cette simple raison qu’un district urbain pris à part on un district rural pris à part ne peut pas être une unité politique. Jamais les Romains ne se sont figuré les trois montes du Palatin ou les pagi de Numa, comme des cités politiques.

[84] Ce n’est pas ici le lieu d’étudier la plus ancienne histoire de la ville ; il suffira de rassembler brièvement les points qui ont une importance pour le droit public.

[85] Festus, p. 348 (cf. p. 340. 341). Varron, 5, 41 : Ubi nunc est Roma, [antea] Septimontium nominatum ab lot montibus quos postea urbs comprehendit, c’est-à-dire qu’il est ainsi nommé d’autant de montagnes qu’on en compte dans la Rome de Servius. Varron étudie ensuite non pas ces anciennes éminences, mais les sept collines récentes, le Capitole, l’Aventin et celles contenues dans les quatre tribus locales ; il n’identifie donc pas, comme je l’avais antérieurement admis à tort (Tribus, p. 212 et ss.) les dernières avec les montani.

[86] Varron, 5, 48 ; Festus, p. 309. 309. La dénomination pagus Sucusanus a sans doute été précisément conservée par la fête du 13 décembre ; s’il est considéré comme en dehors de la ville dans les explications étymologiques (tirées de succurrere), cela vient naturellement de l’expression pagus.

[87] Varron, 6, 24. Plutarque, Q. Rom. 69. — Les dii montenses de l’inscription récente, C. I. L. VI, 377, ne se rapportent certainement pas à cette fête ; ils doivent plutôt être rapprochés des Sul(eviæ) mont(enses) de l’inscription C. I. L. III, 1601 et des du montes de Lactance, De mort. persec. 11.

[88] C. I. L. I, p. 401, sons le nom des Agonalia.

[89] La colonie latine d’Ariminum, fondée en 486, se divise en septem vici (patronus vicorum VII : Grut. 484, 9 ; vicani vicorum VII : Orelli, 3177 = C. I. L. XI, 377 ; Orelli, 80 = C. I. L. XI, 379 ; Grut. 467, 1 = C. I. L. XI, 418 ; Orelli, 3116 = C. I. L. XI, 419), parmi lesquels abus en connaissons cinq : Aventin(us) (Henzen, 7070 = C. I. L. XI, 421) ; Cermatus (Orelli, 3116 = C. I. L. XI, 4119) : Dianensis (Orelli, 80) For[ensis ?] (Tonini, Rimini, IV, p. XX = C. I. L. XI, 404) ; Velab(er) (Grut. 1021, 2 = C. I. L. XI, 417). La colonie d’Auguste Antioche de Pisidie doit nécessairement avoir été organisée d’une manière semblable. Nous ne connaissons pas le chiffre total de ses vici ; mais nous connaissons les noms de six d’entre eux : ædilicius (C. I. L. III, 290) ; Cermatus (C. I. L. III, 296) ; patric[i]us (inscription inédite) ; salutarit (idem) ; Tuscus (C. I. L. III, 291) ; Velabrus (C. I. L. III, 289). Les septem vici se rattachent sûrement au septimontium. Les noms de Cermatus et Velaber commune aux deus villes se rapportent au Palatin ; de même ceux de Tuscus et peut-être de For[ensis] ; l’Agentinus au mont du même nom, et peut-être aussi le Dianensis ; le patricius à l’Esquilin (Becker, Top. p. 531). Les sept collines postérieures, qui comprennent toute la ville, et les 14 régions d’Auguste, se rattachent aussi au septimontium.

[90] Cicéron, De domo, 28,174. Q. Cicéron, De pet. cons. 8, 30.

[91] C. I. L. XIV, 2405 = Henzen, 2105 : Mag(istei) paganor(um) Aventin(ensium), du commencement de l’époque d’Auguste. Le collegium Mercurialium (C. I. L. I, 805) appartient aussi à l’Aventin.

[92] Il n’y a pas, il est vrai, de pagus de cité ; mais le collegium Capito linorum parait être essentiellement de la même nature (Tite-Live, 5, 50 ; C. I. L. I, 805).

[93] Le pagus Sucusanus aura conservé sa dénomination de district rural après avoir été incorporé à la ville et égalisé aux montés.

