LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE DEUXIÈME. — LES MAGISTRATURES.

LE PRINCIPAT.

 

 

L’ADMINISTRATION DE LA VILLE DE ROME.

Auguste avait fait de la suppression de l’autonomie de la ville de Rome l’un des objets de sa politique et il s’était probablement donné là pour modèle le régime d’Alexandrie. Alexandrie et Rome sont les seules villes de l’empire où il y ait en garnison des légions ou leur équivalent et qui n’aient pas d’autonomie[1] ; car, de même que la βουλή fait défaut à Alexandrie, le sénat romain, s’il a une part au gouvernement de l’État, n’a aucunement sur la ville de Rome le pouvoir qu’ont les décurions sur un municipe quelconque et, quant aux magistrats de la ville, plus ils sont élevés en ,rang, plus ils sont magistrats de l’État et moins ils sont magistrats de la ville. Même dans le détail, l’organisation de la ville de Rome a été copiée par Auguste sur celle d’Alexandrie[2]. En général, on peut, en ce qui concerne l’administration de la ville de Rome sous Auguste et Tibère, vérifier de la manière la plus précise la vérité de ce que Tacite[3] a dit directement au sujet d’Auguste, à savoir que le prince a réalisé l’accroissement de son pouvoir en attirant progressivement à lui les pouvoirs qui appartenaient constitutionnellement aux magistrats ou au sénat et les autres droits réglés par la loi ; en disant cela, l’écrivain romain a sans doute pensé en premier lieu à la capitale. Lors de la fondation du principat, en 727, Auguste prit d’abord en main l’administration de Rome et de l’Italie dans les formes traditionnelles de la puissance consulaire ou tribunicienne et se contenta des pouvoirs de haute surveillance générale attachés aux deux magistratures. Mais les deux magistratures n’intervenaient, à l’époque récente de la République[4], dans l’administration proprement dite, que quand il fallait prendre des mesures extraordinaires et Auguste n’a d’abord prétendu rien faire de plus[5]. L’administration restait encore aux autorités compétentes d’après les institutions républicaines ; ainsi notamment les magistratures qui y étaient directement préposées, comme par exemple l’édilité, commencèrent par n’être pas atteintes par le nouveau système. Le premier empiétement qu’Auguste s’est permis dans l’administration propre de la ville fut provoqué par la famine de l’an 732. Il s’empara de la direction du marché aux grains, de la cura annonæ qui revenait constitutionnellement aux édiles des céréales[6]. Bientôt après, il prit, en 734, celle des ponts et chaussées (cura viarum) ; à la vérité, elle concernait plus l’Italie que Rome, mais cependant cela fit passer aux mains des princes une fonction qui antérieurement appartenait, partie aux censeurs, partie à certains magistrats spéciaux qui furent supprimés au même moment. Puis vinrent s’ajouter, en 743, la surveillance des aqueducs (cura aquarum) et, nous ne savons pas exactement quand, mais probablement à peu près vers la même époque, la direction de toutes les constructions de la capitale (cura operum locorumque publicorum). En 759 de Rome = 6 après J.-C. l’administration du service des pompes de la capitale, jusqu’alors principalement confiée à une autorité inférieure et qui avait une importance politique particulière à cause de l’organisation militaire donnée au nouveau corps dés pompiers, fut transportée au prince, nominalement à titre provisoire, en fait à titre définitif. La surveillance de l’entretien du lit du Tibre suivit, l’année après la mort d’Auguste ; et on lui joignit encore postérieurement la direction des égouts de la capitale. Quant à la police de Rome, Auguste a vainement essayé à plu- sieurs reprises de s’en emparer. Il ne s’agissait plus là de faire passer au prince des attributions de magistrat déjà existantes : il s’agissait de créer des attributions nouvelles aussi étrangères qu’hostiles à la constitution républicaine. C’est là, autant que nous sachions, le seul cas dans lequel le prince se soit heurté à une opposition constitutionnelle du sénat. Mais, sous ce rapport encore, l’édifice monarchique a été achevé par Tibère : le tribunal impérial de police de la capitale (præfectura urbis) est essentiellement son œuvre, et, la création de ce tribunal avec les troupes mises à sa disposition, avec sa procédure administrative sans jurés, qui se développa dans la voie d’un arbitraire toujours croissant, peut être considérée comme ayant achevé de transférer à l’empereur l’administration totale de la capitale. Ces transferts ont été légalisés non pas seulement par des- sénatus-consultes, mais par des résolutions des comices : ce ne nous est rapporté que pour la cura aquarum qui est la mieux connue[7] ; mais ce n’est certainement pas moins vrai des concessions antérieures. Toutes ces fonctions ont été conférées à l’empereur directement[8], bien qu’il les ait toutes exercées par un représentant. Au cours de ce développement qui remplit les cinquante premières années du principat, les attributions impériales ne se sont pas seulement augmentées suivant une progression constante : le caractère des agents, par l’intermédiaire desquels Auguste remplissait les fonctions qui lui étaient confiées, s’est aussi modifié. Tandis que nous les voyons, au début, surtout pour la cura annonæ, n’être pas nommés par le prince et être organisés, d’après les principes républicains, en collège annal, en véritable magistrature, dans les cercles d’attributions ajoutés plus tard, en particulier dans ceux qui ont le plus d’importance politique, l’empereur se nomme constamment un représentant unique révocable à volonté.

La nouvelle division territoriale de Rome, qui a substitué aux quatre anciennes tribus urbaines les quatorze regiones urbis, vient également d’Auguste. Elle ne s’arrête pas aux limites de l’urbs au sens propre, c’est-à-dire au Pomerium ; elle s’étend, sans doute en partant de ce qui existait pour la compétence des édiles qui n’était évidemment pas enfermée en fait dans le Pomerium, aux édifices ininterrompus (continentia ædificia), c’est-à-dire à tout le réseau régulier des rues[9]. Elle forme, par conséquent, toujours un cercle nettement délimité[10] ; mais elle est élargie, non pas précisément par toute nouvelle construction privée, mais par la percée de toute nouvelle rue vers l’extérieur, sans pouvoir cependant dépasser la première borne milliaire[11] ; car la capitale qui n’a pas, à cette époque, de territoire spécial, s’étend ou plutôt peut s’étendre jusqu’au point où commencent les territoires des municipes limitrophes, c’est-à-dire jusqu’à la première borne milliaire de toutes les routes qui partent de Rome[12].

Au point de vue politique, les quartiers n’ont aucune importance et leurs subdivisions, les rues, ont uniquement reçu un certain rôle religieux ou plutôt l’ont conservé ; car le système établi en 747, selon lequel, dans chaque groupe de rues (vicus), quatre chefs (magistri), choisis annuellement, nous ne savons comment, parmi les affranchis ou les ingénus du même rang devaient, avec quatre assistants (ministri), présider à certains actes et à certaines fêtes religieuses, en particulier aux jeux des compitalia, n’est une nouveauté que sous le rapport de la généralité et de l’uniformité donnée à l’institution. Nous avons déjà dit qu’à la tête de chaque région se trouvait un corps pris par le sort parmi les préteurs, les édiles et les tribuns du peuple de l’année. Mais ces corps avaient, chacun pour sa région, exclusivement une sorte de haute surveillance religieuse, et c’est uniquement pour elle, en particulier pour la publication des fêtes de rues organisées par les chefs des rues, qu’ils avaient des lictores populares denuntiatores. Pourtant ces corps sénatoriaux, mis à la tête des régions, ont eux-mêmes été supprimés entre l’an 109 et l’an 136, donc sans aucun doute par Hadrien, et remplacés par un ou deux curatores de régions appartenant comme les chefs de rues à la classe des affranchis, et c’est le régime qui a subsisté[13]. Quant à la haute surveillance exercée par les magistrats, elle a passé au præfectus vigilum[14].

Auguste a utilisé cette division en matière administrative, en particulier pour le service des incendies : il a commencé par détacher à cette fin, dans chaque région, un certain nombre d’esclaves publics et par en donner la direction aux chefs de quartiers ; mais au bout de douze ans, il retira à ces derniers la direction des pompiers et il donna au corps des pompiers une organisation militaire, toujours basée sur la division en régions, mais, autant que nous sachions, en dehors de tout concours du peuple.

Nous allons étudier dans leur ordre chronologique les diverses branches de l’administration urbaine que le principat a fait rentrer successivement dans ses attributions. Nous étudierons donc d’abord la cura annonæ ; puis la cura aguarum, la cura operum et locorum publicorum et la cura riparum et cloacarum qu’il nous a paru convenable de rassembler ; puis ensuite la præfectura vigilum et la præfectura urbis. Et nous finirons par l’extension de l’administration impériale aux jeux de la capitale, en particulier aux écoles de gladiateurs, et par le droit de reculer le Pomerium de la ville de Rome attaché au principat seulement à partir de Claude. La cura viarum trouvera, en ce qui concerne les pouvoirs qui en résultent, plus commodément sa place dans le chapitre de l’Administration de l’Italie.

 

1. — L’APPROVISIONNEMENT DE LA CAPITALE.

Selon le système de la République, l’approvisionnement de la ville de Rome rentre dans les attributions des édiles, parmi lesquels, depuis César, les deux ædiles plebis Ceriales, ajoutés par lui en 710, sont spécialement préposés à cet office. Mais la preuve qu’au moins dans les derniers temps de la République les édiles ne suffisaient pas à cette tâche, résulte, plus clairement que de plaintes isolées, des innovations constantes faites relativement à sa haute direction dans le cours du vue siècle. On peut citer comme telles, en dehors de la création des deux nouveaux postes spéciaux d’édiles affectés à cette fonction dont nous venons de parler, soit la part donnée dans le soin des approvisionnements à la préture et, pour les importations de blés d’outre mer, à la questure d’Ostie, soit, et avant tout, les magistratures extraordinaires nombreuses et en partie fort puissantes établies dans ce but. Le principat constitué par Auguste en l’an 727 ne comprenait pas, dans le principe, d’attribution de cet ordre. Mais les désordres de l’an 732, qui furent provoqués notamment par l’enchérissement des grains et à la suite desquels le sénat et le peuple proposèrent à Auguste, à la place du principat, une dictature modelée sur celle de César et une direction des céréales modelée sur celle de Pompée, conduisirent Auguste, qui refusa la dictature, à prendre au contraire définitivement la cura annonæ urbis Romæ[15]. Dans les circonstances, la régularité des arrivages du marché de la capitale ne pouvait indubitablement être assurée que par cette voie. Depuis que la capitale vivait principalement de blé d’outre mer, ses approvisionnements ne pouvaient être assurés que par le haut commerce ou par l’intervention de l’État. Or te commerce ne voulait ou ne pouvait pourvoir, en tout cas ne pourvoyait pas, d’une manière stable et satisfaisante, à l’approvisionnement du marché de Rome. Il fallut bien, par conséquent, déjà à la République, recourir au second procédé. Mais il ne pouvait, d’autre part, être mis en oeuvre que par les autorités qui disposaient des ressources de l’État. Or, dans le nouvel ordre de choses, un pareil pouvoir n’appartenait ni aux ædiles Ceriales, ni à aucun autre magistrat de la capitale, ni au sénat lui-même. Seul, le prince, héritier des rois d’Égypte, pouvait nourrir Rome. La ville de Rome a capitulé devant les flottes de blé du Nil, elle a vendu son antique liberté pour son pain de chaque jour ; mais au moins le prix de la vente lui a été payé. Des mesures telles que l’emmagasinement dans les greniers des subsistances nécessaires pour sept années de la capitale, montrent la différence qui séparait les moyens d’action du principat de ceux du gouvernement indolent et oisif du sénat. Naturellement, la cura annonæ de Rome, une fois assumée par le prince, resta constamment entre ses mains ; le sénat ne s’y immisça probablement que d’une façon : en répartissant, lorsque les ressources du trésor le permettaient, par le ministère de directeurs spécialement nommés à cette fin, une certaine quantité de blé entre les habitants de la capitale, au-dessous du cours ou gratuitement.

Les frais fort considérables entraînés par la cura annonæ, étaient supportés par le prince et par son trésor privé, par le fisc. C’est un résultat naturel de l’acceptation de cette cura, et, du reste, nous en avons l’attestation. A la vérité l’ærarium populi Romani, sur lequel avait jusqu’alors porté cette charge, fut encore appelé à y contribuer en deux sens : d’une part, les redevances en nature, qui jusqu’alors lui avaient été versées, passèrent sans doute désormais toutes au prince et, d’autre part, le trésor public avait probablement à verser, à l’administration impériale de l’annone une contribution en argent qui peut avoir été fixée soit une fois pour toutes, soit à chaque fois par un sénatus-consulte spécial. Il n’en reste pas moins plus que vraisemblable que l’empereur devait subvenir à une fraction importante de ces frais avec ses propres ressources, étant donné notamment que tout le produit net du royaume d’Égypte allait tomber dans le trésor privé impérial.

Les représentants employés par Auguste dans l’accomplissement de cette tâche importante et difficile n’ont pas toujours été les mêmes. Ce fut là la première branche de l’administration de la capitale qu’Auguste enleva aux magistrats de la République pour la prendre en ses mains propres. En outre, lorsqu’il l’occupa, on se rappelait encore comme un souvenir tout frais, que la cura annonæ monarchique de Pompée avait été une des formes de transition qui avaient conduit de la République à la monarchie, et qu’en conséquence, toute magistrature ainsi constituée avait été proscrite à perpétuité, comme contraire à l’essence de la République pendant la restauration éphémère du gouvernement du sénat. Par suite, Auguste prit bien le pouvoir, mais non le titre, et il a commencé par agir avec une grande circonspection dans l’exercice de son nouveau droit. Il ne l’exerça que par l’intermédiaire de magistrats et il prit ces magistrats exclusivement dans le sénat et même dans ses classes hiérarchiques les plus élevées[16] ; il observa en outre, dans leur institution, les règles de la collégialité[17] et même de l’annalité[18] des magistratures, et il ne les nomma pas non plus lui-même : il établit pour leur création non pas, à la vérité, des élections comitiales[19], mais, de même que pour les proconsuls, un système de nomination fondé sur l’ancienneté et le tirage au sort[20]. Les appariteurs donnés aux magistrats furent aussi accordés à. ces commissaires des importations qui ont toujours eu des scribæ, des præcones et des accensi et, lorsqu’ils étaient consulaires, des licteurs[21]. Enfin, ils ne sont pas seulement désignés du nom de délégués chargés par l’empereur du partage des blés — præfecti frumenti dandi, — mais de celui que portaient habituellement, sous la République, les directeurs des grains — curatores frumenti[22]. Partout où il y en avait une possibilité quelconque, ces magistrats impériaux ont été assimilés aux véritables magistrats.

Mais ces règles ne sont pas restées longtemps en vigueur. Nous ne savons en quelle année, mais certainement dès avant la fin du règne d’Auguste, entre l’an 8 et l’an 14 après J.-C.[23], nos pseudo-magistrats, les curatores frumenti ou præfecti frumenti dandi[24] ont été remplacés par le præfectus annonæ[25], qui est nommé, dans l’opposition la plus décidée avec le système de la magistrature, comme représentant unique du prince, par le prince lui-même, sans terme fixe, en sorte qu’il est révocable à volonté[26], et parmi les membres de l’ordre équestre, à l’exclusion des sénateurs[27]. A partir de là cette préfecture est restée un des postes les plus importants et les plus influents : elle occupe le troisième rang dans la carrière des fonctions non sénatoriales, où elle n’est primée que par les préfectures du prétoire et d’Égypte[28], et on rencontre de bonne heure, au-dessous de son titulaire, des agents en sous-ordre ayant eux-mêmes le rang équestre[29].

