L’État romain a été forcé, plus rarement que les autres États de l’Antiquité dignes d’être nommés, de recourir à une ressource, qui est toujours un mal et souvent un mal pire que celui que l’on veut guérir, à la création de magistrats supérieurs investis du pouvoir non pas d’appliquer, mais de transformer la constitution de la cité. Mais il y a pourtant eu, même à Rome, des pouvoirs suprêmes constituants. Si ce peut paraître une folie de vouloir lés traiter comme des catégories de droit public précises, le témoignage le plus grandiose de la toute puissance de l’idée du droit à Rom est peut-être que, malgré toutes les diversités de temps et de tendance politique que peuvent présenter les tentatives faites dans ce sens, qu’en dépit des caractères individuels de chacune, il y a cependant un type fondamental aux traits fortement accusés qui les domine toutes et qui s’impose à toutes. Les pouvoirs constituants qu’on peut établir avoir existé à Rome sont les suivants[1]. 1. Le décemvirat consulari imperio legibus scribendis[2] institué par la loi Terentilia pour l’an 303, puis de nouveau pour l’an 304. Son but une fois atteint, la création d’une nouvelle magistrature semblable fut interdite à tout jamais et celui qui manquerait à la défense fut déclaré hors la loi par une résolution des comices provoquée par les consuls L. Valerius et M. Horatius[3], et par un acte symétrique de la plèbe[4], selon lesquels il pourrait être tué impunément par le premier venu. 2. La dictature legibus scribendis et rei publicæ constituendæ[5] de la loi Valeria de 672 relative à Sulla[6] et la dictature, selon toute apparence en général similaire, quoique réglée différemment quant à la durée, que les lois rendues en 705[7], puis en 706[8], conférèrent à César et qui fut encore organisée par des lois postérieures[9]. On a également proposé des dictatures analogues pour Pompée en 702[10] et pour Auguste en 732[11] ; mais ces propositions ne se sont pas réalisées. En 710, une loi du consul M. Antonius a proscrit cette dictature pour l’avenir comme l’avait été le décemvirat, a déclaré hors la loi quiconque la revêtirait ou en proposerait la concession et a mis à prix d’avance la tête des délinquants[12]. 3. La cura legum et morum maxima potestate rentre dans le même cercle et ne peut être ici passée sous silence, quoiqu’elle ne soit jamais entrée en pratique sous une forme indépendante. L’allégation selon laquelle le premier César aurait été nommé præfectus moribus[13] n’est ni suffisamment avérée ni vraisemblable en elle-même ; car, César étant au même moment dictateur constituant, cette magistrature qui embrasse nécessairement et principalement la réformation des mœurs ne laisse pas de place à côté d’elle pour un second pouvoir d’exception[14]. La réformation des mœurs peut avoir été relevée dans l’une des lois qui ont formulé 1a dictature de César comme en étant une portion intégrante. César n’a jamais reçu de magistrature portant ce titre. — Après avoir refusé la dictature en 732, Auguste s’est vu offrir à trois reprises différentes, en 735, 736 et 743, la même magistrature par des sénatus-consultes et des lois sous le nom de cura legum et morum ; mais il l’a repoussée les trois fois, en déclarant que la puissance tribunicienne constitutionnelle, exercée correctement et complètement, suffisait à tous les besoins[15], — de même qu’en pareil cas Pompée, au lieu de prendre la dictature, se contenta du plein exercice des pouvoirs consulaires. Les écrivains postérieurs ont confondu cette cura et la censure[16], indubitablement à tort, puisque cette puissance est expressément qualifiée par Auguste des noms de puissance la plus élevée et de puissance extraordinaire qui ne conviennent aucunement à la puissance censorienne. Le pouvoir éminemment légiférant contenu par essence dans cette magistrature faut en outre pleinement défaut aux censeurs ; et si la censure peut aussi bien que cette magistrature extraordinaire être appelée une surveillance des mœurs, la juridiction sur les mœurs des censeurs, qui se résume uniquement dans leur nota, plus honteuse que préjudiciable, est quelque chose de tout différent de la cura morum autorisant à prononcer arbitrairement toutes les peines à laquelle on pensait pour Auguste. 4. Le triumvirat rei publicæ constituendæ[17], pourvu de la puissance proconsulaire[18], telle que l’avait eue le dictateur César ; et composé de Lépide, Antoine et César[19], arriva à l’existence le 27 novembre 711 en vertu de la loi Titia[20] et il subsista même après l’expiration de son premier terme survenue le 31 décembre 716[21]. Nous parlerons plus loin de sa fin définitive : 5. Peut-être, enfin, peut-on compter encore dans cette énumération l’étrange magistrature exceptionnelle de l’an 238 après J.-C., le vigintivirat rei publicæ curandæ[22]. Après que le sénat eut en cette année retiré sa foi à l’empereur Maximin et se fut prononcé pour les deux Gordiens élevés à l’empire en Afrique, il institua à la suite de leur défaite nos vigintivirs et combina cette institution avec l’Empire, en décidant que les deux chefs de ces vingt personnages porteraient le titre d’Augustes[23]. La victoire resta aux deux empereurs du sénat contre Maximin, et il put sembler un moment qu’il allait y avoir une renaissance, appropriée à l’époque, du gouvernement des consuls et du sénat dont les réminiscences paraissent avoir joué un rôle dans ce système, une constitution de l’État modifiant le Principat dans le sens de l’ancienne République. Car les vigintivirs doivent sans doute avoir reçu, à coté de leur tâche militaire immédiate, une triche politique de ce genre tendant à la transformation de la constitution dans le sens de la majorité du sénat. Mais naturellement ce plan de reconstitution ne fut pas exécuté : la soldatesque de la capitale força bientôt à revenir aux institutions existantes. Dans cette agonie du Principat ; qui a rempli les cinquante années antérieures à l’établissement définitif de la monarchie par Dioclétien, la même tendance est, sans doute arrivée encore plus d’une fois à une réalisation éphémère, spécialement sous Tacite et sous Probus, mais on n’a plus employé pour cela les formes républicaines. On pourrait encore se demander, au sujet du consulat unique conféré à Pompée en 702, s’il ne s’est rapproché qu’en fait de la dictature de Sulla ou, s’il s’en est rapproché en droit par des clauses spéciales adjointes à la résolution qui lui a donné naissance[24]. Mais nous allons voir que la puissance extraordinaire ne pouvait se transférer dans cette forme, et même en dehors de là la situation politique[25] et la personnalité de Pompée peuvent être invoquées dans le sens contraire. Enfin les actes accomplis par Pompée en cette qualité ne requièrent pas absolument une compétence plus étendue que la compétence habituelle. Seulement c’est pour tenir lieu de la dictature qu’avait eue Sulla que ce consulat a été offert par le sénat et accepté par Pompée ; si donc en la forme on ne peut y trouver que l’extension du pouvoir consulaire poussée à ses limites les plus extrêmes, il est pourtant propre à mettre en lumière le caractère de la dictature de Sulla, et il faut, pour apprécier cette dernière, ne pas perdre de vue son succédané. — Il en est à peu près de même du Principat. Par une opposition décidée avec le triumvirat, il se meut en somme dans les formes d’un pouvoir constitutionnel et, quoiqu’il franchisse, à plus d’une reprise, les bornes constitutionnelles, il ne rentre aucunement parmi les magistratures qui y sont soustraites. Si nous essayons de dégager le caractère, anticonstitutionnel, si l’on veut, mais cependant en même temps constitutionnel, de ces magistrats les plus élevés de tous, en partant des diverses formations juridiques très éloignées par le temps et les tendances, la dénomination de la magistrature contient d’abord, en dépit de toutes les différences individuelles, l’indication que c’est une magistrature supérieure, que cette indication vise la dictature au l’imperium consulaire[26]. Les insignes sont aussi déterminés par là : nos magistrats avaient douze faisceaux, quand ils avaient la puissance consulaire, et vingt-quatre, quand ils avaient la puissance dictatoriale. Mais les dictateurs antérieurs à Sulla paraissent n’avoir fait usage de ce droit que hors de Rome : l’usage à Rome d’un nombre de licteurs double du nombre ordinaire est un des traits de la dictature appelée à l’existence par Sulla. Non seulement la dictature, mais les autres magistratures réunies ici étaient, supérieures en rang au consulat : c’est une conséquence de leur nature et ce peut aussi être établi en dehors de là[27]. Aucune magistrature extraordinaire ne naît sans loi spéciale, les magistratures constituantes moins que nulle autre. Une compétence extraordinaire ne, peut être introduite valablement par des clauses spéciales intercalées dans l’objet du scrutin par le magistrat qui préside une élection. Le peuple qui vote ou, si l’on préfère le, magistrat qui dirige l’élection est lié pour l’acte du vote par la loi qui organise ce vote, et, quoique une élection soit, aussi bien qu’une loi, une résolution du peuple, l’élection ne peut qu’exécuter la loi, elle ne peut en tenir lieu[28]. — L’établissement d’une magistrature constituante est donc ordonné par une loi, sans qu’il y ait à distinguer si cette autorité constituante doit porter le nom d’une magistrature déjà existante, comme c’est le cas pour les dictatures constituantes, ou si on a choisi pour elle un nouveau nom, comme cela arriva lors de la fondation du décemvirat. La détermination de la personne peut être obtenue par la voie d’une élection ou bien la personne peut être nominativement désignée dans la loi créatrice de la magistrature. Pour le décemvirat le peuple a observé la règle constitutionnelle selon laquelle les comices législatifs ne peuvent, pour les nominations essentielles, étendre leur décision aux questions de personnes ; il a exercé successivement son droit de régler la compétence et son autre