LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE DEUXIÈME. — LES MAGISTRATURES.

LE PRINCIPAT.

 

 

LES BIENS DE L’ÉTAT ET LES CAISSES DE L’ÉTAT.

Parmi les magistrats ordinaires de la République, les censeurs et, avant l’institution des censeurs ou depuis, par représentation des censeurs, les consuls avaient seuls, relativement, aux propriétés foncières de l’État, l’autorité judiciaire, le droit de limitation qui en est inséparable et, dans de certaines bornes, le droit de vente. Au contraire, ils n’étaient pas autorisés à les aliéner à titre gratuit. L’aliénation à titre gratuit, dédication ou assignation, n’était permise qu’à des magistrats spéciaux élus à cette fin par le peuple.

Les attributions des censeurs subsistent en principe, selon  les institutions d’Auguste, à titre indépendant, à côté du principat ; et, en conséquence, la termination et le jugement relatifs aux propriétés contestées entre le peuple et un particulier, n’ont pas été liés dès l’origine au principat. Le relevé entrepris par Auguste des propriétés immobilières dû peuple à Rome[1] et dans tout l’empire[2] a joué un rôle important dans sa réorganisation de l’État ; mais ce relevé a été probablement une portion intégrante du premier cens accompli par lui en 726. En tout cas l’ancien pouvoir de juridiction et de bornage des censeurs et des consuls est resté en vigueur sous son règne[3], et, les curatores locorum publicorum judicandorum établis dans ce but spécial sous son successeur[4], étant nommés par un sénatus-consulte, doivent être considérés comme des magistrats ou des pseudo-magistrats extraordinaires et non comme des représentants du pouvoir impérial. La plus importante de toutes les terminations, celle du Pomerium, est même restée réservée aux censeurs, tant qu’il y en a eu. La termination des rives du Tibre a été, à la vérité, transportée au prince et à ses représentants en cette matière, les curatores riparum, lorsque la cura riparum, que nous étudierons au sujet de l’administration de la capitale, a été détachée, sous Tibère, des pouvoirs des censeurs et transférée au prince ; mais les curatores y ont d’abord eux-mêmes procédé en vertu d’un sénatus-consulte[5].

Assurément, cela n’empêche pas que les empereurs soient aussi intervenus dans des cas isolés, en vertu de la clause générale de la loi les autorisant à tous les actes avantageux pour l’utilité publique[6] ; et ils ne pouvaient guère procéder à l’assignation dont nous allons parler dans un instant sans exercer l’autorité judiciaire. Dans la période postérieure à Domitien, où les pouvoirs censoriens sont confondus avec le principat, le prince est directement appelé à statuer sur les terres publiques et à les délimiter.

Les contestations voisines de limites entre cités et les litiges relatifs à la possession du sol entre une commune et un particulier, en Italie[7] et dans les provinces[8], peuvent être tranchés par l’empereur ou sur son mandat.

Il se comprend de soi que le prince pouvait aussi déléguer la solution de pareils litiges avec ou sans réserve de l’appel. Mais on n’a pas connaissance de délégations générales en ces matières.

La règle républicaine qui restreignait le pouvoir des magistrats supérieurs de disposer des immeubles du peuple à l’autorité judiciaire et au droit de vendre, tandis que leur aliénation à titre gratuit était réservée à des magistrats spéciaux à compétence limitée, est une règle étrangère au principat. C’est un des empiétements les plus essentiels du principat sur les attributions des pouvoirs constituants qu’il ait reçu sinon le droit de dédication[9], au moins le droit d’assignation qui seul a une importance politique, avec l’étendue avec laquelle les rois sont représentés comme l’ayant exercé et les magistrats constituants l’avaient ensuite exercé. Il n’a, à notre connaissance, été fait application, sous le principat, des formes républicaines de l’assignation qu’une seule fois : l’empereur Nerva a fait faire une distribution de terres en vertu d’une loi[10] et sinon par des magistrats, dû moins par des commissaires qui étaient de pseudo-magistrats[11]. C’est là une confirmation pratique de la libertas restituta qu’il avait officiellement proclamée. En général, on a observé, pour les partages de terres et les fondations de colonies impériales, les formes qui avaient été rappelées à l’existence par la dictature de Sulla ; il n’y a que le droit d’expropriation des propriétés privées que les triumvirs tout au moins paraissent s’être arrogé et auquel, autant que nous voyons, le principat n’a pas prétendu : il s’est contenté de soumettre au partage les immeubles soumis à la possession de l’État. Le concours du peuple et du sénat est exclu[12] et on évite également de faire réaliser l’opération par des hommes de rang sénatorial[13] ou même simplement par des personnalités notables[14] ; l’assignation et la colonisation apparaissent constamment comme des actes immédiats de l’empereur. Cette exception au principe général de la constitution d’Auguste a été sans doute justifiée par le rapport étroit qu’il y a entre les concessions de terres et les choses militaires ; le prince, seul général à vie du peuple, ne pouvait laisser échapper de ses mains le droit de récompenser les vétérans, ni souffrir là aucune intervention étrangère ; or, les attributions de terres figuraient en première ligne parmi les récompenses des vétérans. C’est aussi pour cela que les assignations ont été, encore plus que sous la République, faites principalement en faveur de soldats congédiés.

Les modalités du partage sont déterminées naturellement par le prince. L’État est propriétaire de tout le sol provincial en dehors des fonds de terre qui ont déjà fait l’objet d’assignations ou qui ont été transformés autrement en ager privatus de droit romain. Les possesseurs actuels n’ont droit à aucune indemnité et n’en reçoivent qu’à titre de faveur[15]. Le point de savoir si les gratifiés reçoivent la propriété quiritaire et l’exemption de l’impôt foncier qui en résulte, ou seulement cette possession héréditaire que le droit de l’Empire reconnaît en qualité de pseudo-propriété à côté de la propriété supérieure de l’État, dépend de la décision : du fondateur ; on n’a ordinairement conféré que la seconde. On ne rencontre qu’au IIIe siècle des assignations qui, comme celles des Gracques, réservent le retour du fond à l’État dans certains cas[16]. Enfin, comme dans les ; temps récents, on continue à voir l’autorité recourir, selon les circonstances, à deux procédés distincts ou bien faire des assignations isolées dans des cités déjà existantes, ou bien organiser de nouvelles cités en forme de colonies[17]. Les deux choses sont arrivées avec une égale fréquence.

Sur les biens mobiliers du peuple, il n’y a pas d’autres remarques à faire que celles relatives aux caisses publiques, qui trouveront mieux leur place à propos de ces dernières.

Nous passons donc à l’administration financière qui est le résultat des attributions assumées par l’empereur et qui peut en ce sens être appelée l’administration impériale ordinaire des finances.

Selon le système de la République, le magistrat ou le préposé du peuple qui a à faire une dépense pour le peuple, reçoit, avant de la faire, la somme corrélative en argent comptant de l’Ærarium ou est couvert d’avance par un autre moyen. La caisse du gouverneur en particulier n’est distincte qu’en fait de l’ærarium populi Romani ; l’argent qui s’y trouve est la propriété du peuple, l’administration en appartient à un questeur du peuple et ce qui n’est pas dépensé dans l’intérêt du peuple rentre, après reddition de comptes, dans la caisse centrale. Mais le principat a, sans aucun doute dès le principe, rompu avec ce système consistant à subvenir aux charges publiques au moyen des ressources publiques : il lui a substitué le système opposé, selon lequel le prince pare aux charges publiques assumées par lui au moyen de sa fortune privée. La caisse impériale, le fiscus Cæsaris, ou, selon le langage devenu plus tard usuel, le fiscus tout court[18], est la propriété privée du prince[19], il est possédé et transmis à cause de mort comme les biens privés impériaux qui ne tirent pas leur origine des ressources publiques et avec eux[20]. Le prince doit assurément employer dans l’utilité publique les sommes qu’il reçoit de l’État, tout comme les édiles doivent faire de leurs frais de jeux et le triomphateur de l’argent des manubiæ. Mais tous ces fonds sont la propriété de ceux qui les reçoivent et il n’y a pas par rapport à eux de reddition de compte[21]. En particulier, l’exclusion des questeurs impériaux de l’administration de la caisse impériale prouve que la reddition de compte proconsulaire a été écartée là immédiatement et en principe[22]. Par une conséquence logique, que nous avons déjà signalée à propos du régime de la maison de l’empereur, les employés de caisse proprement dits, pour lesquels se présente le besoin d’un contrôle plus rigoureux, sont, jusqu’aux postes les plus élevés, exclusivement pris parmi les esclaves et les affranchis de l’empereur, et les fonctionnaires chargés du contrôle des impôts et de leur perception sont tous pris dans l’ordre équestre, sans aucun concours de personnes ayant les droits sénatoriaux ou des droits de magistrat. L’administration du trésor impérial est, d’une façon prépondérante, une administration personnelle du prince et c’est pour cela qu’elle n’a pas, à la bonne époque, de directeur général[23].

L’exposition du caractère et du fonctionnement du fisc impérial est un problème difficile, problème d’autant plus difficile que, d’après ce que nous venons de dire, les affaires publiques et les affaires purement privées s’y trouvent en droit sur la même ligne, tout en ayant nécessairement dû en fait être séparées de tout temps[24] ; ce problème ne peut trouver ici sa solution[25]. Mais il est indispensable d’indiquer, au moins à grands traits, dans quelle mesure le prince s’est chargé des dépenses de l’État, d’une part, et les recettes de l’État qui lui ont été affectées, de l’autre.

La détermination des dépenses de l’État que le prince a assumées à la création du principat est fournie par le caractère de ce dernier. Il a pour base le commandement en chef exclusif de toutes les troupes ; le paiement de la solde et de toutes les dépenses militaires est impliqué nécessairement par là. Les charges publiques supportées par le prince ont même nécessairement été bornées, dans les premières années qui ont suivi la réorganisation de l’État, aux forces de terre et de mer de l’empire et aux autres dépenses nécessitées par l’administration des provinces impériales. Mais lorsque, bientôt après, de nouveaux cercles importants et coûteux de l’administration de Rome et de l’Italie vinrent se juxtaposer au proconsulat impérial, d’abord, en 732, l’administration de l’annone, puis celle des voies italiques, des aqueducs de la capitale, de la régularisation du cours du Tibre et beaucoup d’autres, les dépenses requises par ces services vinrent s’ajouter à la liste de celles supportées par le prince. Il n’est pas nécessaire d’insister ici avec plus de détails sur le budget des dépenses impériales[26] ; car il en est traité à propos des diverses branches de l’administration.

En outre, le fisc supporte les dépenses personnelles du prince dans toute leur étendue, y compris les frais de son administration domestique qui sont excessivement augmentés par son rôle politique, en particulier les frais de l’administration de ses finances et les frais très considérables des libéralités impériales, qui ne peuvent en droit être considérés que comme des dépenses personnelles du prince.

Les recettes qui vont à la caisse impériale échappent à une étude juridique dans la mesure où elles proviennent de la fortune privée du prince. Mais le trésor impérial a, en outre, les sources de revenus suivantes, qui présentent, en réalité, un caractère public.

1. Toutes les redevances des provinces placées sous l’administration directe de l’empereur reviennent au prince en vertu de la propriété du sol de ces provinces qui lui a été conférée avec leur gouvernement et sur laquelle nous aurons à revenir dans le chapitre des Provinces impériales. Ce domaine de l’administration impériale directe a été, au début, limité dans le temps et dans l’espace : à dix ans pour le temps et aux provinces d’Espagne, citérieure ; de Gaule et de Syrie, pour l’espace. Mais il s’est ensuite perpétué d’une part et, d’autre part, étendu territorialement de manière à faire entrer sous l’administration impériale une bonne part du territoire sénatorial primitif, en particulier l’Illyricum, et tous les nouveaux pays adjoints à l’empire.