Les attributions du præfectus annonæ ne pourraient être exposées d’une façon complète que dans un tableau de l’administration des céréales sous l’Empire[30]. Nous n’avons ici qu’à relever les points essentiels pour le droit public. La tache du magistrat par lequel le prince se faisait régulièrement représenter dans sa fonction de curator annonæ[31] était de tenir le marché de la capitale constamment pourvu[32] de grains et même, plus tard, des autres objets d’alimentation nécessaires[33], et de surveiller les industries qui concouraient à ce résultat, en particulier la batellerie et la boulangerie[34]. Son local officiel se trouvait probablement sur le forum boarium, auprès de Santa Maria in Cosmedin[35], non loin des vastes greniers de la Porta Trigemina, et au-dessous de l’Aventin[36], non loin aussi des halles où le blé était distribué publiquement. Le port d’Ostie fut, à la vérité, jusqu’au temps de Claude, soumis pour les importations de grains à un questeur ; mais, à partir de là, il existe, pour le port du Tibre un procurator ad annonam impérial[37], qui dépend, sans aucun doute, du præfectus annonæ de Rome. Le præfectus annonæ avait également ses agents[38] dans les différentes provinces qui approvisionnaient le marché de Rome[39]. Le point douteux est de savoir s’il était dans un rapport spécial avec l’administration du trésor impérial[40].

Le præfectus anonnæ n’était pas officier et il n’avait aucune force armée distincte sous son commandement ; mais il avait sans doute à sa disposition, comme les procurateurs de provinces, un certain nombre de soldats de la garnison de la capitale[41].

En ce qui concerne la juridiction, nous rencontrons déjà pour lui ce que nous aurons à exposer plus loin, en détail, pour le præfectus urbi. C’est un fonctionnaire administratif ; mais, au moins, à l’époque récente, il exerce la juridiction sur toutes les actions civiles[42] ou criminelles[43] qui pénètrent dans la sphère de son administration, c’est-à-dire qui se rapportent au commerce des céréales. Cependant les tribunaux ordinaires, et pareillement celui du préfet de la ville avaient probablement aussi compétence sur les mêmes actions, et le præfectus annonæ devait probablement abandonner les affaires criminelles graves au préfet de la ville[44]. L’appel va du præfectus annonæ au prince[45], ou, en vertu du pouvoir de représentation reconnu au préfet du prétoire, à ce dernier.

 

2. — LES AQUEDUCS, LES CONSTRUCTIONS, L’ENTRETIEN DU FLEUVE ET DES ÉGOUTS DE LA VILLE DE ROME.

Le soin des aqueducs de la ville de Rome, de l’entretien des bâtiments publics et de la régularisation du cours du Tibre et des égouts, de même que le soin symétrique des routes partant de Rome ont passé, sous le principat, l’un après l’autre, au monarque, et cela de la même façon que la cura annonæ et à son imitation. Ces mandats ont d’abord été donnés aux dépens de la censure : la cura aquarum est expressément désignée comme la continuation d’une attribution des censeurs[46] et il n’est pas moins évident pour les trois autres curatelles qu’elles rentrent toutes dans la compétence des censeurs[47]. Mais, même réunies, ces curatelles ne correspondent pas à la toute-puissance qui appartenait aux censeurs dans la réglementation de la fortune de l’État. Ainsi, par exemple, la juridiction générale sur les biens de l’État et le droit de faire des constructions nouvelles, par conséquent les droits les plus élevés et les plus importants des censeurs, sont en dehors de la sphère des quatre curatelles. Donc, si les empereurs ne prirent pas la puissance censorienne comme telle, les transferts ont fait passer au prince, qui les exerce constamment, les pouvoirs des censeurs qui paraissaient exiger un titulaire constant et pour lesquels ne suffisaient pas les édiles, appelés en cette matière à représenter les censeurs.

Nous ne sommes pas parfaitement renseignés sur l’origine origine des diverses curatelles. Il est probable que l’essai malheureux fait en 732 pour ressusciter la censure non impériale et la résolution prise par Auguste de ne pas faire intervenir la censure impériale à l’intervalle ordinaire du lustre, mais avec des intermittences plus larges, y ont concouru d’une manière essentielle. La plus ancienne des quatre fonctions censoriennes du prince est l’administration des voies italiques prise par Auguste en 734[48]. Neuf ans plus tard, en 743, il se chargea en outre de celle des aqueducs de la capitale[49]. Les deux autres curatelles sont plus récentes. Celle de l’entretien des édifices urbains peut être née dans les dernières années d’Auguste[50]. La cura du cours du Tibre a seulement été instituée par Tibère en l’an 45 après J.-C.[51]

Les représentants qu’Auguste a créés pour ces branches d’administration, ont été organisés selon les mêmes principes essentiels que nous avons rencontrés pour l’annone.

Les quatre espèces de curateurs indiquées forment dans leur ensemble, peut-être en y ajoutant les curatores frumenti tant qu’ils ont existé, un collège unique[52], dont pourtant les membres différaient en rang et compétence, ainsi que ce n’est pas rare dans la magistrature ancienne. — Dans l’intérieur des diverses catégories, les curateurs des routes ont, à l’exemple des préteurs, sans doute eu, dès le principe, chacun sa compétence distincte. — Les curatores aquarum étaient au nombre de trois, parmi lesquels cependant l’un avait la haute direction et les autres n’étaient que ses auxiliaires inférieurs en rang[53]. Leur magistrature est, par suite, souvent comprise à aussi bon droit comme une magistrature isolée[54]. — Il y a deux curatores operum avec des compétences concurrentes en droit, divisées en fait[55]. — Les curateurs du cours du Tibre et des égouts formaient un quinquevirat[56] ; mais deux d’entre eux paraissent, de même que dans la cura aquarum, avoir joué le rôle de chefs, chacun d’eux dirigeant les travaux sur l’une des deux rives du fleuve[57]. — Le principe de la collégialité est donc conservé, en la forme, dans cette institution ; mais, dans le fond, les curatelles fonctionnaient toutes monarchiquement.

Le criterium propre de la magistrature, l’annalité, encore respectée dans la cura annonæ, est étrangère à toutes ces curatelles. Pour celle qui est connue la plus exactement, celle des aqueducs, il est démontré qu’elle a été conférée dès le principe sans aucune limitation de temps[58]. Il en est probablement de même des trois autres. Il ne peut même être question d’habitudes déterminées[59] qu’en ce sens qu’un délai dépassant une année paraît y avoir été la règle comme pour les gouvernements de provinces impériaux[60]. Elles sont souvent restées une série d’années dans les mêmes mains.

Il est attesté pour le curator aquarum que le prince l’a de tout temps choisi à son gré[61]. Il en est sans aucun doute de même du curator viæ[62] et des curatores operum. Les curatores riparum ont été, selon la disposition établie par Tibère, désignés par le sort[63] comme les curatores frumenti ; mais cette disposition n’a guère pu rester longtemps en vigueur.

Comme condition d’aptitude à obtenir ces magistratures, on exige communément le rang sénatorial[64] et au moins sa deuxième classe hiérarchique, c’est-à-dire l’occupation de la préture. Cependant des distinctions ont été faites entre les diverses curatelles. Au degré le plus bas se trouve la cura viæ ; elle est occupée après la préture[65], mais, en général, peu après elle et elle n’est qu’exceptionnellement occupée par des consulaires[66] ; la cura operum, plus considérée, l’est avant le consulat ou peu après lui[67]. Le rang le plus élevé appartient à la cura riparum[68] et, avant tout, à la cura aquarum[69], postes qui semblent n’avoir pas été occupés par d’autres que par des consulaires et dont spécialement le dernier a été fréquemment confié à des hommes dans la plus haute situation. — Au reste, les conditions de capacité dont nous parlons ici, ne s’appliquent qu’aux magistrats principaux ; les collègues moindres existant à côté d’eux dans les curæ riparum et aquarum sont bien pris aussi dans le sénat, mais cependant, selon l’usage romain, toujours dans des classes hiérarchiques inférieures à celle de leur chef[70].

Les curateurs avaient probablement le droit de porter la prétexte et de s’asseoir sur le siège curule[71]. Certainement ils possèdent les appariteurs ordinaires des magistrats[72] ; ils ont même, hors de Rome, chacun deux licteurs[73]. — Nous ne pouvons étudier ici le personnel auxiliaire spécial adjoint aux curateurs chargés de la régularisation du cours du Tibre[74], ou de constructions[75], ou des autres services.

Ces curatelles sont donc, tout comme les gouvernements des provinces, directement des postes d’auxiliaires et de représentants du prince ; mais elles ont été en même temps incorporées en qualité de magistratures dans la carrière des magistratures, et elles ont été aussi munies des insignes et des exemptions attachées aux magistratures[76], afin de voiler jusqu’à un certain point l’empiétement du principat sur la compétence des magistratures républicaines, qui précisément était particulièrement choquant,et sautait particulièrement aux yeux dans ce domaine.

Quant aux ressources pécuniaires considérables exigées par ces départements administratifs, ce que nous avons déjà dit pour l’annone est également vrai ici. Ces dépenses concernent directement le prince et figurent dans les états de son fiscus[77]. Mais, sans aucun doute, l’Ærarium du peuple était tenu de mettre une somme déterminée à la disposition de chacune de ces administrations. A côté de cela on rencontre des traces de fondations destinées à pourvoir à leurs frais[78].

Ce qu’il y a à dire des attributions des curatores viarum trouvera mieux sa place dans le chapitre de l’Administration de l’Italie. Nous n’avons donc ici à parler que du rôle administratif des trois autres curatelles, sur lesquelles, au reste, le principal a été déjà dit en partie dans le chapitre de la Censure.

Les deux curatores ædium sacrarum et operum locorumque publicorum (tuendorum) ont exercé légalement en commun la double administration visée par ce titre et en conséquence ils portent chacun le titre complet[79]. Mais en fait, il y a nécessairement eu de bonne heure, et peut-être dès le principe une division de fonctions, l’un s’est chargé des édifices publics, l’autre des temples et, par suite, ils ont pris, le premier, par excellence, le titre de curator operum publicorum[80], et le second, celui de curator ædium sacrarum[81]. Cela n’empêche d’ailleurs pas qu’ils n’agissent souvent en commun, auquel cas ils s’abstiennent d’ordinaire de prendre leurs titres opposés et se désignent soit du titre complet de leur magistrature[82] soit tous deux du nom de curatores operum publicorum[83]. Dans la constitution de Dioclétien, ils existent tous deux séparément l’un à côté de l’autre[84]. — Ces magistrats sont chargés de régler le mode de jouissance du sol public dans la capitale, sans cependant porter atteinte au droit de propriété, de réprimer les violations du droit, et, quand il y a lieu, de fixer à celui qui jouit du sol public le montant de sa redevance. Ils ont, en outre, la surveillance des temples et des présents votifs qui s’y trouvent. Ils n’ont pas d’attributions plus étendues. Ils n’ont pas le droit de disposer des immeubles, ni par conséquent le droit de termination ou de juridiction[85]. L’entretien des édifices publics pourrait plutôt avoir été affermé par le curator operum publicorum à l’époque récente ; mais cependant nous n’en avons pas de preuves déterminées[86]. D’après tout cela, la compétence des curateurs paraît plus voisine de la procuratio ædium des édiles que de la tuition des censeurs, quoiqu’elle semble, avoir emprunté son titre officiel à la seconde.

Le curator aquarum publicarum, dont le rang est plus élevé que celui des curateurs des édifices publics, a aussi, a leur différence, conservé, semble-t-il, intacts les pouvoirs du censeur, relativement aux aqueducs, spécialement la justice. Il n’a pas plus que le censeur le droit d’accorder aux particuliers des concessions d’eau gratuites ; mais l’empereur peut sans doute le faire[87]. Les marchés relatifs aux travaux d’entretien ont été en cette matière essentiellement restreints sous le principat par la constitution du personnel des eaux qui fut en partie organisé au profit de l’État par les fondations d’Agrippa et d’Auguste et en partie incorporé dans le fisc par Claude ; il n’y eut plus désormais de marchés que pour les grands travaux[88]. La liberté d’action du curateur fut ici, comme il arriva ailleurs, restreinte, quand on lui adjoignit un procurator aquarum, d’abord établi par Claude et pris au début parmi les affranchis de l’empereur, ensuite dans l’ordre équestre[89], en face duquel le curateur semble avoir eu un rôle de contrôle. — A l’époque récente, le directeur de ce bureau porte le titre de curator aquarum et Miniciæ[90] ; nous ne savons quelle autre compétence en relation avec le portique Minicien du cirque Flaminien[91] — au reste fréquemment cité, spécialement au sujet des distributions de grain — est attribuée par là au curator aquarum.

Les curatores riparum et alvei Tiberis, comme ils s’appellent au Ier siècle, ou curatores alvei et riparum Tiberis et cloacarum urbis, comme ils s’appellent depuis Trajan[92], sont sur la même ligne que les curatores aquarum, au point de vue du rang et de la compétence. Ils ont exercé le droit de termination[93] et ont donc eu aussi celui de justice. Les cloaques ne figurant dans leur titre que depuis Trajan, la surveillance ne leur en a probablement aussi été confiée qu’à cette époque.

Les administrations que nous avons jusqu’à présent énumérées n’ont à s’occuper que de l’entretien des constructions existantes. Les constructions nouvelles ne rentrent pas dans la compétence ordinaire de ces curateurs et ils n’en ont pas non plus été chargés à titre extraordinaire. Les empereurs se sont, au contraire, ainsi que nous avons déjà remarqué, toujours réservé la direction des constructions nouvelles de toute sorte.

 

3. — LE SERVICE DES INCENDIES DE LA VILLE DE ROME.

L’extinction des incendies de la ville de Rome incombait, d’après les institutions républicaines, à un des collèges de magistrats inférieurs, celui des tresviri capitales et aux quinqueviri cis Tiberim qui leur étaient adjoints, sous la haute surveillance d’abord des édiles et, en outre, des magistrats les plus élevés, des consuls et des tribuns du peuple. Mais si ce régime républicain, selon lequel vingt-quatre magistrats avaient le commandement à chaque incendie, mérite à peine le nom d’un système, le corps de pompiers organisé par la République, un certain nombre d’esclaves publics tenus prêts pour cette fonction, était probablement aussi peu pratique. II y a tout au moins un indice en ce sens dans la manière dont la spéculation et la brigue s’emparèrent de ce domaine, dans les corps de pompiers privés ténus prêts par des entrepreneurs ou des candidats. — Auguste invita d’abord énergiquement les édiles à s’occuper sérieusement de l’extinction des incendies[94] et il renforça, en l’an 732, leur corps de pompiers ; plus tard, en 747, la ville fut divisée, principalement dans ce but, en régions et en rues ; quand cela se fut encore montré insuffisant, il prit lui-même l’affaire en main en 759 = 6 après J.-C. : il composa d’hommes libres un corps, militairement organisé de gardiens (vigiles), de sept cohortes de 1.000 à 1.200 hommes chacune[95], établit pour elles sept postes principaux, à raison d’un pour deux régions, dans des lieux convenables[96], et donna à tout le corps un commandant en chef unique[97]. Ici, comme pour les subsistances, l’utilité ou même plutôt la nécessité de la centralisation était aussi évidente que son inconciliabilité avec le système républicain. L’institution fut d’abord établie comme provisoire ; mais elle subsista, comme ce fut sans doute dès le principe l’intention d’Auguste, et les gardiens de la capitale et leur commandant n’ont pas occupé la dernière place parmi les contreforts de l’édifice d’Auguste.