[94] L’inscription votive de l’ancien sanctuaire de l’une des sept communautés qui composaient le septimontium ; de celle du mont Oppius, a été retrouvée récemment, non pas il est vrai à son ancien emplacement, mais certainement à peu de distance, sur le versant de ratte colline, dans le voisinage des thermes de Titus. Elle appartient aux environs de l’époque de Cicéron et est ainsi conçue : Mag(istrei) et flamin(es) montan(orum) montis Oppi de pequnia mont(anorum) montis Oppi sacellum claudend(um) et arbores serundas cœraverunt (Bull. della comm. arch. munic. 1887, p. 156). Ce sanctuaire doit être le sacellum Jovis fagutalis (Varron, De l. L. 5, 152), qui est celui que Varron nomme en premier lieu parmi les différents bois sacrés de l’Esquilin comme existant encore de son temps (Varron, De l. L. 5, 49). Les montani montis Oppi apparaissent ici clairement comme constituant une communauté religieuse plus petite dans l’intérieur de la ville. L’existence à leur tête de magistri et de flamines est d’accord avec la constitution religieuse primitive telle que la montrent non seulement les institutions générales où le pontifex a, en qualité de magister, des flamines des différents dieux à ses côtés, mais aussi en particulier la constitution des Arvales (v. tome III, la partie du Consulat, sur l’organisation du culte), et celle des sacra des curies. La pluralité des magistri est surprenante dans une institution aussi ancienne (voir tome I, la partie de la Magistrature et des pouvoirs de magistrat, sur la définition du magistratus) ; et celle des flamines l’est encore plus ; car aucune divinité n’a plus d’un flamen, et le mons Oppius a difficilement eu plus d’un Dieu principal : le Palatin na non plus que le seul flamen Palatuaris. Cependant l’absence, également surprenante, du nom des auteurs de la dedicatio laisse place à la possibilité que ces prêtres aient, comme ceux des Arvales, changé tous les ans et que les travaux soient désignés comme ayant été faits successivement sous l’autorité de plusieurs d’entre eux. Le sanctuaire en plein air, le sacellum (Festus, p 318), est, voyons-nous par là, un caractère que les montes partagent avec les Argei. On est porté à se demander si les ædes n’étaient pas, à l’époque la plus ancienne, réservées aux Dieux, de la cité tout entière et si les emplacements non couverts n’étaient pas les seuls que les districts religieux, les gentes ou les particuliers pussent consacrer à leur culte.

[95] Festus, v. Sifus, p. 340, d’une lex rivalicia proposée par un Ser. Sulpicius (nous ne savons lequel) : [Mon]tani paganive si[fis aquam dividunto] : donec eam inter se [diviserint, .....] s judicatio esta. Les tuyaux de conduite qui amenaient l’eau du canal principal dans les divers districts devaient donc être construits par ces districts (naturellement sous le contrôle supérieur des censeurs) et à leurs frais. Le conlegium aquæ de la ville de Rome, dont se sont conservés les statuts en daté des derniers temps de la République ou du commencement d’Auguste (C. I. L. VI, 10298), est probablement une de ces communautés. C’est à elles que se rapporte Frontin, 94.

[96] Voir au tome IV, dans la partie de l’Édilité, la fin de la section de la surveillance des rues et des lieux publics.

[97] Il n’y a aucun doute sur la relation de pagus et pagina avec pangere et pax (Corssen, Ausspr. 1, 393) ; les deux mots ne peuvent donc être rapportés qu’au tracé des lignes de séparation, nécessaire pour les champs comme pour les carrés du rouleau de papyrus (cf. Festus, Ép. p. 221). Il est impossible de les rattacher à l’idée de forteresse, parce que pangere ne veut pas dire fortifier. Les anciens (Festus, Ép., p. 221 ; Servius, Georg. 2, 382) expliquent : Pagi dicti a fontibus, quod eadem aqua uterentur ; aquæ enim lingua Dorica παγαί appellantur, où ils identifient le mot avec le παγος grec dans le sens de κρησφύγετα, hauteurs fournissant un refuge (Denys, 4, 15).

[98] Les glossaires grecs assimilent avec raison le pagus à la τοπαρχία ou au νομός égyptien ; le rapprochement avec δήμος dans Festus, p.71, n’est pas juste.

[99] Les sallus de la table alimentaire de Veleia le prouvent.

[100] Les pagi de Campanie le prouvent.

[101] Cf. Handb. 6, 203 et ss. Compitum tire son nom de la rencontre des chemins et non de celle des hommes ; mais naturellement on place le lieu de réunion au croisement des chemins.