2. Dans les royaumes et les principautés qui, sans avoir été absolument transformés en provinces de l’État romain, lui avaient été unis à titre stable, avant tout en Égypte, ce n’est pas le peuple romain qui paraît en matière financière[27], c’est le prince remplaçant l’ancien souverain du pays, et ce qui était payé antérieurement à ce dernier, soit à titre d’impôt ou de droit de douane, soit à titre de loyer du sol domanial[28], était versé au fisc. Il recevait probablement aussi les redevances des royaumes devenus tributaires.

3. Il est probable que le prince, en considération des dépenses auxquelles il avait à faire face, recevait aussi des redevances des provinces sénatoriales. Si, dans ces provinces, les redevances dues à Rome étaient, comme nous l’avons vu, payées par les cités au proconsul, et s’il n’y avait pas en ce sens d’impôt romain direct, on y a nécessairement payé, à côté de cela ; des redevances impériales distinctes ; car une direction impériale générale des impôts a été établie dans chaque province, qu’elle fût impériale ou sénatoriale, et il est expressément attesté pour la province d’Asie que des redevances en allaient à la fois à l’Ærarium et au fisc[29]. Si le gouverneur de la République se voyait allouer par l’Ærarium une certaine somme pour la solde et les autres dépenses, cette façon de procéder était aussi inapplicable au prince que nécessaire à remplacer pour lui par quelque chose d’équivalent. Nous ne savons, du reste, dans quel rapport les deux catégories de redevances étaient mises dans ces provinces. — Il est aussi très vraisemblable, malgré le défaut de preuves positives, qu’une partie des recettes perçues par voie de mise à ferme allait également au fisc.

Selon toute apparence, l’Ærarium a été, dans la suite du développement, de plus en plus mis à contribution pour soulager le fisc. Les dépenses très considérables dont le prince se chargea, non pas dès la création du principat, mais dès ses premières étapes, pour l’approvisionnement de Rome, l’entretien des routes d’Italie, la régularisation du cours du Tibre, les aqueducs et les temples et les monuments publics de la capitale, pesaient, selon le système traditionnel, sur l’Ærarium. Lorsque Auguste s’en chargea, sans que de nouveaux impôts fussent établis pour cela, il faut ; soit que les recettes qui y étaient affectées aient été désormais versées au prince ou à ses mandataires, — c’est, par exemple, sans doute pour ce motif que les blés d’Afrique figurent parmi les recettes du fisc[30], — soit, ce qui revient au même, que les contrats par lesquels l’administration impériale contractait des dettes de ce chef aient été considérés comme obligatoires pour l’Ærarium[31]. Nous montrerons, à propos des diverses branches d’administration, qu’il a continué à y être associé financièrement après leur transfert à l’empereur. Une fraction toujours croissante des revenus des provinces sénatoriales doit donc être allée directement ou indirectement au fisc.

La portée grosse de conséquences de ce système tombe sous le sens. Le problème extrêmement difficile dans toute monarchie, qui consiste à mettre la situation de droit privé du monarque en harmonie avec sa situation de droit public, a été résolu d’une manière vraiment romaine : en matière de droit du patrimoine, la séparation faite entre le prince comme particulier et l’État a été, précisément par suite de sa logique rigoureuse, transformée pratiquement en son terme contraire, et les biens privés du monarque ont passé, d’abord en fait[32] et finalement en droit, à celui qui lui succédait au pouvoir. L’application du droit privé du patrimoine à une propriété privée de cette espèce était impraticable : comment séparer la succession à ces biens de celle au gouvernement de l’empire ? Nous verrons, dans le chapitre consacré à la transmission du pouvoir, que, d’un côté, l’héritier institué dans le testament du prince paraissait, jusqu’à un certain point, être appelé par là au trône et que, d’un autre côté, le refus du trône à un héritier institué dans le testament du prince entraînerait aussi d’ordinaire l’inexécution du testament. Par une application logique de cette identification entre la personne du prince et le principat dans le cercle du droit du patrimoine, la règle s’est établie, au moins dès l’époque d’Antonin le Pieux, que la disposition de dernière volonté faite en faveur du prince, même lorsqu’il y est désigné par son nom, n’est pas annulée par sa mort avant le testateur, mais passe à son successeur[33]. La même chose se révèle en procédure. Nous avons expliqué antérieurement la différence de principe qui sépare les litiges entre le peuple et un particulier de ceux entre deux particuliers. D’après la condition assignée au fisc, tous les procès dans lesquels il est demandeur ou défendeur rentrent dans la seconde catégorie et le prince s’est d’abord soumis à cette conséquence ; il est même très vraisemblable que l’institution nouvelle a été justifiée par là, sinon devant la conscience de son créateur, au moins devant le publie. Mais on a bientôt vu que la séparation précitée se fondait sur une nécessité intime, qu’un patrimoine, qui, en réalité, appartenait à l’État, ne pouvait pas être d’une manière durable soumis aux règles et aux formes du droit privé ; et la procédure fiscale récente présente la détestable union de la dureté égoïste de l’ancien droit du patrimoine privé et de l’absolutisme théorique de l’ancien droit du patrimoine public. A ce point de vue, l’identification sur le terrain patrimonial de l’État et du prince, en opposition si décidée qu’elle soit avec la constitution d’Auguste, a été introduite par Auguste lui-même ; et l’influence qu’a eue l’Égypte sur la conformation du nouveau régime ne doit pas être considérée comme ayant été moins importante sous ce rapport, pour ainsi dire théorique, qu’elle ne le fut, verrons-nous plus loin, sous le rapport pratique. Les deux formules possibles pour cette identification qui domine de plus en plus le principat, celle qui consisterait à regarder tous les biens de l’État comme la propriété privée du prince et celle qui regarderait le prince comme incapable d’avoir une propriété privée aboutissent pratiquement au même. La seconde[34] concorde mieux avec la façon dont sont traités l’hérédité laissée par l’empereur et les legs qui lui sont adressés ; la première a trouvé sa conclusion théorique et pratique dans l’État de Dioclétien et de Constantin, qui ne connaît plus la propriété publique et pour lequel elle se transforme en propriété du dominus.

Nous ne sommes pas en état de déterminer la proportion dans laquelle sont les recettes de l’État assignées au prince et les dépenses de l’État assumées par lui. D’après les témoignages généraux que nous possédons à ce sujet le prince a d’habitude plus donné financièrement à l’État qu’il n’a reçu de lui. Auguste a dit, dans son testament[35], qu’il avait dépensé dans l’intérêt public, sur les biens qui lui avaient été laissés par succession, plus de 4.000 millions de sesterces et que, par suite, il ne laissait à ses héritiers que la somme relativement modeste de 150 millions ; il n’y a aucun motif de révoquer en doute l’exactitude essentielle de ce fait unique dans l’histoire. En l’an 62 après J.-C., le gouvernement romain déclara que le fisc privé de l’empereur, à la vérité en partie par suite d’une administration déréglée, dépensait annuellement pour l’État 60 millions de sesterces de plus qu’il ne recevait de lui[36] ; cette allégation encore, qu’elle soit vraie ou fausse, montre la situation financière. Antonin le Pieux dépensa également, comme empereur, une grande partie de son énorme fortune privée[37]. Le prince ne retirait pas du tout, comme le monarque du système de Dioclétien et celui de l’État actuel, ses ressources pécuniaires de l’État ; le prince, maître de l’Égypte et de nombre d’autres royaumes et d’autres principautés, dépensait leurs revenus, qui lui appartenaient en la forme, au profit de l’État romain, et il faisait encore fréquemment, peut-être à la meilleure époque constamment, de forts versements supplémentaires sur ses propres ressources privées[38]. Il n’est même pas invraisemblable qu’Auguste, en même temps qu’il adonné à son État une armée absolument insuffisante, a laissé les recettes de l’État au-dessous de la hauteur requise par la situation et qu’il existait par suite un déficit constant[39], qui était forcément comblé, sous les bons gouvernements, parla libéralité du monarque et, sous les mauvais, soit par un faux système d’économie, soit par des confiscations et des extorsions[40]. Quoi qu’il en soit, la constitution d’Auguste mérite tous les reproches plutôt que celui de spéculation financière. Si le pouvoir du sénat a été édifié sur les bases de la respectabilité financière et de la gratuité des services rendus par les citoyens considérés au bien public, le principat n’est, sous ce rapport encore, que sa juste continuation ; il l’est même aussi en ce que, sous un régime comme sous l’autre, ce principe orgueilleux s’est plus tard transformé en son antithèse, et que le gouvernement des optimates postérieur à Sulla et le principat du me siècle ont également exploité l’État sans responsabilité dans un intérêt privé.

Si considérable qui aient donc été, dès la constitution primitive d’Auguste, les recettes et les dépenses du trésor privé de l’empereur, il n’était pas même, en droit, ce qu’était la caisse du gouverneur : c’était simplement une caisse privée. Nous avons maintenant à nous demander jusqu’à quel point l’empereur est intervenu dans l’administration du trésor de l’État.

Auguste n’a pas touché à l’administration du trésor central de l’empire, de l’ærarium populi Romani, ce saint des saints du gouvernement du sénat. Mais, lorsque la grande guerre de Pannonie et les formations de corps de troupes qu’elle provoqua rendirent nécessaire l’établissement d’impôts nouveaux et considérables, particulièrement de l’impôt sur les successions[41], il n’a pas dirigé le produit de ces nouveaux impôts, pas plus que celui de la taxe sur les ventes aux enchères introduite pendant les guerres civiles[42], sur le trésor central de l’empire déjà existant ; il a fondé pour eux, à côté du premier, un second trésor d’empire, l’ærarium militare. Les trois præfecti ærarii militaris, préposés à ce trésor en l’an 6 après J.-C.[43], doivent probablement être considérés comme représentant l’empereur dans l’administration de’ ce trésor, en sorte que c’est lui qui l’exerce au sens propre et que c’est à lui que sont rendus les comptes[44]. Il est certain qu’Auguste a dans cette administration écarté le principe de l’annalité et rendu les fonctions des préfets triennales ; tandis qu’il a conservé pour eux la collégialité, qu’il leur a donné les insignes des magistrats et même les licteurs et qu’il a réglé pour eux la capacité comme pour les magistrats, en n’admettant à ce poste que des prætorii[45] et qu’enfin, s’il ne confia pas leur nomination aux comices ou au sénat, il ne se l’arrogea pas à lui-même, mais les fit désigner par le sort. On voit à ces précautions l’acuité avec laquelle on sentait que l’empereur commençait par là à s’immiscer dans l’administration sénatoriale du trésor. Lorsque plus tard l’opposition se fut évanouie, le tirage au sort pour trois ans a été remplacé par une nomination faite par l’empereur pour le temps qu’il voulait[46] et les licteurs ont disparu ; la collégialité et le classement de cette pseudo-magistrature dans la série des magistratures ont subsisté. Les sommes versées à la caisse militaire devaient servir en première ligne à récompenser les vétérans sortant de l’armée[47] ; mais il est plus que vraisemblable qu’il n’y avait aucun- contrôle à ce point de vue et que les præfecti tenaient purement et simplement les fonds mis sous leur administration à la disposition de l’autorité militaire, c’est-à-dire du prince. Ce second trésor central de l’empire était donc en fait une succursale du fisc impérial.

