JURIDICTION CRIMINELLE. La juridiction criminelle, le droit de souveraineté du peuple romain en matière pénale, .n’est plus exercée par le peuple sous le principat. L’ancienne juridiction du peuple, qui avait subsisté, plus dans la forme que dans le fond, jusqu’à la fin de la République, dans les poursuites politiques des tribuns, disparaît à partir du début du principat et a probablement été écartée en principe dès sa fondation. Toute la justice criminelle est désormais dominée par l’influence impériale, mais cependant sous des formes très diverses. Les autorités criminelles de droit commun en exercice pour Rome et l’Italie et pour les citoyens romains disséminés dans le reste de l’empire sont, pour les procès qui se déroulent à Rome, les préteurs et les autres chefs de questions avec les collèges de jurés, qui leur sont adjoints ; pour ceux qui se passent dans les municipes ou devant les tribunaux provinciaux, les autorités municipales et les autorités provinciales. La composition du tableau général des jurés applicable à tous les procès qui n’en étaient pas spécialement exclus et la réglementation de l’activité de ces jurés d’après les conditions de capacité établies émanaient de l’empereur. Mais le développement de ce système est si étroitement lié avec celui de la classe des chevaliers, que cette matière sera plus commodément traitée dans le chapitre des Chevaliers. — En outre, le prince a le droit, si une condamnation a été prononcée dans un conseil à la majorité d’une voix seulement, de ramener les suffrages à l’égalité et, par conséquent, de provoquer l’acquittement par l’addition de sa voix[1] ; ce doit être par corrélation avec ce droit que les premiers empereurs ont souvent assisté aux débats des jurys criminels[2]. Mais, en dehors de là, le prince ne paraît pas avoir eu d’influence directe sur les tribunaux ordinaires qui n’étaient pas des émanations de ses propres pouvoirs. Les décrets rendus par les magistrats en pareille matière étant probablement soustraits à l’intercession, le prince lui-même ne pouvait légalement les arrêter par les voies ordinaires. Le pouvoir discrétionnaire accordé au prince sous la forme de puissance tribunicienne pouvait intervenir même alors, c’est incontestable ; mais on ne peut établir qu’il en ait été fait application à des jugements romains. Quand Auguste a annulé le jugement rendu par une ville libre sur un de ses citoyens[3], il a bien empiété par là sur la souveraineté de cette ville ; mais il n’a pas fait autre chose que ce qui avait été fait bien souvent, absolument de la même façon, au temps de la République, en face de cités ayant une autonomie dépendante. Nous avons précédemment montré qu’il est vraisemblable que le droit de grâce n’appartenait pas, dans la première période de l’Empire, au prince, mais au sénat. Il y a quelque chose qui a eu une portée bien plus étendue que l’influence donnée au prince par la nomination des jurés et par sa voix de juré sur la procédure criminelle ordinaire ; c’est qu’à partir de la création du principat[4], on voit arriver à l’existence une justice impériale propre et supérieure, du même caractère que celle des consuls et du sénat et allant de pair avec elle[5]. C’est l’ancien imperium judiciaire royal, qui est par là ramené à l’existence en matière civile et criminelle et qui est, conformément au principe de la dyarchie, exercé intégralement et pareillement par les deux organes des pouvoirs souverains du peuple, les consuls et le sénat, d’une part, et le prince de l’autre[6]. La division de la justice impériale en départements relatifs aux affaires civiles et criminelles est, au sens propre, une abstraction, et, toute indispensable qu’elle soit, on doit toujours avoir présent à l’esprit que les deux ont ordinairement été réunis dans la pratique. Il a été précédemment question du haut tribunal des consuls et du sénat et ses rapports avec le prince ont aussi été déterminés alors. Quelque instrument docile que cette autorité criminelle ait constitué en fait pour le principat, elle en est pourtant indépendante en droit, sauf en ce que le prince y participe naturellement comme membre ou comme président du sénat[7] et que l’intercession tribunicienne permise à l’empereur contre tout sénatus-consulte peut s’appliquer là. Ce qui a été remarqué pour le tribunal sénatorial est généralement vrai du tribunal impérial corrélatif. Endroit, tout citoyen et tout sujet peut, à raison de n’importe quel délit, être déféré au tribunal de l’empereur comme à celui du sénat. La preuve que les sénateurs eux-mêmes étaient justiciables de ce tribunal d’après la constitution d’Auguste résulte en particulier du procès de Pison sous Tibère[8]. Ce procès et tous les faits du temps du principat de Tibère montrent aussi que le sénateur accusé n’était aucunement dans une condition pire devant le tribunal de l’empereur que devant celui du sénat ; on peut même douter que ces orgies de meurtres judiciaires auxquelles s’est livrée la justice du sénat sous Tibère eussent été possibles dans une procédure où la responsabilité morale et politique incombait exclusivement et personnellement à l’empereur[9]. A la vérité, l’abus cruel fait de la justice impériale par les trois derniers princes de la dynastie Julio-Claudienne ne le cède en rien à ce qui s’était passé sous Tibère ; et cet abus amena, lorsqu’un gouvernement plus ordonné et plus modéré commença à exister sous les Flaviens, les efforts faits pour soustraire à la justice impériale les procès des sénateurs, notamment les procès capitaux des sénateurs[10]. En fait, depuis Nerva, des