droit de désigner les personnes auxquelles elle appartiendrait. Quant à la procédure qui, au mépris de cette maxime, réunit dans un seul et même acte la solution des questions de compétence et de personnes, on a projeté d’y recourir pour la cura legum et morum, et elle a été suivie pour les dictatures et le triumvirat rei publicæ constituendæ : pour la dictature, dont le titulaire doit être nommé par un magistrat, la nomination a été faite par le magistrat au profit de la personne indiquée par la loi constitutive[29] et, pour les triumvirs, leur nomination a été contenue clans la loi même qui établissait le triumvirat. Une conséquence de ce que toute magistrature d’exception est appelée à la vie par une résolution du peuple spéciale est qu’il est impossible d’empêcher pour l’avenir : le retour d’un pareil état d’exception. On ne peut ni logiquement ni pratiquement rendre irrévocable un acte de l’État qui n’est pas une convention, car aucun État ne peut prendre un engagement obligatoire en face de lui-même[30]. Si par conséquent une loi veut régler la législation future, si par exemple elle défend de rétablir plus tard une institution écartée, comme ont fait la loi Valeria Horatia de 305 par rapport au décemvirat et aux magistratures constituantes en général et la loi Antonia de 710 par rapport à la dictature, cette disposition, tout comme l’ancienne abolition perpétuelle de la royauté qui présente absolument le même caractère, est, en réalité, un souhait pieux ; en droit, c’est une clause aussi dénuée de valeur que celle par laquelle un préteur défendrait à ses successeurs d’effacer une disposition de l’édit ou un testateur s’interdirait à lui-même de faire un nouveau testament. Comme le nouvel édit ou le nouveau testament, la nouvelle loi brise nécessairement l’ancienne. Cela a toujours été reconnu par les Romains en matière, législative, soit théoriquement, pour la clause d’abrogation, soit pratiquement (VI, 1). La dictature de Sulla a été légalement fondée par la loi Valeria, quoique cette loi fut contraire à l’ancienne loi Valeria Horatia, et si Auguste avait adhéré à la résolution du peuple qui lui attribuait la dictature, aucun jurisconsulte n’aurait pu attaquer la légalité de cette dernière en invoquant la loi Antonia. — Aucune disposition pénale additionnelle, aucun serment n’y peut rien changer. Au contraire, la réglementation anormale, généralement remise à l’initiative individuelle, de la peine et l’addition élu serment superflue pour une loi exécutable, sont la preuve que le législateur lui-même a eu conscience de l’impossibilité d’atteindre le but qu’il poursuivait. Assurément, la menace de la peine est efficace contre les actes qui préparent la loi d’abrogation, par exemple contre sa soumission au sénat et aux comices ; elle rend l’abrogation dangereuse, en particulier pour celui qui y échoue, mais elle ne la rend aucunement impossible, d’autant plus que la loi d’abrogation non seulement peut remettre les peines encourues, mais, au : sens propre, les remet d’elle-même. Aucun tribunal ne pouvait prononcer la peine ou l’amende portée, légalement contre la nomination d’un magistrat soustrait à la provocation, après qu’une loi postérieure avait prescrit une pareille nomination et si un républicain ardent avait tué le rogator de la loi sur la dictature de Sulla, en vertu de la sanction de la loi Valeria Horatia : Qui creasset eum jus fasque esset occidi neve ea cades capitalis noxæ haberetur, n’importe quel tribunal aurait dû le condamner pour meurtre, car cette sanction avait été abrogée du même coup. Il y a encore moins à tenir compte en droit de ce que, comme cela aurait eu lieu pour la loi abolitive de la royauté, les citoyens se seraient obligés, eux et leurs descendants, à ne pas souffrir l’abrogation de la loi et à la défendre chacun individuellement. Les meurtriers de César, qui avaient besoin de se mettre en paix avec leur conscience, ont trouvé dans ce serment contre la royauté, prêté un demi millier d’années avant eux, la légitimation de leur acte et l’invitation à l’accomplir. Cependant, même des juges plus consciencieux que ceux qui leur étaient donnés par la loi Pedia, auraient bien reconnu que la dictature annale de César rentrait dans la royauté visée par ce serment ; mais ils n’auraient pas pu regarder leur acte comme l’exécution d’un homme légalement condamné parce que les citoyens s’étaient antérieurement obligés par serment à défendre, par leurs forces individuelles, une loi contre son abrogation quelconque, opérée par les voies légales. S’il ne faut pas perdre de vue ce côté juridique de la question[31], cela n’enlève d’ailleurs pas du tout aux menaces solennelles ainsi portées, et mises en partie sous la protection du lien moral d’un serment héréditaire, leur grande importance pratique. La proscription de la royauté et des magistratures d’exception est une des pierres angulaires de l’édifice républicain. Sans elle César ne serait peut-être pas tombé sous la main d’un meurtrier. La sanction de la loi Valeria Horatia a essentiellement contribué à empêcher, pendant plus, de quatre siècles, le retour des magistratures mises au dessus de la loi ; et la loi Antonia a encore joué un rôle lors de l’établissement du triumvirat[32] et du refus de la dictature par Auguste. Il ne peut être question de conditions d’éligibilité aux magistratures constituantes que pour le décemvirat, puisque la loi qui établit cette magistrature laissa le choix des personnes aux électeurs, tandis que les lois postérieures de la même espèce n’ont pas prescrit l’élection par les comices des titulaires de la puissance qu’on proposait d’établir. Mais, par une conséquence remarquable et d’ailleurs absolument logique du caractère particulier de l’acte, les conditions de capacité légalement établies pour la magistrature supérieure ordinaire ne s’appliquent pas à cette magistrature qui est la plus ancienne de la catégorie : c’est pour cela qu’on trouve des plébéiens parmi les décemvirs legibus scribendis[33]. Les magistratures ordinaires sont durables en tant que magistratures, mais limitées dans le temps quant leurs titulaires. Dans les magistratures constituantes au contraire, la magistrature elle-même est éphémère mais en ce qui concerne son titulaire, la limitation de temps n’est pas d’une existence nécessaire et, quand elle se trouve dans la loi qui organise la magistrature, elle n’a pas de force obligatoire. Il n’y a pas, en général, besoin de preuves du caractère éphémère des magistratures que nous avons énumérées. Quanta la dictature de César, quoiqu’elle ait été organisée à l’image de la dictature certainement éphémère de Sulla, on ne peut établir pour elle la détermination officielle legibus scribendis et reip. constituendæ qu’avait reçue celle de Sulla[34], et cette détermination n’est même pas conciliable avec le caractère viager, que, comme nous allons l’expliquer, César donna finalement à sa dictature ; il n’est certainement pas douteux que César a regardé sa dictature comme une forme de gouvernement définitive, au moins à partir du moment où elle a été déclarée à vie[35]. Mais, quoique César n’ait pas eu l’intention de créer un pouvoir d’exception, qu’il ait voulu au contraire transformer la magistrature supérieure, le droit public, qui n’a pas à s’occuper de plans de constitutions futures, mais de créations positives, doit considérer la dictature de César comme un pouvoir définitif seulement pour le temps de sa vie, donc généralement parlant comme un pouvoir d’exception[36]. Car il n’a pas pris de disposition arrêtée sur le gouvernement qui entrerait en vigueur après sa mort, et l’entrée en vigueur du régime consulaire qui l’a suivie n’a donc pas lieu à l’encontre des institutions, mais d’une manière constitutionnelle. Relativement à la durée, il nous reste à nous occuper, en négligeant la cura legum et morum qui n’est pas entrée en pratique, de la dictature de Sulla et de celle de César ; du décemvirat legibus scribendis et du triumvirat rei p. constituendæ. La dictature de Sulla, dans laquelle l’absence constitutionnelle de limite se manifeste avec la brutale franchise de la logique juridique, n’a pas été créée précisément à vie, mais pour le temps qu’il faudrait pour l’établissement dans l’État d’un ordre suffisant[37]. Sur les dictatures de César de 705 à 706, nous n’avons pas de détails d’une pareille précision ; mais, selon toute vraisemblance, elles ont été établies comme celle de Sulla, sans terme d’expiration préfixe. La dictature de César fut ensuite, à partir du 1er janvier 709, déclarée une magistrature annale à l’image de l’ancienne dictature albaine, et il est probable que César a été désigné en même temps, en comptant ses deux dictatures de 705 et de 706-708 comme les deux premières, dictateur de la troisième à la douzième fois pour les dix prochaines années, donc jusque et y compris l’an 718[38]. Main cette désignation décennale ne contenait pas elle-même de terme extinctif absolu, car elle doit s’être cumulée avec la dictature antérieure conférée pour un temps indéterminé, et on doit avoir entendu les choses en ce sens que César se démettrait après l’expiration de dix ans, si l’État lui paraissait alors convenablement ordonné. Cet acte n’a donc fait que joindre à : l’introduction de la monarchie celle du calcul des années par lies années de pouvoir du souverain. Peu avant sa mort, César a résigné la dictature annale et revêtu formellement la dictature à vie[39]. Le décemvirat rei publicæ constituendæ est soumis au même régime que les dictatures similaires. On soulignez il est vrai, la nomination des premiers décemvirs pour une seule année du calendrier[40] et la retraite de ces hommes consciencieux à l’expiration du délai. Seulement ils mettent à leur place non pas la magistrature ordinaire, mais, en vertu de leur propre arbitraire, semble-t-il[41], un autre collège de nomothètes. Lorsque l’année de magistrature de ce nouveau collège est expirée, les seconds décemvirs ne procèdent à aucune élection et restent