[102] Siculus Flaccus, p. 164. Cf. C. I. L. IX, 1618. 5565 ; Handb. 6, 201.

[103] Nous ne connaissons cependant que trois vieux pagi romains, en dehors de celui du Capitole, si toutefois c’en est un, et de celui de l’Aventin : le pagus Montanus devant la porte Esquilin (sénatus-consulte du temps de la République, C. I. L. VI, 3823) ; le pagus Janicolensis (inscription votive du temps de la République, d’un magister de ce pagus, trouvée au Trastevere, C. I. L. I, 801. 802 = VI, 2219. 2220), enfin le pagus Lemonius qui donna son nom à la tribu Lemonia et qui était situé a porta Capena Latina, nous ne savons à quelle distance. Les deux pagi de l’inscription obscure C. I. L. 1, 804 = VI, 2221 (trois mag. de duobus pageis et vicei Sulpicei) et les septem pagi qui auraient été enlevés par Romulus aux Étrusques et rendus à Porsenna (Denys, 21 55. 5, 31) sont dépourvus de noms.

[104] La mention d’Ulpien, Digeste, 50, 45, 4, pr. demande pour la forma censualis, l’indication, pour chaque fond de terre, in qua civitate et in quo pago sit, nous est mise sous les yeux par les deux tables alimentaires de Veleia (C. I. L. XI, 1447) et des Ligures de Bénévent (C. I. L. IX, 1455).

[105] Cf. ma dissertation sur les pagi celtiques, Hermes, 16, 449. 19, 316. Assurément cette translation est très impropre et en réalité incorrecte : le pagus celtique des Tigorini n’est pareil ni dans son étendue, ni dans sa destination, au district rural italique (op. cit. 16, 480, note 3), mais il n’y a, dans la terminologie romaine, aucune autre expression pour désigner une circonscription rurale fermée.

[106] Il n’y a pas besoin de textes. Magister pagi, Orelli, 1495. Ministri pagi, C. I. L. X, 994. Il ne faut pas confondre les magistri du pagus lui-même avec les curateurs des divers temples, portant le même nom et changeant chaque année, tels qu’ils se rencontrent surtout à Capoue (C. I. L. X, p. 367).

[107] Handb. 6, 499.

[108] C. I. L. X, 3772.

[109] Lorsque Denys, 2, 76, appelle le magister pagi, de Numa un έπίσκοπον καί άρχοντα τής ίδίας μοίρας, auquel il aurait spécialement incombé de veiller sur l’agriculture par des avertissements et des peines ; et sur ce qu’il dit, 4, 15, des pagi de Servius, il exagère en ce que les magistri qui n’étaient pas des magistrats n’ont certainement pas prononcé de peines disciplinaires ni fait d’autres actes de magistrats ; mais ils ont sûrement exercé à ce point de vue une action auxiliaire.

[110] Siculus Flaccus, p, 346. Cf. le même auteur, p. 348, 22.

[111] Siculus Flaccus, p. 165.

[112] C’est ce que fait Denys, 2, 76, qui représente Numa comme partageant toute la campagne en ce qu’on nomme des pagi pour favoriser l’agriculture (d’après lui, Plutarque, Num. 16).

[113] Tous les indices sont contraires à l’idée que le pagus ait été autrefois une possession immobilière réunie dans une seule main.

[114] C’est ce que montre l’histoire des septem pagi.

[115] C’est le chiffre qu’en donne la table alimentaire, en faisant abstraction de quelques noms douteux, et il ne peut pas en manquer beaucoup. Il n’en est pas de même pour les autres territoires.

[116] Pagi sententia et pagi decretum, par analogie avec les collèges, se rencontrent fréquemment (C. I. L. IX, p. 788) ; pagi scitus, par analogie avec la cité, se trouve dans les pagi campaniens ; C. I. L. X, 3772. 3783, et C. I. L. V, 4148.

[117] Festus, p. 374. Ils portent aussi, et cela dès la fin de la République, le nom d’édiles. Cf. tome IV, dans la partie de l’Édilité, la fin de la section consacrée à l’édilité de l’ancienne cité plébéienne.

[118] C’est attesté pour les montes et les pagi urbains (Cicéron, De domo, 28, 74) ; v. d’autres exemples, C. I. L. IX, p. 788. Le conventus de Capoue (Cicéron, Pro Sest. 4, 9) ne peut pas non plus être autre chose que la réunion des pagani campaniens (cf. Hermes, 7, 319).

