LA CORÉGENCE. L’absence de mode légalement obligatoire de désignation du successeur a donné, sous le principat, à la nomination d’un co-gouvernant, d’un corégent, une importance qu’elle ne peut avoir dans une monarchie où il existe un ordre de succession réglée ; par l’établissement de la corégence, la vacance du trône était jusqu’à un certain point évitée et la succession au trône était en fait réglée ou plutôt, pourparler pratiquement, la corégence était le plus souvent établie en vue directe de la succession au trône. Il faut ajouter que l’on n’avait pas non plus de formes arrêtées pour la constitution de représentants et que, si elle devenait indispensable, comme cela se présenta dans les dernières années d’Auguste, il ne s’offrait, pour y arriver, d’autre moyen que la constitution d’un corégent. Pour cela, la forme était toute prête. La magistrature supérieure a pour fondement, depuis l’introduction de la République[1], l’admissibilité de puissances concurrentes et de même nature ; la puissance par excellence du prince, c’est-à-dire en première ligne sa puissance tribunicienne et proconsulaire, pouvait aussi être conférée en même temps à plusieurs personnes. Seulement, si l’on ne voulait abolir ce qui est l’essence du principat, le co-gouvernant ne pouvait être l’égal du prince et on est, pendant les deux premiers siècles du principat, resté fidèle à ce principe en ce que, durant tout ce temps, il n’y a jamais eu qu’un princeps ou, selon l’expression habituelle, qu’un Augustus et que le collègue qui lui était adjoint était placé au-dessus de tous les magistrats, comme le prince lui-même, mais au-dessous du prince, de la façon dont le préteur est à côté du consul. C’est Auguste qui a organisé de cette façon la corégence comme il a organisé le principat ; nous devons ici expliquer le caractère de cette corégence. La corégence du système d’Auguste porte encore à un plus haut degré que le principat d’Auguste le caractère de puissance extraordinaire. Le principat est durable au moins en fait ; la corégence n’intervient, même en fait, qu’à titre extraordinaire. Les attributions attachées au principat, si elles sont en la forme déterminées par une loi spéciale pour chaque prince, ont pourtant en fait un caractère essentiellement uniforme ; il existe dans les attributions des corégents une telle diversité qu’au moins dans la première période on ne peut parler ni d’un effet général de la corégence, ni d’une dénomination générale du corégent[2]. Les situations proconsulaires et tribuniciennes, intermédiaires entre le principat, d’une part, et les magistratures ordinaires, de l’autre, que nous rassemblons ici sous la dénomination non romaine de corégence, ne sont pas tant, au sens strict, une institution unitaire qu’un certain nombre de magistratures spéciales organisées d’une manière analogue ; quelques-unes de ces situations, en particulier celles établies à titre temporaire dans les commencements de l’époque d’Auguste, peuvent, à également bon droit, y être comprises ou en être exclues. En droit, le corégent n’est pas nécessairement le fils du prince, ni même son parent ; Auguste donna ce poste d’abord à son gendre et ensuite à son beau-fils. En fait, pourtant, la corégence a été confiée d’ordinaire, depuis la dernière période du règne d’Auguste, au fils du prince régnant et, lorsqu’elle a été confiée à d’autres qu’à ses fils par le sang, elle a été préparée par l’acquisition de la puissance paternelle sur le futur corégent, par son adoption, en sorte qu’on trouve souvent des adoptions sans collation de la corégence, mais qu’on ne trouve pas de corégence sans adoption. Ce lien étroit des deux institutions s’explique par le fait déjà signalé que, depuis la dernière période d’Auguste[3], la succession au trône, qui ne pouvait être déterminée légalement, était jusqu’à un certain point déterminée d’avance par la corégence. En outre, faut-il ajouter, le droit privé romain met le fils dans la dépendance du père et l’intervention de la puissance paternelle facilitait essentiellement la solution du problème consistant à mettre quelqu’un absolument au-dessus des particuliers et absolument au-dessous du prince[4]. Le nom propre du corégent n’était pas modifié par le fait même de son association au pouvoir ; le gendre et le beau-fils d’Auguste n’ont pas acquis par l’acquisition de la puissance tribunicienne, des noms autres que ceux qu’ils avaient portés jusqu’alors. Le corégent a seulement, comme le prince, l’usage d’abandonner son nom de famille[5]. En tant que le corégent appartient à la famille impériale ou du moins y entre, comme ce fut régulièrement le cas depuis l’adoption de Tibère, il a naturellement les noms qu’on acquiert légalement par la naissance ou par l’adoption, le nom de la gens, quoiqu’il n’en fasse aucun usage, et aussi le ou les surnoms propres à la gens. Nous avons déjà remarqué que la corégence n’a pas de titre officiel. Les termes consors imperii[6] et particeps imperii[7] expriment bien correctement et complètement sa situation ; mais ce ne sont pas de véritables titres ; ce sont des mots employés comme princeps pour l’empereur ; ils embrassent, en outre, à la fois la collégialité inégale et la collégialité égale, ou, pour employer les expressions que nous avons choisies, la corégence et le gouvernement collectif. La question de savoir jusqu’à quel point les insignes et les honneurs officiels auxquels le prince a droit appartiennent au corégent, ne peut être tranchée d’une manière satisfaisante dans l’état de nos sources ; nous réunissons ici ce qu’on peut relever à ce sujet en partant des explications déjà données sur les distinctions possédées par le prince, par les membres de la famille impériale et, depuis Hadrien, par le César héritier présomptif du pouvoir. 1. L’écharpe du général, la pourpre impériale étant un attribut de la puissance proconsulaire, de l’imperium, le corégent semble avoir pu y prétendre en droit. Mais le point de savoir si cette conséquence a été tirée en réalité doit être laissé incertain. Il nous est attesté nettement que le costume impérial de cérémonie, le costume triomphal était aussi porté par le possesseur de la puissance proconsulaire secondaire[8]. 2. La couronne de lauriers, sur le port de laquelle nous sommes plus exactement renseignés par les médailles que sur celui des autres insignes, n’appartenait pas en général, d’après elles, aux possesseurs de la puissance proconsulaire secondaire ou de la puissance tribunicienne[9], mais elle appartenait sans doute au petit nombre d’entre eux auxquels il a été permis de porter le titre d’imperator[10]. 3. Nous ne savons si le corégent s’asseyait sur le siège curule. Nous avons déjà parlé de la distinction dont il est l’objet pour l’usage de la voiture impériale. 4. Le droit d’avoir douze licteurs hors de la ville peut être considéré comme inséparable de la puissance proconsulaire. Nous ne savons jusqu’à quel point leur usage dans l’intérieur de la ville et les autres renforcements de cette distillation accordés au prince ont été étendus au corégent. 5. La grande garde impériale proprement dite, qui se compose de toute une cohorte de mille hommes, appartient exclusivement au prince. Le corégent doit avoir eu des gardes du corps Germains comme tous les membres de la famille impériale. Il ne semble pas avoir été favorisé sous ce rapport. 6. Quoique le train de maison de l’empereur ne se trouve naturellement pas reproduit identiquement chez le corégent, nous trouvons pourtant aussi près de lui des secrétaires (ab epistulis) de rang équestre[11], qu’il n’était pas permis aux particuliers d’avoir. 7. L’extension des veaux aux corégents ne s’est, à notre connaissance, produite que pour Titus. On évite également en général de les désigner nominativement dans la formule des souhaits de prospérité. Il en est de même de la célébration publique du jour de naissance et des fêtes de supplications ou d’actions de grâce semblables. 