Comme pour l’annone, nous relevons seulement, en écartant les détails étrangers à notre sujet[98], les points importants pour le droit public. Les vigiles ont, de tous les temps, plutôt existé à côté de l’armée qu’ils n’en ont fait partie. Les centurions et les officiers supérieurs étaient probablement comptés comme appartenant à l’armée[99] ; mais, tandis que la naissance libre était exigée chez les soldats, les hommes étaient ici pris, à l’origine exclusivement[100] et plus tard principalement[101], parmi les affranchis et ils n’arrivaient en général, ni à être élevés au centurionat de leur corps, ni à passer dans les troupes proprement dites[102]. Leur commandant, le præfectus vigilum[103], n’est pas un magistrat et il ne peut être pris dans l’ordre sénatorial[104]. Ce poste est, au contraire, une des plus hautes fonctions équestres, dont le possesseur n’est inférieur en rang qu’aux præfecti annonæ, Ægypti et prætorio[105], et il a, à l’époque récente, comme le préfet de l’annone, un subpræfectus[106]. — Quant à la durée des fonctions, ce qui a été dit du préfet de l’annone, est également vrai pour lui. — A la tête d’un corps qui n’était pas trop au-dessous de la garde pour le nombre de têtes, le préfet des vigiles était, en un certain sens, le second des officiers commandant dans la ville et était mis par là en position de jouer un rôle politique actif, ainsi qu’il l’a fait selon les circonstances[107]. Mais il avait, en outre, au moins à l’époque récente, une juridiction qui n’était pas sans importance, à raison de quoi l’instruction juridique n’était pas moins exigée chez le præfectus vigilum que chez le præfectus prætorio[108]. En même temps que l’extinction des incendies, il reçut dans ses attributions la police de sûreté, en particulier la police nocturne, de la même façon dont elle avait été exercée, avec le service des incendies, par les triumvirs sous la République[109]. C’est de là qu’est issue la juridiction criminelle étendue, bien qu’en sous-ordre, du préfet des vigiles[110] ; il laissait cependant les affaires les plus graves au préfet de la ville[111]. La surveillance des chefs de carrefours, divisée, dans la première période de l’Empire, entre les magistrats républicains, fut aussi probablement transportée, sous Hadrien, au præfectus vigilum[112]. Si des vestiges indiquent, en procédure civile, que des affaires où l’intervention de la force publique paraissait nécessaire, ou bien encore dans lesquelles il était à craindre que les parties ne voulussent se faire justice à elles-mêmes, en particulier certaines affaires entre propriétaires et locataires[113] venaient devant lui, peut-être faut-il précisément le rattacher à cette surveillance des vici. — Ce que nous avons dit de l’appel du præfectus annonæ est également vrai de l’appel du præfectus vigilum ; il est déféré au prince[114] et à côté de lui aux præfecti prætorio.

 

4. — LA POLICE DE LA CAPITALE (PRÆFECTURA URBIS).

L’établissement d’une direction permanente de la police de la ville de Rome et de ses environs vient de Tibère. Auguste a bien, lorsqu’il constitua d’abord le principat dans la forme de la puissance consulaire-proconsulaire, rappelé à la vie[115] le droit de nommer un représentant pour l’administration de la capitale, un præfectus urbi[116], qu’avaient primitivement les consuls et qui leur, avait été enlevé par les lois Liciniennes ; il l’étendit même en ce sens que la nomination serait possible quoique les préteurs et même l’autre consul restassent présents à Rome. C’est de cette façon qu’a été nommé, pendant l’absence d’Auguste des années 727 à 730, le premier præfectus urbi qui ait été en exercice sous le principat[117] ; et la même chose a eu lieu pendant son absence des années 738 à 744, quoique le principat se fût dans l’intervalle délié du consulat[118]. Mais lorsque Auguste se trouvait à Rome ou même simplement en Italie, la préfecture de la ville était sous lui hors de fonction ; et elle n’est même pas toujours entrée en vigueur, lorsqu’il a quitté l’Italie ; il a fréquemment assuré son remplacement par d’autres moyens[119]. C’est seulement sons Tibère, pendant les onze années (26-37 après J.-C.) de sa dernière absence de la capitale, que ce pouvoir d’exception, jusqu’alors entré en activité seulement à titre temporaire, est devenu en fait permanent[120] ; et, dès le règne suivant, le préfet exerce ses fonctions même pendant que l’empereur est présent[121]. On en est depuis resté à ce système. Alexandre Sévère a adjoint au préfet de la ville une espèce de conseil composé de quatorze curateurs consulaires nommés pour les différentes régions de la capitale[122], et cette institution a aussi subsisté[123].

Quoique le caractère de la præfectura urbis républicaine, l’administration de la ville par représentation du magistrat supérieur absent, ait donc été abandonné depuis Caligula, la magistrature a gardé sa dénomination habituelle, où se trouve proprement exprimée l’idée de représentation, et son mode d’attribution par le choix de l’empereur[124]. Comme tous les représentants impériaux directement préposés aux choses de la capitale, le préfet de la ville doit avoir le rang sénatorial et est compté parmi les magistrats[125] ; il n’y a même que les consulaires d’admis à ce poste[126] qui prend, sous le principat, une situation analogue à celle qu’avait la censure sous la République et qui constitue en général le couronnement d’une carrière politique longue et remplie d’honneurs[127]. La concession d’un second consulat y est très fréquemment associée. — Il n’y a aucun motif de refuser au préfet de la ville les insignes de la magistrature républicaine, les faisceaux, le siège curule et la prétexte, bien que nous n’ayons pas de preuves expresses qu’il les ait possédés.

Relativement à la durée des fonctions, il en est de la préfecture de la ville comme du commandement de la garde. Elle ne fait pas exception à la règle, selon laquelle aucune fonction à la nomination de l’empereur n’est conférée pour un temps arrêté ; mais le préfet de la ville n’était changé qu’en vertu de raisons spéciales et il est resté en fonctions en général une série d’années, plus d’une fois toute sa vie[128], jusqu’à ce que la constitution donnée à l’empire sous Dioclétien et Constantin n’entraînât là aussi un changement de principe. — Son local officiel est au temple de Tellus, aux Carines, non loin de Subure[129]. La règle ancienne, selon laquelle le præfectus urbi ne doit pas régulièrement quitter la ville[130] et a ses pouvoirs interrompus s’il le fait, est encore vraie au temps de l’Empire[131]. Nous étudierons, dans le chapitre du Gouvernement de l’Italie, la mesure dans laquelle son autorité s’étend cependant au-delà de l’enceinte de la ville.

Le but de la préfecture de la ville est le maintien de la tranquillité publique dans la capitale[132]. La République ne connaît pas d’institution de cet ordre[133]. Les partisans de l’ancienne constitution, nominalement remise en vigueur par Auguste, pouvaient dire avec raison que la puissance d’exception, exercée notamment par Mécène dans la crise ouverte entre César et Antoine[134], se perpétuait dans la préfecture de la ville ; et certains vestiges indiquent la répulsion parfaitement fondée en principe et en pratique que provoquait cette institution[135]. Sa tâche immédiate était, d’une part, la police préventive, en vue de laquelle elle avait sous sa surveillance le cirque et les autres monuments affectés aux spectacles publics[136] et aussi également les marchés[137], en particulier les poids et mesures[138], les boutiques de changeurs[139] et en général tout le commerce qui se faisait sur la voie publique et dans les lieux publics[140] ; d’autre part, une justice criminelle, énergique et prompte[141], appropriée aux besoins de la grande ville, notamment sur les esclaves et le bas peuple[142], qui avait été sous cette forme inconnue à la République. Le cercle des actes punissables n’était pas le cercle des actes prévus par la loi ; selon toute apparence, il dépendait de l’arbitraire du prince ou, si l’on aime mieux, de son représentant dans ce domaine, du préfet, d’intervenir dans les cas où l’intérêt public lui semblait le demander. Comme preuves, on peut remarquer que le préfet recevait même les plaintes des esclaves, sans droits dans la rigueur de la loi, contre les maîtres qui les maltraitaient[143] et qu’il infligeait des peines criminelles aux tuteurs infidèles, sujets en droit seulement à une poursuite civile[144]. Le cercle des personnes contre lesquelles pouvait agir le préfet ne peut pas davantage avoir été délimité par la loi. Il intervient, par exemple, sans distinction de personnes, contre l’exercice du droit d’association fait sans autorisation légale[145] et dès une époque précoce, on lui a dénoncé les personnes de rang sénatorial politiquement dangereuses[146]. L’immixtion dans la justice rentre dans le caractère et le but de ce poste administratif élevé entre tous ; on a ainsi créé un tribunal d’exception, dans lequel le magistrat statuait librement et sans jurés, même probablement sans publicité, et qui fonctionnait concurremment avec la justice ordinaire des préteurs de questions et de leurs conseils de jurés, probablement dès une époque précoce en partant du principe qu’en cas de conflit, la compétence était décidée par la priorité, c’est-à-dire que le procès était jugé par le tribunal devant lequel il avait été intenté en premier lieu[147]. Pendant longtemps les préfets de la ville peuvent avoir reçu pour instruction d’exercer leur droit de concurrence avec ménagement[148] et de maintenir leur justice arbitraire dans certaines bornes ; mais le résultat final ne pouvait être évité ; la préfecture de la ville devint la plus haute cour de justice criminelle de la capitale. Les tribunaux des questions furent d’abord dépouillés des affaires capitales au profit de la préfecture de la ville et ils finirent par disparaître complètement[149]. Lorsque la peine excède le maximum fixé en matière criminelle à la compétence des magistrats inférieurs de la capitale ou d’Italie, ils renvoient l’affaire devant le préfet de la ville et cela peut avoir préparé la haute surveillance que nous voyons appartenir, au ive siècle, au préfet de la ville sur l’annone[150] le service des incendies et, en général, l’administration de la capitale. Tout au moins au temps des Sévères, et peut-être dès auparavant, des accusations de toute sorte et des accusés de tout rang, en particulier des sénateurs, sont légalement déférés au préfet de la ville[151]. Même le droit de prononcer la peine de la déportation et la peine des mines, qui avait antérieurement fait défaut au préfet de la ville, parce que ces peines n’étaient pas susceptibles d’être exécutées dans le territoire soumis à sa compétence, lui a été concédé par Sévère[152].

Par rapport à la justice civile, la situation du préfet de la ville est en principe la même : il est également en droit d’évoquer devant lui toute action civile, lorsque la sécurité publique le réclame, comme cela peut, par exemple, arriver pour les troubles possessoires[153]. Cependant, par la nature même des choses, ces cas ne sont pas nombreux, et, dans la bonne époque de l’Empire, la préfecture de la ville ne s’est pas sérieusement immiscée dans la juridiction civile[154]. — Nous avons déjà antérieurement expliqué que, non pas à la vérité au temps d’Auguste, mais au in, siècle, l’empereur déléguait d’ordinaire au préfet de la ville la décision des appels formés devant lui de la capitale en matière civile.

Le préfet de la ville est libre ou de trancher lui-même les affaires soumises à sa cognitio ou d’en renvoyer la décision à un représentant nommé par lui[155], auquel cas l’appel vient devant lui[156]. — Nous avons déjà vu, qu’à moins de restrictions spéciales, on peut appeler au prince des sentences du préfet de la ville.

Le préfet de la ville n’est pas officier[157] ; il apparaît en public sans l’escorte militaire qui caractérise l’officier[158] et en toge[159]. Néanmoins, les trais dernières cohortes de la capitale, organisées par Auguste en même temps que les neuf premières directement affectées au service du prétoire[160], ont été, lors de la création de la préfecture sous Tibère, placées sous les ordres du préfet de la ville[161] et il a, par suite de cela, une espèce de quartier général au marché aux porcs[162], Cette autorité, militaire en réalité, du maître de la police de la Rome impériale est une des innovations les plus profondes et les plus péniblement ressenties qu’ait entraînées le principat.

La fête de Castor, qui était célébrée à Ostie le 27 janvier et dont l’organisation incombait indubitablement au préfet de la ville dans la période postérieure à Dioclétien[163] a probablement été, au contraire, organisée à notre époque par le préteur urbain[164].

L’extension constante donnée par cette magistrature à ses attributions est de son essence, quoique nous ne puissions pas suivre suffisamment la marche de cette extension, surtout dans les ténèbres du IIIe siècle. La préfecture de la ville de la constitution de Dioclétien et de Constantin, qui nous apparaît de nouveau en pleine lumière, est essentiellement différente de l’ancienne. Après la dissolution de la garde du corps impériale et le transfert du `gouvernement hors de Rome, l’ancienne capitale demeura encore une circonscription soustraite à l’autorité des gouverneurs de provinces, et l’ancien chef de la police réunit désormais dans ses mains l’autorité militaire, l’autorité administrative et l’autorité judiciaire tant en matière civile qu’en matière criminelle : En particulier, il est, peut-on établir dès les commencements de Constantin[165], peut-être en vertu de règles établies par Dioclétien, le détenteur de la juridiction civile ordinaire et il le demeure dans la période qui suit à côté du représentant du præfectus prætorio, du vicarius urbis. Toutes les autres autorités de la capitale, en face desquelles il avait déjà constitué antérieurement un degré supérieur de juridiction, lui sont formellement subordonnées. En sa qualité de plus haut magistrat résidant régulièrement dans la capitale[166], il est désormais regardé comme le chef et le premier des membres du sénat[167]. En même temps, étant assimilé quant au rang, en sa qualité de maire de l’ancienne capitale, aux plus hauts magistrats civils et militaires de l’empire, il conserve ainsi le dernier souvenir du temps où la ville de Rome était la souveraine de l’empire. Si, autrefois, la monarchie nouvelle s’était asservi la capitale par la création de la préfecture de la ville, cette magistrature apparaît au contraire, à notre époque, dans une certaine opposition avec le pouvoir central, et les dernières tentatives faites pour restaurer l’ancienne autorité du sénat s’appuyèrent sur la préfecture de la ville contre les autorités de l’empire.

 

5. — LES ÉCOLES DE GLADIATEURS.

Les jeux publics de la capitale, les jeux de gladiateurs comme les jeux du cirque et les jeux scéniques, ne regardent le prince qu’en tant qu’il les organise par un acte volontaire de libéralité personnelle. En droit, ils incombaient aux anciens magistrats de la République, aux consuls, s’ils étaient prescrits à titre extraordinaire par le sénat, et, s’ils étaient permanents, aux préteurs, quand c’étaient des jeux scéniques ou des jeux du cirque, aux questeurs, quand c’étaient des jeux de gladiateurs. A la vérité, une partie des questeurs recevaient du fisc, à l’époque récente, l’argent nécessaire pour leurs jeux ; mais, même dans ce cas, le gouvernement parait avoir laissé l’organisation des jeux aux magistrats et en particulier n’avoir pas mis de gladiateurs impériaux à leur disposition. Le théâtre privé impérial[168], dont les représentations données dans le palais, n’étaient pas accessibles au public, formait naturellement une section de l’administration de la maison de l’empereur[169].

Mais si les jeux de gladiateurs n’étaient pas plus que les autres organisés ordinairement par l’empereur, il y avait cependant des écoles impériales de gladiateurs, tant à Rome — principalement le ludus magnus dans la troisième région auprès de l’amphithéâtre[170] et, en outre, dans la seconde, le ludus matutinus[171], — que hors de Rome, dans l’Italie et les provinces, où elles étaient, jusqu’à un certain point, distribuées par circonscriptions[172]. Ces écoles n’avaient pas sans doute seulement pour destination de fournir des gladiateurs pour les jeux impériaux ; elles servaient aussi à concentrer, en une certaine mesure, l’institution des gladiateurs dans les mains de l’empereur, de façon que les autres organisateurs de jeux dussent principalement s’adresser aux établissements impériaux pour en avoir. A la vérité, l’éducation des gladiateurs n’a aucunement été monopolisée légalement par le gouvernement sous l’Empire ; elle a, au contraire, été fréquemment entreprise par des particuliers[173] ; mais, dans la capitale, il a probablement été interdit, sous les Flaviens, aux particuliers d’entretenir des bandes de gladiateurs[174] et, même en Italie et en province, les gladiateurs ont aussi été sous le contrôle rigoureux du gouvernement. Le rôle qui avait été joué par les gladiateurs, soit au service de leurs maîtres, soit pour leur propre compte, dans les batailles des rues et les guerres civiles du VIIe siècle, et qui fut continué à Rome par les gladiateurs des écoles impériales[175], suffit à garantir que la politique prévoyante des Césars n’a pas laissé cet instrument dangereux déchaîné et le silence à peu près complet des sources sur des tumultes de gladiateurs[176] montre qu’ils arrivèrent jusqu’à un certain point à s’en rendre maîtres. — L’administration des diverses sections de gladiateurs impériaux appartenait à des procurateurs impériaux, en partie même à des procurateurs impériaux de rang équestre.

 

6. — EXTENSION DU POMERIUM.

Le droit de reculer l’enceinte des murailles est, comme nous l’avons montré ailleurs, un droit royal, mais n’est pas un droit des magistrats. Conformément à cela, Auguste ne l’a pas revendiqué[177]. C’est seulement Claude qui l’a, non seulement acquis pour lui[178], mais attaché définitivement au principat par une des clauses de la loi d’investiture[179] ; en sorte que, désormais, le prince a pu légalement reculer le Pomerium, quand et comme bon lui semblait[180], quoiqu’il ne put le faire décemment que quand il avait préalablement reculé les frontières de l’empire[181]. Il a depuis été fait usage de ce droit à plusieurs reprises[182].