[119] Inscription de Bénévent, C. I. L. IX, 4618. Il n’est pas besoin de donner d’autres exemples.

[120] C. I. L. VI, 3823 ; inscription de Corfinium (C. I. L. IX, 3173).

[121] Résolution du vicus Furfensis, de 696, C. I. L. IX, 3513, où est appliquée la procédure romaine de multa avec provocatio. Les multæ et même la procédure devant les récupérateurs apparaissent de même dans les statuts du conlegium aquæ.

[122] Parmi les pagi italiques qui ne peuvent pas avoir été ceux du cadastre, le plus remarquable est le pagus Augustus felix suburbanus de Pompéi ; mais on ne sait ce qu’il était, on ne sait si c’était l’emplacement assigné pour leur résidence aux anciens citoyens tolérés lors de la fondation de la colonie de Sulla, ou si c’était toute autre chose.

[123] Festus, p. 371 définit le vicus en disant qu’ibi nundinæ aguntur negotii gerendi causa. Inscription de Numidie, C. I. L. VIII, 3280 : Antonia L. f. Saturnina vicu et nundina V kal. et V idus sui cujusque mensis constituit, et ce qui est ajouté là ; sénatus-consulte rapporté C. I. L. X, 1401. Les marchés permanents tenus, à l’époque ancienne, deux fois par mois, et, depuis l’introduction de la semaine de sept jours, l’un des jours de la semaine (C. I. L. III, 4121), existent dans tout l’empire.

[124] Inscription de Furfo (C. I. L. IX, 3521).

[125] Table alimentaire de Veleia, 1, 42 et ss. Il y a également dans le pagus Albensis de Veleia, trois vici de nommés : Blondelia, 1, 75 (cf. 4, 23) ; Lubelius, 6, 50 ; Secenia, 1, 61 (cf. 4, 23).

[126] Cela se présente constamment dans la table alimentaire de Veleia, qui nomme le pagus régulièrement, et le vicus avec une rareté relative et toujours au second rang. C. I. L. V, 7923. C. I. L. VI, 3927 (cf. C. I. L. III, p. 507). Cf. Tacite, Germ. 12.

[127] La résolution du vicus Furfensis (C. I. L. IX, 3513), attribue à son édile l’administration des biens du Dieu avec la même étendue avec laquelle les censeurs ont celle des biens des Dieux de Rome.

[128] Le rapprochement du caractère de la ville, par lequel le vicus se distingue du pagus, se manifeste dans de nombreuses formations hybrides, par exemple dans les pagi africains avec des décurions (C. I. L. VIII, p. 1100), il se manifeste surtout clairement dans le fait que les longues séries de noms de lieux munis de la juridiction, que contiennent la loi Rubria et d’autres documents, indiquent le vicus et non le pagus.

[129] Là il s’est maintenu légalement jusque dans la constitution des cités de l’époque romaine, bien qu’en fait la civitas celtique d’alors eut aussi bien un centre urbain que la cité urbaine latino-hellénique.

[130] A la vérité, d’après un raisonnement logique, les Aborigènes habitent, avant la fondation de la ville, έπί τοΐς όρεσιν άνευ τειχών κωμηδόν καί σπόραδες (Denys, 1, 9).

[131] Caton, dans Denys, 2, 49, fait les Sabins sortir de la κώμη Testruna près d’Amiternum, puis prendre la capitale des Aborigènes Cutilia (et C. I. L. IX, p. 437), d’où ils fondent beaucoup de villes non murées ; Plutarque, Rom. 16 ; Tite-Live, 2, 62, 4. — Les assertions, en apparence analogues, de Strabon (sur les Sabins, 5, 3, 1, p. 228 ; les Samnites, 5, 4, 11, p. 249 et leurs prédécesseurs, les Opiques, 5, 4, 12, p. 250 ; les Vestini, Marges, Pæligni, Marrucini, Frentani, 5, 4, 2, p. 241), ne peuvent être utilisées pour cette étude ; car on voit partout que Strabon ne s’occupe pas de la notion juridique de ville et que pour lui toute localité peu importante est une κώμη.

[132] Tite-Live, 9, 13. 7. Appien, Samn. 4, fait conquérir par les Romains 81 κώμαι des Samnites et des Daunii.