8. Il se comprend de soi que le droit d’effigie a appartenu aux corégents. Au contraire, il est tout au moins impossible de prouver que l’image du corégent ait été exposée dans les camps, comme celle de l’empereur[12]. Nous avons déjà parlé du droit d’effigie monétaire et établi qu’il était, sous la dynastie Julio-Claudienne, en général lié à la corégence[13], tandis que, plus tard, il a été reconnu aux personnes promues au rang de César dès avant la concession de la puissance tribunicienne. La position du corégent est, comme celle du prince, ou proconsulaire, ou tribunicienne, ou faite d’une combinaison des deux puissances[14], sauf également adjonction à titre accessoire des magistratures supérieures et des sacerdoces de la République. Nous devons, en nous référant au tableau donné du principat, étudier ici la corégence d’après les mêmes catégories. La collégialité appliquée au proconsulat, à l’imperium[15] remonte à Auguste et à Agrippa. Il est probable que, dès la première constitution du gouvernement impérial des provinces, Agrippa a reçu là, des pouvoirs similaires, mais de second rang[16]. Des deux éléments auxquels peut se ramener la corégence, la puissance proconsulaire est la puissance la plus faible et la puissance tribunicienne la puissance la plus élevée ; sous la dynastie Julio-Claudienne, on confère en général d’abord la première et ensuite la seconde[17], et il est, d’ailleurs, aussi plus d’une fois arrivé qu’on s’en soit tenu à la concession de la première[18]. Par la suite, les deux sont ordinairement conférées ensemble[19]. La concession simultanée de la puissance proconsulaire secondaire à plusieurs personnes n’est pas habituelle, cette puissance étant le marchepied du principat ; cependant elle a eu lieu pour Tibère et Germanicus[20] et pour Germanicus et son frère Drusus. Le proconsulat impérial est, en droit, conféré par le sénat ; le proconsulat secondaire est de même légalisé par un sénatus-consulte[21]. Le prince n’a guère pu l’accorder de sa propre autorité[22]. Les formes militaires dans lesquelles pouvait encore naître l’imperium du prince ne souffrent aucune application à la corégence. De même que le proconsulat princier, le proconsulat secondaire ne figure dans le titre que hors de l’Italie[23]. — Les possesseurs de ce proconsulat n’ont pu porter, en vertu de sa possession, le titre d’imperator sous les empereurs de la dynastie Julio-Claudienne, puisque ces empereurs eux-mêmes ne l’employaient pas[24]. Lorsqu’ensuite, depuis l’avènement des Flaviens, le terme imperator fut devenu non pas proprement un titre, mais pourtant de plus en plus l’expression officielle de la possession de la puissance proconsulaire, le port de ce nom a été accordé par Vespasien à Titus, avec cette distinction que le prince le porte comme prænomen et le corégent comme cognomen[25] et, plus tard, sans distinction de ce genre, par Hadrien à Antonin le Pieux[26], par Marc-Aurèle à Commode[27]. Au contraire, le même titre n’a pas été imparti à L. Ælius par Hadrien, ni à Marc-Aurèle par Antonin le Pieux[28] et, par conséquent, même à l’époque récente, il n’a pas été rare que la puissance proconsulaire secondaire ne fut exprimée par aucun titre. Les corégents qui acquéraient, de la façon que nous venons d’indiquer, le titre d’imperator avec l’imperium proconsulaire, doivent avoir compris cette acquisition, comme l’empereur le faisait lui-même de l’obtention de l’imperium, dans le compte de leurs acclamations impériales ; à l’inverse, s’ils arrivaient par la suite au principat, ils n’acquéraient pas l’imperium à nouveau, et, par suite, ils ne comptaient pas leur élévation au trône dans le calcul de leurs acclamations impériales[29]. L’acquisition de la puissance proconsulaire sans le titre d’imperator n’entre pas dans le calcul des acclamations impériales[30]. L’acclamation impériale elle-même est accessible aux corégents qui portent le titre d’imperator de la même façon qu’aux empereurs : chaque victoire, à la suite de laquelle elle a lieu, est considérée comme gagnée sous les auspices du prince et de l’imperator secondaire[31]. Les possesseurs de la puissance proconsulaire qui ne portaient pas le nomen imperatoris, ont parfois reçu, sous Auguste et sous Tibère, l’autorisation d’être acclamés comme imperatores[32], soit à titre général, soit dans un cas concret par un sénatus-consulte[33], mais Agrippa repoussa déjà cette acclamation[34] et on ne peut relever aucun exemple de son usage à l’époque récente[35]. Au contraire, l’acclamation de l’imperator a toujours été étendue au prince, même si elle visait directement une victoire remportée par un corégent[36] ; le prince était donc, même dans ce cas, considéré comme le général en chef. La puissance proconsulaire du corégent n’est pas seulement, comme tout proconsulat, un pouvoir reposant sur lui-même, si bien que son détenteur a le droit, par exemple, d’avoir des légats[37] et des questeurs propres et qu’il a le pouvoir d’adresser directement des rapports au sénat[38] ; elle diffère en outre, en qualité, du proconsulat sénatorial ordinaire, en ce sens qu’au cas de conflit son détenteur a un imperium majus, par rapport au proconsul et au propréteur[39]. Mais cette puissance proconsulaire secondaire n’est pas moins subordonnée à la puissance proconsulaire du prince que celle du gouverneur de province ne lui est subordonnée à elle-même. Sans aucun doute, le terme extinctif du proconsulat ordinaire, l’expiration du délai d’un an, n’a pas plus été appliqué au proconsulat du corégent qu’à celui du prince lui-même. La perpétuité du proconsulat impérial n’existe pas sous Auguste pour le proconsulat secondaire ; il est d’Habitude conféré en considération d’un mandat extraordinaire du général qui s’y lie[40]. Plus tard, le proconsulat secondaire lui-même a sans doute toujours été conféré à titre permanent. — La concession accompagnée d’un terme suspensif, donc dans la forme de la désignation, est admissible ici[41]. La puissance proconsulaire n’a probablement pas subi de limitation topographique ; ce qui se présente ainsi en apparence est le mandat souvent associé à la compétence d’ensemble et restreint à un cercle plus étroit, dont nous allons avoir à nous occuper. Il arrive plus d’une fois, notamment quand la puissance proconsulaire est concédée sans être accompagnée d’un mandat du général, qu’elle soit expressément étendue à toute la surface, de l’empire susceptible de gouvernement proconsulaire[42]. Pratiquement, le proconsulat secondaire était probablement un pouvoir nominal et n’empêchait pas l’administration de rester tout entière aux mains de l’empereur. Le corégent a sans doute l’imperium, mais jusqu’à un certain point comme imperium nudum. Sa qualité de corégent ne lui donne ni la participation au commandement de la garde et de la flotte ni la participation à l’administration des provinces impériales. Les préfets, les légats, les procurateurs n’indiquant jamais, dans leurs qualifications officielles, le corégent comme leur mandant, ce dernier ne peut avoir pris part à la nomination des officiers supérieurs et des fonctionnaires, et, en conséquence, les autres décisions, rendues en vertu de la puissance proconsulaire, doivent l’avoir été par l’empereur seul[43]. Le caractère exclusif du commandement impérial des troupes est bien altéré en théorie par l’imperium proconsulaire secondaire ; mais, en pratique, il ne l’est pas plus par lui que par l’imperium de forme des proconsuls. Seulement, si la puissance proconsulaire secondaire n’entraînait pas d’attributions propres, un mandat spécial pouvait lui en associer, et la chose est arrivée fréquemment. Agrippa en Orient et en Illyrie, C. César en Orient[44], Tibère, Germanicus en Germanie[45] et en Orient[46], Titus, et, sous Hadrien encore, L. Ælius dans les deux Pannonies[47], ont occupé de cette façon le commandement supérieur effectif et exercé alors même les droits des généraux qui exigent un imperium propre[48]. C’était même la forme ordinaire dans laquelle était établi, sous le principat, le commandement en chef pour les guerres qui ne devaient pas être confiées à un gouverneur de province et que l’empereur ne voulait pas conduire lui-même. La coadministration effective de toutes les provinces en commun avec l’empereur n’a été accordée qu’une seule fois : c’est à Tibère à qui elle fut accordée par une loi consulaire spéciale, peu avant la mort du prince arrivé à un âge avancé, longtemps après que Tibère avait reçu non seulement la puissance proconsulaire, mais même la puissance tribunicienne[49]. La puissance proconsulaire secondaire a probablement été conférée pour la dernière fois à Commode[50]. Sévère paraît avoir séparé la désignation à la succession au pouvoir de la participation au commandement des troupes contenue théoriquement dans la puissance proconsulaire. On remplaça pratiquement, verrons-nous, ce procédé par un autre. La collégialité[51] a aussi été étendue à la puissance tribunicienne par Auguste, peu d’années après la fondation de l’institution elle-même, pour la première fois pour Agrippa, en l’an 736[52]. La puissance tribunicienne est, sinon quant au pouvoir, au moins quant