en place au mépris du principe de l’annalité ; ils s’entendent même pour conserver le pouvoir toute leur vie[42], jusqu’à la venue finale d’une révolution, qui ne les renverse pas comme des particuliers s’arrogeant le gouvernement sans droit, mais qui les force à l’abdication comme des magistrats abusant de leurs pouvoirs[43]. Ce récit, souvent discuté et jamais compris, n’a qu’un but : c’est de montrer par un paradigme que la magistrature appelée à l’existence dans une destination déterminée a son terme naturel non pas à un jour fixe du calendrier, mais au moment où sa destination a été réalisée[44], et par dessus tout que la magistrature supérieure mise au-dessus de la constitution ne peut pas par essence être liée, qu’elle ne peut donc pas l’être même par le, terme qui lui a été fixé, que son développement nécessaire conduit d’abord à la perpétuation de la magistrature d’exception et ensuite à celle des magistrats d’exception eux-mêmes, et qu’il n’y a finalement contre l’absolutisme légalisé d’autre ressource que l’action illégale des individus. Si tout ce que nous racontent les annales de la table des fastes et du code des douze tables se trouve ainsi perdu pour l’histoire, nous acquérons par là, de la sagesse logique et pratique des sérieux hommes d’État qui ont inséré ces récits dans les annales, une vue dont le profit l’emporte de beaucoup sur la perte de la belle Verginia. La loi qui avait appelé à l’existence cette magistrature placée au-dessus de la constitution ne voulait pas la perpétuer. La preuve en est dans le droit de provocation des citoyens qui n’existe pas contre ces magistrats et qui pourtant est reconnu dans leur code. Enfin, c’est au triumvirat de 714 qu’ont été faites les applications les plus importantes du principe théorique, selon lequel le terme n’a pas de forée obligatoire à l’encontre des pouvoirs constituants. Lors de la création de la magistrature, le 31 décembre 716 lui fut marqué comme terme. Lorsque cette date fut arrivée, les gouvernants restèrent tout simplement en place, et quand ils s’entendirent, à raison de leurs rapports respectifs, pour fixer un nouveau terme d’expiration ; le 31 décembre 721[45], ils ne le firent pas en temps convenable[46], et ils ne mirent pas pour cela en mouvement l’instrument docile des comices[47] dont d’ailleurs ils n’avaient pas besoin légalement. Antoine n’a même pas reconnu l’itération[48] et il s’est qualifié de triumvir rei p. constituendæ pendant le second délai quinquennal, comme après l’expiration de ce délai, jusqu’à sa mort[49]. Il tira par conséquent, de même que le décemvir Ap. Claudius de la légende, la conséquence extrême de son droit théorique et considéra le pouvoir d’exception qui lui avait été conféré comme n’ayant pas de terme. Avec moins de logique et plus de déférence pour la souveraineté populaire, le deuxième César a compté le triumvirat renouvelé comme le second[50] et, au moins à l’époque postérieure, il l’a regardé comme expiré le 31 décembre 721[51]. Mais il s’est lui-même attribué un pouvoir constituant au-delà de ce terme ; car, non seulement il a continué postérieurement à accomplir les actes de magistrats les plus importants, mais d’après sa propre déclaration solennelle, il n’a restitué le pouvoir constituant au sénat et au peuple que le 13 janvier 727[52]. Pour justifier ce pouvoir on ne trouve, en dehors du triumvirat, aucun titre juridique en 722 et aucun titre juridique suffisant dans les années qui suivent ; car, en 722, César, s’il n’était pas triumvir, était un simple particulier et, dans les années suivantes, il était bien consul, mais il n’était pas comme tel en possession du pouvoir- constituant. Il reste donc le choix entre deux conclusions : ou bien César s’est, dans les années décisives 722-727, arrogé lé droit de réformer l’État sans légalisation théorique quelconque, ou bien il a gardé le triumvirat jusqu’à 727, et ce n’est que plus tard qu’il a obscurci les choses par la fiction, inventée après coup, de sa retraite au temps fixé. Les deux conclusions prêtent à objection ; mais la seconde serait plus conciliable avec le caractère de la constitution romaine que la première, et elle a historiquement plus de vraisemblance. Car, si César avait en réalité véritablement résigné sa magistrature extraordinaire en 721, tandis qu’Antoine la conservait, cela aurait présenté le second comme seul usurpateur et, en pareil cas, les historiens qui nous rapportent la lutte décisive n’auraient pas omis ce fait important. Antoine et César auraient encore moins pu alors négocier après ce terme sur l’abdication de leur magistrature et le premier déclarer publiquement, après l’ouverture des hostilités, qu’il rendrait son pouvoir au sénat et au peuple au plus tard six mois après la victoire[53]. Le terme d’expiration attaché au triumvirat a été indéniablement traité non seulement par Antoine, mais par César, comme faisant bien naître par son arrivée pour les titulaires du triumvirat l’obligation d’abdiquer leur magistrature, mais comme n’empêchant pas que la magistrature s’éteignît, en droit, seulement par l’abdication et non par l’arrivée du terme[54]. Si nous passons aux rapports des magistrats constituants entre eux et avec les magistrats ordinaires, le caractère du pouvoir illimité placé au-dessus de la constitution est dans une contradiction logique et pratique insurmontable avec le principe de la collégialité. Si pourtant la première magistrature, dans laquelle cette pensée a été réalisée, a été organisée selon le principe de la collégialité[55], la légende, fidèle à son caractère paradigmatique, a également donné sa pleine expression à la contradiction. Les bons décemvirs se conduisent d’après le principe de la collégialité tant pour le roulement des faisceaux et des fonctions que pour l’admission de l’intercession des collègues égaux en droit. Mais les mauvais ne reconnaissent pas le roulement[56] et s’accordent pour écarter l’intercession[57]. A la vérité, on trouve en même temps exprimée là l’idée que le pouvoir illimité n’a trouvé dans le décemvirat qu’une expression approximative parce que la collégialité lui imposait encore des liens. Il n’est arrivé à son expression complète que par la suppression de cette dernière barrière, dans la dictature de Sulla, dans laquelle il n’y avait pas d’intercession contre le maître tout puissant. Si, dans la dernière agonie de la République, on voit là encore apparaître dans le concours des monarques la collégialité meurtrière d’elle-même du triumvirat[58], ce fut la guerre civile qui y prit la place de l’intercession des collègues, et par suite, ce qui nous est rapporté du partage des compétences entré les triumvirs peut aisément être laissé par le droit publie à l’histoire. La magistrature supérieure constituante est conciliable avec les autres magistratures en la mesuré où elles ne l’entravent pas dans la réforme de l’État. Ce principe s’applique, en premier lieu, à l’encontre du tribunat du peuplé. Il est de l’essence des pouvoirs constituants ou bien que le tribunat disparaisse en face d’eux, comme cela a lieu pour le décemvirat[59], ou bien que l’intercession tribunicienne soit légalement privée de sa force en face des actes des magistrats supérieurs constituants, comme ce fut le cas pour la dictature de Sulla et les autres pouvoirs postérieurs du même genre[60]. — La magistrature supérieure ordinaire peut disparaître en face de la magistrature constituante, comme cela eut lieu du temps du décemvirat, et comme ce parait avoir été la première intention de César- lorsqu’il prit la dictature et alors la magistrature extraordinaire possède l’éponymie[61]. En général, le consul reste en fonctions à côté de la magistrature constituante, mais dans un état juridique de subalternisation, et c’est là presque le seul point sur lequel la dictature de Sulla, pour le reste radicalement différente de l’ancienne dictature, s’accorde avec elle. — Les magistratures inférieures de la cité ont cessé d’exister sous le décemvirat[62]. Les dictateurs Sulla et César eux-mêmes ont, le premier, administré pendant un certain temps la questure urbaine par son proquesteur militaire, et, le second, fait pourvoir à l’administration en 709 exclusivement par ses préfets. Cependant les magistrats inférieurs ont généralement exercé, durant les périodes d’exception de ce genre, les fonctions que les détenteurs des pouvoirs exceptionnels leur permettaient d’exercer. La dernière et la plus importante des questions, celle de la compétence, est la plus simple de toutes. Il n’y a pour cette compétence aucune espèce de bornes. Le pouvoir illimité sur toutes les institutions de l’État et sur chaque citoyen de l’État est de l’essence du pouvoir constituant[63]. Il serait aussi superflu d’exemplifier ce pouvoir absolu d’après ses diverses manifestations[64] que d’exemplifier le principe de la propriété en en énumérant les applications possibles. Il suffit de déterminer, d’une part, leurs rapports avec les actes généraux des magistrats extraordinaires et de faire, d’autre part, ressortir les actes dans lesquels la situation exceptionnelle des pouvoirs constituants se manifeste de la manière la plus frappante. Relativement aux actes officiels ordinaires, le magistrat muni du pouvoir constituant intervient, soit à la place des consuls, comme au cas du décemvirat, soit à côté et au-dessus d’eux, comme à ceux de la dictature et du triumvirat. C’est pourquoi les magistrats de cette catégorie sont appelés, quand ils ne sont pas dictateurs, consulari imperio ou consulari potestate. Les pouvoirs ordinaires de la magistrature supérieure, par exemple les droits de faire un vœu ou de triompher, d’agir avec le sénat[65] et le peuple et d’en provoquer des résolutions ont été couramment exercés par les magistrats de cette catégorie. Ces magistrats élevés entre tous peuvent aussi s’immiscer dans la compétence des autres magistrats ; mais ils ne le font ni forcément ni habituellement. Depuis qu’il y a eu des préteurs, ce qui n’était pas encore au temps