[133] Le passage mutilé de Festus, v. Vicus, p. 371 : .... accipiuntur ex agris qui ibi villas non habent, ut Marsi aut Pæligni, semble, si le texte est exact, faire une opposition entre les grands possesseurs vivant sur leurs domaines et les habitants des villages. Silius, 8, 506 et ss., parle aussi des nombreux castella des Marses et de leur point central Marruvium, et il est bien d’accord avec cela que les inscriptions se rencontrent, dans le pays des Marges, dispersées vicatim (C. I. L. IX, p. 349).

[134] Par exemple, le fait que le sacerdoce requit le domicile dans la capitale, comme ce fut plus tard le cas à Rome, ou au contraire ne le requit pas, doit avoir exercé là une influence.

[135] Ils sont mentionnés à l’occasion de levées de troupes (v. tome IV, la partie des Magistrats auxiliaires nommés pour le recrutement), de procès (voir tome III, la partie du Consulat, sur la juridiction criminelle exercée milieu), des publications (voir tome I, la partie des Édits).

[136] Ils ne se présentent sous ce nom que dans la loi agraire de 643, ligne 11 ; mais on peut y comprendre avec certitude les fora désignés par des noms de routes.

[137] Tite-Live, 1, 21, 5. Le titre pontifical dont Varron nous a conservé l’abrégé De l. L. 5, 45-54, mentionne ces Argeorum sacraria avec indication de l’emplacement de chacun et de l’ordre dans lequel la procession du mois de mars les visitait. La dénomination Argei se trouve, en dehors de Tite-Live, d’Ovide et d’Aulu-Gelle, aussi dans Varron, 5, 45 ; Argea loca Romæ appellata, seulement dans Festus, Ép. p. 19.

[138] Ovide, Fastes, 3, 791. Puisque la flaminica Dialis prend part à la procession (Aulu-Gelle, 10, 15, 30), cette procession devait être faite par tout le collège des pontifes avec les flamines qui en dépendent.

[139] Cette date est donnée par Ovide, Fastes, 5, 621 ; Plutarque, Q. R. 32 ; Denys, 1, 38.

[140] Denys, 1, 38, nomme les στρατηγοί.

[141] Varron, 7, 44 ; Denys, 1, 38 ; Festus, Ép. p. 15, v. Argeos ; Ovide, Fastes, 5, 621 et ss. ; Plutarque, Q. R. 33.

[142] Si Varron, (5, 45. 7, 44) et les anciens en général (car il n’y a pas à tenir compte des arcæa — d’arcere ! — dans Festus, p. 344) font dériver Argeus d’Άργεΐοι, cela n’est pas en soi plus probant que la fable qu’ils y lient. Mais cette étymologie doit être admise, parce que la formation — eus n’est pas latine et trahit le mot d’emprunt. Elle ne soulève pas historiquement de difficulté spéciale. Άργεΐοι, m’écrit Willamowitz, d’Άργος, le plateau, désigne dans Homère, comme Aristarque l’a déjà reconnu avec raison, les Péloponnésiens ; or, puisque l’expédition contre Troie est entreprise à cause de l’Άργεΐη Έλένη et que le roi d’Argos, c’est-à-dire du Péloponnèse (car la ville d’Argos appartient à Diomèdes) est le roi de l’armée. Homère peut, avec les poètes qui l’ont suivi, appeler cette armée les Argéens. Dans la Thébaïde, les Argéens, c’est-à-dire des hommes d’Argos, de Sikyone et d’Arcadie combattent les Grecs du Nord. Si la nom de tout le pays resta attaché à l’Άργος κοΐλον, la plaine de l’Inachos, et à sa ville qui s’appelait anciennement Larisse, c’est le résultat d’un processus historique que l’on ne peut pas complètement embrasser et qui dut être terminé peu après le commencement du calcul des Olympiades. Désormais sont seuls Άργεΐοι les membres de l’État d’Argos. Ce mot n’a jamais été un nom du peuple des Hellènes ; tout au plus a-t-il été employé dans ce sens, à l’imitation à Homère par des poètes, ainsi par Ennius dans le prologue de sa Médée. Si l’on réfléchit que l’on ne pouvait pas employer, pour ce ras, le nom d’États voisins bien connus et en rapports commerciaux plus ou moins fixes avec les Latins, qu’il fallait une désignation choisie a potiori et en quelque sorte générale des marins grecs exposés à subir des côtes latines ces rapts humains, le nom d’Argéens parait très bien approprié. Le nom peut être sensiblement plus récent que la fête, dans le sacrifice humain de laquelle des oracles conçus en grec jouent d’ailleurs un rôle (Varron dans Lactance, Inst. 1, 23, 6 ; Handb. 6, 193) et il n’empêche pas que des esclaves ou des criminels n’aient pu être sacrifiés au début. Il est parfaitement concevable que ce soient des prisonniers de guerre grecs qui aient été à une certaine époque principalement pris pour cela ; le Latium était, en général, en rapports commerciaux pacifiques avec ses voisins d’Étrurie, tandis que la piraterie fonctionnait d’une manière permanente et devait principalement atteindre les marias grecs.