assurances dans ce sens ont été données au sénat à leur arrivée au pouvoir par les princes les plus doux ou par ceux qui étaient sous la pression de circonstances spéciales[11], et même, à, partir de Sévère, des sénatus-consultes formels ont porté cette règle et ont été acceptés par l’empereur[12]. Depuis que l’exemption des sénateurs de la justice criminelle du prince en matière capitale a été ainsi établie législativement, on a considéré comme une violation de la constitution la peine de mort infligée par le prince à un sénateur sans consultation du sénat, tout au moins quand cet acte n’était pas ensuite excusé devant le sénat comme provoqué par la force des circonstances[13]. Cependant, il n’y avait dans cette promesse guère plus qu’un engagement moral[14], semblable à la déclaration faite à sa place par des princes plus intelligents de ne vouloir exécuter aucun innocent[15]. En réalité, cette barrière n’a été respectée que dans les périodes où l’accusé aurait pu attendre une justice impartiale du tribunal impérial lui-même ; ce n’est pas l’âge d’or du gouvernement du sénat qui a commencé au règne de Sévère, c’est au contraire la phase de transition qui a conduit de la dyarchie d’Auguste à l’absolutisme de Dioclétien ; l’influence pratique, qui avait appartenu à la justice du sénat dans la première période du principat, disparaît en même temps que le sénat acquiert l’immunité légale. Si, en droit, tout procès criminel pouvait être intenté devant le prince, en fait, cela ne s’est présenté que dans une mesure limitée durant la première période de l’Empire. Ni le sénat ni l’empereur n’étaient obligés d’accepter le jugement d’un procès qui leur était soumis[16]. Et c’est là le trait fondamental par lequel les deux procédures se révèlent comme exceptionnelles en face de la procédure des questions. Le point de savoir si un procès doit se débattre devant le sénat ou, l’empereur ou, au contraire, être renvoyé à suivre les voies ordinaires, est une question laissée à la décision spéciale des deux tribunaux supérieurs, le tribunal des consuls et du sénat l’emportant sur la quæstio, et le tribunal impérial sur les deux. Quand un procès est intenté à la fois devant l’empereur et les consuls, l’empereur a à voir s’il veut l’accepter ou le renvoyer aux consuls et au sénat[17] ; et les tribunaux des questions doivent avoir été avertis de repousser toute affaire dont se chargeait l’un des deux tribunaux supérieurs. Si, cependant, les débats avaient commencé devant-le moins élevé des tribunaux, la priorité doit probablement avoir déterminé la compétence[18]. En général, la question de savoir si la procédure dirigée par l’empereur en personne, — il sera question plus loin de celle conduite par voie de délégation, — devait intervenir, parait avoir été tranchée, moins par des considérations juridiques[19] que par des considérations de politique et de personnes. Cette juridiction a, sans doute, été, en somme, appliquée peu souvent, ainsi bien plus rarement que la juridiction d’exception des consuls et du sénat. Les affaires minimes et les délits de gens de basse condition ne lui ont naturellement pas été facilement déférés[20]. Les bons gouvernants ne jugeaient pas d’ordinaire personnellement les accusations relatives à des crimes dirigés directement contre l’empereur ou à des crimes de magistrats. Mais les accusations dirigées contre des officiers ou des centurions, en particulier celles relatives à des infractions purement militaires, ressortissaient proprement du tribunal de l’empereur : on relève pour Trajan qu’il accueillit une poursuite d’adultère exclusivement parce que la discipline militaire s’y trouvait en jeu[21]. A cela se rattache encore le rétablissement prononcé par Auguste dans des temps difficiles de la peine capitale contre ceux qui se soustrayaient au recrutement[22]. La compétence de l’empereur s’étend également aux illégalités commises par les particuliers qu’il emploie dans l’administration, notamment en matière financière, quoique les autres formes de poursuites ne fussent pas par là exclues en principe[23]. En outre, Auguste parait avoir fait de préférence statuer son propre tribunal, dans le cas où des crimes jugés graves, commis dans les hautes sphères sociales, exigeaient, d’une part, un examen approfondi des faits, et, d’autre part, rendaient sujette à objection même la pseudo-publicité des délibérations du sénat[24]. La procédure suivie devant l’empereur, qui s’appelle, comme celle suivie devant le sénat, sans distinction entre affaires civiles et criminelles, du nom technique de cognitio[25], est exclusivement une procédure suivie devant le magistrat et se distingue, par l’exclusion du jury, aussi bien de la procédure ordinaire des questions que de la procédure sénatoriale et consulaire ; car, tandis que les chefs de questions sont liés par le vote de leur conseil et les consuls par celui du sénat, l’empereur joue le rôle de, juge unique et il statue lui-même[26] ce qui, naturellement, n’exclut, pas l’assistance d’assesseurs appelés à le conseiller[27]. Il n’y a pas besoin devant le tribunal impérial d’acte d’accusation en forme semblable à celui requis devant les autres tribunaux ; l’affaire est considérée comme en état, quand l’empereur en évoque à lui l’instruction, soit en vertu de la connaissance propre qu’il en a, soit à la suite de la dénonciation d’un adversaire, soit en vertu de la supplique du défendeur ou de ses représentants[28]. Dans les débats, la publicité est exclue au moins fréquemment, peut-être même en principe[29], et cette exclusion a ici une toute autre