Nous avons déjà décrit, dans le chapitre de la Questure, les variations qu’a subies sous le principat l’administration du trésor public proprement dit, de l’ærarium Saturni, comme on l’appelle d’ordinaire depuis la création de l’ærarium militare pour l’en distinguer. Auguste s’était d’abord contenté de le soumettre à deux préteurs au lieu de deux questeurs, ce qui ne touchait pas à son caractère. Claude, en en transférant l’administration en l’an 44 à deux chefs choisis par lui pour trois ans parmi les questeurs de l’année, supprima l’annalité et introduisit le système de la nomination impériale des directeurs. Le dernier pas fut fait par Néron en l’an 56, où il confia la haute direction du trésor à deux præfecti ærarii Saturni, nommés par l’empereur, qui cependant continuèrent à être pris dans le sénat et, comme les præfecti ærarii militaris, parmi les prætorii[48]. Nous ne savons jusqu’à quel point la situation occupée par les chefs de l’Ærarium en face du prince a été modifiée par là. Mais il est probable que, tant que 1’1Erarium a été dirigé par des préteurs et des questeurs, le sénat seul avait le droit de prescrire à ces derniers de faire des paiements et que, par, conséquent, le prince, lorsqu’il voulait mettre 1’1Erarium à contribution, était obligé d’obtenir du sénat un ordre de paiement. Les questeurs et les préteurs de l’Ærarium ne peuvent également, en tant qu’ils rendaient des comptes, les avoir rendus qu’à leurs successeurs et non pas à l’empereur. Au contraire, par la, création des præfecti ærarii Saturni, l’empereur a dû prendre l’administration du trésor et l’exercer par l’intermédiaire de ces représentants qui dépendaient directement de leur mandant et ne devaient de compte qu’à lui seul. Si cela est, l’empereur a eu pratiquement, depuis la création des præfecti, sur le trésor central de l’empire un pouvoir de disposition aussi absolu que sur son fiscus[49]. En droit, à la vérité, le préposé impérial resta obligé de consulter le sénat avant de faire sortir dès fonds du trésor[50] ; et, en conséquence, la distinction théorique de l’Ærarium et du fisc a encore continué à exister pendant une longue période, probablement jusqu’à Dioclétien[51].

Après le trésor, étudions les impôts et les taxes et essayons d’abord de répondre à la question de savoir jusqu’à quel point l’empereur a eu le droit d’établir des impôts.

Auguste peut ne pas avoir eu le droit d’établir sur le peuple romain de nouveaux impôts ; tout au moins, il a, dans le cas le plus important de ce genre, lors de l’établissement de l’impôt sur les successions en l’an 6 après J.-C., recouru pour le faire à l’autorité législative des acta Cæsaris[52]. Même à l’époque postérieure, non seulement il n’est pas question d’attributions formelles du principat sous ce rapport[53] ; mais il n’a pas été créé d’impôts nouveaux importants. Les impositions transformées et aggravées de la période récente sont l’œuvre de Dioclétien, duquel vient aussi la réorganisation et l’augmentation grandiose de l’armée jusqu’alors restée restreinte aux forces fixées par Auguste. — Le prince doit avoir agi en toute liberté quant aux impôts nouveaux portés sur les provinciaux, quoique nous n’ayons pas à ce sujet de témoignages précis[54].

Le prince a le droit d’appliquer à son gré les impôts existants, sans d’ailleurs que ce pouvoir comprenne celui d’élever les impôts au-dessus du maximum légal[55]. Auguste brisa la résistance à laquelle se heurtait l’impôt sur les successions, en faisant mine de revenir à l’ancien tribut de la République, qui n’avait jamais été abrogé législativement et qui avait même été perçu sous le triumvirat[56]. Il a donc nécessairement revendiqué le droit de renouveler cette imposition qui n’était pas constante, mais prescrite en chaque cas par les consuls et le sénat au taux qui leur convenait. Cependant cette menace ne s’est réalisée ni alors ni postérieurement et l’immunité de l’Italie de l’impôt foncier n’a disparu qu’avec le principat lui-même. — Les empereurs ont fréquemment prononcé des réductions d’impôts[57] et encore plus souvent fait remise des créances arriérées du fisc et des deux Ærariums[58]. Ces remises ont été l’origine du système établi par Hadrien en l’an 118, selon lequel il y a, tous les quinze ans, une révision générale des créances restées en souffrance[59].

En outre, l’empereur a dans ses attributions toute la réglementation des impôts et des taxes, la confection d’instructions pour les agents de perception et les sociétés douanières, en somme, toute la haute direction, si importante et si étendue, de ce domaine ; les questions les plus importantes elles-mêmes y ont été réglées, non pas par des sénatus-consultes, mais par des édits impériaux[60]. Le prince n’est pas remonté dans ce but aux pratiques des censeurs. Les cens peu nombreux qui ont été faits sous le principat ne l’ont pas été en vue de l’impôt. Et il ne pouvait en être autrement. Le cens, tant qu’il servit à l’impôt, devait préparer l’établissement de l’impôt direct sur les biens des citoyens romains ; or, cet impôt avait été aboli par la République et le principat lui-même n’a frappé de l’impôt direct que les provinces. Pour asseoir ce dernier impôt, il lui fallait assurément le droit de procéder à un recensement, et il a, en effet, exercé le droit de procéder au cens par circonscriptions provinciales et communales, vraisemblablement en qualité de pouvoir impérial exclusif ; dans les provinces sénatoriales, probablement d’ordinaire au moyen d’un mandat spécial donné au gouverneur du moment[61], dans ses provinces propres, ou de la même façon ou à l’aide de mandataires spéciaux[62]. La centralisation et la périodicité de ces recensements ne sont pas inconciliables avec cela ; mais nous n’avons ni de l’une ni de l’autre[63] de preuves suffisantes dans la première période de l’Empire. Au contraire, l’introduction par Hadrien de la révision des reliquats d’impôts faite tous les quinze ans dont nous venons de parler, a sans doute conduit à une révision périodique de l’assiette de l’impôt[64] et est ainsi devenue le fondement du système des indictions et du calcul des indictions du temps de Constantin. — Encore moins y a-t-il eu une autorité supérieure générale préposée- au recensement. Comme pour tous les actes de gouvernement les plus élevés, l’autorité dernière est l’empereur- assisté de ses mandataires directs, qui échappent à la publicité.

Ce n’est point ici le lien de chercher en détail comment la perception de l’impôt était ou immédiatement dirigée ou du moins contrôlée par le prince. Nous ne devons insister sur les modalités de la perception que dans la mesure où c’est nécessaire pour caractériser le rôle du prince.

L’impôt sur les biens fonds et la fortune, qui était la base première des finances romaines, était placé, dans chaque province, sous la direction d’un receveur général des impôts institué par l’empereur, le procurator Augusti, mis à la tête de tout le mécanisme de perception. Ce n’est pas vrai seulement des provinces impériales ou des recettes, des provinces sénatoriales, assignées au fisc, telles qu’est le blé d’Afrique. Même pour les redevances qui restaient au trésor de l’État et qui étaient remises au gouverneur sénatorial, toutes les fois que la perception était dirigée par des fonctionnaires romains, elle l’était par des fonctionnaires impériaux. Cette perception elle-même était accomplie, dans les premiers temps du principat comme sous la République, par les sociétés de fermiers généraux ; mais, dès la seconde moitié du règne de Tibère, on a pour ainsi dire cessé de recourir à leur intermédiaire[65]. Elle semble avoir passé de plus en plus dans les mains des cités[66] et, pour partie aussi, avoir été, sinon précisément opérée, au moins surveillée, dans les diverses cités, par des gens appartenant a l’empereur[67].

Pour les autres impôts, l’ancienne taxe des affranchissements, celle sur les ventes aux enchères[68], l’important impôt sur les successions et toutes les douanes (portoria), le système de la perception indirecte et de l’adjudication publique a persisté certainement jusqu’à Trajan pour l’impôt sur les successions[69] et pour les douanes encore plus tard. Mais il est probable que, même là, le système de la ferme de toutes les recettes, consentie à la société contre une somme fixée à forfait à payer à l’Ærarium ; a été remplacé par un marché en vertu duquel la société procédait à la perception pour le compte de l’État, auquel elle remettait le produit obtenu en en déduisant une fraction à titre de commission. Le contrôle actif, en vue duquel on trouve mis à la tête des divers bureaux de perception des fonctionnaires impériaux de rani, équestre et on trouve sine partie des postes subalternes occupés par des affranchis et des esclaves impériaux[70], et les comptes rendus par les entrepreneurs à l’empereur[71] impliquent un intérêt de l’État au rendement de la perception plus fort que ce n’était le cas dans l’ancien système de la ferme. Les sociétés de publicains, en particulier les sociétés douanières, continuèrent, même sous le principat[72], à ne pas être de peu d’importance ; mais elles sont alors bien loin de pouvoir être mises en balance avec les sociétés puissantes et pour ainsi dire libres de contrôle de la République. — La mise à ferme proprement dite s’est limitée, dans la période récente, aux mines et surtout aux terres domaniales[73], et pour elles elle a survécu au principat lui-même. Les recettes produites par ces sources allaient, comme celles résultant de l’impôt foncier des provinces, pour partie à l’un des Ærarium et pour partie au fisc[74]. L’administration en appartenait à l’empereur et il y employait exclusivement ses mandataires et ses serviteurs.

Nous avons précédemment traité de la justice fendue entre le peuple et un particulier, au cas de contestation de propriété. Il faut seulement ajouter ici que c’est probablement dans ce domaine qu’on a d’abord senti la nécessité d’étendre les règles du droit du patrimoine de l’État au prétendu patrimoine privé du prince, en particulier de transporter au fisc la vieille règle de droit selon laquelle la prescription ne court pas contre l’État[75]. Il était impossible d’admettre l’application des règles de la prescription acquisitive au sol des provinces impériales qui était considéré comme la propriété de l’empereur et non de l’État.

Nous avons encore à traiter une question difficile : comment était organisée la procédure pour les créances de l’État contre les particuliers, ou réciproquement ?

En principe, on a maintenu en vigueur pour les créances de l’Ærarium la règle de la République, selon laquelle le magistrat, en droit de procéder à la perception, a aussi la juridiction, selon laquelle donc les chefs des deux Ærariums à Rome et les gouverneurs en province tranchent les contestations relatives aux prestations dues à l’État, sans qu’aucun autre appel soit possible que celui au sénat. Le transfert de la direction de l’Ærarium des questeurs aux préteurs accompli sous Auguste a rapproché cette procédure de la procédure privée, depuis Néron la décision de ces procès a été entre les mains des præfecti, de fonctionnaires impériaux de rang sénatorial[76]. Il est digne de remarquer que les recettes de l’État qui sont les plus odieuses et qui donnent lieu aux contestations les plus sérieuses, les confiscations, les amendes, les hérédités ou les legs revenant à l’État, à cause du célibat ou de l’absence d’enfants du bénéficiaire (caduca) ou du défaut d’héritier (bona vacantia), appartenaient en droit à l’Ærarium de Saturne et que, par conséquent, la décision à leur sujet revenait aux autorités de l’État et non pas à des gens au service de l’empereur.

Les contestations qui, air cas de perception par intermédiaire, se produisaient entre les percepteurs (publicani) et les contribuables, rassortissaient d’après le droit de la République, selon les formes de la justice administrative, des censeurs et de leurs représentants, qui pouvaient aussi employer pour leur solution la procédure par jurés. Sous le principat, elles étaient en droit de la compétence des autorités nommées plus haut, par exception et transitoirement, Néron renvoya d’une manière générale au préteur les procès des publicains qui se déroulaient à Rome[77]. Mais, même alors, ils n’étaient pas portés devant des jurés et ils ont été constamment tranchés par le magistrat par voie de cognitio. Nous parlerons plus loin de l’immixtion des employés du fisc dans cette procédure. Au reste, des mesures sérieuses ont été prises contre les fréquents empiètements des percepteurs. Les mesures qui leur enlevèrent le droit de saisie en le remplaçant par une action civile[78] et qui établirent contre eux, à raison des dommages causés à la propriété par les gens à leur service, une action civile spéciale, en aggravation du droit commun[79], sont des mesures qui, si elles n’ont pas été introduites sous le principat, ont tout au moins été précisées et développées sous lui.