des décemvirs, la justice civile a suivi en général les voies constitutionnelles, même durant ces périodes d’exception. Le cens n’a jamais été fait par des magistrats de cette espèce. Mais, en dehors des fonctions générales de la magistrature supérieure, le caractère de la magistrature constituante implique une destination spéciale. C’est là le côté par lequel elle se rencontre avec la dictature ordinaire et qui explique surtout pourquoi, parmi toutes les magistratures ordinaires, la dictature seule a fourni un point de repère pour la magistrature constituante. Seulement ici, moins encore que pour la dictature, la détermination du but ne peut pas être entendue comme une limitation légale. Le magistrat est invité à s’occuper d’un cercle d’actes déterminés ; mais, en vertu de l’unité de la magistrature supérieure, il est en droit de prendre toutes les autres mesures qui sont en dehors de ce cercle. Quant à ce cercle, il s’agit toujours de la réorganisation de l’État, soit au moyen de lois soit au moyen d’autres actes d’administration ou de procédure. Si l’on peut justifier en logique et en pratique une puissance supérieure mise au-dessus de la constitution, c’est lorsque l’État a besoin d’une législation qui ne se contente pas de modifier des points de détail, mais qui réorganise son ensemble. C’est ainsi que les Romains ont conçu ce pouvoir, et c’est pourquoi ils l’ont, tant dans sa conformation pratique que dans sen développement logique, rattaché aux institutions semblables des Grecs, à l’organisation d’Athènes par Solon et à l’institution de l’Æsymnétie, c’est-à-dire de la monarchie illimitée établie en vertu de la libre décision du peuple et non pas à titre durable[66]. Cette idée est exprimée dans la désignation officielle du décemvirat et de la dictature de Sulla comme legibus scribendis, et pareillement dans la cura lequm offerte à Auguste. Le mot et la chose manquent également au triumvirat ; mais ce régime d’arbitraire perd par là, dans sa phase dernière et la plus affreuse, tout fondement moral. C’est l’æsymnétie romaine qui a donné naissance à la loi des XII tables comme au système des quæstiones de Sulla, aux lois de force majeure de César de l’an 705, comme à son organisation durable des tribunaux et de l’État de l’an 708. Les lois sur la violence et la vente des suffrages et la réorganisation générale des magistratures de Pompée de l’an 702[67], d’une part, et les lois d’Auguste de 736, sur la vente des suffrages, l’adultère, le célibat et le luxe ; de l’autre, rentrent encore dans le même ordre ; car ces deux œuvres législatives d’une portée étendue procèdent de l’idée que leurs auteurs ont, à l’aide de leurs magistratures constitutionnelles, poursuivi un but semblable à celui que les magistratures d’exception, qui avaient été en vain demandées pour eux ou qui leur, avaient été en vain offertes, leur auraient permis d’atteindre. Ce n’est pas ici le lieu de discuter la tendance de ces divers actes législatifs, ni la sphère à laquelle ils appartiennent ; mais si l’on jette une vue d’ensemble sur les dispositions ainsi introduites, on reconnaîtra qu’elles comprennent à peu près tout ce que l’État romain a produit comme textes constitutionnels et comme règles générales sur la magistrature, le droit et la justice. Le pouvoir constituant a pour conséquence que toutes les dispositions fondées sur lui, même quand elles n’ont pas suivi la voie comitiale, peuvent être tenues pour loi (lex), ou, ce qui n’est qu’une autre expression de la même idée, que les magistrats investis de ce pouvoir ont indifféremment le droit de faire des lois d’accord avec les comices (leges rogare) ou d’en rendre de leur seule autorité (leges dare)[68]. Cependant les lois durables qui rentrent dans ces œuvres législatives ont été, pour la plus grande part, faites par le vote du peuple et non pas sous forme de simples ordonnances. C’est expressément relevé pour ce règlement de l’État qui est resté pour tous les temps l’expression première et modèle de la grande pensée politique d’une magistrature supérieure constituante, pour le code des XII tables : il a été soumis aux centuries et formellement ratifié par elles[69]. La pensée selon laquelle ces lois émanant d’une magistrature toute puissante n’avaient pas besoin d’être confirmées selon le droit formel[70], mais il semblait peu équitable et dangereux de pousser l’exercice du droit jusqu’à ses conséquences dernières, est énergiquement exprimée par la légende selon laquelle les mauvais décemvirs ont rédigé les deux dernières tables, et elles n’ont été présentées à l’acceptation des centuries que par les nouveaux consuls après la chute des décemvirs provoquée par une résolution de la foule[71]. Il n’y a aucune des lois organiques de Sulla ou de César pour laquelle il soit seulement vraisemblable qu’elle n’ait pas été soumise aux comices[72]. Même lorsque la souveraineté du peuple était suspendue et que la monarchie était momentanément établie, on n’oubliait pas que cette dernière n’existait que jusqu’à nouvel ordre et non à titre durable. Les triumvirs procédèrent autrement. En étudiant le Principat, nous verrons que la nouvelle constitution de l’État dont il sortit se fonde exclusivement sur le pouvoir constituant d’Auguste c’est-à-dire sur celui qu’il avait comme triumvir, et qu’il n’y a pas eu alors de ratification du peuple. Parmi les pouvoirs par lesquels, à côté du pouvoir législatif, se marque le plus énergiquement la différence de la magistrature constituante et de la magistrature ordinaire la plus élevée, et dont I’étude importe surtout pour la pénétration des rapports de la dictature et du triumvirat avec le Principat, nous relèverons encore ici pour finir : le droit d’effigie, le droit de nommer les magistrats et les sénateurs à Rome et dans les cités de citoyens romains, la juridiction criminelle illimitée, le droit de partage des terres, le droit de reculer le Pomerium et le droit de paix et de guerre. Assurément ces droits n’ont aucunement été exercés de la même façon par les diverses autorités constituantes ; ainsi, en particulier les pouvoirs qui ont pour but une refonte des institutions républicaines se distinguent très nettement, quant à l’étendue des droits qu’ils s’arrogent, de ceux tendant à l’établissement. de la monarchie. Il est caractéristique, à ce point de vue que les dictateurs Sulla et César, quoiqu’en droit à peu près sur le même rang, ont suivi des voies tout à fait opposées quant au droit d’effigie. Mais tous les droits dont il s’agit là se rencontrent en un point : ils font tous nécessairement défaut à la puissance ordinaire, même la plus étendue, et l’exercice de l’un quelconque d’entre eux caractérise l’autorité qui l’accomplit comme une autorité qui est chargée de constituer et qui, par conséquent, n’est pas liée par la constitution. 1. Le droit de faire mettre sa propre effigie sur les monnaies de l’État[73], le symbole formel de la monarchie, dans l’Antiquité comme dans les temps modernes, n’a pas été revendiqué par les magistrats de la République tant que la liberté a existé, pas même par ceux d’entre eux qui avaient le pouvoir constituant. C’est seulement quand César a commencé à donner à sa dictature le caractère de la monarchie[74], que son effigie, apparaît, peu de mois avant sa mort, en vertu d’un sénatus-consulte rendu dans ce sens[75], non pas à la vérité sur les monnaies frappées par son ordre, mais sur celles de frappe sénatoriale. Après sa mort, non seulement les triumvirs rei publicæ constituendæ ont dès le début frappé des monnaies à leur effigie[76] ; mais au moins Antoine[77] et probablement aussi le second César[78] ont commencé cette frappe dès avant le triumvirat. Parmi leurs adversaires, la même chose a été faite, non pas à la vérité par C. Cassius, mais par M. Brutus[79] et Sex. Pompeius[80]. Cela n’étonne pas de la part de Pompée, car il modela en tout son pouvoir sur celui des triumvirs et leur a même été coordonné pendant un temps mais chez Brutus, c’est en désaccord avec le fait qu’autant que nous sachions, il n’a rien revendiqué de plus que le pouvoir consulaire dans sa plus large extension. 2. Relativement à la nomination des magistrats, il faut distinguer les diverses applications du droit. a. Les dictateurs de notre catégorie n’étaient pas obligés de nommer un maître de la cavalerie[81], mais ils avaient le droit de le faire et ils en ont habituellement nommé un en faisant la durée de la magistrature accessoire être régie par celle de la magistrature principale[82]. b. Le droit qui appartenait également au dictateur[83] de nommer, au cas d’absence de magistrats de Rome, un représentant (præfectus urbi), a également été temporairement exercé par César, il a même nommé plusieurs préfets en même temps et leur a fait remplir toutes les fonctions des magistrats. — Sous le triumvirat, C. Mæcenas a exercé, pour le compte du futur Auguste, la surveillance de la capitale ; mais on ne peut décider avec certitude s’il a fait cela en qualité d’homme de confiance politique ou s’il a au contraire reçu, sinon un titre officiel précis[84], au moins un mandat officiel en forme[85]. c. Si ces nominations laissaient intact le droit des comices de nommer les magistrats de la cité, il y a eu cependant, dans ce domaine comme dans le domaine législatif, des actes des magistrats constituants par lesquels ils ont pris en partie la place des comices. Sulla est, en général, resté fidèle au principe de l’élection. Il est possible qu’il ait dans des cas isolés créé des magistrats du peuple qu’il n’aurait pas eu qualité pour créer d’après les pouvoirs de la dictature constitutionnelle ; mais on ne peut le prouver avec certitude[86]. — César a aussi respecté en principe les élections populaires et refusé le droit de nommer les magistrats patriciens et même les magistrats plébéiens qui lui avait été offert[87]. S’il a généralement présidé en qualité de consul ou de dictateur, les élections de magistrats faites sons son gouvernement[88], il ne fit par là que ce qui rentrait dans les attributions de la magistrature supérieure. Dans le règlement des magistratures pour les années 710 et 711, qui a eu lieu dès le début de l’an 710 en considération de l’expédition projetée contre les Parthes, le dictateur reçut, en vertu d’un plébiscite proposé par le tribun L. Antonius[89], quant la moitié des places patriciennes et peut-être même plébéiennes[90] à l’exclusion du consulat[91], le droit de faire des propositions obligatoires pour le corps électoral[92]. Cette mesure a été riche en conséquences pour les limitations postérieures apportées au droit des électeurs, au profit du principat, mais cela ne paraît avoir été dans le principe qu’une exception admise pour un cas spécial[93]. César n’a donc pas dans la forme empiété sur le droit des comices. — Mais les triumvirs se sont comportés autrement la loi Titia leur a expressément conféré le droit de nommer les magistrats[94] ; et, en laissant de côté la loi qui accorda, en 724, à T. Statitius Taurus, en reconnaissance de l’amphithéâtre élevé par lui, le droit de nommer annuellement un des préteurs[95], tous les magistrats de cette époque paraissent avoir été exclusivement nommés par les détenteurs du pouvoir jusqu’à la reconstitution de l’État par Auguste. Tout ce qui nous est rapporté sur les nominations de magistrats patriciens et plébéiens[96] jusqu’en l’an 727 confirme que les comices n’ont pas été consultés à leur sujet[97]. 