portée que devant le tribunal sénatorial et consulaire, dont la composition entraînait forcément une pseudo-publicité. La justice impériale n’est naturellement pas attachée au sol de Rome ; elle peut être rendue partout où se trouve l’empereur[30] ; ce qui n’est, d’ailleurs, aucunement inconciliable avec la suspension de son fonctionnement régulier quand l’empereur quitte la capitale[31]. En ce qui concerne les règles et les formes légales, les règles de la procédure criminelle ordinaire, ses divisions des infractions, ses règles de preuves et de gradation des peines s’appliquent, en général, à la justice impériale comme à la, justice d’exception du sénat[32] ; mais le prince est encore plus absolument au-dessus du droit pénal et de la procédure criminelle que ne sont les consuls et le sénat, et, par conséquent, il est libre de s’en écarter à sa guise. Il peut exécuter la loi ; mais il peut aussi, selon les circonstances, aggraver ou atténuer la peine ; il peut aussi, à son gré, écarter même les règles de procédure qui sont en elles-mêmes compatibles avec le caractère de la justice impériale. L’exécution de la peine suit, s’il plaît au prince, immédiatement son prononcé. Nous n’avons jusqu’à présent, étudié la justice impériale qu’en la supposant rendue personnellement par le prince. Mais il est aussi, tout comme le sénat, en droit de la rendre par voie de délégation. Il a usé de ce pouvoir, soit par voie de délégation spéciale, soit par voie de délégation générale. La délégation d’une affaire criminelle isolée à un commissaire spécial impérial (judex datus)[33] ou à un magistrat arbitrairement choisi[34] ne s’est pas produite fréquemment. En général le prince a repoussé les procès qu’il ne voulait pas juger lui-même et les a renvoyés par là aux autres tribunaux compétents. Quand une pareille délégation a eu lieu, les règles sur la délégation, que nous étudierons à propos de l’appel civil, paraissent avoir été appliquées aux affaires criminelles, dans la mesure où elles pouvaient s’y accommoder. Les délégations générales du droit éminent de l’empereur ont eu une bien plus grande importance. C’est sur elles que se fondent en grande partie la juridiction pénale des gouverneurs et exclusivement celles du præfectus urbi et des præfecti prætorio. Nous avons déjà traité précédemment de la délégation faite aux gouverneurs de provinces de la juridiction criminelle impériale. Le droit propre de punir appartenant aux gouverneurs était, avons-nous vu, restreint aux procès contre les non citoyens et aux poursuites non capitales contre les citoyens, et encore certaines catégories de ces dernières peuvent-elles avoir été enlevées au gouverneur. Mais l’envoi de tous les citoyens romains accusés d’un crime capital de toutes les provinces de l’énorme empire à Rome n’a, même restreint à eux, sans doute jamais été d’une pratique absolument générale et il a nécessairement paru devenir toujours plus impraticable à mesure que le droit de cité s’est étendu. L’expédient mis en pratique était tiré de ce que l’empereur, qui était compétent dans toutes ces affaires, sinon exclusivement, au moins en concours avec les autres tribunaux, et à la juridiction duquel il était fait appel, au moins implicitement, quand les citoyens faisaient provocation du tribunal provincial incompétent au tribunal compétent de la capitale, déléguait son droit de prononcer la peine capitale (jus gladii) à tous les gouverneurs, tant de ses provinces propres que des provinces sénatoriales, en restreignant l’envoi à Rome à certaines catégories de personnes, telles notamment que les sénateurs, les officiers supérieurs et les décurions des municipes. Des délégations semblables furent aussi faites pour Rome et l’Italie. Nous aurons à expliquer, dans le chapitre consacré à la Police de la capitale, que, non pas, il est vrai, sous Auguste ; mais déjà sous son successeur, il fut créé une haute fonction administrative propre, la præfectura urbis, pour la sûreté de Rome et de l’Italie, et qu’elle reçut sur la capitale et ses environs immédiats une juridiction générale qui commença par concourir avec celle des tribunaux ordinaires et qui finit par la supplanter. Le præfectus urbi n’ayant pas de pouvoir indépendant de magistrat, étant, au contraire, désigné par son nom même comme un représentant, le fondement juridique de son, droit de juridiction répressive comme de sa compétence en matière d’appels civils, ne peut être cherché que dans une délégation générale des pouvoirs prépondérants de l’empereur. Il n’est assigné d’aucun côté de limites légales à l’intervention dans là justice de cette fonction administrative élevée ; ce qui, naturellement, ne veut pas dire que le préfet ne fût pas invité par ses instructions à n’agir, dans certains cas et à l’encontre de certaines personnes, qu’après avoir prévenu l’empereur. Des mandats semblables, quoique restreints à leurs compétences spéciales, ont été donnés, verrons-nous dans les chapitrés qui leur seront consacrés, au præfectus annonæ et au præfectus vigilum de la capitale. Le caractère du mouvement quia transformé le principat en monarchie demandait que chaque circonscription administrative reçut son dépositaire spécial de la juridiction criminelle impériale, dépendant exclusivement de l’empereur. Ces dépositaires furent, pour les provinces, les gouverneurs au moyen du jus gladii qui leur avait été conféré, et, pour la ville de Rome, son préfet. Les pouvoirs de ce préfet se sont, probablement, à l’origine, étendus en droit à toute l’Italie, ainsi que nous verrons plus loin en nous occupant de