 

 

 



[1] Jusqu’à un certain degré il en est de même, pour le second point, des ports utilitaires d’Italie, de Ravenne et de Misène, auxquels l’autonomie municipale a été plus ou moins refusée. La grande métropole de l’Italie du Nord, Mediolanum, et celle des provinces de Gaule et de Germanie, Lugudunum (Hirschfeld, Lyon in der Römerzeit, p. 27) sont aussi mises en dehors du droit commun municipal. Cf. Hermes, 7, p. 301.

[2] C’est ce que remarque parfaitement Hirschfeld, Untersuch. p. 143 ; p. 264 l’έξηγητής et le νυκτερινός στρατηγός (Strabon, 17, 1, 12) correspondent exactement aux præfecti urbi et vigilum.

[3] Annales, 1, 2.

[4] Dans L’époque ancienne, antérieure à la création de la censure, de la préture et de l’édilité patricio-plébéienne, la situation des consuls au point de vue de l’administration de la capitale est essentiellement différente.

[5] Nous parlons ici de ce soin de la sûreté publique dont il a été question à propos du consulat et du tribunat du peuple, au tome III. Il comprend, par exemple, le droit de procéder aux expulsions de l’intérieur de la ville de Rome faites par mesure de police.

[6] Tacite le donne clairement à entendre, loc. cit.

[7] Frontin, 99. Il ne rapporte pas cette loi ; mais, les sénatus-consultes postérieurs disant pour les curatores aquarum qu’ils ont été nommés par Auguste ex senatus auctoritate ou ex consensu senatus, la mention de la loi se rapporte à l’acte par lequel la cura a été confiée au prince.

[8] Dion, 54, 8 sur l’an 734. La collation directe des fonctions au prince lui-même, qui nous est attestée expressément pour la curatelle des routes, est sans aucun doute également vraie pour les autres.

[9] La loi Julia Municipalis l’exprime de la manière la plus énergique : In urbem Romam propiusve urbem Romam passus mille ubei continente habitabitur. La limite de droit est la première borne milliaire, la limite de fait est fournie par la fin des maisons et des rues. C’est la définition déjà donnée par Alfenus (Digeste, 50, 16, 81) : Urbs est Roma, quæ muro cingeretue, Roma est edam quæ continentia ædijicia essent et de même par tous les jurisconsultes postérieurs (Digeste, 33, 9, 4, 5, où c’est signalé comme une différence de Rome et des autres villes ; 50, 16, 2, pr. 1. 147). Il n’y a que pour les circonscriptions de l’impôt sur les successions que la limite de la première borne milliaire n’est pas comptée en partant des portes de Servius, mais de la limite de fait de la ville (a continentibus ædificiis : Macer, Digeste, 50, 16, 154).

[10] D’après Dion, 53, 6, Auguste a reculé le Pomerium en 746 et Tacite, Ann. 12, 23, et le biographe d’Aurélien, c. 21, lui attribuent aussi un recul du Pomerium. C’est certainement inexact ; mais cela vient évidemment d’une confusion avec la délimitation de la ville qu’entrain forcément la réorganisation des régions et des rues.

[11] Nous ne savons rien sur la procédure observée pour l’extension de la ville ; mais l’institution des vici et de leurs magistri, qui est liée à la division en régions, ne peut avoir existé sans un certain concours du gouvernement ; la limite des continentia ædificia doit donc toujours avoir été précise à un moment donné, si souvent qu’elle ait pu changer.

[12] La compétence domi ayant, depuis un temps immémorial, sa limite à la première borne milliaire des routes, Rome n’ayant plus, d’autre part, de territoire depuis la guerre sociale, et, au moins sous le rapport de la compétence judiciaire, le crime commis en deçà de la première borne milliaire étant regardé comme accompli à Rome, tandis que celui commis au-delà était regardé comme accompli dans un des municipes limitrophes, il faut que la Rome d’Auguste ait eu sa limite à cette borne milliaire et seulement à elle. — Les mille pas sont comptés comme on sait en partant des portes de la muraille de Servius ; il faut donc se figurer les bornes milliaires ainsi fixées comme réunies par des lignes transversales pour obtenir le territoire de la ville.

[13] Sur la base dédiée à Hadrien en l’an 433 par les magistri vicorum urbis regionum XIIII, on trouve indiqué à la tête de chaque région un ou deux curateurs de la classe des affranchis. Chaque région a encore deux curatores dans la description de la ville du temps de Constantin et les deux personnes par la cura desquelles une chapelle de carrefour est restaurée sous Alexandre Sévère (Eph. ep. IV, n. 746) ne peuvent par conséquent pas non plus être autre chose. Il ne faut pas confondre avec ces curatores plébéiens, le conseil du préfet de la ville composé par Alexandre Sévère d’un consulaire par région, bien que ses membres soient aussi appelés curatores regionum.

[14] L’idée suggérée par la base d’Hadrien, selon laquelle les magistrats directeurs n’auraient plus existé à son époque, est devenue nue certitude, grâce à la découverte faite à Rome, il y a quelques années, d’une inscription dédiée en l’an 223 par les magistri vicorum reg(ionis) VIII [per] C. Julium Paternum præf(ectum) vigil(um) (Eph. ep. IV, n. 746) ; puisque le præfectus vigilum y occupe la place des directeurs antérieurs.

[15] Mon. Ancyr. Gr. 3, 5, après la relation du refus de la dictature : Lors d'une grave pénurie de blé, je n'ai pas refusé la responsabilité de l'approvisionnement. Je m'en suis si bien acquitté qu'en peu de jours, j'ai délivré la cité dans son ensemble de la crainte et du danger qui la menaçaient ; j'y ai contribué de mes deniers et je m'y suis personnellement investi. Dion, 54, 1, après le tableau des troubles : (les Romains) le priant de se laisser nommer dictateur et intendant de l'annone, comme autrefois Pompée, Auguste accepta par force cette dernière fonction, et ordonna que deux commissaires seraient, chaque année, choisis parmi les citoyens qui avaient été préteurs cinq ans auparavant, pour la répartition du blé. Cf. Suétone, Auguste, 25. La supposition de Hirschfeld, Unters. p. 130, selon laquelle l’acte de 732 viserait seulement le cas isolé du moment, est en contradiction avec la création de magistrats annuels rapportée par Dion et ne s’accorde ni avec le caractère de la cura viarum analogue ni avec le titre des nouveaux præfecti frumenti dandi. Et le poids même attaché à ces événements montre que la grosse question de savoir si le soin de l’annone appartiendrait au prince on au sénat fut alors tranchée en principe, tandis que désormais il ne reste plus qu’à, établir l’organisation relativement secondaire des autorités y procédant au nom du prince. — La questure des blés occupée par Tibère en 731, en vertu d’un mandat spécial d’Auguste a été un prélude de l’occupation de la cura par le prince.

[16] Cette fonction devait être occupée cinq ans au moins après la préture, selon la première organisation établie par Auguste en 732 (Dion, 54, 1) et trois ans au moins selon l’organisation postérieure de 736 (Dion, 54, 11). Elle fut même confiée, à titre extraordinaire, semble-t-il, à des consulaires pour les années 6 et 7 après J.-C. (Dion, 55, 26. 31). L’institution de curateurs consulaires n’implique pas du tout, comme l’a pensé Hirschfeld dans son travail sur l’annona, p. 38, la disparition de la cura impériale. On peut encore moins admettre l’idée selon laquelle (Untersuch. p. 430) il restreint le rôle des præfecti frumenti dandi à la surveillance de la distribution des grains et leur refuse la cura annonæ. Pour pouvoir procéder régulièrement à ces distributions, il fallait précisément des arrivages réglés, et sans aucun doute tous ces magistrats ont eu, quant au fond, une compétence semblable.

[17] Le chiffre des curateurs fut fixé à deux en 732 et à quatre en 736. Les curateurs consulaires de 759 et 760 furent de nouveau au nombre de deux. Zumpt a soutenu, N. Rhein. Mus. 2, 281, que, lorsqu’il y avait quatre curateurs, chacun était en fonction pendant trois mois. Il s’appuie sur un passage du sénatus-consulte de 743 qui nous a été transmis dans les termes suivants (Frontin, 404) : Itemque cum viarum curatoresque frumentique parte quarta anni publico fungebantur ministerio ut curatores aquarum judiciis vacent privatis publicisque. Mais il faudrait alors admettre la même chose pour les curatores viarum et aquarum, et le nombre ne le permet guère. En outre, le texte est si corrompu qu’il n’a aucun sens certain.

[18] Dion, 54, 1. 47.

[19] Il serait conciliable avec les termes de notre relation que l’élection eut même été confiée aux comices en 732 ; mais c’est pourtant peu vraisemblable.

[20] Selon le système de 736, chacun des magistrats annaux du moment présentait un candidat capable et on tirait les quatre curateurs sur l’ensemble (Dion, 54, 17). Auguste parait avoir nommé les consulaires de 759 et 760.

[21] Dion, 55, 31, relève comme quelque chose de spécial que les curateurs de l’an 760, pris parmi les consulaires, avaient des licteurs ; et cela est d’accord avec le sénatus-consulte de 743 (Frontin, 100). Car, d’après cela, les curateurs prétoriens des blés, alors en fonctions dans la capitale, n’avaient pas de licteurs.

[22] Les deux désignations se trouvent l’une à côté de l’autre dans le sénatus-consulte de l’an 743 (Frontin, De aq. 100. 101) et à côté la périphrase ii per quos frumentum plebi datur. Suétone, Auguste, 37, parle de la cura frumenti populo dividundi, Dion, 55, 31, des έπιμεληταί τοΰ σίτου (périphrases 54, 1. 17. 55, 26). On n’a pas jusqu’à présent découvert d’inscriptions qui se prêtent à être rapportées à ces fonctionnaires.

[23] En l’an 7, il n’y avait pas encore de præfectus annonæ en exercice ; il existait à la mort d’Auguste (Tacite, Ann. 1, 7). La relation de Dion sur sa création devait se trouver dans`une des lacunes du manuscrit de Venise : elle n’y manquait certainement pas.

[24] Les magistrats extraordinaires qu’on rencontre encore sous le nom de præfecti frumenti dandi après la création de la præfectus annonæ tirent probablement leur origine des préfets annuels d’Auguste, par exemple parce qu’au moment où la cula permanente fut transférée au præfectus annonæ, on se sera réservé de ressusciter pour les libéralités extraordinaires la cura antérieure par sénatus-consulte.

[25] En grec, έπαρχος εύθενίας, C. I. Gr. 5895. 5973 ; chez Dion, 72, 13, il s’appelle ό έπί τοΰ σίτου τεταγμένος. Dans une inscription de Bénévent (C. I. L. IX, 1582) il est appelé præpositus an[nonæ] imp.... Severi et... Antonini. Hirschfeld, Getreideverwaltung, p. 48, a fait remarquer que le complément urbis ou sacræ urbis se rencontre bien pour le subpræfectus (C. I. L. III, 1464. X, 7583 ; sans cette addition C. I. L. V, 8659. VI, 1628), mais jamais avant Dioclétien pour le præfectus (car l’auteur de la Vita Aurel. 47, suit l’usage récent).

[26] A la vérité, Dion, 52, 24, met dans la bouche de Mécène le conseil de nommer les præfecti annonæ et vigilum : à vie, comme le préfet de la ville et le sous-censeur, ce qui vise le délai de trois à cinq ans du c. 23. Ce peut avoir été une maxime administrative au me siècle, mais elle n’a certainement pas été admise dés le principe ; car le premier præfectus annonæ que nous connaissions, et probablement le premier qu’il y ait eu, Turranius, est resté au moins trente-quatre ans dans ce poste (Tacite, Ann. 1, 7. 11, 31) et Fænius Rufus a administré la préfecture de l’annone de l’an 55 (Tacite, Ann. 13, 22) jusqu’à l’an 62 (op. cit. 14, 51) Hirschfeld, Getreideverwaltunq, p. 49, et Untersuch, p. 268. Dion lui-même n’a pas pensé à un terme légal.

[27] Mécène, chez Dion, 52, 24. Il n’est pas besoin d’autres preuves.

[28] Dans la Notitia Dign. occ. p. 15 encore, le præf. annonæ est le premier des magistrats inférieurs au præf. urbi et passe avant le præf. vigilum. — Avancement du poste de præf. vigilum à celui de præf. annonæ : Kellermann, Vig. 6 ; — de celui de præf. annonæ à celui de præf. Ægypti : Kellermann, loc. cit. ; C. I. L. II, 1970 ; C. I. L. V, 875 ; C. I. L. VI, 1625 a ; C. I. Gr. 5895 (cf. Dion, 12, 13. 14 et Hirschfeld, Getreideverw. p. 72) ; — de celui de præf. annonæ à celui de vice præf. prætorio : C. I. L. VIII, 822 ; — de celui de præf. annonæ à celui de præf. præf. : Tacite, Ann. 14, 51. Si à l’inverse Antonius Primus reçoit la préfecture de l’annone à la place du commandement de la garde, ne sine solacio ageret (Tacite, Hist. 4, 68), cette dégradation montre que les deux postes n’étaient pas séparés par une trop grande distance.

[29] On trouve déjà sous Trajan un curateur adjoint au préfet, et même sous Marc Aurèle et Verus un adjutor præfecti annonæ de rang équestre (C. I. L. II, 1180) ; au IIIe siècle la poste de subpræfectus annonæ est un des postes équestres les plus élevés. Le procurateur d’Ostie a lui-même le rang équestre.

[30] Ce travail a été fait d’une manière très satisfaisante par Otto Hirschfeld, Die Gelreideverwaltung der rœmischen Kaiserzeit, dans le Philologue, 29, (1870), pp. 1-96. C’est une des rares études sur ce domaine dont l’auteur soit parfaitement maître du matériel épigraphique. On peut y joindre l’aperçu compréhensible de l’annone de la capitale donné par de Rossi, Annali dell’ Inst. 1885, p. 223 et ss.

[31] Nous ne pouvons préciser jusqu’à quel point il intervenait lui-même dans la direction. Il est remarquable que le fonctionnaire en sous-ordre africain, se désigne comme nommé par Trajan. Cf. Vita Pii, 8.

[32] Dion, 52, 24. Inscription de Séville, C. I. L. II, 1180. Vita Alexandri, 22. Cependant les distributions d’huile n’ont été établies que par Sévère (Vita, 18 ; Hirschfeld, loc. cit., p. 19).

[33] Sénèque, De brev. vitæ, 19, 1, indique, comme fonction principale du préfet, d’avoir soin, ut incorruptum et a fraude advehentium et a neglegentia frumentum transfundatur in horrea, ne concepto umore vitietur et concalescat, ut ad mensuram pondusque respondeat.

[34] On voit ressortir la surveillance spéciale exercée par le préfet sur les pistores (Vat, fr. 233-235, et C. I. L. VI, 1002 ; Hirschfeld op. cit. p. 44 et ss. [v. aussi sur le droit de disposition qui lui est reconnu quant aux immeubles de la corporation par la formule de Cassiodore, Variæ, 6, 18, et dont on trouve une application curieuse dans la lettre du præf. præt. au præf. annonæ, Variæ, 12, 9, les explications données Neues Archiv., 14 (1889), p. 492, note 2] et pareillement sur les bateliers soit du Tibre (C. I. L. VI, 1022. XIV, 131), soit de la mer (C. I. Gr. 5973).

[35] Rossi, loc. cit. L’inscription honorifique placée par un præf. annonæ C. I. L. VI, 1451, a été retrouvée à son ancien emplacement.

[36] G. Gatti, Mitth. des rœm. Instituts, 1886, p. 65 et ss. a fait la lumière sur les horrea Galbana cohortium (= halles) trium.

[37] C. I. L. VIII, 1439. X, 7580. XIV, 160. 161. 2045. Hirschfeld, op. cit., p. 56 et ss., p. 75 et ss. Cela concorde avec la construction du port de Claude. Dans le régime récent ce fonctionnaire est devenu le comes portus (Not. Dign. occ., c. 4 et Bœcking ad. h. l. [ajoutez la formule de Cassiodore, Var. 7, 9 et l’inscription C. I. L. X. 6441 antérieure à 370, puisqu’elle connaît encore la Tuscia et l’Ombrie comme département d’un corrector, — citées Neues Archiv., 14, p. 492, note 5]). — Sur le procurator præf(ectius) annonæ des actes des Arvales de l’an 80, cf. Henzen, Arv., p. CVI.