Au contraire, ce qui revient au fisc est, d’après le système d’Auguste, l’objet d’une créance privée et est, comme toute créance de ce genre, réclamé dans les formes de la procédure civile ordinaire[80] : le procès était donc porté à Rome et en Italie devant les préteurs, en province, devant le gouverneur et renvoyé devant des jurés. Selon la rigueur du droit, le prince n’était même pas libre d’évoquer l’affaire devant lui ou de la transporter devant des représentants nommés par lui. Cependant, si le principat est, à ses débuts, allé dans cette voie plus loin qu’aucune monarchie ou république actuelle, la soumission du fisc à la juridiction ordinaire ne s’est pas maintenue longtemps. Dès la dernière période du règne de Tibère, elle a été essentiellement réduite[81]. Sous Claude, en l’an 53[82], un sénatus-consulte confia en totalité aux procurateurs impériaux la juridiction entre le fisc et les particuliers[83]. Cela fut, en outre, étendu aux prestations faites à l’Ærarium dont la perception était sous le contrôle du prince, c’est-à-dire à toutes ; cependant, dans ce dernier cas, la cognitio des procurateurs impériaux concourait avec celle des magistrats, en particulier avec celle des gouverneurs des provinces sénatoriales[84]. Selon toute apparence, chaque chef de bureau dépendant directement de l’empereur statuait sur les affaires de son ressort ; ainsi, par exemple, en Asie, les contestations relatives à l’impôt sur les immeubles et la fortune allaient au procurateur de la province, celles relatives à l’impôt des successions au procurator vigesimæ hereditatum provinciæ Asiæ[85], tout en pouvant aussi être portées devant le proconsul. Ces procès étaient du même coup enlevés au jury ; car, quand les procurateurs statuent, c’est toujours par voie de cognitio[86] ; seulement l’appel devant le prince était possible[87]. — L’empereur Nerva retira la juridiction aux procurateurs en fonctions à Rome et en Italie, qui devaient être principalement ceux du bureau de l’impôt des successions, et la transporta à un préteur spécial et à des jurés. A l’époque postérieure, les préfets de l’Ærarium paraissent avoir été là compétents même dans les procès du fisc[88].

On ne peut donc pas voir dans la procédure fiscale du principat, même du principat récent, une restriction exorbitante de la liberté des citoyens : c’est simplement l’abandon de la fiction établie par Auguste selon laquelle le prince serait un citoyen ordinaire, l’application aux circonstances d’alors du principe, reconnu de tout temps pour les impôts de la République, selon lequel les autorités chargées de la perception ont une juridiction propre. Mais, en revanche, les constitutions impériales, qui ne cessent pas de confirmer les prescriptions théoriquement indubitables selon lesquelles le procurateur n’a pas juridiction sur les véritables affaires civiles proprement dites[89] et n’a le droit de prononcer ni des amendes[90] ni des peines criminelles[91], et aussi les récits des historiens[92] ne montrent que trop clairement quelle pratique intolérable existait à côté de ces règles tolérables. La faute en est surtout non pas au transfert de la juridiction aux procurateurs, mais à la situation pseudo-militaire et aux hommes spéciaux détachés de corps de troupe[93] qu’ils ont obtenus et qui, en dépit des défenses des premiers empereurs[94], sont bientôt devenus quelque chose de stable. L’attribution de pareils moyens de contrainte, aux percepteurs des impôts et aux administrateurs des domaines[95] appelait ces abus avec une telle nécessité que la responsabilité incombe beaucoup moins aux instruments qui commirent les abus qu’aux créateurs des institutions qui rendirent les abus possibles et même qui les provoquèrent.

La publication officielle des comptes publics a été faite sous Auguste, puis sous Tibère, jusqu’à son départ de Rome, et dans le commencement du règne de Caligula[96]. Depuis, elle n’a plus eu lieu. Nous ne savons rien de précis sur les dates[97] et l’ampleur[98] de ces publications. Elles étaient probablement assez explicites pour faire connaître aux citoyens la contribution fournie par l’empereur sur ses propres ressources. Par la suite, on ne rencontre rien de semblable ; car l’acte de Trajan par lequel il fit connaître, au moyen d’affiches, lors de son expédition, le montant des réquisitions faites dans chaque station par lui et par son prédécesseur Domitien[99], est certainement un appel remarquable à l’opinion publique, mais est cependant quelque chose d’essentiellement différent.

 

 

 



[1] Suétone, Auguste, 32 : Loca in urbe publica juris ambigui possessoribus adjudicavit. On recourt au IIIe siècle, dans des procès à ce sujet, à ces relevés ex quo Augustes rem p. obtinere capit.

[2] On remonte aussi plus tard aux plans dressés par Auguste en 727, relativement aux beneficia accordés aux cités provinciales qui sont en première ligne, les biens fonds de l’État dont on leur a abandonné la jouissance.

[3] L’application la plus récente que j’en rencontre est la termination consulaire de l’an 4 après J.-C.

[4] Les écrivains gardent le silence sur ces curateurs ; mais nous connaissons par les inscriptions deux de leurs collèges, l’un sous la présidence de T. Quinctius Crispinus Valerianus, consul en l’an 2 après J.-C. (C. I. L. VI, 1266), l’autre sous celle de L. Asprenas, consul en l’an 6 après J.-C. (C. I. L. VI, 1267), lesquels curatores locorum publicorum judicandorum ex s. c. causa cognita ex privato in publicum restituerunt. Un membre du premier collège s’appelle, sur l’inscription C. I. L. V, 4348, cur. locorum public. iterum ; et il faut en conséquence, rattacher à notre catégorie et non pas aux curatores operum publicorum, les deux autres magistrats que nous rencontrons sous ce titre (C. I. L. VI, 1544. XIV, 3602), d’autant plus que le second appartient, nous en avons la preuve, au temps de Tibère et que le premier a occupé cette cura avant la préture, ce qui ne serait pas pour la cura operum publicorum. Cf. Borghesi, Opp. 3, 363.

[5] C. I. L. I, p. 179 ; VI, n. 1238-1242. Le sénatus-consulte est mentionné, pour les terminations des rives du Tibre des curateurs du temps de Tibère. Sous Claude (d’après la borne terminale récemment découverte, Notizie degli scavi, 1887, p. 323) et sous Vespasien, elle a été faite par les curateurs sur l’invitation (auctoritas) de l’empereur ; plus tard elle a été faite par Marc-Aurèle et Verus eux-mêmes, mais pourtant au moyen d’un curateur.

[6] Auguste accomplit en 7471748 la termination des rives du Tibre (C. I. L. VI, 1236), ex senatus consulto, c’est-à-dire, en vertu d’un mandat spécial et probablement seulement-en continuation de la termination commencée par les consuls de 746 et restée inachevée. Cette exception ne fait donc que confirmer la règle. Mais on en trouve d’autres pour lesquelles ce n’est pas le cas. C. I. L. VI, 1262. C. I. L. VI, 933. L’empereur Claude, sur l’avertissement que des terres domaniales étaient illégalement en la possession de communes ou de particuliers, confia l’instruction à faire sur les lieux à un commissaire (ainsi pour Cyrène, Tacite, Ann. 14 ; 18 ; pour le territoire de Tridentum, C. I. L. V, 5050). Cf. l’édit de Ti. Alexander (C. I. Gr. 4957) ligne 35 et ss. Gromatici, p. 251.

[7] L’exemple classique est la décision de Domitien sur les subsiciva litigieux entre Falerio et Firmum (C. I. L. IX, 5420 ; cf. Rudorff, Gromat. inst. p. 456). C’est également à cela que se rapporte C. I. L. X, 4018. Au temps de la République, les litiges de ce genre rentrent, quand les cités intéressées ne sont pas autonomes, dans le cercle de la juridiction administrative et ressortissent donc des consuls et du sénat, tout comme les arbitrages du même genre provoqués par les plaintes des cités autonomes.

[8] Le gouverneur est compétent sur les litiges relatifs à la propriété du sol entre deux cités ou une cité et un particulier (C. I. L. II, 4125 ; III, 2883, rapproché de 2882 ; Eph. ep. II, p. 349 ; C. I. Gr. 4732), mais le prince intervient aussi fréquemment. Ainsi Vespasien écrit aux Vanacini en Corse (C. I. L. X, 8038) : De controversia finium, quam habetis cum Marianis, pendent[e] ex is agris, quos a procuratore meo Publilio Memoriale emistis, ut finiret Claudius Clemens procurator meus, scripsi et mensorem misi. Il est, procédé de la même façon dans les décisions arbitrales concernant les limites de Lamia et Hypatha, C. I. L. III, 586, et les limites du territoire du temple de Delphes, C. I. L. III, 567 (cf. C. I. L. II, 2349). Les termini Augustales espagnols (C. I. L. II, 857-859) se rapportent aussi à cela.

[9] C’est un point douteux de savoir s’il y avait encore, sous l’Empire, un droit de dédication proprement dit.

[10] Digeste, 47, 21, 3, 1 : Lege agraria, quam divus Nerva tulit.

[11] Dion, 68, 2. Pline, Ép. 7, 34, 4. Inscription C. I. L. VI, 4548.

[12] C’est pourquoi Velleius distingue, 1, 15, les colonies de la République, déduites jussu senatus, de celles que leurs fondateurs (auctores) récents ont déduites en vertu de leurs pouvoirs extraordinaires ou du principat.

[13] Font exception les deux curatores restituendæ Campaniæ, que Titus prit, par voie de tirage au sort, parmi les consulaires, après la catastrophe d’Herculanum et de Pompéi et qui paraissent avoir fait des assignations (Suétone, Tit. 8. Dion, 66, 24). Canusium en Apulie fut constitué, sous Antonin de Pieux, par Hérode Atticus, consul en 143 (Philostrate, Vit. soph. 2, 1, 5, p. 551), mais la ville s’appelle colonea Aurelia Augusta Pia (C. I. L. IX, 344) et a été fondée sans aucun doute au sens du droit par l’empereur et non par Hérode. Je ne trouve aucune preuve de l’opinion courante, encore reproduite par Marquardt, Handb. 4, 115 = tr. fr. 8, 453, selon laquelle les empereurs auraient procédé aux partages de terres et aux fondations de colonies par le ministère de leurs légats. La remise aux officiers commandant les troupes de la direction des constructions nécessitées par la fondation de colonies, dans la mesure où ces constructions sont faites par les soldats, telle que l’attestent les inscriptions connues de Sarmizegetusa (C. I. L. III, 4443) et de Thamugadi (C. I. L. VIII, 2355), est toute autre chose qu’une représentation de l’empereur pour une assignation ou pour la déduction d’une colonie.

[14] Je ne connais aucun témoignage en dehors de celui rapporté p. 288, note précédente, qui nomme seulement un tel représentant sous le principat, donc après 727. Cf. Hyginus, p. 421 : Nuper ecce quidam evocatus Augusti, vir militaris disciplinæ, professionis quoque nostræ capacissimus, cum in Pannonia agros veteranis ex voluntate et liberatitate imp. Trajani Augusti Germanici adsignaret.

[15] Auguste accorda par exception, en 740, une indemnité pro agris provincialibus ; il ne le fit plus postérieurement, probablement parce que les ressources manquaient pour cela (Mon. Anc. 3, 22 et ss.). Ulpien, Digeste, 6, 1, 15, 2 : Ager... militibus adsignatus est modico honoris gratia possessori dato. Paul, Digeste, 21, 2, 41, pr.

[16] En particulier, on rencontre l’imposition d’un service militaire héréditaire (Vita Alexandri, 58 ; Probi, 16 ; cf. Rudorff, Grom. Inst. p. 371). Dans un congé qui se place dans la première moitié du IIIe siècle, le droit de cité héréditaire c’est, d’après une restitution, à la vérité peu certaine, accordé qu’aux centurions [qui cum filiis in] provincia ce se procreatis [milites ibi castel]lani essent (Eph. ep. IV, p. 508 et ss. = C. I. L. III ; suppl. p. 2001).

[17] Cf. par exemple, Tacite, Ann. 14, 27.