l’administration de l’Italie ; il doit donc aussi avoir d’abord joué en Italie le rôle de haut justicier impérial. Mais l’autorité des préfets attachés à la capitale se faisait probablement peu sentir dans les parties éloignées de l’Italie, et telle a sans doute été la raison pour laquelle le prince, quand il a eu besoin d’intervenir en Italie dans l’intérêt de la sécurité publique, s’est principalement servi pour cela d’autres magistrats. Quoique les commandants de la garde privée du prince ne fussent pas positivement chargés, comme le præfectus urbi, de l’exercice de la juridiction criminelle impériale, ils prirent cependant, comme étant les instruments immédiats du prince pour le maintien de l’ordre public dans la capitale et en Italie, une position jusqu’à un certain point semblable à celle du préfet de la ville. Ils peuvent être de bonne heure intervenus sur un mandat spécial du prince, en cas de nécessité ; c’est-à-dire surtout en Italie, et c’est probablement ainsi qu’il est arrivé qu’ils soient régulièrement associés à l’exercice de la juridiction pénale en Italie, qu’elle soit même partagée entre eux et le préfet de Rome, peut-être dès le IIe siècle[35] et certainement dès le début du nie : le préfet de la ville l’exerce à Rome et autour de Rome jusqu’à la centième borne milliaire des différentes voies partant de Rome, et les préfets du prétoire l’exercent au-delà de cette limite[36]. Les préfets du prétoire doivent donc avoir reçu, sous Sévère ou avant lui, relativement à cette portion du territoire, un mandat analogue à celui qu’avait depuis longtemps le préfet de la ville sur Rome et l’Italie en général. L’appel et les institutions voisines au moyen desquels nous verrons le prince s’introduire dans la juridiction civile ne jouent dans la procédure criminelle qu’un rôle relativement secondaire. Assurément, il y est souvent arrivé des incidents analogues à la relation de la procédure civile, par laquelle le juge compétent consulte le prince sur un procès pendant[37], quoique, en pareil cas, le magistrat renvoie plus fréquemment l’accusé à Rome pour y être jugé. Mais il n’y a, dans la procédure criminelle, guère de place pour l’appel proprement dit contre le décret du magistrat, surtout dans la première période. De même que les jugements rendus par le magistrat dans la procédure criminelle ordinaire en vertu du verdict des jurés ne pouvaient légalement être atteints par le prince, les actes par lesquels le magistrat organisait l’instance peuvent avoir être soustraits à l’appel : tout au moins on ne trouve là aucun vestige à appel. L’empereur peut intercéder contre les jugements criminels des consuls et du sénat comme contre tout autre sénatus-consulte ; il est inadmissible d’en faire appel devant lui. Même en matière de justice provinciale, quand le gouverneur était compétent, on ne peut guère avoir admis d’appel au prince, on ne peut tout au moins guère en avoir admis dans la forme d’un appel suspensif obligeant le gouverneur à attendre la décision en second ressort pour exécuter la condamnation. Quant aux procès pour lesquels il n’était pas personnellement compétent, ils étaient soumis de droit à la compétence de l’empereur ; il ne peut donc être question pour eux d’un appel faisant réformer en seconde instance un jugement rendu, quoique la déclination par l’accusé du tribunat provincial incompétent et son appel aux autorités de la capitale, et notamment à l’empereur, soient désignés du nom d’appel. La décision rendue par le prince en second ressort en matière pénale ne peut avoir eu une véritable importance que dans le cas où la justice pénale se fonde sur une délégation impériale. Lorsque la juridiction capitale, que l’empereur possède, concurremment avec le sénat et les questions sur les citoyens romains sans distinction de résidence, n’était pas exercée par lui à Rome contre les accusés qui s’y trouvaient ou qui y avaient été envoyés des provinces, il déléguait le jus gladii aux gouverneurs, au préfet de la ville et à d’autres magistrats ; et si ces délégués prononçaient une peine contre un citoyen romain, appel pouvait être formé, selon les règles générales, du délégué au déléguant et, par conséquent, celui qui ne possédait pas le droit plus fort de décliner la compétence du tribunal pouvait ainsi faire appel à la décision personnelle de l’empereur[38]. La règle posée par un écrivain de ce temps, selon laquelle il n’y a pas dans la monarchie de tribunal sans appel en dehors du tribunal, impérial et de celui des consuls et du sénat[39], n’est pas autre chose que l’application de ce principe de droit à la justice criminelle déléguée. — Cet appel est formé devant l’empereur seul et non devant le sénat ; car c’est du prince que les gouverneurs des provinces sénatoriales eux-mêmes tiennent leur jus gladii. Mais, la délégation impériale étant destinée à décharger le déléguant, la révision des sentences rendues par les délégués ne peut, en pratique, avoir émané de l’empereur en personne qu’exceptionnellement. Môme lorsque le prince ne faisait pas la délégation en écartant d’avance l’appel, ce qui était possible et doit avoir eu lieu fréquemment, il n’était aucunement forcé en droit d’accueillir les appels, quoiqu’il ne pût guère s’y soustraire absolument. Lorsque, surtout à partir du IIIe siècle, la masse de ces appels s’augmenta avec le nombre des délégations, d’une part, et que, d’autre part, la valeur personnelle du prince, sur laquelle l’appel faisait un grand fond, déclina en même temps, lorsque la monarchie absolue, arrivant avec une rapidité toujours plus impétueuse, amena à