à la considération, au-dessus de la puissance proconsulaire et la présuppose jusqu’à un certain point. Jusqu’à Sévère, elle n’a probablement jamais été accordée qu’après elle ou, comme ce fut plus tard l’habitude, en même temps qu’elle. C’est seulement depuis la suppression de la puissance proconsulaire secondaire opérée par Sévère qu’elle a été conférée seule. L’unité du principat ressort aussi plus énergiquement dans la puissance tribunicienne que dans la puissance proconsulaire ; on ne peut, au moins tant que l’unité du principat elle-même a été maintenue, relever aucun cas où il y ait eu à côté du prince plus d’un copossesseur de la puissance tribunicienne. Mais il n’est pas besoin de preuves pour affirmer que la collégialité a nécessairement été entre le prince et le corégent une collégialité inégale dans la puissance tribunicienne autant et plus que clans la puissance proconsulaire, quoique ce ne soit dit expressément nulle part. Concession. Le prince recevait la puissance tribunicienne par une résolution du sénat et du peuple. Au contraire, le corégent l’a probablement reçue, par voie de cooptation tribunicienne, du prince lui-même, quoique le sénat fût en pareil cas d’ordinaire consulté préalablement[53]. Elle pouvait donc probablement aussi être retirée au corégent par la volonté du prince[54]. Il n’est non plus jamais question d’un ajournement du commencement de la puissance tribunicienne pour le corégent et, tandis que la désignation était admise pour la puissance proconsulaire secondaire, elle paraît avoir été considérée comme inapplicable à la puissance tribunicienne secondaire. — En ce qui concerne le terme extinctif, Auguste, en même temps qu’il revêtait immédiatement la puissance tribunicienne à vie, l’a attribuée à ses corégents en dehors de l’annalité, mais pourtant seulement pour un nombre d’années déterminé[55]. Mais lorsqu’un an avant la mort d’Auguste, Tibère reçut des attributions plus larges la puissance tribunicienne lui a probablement été conférée en même temps à vie[56] et il n’a plus été question désormais de terme extinctif de la puissance tribunicienne, même pour les corégents[57]. La puissance tribunicienne de l’empereur se compose des droits attachés en principe au tribunat du peuple et des pouvoirs que la loi d’investiture du prince y associe par des clauses spéciales. Les possesseurs de la puissance tribunicienne secondaire ont indubitablement eu tous les droits inséparables de la puissance tribunicienne, la sacro sainteté, le droit d’intercession et le droit d’agir avec le peuple et le sénat, quoique nous n’ayons de témoignage positif que pour le droit de convoquer le sénat[58]. Mais tous ces pouvoirs ont certainement été donnés au corégent avec des modalités de nature à les empêcher d’entraver les droits correspondants de l’empereur. Ainsi, par exemple, le corégent n’a sans doute pas exercé le droit d’intercession, selon le principe d’une collégialité égale : l’intercession du corégent a dû être aussi dénuée de pouvoir en face du prince que celle du tribun en face d’eux deux. Jusqu’à quel point les droits adjoints à la puissance tribunicienne pour parer à la destination propre du principat ont-ils été attribués au corégent ? On ne peut le dire avec certitude, en présence du silence absolu des sources. Mais ils lui ont probablement été tous refusés. Il en est ainsi spécialement du pouvoir législatif et des droits dérivés que possède le prince. Les constitutions impériales nomment régulièrement le prince seul[59] et ignorent absolument les possesseurs de la puissance tribunicienne secondaire existant à leur date à côté de lui[60]. Titus lui-même ne fait pas exception, quoique ce soit celui de tous les corégents du principat qui ait eu le plus de part au gouvernement effectif. Le corégent n’a pas eu davantage, on peut l’établir, le droit de commendation[61]. Il n’y a pas plus de trace qu’il ait participé à l’administration de la justice civile ou criminelle impériale, pour né rien dire du droit de paix et de guerre et des actes propres de souveraineté. Les clauses à ce relatives ne doivent donc pas s’être trouvées dans l’acte qui conférait ses pouvoirs au corégent : on peut même se demander si la concession faite par le prince de la puissance tribunicienne secondaire pourrait comprendre ces droits sans une résolution annexe du sénat et du peuple. Assurément, il n’y aurait eu aucun obstacle à provoquer dans ce cas une loi d’investiture et cela peut avoir eu lieu dans des cas isolés : la loi rendue pour Tibère peu avant la mort d’Auguste doit lui avoir transféré ces pouvoirs eux-mêmes en partie[62]. Mais, en général, on s’explique .facilement, ne fut-ce que par des considérations d’opportunité, que ces pouvoirs, liés extérieurement à la puissance tribunicienne et en fait plutôt inhérents au principat lui-même, lui aient été exclusivement réservés. La puissance tribunicienne secondaire est donc encore plus dépourvue de compétence directe que la puissance proconsulaire secondaire et elle constitue essentiellement la corégence[63] en titre[64]. C’est bien d’accord avec la manière dont elle figure dans l’histoire : c’est surtout sous cette forme que la corégence a été, non pas dans ses premiers débuts, mais dès la dernière période d’Auguste[65] et à partir de là constamment, la préparation légale de la succession au trône. Après la disparition de la puissance proconsulaire secondaire, la puissance tribunicienne secondaire semble avoir pris une plus grande portée pratique. Les Césars du IIIe siècle ne possèdent pas en général la puissance tribunicienne[66] ; mais, si un César en est investi sans devenir Auguste[67], il obtient par là la participation réelle au pouvoir qui fait défaut aux Césars[68] et il est nommé dans les lois et les édits à côté de l’Auguste[69]. Quand il exerce le commandement ; ce commandement a sans doute été légalisé par une clause ajoutée à L’acte de concession de la puissance tribunicienne, puisque la base fournie par la puissance proconsulaire paraît ici faire défaut. Ni la puissance tribunicienne secondaire ni la puissance proconsulaire secondaire, une fois conférées, ne sont éteintes par la mort du prince[70] ; mais elles ne se transforment pas non plus par là même en principat. Le corégent, même celui pourvu le plus complètement possible, n’a pourtant pas les pouvoirs qui constituent au sens propre le principat. Il aurait même été possible théoriquement de le laisser dans sa condition antérieure et de nommer un autre prince à la place du prince défunt. Il lui fallait donc à lui-même, pour entrer en possession légitime du principat, le recevoir par un acte spécial, dont, au reste, la formule a dû avoir, en pareil cas, une rédaction particulière. Les documents sont dans ce sens[71]. Il nous reste, pour finir, à déterminer les magistratures supérieures de la République compatibles avec la situation de régent. En ce qui concerne le consulat, la règle selon laquelle le prince ne revêt que le consulat ordinaire est également vraie pour le cosouverain[72]. L’autre règle, selon laquelle le nouvel Auguste revêt le consulat le ter janvier qui suit son arrivée au pouvoir, a été appliquée dans l’ensemble, non pas à la vérité à la puissance proconsulaire secondaire, mais, après Tibère[73], à la puissance tribunicienne secondaire, jusqu’à ce que plus tard le consulat ne fût associé à la nomination au titre de César. Dans les cas où la censure s’est encore rencontrée et où le prince l’a revêtue, le corégent, lorsqu’il y en avait un, l’a exercée en commun avec le prince[74]. Nous avons déjà dit ailleurs que le futur héritier était d’ordinaire favorisé, au point de vue de l’entrée au sénat et de l’acquisition des magistratures inférieures. Parmi les sacerdoces de la République le grand pontificat est resté naturellement réservé au prince. — Le prince seul a également eu, sous Auguste, la qualité de membre de tous les grands sacerdoces[75]. Au contraire Néron a reçu cette qualité en l’an 51 en même temps que l’imperium proconsulaire et le même honneur a depuis été régulièrement associé à l’élévation à la corégence[76], tandis qu’il n’a pas été attribué sans elle sauf peut-être à Domitien. Nous avons déjà remarqué que depuis que le nom de César était attribué spécialement à l’héritier présomptif, le même honneur était lié à son attribution. |
[1] La collégialité remonte à l’époque royale par l’institution non pas de l’interroi, mais de l’interrègne ; et les théoriciens du droit public romain ont même reporté dans cette période l’institution de la double royauté.