[38] Peut-être le nom de Rome est-il absent du titre du préfet parce qu’à cette époque il était bien affecté à Rome, mais n’avait pas du tout son activité limitée à la capitale.

[39] Ainsi, en Espagne, selon l’inscription citée note 32 ; en outre en Afrique, d’après l’inscription C. I. L. VIII, 5351 : Curatore frumenti comparandi in annona[m] urbis factus a divo Nerva Trajano. Cf. 7960. 7975 = Eph. ep. V, n. 907, où il s’agit des horrea ad securitatem populi Romani pariter ac provincialium constructa de Rusicade ; en outre, Hirschfeld, op. cit. p. 81 et ss. Par suite des comptes aboutissent de toutes les parties de l’empire entre les mains du præf. ann. (Sénèque, De benef. 18, 3 : Orbis terrarum rationes administras). Je considère comme incertain le point de savoir si le procurator Augustorum ad annonam provinciæ Narbonensis et Liguriæ (C. I. L. XII, 672) était affecté à l’annona urbis Romæ.

[40] Le κώμς τών θησαυρών καί έφεστώς τή άγορά τοΰ σίτου du temps de Valérien chez le continuateur de Dion est en tous cas, sans doute, au moins quant au titre, une anticipation.

[41] L’inscription d’Orelli, 3489 = C. I. L. XI, 20 nomme un cornicularius præfecti annonæ, l’inscription C. I. L. XIV, 160 nomme un cornicularius du procurator annonæ d’Ostie. Le centurio ann(onæ) de l’inscription d’Ostie. C. I. L. XIV, 125, rentré encore dans le même ordre ; ce peut être le fonctionnaire que la Notitia Dign. Occ. c. 4 (cf. Bœcking, p. 192) désigne du nom de centenarius Portus [et Cassiodore, Variæ, 7, 23 (cf. Neues Archiv., 14, p. 492, n. 5) de celui de vicarius Portus]. La cohorte qui fut pendant un certain temps en garnison à Ostie (Suétone, Claude, 25 ; Tacite, Hist. 1, 80 ; cf. Hermes, 16, 645) y était malaisément soumise au procurator annonæ d’Ostie.

[42] Sont soumises au præfectus annonæ, du moins au temps des Sévère, les actions en paiement de vendeurs de grain (Digeste, 14, 5, 8) et celles intentées par les armateurs à raison des contrats de leurs capitaines (Digeste, 14, 1, 1, 18). C’est pourquoi Pomponius le cite parmi les autorités judiciaires (Digeste, 1, 2, 2, 33).

[43] Tout au moins il reçoit des dénonciations contre les spéculations sur les grains (Digeste, 48, 2, 13. tit. 12, 3, 2). — Le jus gladii du præfectus annonæ ne peut être établi que pour le temps de Constantin (Orelli, 3169 = C. I. L. VI, 1151. 3191 — C. I. L. X, 1700 ; Hirschfeld, loc. cit.).

[44] Il en est du moins ainsi en vertu de décisions de Marc Aurèle pour les curatores regionum et viarum (Vita Marci, 41) et pour le præfectus vigilum (Digeste, 1, 15, 3, 1 ; 1. 4). Je ne vois pas pourquoi Hirschfeld ne veut pas admettre la même règle pour le præfectus annonæ.

[45] Digeste, 14, 8, 8. Dion, 52, 33.

[46] Il est traité de la cura aquarum des censeurs, et de celle secondaire des édiles, au tome IV.

[47] Relativement à l’entretien des édifiées, nous avons expliqué que les censeurs concluaient les contrats et recevaient les travaux et que les édiles surveillaient directement les édifices. Des réparations des égouts faites par les censeurs sont mentionnées, au tome IV. Cette fonction n’apparaît pas encore avec un caractère permanent au temps de la République. Sur les constructions de routes faites par les censeurs, cf. au tome IV.

[48] Dion, 54, 8, Suétone Auguste, 37, met à la tête des nova officia créés par Auguste, curam operum publicorum, viarum variarum (où il n’y a pas à corriger le mot variarum qui nous a été transmis), aquarum, alvei Tiberis.

[49] Si les mots de Frontin, De aq. 99 : Cum res (Bücheler : cos. cum res au lieu du texte qui nous a été transmis consulum reque) usque in id tempus quasi potestate acta certo jure eguisset, sont correctement restitués, Auguste aurait jusqu’alors exercé la direction des eaux en vertu de son autorité gouvernementale éminente.

[50] La cura frumenti et à côté d’elle seulement la cura viarum, étant citées comme précédents de la création de la cura aquarum (Frontin, De aq. 300-401), cela rend vraisemblable que la cura operum n’existait pas alors, c’est-à-dire en 743. Suétone l’indique, note 48, comme établie par Auguste ; mais il attribue aussi à Auguste la cura alvei certainement postérieure. L’inscription la plus ancienne en apparence dans laquelle figure cette fonction (C. I. L. IX, 3306), la seule qui ait encore dans le titre le mot tuendorum est du temps d’Auguste ou de Tibère.

[51] Dion, 57, 14. Suétone, note 48, se trompe donc en reportant cette cura au temps d’Auguste. Sur les dispositions intérimaires qui, précédèrent cette organisation définitive, cf. Tacite, Ann. 1, 76 et C. I. L. I, p. 180.

[52] Pline n’appelle pas seulement la cura viæ Æmiliæ de Cornutus une magistrature égale à la sienne, c’est-à-dire à la cura alvei Tiberis (par officium : Ép. 5, 44) ; il le traite directement de collègue (Ép. 7, 21, 1). Cf. Hermes, 3, 47. 50 = tr. fr. 18. 21.

[53] Frontin, De aq. 99. Tous les trois sont signalés dans les sénatus-consultes de cette année comme curatores aquarum publicarum (Frontin, 100. 404). L’inscription C. I. L. VI, 1248, porte : Cippi positi jussu A. Didi Galli, T. Rubri Nepotis, M. Corneli Firmi curator(um) aquarum ; Frontin ne cite que le premier comme curator aquarum dans les années 39 à 49. Le même, De aq. 2, met le præpositus en garde contre le danger de tout faire ex adjutorum præceptis, qui devaient seulement être ses instruments. Il faut penser là au premier rang aux adjutores sénatoriaux, probablement des membres de classes moins élevées du sénat qui étaient affectés, en qualité d’hommes techniques, à ce bureau. Je ne vois pas pourquoi cela n’aurait pas subsisté au temps de Frontin (Hirschfeld, Untersuch. p. 164) ; Frontin aurait dû le dire, puisqu’il fait allusion à l’établissement des adjutores.

[54] Ainsi Frontin (102) indique seulement ceux qui huic officio præfuerint. — Lorsque le curator aquarum figure dans le cursus honorum des inscriptions, le rang montre qu’il s’agit du président. C’est admis sans doute avec raison par Borghesi, Opp. 5, 359 et Hirschfeld, Untersuch. p. 165, pour L. Neratius Marcellus, auquel appartient probablement l’inscription C. I. L. IX, 2456. — Si l’on trouve dans le schéma postérieur à Dioclétien à côté du comes formarum, comme s’appelle désormais le curator aquarum, encore un consularis aquarum, ce dernier a probablement pour origine le procurator aquarum plutôt que les assistants du curator.

[55] La dualité de ces curateurs résulte de ce que la lettre des rationales impériaux, sans doute adressée à eux dans l’affaire d’Adrastus, porte deux noms et qu’ils sont encore deux dans la constitution de Dioclétien. Sur leur action collégiale ou individuelle, cf. plus loin.

[56] Dion, loc. cit. (note 51). Une pierre terminale, probablement placée sous Tibère, nomme cinq de ces curateurs (C. I. L. VI, 1237) ; une pierre récemment découverte du temps de Claude (Notizie degli scavi, 1881, p. 323) en nomme le même nombre. Ils apparaissent aussi au nombre de plusieurs sur la pierre de même nature des curatores riparum qui primi fuerunt (C. I. L. VI, 1235, f. q. l. m.) et sur la pierre du temps de Claude d’un præf(ectus) curatorum alvei Tiberis.

[57] La termination de Vespasien en l’an 73 fut dirigée sur la rive romaine par C. Calpetanus Rantius Quirinalis Valerius Festus (C. I. L. VI, 4238) et sur la ripa Veientana par son collègue Dillius Apronianus (Notizie degli scavi, 1886, p. 363). Au reste, ce que nous avons dit, note 54, des curatores aquarum qu’on rencontre isolés est également vrai des curatores riparum qu’on rencontre de même.

[58] Dans la liste des curatores aquarum du premier siècle de Frontin, 102, la durée de la magistrature va d’un mois à 23 ans (Messalla Corvinus, 743-766 de Rome et Acilius Aviela, 74-97 après J.-C.).

[59] Les locations pour un lustre de cinq ans qui se rencontrent surtout dans la cura viarum portent à penser que le même terme était en usage pour la cura elle-même, et l’on peut invoquer dans le même sens la fixation à une durée quinquennale de la curatelle créée extraordinairement par le sénat au temps d’Auguste pour les chemins extra urbem. Mais ce ne sont pas là du tout de véritables preuves de la quinquennalité de la magistrature.

[60] Pline occupa probablement la cura alvei Tiberis de l’an 105 à l’an 107 (Hermes, 3, 47 = tr. fr. 18).

[61] Sénatus-consulte de 743, chez Frontin, 100 : Quod... consules verba feceruni de iis, qui curatores aquarum publicorum ex consensu senatus a Cæsare Augusto nominati essent, ornandis (Ms. ordinandis). 104 : Curatores aquarum, quos Cæsar Augustus ex senatus auctoritate nominavit. Ces mots n’impliquent pas forcément qu’Auguste ait soumis la question de personnes au sénat ; car l’auctoritas senatus peut facilement être rapportée à la décision conférant la cura au prince. La formule s. c. insérée par dittographie après quos dans le second texte a été effacée avec raison (Hirschfeld, Untersuch. p. 451, est d’un avis différent). Mais, quand même Auguste se serait, quant au choix des personnes, assuré de l’assentiment du sénat, comme il se peut fort bien, il en résulterait aucunement de là que le sénat eut le droit de présentation ou de ratification.

[62] Dion, 54, 8. Vatic. fr. 136 : Eum qui viæ curam habet ab imperatore injunctam, excusari.

[63] Dion, 57, 14. Le tirage au sort n’est pas spécifié davantage ; probablement il est semblable à celui organisé peu auparavant pour les curatores frumenti. En tout cas, il a nécessairement été réglé de telle sorte, que les conditions de capacité pussent être respectées.

[64] Assurément nous expliquerons, au sujet de la cura viæ, que celle des voies latérales était confiée par le prince à des hommes de rang équestre ; mais ces derniers, bien qu’assimilés pour le titre et les fonctions aux curatores viarum sénatoriaux, n’ont certainement pas été considérés comme faisant partie du collège des curateurs.

[65] Dion, 54, 8.

[66] Hermes, 3, 47 = tr. fr. 18. L’ami de Pline, Cornutus Tertullus, revêtit, contrairement à la règle, la cura viæ Æmiliæ seulement après son consulat ; Pertinax revêtit de même, seulement après le sien, la préfecture des aliments qui correspond à la cura viæ (Vita, 4).

[67] Borghesi, Opp. 4, 155. Des exemples de l’occupation de la magistrature avant le consulat sont fournis par C. Julius Asper (C. I. L. XIV, 2505. 2507-2510) et Q. Varius Geminus (C. I. L. IX, 3306) ; de l’occupation de la magistrature après le consulat par Vitellius (Suétone, Vit. 5), Lollianus Avitus, consul en 144, curateur en l’an 46 (C. I. L. VI, 1008), Salvius Julianus, consul en 148, curateur en 150 (C. I. L. VI, 855), L. Dasumius Tuscus (Henzen, 6051 = C. I. L. XI, 3365), Fabianus Maximus (C. I. L. VI, 1517).

[68] Borghesi, Opp. 5, 62. L. Valerius Festus a été consul en 11, curateur en 73 (C. I. L. I, p. 180 = VI, 1238) ; Ti. Julius Ferox, consul en 99, curateur en 101, (C. I. L. I, p. 180 = VI, 1239 ; C. Plinius Secundus, consul en 100 ; curateur en 105-107 (Hermes, 3, 47 = tr. fr. 18 ; L. Messius Rusticus, consul en 114, curateur en 121 (C. I. L. I, p, 180 = VI, 1240). Rixa (C. I. L. V, 4335) et M. Statius Priscus, consul en 159 (C. I. L. VI, 1523) furent curateurs immédiatement après le consulat.

[69] Borghesi, Opp. 4, 534. Le premier curateur nommé dès 743 fut Messalla Corvinus ; consul en 723 ; son successeur C. Ateius Capito fut consul en l’an 5, curateur en l’an 13 ; Cn. Domitius Afer consul en 39, curateur en 49 ; L. Calpurnius Piso, consul en 57, curateur en 60 ; M’. Acilius Aviola, consul en 54, curateur en 74 ; Sex. Julius Frontinus, préteur en 70, consul bientôt après, curateur en 97. — Avancement du poste de curator alvei Tiberis à celui de curator aquarum : C. I. L. XIV, 3902. Le comes formarum, c’est-à-dire l’ancien curator aquarum, est aussi, dans la Notitia dignitatum, au-dessus du comes riparum et alvei Tiberis et cloacarum et tous deux sont au-dessus des deux curatores operum.

[70] Ainsi le premier curator aquarum, le consulaire Messalla reçoit comme adjutores un prætorius et un pedarius, et il doit en avoir été de même, soit là en général, soit pour les quatre adjutores du curator riparum.

[71] Frontin, 99 : Insignia eis (aux curatores aquarum) quasi magistratibus concessa.

[72] Le sénatus-consulte de 743 sur les appariteurs des curatores aquarum (Frontin, 100) leur donne des scribæ librarii, des præcones, et des accensi en même quantité qu’aux curatores frumenti, en outre à chacun trois servi publici et un architecte (cf. 119 : Suæ stationts architectis). Frontin lui-même indique que cette apparition ne subsiste plus de son temps.

[73] Dion (54, 8) l’atteste pour le curator viæ et le sénatus-consulte qui vient d’être cité pour les curatores aquarum. Il doit en avoir été de même pour les curatores riparum. Les curatores operum ne doivent avoir exercé leurs fonctions qu’à Rome.

[74] Au temps de Claude, on trouve un præf(ectus) curatorum alvei Tiberis de rang équestre et, semble-t-il, à Laurentum (C. I. L. X, 797) ; dans une inscription de 184 (C. I. L. XIV, 172, rapproché de p. 481) un adjutor curatoris alvei Tiberis et cloacarum également de rang équestre. — L’έπιτροπος Καίσαρος πρός όχθαις Τιβέρεως du temps de Claude (C. I. Gr. 3991) est probablement avec les curatores ripæ dans le même rapport que les procurateurs semblables avec les curateurs de l’annone et des aqueducs. — Commentariensis urbis alvei Tiberis (Eph. ep. III, p. 50).

[75] Sub cur(atore) operum publ(icorum) de rang équestre (C. I. L. VII, 1054). Proc(urator) oper(um) publ(icorum) de rang équestre (C. I. L. X, 6651). Centurio operum (C. I. L. XIV, 125). A commentaris operum publicorum et rationis patrimonii, affranchi impérial (Orelli, 3205 = C. I. L. XI, 3860). Dispensator rat(ionis) æd(ium) sacr(arum) et ope(rum) publicor(um), esclave impérial (C. I. L. X, 529 rapproché de C. I. L. VI, 8478). Publici ab opera publica esclaves du peuple. Le curator [sartor]um tectorum operum publ(icorum) se rapporte sans doute à Préneste.

[76] Exemption restreinte du service de juré : sénatus-consulte de 743. Exemption du curator viæ de la tutelle : Vat. fr. 136. Ces exemptions s’appliquent en principe seulement aux magistrats en fonctions hors de Rome.