sa suite ses conséquences fatales, l’incompétence individuelle du maître absolu et la nécessité qu’il fût l’âme unique de tout le corps politique, le résultat réel fut la brusque substitution à son propre gouvernement de celui de son entourage personnel, en premier lieu des commandants de sa garde. Nous renvoyons, pour leur condition générale, au chapitre consacré à leur droit de représenter le prince et devons ici seulement en relever les conséquences relatives au droit criminel. Plus l’a juridiction criminelle exercée par le prince devint, d’une institution facultative, un dernier, degré de juridiction indispensable, plus elle passa de ses mains dans d’autres, dans celles des præfecti prætorio. A la vérité, il n’est pas fait appel devant eux de la sentence du préfet de la ville qui leur est coordonné ; au contraire, ce magistrat, duquel il ne peut être fait appel qu’à l’empereur en personne, statue en fait sans appel. Mais l’appel des sentences criminelles des gouverneurs de provinces va, dès le milieu du IIIe siècle, aux præfecti prætorio[40] ; et de même que les accusés envoyés des provinces à Rome pour y être jugés étaient déjà mis sous leur garde dans la première période de l’Empire[41], la condamnation de ces personnes leur a passé, au IIIe siècle par suite de la disparition de la procédure des questions[42]. Cette intervention des commandants de la garde est essentiellement différente de la délégation de la juridiction impériale que nous avons rencontrée précédemment. Le préfet ne statue pas en pareil cas comme un mandataire, duquel on peut appeler au prince, mais comme un représentant du prince et au nom du prince, ou, selon l’expression employée plus tard, à la place du prince[43]. C’est pourquoi le droit de prononcer la déportation qui, impliquant un pouvoir s’étendant sur tout l’empire, fait défaut à tous les magistrats, à l’exception du prince ou a été, tout au plus, conféré à l’époque récente à des magistrats isolés par des lois spéciales, a été compris dès le principe dans les pouvoirs répressifs du commandant de la garde[44], parce que ces derniers ne sont autre chose que ceux de l’empereur lui-même. Une autre particularité qui confirme cette situation pour ainsi dire monarchique des præfecti prætorio c’est l’apparition progressive d’un degré de juridiction intermédiaire qui s’intercale entre eux et les autres tribunaux les plus élevés, comme eux-mêmes s’intercalent entre ces tribunaux et celui de l’empereur, ce sont les juges statuant vice præfectorum prætorio[45], origine des futurs vicarii præfectorum prætorio. Seulement la division en diocèses, par laquelle seuls ces vicaires acquirent une place fixe dans la hiérarchie des fonctionnaires, fait défaut jusqu’à Dioclétien ; auparavant, ces vicaires n’ont pu sis rencontrer qu’à titre d’expédients extraordinaires. Le principe qui vient d’être développé exige logiquement et pratiquement que le præfectus prætorio lui-même statue sans appel. Les jurisconsultes du nie siècle s’élèvent en sens contraire, et ils n’ont pas tort en ce que le pouvoir de représentation reconnu, au sens indiqué, aux préfets de la garde, est en contradiction avec le caractère du principat d’Auguste ; il y a aussi eu, à titre isolé, des appels admis du præfectus prætorio au prince[46]. Mais le fait même qu’il ait pu naître à ce sujet une controverse, montre l’absence pratique d’appel ; et lorsque la monarchie nouvelle se consolida avec Constantin, le principe de l’exclusion de l’appel du seul tribunal statuant véritablement à la place de l’empereur, de celui du præfectus prætorio fut formellement sanctionné par une constitution de l’an 331, en même temps que l’appel au prince fut permis de toutes les autres autorités élevées, en particulier du préfet de la ville. |
[1] Dion, 51, 19, sur l’an 724. On ne connaît pas d’application de ce droit.
[2] Il y a quelque chose de plus caractéristique que les exemples isolés de pareille assistance (Tacite, Ann. 2, 34) ; c’est la remise des termes judiciaires prononcée en l’an 16 à raison de l’absence projetée par l’empereur (Tacite, Ann. 2, 35).
[3] Il déclara (Bull. corr. Hell. 7, 62), en 748 de Rome, après instruction, un jugement criminel rendu par les autorités de la ville libre de Cnide sur un de ses citoyens entaché de partialité et en provoqua l’annulation. Ce n’est pas là un appel, le tribunal de Cnide n’étant pas un tribunal romain. Au reste, l’affaire vient devant l’empereur en vertu d’un psephisma des Cnidiens, dans lequel ils le priaient probablement en la forme de statuer.
[4] Nous n’avons pas de témoignage positif sur l’origine de ce droit ; mais il n’est pas seulement requis par le caractère du principat ; il a déjà été exercé par les premiers empereurs. Cf. sur Auguste, Suétone, Auguste, 33 ; sur Tibère, par exemple, Tacite, Ann. 6, 10 ; Suétone, Tibère, 62.
[5] Voir les termes de Dion, dans son énumération des droits monarchiques du prince romain, 53, 17. Peut-être y a-t-il dans ces mots une indication que le droit de punir impérial se fondait pour la ville sur une loi spéciale ; pour les provinces, il aurait pu être déduit de son imperium proconsulaire. Mais la juridiction impériale proconsulaire se confond dans le droit de punir impérial qui est plus général et plus fort.
[6] La double juridiction suprême du principat ne peut être rattachée au judicium populi de la République, d’une part parce qu’on n’y trouve aucun vestige de l’idée de recours en grâce qui est l’idée fondamentale de ce dernier, d’autre part, parce que la justice du peuple de la République est étrangère à la juridiction civile.