[2] Quand chez Tacite, Hist. 1, 15, Galba offre à Piso le pouvoir (principatum) exemplo divi Augusti, qui sororis filium Marcellum, dein generum Agrippam, mox nepotes suos, postremo Ti. Neronem privignum in proximo sibi fastigio collocavit, il a en vue exclusivement les rapports de fait, notamment les rapports de parenté de ces personnes avec le prince ; parmi les personnages cités, Marcellus et Lucius n’ont pas eu de situation saillante au point de vue du droit public, et celles des autres n’ont pas été uniformes.
[3] Il est évident qu’Auguste, en associant au pouvoir son gendre et son beau-fils, ne pensait aucunement à leur assurer par là sa succession au pouvoir ; il regardait les enfants de sa fille comme ses véritables héritiers et donna d’abord à leur père et, après la mort de celui-ci, à son beau-fils, une situation de tuteurs.
[4] Les légions de Pannonie se plaignent chez Tacite, Ann. 1, 26, que sous Auguste, Tibère, et, sous celui-ci, Drusus les paient de fausses espérances relatives à leurs pères : Numquamne ad se nisi filios familias venturos ? Gaius peut n’avoir adopté son cousin Tiberius, qui était presque son contemporain, que pour le mettre sous sa puissance (Suétone, Gaius, 15 ; Dion, 59, 8). La famille des Jules en était alors réduite à deux têtes et Tiberius était déjà antérieurement le plus proche parent de l’empereur. Cf. Suétone, Tibère, 15. Il se comprend de soi que la puissance de droit privé qu’avait le prince sur le corégent ne changeait rien à la situation politique de ce dernier ; la puissance paternelle est, on le sait, sans influence sur les affaires publiques et un consul de la République n’aurait été aucunement soumis à son collègue, quand bien même ce collègue se serait trouvé par hasard l’avoir sous sa puissance paternelle. Mais la situation de droit des deux gouvernants a dû nécessairement peser d’un grand poids sur leurs relations personnelles.
[5] Ce que dit Sénèque l’Ancien, Controv. 2, 4, 13 : Vipsanius Agrippa fuerat, at Vipsani nomen quasi argumentum paternæ humilitatis (cf. De benef. 3, 32, 4 : Pater ne post Agrippam quidem notus) sustulerat et M. Agrippa dicebutur peut, d’après l’ordre général des idées, être rapporté seulement à l’humble origine d’Agrippa. Mais le fait qu’il ne portait pas plus officiellement le nom gentilice qu’Auguste, fait attesté par les documents et avant tout par les fastes, ne peut aucunement s’expliquer par là, — la fille d’Agrippa s’appela Vipsania comme celle d’Auguste, Julia, — mais seulement par l’idée que le gentilice privé ne s’accordait pas avec la : situation du corégent. — Les Claudii font encore ici exception : comme les empereurs de la dynastie claudienne, Tibère a aussi porté le nom gentilice en qualité de corégent avant son adoption (C. I. L. VI, 6132. IX, 2443).
[6] On trouve consors imperii (Tacite, Ann. 14, 1 ; Suétone, Othon, 8 ; Ammien, 26, 4, 1), consors regni (Orose, 7, 24, 4), consors successorque (Suétone, Tit. 9 ; Sénèque, Ad Polyb. de consol. 12, 5) et des tournures analogues (Suétone, Tibère, 1 ; Vita Veri, 3) ; Mamertinus, Grat. act. Juliano, c. 3. Il y a nécessairement eu aussi consors ou particeps et non heres dans la table sacerdotale de l’an 221 (C. I. L. VI, 2002) et dans l’inscription aux termes analogues de Bretagne (C. I. L. VII, 585). — Consors (substantivement consortio ou consortium) tribuniciæ potestatis (Velleius, 2, 99. 103 ; Pline, Panég., 8 ; Tacite, Ann., 1, 3) est peut-être une expression technique.
[7] Particeps imperii : Suétone, Tit. 6. Dom. 2. Vita Alexandri, 48 ; Lactance, Mort. pers. 7 ; participatio imperii : Vita Juliani, 6 ; particeps in imperio : Vita Marci, 7 ; particeps tout court, Vita Juliani, 7 ; participatus : Vita Cassii, 7, rapproché de Vita Veri, 3 (note précédente). — En grec, κοινωνός τής άρχής, Philon, Leg. ad Gaium, 4 ; Dion, 73, 17.
[8] Car on ne peut s’expliquer autrement le decor imperatorius de Néron opposé au puerilis habitus, c’est-à-dire à la prétexte de Britannicus chez Tacite, Ann. 12, 41.
[9] Eckhel a rassemblé les exemples, 8, 360 et ss.
[10] Il en est ainsi notamment de Titus et de Commode. Parmi les rares monnaies avec la tête de Commode antérieures à son élévation au rang d’Auguste, aucune ne montre la couronne, quoiqu’il porte le titre d’imperator ; mais il ne suit pas de là nécessairement qu’il ne puisse pas la porter ; car l’imperator lui-même est représenté triès fréquemment tête nue. — Nous avons déjà parlé de ce que la couronne de lauriers a été attribuée en outre à Domitien sous le gouvernement de son père et de son frère et qu’elle figure aussi sur des monnaies commémoratives de proches parents de l’empereur décédés.
[11] C. I. L. VI, 1607.
[12] Vit Alex., 13, se rapporte difficilement à cela.
[13] Mais quand les années de gouvernement sont comptées, spécialement en Égypte, le calcul se rapporte toujours à l’empereur, même lorsque les chiffres se trouvent sur les monnaies de corégents (Pick, dans la Num. Zeitschr. de Sallet, 14, 303). Seules les monnaies égyptiennes de Titus datées de la première année de gouvernement ne peuvent, sans de sérieuses difficultés, être rapportées à celui de Vespasien (Pick, loc. cit. p. 325 et ss.) ; sil s’agit de la première année du fils dont le nom est précédé sur ces monnaies et sur elles seules du qualificatif αύτοκράτωρ, il faut que le maître monétaire alexandrin lui ait attribué une puissance coordonnée à celle de son père.
[14] C’est exprimé énergiquement par Tacite, Ann., 1, 3.
[15] Ainsi Tacite appelle (note précédente) Tibère, copossesseur de la puissance proconsulaire, collega imperii, et Germanicus, pendant sa mission en Orient, par opposition au légat Piso, positivement imperator (Ann., 3, 12. 14), et il représente Néron, après que cette puissance lui a été conférée, entrant dans le cirque decore imperatorio. Pline le Jeune appelle la concession de la puissance proconsulaire à Trajan du nom d’élévation à la qualité d’imperator.
[16] Il n’est pas dit expressément qu’Agrippa, en Orient, eut la puissance proconsulaire ; mais, quand il est appelé chez Josèphe, Ant. 15, 10, 2, τοΰ πέρσν Ίονίου διάδοχος Καίσαρι, il s’agit probablement de la puissance proconsulaire. L’évaluation de son administration d’Asie à dis années (Josèphe, Ant. 16, 3, 3) doit vouloir dire qu’il partit pour l’Orient en 731 et en revint en 741, sans, d’ailleurs, y avoir toujours séjourné dans l’intervalle. Si le fondement de son autorité était la puissance proconsulaire, il doit avoir reçu cette dernière avant l’an 132 (cf. Mon. Ancyr. 20 éd. p. 163 et ss.). Peu avant sa mort, quand il est envoyé en Pannonie, il reçoit de nouveau l’imperium proconsulaire (Dion, 54, 28). — Si ces allégations qui ne sont pas absolument avérées sont toutes exactes et sont bien comprises ici, Agrippa a reçu I’imperium proconsulaire à temps, d’abord avant la puissance tribunicienne et ensuite après elle et à côté d’elle. Cela concorde parfaitement soit avec la situation générale d’Agrippa pour laquelle il a nécessairement fallu trouver un imperium formulé, soit avec la façon dont on traitait alors la puissance proconsulaire et la puissance tribunicienne secondaires.