3. Le droit de nomination des sénateurs, qui n’appartenait constitutionnellement qu’aux censeurs dans les formes déterminées et non aux magistrats supérieurs, n’a été exerce par Sulla que dans une forme, en faisant voter le peuple ou les tribus isolées sur les personnes qui devaient entrer dans le sénat à titre extraordinaire[98]. César, au contraire, a fait là sans détour usage des pouvoirs monarchiques et coopté un grand nombre de sénateurs[99] en les incorporant arbitrairement en même temps dans une des classes hiérarchiques du sénat, même dans la plus élevée, dans celle des consulaires[100]. Les triumvirs n’ont peut-8tre pas ainsi complété le sénat par dés actes arbitraires directs ; mais c’est uniquement parce qu’ils préféraient conférer les magistratures en masse par voie d’abréviation des délais (III, 9& 234) et réaliser ainsi indirectement l’entrée dans le sénat ou dans une classe supérieure du sénat. 4. Le droit de nommer des magistrats et des membres du conseil dans les cités de citoyens romains a, depuis qu’il en a existé, été constamment exercé par les détenteurs du pouvoir constituant, nommément par Sulla[101], César[102] et les triumvirs[103]. 5. En matière criminelle, les magistrats mis au-dessus de la constitution peuvent faire abstraction du système de la provocation, comme de toutes les autres formes légales et prononcent d’une façon quelconque n’importe quelle peine. C’est là un des points par lesquels le pouvoir constituant concorde avec la forme première de la dictature. L’exposition du régime décemviral l’exprime avec son énergie ordinaire. Les décemvirs, bien que n’étant pas chargés de l’application des lais pénales d’une façon différente des magistrats supérieurs ordinaires, quoique n’étant pas, constitués pour faire cesser un état d’anarchie par des mesures d’exception, sont pourtant légalement soustraits à la provocation[104] ; et si le premier collège, le bon, laisse les haches au repos et donne volontairement ouverture à la provocation[105], les mauvais décemvirs usent encore là de la plénitude de leurs droits : ils portent les haches dans l’intérieur de la ville et prononcent des condamnations à mort sans consulter le peuple[106] ; ils se mettent même au-dessus de la prescription selon laquelle aucun jugement ne doit être prononcé qu’en présence du peuple, et ils prononcent des sentences criminelles dans leur demeure privée, les portes closes[107]. — Dans les applications postérieures du principe de l’æsymnétie, l’exercice du droit de justice pénale, libéré de la provocation et de toute règle de droit, n’a plus été seulement une conséquence juridique inévitable de la magistrature d’exception ; il a été le véritable but de son établissement. La prédominance avec laquelle on pensait, dans 1’eeuvre d’organisation de l’État, à son épuration extraordinaire dès criminels de toute sorte se manifeste aveu une clarté spéciale dans l’exercice fait par Pompée du consulat qu’il revêtit à la place de la magistrature d’exception[108]. Ce que les vieux jurisconsultes signaient en théorie dans l’histoire des seconds décemvirs comme la suite du pouvoir d’exception, se présente avec une effroyable réalité dans les procès criminels des dictateurs Sulla et César[109] et des triumvirs. Le droit de provocation et toutes ses formes sont suspendus ; dans le cas le plus heureux, dont le procès capital intenté à Q. Ligarius devant le dictateur César nous donne une claire image[110], l’accusation et la défense ont lien sur la place publique de Rome[111] devant le magistrat, auquel appartient le pouvoir de statuer seul sur la vie et les biens de chaque citoyen. Mais la pratique a été encore plus conséquente que la théorie. Les anciens maîtres du droit public s’étaient dit qu’un jugement valable pouvait être rendu même sans publicité ; ils n’en avaient pas tiré la conséquence que l’on pouvait se passer même de la défense de l’accusé. Il n’y a pas besoin de développements pour rappeler comment Sulla a tiré cette conséquence, comment il a prononcé en masse des sentences de mort non seulement sans publicité, mais avec suppression de toute audition légale de l’accusé[112], exclusivement par publication du nom et de la peine[113], faite même dans des cas particuliers après l’exécution[114] ; comment il s’est également mis au-dessus des formes légales de l’exécution et a provoqué et obtenu le concours de volontaires pour l’exercice des fonctions de bourreau ; comment il a été depuis suivi dans cette voie de l’atrocité, sinon par César[115], du moins par les héritiers de César. Ces proscriptions font encore frissonner d’horreur, et le moindre motif n’en est pas que tous ces actes accomplis sous la forme d’assassinats étaient, au point de vue juridique, aussi inattaquables que n’importe quelle sentence de mort confirmée par les comices et exécutée par le licteur[116]. Sous ce rapport ils se distinguent essentiellement de tueries en masse, telles, par exemple, que celles du fils de Marius ; ce n’est point ici le lieu de chercher si c’est en, bien ou en mal. 6. La reconnaissance de la souveraineté du peuple par opposition à celle du roi, trouvant logiquement et pratiquement son expression par excellence dans l’admission du principe selon lequel la cession à titre gratuit des terrés publiques ne peut être décidée que par les comices et être réalisée que par des magistrats spécialement élus à cette fin, les magistrats placés au-dessus de la constitution font rationnellement des assignations et des fondations de colonies à l’image de celles des rois. Ils vont même encore plus loin, car ils ont reçu avec le pouvoir législatif la faculté de transformer des terres privées en terres publiques par voie d’expropriation et d’en, faire ensuite au dernier titre l’assignation[117]. C’est là la différence essentielle qui sépare les assignations et les fondations de colonies de la République de celles accomplies en vertu des dictatures de Sulla et de César, et du triumvirat rei publicæ constituendæ[118]. Les dernières assignations, désignées par euphémisme du nom de fondation de colonies militaires, ne sont pas faites en vertu d’une loi spéciale, mais en vertu de la loi sur laquelle se fonde le pouvoir général de celui qui gouverne[119], et elles ne sont pas accomplies par des .magistrats élus spécialement à cette fin, mais en droit par ce gouvernant et en fait par des personnages qu’il choisit à sa guise[120]. — Au reste, les deux formes apparaissent l’une à côté de l’autre dans la période de transition on trouve à côté des assignations des dictateurs et des triumvirs celles faites dans les formes de l’ancien système tant par les vigintivirs de la loi agraire proposée par César comme consul de 695 que par les septemvirs du plébiscite Antonien de l’an 710. 7. Le droit de modifier le tracé des murailles de la ville, ou, selon l’expression technique, de reculer le chemin de ronde[121], est un ancien droit royal, mais il ne fut plus exercé après la construction du mur de Servius[122] et il a été considéré comme un pouvoir faisant défaut aux magistrats de la République[123]. Mais Sulla l’a repris[124], à l’exemple des rois et en vertu de ses pouvoirs royaux[125]. César a voulu suivre son exemple, mais en a été empêché par la mort[126]. 