[77] L’allégation de la Vita Pertinacis, 9 : Ærarium in stuum statum restituit ; ad opera publica certum sumplum constituit n’est pas suffisamment précise ; l’explication la plus naturelle est que Pertinax alloua à la cura operum publicorum une somme annuelle arrêtée sur les fonds de son fisc.

[78] Vita Taciti, 10. Cf. Vita Aurel. 35. Valentinien affecta, en l’an 374, le tiers des biens fonds des cités aux frais des édifices (C. Th. 15, 1, 18).

[79] C’est ce que montre le titre donné en particulier sur des inscriptions du Ier siècle à des curateurs isolés : Curator ædium sacrarum monumentorumque publice tuendorum, C. I. L. IX, 3306, du temps de Tibère ; [curator ædium] sacrarum locorum publicorum... Henzen, 5427, du temps de Vespasien ; curator operum publicorum et ædium sacrarum, C. I. L. II, 4510. XIV, 3599, du temps d’Hadrien ; curator ædium sacrarum et operum publicorum, C. I. L. XIV, 3593 du IIIe siècle.

[80] Ce sens étroit est attesté par l’assignation de l’emplacement d’une statue érigée au Capitole en l’an 23 ab Cæcilio Arist..... c. v. cur. oper. publ. et max(imorum) [et...] Paulino c. v. cur. æd sacr. (Notizie degli scavi, 1883, p. 457 = Bull. dell’ inst. 1884, p. 52). On peut comprendre dans le même sens les titres où l’assignation est faite par un seul curator operum publicorum comme sur la pierre du temps de Vespasien, C. I. L. VI, 814 et sur d’autres des années 181 (C. I. L. VI, 861) et 199 (C. I. L. VI, 1352).

[81] Le curator ædium assigne seul dans des inscriptions de 159 (C. I. L. VI, 858, où le complément et locorum publicorum prête à objection) et de 166 (C. I. L. VI, 360). L’ont dans l’énumération des titres, les inscriptions C. I. L. VI, 1517. XIV, 2505. 2507-2510, les dernières du début du IIIe siècle. Il apparaît sous le nom d’ύπατικός τών ίερών ναών ou ύπατικός έπί τών ναών dans les inscriptions des années 244 (Kaibel, Inscr. grec. Ital. n. 1045) et 280 (op. cit. n. 993 = Borghesi, Opp. 6, 243).

[82] Curatores ædium sacrarum operum locorum publicorum, C. I. L. VI, 858 ; curatores ædium sacrarum locorumque publicorum, C. I. L. VI, 855, de l’an 150, parmi lesquels l’un se nomme curator operum publicorum, C. I. L. XIV, 3610 ; [curator ædium] sacrarum operumque publicorum, C. I. L. VI, 864, de l’an 210.

[83] C’est ainsi qu’ils s’appellent sur des monuments de l’an 146 (C. I. L. VI, 1008) et de l’an 161 (C. I. L. VI, 1119). Suétone, Vitellius, 5, et le titre grec (C. I. Gr. 4033. 4034), et aussi la désignation du représentant (sénatorial) du nom de vice operum publicorum (C. I. L. IX, 1121. XIV, 3593) prouvent que curator operum locorumque publicorum se disait au sens large des deux curateurs. Quand curator operum publicorum (C. I. L. VI, 1673. X, 6658) ou curator operum locorumque publicorum (C. I. L. III, 1457. VI, 1317. X, 6006. Orelli, 3382 = C. I. L. XI, 3718) apparaît dans la série des titres, il reste douteux de savoir s’il est pris au sens large ou au sens étroit. Les attributions de cette curatelle sont aussi exprimées par les mots operibus publicis procurare. — Nous avons montré que les curatores locorum publicorum (judicandorum) sont différents des curatores operum (locorumque) publicorum.

[84] Dans les inscriptions dédiées sous Constance à Flavius Lollianus, le premier de ces magistrats reparaît sous son ancien nom de curator operum publicorum (C. I. L. X, 4572) qui alterne avec consularis operum publicorum (C. I. L. X. 1695. 1696) et consularis operum maximorum (C. I. L. VI, 1723). Dans la Notitia dignitatum d’Occident, ils figurent tous deux comme subordonnés du præfectus urbi avec les titres curator operum maximorum et curator operum publicorum à côté du curator statuarum et du tribunus rerum nitentium. Le comes divinor[um] de l’inscription de Liternum (Not. degli scavi, 1885, p. 80) est probablement aussi l’un d’eux.

[85] Les deux choses se confondent rigoureusement. On voit apparaître sous l’Empire pour la termination du Pomerium seulement les censeurs et plus tard l’empereur lui-même, mais jamais ces curateurs.

[86] Les textes Frontin, De aq., 100, et Digeste, 39, 4, 15, montrent que, jusqu’à la mort d’Auguste, ces fonctions furent remplies par les consuls avec le concours des directeurs du trésor. Pour l’époque postérieure, il est établi que la location quinquennale a subsisté et que le questeur, — qui, en dehors de là, n’a rien à faire avec l’Ærarium à cette époque, — y coopérait peut-être pour en dresser acte — ; car Tertullien dit, Ad nat. 1, 10 : (Publicos deos) quos in hastarium (ce doit être le tableau des services mis en ferme) regessistis ; publicanis subdi[dis]tis, omni quinquennio inter vectigalia vestra proscriptos addicitis : sic Serapeum, sic Capitolium petitur addicitur conducitur... sub eadem voce præconis, eadem exactione quæstoris. Mais on ne sait si l’adjudication est faite par le curateur ou le consul.

[87] Frontin, 105. Cf. 99. 103. 107. Stace, Silves, 3, 1, 62. Ulpien, Digeste, 43, 20, 1, 42.

[88] Frontin, 119.

[89] Frontin, 105. Un procurator aquarum libertus Cæsaris est mentionné par l’inscription du temps de Claude Henzen, 6337 = C. I. L. XI, 3612 ; d’autres de rang équestre, ayant un traitement de 100.000 sesterces par les inscriptions du IIIe siècle, C. I. L. VI, 1418, X, 6569.

[90] L’addition et Miniciæ (rarement Minuciæ : C. I. L. III, 249. X, 4752) ne se rencontre sans doute pas avant la fin du IIe siècle (C. I. L. V, 7183 ; cf. VI, 1532, XIV, 3902). Le præ(fectus) Minicia (Gruter, 422, 7) ou cur(ator) Min(iciæ) (C. I. L. VI, 1408) d’inscriptions du temps de Sévère doit, d’après le caractère considéré des personnes, être le même magistrat. Au contraire, le curator de Minucia, affranchi impérial du temps de Claude (C. I. L. VI, 10223), n’a certainement rien à voir avec le service des eaux et est uniquement en rapport avec les distributions de grain. On rencontre encore un procurator Augusti ad Miniciam (Orelli, 516), ou procurator Minuciæ (C. I. L. III, 249. VI, 1648) de rang équestre. Cf. Hirschfeld, Untersuch. pp. 134 et 266.

[91] Cf. Becker, Topogr. p. 621 ; C. I. L. I, 409 ; Marini, Arv. p. 801 et surtout Hirschfeld, Getreideverwaltung, Philoloqus, 29, 53. 63 et ss.

[92] Les pierres terminales donnent le premier titre jusqu’à Vespasien inclusivement et le second depuis Trajan, quand elles contiennent le titre complet (C. I. L. VI, p. 266).

[93] C. I. L. VI, n. 1235-1242. Assurément les curateurs se fondent pour cela, sous Auguste et Tibère, sur un sénatus-consulte, depuis Vespasien ; sur un mandat impérial ; mais, sous la République et sous Auguste, les censeurs et les consuls et même Auguste lui-même procèdent aussi à la terminatio en vertu d’un sénatus-consulte.

[94] Dion, 53, 24, sur l’an 728.

[95] Les cohortes comptaient sept centuries, composées chacune, d’après les listes qui nous ont été conservées, au début du nie siècle, en moyenne de 150 hommes. Dans les troupes proprement dites, on ne rencontre que des cohortes de 6 ou de 10 centuries ; il est probable que c’est avec intention qu’on a évité d’employer ici les formations militaires ordinaires.

[96] La plupart de ces postes sont, sans doute, plus anciens ; car Rossi, Ann. 1858, p. 296 et ss., a montré qu’ils suivent le tracé de la muraille de Servius chose qui s’accorde avec le fait qu’au temps de la République les pompiers stationnaient circa portam (peut-être portas) et muros. A la vérité le chiffre de sept postes ne peut avoir été fixé que lors de l’organisation des quatorze régions ; il n’est pas non plus en harmonie avec les 600 têtes de la familia publica antérieure.

[97] Dion, 55, 26, sur l’an 759. Cf. 56, 41. Paul et Ulpien, Digeste, 1, 15, 1. 2. 3. Strabon, 5, 3, 7, p. 235. Suétone, Auguste, 30. Pour subvenir aux frais probablement élevés, en établit une taxe de 4 pour 100 sur le prix des esclaves mis en vente (Dion, 55, 31, selon la correction indubitablement exacte de Juste Lipse. Marquardt, Handb. 5, 278 = 10, 352). — Ce n’est que par conjecture et certainement à, tort qu’Appien, B. c. 5, 132, rattache l’origine des vigiles aux mesures prises par César, en 118, pour le rétablissement de la sûreté publique dans la ville de Rome, et que des écrivains tout à fait récents, le scoliaste de Juvénal, 13, 151, et Lydus, De mag. 1, 50, le rattachent même au siège du Capitole par les Gaulois en partant d’un texte étrangement mal compris de Juvénal.

[98] Cf. à ce sujet Marquardt, Handb. 5, 484 = 11, 210 et les auteurs cités ; voir, en outre, les intéressantes recherches topographiques et relations de fouilles de de Rossi, Ann. dell’ Inst. 1858, p. 265 et ss. et de Pellegrini et Henzen, Bullet. dell’ inst. 1867, p. 8 et ss. et Annali, 1874, p. 111 et ss.

[99] Le centurionat, le tribunat et la préfecture des vigiles figurent dans le tableau ordinaire d’avancement des sous-officiers et des officiers, mais naturellement seulement à la dernière place, en sorte que par exemple le centurion des vigiles passait régulièrement, par avancement, centurion de la garnison de la ville. Les grades de cornicultarius præfecti et de cornicularius subpræfecti ont aussi plus tard figuré dans le tableau d’avancement, puisque l’un et l’autre figurent à côté des centurions sur le front de la base connue C. I. L. VI, 1058 et qu’il y a deux inscriptions (C. I. L. VI, 414. Henzen, 7170) dans lesquelles de pareils cornicularii sont élevés au centurionat de légion. Mais la seconde, qui est de l’an 141, signale cet avancement comme jusqu’alors sans exemple.

[100] Dion, 55, 26. Strabon, loc. cit. Suétone, Auguste, 25. Tacite, Ann. 13, 27. Il résulte d’Ulpien, 3, 5, qu’on y admettait aussi de simples affranchis latins.

[101] Dion, 55, 26.

[102] Il est très rare qu’un simple soldat passe des vigiles parmi les prætoriani ; un exemple C. I. L. VI, 2780.

[103] En grec, ό τών νυκτοφυλάκων άρχων (Dion, 58, 9) ou ό έπαρχος ό νυκτοφυλακών (Dion, 52, 33), aussi νυκτοφύλαξ (Dion, 52, 24). Hirschfeld, Untersuch. p. 145 et ss., donne le tableau de ceux qui nous sont connus.

[104] C’est seulement au IVe siècle que les præfecti vigilum ont le clarissimat ; plus tard ils ont même la speciabilitas.

[105] Dion, 52, 24.

[106] Il se trouve pour la première fois dans une inscription de Concordia de l’an 166 à peu près (C. I. L. V, 8660), puis dans celle de l’an 191, C. I. L. VI, 414. Dans une inscription de l’an 241 (C. I. L. VI, 1092) il est remplacé par un curator cohortium vigilum (qu’il ne faut pas confondre avec le curator cohortis, C. I. L. VI, 3909), ce qui n’est pas une erreur d’écriture (comme le pense Rossi, Ann. 1858, p. 275), mais une autre dénomination du sous-préfet.

[107] Ainsi le præf. prætorio Séjan a été renversé par le præf. vigilum Græcinius Laco (Dion, 58, 9). Cf. Tacite, Hist. 3, 64. 69. Dion, 73, 9. En l’an 269, pendant le conflit de Claudius et de Tetricus, nous trouvons le præf. vig. de Rome en Narbonnaise, revêtu d’un commandement extraordinaire (C. I. L. XII, 2228).

[108] On peut le conclure de ce que le jurisconsulte connu Herennius Modestinus revêtit cette fonction peu avant l’an 244, comme le montre le procès des foulons, dont nous allons parler dans un instant, et de ce qu’on trouve C. I. L. VI, 1621, un subpræfectus vigilibus juris peritus.

[109] L’obligation d’être toute la nuit debout et en armes au poste a aussi passés des triumvirs au préfet (Digeste, 1, 15, 3, 3).

[110] Paul, Digeste, 1, 15, 3, 1. Il est le tribunal direct en matière de vol simple (Digeste, 47, 2, 57 [56], 4. tit. 18, 1) et il fait, pour cette cause, exécuter des esclaves (Digeste, 12, 4,15). Il lui est spécialement recommandé de veiller sur les voleurs des bains publics (loc. cit. § 5) et sur les esclaves fugitifs (Digeste, 15, 4).

[111] La règle selon laquelle il ne peut statuer en matière capitale (Cod. Just., 4, 43, 1) doit remonter à cette époque.

[112] Cela explique aussi désormais pourquoi la décision est rendue par les præfecti vigilum dans le procès connu des foulons des années 326-244 (C. I. L. VI, 266), qui a été étudié en dernier lieu par Bremer (Rhein. Mus. nouvelle série, 21, p. 2 et ss.) avec de grands développements, mais à mon sens peu heureusement (cf. mes explications dans le C. I. L. loc. cit.). Un collegium fullonum ou fontanorum emploie une fontaine qui est propriété publique. Une indemnité lui est demandée de ce chef, — on ne voit pas clairement par qui, probablement par l’advocatus fisci, sur le mandat du curator aquarum, — et trois præfecti vigilum statuent successivement sur l’affaire. L’hypothèse de Bremer, selon laquelle le præfectus vigilum aurait tiré à lui la juridiction en matière d’eaux, ne méconnaît pas seulement les attributions du curator aquarum ; elle se base, en outre, sur un contresens pratique ; car, si indubitable qu’il soit que le chef des pompiers ne peut avoir été dépourvu du droit de prendre, en cas de besoin, de l’eau où il y en a, c’est cependant en tirer une conséquence singulière que de faire, à cause de cela, peser sur lui la charge de la décision de toutes les contestations relatives aux eaux. Mais une pareille compétence pouvait facilement découler de la surveillance générale des rues.

[113] Le Digeste ne mentionne pas cette juridiction civile expressément ; mais la mention du præfectus vigilum chez Pomponius, Digeste, 4, 2, 2, 33 conduit à l’admettre et deux textes du traité de officio præfecto vigilum de Paul donnent au moins un indice pour en déterminer l’objet. Dans l’une des affaires (Digeste, 20, 2, 9) le locateur a retenu les choses du locataire pour cause de défaut de paiement du loyer ; dans l’autre (Digeste, 19, 2, 56), un locateur demande, le locataire ne le payant pas et étant impossible à trouver, qu’on ouvre le logement qui est fermé et qu’il puisse prendre les choses appartenant au locataire qui s’y trouvent ; toutes deux viennent devant le præfectus vigilum. Bœcking, sur la Not. dign. Occ. p. 183. On peut également rattacher à cela la procédure extra ordinem suivie en matière de louage (Digeste, 43, 32, 1, 2) (Pernice).

[114] Dion, 52, 33. On relève aussi dans le procès des foulons qui vient d’être cité (ligne 30) qu’il n’a pas été fait appel d’une sentence du préfet.