[17] Ainsi Agrippa revoit la puissance proconsulaire avant 732, la puissance tribunicienne en 136. — Le jeune Drusus aurait, dès l’an 14, reçu la puissance proconsulaire en même temps que Germanicus, si cela n’avait pas dû l’obliger à voter en qualité ale consul désigné sur sa propre nomination (Tacite, Ann. 1, 14) ; il la reçut certainement en l’an 11, lors de sa mission en Illyricum, quand Germanicus partit en la même qualité pour l’Orient (Tacite, Ann. 2, 43. 44). Tibère proposa ensuite, eu l’an 22, de lui conférer la puissance tribunicienne, cum incolumi Germanico († en l’an 19) integrum inter duos judicium tenuisset (Tacite, Ann, 3, 56), c’est-à-dire qu’il avait concédé également le proconsulat à tous deux. — Séjan reçut, en l’an 31, la puissance proconsulaire (Dion, 58, 7 ; c’est pourquoi il est appelé collega : Tacite, Ann. 6, 1 [= 5, 6] rapproché de 4, 7) et comptait sur la puissance tribunicienne quand il fut renversé. — On a sans doute procédé de même pour Tibère. Il a encore fait la guerre de Pannonie en 742 et ss. comme legatus du prince, mais il peut aisément avoir reçu en 745 l’imperium proconsulaire pour la guerre de Germanie et la puissance tribunicienne en 748. Dans son pseudo-exil de Rhodes, il n’était, après l’expiration de la puissance tribunicienne qui lui avait été conférée à temps, que legatus et, si C. César, qui était en possession de la puissance proconsulaire, lui a véritablement rendu des honneurs ut superiori (Velleius, 2, 101), cela ne peut être rattaché à leur relation hiérarchique.
[18] C’est arrivé pour le premier Drusus qui reçut l’imperium proconsulaire en 743 pour 744, pour Gaius, le fils d’Auguste, qui partit, en l’an 753, pour l’Orient avec la puissance proconsulaire (Zonaras, 10, 36), pour Germanicus, tant pour la Germanie que pour l’Orient ; pour Séjan (note précédente) ; pour le futur empereur Néron, qui la reçut en même temps qu’il fut adopté (Tacite, Ann. 12, 41). L’attribution du titre d’imperator par Vitellius à son fils âgé de seize ans (Zonaras, 11, 16) ne peut non plus être entendue que comme une concession de la puissance proconsulaire. Des autres personnages nommés, Néron reçut la puissance tribunicienne avec le principat et les autres moururent sans l’avoir reçue.
[19] C’est expressément attesté pour Titus et pour Trajan. Pline, Panég. 8. Si Titus n’avait pas reçu les deux pouvoirs au moins à peu près en même temps, le rhéteur n’aurait pas manqué, au lieu de faire son antithèse boiteuse, de souligner que Trajan avait reçu de Nerva plus que Titus de Vespasien. Mais Titus peut parfaitement avoir reçu la puissance proconsulaire lorsque son père quitta la Judée et le titre d’imperator à son retour à Rome ; même dans ce cas les deux titres coïncident essentiellement. — L. Ælius a vraisemblablement aussi revu les deux puissances en même temps puisqu’il se nomme dans l’inscription de Raab (C. I. L. III, 4366) trib. potes., cos. II, pro cos., XVvir sacris faciund. La même chose est attestée, en outre, pour Antonin le Pieux (Vita, 4) et pour Marc-Aurèle (Vita, 6). Sur Commode, Cohen, add. n. 16 = 224.
[20] En admettant que Germanicus ait réellement reçu la puissance proconsulaire en l’an 11.
[21] Tacite, Ann. 1, 14. 2, 43. 12, 41. Dion, 58, 7. Il n’y a eu besoin d’une loi que dans le cas tout spécial signalé par Velleius, 2, 121 (Suétone, Tibère, 21).
[22] Le jus principes en vertu duquel Nerva fit Trajan César (Pline, Panég. 10), n’exclut pas son obligation de soumettre la proposition au sénat ; l’initiative, qui était la chose essentielle, lui appartenait naturellement.
[23] L’inscription citée, du César L. Ælius, alors en Pannonie, de l’an 137, est le seul exemple qui me soit connu. Si le titre proconsul n’apparaît pas chez le corégent dans la période postérieure à Sévère, cela tient à la suppression de la puissance proconsulaire secondaire, accomplie sous Sévère, dont nous aurons à parler plus loin.
[24] Le prænomen imperatoris n’est pas, à proprement parler, un titre, et la plupart de ces empereurs se sont abstenus de le porter.
[25] Titus est appelé sur les monnaies de frappe impériale T. Cæsar imp. Vespasianus ; mais, sur les monnaies de frappe sénatoriale, on trouve imperator, presque sans exception (Zeitschrift f. Num. 13, 237, note 1), non pas dans la suite des noms, mais dans celle des titres et la concession de la puissance proconsulaire est seulement comptée comme l’une des acclamations impériales. On rencontre à cela des dérogations isolées ; en particulier Titus est appelé, dans les premières années de sa corégence et sur des monnaies frappées hors de Rome, assez souvent imp. T. Cæsar Vespasianus. Mais la règle prédomine. J’ai expliqué cela de plus près dans un article de la Numismat. Zeitschrift de Vienne, 3, 1871, p. 458 et ss. auquel Pick a donné des additions et des corrections, dans la Zeitschrift f. Num. de Sallet, 13, 227. Après la mort de Vespasien, Titus porte constamment le prænomen imperatoris.
[26] Le prænomen imperatoris apparaît chez Antonin le Pieux à la concession de la puissance proconsulaire et tribunicienne. Eckhel, 7, 2.
[27] Il en est de même de Commode (Eckhel, 7, 105. 137) ; le biographe de Marc-Aurèle, c. 16, remarque aussi que ce dernier a donné à son fils le nomen imperatoris. Cela a eu lieu le 21 novembre 116 (Vita Marci, 22, Comm. 2), où la formule cum patre imperator appellatus est ne se rapporte pas à une acclamation de victoire, mais à l’élévation du fils au rôle de cosouverain.
[28] Les inscriptions et les médailles de ces corégents le montrent. Pour Trajan, nous n’avons pas de documents certains du temps de sa corégence ; selon l’indication de Pline, il s’est sans doute aussi appelé imp. On ne peut déterminer avec sûreté comment Hadrien a formulé le titre de sa corégence fictive. Si l’on peut faire fond sur la monnaie certainement authentique, mais sous beaucoup de rapports suspecte, Eckhel, 6, 473 = Cohen, Suppl. p. 132 = 2, p. 246, il s’appelait Hadrianus Trajanus Cæsar. Les monnaies alexandrines de la seconde année du règne d’Hadrien, donc frappées après le 29 août 117, qui donnent à Trajan les titres portés par lui pendant sa vie et à Hadrien le titre αύτ Σεβ. (Sallet, Alex. Kaisermünzen, p. 28) semblent venir du temps où on connaissait à Alexandrie la mort de Trajan, mais non sa consécration, et sont donc étrangères ait sujet.
[29] Le cas de Titus (Eckhel, 6, 363) le montre.
[30] Les deux acclamations impériales de Germanicus le montrent ; s’il avait fait figurer dans le calcul l’acquisition de la puissance proconsulaire, il en aurait eu au moins trois.
[31] La preuve en est dans les acclamations impériales de Vespasien et Titus (Eckhel, 6, 162) et dans celles de Marc-Aurèle et Commode (Eckhel, 7, 138).