[18] Le fiscus est, au sens propre, la grande corbeille dans laquelle l’argent est conservé à l’Ærarium (lex repet. lignes 67. 68) et dans les autres grandes caisses (c’est à tort que Hirschfeld, Untersuch. p. 3, pense là à de l’argent emballé pour être expédié), par opposition à la cassette, à la cista des particuliers ordinaires (Cicéron, Verr. 3, 85, 197). Ainsi Suétone, Auguste, 101, désigne les réserves de caisse tenues prêtes par Auguste pour des cas extraordinaires du nom de summa confiscata. Dans la langue technique, le fiscus est, en premier lieu, la caisse centrale impériale distincte qui existait pour chaque département financier (ratio) ; c’est ainsi qu’on parle de fiscus Asiaticus (C. I. L. VI, 8570 et ss.), Gallicus provinciæ Lugdunensis (C. I. L. VI, 5197), Judaicus (Suétone, Dom. 12 ; Eckhel, 6, 404), frumentarius (C. I. L. VI, 544), castrensis (C. I. L. VI, 8516. 8517), lib(ertatis) et pec(uliorum) (C. I. L. VI, 792). Dans l’édit rédigé en grec du préfet d’Égypte du temps de Galba, Ti. Alexander (C. I. Gr. 4957), le mot latin est plusieurs fois employé pour la caisse impériale centrale d’Égypte. Suétone, Auguste, 101, oppose dans ce sens les fisci au pluriel à l’ærarium. Ce texte pourrait plutôt être une citation textuelle d’écrits d’Auguste que le passage de Pline, H. n. 18, 11, 114, donné pour tel par Bergk, Auguste, res gestæ, p. 86. — Le mot se rencontre sûrement pour la première fois dans son sens moderne chez Sénèque le jeune, De benef. 4, 39, 3. 7, 6, 3 : Cæsar omnia habet, fiscus ejus privala tantum ac sua. Chez Tacite, fiscus et ærarium sont déjà tout à fait habituellement en opposition. — Les Grecs n’ont aucun mot pour exprimer cette idée et conservent à l’époque ancienne le mot latin ; plus tard, lorsque le fiscus et l’ærarium se confondent en fait, ils appellent le premier lui-même ταμιεΐον.

[19] Ulpien dit tout à fait exactement, Digeste, 43, 8, 2, 4 : Res fiscales quasi propriæ et privatæ principis sunt, et le fisc est appelé ailleurs (Vita Hadriani, 7), avec une égale exactitude, fiscus privatus, ses débiteurs privati debitores. Tacite représente également l’empereur administrant au moyen de ses procurateurs res suas (Ann. 4, 6), rem familiarem (Ann. 12, 60 in fine. 13, 1), pecunias familiares (Ann. 4, 15). Les commentateurs de Tacite sur ces textes et Bergk, op. cit., p. 85, ont méconnu ce principe fondamental et ont été conduits par là à des conclusions impossibles. On n’a pas compris clairement que la question du sujet du droit portant sur les choses fiscales est indépendante de celle de savoir si le prince est en droit d’employer ces choses ou leur produit à son propre profit. Les fonds remis aux magistrats pour un usage public peuvent parfaitement leur avoir été remis de telle sorte qu’ils fissent en droit aussi bien partie du patrimoine du magistrat qui les recevait que l’argent prêté fait partie du patrimoine du débiteur.

[20] Auguste (Suétone, Auguste, 101. Nero, 6 ; Tacite, Ann. 1, 8, et beaucoup d’autres textes) ; Tibère (Dion, 59, 1 ; Suétone, Tibère, 76. Gai. 14. Claude, 6) ; Caligula (Suétone, Gai. 24) ; Claude (Tacite, Ann. 12, 69 ; Dion, 61, 1 ; Suétone, Claude, 44) ; Antonin le Pieux (Vita, 12) ont testé de la manière ordinaire et on ne peut regarder comme étant la masse héréditaire que l’ensemble des biens qui avaient été acquis par le de cujus soit à titre privé, soit à titre officiel. Les dépenses de l’État que le prince n’avait pas encore payées, mais qu’il devait payer, ont dû être légalement traitées comme des dettes héréditaires, de même qu’à l’inverse les recettes de l’État qui lui revenaient et qu’il n’avait pas encore touchées ont dû être traitées comme des créances héréditaires. Ce qui est rapporté d’Antonin le Pieux, Vita, 4, 7 et 12, doit être compris comme signifiant qu’à son arrivée au pouvoir, Antonin le Pieux déclara vouloir consacrer au service public le revenu de sa fortune antérieure aussi bien que ses recettes impériales, mais en réserver la propriété à ses descendants par le sang exclus de la succession au trône et que, ces enfants étant restés sous sa puissance, la seconde déclaration ne produisit d’effet légal que par la disposition corrélative de son testament. En conséquence, il laissa dans son testament l’hérédité d’Hadrien et ce qu’il avait acquis de l’État à son successeur et à son autre fils adoptif, mais sa fortune patrimoniale au seul enfant de son sang qui lui survécut. Pertinax (Dion, 73, 7) et Julien (Vita, 8) procédèrent de même en libérant leurs enfants de leur puissance au moment de leur avènement au principat et en partageant entre, eux leur fortune privée pour la soustraire à l’absorption dans Je fisc qui appartenait en la forme à l’empereur et en réalité à l’État. Cf. plus loin le chapitre de la Fin et du rétablissement du principat, sur la question du rapport de l’institution de plusieurs héritiers avec la succession à l’Empire. — Plus tard, il n’est plus guère question de la succession privée relativement au patrimoine impérial. Cela ne s’explique pas seulement par les violences qui ont au IIIe siècle presque constamment provoqué la transmission du trône ; l’idée de propriété privée perdit naturellement de plus en plus de terrain relativement au fiscus Cæsaris. Ainsi un rescrit de Caracalla oppose déjà (Cod. Just. 7, 49, 1) la causa publica sive fiscalis à la causa privata et Pertinax a interdit dans le même sens de désigner par son nom la propriété fiscale, parce qu’elle appartient au contraire à l’État (Hérodien, 2, 4, 13). Mais précisément ce récit montre que jusqu’alors c’avait été la réglé de marquer les choses fiscales du nom du prince comme étant sa propriété. L’innovation de Pertinax prépare déjà la distinction postérieure des biens de l’État et des biens de la couronne, qui fut ensuite accueillie et développée par la constitution de Dioclétien et de Constantin. Quand on dit de Tacite (Vita, 10) : Patrimonium suum publicavit quad habuit in reditibus sestertium bis milies octingenties : pecuniam quam domi collegerat in stipendium militum vertit, on considère déjà le fisc comme étant positivement une caisse publique.

[21] L’exclusion de la reddition de compte n’est pas impliquée par le seul fait que les deniers publics revenant au prince passent sous sa propriété privée ; mais elle est liée avec lui par l’usage romain.

[22] Les objections de Hirschfeld contre cette proposition formulée par moi (Untersuch. p. 1) viennent seulement de ce qu’il n’a pas considéré la question d’un point de vue assez sévère, je dirais volontiers de ce qu’il ne l’a pas assez considérée du point de vue du droit privé. Tout ce que j’ai soutenu, c’est que la reddition de compte proconsulaire a, dès le principe, été écartée pour le prince et que les revenus de l’État mis à sa disposition ont été traités d’une manière semblable aux manubiæ de la République. Sans aucun doute, le prince était, comme le général de la République, obligé non seulement en morale, mais en droit, à employer dans l’intérêt public les sommes ainsi reçues : les premiers princes l’ont reconnu en publiant les comptes de l’État et on peut encore voir une application de cette idée dans le fait que l’administrateur des finances impériales Pallas stipule au moment de sa retraite d’avoir pares rationes cum re publica (Tacite, Ann. 13, 14), c’est-à-dire de ne pas être inquiété à raison des deniers impériaux qui auraient d4 être dépensés dans l’intérêt public et qui l’auraient été à son propre usage. Certainement Auguste, s’il avait résigné le principat ou plutôt sa puissance proconsulaire, aurait pu aussi bien être actionné à raison des deniers publics qui lui avaient été confiés que le fut L. Scipio, et l’on peut appeler cela une obligation de reddition de compte de l’empereur. Mais ce dont il s’agit en première ligne, ce n’est pas des formes dans lesquelles le peuple peut demander compte au prince de l’argent qui lui vient de lui, c’est de la situation juridique dans laquelle l’empereur se trouve par rapport aux deniers publics qui lui sont versés. La différence de principe qui le sépare sous ce rapport du proconsul est le terme essentiel et la diversité relative à la reddition de compte n’en est que la conséquence nécessaire. L’argent remis au proconsul pour son armée ou autrement reste, jusqu’à ce qu’il soit dépensé, la propriété de l’État. Le reliquat qui peut rester en caisse appartient donc à l’État et il est, par conséquent, reversé à l’Ærarium, au moment de la résignation des fonctions, par une restitution à laquelle se joint naturellement l’apuration des comptes. Mais le droit de la République connaît déjà une autre forme d’emploi des deniers publics fait dans un intérêt public par l’intermédiaire d’un magistrat : les frais de jeux des édiles, les manubiæ des généraux passent sous la propriété privée de celui qui les reçoit, et il est en retour obligé de fournir au peuple sur son patrimoine les prestations correspondantes ; tout comme aujourd’hui les avances faites à des mandataires publics pour l’accomplissement de certains services, deviennent immédiatement leur propriété. Au point de vue du droit civil,  les premiers deniers sont un dépôt, les seconds un mutuum. Puisque, dans les cas de la seconde espèce, il ne peut y avoir de reliquat revenant à l’État, la République ne connaît pour ces paiements ni reversement régulier des fonds inemployés, ni comptabilité régulière, mais, s’il y a un soupçon d’emploi non conforme, l’accusation de détournement. Or, les objets attribués au prince sur l’actif de l’État, les res fiscales étant expressément et unanimement représentées comme étant sa propriété et toute espèce d’indice, même le plus faible, faisant défaut pour regarder cette conception comme une nouveauté introduite seulement dans le cours du temps, il ne peut pas, y avoir le moindre doute que ces valeurs actives ont été soumises au même régime que les manubiæ. Il est superflu de développer les motifs tout indiqués pour lesquels ce régime apparaît aussi seul comme conciliable avec le caractère du principat. — Ainsi tombe d’elle-même la conception présentée par Hirschfeld du fisc impérial et les conséquences subséquentes qu’il en tire. Il est à regretter que ses recherches, par ailleurs si magistralement ordonnées et conduites, aient là un point de départ défectueux et que l’auteur ne se soit pas fait une idée claire du sujet actif des droits du fisc. Il n’y à sous ce rapport que deux conceptions possibles en logique. Ce sujet est ou l’État ou le prince. La première idée conduit à l’identification du fisc et de l’Ærarium et est dans la contradiction la plus criante avec notre tradition. II ne reste donc que la seconde idée, qui est depuis longtemps communément admise et selon laquelle l’Ærarium représente le populus et le fisc l’empereur en matière patrimoniale. Mais cela a pour conséquence nécessaire que les biens privés du prince et les biens de l’État mis à sa disposition non pas se confondent (ce que je n’ai jamais dit), mais soient forcément regardés comme constituant un tout unique au point de vue du droit du patrimoine et du droit de succession. L’existence de cette unité est attestée avant tout pas l’impossibilité pratique qu’on rencontrait à séparer la succession aux biens et la succession au trône, impossibilité qui se manifeste si énergiquement et qui serait absolument inconcevable dans le système de Hirschfeld. Si le prince n’était qu’un administrateur de certains biens appartenant à l’État, on ne voit pas dans quelle mesure la succession privée à sa fortune pourrait avoir une importance pour la succession au principat. Si, au contraire, la masse héréditaire laissée par le prince défunt comprend aussi des biens de l’État et si l’héritier ou les héritiers acquièrent directement avec l’hérédité les portions de ces biens qui n’ont pas été employées par le de cujus dans l’intérêt public, on s’explique parfaitement que cette succession aux biens ait entraîné pratiquement la succession au trône. En théorie, on pouvait naturellement demander aux héritiers du prince antérieur la restitution de ce qui n’avait pas été employé légalement des biens de l’État. Mais l’impossibilité politique de mettre à exécution une telle retradition, au moins en face de héritier principal ; devait nécessairement conduire et a conduit à accorder ou à refuser toujours en même temps à l’héritier principal les deux choses : l’Empire et les biens. Dans la période récente du développement, la soustraction du principat aux règles du droit privé (p. 8) a sans doute aussi exercé une influence.