[7] Non seulement cela arrive quand le prince occupe la présidence en qualité de consul ; mais il peut aussi présider une pareille séance judiciaire en vertu de son droit propre de relation.
[8] Tacite, Ann. 3, 10. Dion, 53, 17, le reconnaît aussi.
[9] Il ne faut, d’ailleurs, pas pour cela approuver le langage de Dion selon lequel, 67, 2, la justice impériale et la justice sénatoriale auraient forcément conduit au même résultat sous de tout à fait mauvais empereurs, le sénat n’étant dans la main du prince qu’un instrument sans volonté. Il n’y a pas d’instrument sans volonté. Il est également caractéristique des véritables despotes, qu’ils se soient toujours servis principalement de la justice impériale et de Tibère qu’il ne l’ait fait que d’une manière secondaire et ait surtout abusé de la justice sénatoriale.
[10] La première trace de cette tendance est dans la conduite de Titus qui admit bien des procès capitaux contre des sénateurs (Suétone, Tibère, 9 ; Dion, 67, 2), mais usa de clémence et ne prononça pendant la brève durée de son règne aucune sentence capitale contre un membre du sénat (Dion, 66, 19), on plutôt cette conduite de Titus a été relevée dans un esprit de tendance par les écrivains qui plaidaient pour l’émancipation’ du sénat de la justice impériale. Domitien refusa de faire décider par un sénatus-consulte que l’empereur n’avait pas la juridiction capitale sur ses pairs (Dion, 67, 2).
[11] Nerva, tout faible qu’il fut, ne laissa pas le sénat délibérer sur ce point ; mais il déclara sous la foi du serment dans le sénat assemblé ne vouloir prononcer de jugement capital contre aucun sénateur (Dion, 68, 2). Hadrien suivit son exemple sous la pression de l’émotion produite, dans l’opinion par ses premiers actes de gouvernement ; mais Marc-Aurèle ne le fit pas, malgré ses efforts pour éviter la condamnation capitale de sénateurs (Vita, 10, 25).
[12] Dion, 74, 2. Vita Severi, 7. Le tableau de fantaisie d’un gouvernement total du sénat, placé par Dion, 52, 31, dans la bouche de Mécène, contient même l’exemption des sénateurs et de leurs femmes et enfants non seulement de la juridiction capitale, mais de la juridiction quelconque de l’empereur. Cette exposition est caractéristique pour le temps d’Alexandre Sévère et l’idéal du monde sénatorial d’alors ; mais elle est aussi éloignée de la réalité de ce temps lui-même et aussi de celui d’Auguste que la restitution des affaires étrangères au sénat et toutes les autres belles choses avec lesquelles le privilège de juridiction des pairs apparaît chez Dion, non pas au reste dans le récit, mais seulement dans les conseils d’un sage politique du vieux temps.
[13] Dion, 79, 4, rapproché de 76, 5.
[14] C’est ainsi qu’il est dit d’Hadrien dans sa Vita, c.7 : In senatu excusatis quæ facta erant (exécution de plusieurs sénateurs considérés) juravit se numquam senatorem nisi ex senatus sententia puniturgm. Dion, 69, 2, et le fait qu’il a violé ce serment est invoqué contre sa consécration (Dion, 70, 1). Le sénatus-consulte postérieur procéda comme pour l’abolition de la royauté et de la dictature et menaça de mise hors la loi l’empereur et tous autres qui agiraient à son encontre, ainsi que, suivant l’usage de temps, leur postérité (Dion, 74, 2). Mais le serment et la mise hors la loi interviennent précisément, avons-nous déjà montré, lorsqu’il est impossible de créer un véritable lien légal.
[15] Ainsi Trajan (Dion, 68, 5) et Pertinax (Dion, 73, 5). On loue précisément le premier, ut omni ejus ætate unus senator damnatus sit, atque is tamen per senatum ignorante Trajano (Eutrope, 8, 4).
[16] C’est ce que montre, avant tout, le procès de Piso ; v. de plus Dion, 56, 26, où Auguste refuse d’évoquer devant lui un procès de meurtre parce que Germanicus s’est chargé de la défense de l’accusé. — Pline, Ép., 6, 31, 4.
[17] Cela s’appelle relationem ou causam ad senatum remittere. Pourtant il se peut que les consuls, même quand l’action n’était formée que devant le sénat, aient eu, dans certaines conditions, le pouvoir et même le devoir de demander à l’empereur s’il fallait donner suite à la procédure devant lé sénat. — La règle selon laquelle le jugement sénatorial ne peut avoir un rôle préjudiciel par rapport à la cognitio Cæsaris (Pline, Ép. 7,6, 6. 14) est une chose différente.
[18] On peut, au moins, invoquer dans ce sens les rapports du tribunal du præfeclus urbi, qu’il faut regarder comme impérial, avec la quæstio, dont nous nous occuperons dans le chapitre de la Préfecture de la ville.
[19] Cependant cela se présente aussi.
[20] Vita Marci, 24. Dans Pline, Ép. 6, 31, Trajan statue sur un Éphésien de distinction arrivé au droit de cité romaine. En droit, le rang ne fait pas naturellement d’obstacle ; on rapporté d’Auguste qu’il jugea des plébéiens dans des affaires de majesté (Suétone, Auguste, 51).