[143] Varron dit tantôt sacellum (5, 48), tantôt sacrarium (5, 45 ; 5, 48) et, lorsque la liste pontificale énumérant au nominatif ces lieux consacrés au culte n’y joint pas mons ou collis, elle emploie le neutre (5, 54 ; 5, 47, le Ceriolenses du Ms. ne doit peut-être pas être corrigé en Ceriolensis, mais, avec O. Muller, en Ceriolense). — Les sacella, quæ post restitutam tribuniciam potestatem nemo attigit, quæ majores in urbe partim periculi perfugia esse voluerunt (Cicéron, De l. agr. 2, 14, 35) peuvent être ceux des Argei ; je ne puis expliquer le rapport dans lequel ils sont mis avec les lois de 305. Au reste, le mot s’emploie pour d’autres lieus sacrés ; par exemple Cicéron, De har, resp. 35, 32, nomme le Dianæ sacellum in Cæliculo (?), où avaient lieu des sacrificia gentilicia, Festus, Ép., p. 147, un sacellum Minucii.

[144] J’ai déjà exprimé cette opinion en 1843 dans mon étude de collegiis, p. 14. Les audacieuses hypothèses de jeunesse présentées dans mes Tribus, pp. 15 et ss. 211 et ss., obtiendront peut-être leur pardon comme telles ; il serait impardonnable de les reproduire.

[145] Varron les étudie dans le Ve livre de ses antiquités, qui traite de vocabulis locorum, et il les cite, 5, 45, par les mots : Reliqua urbis loca (c’est-à-dire à l’exclusion du Capitole et de l’Aventin) olim disereta cum Argeorum sacraria in septem et viginti partes urbis (le Ms. : urbi) sunt disposita...... e quis prima scripta est regio Suburana, secundo Esquilina, tertia Collina, quarta Palatina.

[146] Varron, loc. cit., donne ce chiffre écrit tout au long dans le manuscrit ; et dans le second texte, 7, 41 : Argei fiunt e scirpeis simulacra hominum XXVII, où il donne les mêmes chiffres, cette lecture est au moins aussi possible que XXIIII (voir la note dans la 2e éd. de Spengel et Handbuch, 6, 191, note 3). La correction du chiffre du premier texte en XXIIII, que j’ai moi-même adoptée jadis, est par là définitivement écartée. Sans doute les extraits faits par Varron de la liste des pontifes éveillent l’idée qu’elle aurait compté six, chapelles de cette espèce dans chacune des quatre tribus récentes. Mais rien ne force à admettre que, lors de rétablissement de ces quatre tribus, qui est certainement postérieur à celui des sacra des Argei, on ait attribué à chacune un nombre égal de sacella ; et l’énumération de Varron ne prétend pas à être complète dans les détails. Il porte son attention, en partant du Septimontium, sur les cinq montes qui restent après le Capitole et l’Aventin, comme l’a très bien remarqué Jordan, Top. 2, 238, et il tire du titre principalement les montes et les colles. Par exemple, il dit de la Collina : Tertiæ regionis collis quinque ab deorum fanis appellati, e quis mobiles duo, à savoir le Viminal et le Quirinal ; le dernier nom a attiré ceux dei districts limitrophes : Dictos enim colles plures apparet ex Argeorum sacrifciis, parmi lesquels il cite le troisième, le quatrième, le cinquième et le sixième (collis Quirinalis, Salutaris, Mucialis, Latiaris). Cela n’exclut pas la possibilité qu’il y ait eu plus de six sacella dans cette région.

[147] Denys, 1, 38. Je ne sais pourquoi Ovide (Fastes, 5, 681) parle de deux personnes. La proposition de Merkel (Fastes, p. CIV) d’écrire quot corpora gentes est inadmissible ; quot corpora gentis, c’est-à-dire tot corpora, quot corpora sunt gentis Romanæ, serait acceptable.