[23] La démonstration de Hirschfeld (en particulier, Untersuch., p. 286 et ss.) selon laquelle une caisse centrale a été créée seulement sous Claude, ne résiste pas, si probante qu’elle paraisse à première vue, devant un sérieux examen. La gestion financière du prince est inconcevable sans un point central où soient comparés les comptes des diverses administrations spéciales et oh les excédents et les déficits des différentes caisses soient, les premiers, employés et, les seconds, comblés. Sans doute le système d’Auguste avait pour principe que le prince exerçait personnellement la haute direction des finances comme le commandement en chef. L’apparition, pour la première fois, sous Claude d’une haute direction, autre que celle de l’empereur, dans la caisse impériale centrale n’est autre chose que le revers présenté par le gouvernement personnel, quand ce dernier passe à une individualité dominée par des serviteurs personnels et éclipsée par eux. Il ne faut pas croire qu’un mécanisme ait été inventé seulement le jour où la ruine de la machine permet de l’apercevoir.

[24] Le patrimonium principis a été distingué, de tout temps, dans l’administration, du reste de sa res familiaris, et il ne pouvait en être autrement ; car la fortune héréditaire du prince ne pouvait s’accommoder à l’administration par départements des recettes qui arrivaient au prince en cette qualité. L’établissement depuis Sévère d’une seconde administration, au reste de même nature, pour les nouveaux biens du prince — la res privata principis — n’a pas de véritable importance de principe (cf. Mem. dell’ inst. 2, 318 et ss.). Mais l’opposition faite entre le patrimonium et la res privata principis, d’une part, et le fiscus, de l’autre, se rapporte seulement au titre d’acquisition et au mode d’administration ; elle ne se rapporte pas au sujet du droit. Quand Hirschfeld le nie, p. 8, j’avoue ne pas comprendre à quel double sujet il peut penser. Pour réfuter cette doctrine, il suffira, au moins près des jurisconsultes, de rappeler que les livres cadastraux des Romains distinguent rigoureusement les immeubles de l’État et ceux du prince (qu’on se rappelle, par exemple, l’adfinis populus, adfanis Cæsar noster des titres alimentaires), mais ne distingue jamais parmi les seconds les biens de la fonction et ceux de la personne (le texte invoqué en sens contraire par Hirschfeld, Digeste, 49, 14, 3, 11, où la possessio Casaris est encore citée après les loca fiscalia vel publica, doit s’expliquer par l’analogie de Digeste, 49, 14, 6, 1 ; cf. Hirschfeld, p. 27). De même Auguste, quand il dit, Mon. Ancyr. 3, 34 : Quater pecunia mea joui ærarium, omet intentionnellement de distinguer entre ses biens héréditaires, les recettes d’Égypte et les revenus de l’État touchés par lui. Il en est de même dans une infinité d’autres textes. La proposition faite par Brinz (Ueber die rechtliche Natur des römischen Fiscus, Sitzungsberichte de Munich, 1886, 4, p. 471 et ss.) de considérer le prince, relativement aux choses fiscales, comme un propriétaire privé dont le droit est restreint, qui, par exemple, est dépouillé, du droit de transmettre par succession, est admissible en droit, quoiqu’elle laisse sans réponse la question de savoir à qui passent les choses du fisc, à la mort du prince, au cas de solution de continuité dans la magistrature. Mais historiquement on doit lui objecter que l’association politique de la succession privée à la succession au pouvoir n’a pu se produire que parce que la première allait au-delà du domaine du droit d’hérédité en réalité privé.

[25] On peut encore remarquer que les institutions qui fonctionnaient pour l’Ærarium ont fréquemment servi de modèle pour le fisc. Ainsi, par exemple, de même que les gouverneurs sénatoriaux déposaient à l’Ærarium le tableau de leurs compagnons et subalternes en droit de toucher un traitement, les gouverneurs impériaux dressaient une liste semblable pour les commentarii principis.

[26] Stace, 3, 3, donne, dans sa description des fonctions de l’affranchi impérial a rationibus (le père de celui à qui la pièce est adressée, Claudius Etruscus, sur lequel cf. Hirschfeld, Wiener Studien, 1881 p. 273), une énumération des chefs de dépenses du trésor privé impérial, qui suit l’ordre des magistratures :

Proconsulat

quantum Romana sub omni pila die

cura annonæ

quantumque tribus

cura æd. sacr. operumque publ.

quid templa

cura aquarum

quid alti undainem cursus

cura riparum et alvei Tiberis ?

quid propugnacula postant æquoris

cura viarum

aut longe series porrecta viarum

construction de palais

quid domini celsis niteat laquearibus aurum

statues d’or impériales

quæ dioum in vultus igni formanda liquescat massa

monnaie

quid Ausoniæ scriptum crepet ære monetæ.

Hirschfeld rapporte avec vraisemblance les laquearia et les vultus divum à la construction de la demeure impériale du Palatin et du mausolée des Flaviens.

[27] C’est pourquoi l’Égypte est appelée par un de ses habitants et la plus grande des propriétés rurales de l’empereur (Philon, Adv. Flaccum, 2, 19) et, chez Tacite, est réservée à la possession privée du prince (domi retinere : Hist. 1, 11). L’empereur a reçu la Syrie et la Gaule du peuple romain et il les administre comme magistrat ; l’Égypte n’avait jamais appartenu au peuple et le droit de l’empereur sur ce pays ne lui était pas venu du peuple.

[28] Les possessions domaniales en Égypte étaient importantes, spécialement par suite de la délation des bona vacantia au souverain qu’amenait fréquemment le système successoral du pays. D’après l’assertion d’Ammien (22, 11, 6), le sol parait avoir été royal et l’être resté dans la ville d’Alexandrie. Mais au reste le droit égyptien connaît, même sous le principat, une propriété privée du sol (Lumbroso, Recherches sur l’économie politique de l’Égypte, p. 94) et il est plus que douteux que la théorie romaine, selon laquelle le sol provincial appartient au peuple ou à l’empereur, ait trouvé application dans ce pays.

[29] Tacite, Ann. 2, 47. Josèphe, Ant. 16, 2, 2. Selon l’avis de Hirschfeld, c’est par une particularité propre à la province d’Asie que le procurateur impérial y lève des impôts, tandis que, dans les autres provinces sénatoriales, les procurateurs auraient seulement perçu les redevances en nature revenant à l’empereur. Mais c’est contraire au langage général de Dion, 33, 15, et il conseille aussi son projet idéal de constitution, 52, 28. La compétence des procurateurs impériaux en matière de perception d’impôt est présentée là comme absolument générale. En fait, on ne voit pas ce que le procurateur impérial aurait à faire par exemple en Sicile, si les affaires d’impôt lui étaient étrangères. La monopolisation par l’empereur de la perception des impôts (en dehors des contributions fixes des villes), qui, selon toute apparence, a été une des idées fondamentales du principat, parait confirmée par le fait que la surveillance de toutes les recettes mises à terme était également exercée par l’empereur, même quand elles allaient à l’un des deux Ærarium.

[30] Stace, 3, 3, 90, compte, parmi les recettes du fisc, quod messibus Afris verritur ; il s’agit là sans doute en première ligne de la féconde province proconsulaire et, en tout cas, selon la juste observation de Hirschfeld, p. 15, note 3, il ne peut pas être fait exclusivement allusion aux possessions domaniales africaines.

[31] Sous de rapport, il pouvait être fait une distinction selon que les services étaient fournis ou non par voie d’adjudication. Au premier cas, qui se présente principalement pour la cura viarum, le marché fait par le curator viæ pouvait lier l’Ærarium, comme faisaient, sous la République, les locations des censeurs ; dans le second, la fourniture au fisc d’une certaine allocation doit avoir été imposée à l’Ærarium, soit une fois pour toutes, soit à chaque fois par un sénatus-consulte spécial.

[32] Nous pouvons observer cela clairement dans des cas concrets, par exemple pour la grande briqueterie de Vibius Pansa, sans doute le consul de 711, qui se trouvait probablement à Ariminum. Elle doit avoir passé à Auguste, et nous pouvons ensuite établir par les briques qu’elle a appartenu successivement à Auguste, Tibère, Caligula, Claude, Néron, Galba, Vespasien (C. I. L. V, 8110, 1-28). Quoique cette propriété fût une propriété purement privée, et que, par suite, les empereurs ne se désignent jamais sur les inscriptions que par leur nom privé, elle a donc passé de main en main avec le principat. — Même le droit de patronat, qui cependant ne fait pas partie de la masse héréditaire et se transmet d’après la parenté, se transmet avec le principat : un affranchi de là dynastie Julienne appelle les empereurs Claude et Néron ses patroni (C. I. L. XIV, 3644 : C. Julius Aug. L. Sam[ius] proc., accensus divi Claudi et Neronis Auqusti patronorum).

[33] Gaius, Digeste, 31, 56 : Quod principi relictum est, qui ante quam dies legati cedat, hominibus ereptus est, ex constitutions divi Antonini sucessori ejus debetur. La l. 57 ajoute que cela ne s’applique pas à l’impératrice. Je dois l’indication de ce texte important, du reste déjà invoqué par Hirschfeld, Untersuch. p. 28, note 3, à M. le professeur Eck.

[34] Elle est exprimée chez Hérodien, 2, 4, 13, pour Pertinax. Cela s’accorde, ainsi que nous avons déjà remarqué, parfaitement avec le fait que Pertinax, à son arrivée au pouvoir, transféra sa fortune privée à ses enfants.

[35] Il avait, dit-il, chez Suétone, Auguste, 101, en dehors des hérédités de son père naturel et de son père adoptif et de ses autres parents, acquis, en vertu des testaments de ses amis, 4.000 millions dans les vingt dernières années.

[36] Tacite, Ann. 15, 18. C’est à cela que se rattache sans doute la notice d’Eusèbe, sur l’an de Néron 13 ou 14 : Neroni in expensas centies centena milia (le texte arménien myriadem et mille = μυριάδας χιλίας) decreto senatus annua subministrantur ; il s’agit probablement là d’un versement annuel de 10 millions de sesterces fait par l’Ærarium.

[37] Eutrope, 8, 8. Cf. Vita, c. 4. L’empereur Tacite procéda aussi de cette façon.

[38] Auguste : Mon. Ancyr. 3, 34, et les textes invoqués là. Il promit même une allocation annuelle pour le nouvel ærarium militare (Dion, 55,25). Tibère : Tacite, Ann. 6, 17. Néron : Tacite, Ann. 13, 31. Pertinax : Vita, 9 et beaucoup d’autres textes.

[39] Vespasien aurait accusé l’existence d’un déficit de 40.000 millions de sesterces (Suétone, Vesp. 16) ; cependant, le chiffre parait corrompu. Les présents faits par Néron se totalisent à 2.200 millions de sesterces (Tacite, Hist. 1, 20).

[40] Pour l’époque récente on manque pour ainsi dire complètement de chiffres généraux. A la fin du gouvernement faible, mais long et pacifique d’Antonin le Pieux, il y avait 2.700 millions de sesterces dans le trésor public (Dion, 73, 85).

[41] La dénomination officielle, vigesima populi Romani (C. I. L. III, 2922), veut évidemment indiquer que l’impôt est perçu au profit du populus et non pas du fiscus Cæsaris.

[42] Tacite, Ann. 1, 78.

[43] Dion, 55, 25. — Præfectus ærarii militaris, en grec έπαρχος έραρίου στρατιωτικοΰ (Orelli, 946 = C. I. L. X, 6569) se rencontre souvent ; le prætor ærari militaris d’une inscription du temps de Trajan (Orelli, 364 = Inscr. Helvet. 175) reste jusqu’à présent isolé.