[115] Suétone, Auguste, 37. Le rattachement du præfectus urbi impérial à l’ancienne République n’est pas seulement vraisemblable en lui-même ; il faut nécessairement l’admettre, parce que Tacite, Ann. 6, Il rattache le préfet de la ville récent à la constitution de l’époque royale. Il est hors de doute qu’en fait les fonctions exercées par Mécène pendant le triumvirat ont servi de modèle ; mais, en droit, on peut malaisément avoir rattaché la nouvelle préfecture de la ville à celle de Mécène, les nouvelles institutions d’Auguste s’étant présentées comme des institutions constitutionnelles et ayant été opposées aussi énergiquement que possible à l’ancien régime d’exception.

[116] Cf. sur le titre, ce qui est dit au tome II, du præfectus urbi feriarum Latinarum. La forme præfectus urbi prévaut de beaucoup dans tous les temps ; on trouve même præfectura urbi dans l’inscription de 359, Orelli, 2527 = Rossi, inscr. chr. I, 141, à côté de la forme régulière et ordinaire præfectura urbis (Orelli, 750 — C. I. L. XIV, 3608, par exemple). On rencontre à titre isolé præfectus urbis aussi bien à la bonne époque (C. I. L. V, 6980, sous Trajan ; C. I. L. VI, 1452. IX, 1617, etc.) que plus tard (C. I. L. VI, 1717. 1757). Præfectus urbis Romæ (C. I. L. VI, 499. 1696. 1725) ou urbis æternæ (C. I. L. VI, 1749) se trouve sans doute seulement dans la période postérieure à Dioclétien. En grec, en traduit le plus souvent par έπαρχος (chez les auteurs récents, par exemple chez Zozime, aussi ϋπαρχος) τής πόλεως (ainsi chez Hérodien, par exemple, 2, 6, 12). Mais Dion évite cette expression et appelle le préfet de la ville πολίαρχος (par exemple, 52, 21) ou plus rarement πολιανόμος (par exemple, 43, 28), afin de réserver έπαρχος tout court pour le præfectus prætorio. Φύλαξ τής πόλεως (Joseph. Ant. 18, 5, 6) est aussi employé comme en latin custos urbis (Sénèque, Ép. 83, 14 ; Juvénal, 13, 451 rapproché de Velleius, 2, 98 ; Stace, Silves, 1, 4, 16 ; Porphyrie, sur Horace, Ars poet., au début. Lydus, De mag. 1, 38), pour ainsi dire à titre d’appellation ; la même désignation se rencontre d’ailleurs déjà pour Mécène.

[117] Tacite, Ann. 6, 11, continue donc, après avoir mentionné la situation correspondante de Mécène sous le triumvirat, en disant : Max (Augustus) rerum potitus ab magnitudinem populi ac tarda legum auxilia sumpsit e consularibus, qui coerceret servitia et quod civium audacia turbidum, nisi vim metuat : primusque Messalla Corvinus eam potestatem et paucos infra dies finem accepit quasi nescius exercendi. Suétone, chez Jérôme, Chr. a. Abr. 1991 (= 728 de Rome, ce qui s’accorde avec le triomphe de Messalla le 25 sept. 727) : Messalla Corvinus primas præfectus urbis factus sexto die magistratu se abdicavit incivilem potestatem esse contestans.

[118] Dion, 54, 19 sur l’an 738 : Ce fut pour ces motifs qu'après avoir confié à Taurus l'administration de la ville et du reste de l'Italie...., il partit. Tacite, loc. cit. : Statilius Taurus, quoique d'un âge avancé, en soutint dignement le poids. Nous ne connaissons pas l’année de la mort de Taurus ; il est probablement mort peu après l’an 738, puisque ensuite il n’est plus mentionné de nouveau.

[119] Dans les années 733 et ss., pendant l’absence d’Auguste occasionnée par son voyage en Orient, Agrippa pourvut à son remplacement ; mais il ne le fit pas en qualité de præfectus urbi, ainsi que montre le silence de Tacite, Ann. 6, 11. Le motif est évidemment qu’Agrippa était, au moins depuis 731, associé à la puissance proconsulaire et pouvait, en conséquence, s’en servir là.

[120] L. Piso, viginti per annos pariter probatus en qualité de préfet selon Tacite, Ann. 6, 11, mourut en fonctions en 32 après J.-C. (Tacite, loc. cit. ; Dion, 58, 16). Il fut nommé par Tibère, lorsque celui-ci était déjà au pouvoir, mais immédiatement après qu’il y fut arrivé, selon Pline, H. n. 14, 22, 145 : C'est en raison de ce mérite, a-t-on dit, qu'il commit, étant déjà empereur, L. Pison à la garde de Rome, pour avoir continué à boire sans interruption pendant deux jours et deux nuits, et Suétone, Tibère, 42 : Quand il fut empereur, il passa deux jours et deux nuits à table avec Pomponius Flaccus et Lucius Pison,..... il donna à l'un le gouvernement de la Syrie, et à l'autre la préfecture de Rome. Le chiffre de Tacite conduit à l’an 13. Klebs a remarqué avec raison, Rhein. Mus. 42, 164 et ss., que Pline et Suétone pensent au temps postérieur à la mort d’Auguste et qu’en particulier la publicorum morum correctio du second ne doit pas être rapportée à la censure de Tibère à laquelle j’avais pensé, mais aux premiers temps de son règne (c. 38 : in publicis moribus... corrigenda). Mais la supposition selon laquelle Pison aurait été nommé, sous Auguste, par Tibère, après son association complète à l’Empire et l’anecdote a été rapportée plus tard à une fausse date, est moins forcée qu’une correction au texte de Tacite. La collation de la préfecture doit avoir été faite, sous forme de constitution de représentant, pour le cas où Tibère s’absenterait, en sorte que le pouvoir du préfet était en inactivité, au moins en droit, quand le souverain se trouvait à Rome ; car ce n’est que par cette supposition qu’on peut expliquer que le préfet de la cille ne figure pas parmi les magistrats qui prêtent à Tibère le serment de fidélité (Tacite, Ann. 1, 7 ; et que Tacite appelle, loc. cit., en l’an 32, la préfecture une recens continua potestas. Pison doit avoir commencé ses fonctions, lorsque Auguste et Tibère quittèrent Rome dans le cours de l’an 13, puis de nouveau en mai ou juin 14, et ensuite être entré de nouveau en fonctions à chaque fois que Tibère fit la même chose. En fait, elles devinrent permanentes, lorsque Tibère s’éloigna de la capitale en l’an 26, pour n’y plus revenir.

[121] Dion, 59, 13, sur l’an 39.

[122] Vita, 33 : Il établit pour Rome quatorze curateurs pris parmi les consulaires, et qu’il chargea d’entendre conjointement avec le préfet de la ville toutes les affaires urbaines : ils devaient ainsi être tous présents, ou du moins en majorité, lorsqu’on rédigeait les actes. Dion lie cette institution avec les quatorze chefs de régions d’Auguste, probablement uniquement par mégarde. Ce que rapporte Lydus de Domitien, qui aurait préposé un préfet de la ville à chacune des douze (!) régions (De mag. 2, 19 ; il reproduit le chiffre douze, De mag. 1, 49) n’est sans doute qu’un déplacement de l’institution d’Alexandre Sévère. Ce qui est relaté d’Elagabal (Vita, 20), doit se lier à l’institution d’Alexandre.

[123] C’est ce que montrent les deux inscriptions, C. I. L. X, 6507 : Cur. reg. VII du temps de Constantin (qu’Henzen a justement rapportée à ceci) et C. I. L. XIV, 2078 : Consulari sacræ urbis regionis III.

[124] Il n’y a besoin d’aucune preuve de la règle. Alexandre accorda ici comme pour le commandement de la garde, le droit de proposition au sénat (Vita, 19).

[125] Le préfet de la ville est appelé magistratus chez Jérôme, Chr. a. Abr. 1191, et chez Ulpien, Digeste, 5, 1, 12, 1 (de même 4, 4, 16, 5) Præfectus urbi celerique Romæ magistratus. On lui attribue aussi un imperium (Digeste, 2, 4, 2).

[126] On a suivi en cela l’exemple d’Auguste. Tacite, Ann., 6, 11 : E consularibus. Les cas concrets sont d’accord avec cette règle. Par exception Macrin fait Adventus d’abord préfet de la ville et ensuite consul (Dion, 78, 14), et Carinus fait même un de ses huissiers (cancellarii) préfet de la ville (Vita, 15).

[127] Mécène, chez Dion, 52, 21, conseille de prendre le préfet de la ville un des principaux citoyens qui ait passé par les dignités qu'il convient. Les cas concrets sont d’accord avec ce principe. Par exemple, L. Volusius Saturninus, consul en l’an 3 après J.-C., reçut la préfecture de la ville, en l’an 42, à l’âge de soixante-dix-neuf ans, et mourut en fonctions, à l’âge de quatre-vingt-treize ans, en l’an 56 (C. I. L. III, 2971). Ti. Plautius Silvanus, questeur sous Tibère, reçut sous Vespasien, la préfecture de la ville et, durant celle-ci, son deuxième consulat en l’an 74 (C. I. L. XIV, 3608). Q. Glitius Agricola, questeur sous Vespasien, reçut sous Trajan, en L’an 103, le deuxième consulat et, peu après, la préfecture de la ville (C. I. L. V, p. 785). Aufidius Victorinus, le beau-fils de l’orateur Fronton, arriva, en l’an 183, au deuxième consulat et à la préfecture de la ville, (Dion, 12, 11) et mourut en l’an 184. L. Marius Maximus, qui commença sa carrière sous Commode fut préfet de la ville en l’an 214 et cos. II en l’an 223 (Borghesi, Opp. 5, 455 et ss.).

[128] Dion, 52, 21. 24. Vita Pii, 8. Des préfets de la ville restés en fonctions pendant beaucoup d’années sont, par exemple, Flavius Sabinus, qui fut préfet pendant douze années, à la vérité sans qu’elles fussent continues (Tacite, Hist. 3, 75), et Pertinax (Hérodien, 2, 2, 7). — Commode changea aussi les préfets de la ville selon le caprice de sa fantaisie (Vita, 14). — C’est pour cela que Dion, 19, 4, signale comme quelque chose d’inouï l’occupation de la préfecture de la ville à trois reprises différentes (la seconde sous Elagabal en 222) par Comazo (révoqué en doute à tort par Hirschfeld, Untersuch. p. 233).

[129] C’est à tort que j’ai révoqué en doute cet emplacement déterminé principalement à l’aide des actes des martyrs par Jordan (Forma urbis, p. 9 ; Top. 2, 488), à l’opinion duquel a adhéré Rossi, Plante iconografiche di Roma, p. 54). Il a depuis été confirmé par l’inscription d’un préfet de la ville qui a construit un [tetraste]gum (?) scriniis Tellurensis [secre]tarii tribunalib(us) adherentem... restituto urbanæ sedis honore (Bullettino della comm. comunale, 1882, p. 161).

[130] Statut de Salpensa, c. 26 : Isque diem præfectus erit quotiensque municipitem egressus erit, ne plus quam singulis diebus abesto.

[131] On ne peut prouver au sens rigoureux que cette règle se soit appliquée au præf. urbi du principat ; mais c’est vraisemblable à raison du langage d’Ulpien, Digeste, 1, 12, 3 : Præfectus urbi cum terminos urbis exierit, potestatem non habet ; extra urbem potest jubere judicare.

[132] Sénèque, Ép. 83, 14, sur L. Pison : Officium suum, quo tutela urbis continebatur, diligentissime administravit. Par suite il porte comme second titre celui de custos urbis.

[133] Les fonctions du præfectus urbi se rencontrent en des points multiples avec celles des édiles et des tres viri capitales de la République ; mais ces derniers ne possédaient pas la juridiction et les autres l’exerçaient dans les formes ordinaires.

[134] C’est probablement en vertu de la même conception opposante de la nouvelle magistrature que Tacite ouvre la liste des préfets de la ville du principat par Mécène.

[135] C’est pourquoi Messalla Corvinus, qui était un des généraux les plus considérables d’Auguste, mais non pas, comme Agrippa, un partisan aveugle de la monarchie, refusa cette magistrature comme trop lourde pour lui et inconstitutionnelle ; et l’on célèbre Pison d’avoir rendu supportable, par l’exercice intelligent qu’il en fit, une magistrature d’autant plus lourde pour un peuple qui n’était pas encore habitué à obéir (Tacite, Ann. 6, 10, 11).

[136] Ulpien, Digeste, 1, 12, 1, 12. Il est souvent question de cela dans la période récente de l’Empire (Godefroy, Not. dign. cod. Theod. p. 11).

[137] Ulpien, loc. cit. § 11. La surveillance militaire du forum suarium est encore, dans la période postérieure à Dioclétien, une des fonctions principales du préfet de la ville ; on peut, d’ailleurs, faire pour cette époque un tableau très détaillé de l’action pénétrant partout de cette direction impériale de la police de la capitale. Sans aucun doute, beaucoup de ce qu’on y trouve appartient déjà à la première période du principat ; mais cependant le mélange des deux époques est, à un haut degré, sujet à objection. Nous avons ici évité intentionnellement le plus possible d’employer les sources postérieures à Dioclétien.

[138] Les nombreux poids portant le nom du préfet de la ville Q. Junius Rusticus appartiennent probablement au consul de l’an 162 (Borghesi, Opp. 5, 57). Une mesure de capacité portant l’inscription Orelli, 4347 : Mensuræ ad exemplum earum, quæ in Capitolio sunt auctore sanctissimo Aug. n. nobilissimo Cæs. per regiones (sans doute de la ville) missæ cur[ante] D. Simonio Ailiano prœf. u[rb.] c. v. se place avant l’an 234 (cf. C. I. L. VI, 1520). Orelli, 4345. Ammien Marc. 27, 9, 10.

[139] Ulpien, loc. cit., c. 9. Dosithée, Sent. Hadr., où le vir clarissimus du texte latin, duquel seul il faut tenir compte, montre qu’il s’agit du præfectus urbi.

[140] [L’inscription de Scaptoparène, Bruns, Fontes juris, éd. 6, p. 248, reproduisant le rescrit de Gordien de l’an 238, donne aussi à penser que c’était lui qui était chargé de la publication des rescrits affichés sous un portique du temple de Trajan, voisin du temple de la Tellus où était son siège et, par conséquent, aussi de leur enregistrement dans le liber libellorum rescriptorum a domino nostro propositorum Romæ. Cf. Th. Mommsen, Zeitschrift der Savigny-Stiftüng, 12, 1892, p. 257, n. 1.]

[141] Tacite, Ann., 6, 11. Stace, Silves, 1, 4, 10, représente les lois criminelles effrayées par les orages des Forums (municipaux ?) se réfugiant au port sûr de la préfecture de la ville.

[142] Tacite, Ann., 6, 11. Stace, Silves, 1, 4, 43. Chez Josèphe, Ant., 18, 6, 5, un esclave fugitif est conduit devant le préfet de la ville et interrogé par lui.

[143] Ulpien, Digeste, 1, 12, 1, 1. 8. Cette protection légale des esclaves ne s’est établie que dans le cours de l’époque impériale ; ainsi, par exemple, ce fut seulement Sévère qui décida de protéger la femme esclave contre la prostitution (loc. cit.).

[144] Ulpien, loc. cit., § 7.

[145] Ulpien, loc. cit., § 14.

[146] Tacite, Hist. 2, 63. Il y avait aussi des sénateurs de compromis dans la falsification de testament sur laquelle roule l’affaire du temps de Néron expliquée note 144, et il semble, d’après cela, qu’ils auraient pu être soumis à l’instruction du préfet de la ville.

[147] Tacite, Ann. 14, 41. En l’an 61, une personne est punie au sénat parce qu’elle s’était présentée comme accusatrice devant le préteur compétent dans un procès de faux testament, afin de soustraire d’abord le procès au préfet de la’ ville en entamant l’affaire et de soustraire ensuite raccusé à la peine qu’il méritait par collusion avec lui.

[148] C’est pourquoi Stace, Silves, 1, 4, 47, célèbre le préfet de la ville du temps de Domitien Rutilius Gallicus de reddere jura foro nec proturbare curules.

[149] Mécène conseille chez Dion, 52, 20. 21, d’admettre les tribunaux de questions des préteurs, avec leurs jurys composés de sénateurs et de chevaliers, pour les affaires criminelles autres que le meurtre et de réserver les affaires capitales au préfet de la ville. Dion paraît avoir exposé là ce qui existait de son temps.