[32] Des acclamations impériales de personnes qui n’ont ni revêtu le principat, ni porté le prænomen imperatoris, se présentent (en dehors des proconsuls d’Afrique) pour Tibère, pour le premier Drusus, pour Gaius, le fils d’Auguste et pour Germanicus. Lorsque Tibère et Drusus furent acclamés imperatores par les soldats en 743, Auguste ne leur permit pas de prendre ce titre, probablement parce qu’ils n’avaient pas combattu sous leurs auspices propres. Tibère reçut le titre d’imperator dès avant la mort de son frère (Val. Max. 5, 5, 5), donc en l’an 745 (Dion, 55, 6 ; Orelli, 599 = C. I. L. VI, 385), probablement en même temps que la puissance proconsulaire, et est devenu, avant de monter sur le trône, sept fois imperator, en sorte que, pendant qu’il a possédé la puissance tribunicienne, les acclamations ont toujours été faites en commun pour Auguste et lui (Res Gestæ, éd. 2, p. 14 et ss.). — Le premier Drusus reçut l’imperium proconsulaire pour 744 et bientôt après, puisqu’il mourut dès l’an 745, probablement en mime temps que son frère, le titre d’imperator (Tacite, Ann. 1, 3 ; Val. Max. 5, 5, 5 ; Eckhel, 6, 176). — Gaius, l’aîné des fils adoptifs d’Auguste reçut la puissance proconsulaire en 753, le titre d’imperator en 756 (Dion, 55, 10 a ; Henzen, Syll. p. 60). — Germanicus, enfin, est appelé sur les nombreux monuments postérieurs à sa mort, imp. II, deux acclamations de la première desquelles il fut l’objet probablement peu de temps avant la mort d’Auguste (Mon. Ancyr, éd. 2, p. 17), dont la seconde fut prononcée par un sénatus-consulte auctore Tiberio après la conclusion victorieuse de la campagne de l’an 15 (Tacite, Ann. 1, 58). — Relativement au jeune Drusus aussi, Tibère exprima, en l’an 16, le souhait de lui donner l’occasion de gagner le nomen imperatorium (Tacite, Ann. 2, 26) ; d’après le témoignage des inscriptions, il ne l’a pas obtenu, quoique le petit triomphe lui ait été accordé.
[33] On ne peut l’établir que pour Germanicus.
[34] Agrippa a nécessairement refusé les acclamations d’imperator comme le triomphe. Il est appelé à la vérité imperator sur des inscriptions municipales et provinciales isolées (C. I. L. IX, 262, de Gnathia en Apulie ; C. I. Gr. 1878, de Kerkyra), mais il ne l’est sur aucune monnaie ni sur aucun monument ayant de l’autorité.
[35] Titus a dirigé la guerre contre les Juifs après l’éloignement de son père, ou comme légat de Judée ou plus vraisemblablement, ainsi que conjecture Pick (Num. Zeitschrift, 13, 205) en vertu de la puissance proconsulaire secondaire. Il fut à la fin de l’été de 70, acclamé imperator par les soldats sur les murs de Jérusalem (Josèphe, Bell. 6, 6, 1 ; Suétone, Tit. 5 ; Orose, 7, 9, 6 ; Dion, 66, 7), mais le titre ne lui fut pas confirmé et lui fut seulement promis pour son entrée à Rome à côté de la puissance tribunicienne secondaire. Cela semble favorable à l’idée que le possesseur de notre puissance proconsulaire n’avait pas droit, comme le prince, à l’acclamation et au nomen imperatoris. Si L. Ælius et Marc-Aurèle ne portent pas le titre d’imperatores, cela ne prouve rien ; car Hadrien et Antonin le Pieux n’ont pas eux-mêmes reçu d’acclamation pendant ces corégences.
[36] En l’an 16, par exemple, Tibère fut proclamé imperator à raison d’une victoire remportée par Germanicus (Tacite, Ann. 2, 18), mais à la vérité il n’accepta pas cette acclamation (Eckhel, 6, 100). La victoire est signalée comme gagnée ductu Germanici, auspiciis Tiberii (Tacite, Ann. 2, 41).
[37] Agrippa en a probablement (Dion, 53, 32, qui, à la vérité, emploie aussi cette expression dans un sens plus général ; cf. Josèphe, Ant. 15, 1, 10. Bell. Jud. 1, 20, 4, et mon commentaire sur le monument d’Ancyre, éd. 2, p. 164) et pareillement Germanicus (Tacite, Ann. 2, 56. 74).
[38] Agrippa aurait pu le faire, mais il l’a omis et depuis on s’en est absolument abstenu (Dion, 54, 24). Sur les honneurs de la victoire, cf. tome I.
[39] Le majus imperium, quoquo adisset, quam ii qui sorte aut missu principis obtinerent, qui fut donné à Germanicus, ne peut avoir fait défaut à aucun possesseur de la puissance proconsulaire secondaire.
[40] La tentative faite par B. Pick (dans Sallet, Zeitschrift f. Num., 13, 202 et ss.) pour construire la puissance proconsulaire secondaire exclusivement comme un mandat militaire dépassant les attributions ordinaires du légat provincial, se heurte avant tout à ce que des puissances proconsulaires comme celles de Séjan et de Néron débordent hors de ce cadre, c’est-à-dire le prouvent inexact, en sorte qu’il ne paraît pas nécessaire d’insister plus en détail sur le système.
[41] C’est ainsi que le premier Drusus reçut le proconsulat. Ce que raconte Philostrate (Vita Apoll. 6, 30), de Titus (de retour à Rome pour le triomphe), ne peut être compris que dans un sens : en ce sens qu’après la destruction de Jérusalem Titus fut destiné à Rome à devenir imperator, mais le devint seulement à son entrée à Rome où il triompha dans le printemps de 71, lorsque Domitien était consul (Zonaras, 11, 47). C’est ce que confirment les monnaies de l’an 71 (Cohen, Vesp. 355. 756) avec la légende Cæsar Aug(usti) f(ilius) des(ignatus) impe(rator). J’ai repoussé (Num. Zeitschrift de Sallet, 14, 31 et ss.) la tentative faite par Pick, (même revue, 13, 190 et ss.) pour expliquer ces monnaies autrement. Caracalla est appelé de même postérieurement destinatus imperator (Eckhel, 7, 200 ; Henzen, Ind., p. 73) ; seulement là la désignation ne se rapporte pas à la corégence, mais à la dignité d’Auguste elle-même.
[42] La puissance proconsulaire fut conférée à Néron et à Marc-Aurèle extra urbem en général, à Agrippa, en l’an 741, έξω τής Ίταλίας. L’explication la plus simple de ce qu’Agrippa, pendant son administration en Orient, agit aussi à plusieurs reprises dans les provinces d’Occident, est qu’en droit son imperium s’étendait à tout l’empire.
[43] Nous revenons sur ce point à propos de la puissance tribunicienne, la mesure dans laquelle les lois ou les édits impériaux se fondent sur la puissance proconsulaire ou sur la puissance tribunicienne ne pouvant se déterminer nettement. Les lois des vétérans, qui rentrent probablement dans le cercle de la seconde, ne nomment jamais le César, pas même celles de Vespasien, Titus.
[44] Suétone, Tibère, 12. Orose, 7, 3. Cf. Mon. Ancyr. 2e éd., p. 165.
[45] Germanicus reçut la puissance proconsulaire d’abord à côté de Titus, en l’an 1l, si la relation de Dion (56, 25) est exacte ; lorsqu’il fut de nouveau envoyé le après son consulat, il doit avoir reçu la même situation (Tacite, Ann. 1, 31). Si Tibère, après la mort d’Auguste, propose au sénat de lui conférer l’imperium proconsulaire (Tacite, Ann. 1, 14), cela tient nécessairement à ce que le mandat du général était éteint de plein droit par la mort du prince et qu’il fallait le renouveler.
[46] Tacite, Ann. 2, 43.
[47] La puissance proconsulaire donnée par Hadrien à L. Ælius en 136/137 était spécialement relative à la Pannonie, dit sa biographie, c. 3 : Pannoniis dux ac rector impositus (de même Vita Hadr. c. 23) et confirme l’inscription de Pannonie C. I. L. III, 4366. Hirschfeld regarde, avec une grande vraisemblance, le juridicus pro prætore utriusque Pannoniæ [T. Statilius] Maximus, d’une inscription de Stuhlweissenburg (Eph. ep. IV, n. 435 = C. I. L. III, suppl. 10336), comme son sous-gouverneur ; cette supposition expliquerait à la fois la propréture qui n’appartient pas au juridicus, et la combinaison également anormale des deux Pannonies. — Quand le biographe de L. Ælius dit, c. 3, qu’il ne fut pas adopté comme Trajan par Nerva, mais comme Galère et Constance par Dioclétien, il peut penser à la participation active au pouvoir accordée à L. Ælius.