[44] C’est rendu vraisemblable par la dénomination præfecti. Assurément les prætorii appelés sous Auguste à l’administration de l’ærarium Saturni, qui, étant nommés par le sénat, ne peuvent être considérés comme des représentants de l’empereur, sont dits avoir porté le titre de préfets. Mais, en dehors de cette exception isolée et incertaine, præfectus désigne, non pas seulement dans un sens secondaire, mais dans un sens constant et technique, le fonctionnaire en sous-ordre librement choisi par le fonctionnaire supérieur et par suite obligé à lui rendre compte à lui-même. L’importance que présente pour le droit public le changement de titre n’est pas méconnaissable, et la contradiction de Hirschfeld, p. 11, n’est pas justifiée.

[45] L’allégation de Dion est confirmée dans l’ensemble par les inscriptions. Cependant C. Cuspius Rufinus revêtit, au temps de Trajan, (C. I. L. X, 8294) les deux préfectures avant la préture. Cette fonction fut ensuite, lorsqu’il y eut des præfecti ærarii Saturni, considérée comme inférieure en rang à la leur ; car Pline le Jeune (C. I. L. V, 5262) et son contemporain qui vient d’être cité montèrent de la première à la seconde.

[46] Dion, loc. cit. La triennalité peut avoir subsisté en fait.

[47] Auguste le dit lui-même, Mon. Ancyr. 3, 37. Les auteurs citent encore à côté de l’entretien des vétérans les subsistances de l’armée (Suétone, Auguste, 49 ; Dion, 55, 24). L’opinion de Hirschfeld, dans les Jahrbücher de Fleckheisen, 1868, p. 683, selon laquelle la solde n’aurait pas pu être payée sur cette caisse, est inconciliable avec l’ensemble de la gestion des finances impériales et sa soustraction à tout contrôle.

[48] On peut, semble-t-il, conclure de Pline, Ép. 3, 4, 3, que les cinq præfecti ærarii étaient considérés comme collègues ; cf. Hermes, 3, 90 = tr. fr. 65. Mais ceux du temple de Saturne étaient les plus considérés.

[49] Dion, 53, 22, expose que les routes italiques ont été mises en état, soit aux frais de l’État, soit à ceux d’Auguste. Les formules de Tacite, Ann. 6, 2, et de Dion, 33, 16, conduisent à la même solution. La différence a certainement été plus importante sous la première dynastie qu’elle ne semble à ces auteurs récents.

[50] La preuve en est la demande adressée par Marc Aurèle au sénat d’une contribution aux frais de la guerre de Germanie (Dion, 71, 33).

[51] Par exemple, Frontin, De aq. 118. Chez les jurisconsultes le fiscus et le populus sont constamment distingués, tant que nous avons leurs ouvrages. — Dans la prétendue lettre d’Aurélien, Vita, 20, qui semble distinguer l’ærarium impérial dirigé par le præfectus, de l’arca publica à la disposition du sénat, la seconde paraît être l’arca pontifacum.

[52] Dion, 55, 25. On ne peut conclure de l’expression courante des jurisconsultes lex vicesima hereditatum que cela ait été supprimé par une loi. Le rattachement exprès de la mesure aux pouvoirs d’exception du dictateur César écartés par la constitution de 727, n’admet, surtout si l’on considère l’intervalle de cinquante ans, qu’une explication ; c’est qu’Auguste entrait là en conflit patent avec sa propre constitution. Dans le monument d’Ancyre, 3, 36, il désigne encore seulement l’ærarium militare, c’est-à-dire l’impôt sur les successions comme établi sur son conseil (quod ex consilio m[eo] co[nstitut]um est). — La taxe de quatre pour cent sur le prix des esclaves vendus a été établie par Auguste l’année suivante, en vue des frais du nouveau corps des pompiers (Dion, 55, 31, d’après la juste correction de Juste Lipse) ; nous n’en connaissons pas la base légale.

[53] Quand Dion, 53, 17, cite le pouvoir de χρήματα άθροίζειν, dans la série des droits monarchiques, il s’agit là uniquement de la perception de l’impôt. Ce qui est rapporté des nouveaux impôts de Vespasien (Dion, 66, 8 ; Suétone, Vesp. 16) laisse également la question de droit incertaine.

[54] L’interdiction faite à tous les magistrats provinciaux de percevoir des taxes sans décision du sénat ou ordre de l’empereur (Dion, 53, 15) ne suffit pas à impliquer que les pouvoirs de l’empereur fussent illimités, si vraisemblable que cela puisse être en soi.

[55] Une élévation au-dessus du taux originaire n’est pas, en réalité, autre chose que l’établissement d’un impôt nouveau. Si Tibère ramena réellement, en l’an 31, à son premier taux l’impôt de 1 pour 100 sur les ventes aux enchères (Dion, 58, 16), réduit à la moitié en l’an 17, la réduction peut aisément n’avoir été faite que jusqu’à nouvel ordre. Mais l’allégation elle-même est douteuse, parce que Caligula ne remit pas, comme le dit Dion, 59, 9, la centesima, mais, comme le rapporte Suétone, Gai. 6, et comme le confirment les monnaies (Eckhel, 6, 224) ; la ducentesima et que, par conséquent, c’est celle-ci et non celle-là qu’il trouva en vigueur. — On comprend que Caracalla ne revint pas là-dessus (Dion, 77, 9). L’extension du droit de cité, destinée à rendre l’impôt des successions plus productif, n’est pas une élévation de l’impôt.

[56] VI, 1. Dion, 56, 28, sur l’an 13 après J.-C.

[57] Ainsi Tibère déclara, après l’acquisition de la Cappadoce, qu’il était désormais en état de renoncer à la moitié de l’impôt de 1 pour 100 sur les ventes aux enchères (Tacite, Ann. 2, 42).

[58] Auguste abolit lors, de sa réorganisation de l’État, toutes les créances de reliquat et en même temps toutes les obligations des cautions, à L’exception de celles qui se rapportaient aux marchés d’entretien des édifices publiés en cours (Dion, 53, 2 ; Suétone, Auguste, 32). Domitien procéda de même (Suétone, Dom. 9). — Il y a eu très souvent des remises spéciales, même pour l’avenir ; ainsi en remettait d’ordinaire pour quelques années Faux villes atteintes par des accidents, les taxes qu’elles devaient au trésor publie ou au fisc (Tacite, Ann. 2, 47. 4, 13. 12, 58). Lorsque Trajan adoucit les principes de perception de l’impôt sur les successions, il donna force rétroactive à ce règlement (Pline, Panég. 40). Ce qui est rapporté de la remise consentie par lui, par le Chron. pasch., sur l’an 406 et par Ausone, Grat. act. éd. Toll, p. 730, n’est pas clair. ; Henzen y rapporte (Bull. dell’ inst., 1872, p. 281, rapproché de Brizio, Annali, 1872, p. 325) le bas-relief connu trouvé récemment au Forum. — Au reste, le sénat peut aussi accorder des exemptions d’impôt dans les provinces sénatoriales (Tacite, Ann. 12, 63).

[59] C’est sans doute de cette façon qu’il faut comprendre cet événement célèbre (Dion, 69, 8 ; Vita Hadriani, 7 ; Eusèbe, sur l’an d’Abraham 2134 ; C. I. L. VI, 967 ; Eckhel, 6, 478). Les faits analogues du temps de Marc-Aurèle (Dion, 71, 32’; Eusèbe, an d’Abraham 2194 ; Ausone, loc. cit. ; Vita, 23 ; chronographe de 354, p. 647 [Chron. min. 1, 147] et ma note) et sous Aurélien (Vita, 39) en ont été des conséquences. Les détails sont étrangers à notre sujet. — A l’époque ancienne, on a souvent tenu compte en matière d’impôts de délais quinquennaux (Marquardt, Handb. 5, 243 = 10, 306) ; mais on rencontre aussi des délais triennaux (Tacite, Ann. 4, 13) et ce ne sont pas là des périodes ayant un commencement fixe.

[60] Par exemple, l’important règlement général relatif aux publicains de l’an 58 est exclusivement un édit impérial (Tacite, Ann. 13, 50) ; Marc-Aurèle fixa pareillement par un simple ordre la zone d’imposition des promercalia de la capitale (C. I. L. VI, 1010).

[61] On rencontre rarement des fonctionnaires impériaux propres et on trouve un cas où un pareil mandat est donné au gouverneur sénatorial (loc. cit.). L’impôt peut avoir porté sur ces provinces avec une intensité moindre. Mais il n’y a certainement jamais eu, même dans les provinces du sénat, de cens sans mandat spécial de l’empereur.

[62] V. plus loin le chapitre des Provinces impériales.

[63] On ne peut invoquer comme une preuve la subsistance du bureau a censibus populi Romani.

[64] La clause d’un contrat de vente de maison conclu en Dacie, en l’an 159 (C. I. L. III, p. 944) : Convenit, uti Veturius Valens (le vendeur) pro ea domo usque ad recensum tributa dependat, n’est pas décisive, mais mérite d’être remarquée.

[65] Tacite, Ann. 4, 6, cite parmi les points qui marquent avantageusement la première période du gouvernement de Tibère : Frumenta et pecuniæ vectigales, cetera publicorum fructuum societatibus equitum Romanorum agitabantur ; cela ne peut vouloir dire qu’une chose, c’est que les impôts directs en nature ou en argent et les autres recettes étaient, à cette époque, affermés, sinon en totalité, au moins dans une proportion importante. Mais ce doit avoir été essentiellement restreint dans la période postérieure de Tibère, précisément d’après ce texte, et la confirmation s’en trouve dans les inscriptions qui, à la vérité, ne citent pas fréquemment ces situations temporaires, mais où on ne trouve guère d’autre vestige de pareilles locations que le pro mag. frumenti vectigalis, peut être relatif à la Sicile (car il est aussi pro mag. portuum Siciliæ) d’une inscription d’Éphèse (C. I. L. III, 6065) du temps de Trajan. Même par la suite la perception par intermédiaire n’a pas entièrement disparu. Ulpien (Digeste, 39, 4, 1) compte encore parmi les publicains ceux qui tributum consequuntur.

[66] Dans les cités tributaires qui avaient à envoyer à Rome une somme annuelle fixe, cette somme a dû, dès le principe, être répartie entre les contribuables par les autorités locales ; et même dans celles où les contribuables payaient personnellement l’impôt à Rome, le recouvrement en a été plus d’une fois confié, dès le temps de la République, aux cités. Plus tard, c’est là le mode régulier de perception et les percepteurs de l’impôt d’empire figurent parmi les autorités administratives municipales. Papinien, Digeste, 50, 1, 17, 7. Ulpien, Digeste, 50, 4, 3, 10 (cf. Digeste, 50, 4, 18, 26, de Modestin).

[67] Inscription d’Aventicum (Inscr. Helv. 178) ; de Mascula en Numidie (C. I. L. VIII, 2228) ; de Nacolia dans la province d’Asie du temps de Commode (C. I. L. III, 349). Ces servi exactores impériaux se trouvent donc, comme les procuratores, aussi bien dans les provinces sénatoriales que dans les impériales. Dion, 52, 28, demande pour son État idéal, un impôt général et pour l’administration des recettes l’établissement Partout de fonctionnaires percepteurs.

[68] Tout au moins la quinta et vicesima venalium mancipiorum se présente comme un publicum, c’est-à-dire comme affermée à une société (Marquardt, Handb. 4, 269 = tr. fr. 10, 352). Il n’y a pas de preuve directe de la mise à ferme de la centesima (ou ducentesima) rerum venalium : mais c’était probablement le même impôt, perçu seulement avec des quotités différentes selon le caractère des objets vendus (cf. Hermes, 12. 93).