[21] Pline, Ép., 6, 31. L’accusation était dirigée contre un centurion accusé d’avoir séduit la femme de son tribun.
[22] Lorsque après la défaite de Varus, la confiscation des biens elle-même ne fut plus une arme suffisante, Auguste fit exécuter quelques réfractaires (Dion, 56, 23).
[23] Tacite, Dial. 9. Tacite, Ann. 13, 33. Dion, 60, 33.
[24] Suétone, Auguste, 33, cite deux cas, qui sont des cas de meurtre et de faux testament.
[25] Par exemple Tacite, Ann. 3, 10. Pline, Ép. 6, 22. Ép. 31, 2. 7. 7, 6, 6. 9. 14, et surtout Suétone, Nero, 15, où jus dicere et cognoscere sont mis en opposition.
[26] Lorsqu’il s’agit de savoir si Piso doit être jugé par le sénat ou par l’empereur, il déclare préférer la seconde juridiction (Tacite, Ann. 3, 20).
[27] Le consilium impérial fera plus loin l’objet d’un chapitre spécial. Sur le bureau impérial a cognitionibus, cf. Hirschfeld, Untersuch. p. 20 et 99. Mais il n’a certainement pas été créé seulement par Claude, comme pense Hirschfeld : il est, au contraire, aussi ancien que la justice impériale. Il se rencontre d’abord dans Sénèque, Apocolocynyosis, in fine, où Claude est attribué à l’affranchi d’Eaque, Menander, ut a cognitionibus esset, en sorte qu’Eaque joue là le rôle de l’empereur, Menander celui des affranchis impériaux a cognitionibus que l’on rencontre fréquemment (C. I. L. VI, 8628 et ss.) et Claude celui d’un de ses esclaves auxiliaires (comme, par exemple C. I. L. VI, 8634). Dans des inscriptions du IIIe siècle (C. I. L. II, 1085, du temps de Sévère ; VIII, 9002, ou utrubique appartient à ce qui suit. 9360), on trouve à sa place un fonctionnaire de rang équestre, probablement, comme pense Hirschfeld, loc. cit., l’έπιτιτεταγμένος ταΐς δίκαις impérial de Philostrate, Vita soph. 2, 30.
[28] Cela s’appelle cognitionem (aussi judicium) recipere (Tacite, Ann., 14, 50 ; Pline, Ép. 6, 22), suscipere (31), exdipere (Tacite, Ann. 3, 10).
[29] Sénèque, De clem. 1, 15, raconte qu’Auguste joua le rôle d’assesseur dans un tribunal criminel domestique. Le procès contre Cinna (op. cit. 1, 9) devait aussi évidemment avoir lieu dans la maison du prince. Néron déclare à son avènement non se negotiorum omnium judicem fore, ut clausis unam intra domum accusatoribus et reis paucorum potentia grassaretur (Tacite, Ann. 13, 4). Le jugement de Pison et de des complices eut lieu dans le palais. Les procès que Trajan juge dans sa villa de Centumcellæ (Pline, Ép., 6, 31) sont tous des procès criminels : Marc-Aurèle instruisait toujours les affaires criminelles des sénateurs in secreto, le jugement seul étant rendu en public (Vita, 10). Je cite seulement les procès tels que celui d’Asiaticus intra cubiculum (Tacite, Ann. 14, 2. 13, 4). Il est donc vraisemblable que dans les procès criminels impériaux, au moins pour les accusés de distinction, la publicité était en général exclue. Le biographe de Marc-Aurèle, loc. cit., et Dion, 55, 7, indiquent qu’on procédait autrement pour les infractions vulgaires. Les nombreux textes où il est question de publicité de la justice impériale se rapportent probablement surtout à la justice civile.
[30] Pline, Ép., 6, 31. Vita Veri, 8.
[31] Pline, Ép. 6, 34, 4.
[32] L’image la plus vivante du fonctionnement normal de pareils procès criminels nous est fournie par la relation de Pline le Jeune (Ép. 6, 31) des diverses affaires criminelles que Trajan a décidé dans sa villa de Centumcellæ et dans lesquelles Pline faisait partie du conseil. Le dénonciateur est appelé non seulement delator, mais accusator, et peut même être condamné pour calumnia ; comme sous tous les autres rapports, la justice impériale æ rattache par le système accusatoire aux formes de la justice ordinaire.
[33] Pline, Ép. 7, 6, 8 : Mater amisso filio... libertos ejusdem eosdemque coheredes suos falsi et veneficii reos detulerat ad principem judicemque impetraverat Julium Servianum. Le procès est ensuite repris à raison de la découverte de nouvelles preuves et renvoyé à Suburanus. Je ne connais pas d’autres exemples.
[34] Auguste fait juger l’affaire de Cnide par le proconsul d’Asie d’alors, Asinius Gallus, et l’audition des témoins a lieu dans toutes les formes. Quand sous Commode, un sénateur accusé de crime de majesté est renvoyé aux præfecti prætorio pour être interrogé et sans doute aussi pour être condamné par eux (Vita Severi, 4), il faut sans doute penser encore là à un mandat spécial, qui est intervenu à la vérité assez fréquemment pour avoir une action générale sur la situation des præfecti prætorio.