[48] Il en est ainsi notamment du triomphe et de l’attribution des décorations militaires (C. I. L. III, 2917 ; de même Henzen, p. 75). On doit, sans doute aussi rattacher à cela les nominations de centurions faites par Tibère (Suétone, Tibère, 12 : Centurions beneficii sui, de l’époque antérieure au séjour de Rhodes) et les cassations de centurions faites par Germanicus (Tacite, Ann. 1, 44). Drusi Cæsaris beneficiarius dans l’inscription C. I. L. IX, 4121. Le cen(turio) cohor. VII vigil. Rom. candidat. Ti Cæsar. C. I. L. VI, 2993 = 3613a est faux. — Il n’est rien relaté de pareil pour les légats, quoiqu’ils aient part à la nomination des tribuns militaires. Ce qui est reproché à Séjan non pas comme associé à la puissance proconsulaire, mais comme præfectus prætorio parait avoir été un excès de pouvoirs.
[49] Velleius, 2, 121 : Cum... senatus populusque Romanus postulante patre ejus, ut æquum ei jus in omnibus provinciis exercitibusque esset quam erat ipsi, decreto complexas esset ; ce qui, d’après l’ordre général des idées, est arrivé à la fin de l’an 11 après J.-C. Suétone, Tibère, 21 : Lege per consules lata, ut provincias cum Augusto communiter admnistraret simulque censum ageret, condito lustro (le 11 mai de l’an 14 après J.-C.) in Illyricum profectus est. La nécessité d’une loi se justifie par le fait que cette mesure restreignait l’imperium propre d’Auguste, ce qui n’est pas le cas pour les corégences ordinaires.
[50] Dans toutes les inscriptions et les monnaies des corégents du in, siècle, le proconsulat t’ait défaut, tandis qu’il est donné à leurs pères. L’exception par laquelle le proconsulat est attribué sur quelques inscriptions au César Carinus confirme la règle en ce que le même César est appelé positivement Auguste sur d’autres monuments.
[51] Ainsi Auguste appelle déjà Tibère et Agrippa ses collègues. La désignation collega (συνάρχων), est employée par anticipation pour Séjan (Dion, 38, 6). Suétone, Titus, 6. Vita Marci, 21. — Cependant, on dit aussi, par rapport à la puissance proconsulaire, collega imperii ou collega tout court (ainsi Tacite pour Séjan).
[52] Elle a été conférée cinq fois sous Auguste (Mon. Anc. Gr. 3, 21 ; Suétone, Auguste, 21) à Agrippa (à qui les inscriptions l’attribuent aussi : C. I. L. III, 494. VI, 877) en 136 (Dion, 54, 12) et 741 (Dion, 54, 28), à Tibère en 748 (Dion, 55, 9), 757 (Dion, 55, 13) et 766 (Dion, 56, 28 ; Velleius, 2, 99. 103 ; Tacite, Ann. 1, 3. 1). — Sous Tibère, Drusus la reçut en l’an 22 (Tacite, Ann. 3, 56 ; Eckhel, 6, 203) l’espoir en avait été donné à Séjan (Dion, 58, 9. 10). — Sous Vespasien, Titus (Suétone, Tit. 6). — Sous Nerva, Trajan (Pline, Panég. 8), sous Trajan, Hadrien (monnaies avec adoptio : tribunic. potestas, Eckhel, 6, 475) ; sous Hadrien, L. Ælius (Eckhel, 6, 528) et Antonin le Pieux (Vita, 4) ; sous Antonin le Pieux, en l’an 146, Marc-Aurèle (Vita, 6) : sous Marc-Aurèle, probablement dans le cours de l’an 177, Commode ; sous Sévère, probablement Albinus, en outre, en 198, Caracalla. — Je n’énumère pas les cas semblables du IIIe siècle.
[53] Auguste sollicite la puissance tribunicienne du sénat au profit d’Agrippa et de Tibère (Mon. Ancyr. Gr. 3, 2t ; Tacite, Ann. 1, 10), Tibère au profit de Drusus (Tacite, Ann. 3, 56). Suétone, au contraire, caractérise (Auguste, 27) la nomination du collègue dans la puissance tribunicienne comme une cooptation et Dion représente constamment le prince (en premier lieu 54, 12) comme la conférant lui-même. Ces assertions peuvent, ainsi que nous avons déjà remarqué, tome Ier, se concilier en admettant que la puissance tribunicienne était conférée au corégent selon les règles de la cooptation tribunicienne, et que, par conséquent, le peuple n’était pas consulté, tandis que l’avis du sénat pouvait et peut-être même devait être pris.
[54] Il n’y a pas de cas de ce genre ; mais cette solution est juridiquement et politiquement probable. Si Auguste, au départ de Tibère pour Rhodes, se borna à ne pas renouveler sa puissance tribunicienne quand elle expira, ce fut sans doute pour ne pas proclamer positivement la rupture.
[55] Agrippa reçut la puissance tribunicienne en 736 et 741, chaque fois pour cinq ans, Tibère, en 748 pour cinq ans, en 737 pour dix et en 766 probablement à vie.
[56] Tout au moins Dion, 56, 28, n’indique aucun terme et le texte corrompu de Suétone, Auguste, 27 (cf. Mon. Ancyr. éd. 2, p. 31) ne peut trancher la question.
[57] Le caractère viager de la puissance tribunicienne secondaire n’est pas attesté expressément à ma connaissance.
[58] Tibère rassembla le sénat après la mort d’Auguste, non pas en vertu des droits appartenant au prince en cette qualité, mais en vertu des pouvoirs du tribunat du peuple de la République.
[59] La présence du nom dans de tels actes est le criterium de la collégialité complète. C’est par une association au pouvoir que Livie est, pendant un certain temps nommée à côté de l’empereur Tibère dans les lettres qu’il écrit et dans celles qui lui sont adressées (Dion, 57, 12, rapproché de 56, 47). On reproche dans le même sens à Agrippine que πρεσβείαις έχρημάτιζε καί έπιστολάς καί άρχουσι καί βασιλεΰσιν έπέστελλεν (Dion, 61, 3).
[60] Dans les privilèges des soldats (C. I. L. III, p. 843 et ss. suppl., p. 1957 et ss.), Titus n’est pas nommé sous Vespasien, ni Marc-Aurèle sous Antonin le Pieux, ni sous Decius ses deux fils. La même chose est confirmée pour Titus par les lettres de Vespasien aux Vanacini du 12 octobre, probablement de l’an 72 (en aucun cas la lettre ne peut être du temps antérieur au co-gouvernement de Titus) et aux Saborenses du 29 juillet 77 (C. I. L. II, 1423 ; Cf. sur la date Borghesi, Opp. (1, 16). Sur le jus liberorum conféré à Martial par Cæsar uterque, Ép., 2, 91. 92. — Si Titus est nommé comme constructeur à côté de Vespasien sur les édifices de ce dernier (C. I. L. II, 2477. III, 6032) c’est une singularité qui s’étend même à Domitien et qui, par suite, ne prouve rien.
[61] Velleius, 2, 124.
[62] Le jus quintæ relationis du César Marc-Aurèle est difficilement exact.
[63] Tacite, Ann. 3, 56, désigne la concession de la puissance tribunicienne par les mots summæ rei admovere, Dion. 54, 12, par ές τήν αΰταρχίαν τόπον τινά προάγειν, Velleius la désigne même avec une exagération adulatrice, comme rendant l’égal du prince (2, 99 : Tribuniciæ potestatis consortione æquatus Auqusto). Les faits parlent encore plus clairement que ces témoignages.