[69] Il était perçu par voie de mise à ferme sous Trajan, prouve Pline, Ép. 7, 14. Panég. 37. 39. La ferme fut probablement bientôt après remplacée par la perception directe. Hirschfeld a rendu vraisemblable que cette dernière fût introduite par Hadrien (Untersuch. p. 64).

[70] Un tableau remarquable de l’administration d’une mine impériale et des activités enchevêtrées du procurator metallorum et des membres de la, société fermière est fourni par le règlement de la mine de Vipasca (Bruns, Fontes, éd. 6, p. 266).

[71] Fronton recommande au César Marcus, 4, 49, Sænius Pompeianus, qui publicum Africæ redemit, — le même qui est appelé cond(uctor) IIII p(ublicorum) Afri(cæ) dans l’inscription C. I. L. VI, 8588, — cum ratio ejus a domino nostro patre tuo tractabitur.

[72] Tacite, Ann. 13, 50. 51, expose leur subsistance et leur rôle sous le principat. Alors encore elles se composaient en droit exclusivement de chevaliers (Tacite, Ann. 4, 6) ; Hadrien renforça encore l’incompatibilité entre les marchés de l’État et la position de sénateur (Dion, 69, 16).

[73] On trouve, par exemple, nommés, des conductores des mines de fer de Norique (C. I. L. III, p. 11331, des pâturages et des salines de Dacie (op. cit., p. 1136) ; des pâturages de Cyrène (Pline, H. n. 19, 3, 39). Gaius, Digeste, 39, 4, 13, pr. Ce n’est pas ici le lieu de faire un tableau de l’administration des domaines impériaux. J’ai traité dans l’Hermes, 15, 385 et ss. de celle des domaines africains, en exposant spécialement la différence qui sépare les gros fermiers (conductores) des sous-fermiers (coloni).

[74] L’impôt sur les successions et celui sur les ventes profitaient à l’ærarium militare.

[75] Le droit du Digeste connaît déjà cette règle. Pomponius, Digeste, 41, 3, 18. Modestinus, h. t. l. 24. 1.

[76] Exemples Digeste, 19, 14, 13, 1. l. 15, 4.

[77] Tacite, Ann. 13, 51.

[78] Gaius, 4, 32. Cicéron, In Verr. 3, 11, 27. La cognitio du magistrat constituant la forme de procédure des procès des publicains, cette procédure civile, dans laquelle le publicain victorieux reçoit une prime, est exceptionnelle et est peut-être tombée de bonne heure en désuétude.

[79] Digeste, 39, 4 et ailleurs.

[80] Tacite, Ann. 4, 7, sur l’an 23. Dans la même année la province d’Asie porta plainte contre le procurateur impérial de cette province, Lucilius Capito, pour usurpation des pouvoirs des magistrats. Tacite, Ann. 4, 15. Dion, 57, 23, dit textuellement la même chose.

[81] Tacite, Ann., 12, 60. C’est probablement arrivé surtout dans la dernière période du gouvernement de Tibère, la louange que Tacite lui adresse sous ce rapport (note précédente) étant expressément restreinte à la première période.

[82] Suétone, Claude, 12. Tacite, Ann. 12, 60. L’amère diatribe contre l’ordre équestre que joint à cela l’historien sénatorial, en particulier la plainte fondée sur ce que cette décision attribuait à l’ordre équestre en totalité le droit autrefois disputé entre lui et les sénateurs, est plus pathétique que décisive ; car le droit des chevaliers d’occuper les sièges de jurés dans les quæstiones perpetuæ est quelque chose de tout différent du droit des procurateurs de rang équestre de statuer sans jurés dans les procès civils entre le prince et nu particulier. Mais il est absolument exact et caractéristique, aussi bien pour Tacite que pour son temps, que la puissance de l’ordre équestre s’accrut constamment avec celle du principat en même temps que celle de l’ordre sénatorial décroissait proportionnellement. Le blâme adressé à Claude parce que libertos, quos rei familiari præceperat, sibique et legibus adæquavit est tout au moins incorrectement exprimé ; car les procurateurs qui reçurent la juridiction par le sénatus-consulte appartenaient de beaucoup pour la plupart à l’ordre équestre. Hirschfeld, Untersuch. p. 287, le conteste, il est vrai, en invoquant Tacite, Hist. 5, 9 ; mais un cas particulier comme celui d’Antonius Félix ne justifie pas l’allégation de l’auteur. Tacite a évidemment décrit en termes partiaux le pouvoir donné aux procuratores equites Romani, parce qu’il y avait aussi des procuratores liberii.

[83] Les témoignages se rencontrent en grand nombre. Ainsi un compte dressé par le bureau impérial (tabularii) reçoit force légale par la confirmation du procurateur (Gordien, Cod. Just. 10, 1, 2). Autre cas, Digeste, 39, 4, 16, 1, 49, 14, 47, 1. l. 48. l. 50. Les créances contre le fisc, par exemple celles d’aliments, sont aussi portées devant le procurateur (Digeste, 2, 15, 8, 19).

[84] D’après la formule très diplomatique d’Ulpien (Digeste, 1, 16, 9, pr.) : Si fiscalis pecuniaria causa sit, melius fecerit (proconsul), si se abstineat, il faut nécessairement que le gouverneur ait été, dans les provinces sénatoriales, immédiatement et principalement compétent dans toutes les affaires d’impôt, quoique le procurateur ait aussi une compétence concurrente avec la sienne dans les affaires du fisc. Cf. Cod. Just., 2, 26, 2. l. 4 : Si ejus audientiam elegeris. tit. 36 [37], 2.

[85] Nous ne sommes naturellement pas en état d’établir jusqu’à quel point on est allé là dans la concession de la juridiction. II n’est pas attesté, mais il est vraisemblable que les procurateurs adjoints aux societates publicanorum ont eu la juridiction, que, par exemple, le procurator ferrariarum Noricarum tranchait les différends nés entre le fisc et les conductores. [V. aussi l’inscription très instructive pour l’intelligence générale de l’administration des finances, qui montre le procurateur des Gaules statuant entre les mancipes et les negotiatores de la quadragesima, C. I. L. VIII, 11813]. En matière d’administration domaniale, spécialement en Afrique, il y a une hiérarchie entre les procurateurs (Hermes, 15, 397 et ss.) et la juridiction n’a sans doute pas fait défaut à ceux des degrés les plus élevés.

[86] C’est la conclusion à laquelle conduisent les mots de Tacite, Ann., 12, 60. Le droit du procurateur de procéder à une judicis datio (Digeste, 49, 1, 23, 1. Cod. Just. 3, 3, 1) est commun à sa cognitio et à toutes les autres.

[87] Dion, 52, 33. Digeste, 49, 14, 47, 1. 1. 50. Lorsque les illégalités commises par les agents de la perception comportaient l’application de poursuites criminelles, l’affaire était également déférée en général au tribunal impérial.

[88] Quand Ulpien, Digeste, 43, 8, 2, 4, dit que l’interdit ne quid in loco publico fiat ne s’applique pas aux immeubles du fisc, sed si forte de his sit controversia, præfecti eorum judices sont, il ne peut sans doute s’agir que des præfecti ærarii, quoique la désignation dans la forme où nous l’avons ne leur convienne pas parfaitement. Hirschfeld, p. 49, rapporte encore à ceci les procès faits sous Marc-Aurèle devant les præfecti ærarii par les advocati fisci relativement à des bona caduca (Digeste, 28, 4, 3. 34, 9, 12 rapproché de Digeste, 40, 5, 4, 20) et l’importante juridiction sur les caduca est, en effet, sans doute demeurée aux præfecti ærarii, même lorsque les caduca allèrent au fisc au lieu de l’Ærarium. Mais il n’est pas démontré que cette dernière chose eut déjà lieu sous Marc-Aurèle (cf. Hirschfeld, p. 58, note 4). — Ce qui est dit dans les sentences d’Hadrien de Dosithée, c. 3 : Libertum... jussu præfecti ærarii secundum legem Æliam Sentiam in lautumias miserat, ne me parait pas pouvoir être concilié avec ce que nous savons en dehors de là des attributions de ces magistrats ; aucun autre vestige ne conduit à leur attribuer une juridiction pénale.

[89] Digeste, 49, 1, 23, 1. Cod. Just. 3, 3, 1. tit. 13, 1. Les affaires connexes faisaient exception. Cod. Just. 3, 26, 4.

[90] Cod. Just. 1, 54, 2. 10, 8, 4.

[91] Digeste, 1, 19, 3 pr. Cod. Just. 3, 26, 1. 3, 9, 47, 2. Les, procurateurs s’arrogeaient surtout ce pouvoir contre ceux qui étaient accusés d’avoir excité des esclaves à prendre la fuite ou de les avoir cachés chez eux (Collat. 14, 3. Cod. Just. 9, 20, 4). Quand une autre autorité compétente avait prononcé la confiscation ou une amende, l’exécution appartenait assurément au procurateur (Cod. Just. 3, 26, 4. 2. 3. 10, 8, 1). Le procurateur exerce aussi la juridiction domestique qui appartient au prince en qualité de propriétaire sur ses esclaves, comme tout autre droit patrimonial (Tacite, Ann., 4, 7).

[92] Vita Gordiani, 7 (cf. Hérodien, 4, 7, 2). Suétone, Vesp. 16. Vita Pii, 6. Les conflits constants entre les gouverneurs et les procurateurs (cf. Tacite, Agric. 9. Plutarque, Galb. 4) proviennent en grande partie de là. C’est l’ancienne lutte du gouverneur et des sociétés du temps de la République revêtue des forures du principat.

[93] Ainsi, sous Trajan, dans la province de Bithynie et du Pont, le gouverneur fournit, sur les instructions de l’empereur, au procurateur de la province dix beneficiarii et deux à son adjutor, qui est un affranchi (Pline, Ad Traj. 27. 28). Les inscriptions nomment fréquemment des beneficiarii de procurateurs qui ne sont même pas vice præsidis (C. I. L. III, p. 1156).

[94] C’est ce que montre le procès de Capito, Tacite, Ann., 4, 15. Ce n’est là, d’ailleurs, qu’une continuation des mauvaises coutumes du temps de la République. On sait avec quelle fréquence les créanciers romains requéraient dans un pareil but les soldats des proconsuls.

[95] Callistrate, Digeste, 1,19, 3, 1, d’après un rescrit d’Antonin le Pieux : (Procuratores Cæsaris) si quasi tumultuosum vel injuriosum adversus colonos Cæsaris prohibuerint in prædia Cæsariana accedere, abstinere debebit.

[96] Suétone, Gaius, 16. Dion, 59, 9, sur l’an 38.

[97] La relation faite de la chose par Dion pour la première année de Caligula fait penser à une publication annuelle.

[98] Le rationarium ou breviarium imperii, qu’Auguste remit à l’autre consul lorsqu’il crut sa mort prochaine (Suétone, Auguste, 28) et qui fut porté au sénat avec son testament (Suétone, Auguste, 101 ; Tacite, Ann. 1, 11 ; Dion, 56, 33), c’est-à-dire le dénombrement des troupes (Tacite, loc. cit. ; Suétone, 101 ; Dion, 53, 30 ; 56,83), celui des réserves du trésor (Suétone, loc. cit. ; Dion, 56, 33), celui des recettes (Dion, 56, 33 ; Tacite, loc. cit.) et des dépenses (Dion, 56, 33 ; Tacite, loc. cit.), doit sans doute avoir servi de base à ces publications ; mais on n’en a certainement fait connaître alors qu’un extrait sommaire. Rien ne montre peut-être mieux le caractère de notre tradition historique, que le silence de toutes nos autorités ; même de celles qui s’occupent des arcana imperii sur ces comptes rendus publics.

[99] Pline, Panég. 20 : Edicto subjecisti, quid in utrumque vestrum esset impensum. L’itinéraire de Cappadoce et de Cilicie, dont un fragment nous a été conservé, peut avoir fait partie d’une publication semblable (C. I. L. VI, 5076).