[35] Il faut probablement rapporter à ce pouvoir l’avertissement adressé sous Marc-Aurèle, sur la plainte des fermiers des troupeaux impériaux, contre les soustractions de bétail des magistrats communaux de Bovianum et de Sæpinum, par les præfecti prætorio à ces derniers, ne necesse sit recognosci de hoc et in factum, si ita res fuerit, vindicari (C. I. L. IX, 2438).
[36] Ulpianus, l. VIIII de officio proconsulis (écrit sous Caracalla ; Collat. 14, 3, 2) : Jam eo perventum est constitutionibus, ut Romæ quidem præfectus urbis solus super ea re (rapt d’êtres humains) cognoscat, si intra miliarium centesimum sit in via commissa. Enimvero si ultra centesimum, præfectorum prætorio erit cognitio, in provincia [vero] præsidum provinciarum. C’est là probablement le seul texte, dans lequel apparaisse nettement la délimitation des compétences. Les témoignages des pandectes doivent être utilisés avec une grande prudence, parce qu’ils peuvent facilement être interpolés. La limite de la compétence du præfectus urbi est confirmée, en dehors des témoignages du temps postérieur à Dioclétien, par Ulpien (Digeste, 1, 12, 1, 4, d’après lequel le pr. doit être entendu ou modifié) et par Dion, 52, 21, à la vérité dans les conseils de Mécène. Le second paraît vouloir désigner l’action des præfecti prætorio comme insuffisante, en mettant dans la bouche de son Mécène le conseil de faire administrer l’Italie au-delà de la 1000 borne miliaire par un gouverneur comme les provinces ; car les autorités urbaines ne suffisent pas.
[37] Par ex. Digeste, 48, 15, 6, pr. 49, 1, 1, 1.
[38] Voir le conseil du Mécène de Dion à Auguste (52, 33). Il s’agit là, en première ligne, des affaires criminelles, montre le rapprochement de ces procès d’appel avec les procès exceptés qui concernent la vie ou l’honneur des chevaliers, des centurions et des particuliers les plus élevés, c’est-à-dire des décurions. Les præfecti prætorio (qui vont été intercalés que par une traduction fausse) ne sont pas nommés par Dion parmi les juges en premier ressort, parce qu’il ne veut pas connaître leur juridiction sur l’Italie ; les sénateurs ne le sont pas parmi les accusés, parce, selon Dion, le sénat seul a compétence sur eux.
[39] Dion, 52, 33.
[40] Un rescrit de Gordien III de l’an 234 (Cod. Just. 9, 2 6) renvoie un provincial condamné aux mines par le gouverneur à faire valoir devant les préfets du prétoire les motifs pour lesquels il prétend que la sentence est nulle. — Quand Alexandre Sévère attribue le rang sénatorial aux préfets, ne quis non senator de Romano senatore judicaret (Vita, 21), il ne s’agit peut-être pas autant de leur juridiction indépendante que de leur participation au conseil impérial.
[41] C’est ce qui arriva pour l’apôtre Paul (Ad Philipp. 1, 14) ; Trajan écrit pareillement à Pline, 57, qu’un relégué, qui rompt son ban, vinctus mitti ad præfectos prætorii mei debet. Alexandre Sévère répond dans un rescrit (Cod. Just. 4, 65, 4) que les propriétaires des greniers dans lesquels du grain a été volé avec effraction, sont obligés d’exhiber les gardiens au volé ; quod vos adito præside provincim impetrabitis : qui si majorem animadversionem exigere rem deprehenderit, ad Domitium Ulpianum præfectum prætorio et parentem meum reos remittere curabit, Gordien (Cod. Just. 8, 40, 13), que celui qui promet de livrer un criminel et ne le fait pas, doit être envoyé au gouverneur de la province ou au præf. prætorio. Paul, Sent. 5, 12, 6.
[42] Philostrate, Vit. soph. 2, 32.
[43] Constitution de l’an 331 (Cod. Theod. 11, 30, 16 = Cod. Just. 7, 62, 19) : Soli vice sacra cognoscere vere dicendi sunt.
[44] Digeste, 32, 1, 4.
[45] Les agentes vicem præfectorum prætorio et urbi qu’on rencontre avant et après (sur lesquels cf. Nuove mem. dell’ inst. 2, 309) doivent probablement être distingués des vicaires adjoints aux préfets en exercice. Mais les mots d’Ulpien, Digeste, 32, 1, 4 : A præfectis prætorio vel eo qui vice præfecti ex mandatis principum cognoscet, item a præfecto urbi deportatos, et l’inscription africaine C. I. L. VIII, 822, selon toute apparence antérieure à Dioclétien, où un præf. annonæ est élevé au poste de vice præf. præt., pourraient bien prouver que dès avant Dioclétien la juridiction appartenant au præfectus prætorio a été transportée à d’autres personnes, probablement pour un cercle délimité d’une manière quelconque, par une constitution impériale, de telle sorte que ces représentants fussent plutôt à côté du préfet qu’au-dessous de lui, et c’est là le caractère du vicarius postérieur. Le préfet est bien son supérieur, mais il a sa compétence propre et l’appel de lui ne va pas au préfet, mais à l’empereur.
[46] Charisius, Digeste, 1, 11, 1, 1 : Cum ante quæsitum fuisset, an liceret a præfectis prætorio appellare, et jure liceret et extarent exempla eorum qui provocaverint, postea publice sententia principali lecta appellandi facultas interdicta est. Il s’agit de la constitution de 331 citée plus haut en note. Cf. Digeste, 4, 4, 17.