8. Le droit de décider indépendamment de la paix et de la guerre a été concédé expressément au dictateur César après la bataille de Pharsale[127]. Il n’en est pas fait de mention spéciale pour les autres pouvoirs constituants. La question du rapport des pouvoirs constituants de la République avec la royauté est une question, qui se présente naturellement à l’esprit et qui est importante pour l’histoire. Elle se résout d’elle-même, à condition d’être bien posée. La royauté romaine n’a pas été proprement abolie, ni en la forme ni au fond. Elle a subsisté sous une dénomination nouvelle et avec les limitations qui résultent spécialement des institutions de la provocation obligatoire, de la collégialité égale et de l’annalité. En la forme, toutes les magistratures supérieures, qu’on les appelle consulat ou dictature ou décemvirat ou triumvirat ; ont été modelées sur la puissance royale ; et celle qui l’a été le plus exactement n’a pas été la dictature, mais le consulat, qui a reçu le même nombre de licteurs que le roi. Quant au fond, la magistrature supérieure se rapproche de la royauté, dans la proportion dans laquelle les restrictions légales qui sont imposées à la magistrature supérieure sont mises à l’écart. Le consulat devant être regardé comme l’état normal, toute magistrature quia des droits plus forts que les siens est un état d’exception. Cela est vrai, même de l’ancienne dictature temporaire et encore plus du décemvirat ; car dans la dictature la provocation disparaît et la collégialité n’existe qu’à titre de collégialité inégale, donc, au sens exact, ne subsiste pas, et, dans le décemvirat, si l’égalité des droits entre collègues a subsisté, la limitation légale la plus importante de toutes, l’annalité, a disparu en même temps que la provocation. L’une et l’autre sont également désignées comme des pouvoirs d’exception par l’indication qui est faite de leur but ; car elle implique qu’une fois l’opération en question terminée, le pouvoir politique normal rentrera en exercice. La délimitation étroite du but de la dictature temporaire, celle plus large du but du décemvirat montrent en outre pourquoi la première a été regardée comme une institution incorporée dans la constitution, et le second comme une institution étrangère et supérieure à la constitution. Lorsqu’ensuite Sulla dépouilla la dictature de sa limitation de temps et lui donna une destination aussi large que celle du décemvirat, les limitations qui distinguaient de la royauté la magistrature supérieure de la République se trouvèrent, en négligeant le rôle religieux de la royauté primitive et certains points moins importants, pour la première fois toutes écartées. La dictature de Sulla, se distingue encore de la royauté seulement en ce que la royauté est normale, et la dictature de Sulla anormale, pour parler pratiquement en ce qu’après la retraite ou la mort du roi il devait y avoir un autre roi, tandis qu’après la retraite ou la mort du dictateur, la constitution républicaine rentrait en vigueur. Lorsque César, après avoir rappelé la même institution à la vie, assigna à la dictature un terme extinctif précis, d’abord un jour du calendrier, puis sa mort, il s’approcha encore d’un pas de la monarchie : d’une monarchie à terme incertain, elle fut transformée en monarchie à vie. Mais il restait encore à faire un dernier pas, le plus important ; il restait à transformer la monarchie à terme et anormale en monarchie stable et normale. En ne donnant pas à sa dictature le caractère du pouvoir d’exception respecté par Sulla, ou tout au moins en le lui retirant par la suite, César montra bien l’intention de fonder une monarchie, durable. Mais pour la réalisation de cette intention, il fallait un règlement de la transmission du pouvoir, soit qu’il rétablit la royauté[128] et modifia d’une façon corrélative le système de l’interrègne, soit qu’il arrêta la nomination d’un dictateur à vie pour le cas de sa mort. Il n’a fait ni l’un ni l’autre. Il est mort investi du pouvoir le plus élevé, mais toujours encore d’un pouvoir extraordinaire, et par suite la constitution républicaine est alors aussitôt rentrée en exercice d’une façon parfaitement normale. C’est donc à tout à fait bon droit qu’il n’a jamais été regardé comme le premier monarque de Rome. On aurait pu à aussi bon droit, ou même plus justement, faire dater la monarchie de. Sulla. Qu’il ait été empêché par sa mort soudaine de fonder la monarchie normale ou qu’il n’ait jamais projeté de le faire, la dictature de César et celle de Sulla sont, en leur qualité de monarchie à temps, des épisodes de l’histoire de la République romaine. Si nous considérons encore une fois, pour terminer, l’ensemble des institutions rassemblées ici, on ne peut refuser aux Romains ce témoignage qu’ils ont, relativement à la plus importante et à la plus chanceuse de toutes les institutions politiques, à la magistrature mise au-dessus de la constitution par la libre volonté du peuple, conservé la clarté et la décision géniales qui font de leur système politique le plus grandiose qui ait jamais existé. Ils ont parfaitement compris à la fois la puissance infinie et le danger infini d’une pareille anomalie ; ils ont aussi clairement aperçu et exprimé que tout gouvernement anormal de ce genre peut conduire à un refus d’obéissance également anormal des gouvernés, que tout régime d’exception, même légalement introduit, peut, selon les circonstances, faire naître ce cas de force majeure qui légitime la révolution. La lâcheté et l’hypocrisie qui voudraient se masquer la possibilité soit de pareils pouvoirs d’exception, soit de leurs conséquences, ont été étrangères à Rome, et ce n’est pas la moindre raison pour laquelle ils ont moins souvent apparu dans son système politique qu’ailleurs. Mais lorsqu’ils y ont apparu, la redoutable puissance de la passion politique et la non moins redoutable puissance de la logique juridique se sont alliées en eux ; et ces régimes d’exception ont pris par là une forme qui reste unique dans son horreur. On appréciera mieux en partant de là l’acte d’Auguste par lequel, après avoir eu entre les mains la monarchie illimitée, il a volontairement abandonné les formes juridiques qui avaient été trouvées pour elle, celle du décemvirat à la meilleure époque, celles de la dictature et du triumvirat à l’époque de la décadence, et en dépit de toutes les pressions il a fermement refusé de les ressusciter. Il faut, tout en admirant l’œuvre de transformation grandiose des institutions opérée par César, savoir estimer aussi l’homme politique qui considéra une pareille œuvre comme surhumaine et qui, brisant la machine construite pour elle, a essayé de faire le nécessaire et l’a fait jusqu’à un point au moyen d’un succédané très faible par lui-même[129]. |
[1] Si important qu’il soit de mettre en pleine lumière le principe juridique et la situation juridique de ces magistratures, elles appartiennent pourtant dans leur aspect pratique plutôt à l’histoire qu’au droit. Même en dehors de ce que leur sphère juridique propre n’est autre chose que l’arbitraire légalisé, il est inadmissible de tirer des actes de César et de Sulla des conclusions relatives à leur compétence semblables à celles qu’on peut et doit tirer relativement à la leur des actes des magistrats ordinaires. Il faut ici le plus possible restreindre les recherches au peu qui se présente dans ce domaine comme formulé juridiquement et laisser de côté l’exercice de fait de la magistrature aussi important pour l’histoire que stérile pour l’enseignement juridique.
[2] Ils s’appellent decemviri consular[i impierio legibus s[cribundis], aussi decemviri consular[i imperio] tout court dans les Fastes capitolins sur l’an 303 (cf. Varron chez Aulu-Gelle, 44, 7, 5). Cicéron, De re p. 2, 36, paraphrase le même titre par les mots Xviri... qui et summum imperium haberent et leges scriberent. Si Tite-Live, 3, 9, 5 parle de quinque viri legibus de imperio consulari scribendis, c’est parce qu’il a mal compris la formule. La conception d’Ampelius, 29, 1 : Populus Romanus... decemviros legum ferendarum et rei publicæ constituenda : causa paravit, serait remarquable au point de vue du rapport du décemvirat et de la dictature de Sulla, si l’auteur avait quelque autorité. Le terme ordinaire decemviri legibus scrabendis se trouve dans les fastes des féries latines (C. I. L. VI, 2041 = XIV, 2236 = 1, ed. 2 ; p. 56 = Eph. Ep. II, 95) et chez Suétone, Tib. 2, en outre chez Aulu-Gelle, 17, 21, 15 : Xvirs legibus scribundis creati, chez Diodore, 12, 23 : Δέκα άνδρες νομογράφοι, de même encore chez Tite-Live, 34, 6, 8 : Decemviri ad condenda jura creati. — Leur puissance émancipée des liens ordinaires est mise en lumière à diverses reprises : chez Cicéron, loc. cit. elle est appelée summum imperium, maxima potestas ; chez Zonaras, 7, 18, ils sont appelés, ou plutôt les deux chefs qu’il leur donne, sont appelés στρατηγοι αύτοκράτορες ; Denys les appelle à un endroit (10, 55) : Έξουσίαν έχοντας ύπέρ άπάντων τών κατά τήν πόλεν, ήν εΐχον οΐ τε ΰπατοι καί έτι πρότερον οί βασιλεΐς, tandis qu’à un autre, 11, 6, il leur attribue, sous l’influence du Principat, la puissance tribunicienne ; l’empereur Claude parle en bon républicain, dans le discours de Lyon, 1, 33, du regnum decemvirale.
[3] Cicéron, De re p. 2, 31, 54, indique comme objet de la loi : Ne qui magistratus sine provocatione crearetur, Tite-Live, 3, 55, 5. Ne quis ullum magistratum sine provocatione crearet : qui creasset eum jus fasque esset occidi neve ea cædes capitalis noxæ haberetur. L’expression magistratus sine provocatione doit être entendue par corrélation avec l’histoire immédiatement antérieure du décemvirat : il ne s’agit pas de soumettre à une nouvelle restriction le droit des magistrats ordinaires au point de vue de la provocation ; il est certain que la soustraction de la dictature à la provocation est restée intacte ; on veut seulement empêcher l’établissement d’une magistrature qui soit juridiquement au-dessus de toutes les lois, donc au-dessus de la loi sur la provocation, comme avait été le décemvirat. Par corrélation le retour au régime ordinaire est exprimé par la résolution de consulibus creandis cum provocatione (Tite-Live, 3, 55, 15). La résolution relative aux pouvoirs constituants à venir était en réalité, comme le dit Tite-Live, une lex nova. Mais il parle incorrectement, à côté de cela, d’une restitution législative du droit de provocation ; car il rentrait en vigueur de lui-même par la disparition des magistrats d’exception et il était même à la base de leur œuvre propre, de la loi des XII Tables.
[4] Tite-Live, 3, 55, 14.
[5] Appien, B. c. 1, 99. L’indication du but ne fait pas partie du titre proprement dit de la dictature. Il n’est donc pas surprenant que le complément legibus scribendis et r. p. c. n’apparaisse jamais sur les inscriptions et les monnaies. — Les désignations grecques de la dictature du nom d’αύτεξούσιος άρχή (traduction du monument d’Ancyre, 3, 2), du dictateur de celui de μόναρχος (Appien, B. c. 1, 3) ou τόραννος αύτοκράτωρ (Appien, B. c. 1 ; 99) ou encore ήγεμών (Appien, B. c. 1, 97 ; cf. les remarques sur C. I. L. I, n. 584) sont des périphrases ayant la plupart une couleur de blâme ; comme expression technique, les Grecs eux-mêmes emploient l’expression latine.
[6] Cicéron, De l. agr. 3, 2, 5. Appien, B. c. 1, 98. 99. Drumann, 2, 475.