[64] Il est caractéristique dans ce sens que, pour le seul des corégents de l’époque ancienne qui ait été sérieusement mêlé à la marche des affaires, pour Titus, cette activité n’ait pas été liée à la corégence, mais au commandement de la garde.
[65] Tacite, loc. cit. : M. deinde Agrippam socium ejus potestatis, quo defuncto Ti. Neronem delegit, ne successor in incerto foret. Cela ne peut s’appliquer à la concession de la puissance tribunicienne de 748, mais sans doute à celles de 737 et 766.
[66] Ainsi, par exemple, les deux fils de Sévère ont reçu d’abord le titre de César et la puissance tribunicienne seulement avec le nom d’Auguste.
[67] D’après le titre probablement correct de ces Césars, tel qu’il se trouve sur quelques inscriptions des fils de Decius (C. I. L. VI, 1100. 1102. Henzen, 5538 = C. I. L. XI, 3088) et dans l’édit de Dioclétien (C. I. L. III, p. 824), ils expriment leur participation au pouvoir seulement par la traditionnelle tribunicia potestas. A la vérité, un certain nombre d’autres documents expriment l’association du César au pouvoir d’une façon différente :
1. Par la préposition des mots imp. Cæsar — ainsi sur les inscriptions (C. I. L. III, 130. 4646. 4647. 4652) et les monnaies (Eckhel, 7, 424) du jeune Valerianus : Imp. Cæsar (Cæsar manque une fois) P. Licinius Cornelius Valerianus (l’une ajoute Pius Felix) noblissimus Cæsar princeps juventutis, et sur les monnaies de Carinus (Eckhel, 7, 514) : Imp. C(æsar) M. Aur. Carinus nob. C(æsar) et les monnaies correspondantes de Numerianus. — Cette dénomination peut avoir eu un caractère officiel pour ces deux Césars.
2. Par l’addition du titre Augustus (cf. Borghesi, 3, 484). Gordien à côté de Maximus et Balbinus : Nobilissimus Cæsar pius Augustus sur une borne milliaire africaine, C. I. L. VIII, 10363 ; — Geta : Cæs. Aug. à côté de son père et de son frise sur une borne milliaire de Mœsie de l’an 200 : Arch. epigr. Mitth. aus Œsterreich, 8, 29 ; — le jeune Philippe : Nobilissimus Cæsar p. f. inv. Aug. (C. I. L. III, 5719) et Κ(αΐσαρ) Σεβ(αστός) sur des monnaies d’Alexandrie (Eckhel, 4, 89) ; — les fils de Decius : Nobilissimi Cæsares Augusti (C. I. L. III, 5988. 5989) ; le fils aîné de Gallien : P. Cornelius Licinius Valerianus nobilissimus Cæs. Aug. C. I. L. VIII, 2382, et de même 2383 ; de même sur une borne milliaire de Mœsie, Arch. epigr. Mitth. aus Œsterreich, 8, 31, et sur des monnaies alexandrines ou autres (Eckhel, 4, 93. 7, 423) ; — le jeune fils de Gallien : P. Cornelius Licinius Salôi&inus nobilissimus Cæs. Aug. (C. I. L. VIII, 8473) ; — le jeune Tetricus : C. Pesubio Tetrico nobilissimo Cæs. p. f. Aug. (Orelli, 1019) ; — Carinus : C. I. L. II, 3835. 4761. VIII, 5332. — Cet emploi du nom d’Augustus ne se trouve dans aucun titre décisif et vient certainement d’un abus.
3. Par le titre de proconsul. — Carinus : Victoriosissimus Cæsar, princeps juventutis, M. Aur. Carinus, nobilissimus Cæsar, consul, proconsul (C. I. L. II, 4103) ; imp. Cæsar M. Aur. Carinus p. f. invictus princeps juventutis, procos. (C. I. L. II, 4832). — Cette désignation, qui ne concorde pas avec la suppression du proconsulat secondaire par Sévère, est aussi certainement étrangère aux formules officiellement admises.
[68] Vita Carini, 15.
[69] Les titres bien avérés du IIIe siècle sont d’accord avec cela. Le diplôme de 208 ne nomme pas le César Geta qui n’était pas alors pourvu de la puissance tribunicienne ; ceux de 249 et de 250 ne nomment pas davantage les Césars Decius et Quintus, auxquels la puissance tribunicienne a été conférée seulement dans le cours de l’année 250. Au contraire, le diplôme de 246 (Eph. ep. IV, p. 185 = C. I. L. III, suppl. p. 2000) nomme à côté de Philippe le père son fils qui avait reçu la puissance tribunicienne en même temps que le titre de César, est-il établi aujourd’hui, quoique ses années tribuniciennes ne soient pas toujours comptées de son élévation au rang de César, mais souvent de celle au rang d’Auguste (loc. cit., p. 181 ; C. I. L. III, suppl. p. 2003). Les actes du temps de Dioclétien (C. I. L. III, p. 824. 900) nomment de la même façon les Césars investis de la puissance tribunicienne. — A la vérité, les inscriptions des constitutions contenues dans le code Justinien et déjà dans le code Grégorien sont en désaccord avec cela ; mais elles sont constituées de telle sorte que l’on ne peut guère en faire usage. Caracalla y est couramment traité comme Auguste à partir de l’an 196, quoiqu’il ne le soit que depuis l’an 198. Carin et Numérien y apparaissent aussi défectueusement comme Augustes depuis le début de 283. En revanche, le jeune Philippe est cité comme César jusqu’à l’an 249 (Cod. Greg. 3, 2, 2 ; Cod. Just. 9, 32, 6) alors qu’il devint Auguste dès 247. Il y a en conséquence peu de poids à attacher à ce que, dans ces collections, à partir de Sévère (les Césars ne figurent pas dans les rares constitutions de ces recueils antérieures à Sévère), les Césars, et notamment Philippe le fils, Decius le fils et son frère Quintus, Valérien le fils de Gallien, sont communément nommés à côté des Augusti, quand ils ne se présentent pas même comme pseudo-Augusti, selon ce que nous avons déjà remarqué. L’absence d’autres Césars, par exemple de Geta, se rapporte sans doute le plus souvent à la condamnation de la mémoire dont on trouve d’autres traces multiples dans ces recueils. Évidemment, la suite totale des inscriptions a été aussi arbitrairement et défectueusement établie que c’est certain pour les souscriptions. La collection de Gregorius [sur le nom, v. Zeitschrift der Savigng-Stiftung, 10, p. 345 et ss.], qui a été prise pour base ayant été faite sous Dioclétien, son auteur doit avoir appliqué abusivement aux Césars antérieurs le schéma en usage pour ceux de son temps. L’édition du code Justinien de P. Krueger donne un tableau critique qui retrace le système suivi avec toutes ses défectuosités.
[70] Tibère fait encore usage de sa puissance tribunicienne après la mort d’Auguste et continue après cela à compter ses années tribuniciennes sans interruption, L’acquisition du principat n’est pas non plus comptée parmi les acclamations impériales peut le prince qui a acquis le proconsulat ou l’imperium avant le principat.
[71] Vita Veri, 3. Cf. Vita Marci, 7.
[72] Au contraire, parmi les sept consulats que Domitien reçut sous le gouvernement de son père et de son frère, il n’y en a que deux d’éponymes, le second de l’an 73 et le septième de l’an 80.
[73] Agrippa, Tibère et Drusus n’ont pas reçu le consulat de cette façon.
[74] Ainsi le cens a été fait par Auguste et libère en l’an 44 après J.-C. en vertu d’un vote spécial du peuple consulari cum imperio ; en l’an 74, par Vespasien et Titus en qualité de censeurs.
[75] En l’an 760/761 encore, Tibère était seulement pontife et augure (C. I. L. V, 6416). Sur Séjan, cf. Dion, 58, 7. Le jeune Drusus était, au moment de sa mort, pontife, augure, quindecimvir et augustale (C. I. L. V, 4954 ; Orelli, 211 = C. I. L. XII, 147). L. Ælius lui-même n’était, étant investi de la puissance tribunicienne ; que quindecimvir (C. I. L. III, 4366 ; car l’inscription paraît complète).
[76] Ainsi pour Titus, Dion, 51, 20.