[150] Si j’ai exactement rapporté aux frumentations, sur C. I. L. VI, 3001, l’inscription d’un habitant de Rome, qui com(meatum) perc(epit) sub Lollio Urbico pr(æfecto) u(rbi), les frumentations étaient déjà, sous Antonin le Pieux, sous la surveillance du préfet de la ville (cf. Borghesi, Opp. 5, 419).

[151] Ulpien, loc. cit. pr. : Omnia omnino crimina præfectura urbis sibi vindicavit.

[152] Digeste, 1, 12, 1, 3. 12, 13, 4. 48, 19, 2, 1. l. 2, 1. tit. 22, 6, 1.

[153] Ulpien, Digeste, 1, 12, 1, 6. Paul, Digeste, 1, 12, 2.

[154] Il ressort même du silence de Pomponius, Digeste, 1, 2, 2, 23, qu’au temps d’Hadrien la juridiction était bien exercée par le præfectus annonæ et le præfectus vigilum, mais non par le præfectus urbi.

[155] Ulpien, Digeste, 1, 12, 3. 49, 3, 1, pr. Ce judex n’est pas un juré ; il procède par représentation à la cognitio du magistrat.

[156] Ulpien, Digeste, 49, 3, 1, pr.

[157] Dans l’inscription C. I. L. VI, 1009, dédiée au César Marc-Aurèle par toute la garde de la capitale, on trouve cités les præfecti prætorio, les tribuns des cohortes prétoriennes et urbaines, les centurions de celles-ci et des statores ; les evocati et les soldats des premières cohortes et des centuries de statores, mais non le préfet de la ville.

[158] A l’exception des soldats a quæstionibus du préfet de la ville, cités note 161, je n’en trouve pas un dans les cohortes urbaines qui se désigné comme adjoint au préfet de la ville ou nommé par lui. Le soldat de l’inscription de Bénévent C. I. L. IX, 1617 (vue par moi) s’appelle benefi(ciarius) Valeri Astatici præt. urb. ; et l’inscription urbaine C. I. L. VI, 2680, d’un b(eneficiarius) pr. urb. ne peut être entendue que du préteur urbain, pr. en écriture correcte signifiant prætor et non præfectus. Quoi qu’il en puisse être de ces auxiliaires militaires assurément singuliers près du préteur urbain, celui qui connaît le rôle joué dans les inscriptions militaires par les soldats attachés aux véritables officiers et même aux procurateurs, ne considérera pas comme fortuite leur absence presque complète près du préfet de la ville.

[159] Formule de nomination du préfet de la ville chez Cassiodore, Var., 6, 4 : Habitu te togatæ dignitatis ornamus, ut indutus veste Romulea jura debeas affectare Romana. Rutilius Namatianus, 1, 468, rapporte à la préfecture les jura togæ. Stace, 1, 4, 48 : Ferro mulcere togæ fait aussi allusion au togatus commandant les militaires.

[160] Suétone, Auguste, 49. Cf. Dion, 55, 24. L’institution coïncide avec la fondation du principat en 727 ; la custodia urbis doit avoir trouvé spécialement son expression dans le fait que, lorsque l’empereur quittait Rome, il n’y avait que neuf des douze cohortes de la garnison à le suivre. Les neuf cohortes prætoriæ n’ayant reçu leurs præfecti qu’en 752, il n’est pas surprenant que les trois cohortes urbanæ n’aient reçu un chef propre que sous Tibère. Dans l’intervalle, elles auront été elles-mêmes soumises aux præfecti prætorio. Au reste, on comparera, sur le nombre et la composition de ces troupes, Marquardt, Handb. 5, 481 = tr. fr. 11, 206 et mes études citées là. Il y en a d’abord eu trois (X. XI. XII) ; plus tard, il y a eu à Rome le plus souvent quatre cohortes, plus une à Lugdunum et une autre à Carthage (Eph. ep. V, p. 118). Au début, chaque cohorte comptait mille hommes, plus tard elle en compta quinze cents ; elles n’avaient pas de cavalerie et étaient hiérarchiquement au-dessous de celles des prétoriens, mais au-dessus des statores et des vigiles. Hadrien (Dosithée, 2) accepte actuellement pour le service de la ville une recrue qui demandait à servir dans la garde, et lui promet de l’admettre dans la garde au bout de deux ans de service, si elle se conduit bien.

[161] Tacite, Hist. 3, 64. Stace, Silves, 1, 4, 9. C’est principalement à lui que pense Dion, 52, 24, quand il conseille de soumettre aux præfecti prætorio toutes les troupes italiques, sauf celles qui ont des commandants sénatoriaux. Même après la dissolution des prétoriens par Dioclétien et Constantin, le tribunus cohortium X, XI et XII et fori suarii fait partie des subordonnés du préfet de la ville. Dans l’inscription de Bénévent citée, note 157, figure un soldat urbain du temps d’Hadrien a quæstionib(us) factus per Annium Verum præf. urbis ; pareillement sur l’inscription urbaine, C. I. L. VI, 2880, un mil. coh. X urb, (centuria) Testi a q(uæstionibus) præf. urbis ; sur une inscription africaine (C. I. L. VIII, 4874) un miles cohort. X urbanæ optio ab actis urbi, sur une inscription de la capitale (C. I. L. VI, 8402) un comm(entariensis) præf. urbis. — Nous savons peu de chose de leur emploi ; un poste de garde se trouvait au Capitole (Dion, 63, 8).

[162] Non seulement la première cohorte des vigiles avait sa station dans la septième région près de la Piazza SS. Apostoli (Rossi, Ann. 1838, p. 267) ; mais c’est aussi là que se trouve le forum suarium avec les castra urbana situés selon toute apparence sur le forum suarium ; car il faut sans doute prendre textuellement l’expression castra urbana employée Digeste, 48, 5, 16 [15], 3. Le collegium castrense formé par les gens au service de L. Volusius Saturninus, préfet de la ville pendant de longues années (C. I. L. VI. p. 1044), peut avoir tiré son nom de ces castra. Ce sont sans doute les castra construits ou plutôt reconstruits par Aurélien auprès du temple du Soleil (Becker, Top. p. 597 ; Preller, Reg. p. 140). Le forum suarium était donc probablement, à côté du camp des prétoriens, espèce de forteresse isolée, le centre militaire de la Rome impériale.

[163] Ammien, 19, 10, 4. Æthicus, éd. Gronov, p. 716.

[164] Catius Sabinus (consul II en 216) célébra cette fête selon l’épigramme (C. I. L. XIV, 1) urbanis fascibus auctus. Puisqu’il a été certainement préteur urbain (C. I. L. VI, 313) et que l’on ne peut établir que la préfecture de la ville soit ailleurs désignée par les mots fasces urbani, il faut sans doute s’en tenir à l’interprétation la plus naturelle.

[165] La mention la plus ancienne de ce nouveau tribunal civil supérieur se trouve dans deux constitutions de Constantin de 315 (Vat. fr. 273. 274) ; elle est ensuite dans des constitutions de 365 (C. Th. 2, 1, 4) et depuis fréquemment. C’est par une confusion qu’on admet communément que ce soit un tribunal spécial pour les sénateurs. C’est, au contraire, le tribunal civil ordinaire de la ville de Rome (Cod. Th. 1, 16, 11. tit. 10, 4), et, s’il y est fait fréquemment allusion pour les sénateurs, c’est uniquement parce que ceux-ci avaient leur domicile légal à Rome. Le tribunal concurrent du vicarius præfectorum prætorio n’était pas moins compétent pour les actions civiles contre les sénateurs (Cod. Just. 3, 24, 2). Cf. Bethmann Hollweg, Civilprozess, 3, 62. 66.

[166] Le præfectus prætorio pour l’Italie réside lui-même non pas à Rome, mais principalement à Milan ; le plus haut magistrat de l’empire qui se trouve à cette époque à Rome est le vicarius in urbe ou urbis. Hollweg, Civilprozess, 3, p. 63.

[167] Cf. nos explications sur les actes du schisme de l’an 530, Neues Archiv, 10, 582 et ss. [Cf. aussi Neues Archiv. 14, 1889, p. 491].

[168] Cf. le circus privatus (2 janvier) et les ludi Palatini (17-22 janvier) des calendriers et ce qui est remarqué à ce sujet C. I. L. I, p. 382. 384 = ed. 2, p. 303. 308.

[169] C’est à cela que se rapporte l’affranchi impérial a comment(ariis) rat(ionis) vestium scænic(arum) et gladiat(oriarum) (C. I. L. VI, 10089 ; vestis gladiatoria, C. I. L. VI, 3156). La destination précise d’autres institutions n’est pas claire ; en particulier, celle du summum choragium, que les régionnaires citent dans la troisième région et dont figurent sur les inscriptions des procuratores (C. I. L. III, 348. VI, 297), adjutores procuratoris (C. I. L. VI, 10083), tabularii (C. I. L. VI, 716. 10086) ; contrascriptores rationis (C. I. L. VI, 8950), medici (C. I. L. VI, 10085), tous affranchis ou esclaves impériaux. Le choragium, ce sont les décors et les machines du théâtre (Hirschfeld, Untersuch. p. 182) ; mais je ne sais dans quel sens il est appelé summum, ce mot ne pouvant être traduit par impérial, comme le propose, Hirschfeld. Le logista thymelæ, Henzen, 5530, n’est rien moins que Temesitheus, le beau-père futur de l’empereur Gordien.

[170] Ce ludus était le principal, montrent son emplacement attesté par les régionnaires, le nombre de ses inscriptions et l’avancement d’un procurator ludi matutini au poste de procurator ludi magni (C. I. L. XIV, 2922). On y trouve cités le procurator (C. I. L. VI, 1645. 1647. VIII, 8328. XIV, 2922. Henzen, 6947) et le subprocurator (C. I. L. II, 1085), tous deux de rang équestre ; le præpositus armamentario (C. I. L. VI, 10164), un affranchi impérial ; le dispensator (C. I. L. VI, 10166), un esclave impérial ; le cursor (C. I. L. VI, 10165), également de condition servile, et une série de gladiateurs appartenant à la familia gladiatoria Cæsaris (C. I. L. VI, 7659. 10167-10170). Hirschfeld, Untersuch. p. 179.

[171] Sont cités le procurator (C. I. L. VIII, 7039. XIV, 160. 2922), de rang équestre ; le commentariensis (C. I. L. VI, 352) et le medicus (C. I. L. VI, 10171. 10172), tous deux affranchis impériaux. Hirschfeld, p. 180. Le ludus magnus ne pouvant avoir été fondé qu’avec l’amphithéâtre Flavien et après lui, le ludus matutinus était sans doute, avant Vespasien, l’unique école impériale de gladiateurs à Rome et le procurator ludi de Tacite, Ann. 11, 35, peut s’y rapporter. — Les régionnaires connaissent quatre ludi et contiennent des indications confuses sur un ludus Dacicus et un ludus Gallicus (Jordan, Topogr. 2, 24) ; on ne peut établir, au moyen d’inscriptions authentiques, leur existence dans la capitale et ils ne peuvent pals avoir eu une grande importance. — Pour les decennalia de l’empereur Gallienus, 1.200 gladiateurs défilent dans la pompa (Vita Gallieni, 8).

[172] Proc(urator) Aug(usti) ad famil(iam) glad(iatoriam) transpa(dum) C. I. L. V, 8659. — [P]roc. famil. [glad. per] Ital. : C. I. L. VI, 1648. — Proc. fam. glad. per Gallias Bret. Hispanias German(ias) et Raetiam : C. I. L. III, 249, au-dessus du procurateur symétrique d’Asie Mineure. Tabularius ludi Gallic(i) et Hispan(ici), affranchi impérial : inscription de Barcelone, C. I. L. II, 4519. — Proc. fam. glad. per Asiam Bithyn. Galat. Cappadoc. Lyciam Pamphyl. Cilic. Cyprum Pontum Paflag. : C. I. L. III, 249. — Procur. ludi famil. glad. Cæs. Alexandreæ ad Ægyptum : C. I. L. X, 1685. L’inscription de Barcelone montre de la manière la plus claire que ces ludi se trouvaient en réalité dans la province corrélative. Cf. Hirschfeld, p. 181.

[173] Gaius, 3, 146. Il n’y a évidemment pas eu d’écoles de gladiateurs municipales ; en dehors des écoles impériales, on ne rencontre que des écoles appartenant à de riches particuliers, caractérisées surtout par les sépulcres collectifs (souvent mal compris) de Venusia C. I. L. IX, 465.466 et surtout d’Asie, C. I. Gr. 2194 L. 2511. 2579 L. 3213. 3677. 3942, et probablement autorisées par des concessions spéciales. Ce n’est sans doute pas par un pur hasard, que ces sépulcres collectifs se rencontrent principalement dans la riche et obéissante Asie-Mineure ; c’est aussi là qu’a écrit Gaius. Cf. Hermes, 21, 274.

[174] Sous Auguste (Suétone, Auguste, 42 ; Dion, 55, 26) et même encore sous Caligula (Dion, 59, 14), ces restrictions n’existaient pas ; elles doivent avoir été liées avec la construction de l’amphithéâtre Flavien et le développement de la grande école de gladiateurs impériale qui en dépendait.

[175] Josèphe, Ant. 19, 4, 3. Tacite, Hist. 3, 11. 35. 3, 57. 76. Vita Marci, 21 (rapproché de 23) ; Juliani, 8.

[176] Zozime, 1, 71, en rapporte un léger sous Probus.

[177] On peut invoquer dans ce sens, le silence d’Auguste, lui-même dans le monument à Ancyre, le silence de la loi d’investiture de Vespasien (note 179), la non citation par Aulu-Gelle, 13, 14, d’une extension d’Auguste parmi les extensions du Pomerium et l’indication par Sénèque, De brev. vitæ, 13, 8, de celle de Sulla comme la dernière (avant Claude). Ces raisons ont plus de poids que les témoignages contraires de Tacite, Ann. 12, 23, de Dion, 55, 6 et du biographe d’Aurélien, c. 24. Nous avons montré, note 10, que la délimitation de la ville provoquée par la division en régions d’Auguste a été confondue avec un recul du Pomerium.

[178] Il existe encore des pierres terminales (C. I. L. VI, 1231) d’après lesquelles, en l’an 49, auctis populi Romani finibus pomerium ampliafit termina Filque. Tacite, Ann. 12, 23, le rapporte sous la même date. Aulu-Gelle, 13, 14, 7, dit qu’il enferma l’Aventin dans le Pomerium. Les aucti fines ne peuvent se rapporter qu’à la conquête de la Bretagne ; le passage de Sénèque, note 177, écrit peu auparavant, semble attaquer la mesure projetée par Claude, en vertu de la question de droit discutée dans le Ier chapitre du tome VI.

[179] Loi d’investiture de Vespasien, ligne 14 : Utique ei fines pomerii proferre promovere cum ex re publica censebit esse, liceat, ita uti licuit Ti. Claudio Cæsari Aug. Germanico. Auguste et Tibère n’avaient donc pas eu ce droit.

[180] Loc. cit. : Cura ex re publica censebit esse. Il serait naturel de penser que ce droit était lié à la censure, comme celui de nommer des patriciens, d’autant plus que Vespasien et Titus ont accompli la prolation en qualité de censeur. Mais les mots qui viennent d’être cités de la loi de Vespasien et le fait que Claude n’était plus censeur en 49 sont en sens contraire.

[181] Toutes les prolations postérieures, qui sont connues d’une manière précise, se fondent sur les fines aucti.

[182] Néron, selon la Vita Aureliani, 21 : Addidit Nero, sub quo Pontus Polemoniacus et Alpes Cottiæ Romano nomini sunt tributæ. — Vespasien et Titus, étant censeurs, en 74, auctis finibus d’après leur pierre terminale de l’an 74, C. I. L. VI, 1232 ; cf. Pline, H. n. 3, 5, 66. — Trajan et Aurélien (non pas pendant la construction de la nouvelle muraille, mais après) selon la Vita Aurel., loc. cit. — Les pierres terminales d’Hadrien ou plutôt des augures délégués par lui de l’an 121 (C. I. L. VI, 1233, mieux dans Hülsen, Hermes, 22, 620) parlent seulement de termination et non d’ampliation.