[7] César, B. c., 2, 21. Dion, 41, 36. Cicéron, Ad Att., 9, 15. C’est inexactement qu’Appien, B. c., 2, 48, le représente comme ayant été élu dictateur par le peuple et même Plutarque, Cæsar, 31, comme l’ayant été par le sénat ; on a observé essentiellement la même procédure qu’en 672. Habituellement on entend cette dictature comme constituée à l’image de l’ancienne dictature constitutionnelle et non pas de celle de Sulla. Mais alors il n’y aurait pas eu besoin de la déposition d’une loi spéciale (la nomination du dictateur par le préteur n’a pas lieu en vertu de cette loi spéciale, mais en vertu d’une interprétation arbitraire de la constitution) ; ensuite on né peut pas expliquer par les anciennes attributions du dictateur, les actes mêmes que César rapporte expressément à cette dictature, en particulier la réorganisation du crédit ; enfin, il n’est pas historiquement vraisemblable qu’entre les dictatures similaires de 612 et 706, il s’en soit intercalé une troisième absolument différente modelée sur une institution écartée depuis un siècle et demi. César a en 705, manié le redoutable instrument aussi doucement’ et aussi brièvement qu’il a pu ; mais l’instrument était alors le même qu’il a employé plus tard.
[8] Nous n’avons pas de renseignements précis sur les formes de la collation de la dictature de 796, même pas chez Dion en dépit de la prolixité de son récit. La nomination doit avoir été faite par le consul P. Servilius Isauricus, alors présent à Rome.
[9] Il est aussi surprenant qu’incommode que nous ne sachions absolument rien du contenu de la loi ou plutôt des lois spéciales sur lesquelles s’appuie en la forme la dictature de César. Il est certain qu’il en fut rendu une en 705 et elle a nécessairement été renouvelée en 706, à moins que la loi spéciale de 705 ne fut rédigée de façon à permettre cette seconde nomination. L’introduction d’abord de l’annalité, puis de la perpétuité de la dictature dont nous parlerons plus loin, ne peuvent avoir eu lieu qu’en vertu de rogations correspondantes. Mais on ne trouve nulle part une indication sur le caractère formel des pouvoirs donnés par ces lois à César. En outre, la dictature constituante n’est probablement pas toute la compétence de César. Le titre qui figure, semble-t-il, comme son titre général dans le statut de Genetiva donné par lui peu de temps avant sa mort (c. 125 rapproché de c. 104. 106) dictator consul prove consule, porte tout au moins à se demander s’il ne s’est pas fait attribuer à titre durable, à côté de la puissance dictatoriale, la puissance consulaire, de telle sorte que lorsqu’il ne revêtait pas le consulat, il aurait été pro console. A cela s’ajoutent la concession des pouvoirs tribuniciens et une série de pouvoirs isolés non formulés. Il n’est même pas invraisemblable que le principat, composé de la puissance proconsulaire, de la puissance tribunicienne et d’un certain nombre d’attributions spéciales, ait tiré son origine, au point de vue du droit public, des attributions qui ont été accordées à César à côté et en dehors de sa dictature. Mais notre tradition ne va pas, relativement à la compétence formelle de César, au-delà des conjectures.
[10] Asconius, In Milon. éd, Orelli, p, 34. 37. Plutarque, Pomp. 54, Dion, 40, 45. 50. Drumann, 2, 349. 3, 394. On ne semble pas en être venu à formuler une proposition à ce sujet, même au sénat. Mais il est évident qu’il s’agit de la dictature de Sulla, de la μοναρχία comme l’appelle Plutarque. — L’assertion selon laquelle Antoine aurait voulu devenir dictateur en 710 (Cicéron, Ad Att. 15, 21) est un commérage vide.
[11] Auguste, Mon. Ancyr. 1, 31 (restitué d’après la texte grec) ; [Dictatura]m et apsent[i et præsenti mihi datam... a populo et senatu M. Marce]llo e[t] L. Ar[runtio consulibus non accepi]. On en est donc arrivé là à un vote du peuple en forme. Velleius, 2, 89. Dion, 54, 9, rapproché de 53, 17. Suétone, Aug. 52. De vir. ill. 79, 7.
[12] Appien, B. c. 3, 25. Dion, 44, 51. Ce sont là les seules relations précises. Les autres (Drumann, 1, 106) sont en termes tout à fait généraux.
[13] Suétone, Cæsar, 76. Dion, 43, 14, sur l’an 708. Drumann, 3, 609. 662. La prudence avec laquelle il faut accueillir précisément les relations qui énumèrent les pouvoirs officiels de César et à Auguste nous est enseignée par les contradictions graves quelles présentent avec le propre témoignage d’Auguste contenu dans le monument d’Ancyre relativement au cens et à la cura morum du même Auguste.
[14] C’est aussi pourquoi il est impossible de relever un acte quelconque de César qu’il ait dû nécessairement faire comme præfectus moribus. La dictature comprend tous les pouvoirs que pourrait avoir un pareil préfet. Lorsque Cicéron écrit par plaisanterie en 708 à Pætus, qu’il vivra selon la loi sur le luxe de table, quamdiu hie exit noster hic præfectus moribus (Ad fam. 9, 15, 5), tout ce qui résulte de là, c’est que César, médiocrement d’accord avec son propre genre de vie, jouait au censeur, que Cicéron désigne ailleurs de cette façon (Pro Cluent. 46, 129). On ne peut discerner dans ce texte si César le faisait en vertu de sa dictature ou en une autre qualité quelconque. Il ne serait pas inconcevable que ce soit ce texte qui ait provoqué parla suite la croyance à une præfectura morum spéciale de César.
[15] Mon. Ancyr. 3, 14 et ss. de la traduction grecque (C. I. L. III, p. 789). Ce texte a précédemment été tout à fait mal compris par moi comme par tous les autres interprètes, et la seule excuse en est dans la contradiction absolue en laquelle il se trouve avec les relations de Suétone et de Dion. Le premier (Aug. 27) représente Auguste comme revêtant le regimen morum legumque, le second le représente même (54, 10. 30) comme nommé en 735 pour cinq ans et en 742 pour cinq nouvelles années. Mais depuis que le fragment d’Apollonia a été correctement déchiffré et interprété par Waddington, la restitution du texte est certaine dans ses termes essentiels. Les allusions des poètes contemporains (Horace, Carm. 4, 5, 22 et Epist. 2, 1, 1 ; Ovide, Metam. 15, 833 et Trist. 2, 233) sont d’accord avec les assertions d’Auguste, mais à la vérité ne font pas voir en vertu de quel titre Auguste a accompli cette tâche, si c’est comme curator legum et morum ou comme tribun.
[16] Ainsi Suétone ramène les trois cens d’Auguste à cette cura legum et morum, tandis qu’Auguste les fit, selon son propre témoignage, en vertu de l’imperium consulaire. Il y a probablement une confusion semblable à la base de la relation de Dion, 54, 10, selon laquelle Auguste reçoit en 735 avec la cura legum le pouvoir censorien pour cinq ans, tandis qu’en 732 il aurait refusé avec la dictature à vie la puissance censorienne viagère (54, 2).
[17] Le titre est constant dans les fastes et sur les inscriptions et les monnaies ; les exemples sont superflus. Le texte triumviri rei publicæ reconstituendæ qui nous a été transmis dans un fragment de Varron chez Aulu-Gelle, 14, 1, 5, et le triumvir rei publicæ qui se trouve dans les manuscrits de Nepos, Att. 12, sont sans doute des fautes d’écriture, la légende d’un exemplaire des monnaies de la gens Barbatia (Cohen, n. 1) IIIvir r. r. p. c. (Borghesi, Opp. 1, 427) une faute de frappe. L’abréviation fixe dés le principe R. P. C. a probablement été provoquée par le titre semblable de Sulla. Cf. le traducteur grec du monument d’Ancyre, 1, 12 et 4, 1, le rédacteur de la lettre d’Antoine à la ville d’Aphrodisias (C. I. Gr. 2737), Josèphe, Ant. 14, 12, 5, l’édit chez Appien, 4, 8. Dion, 46, 55.
[18] Appien, B. c. 4, 7. Le complément ne figure jamais dans le titre.
[19] C’est là l’ordre officiel, montrent les fastes (C. I. L. I, p. 440. 466 = ed. 2, p. 28. 64) et l’édit chez Appien, 4, 8 (et 4, 7). Il est déterminé par la date du consulat. Lépide a été consul pour la première fois en 708, Antoine en 710 et César en 711. Plus tard Lépide a souvent été omis même dans les décisions officielles (Dion, 48, 22) et il n’y a de monnaies avec son effigie (Cohen, Æmilia, n. 21 ; Livineia, n. 7 ; Mussidia, n. 9. 10) que dans les premiers mois du triumvirat (v. Sallet, Numismat. Zeitschrift, 2, 67). Sur Sex. Pompée, cf. Dion, 48, 36.
[20] Appien, B. c. 4, 7, rapproché de c. 2. Dion, 47, 2. Drumann, 1, 310.
[21] Fastes Colot. C. I. L. I, p. 466 = ed. 2, p. 28, sous la date de l’an 711 ; [M. A]emilius, M. Antonius imp. Cæsar IIIvir r. p. c. ex a. d. V k. Dec. ad pr. k. Jan. sext(as). C’est une erreur de croire que la monnaie de Cohen, Vipsan. n. 3 (reproduite et étudiée en dernier lieu par von Sallet, dans la Num. Zeitschrift de Berlin, 4, 140), frappée d’après la légende du revers (M. Agrippa cos. desig.) avant le 1er janvier 717, désigné César comme IIIvir iterum. La légende du droit porte en réalité imp. divi Iuli f. ter IIIvir r. p. c. et il faut par conséquent rapprocher imp. ter. ainsi que je l’ai déjà, développé dans la note sur Borghesi, Opp. 2, 252, et comme je le justifierai tome V, dans la théorie du Principat. Mais, y eut-il iter., il ne pourrait être lié aux mots IIIvir r. p. c. qui suivent la formule de l’inscription de Pompéi, C. I. L. X, 1037, indiquée dans ce sens par v. Sallet se fonde sur les réglés spéciales de la quinquennalité, et un usage proleptique de l’itération est absolument impossible.
[22] Le titre XXviri ex senatus consulto r. p. curandæ est donné par l’inscription C. I. L. XIV, 2902.
[23] Zosime, 1, 14. De même, Vita Gord., 10, 14 ; Maxim. et Balbini 1, 2. Hérodien, 7, 10. C’est peut-être de là que sont venus, par une fausse interprétation, les 20 legati sénatoriaux de la Vita Max. et Balb. 19
[24] La circonstance que Pompée était seul consul, et cela après qu’un sénatus-consulte avait recommandé avant le vote de l’élire et de l’élire seul (Suétone, Cæs. 26) ainsi que de ne pas mettre de collègue è ses côtés avant deux mois (Plutarque, Pomp. 54), n’autorise pas à l’admettre. Il y a souvent en des consuls uniques seuls en fonctions et il n’y a pas en droit de différence à faire selon que le défaut du collègue se produit intentionnellement ou fortuitement, d’autant plus qu’il n’y a pas constitutionnellement de moyen de contrainte pour provoquer l’élection complémentaire.
[25] La meilleure de beaucoup des relations que nous possédons, celle d’Asconius, In Milon. p. 37, montre que les formalistes triomphèrent complètement et que la situation de Pompée n’était, en droit, exceptionnelle sous aucun rapport. Appien (B. c. 2, 23) ne dit pas autre chose : l’historien pragmatique pouvait parfaitement résumer ainsi les résultats.
[26] La maxima potestas de la cura legum et morum n’est rien de plus ; Cicéron attribue aux décemvirs summum imperium.
[27] Les triumvirs entrant le 1er janvier 717 sont dans les Fastes du Capitole avant les consuls entrant le même jour.
[28] Dans les controverses sur la constitutionnalité des élections, on fait à la vérité généralement valoir que l’élection elle-même est une résolution du peuple et que par conséquent les règles légales de l’élection pouvaient titre changées par l’élection elle-même (Tite-Live, 7, 17, 12. 9, 33, 9. Appien, Pun. 112). Mais il est évident qu’en partant de là on ne peut pas parler de règles légales quelconques régissant les élections ; et cette assertion est clairement signalée comme une conclusion trompeuse.
[29] C’est là ce qui couvre en la forme l’anomalie contenue dans l’accomplissement de la nomination par l’interroi ou le préteur.
[30] Une convention de l’État conclue pour toujours, en ce sens que ce sera à une époque à venir quelconque une violation du droit que de s’en dégager unilatéralement, est assurément possible. Mais la possibilité de l’abolir par raccord des volontés des deux parties demeure même alors en tout temps réservé.
[31] La conception courante du droit criminel, romain a été gravement altérée par la confusion qu’on a faite entre les dispositions des lois pénales susceptibles d’exécution et ces sanctions inapplicables par essence et par suite jetées dans le vide.
[32] Si Lépide, Antoine et César ne se sont pas appelés dictateurs (Appien, B. c. 4, 2 ; Dion, 47, 15), cela a sans’ doute été plutôt parce qu’Antoine ne voulait pas violer aussi brutalement sa propre loi que parce que le nom était le plus incorrect possible pour un gouvernement de plusieurs.
[33] Denys, 10, 58, indique que lors de l’élection des seconds décemvirs, il y eut des plébéiens parmi les élus, et la composition de la listé des noms lui donne indubitablement raison (Rœmisch. Forsch., 1, 95), il n’est pas question d’une modification des conditions d’éligibilité, et le fait du patricial des premiers décemvirs ne prouve aucunement, surtout à cette époque, qu’aucun plébéien ne pût se présenter à la première élection. Tite-Live prétend qu’il y aurait eu une discussion lors de l’institution du premier décemvirat, pour savoir s’il pouvait être occupé même par des plébéiens (3, 31, 7. c. 32, 7), et que les plébéiens se seraient effacés, et il regarde tous les décemvirs comme patriciens (4, 3, 17, rapproché de 3, 35) en contradiction avec les fastes. L’opposition faite entre les bons et les mauvais décemvirs peut elle-même avoir contribué à faire considérer les premiers comme patriciens, et les seconds comme en partie plébéiens.
[34] La détermination du but de la dictature ne faisant point, à proprement parler, partie de son titre ; la dénomination de dictator, sans indication plus précise de destination donnée à César, comme d’ailleurs à Sulla, sur ses médailles, ses inscriptions et ses actes, ne prouve ni pour ni contre. Il n’est pas non plus certain que les fastes Colotiens indiquent la destination de la dictature. Les fastes du Capitole le font ; mais ils présentent une lacune pour la dictature de César.
[35] Dans le sénatus-consulte du 9 février 110 (Josèphe, Ant., 14, 10, 6, sur la nature du document et la façon de le dater, cf. les justes observations de L. Mendelsohn, Acta soc. phil. Lips, 5, 232), par conséquent probablement dans la courte période de la dictature à vie, les Juifs, dont la condition à Rome est définitivement réglée par ce titre, sont invités à solliciter à l’avenir l’introduction de leurs ambassadeurs du dictateur ou du maître de la cavalerie. Le statut communal de Genetiva confie de même personnellement au dictateur César la confirmation des élections des magistrats. Cela montre que César n’a pas donné, comme Sulla, pour point de mire théorique à son organisation le rétablissement du gouvernement consulaire, si cela ne suffit pas encore à permettre de conclure que le rétablissement de la monarchie sous la forme de dictature a vie ait été son but politique dernier.
[36] On pouvait présenter, comme justification extérieure ; la considération que, tant qu’il existait une individualité comme César, son omnipotence était la meilleure constitution, mais qu’après sa mort le système constitutionnel rentrerait en exercice.
[37] Sulla propose, chez Appien, B. c. 1, 98, que le dictateur à élire doive exercer le pouvoir non pour un temps déterminé, mais jusqu'à ce que Rome, l'Italie et tout l'empire romain auraient cessé d'être agités par les séditions et les guerres et auraient repris une assiette fixe, et il est nommé, en conséquence, (c. 99) ές όσον θέλοι.
[38] L’attribution de la dictature pont dix ans n’est relatée que par Dion, 43, 14, sur l’an 708 ; il n’y a rien contre cette tradition, quoiqu’on doive accueillir avec précaution tout ce qui est attesté uniquement par Ies historiens sur les dignités de César et d’Auguste. Nos sources relèvent aussi la transformation de la dictature en une magistrature annale (Plutarque, Cæs. 51 ; Dion, 42, 21) ; mais elles la rattachent faussement à l’an 796, au lieu du 1er janvier 709. Cette question compliquée est discutée C. I. L. I, p. 451 = ed. 2, p. 40 ; et, en dépit de la contradiction de Stobbe, Philologus 27, 109 et ss., je ne crois pas qu’il y ait d’autre combinaison conciliable avec les dates fournies par les titres que celle que j’ai proposée là.
[39] Un fragment nouvellement découvert des fastes du Capitole (Henzen, Eph. ep. II, 285 = C. I. L. I, ed. 2 ; p. 28) a montré que César a résigné de son vivant sa quatrième dictature, revêtue le 1er janvier 710 et encore existante lors de l’ovation du 26 du même mois (C. I. L., I, p. 461 = ed. 2, p. 42), évidemment pour l’échanger contre la dictature à vie qu’il exerçait déjà le 15 février de la même année (Cicéron, Phil. 2, 34, 81). Le titre de Josèphe, 14, 10, 7, dans lequel la quatrième dictature est combinée avec la désignation à la dictature à vie, se place donc entre le 1er janvier et le 15 février 710. L’opinion antérieurement exprimée par moi, selon laquelle la dictature à vie aurait consisté dans la désignation à autant de dictatures annales que César avait encore d’années à vivre, se trouve réfutée par là.
[40] Tite-Live, 3, 32, 7. Denys, 10, 55.
[41] C’est ainsi que Cicéron, De re p. 2, 36, et Tite-Live, 3, 31, motivent la seconde élection. Si Denys, 10, 58, représente les seconds décemvirs comme élus en vertu d’une loi spéciale, ce peut être là une correction d’un annaliste récent, qui ne comprenait pas la progression parfaitement calculée donnée à l’arbitraire.
[42] Tite-Live, 3, 36, 9. Denys, 10, 59. Dans les fastes des fêtes latines, qui commencent avec les premiers décemvirs, la fête est célébrée sous eux et il est remarqué pour les seconds que L(atinæ) non [fuerunt]. Cf. Rœm. Forsch. 2, 103.
[43] Tite-Live, 3, 54, 5. 6. Visiblement les décemvirs sont légalement magistrats, même dans la troisième année du décemvirat, et l’interrègne ne se produit qu’à leur abdication.
[44] Il en est ainsi à la fois des magistrats constituants (les décemvirs s’abstiennent à cause de cela de soumettre au peuple les deux tables qui restent ; Tite-Live, 3, 37, 4. c. 51, 13. Denys, 11, 6) et de l’ancienne dictature et de la censure. Mais, à côté de là, il y a un maximum absolu pour les dernières magistratures, tandis que ce maximum n’existe pas ou n’est pas légalement obligatoire pour les pouvoirs constituants.
[45] Les fastes du Capitole relèvent l’itération immédiatement avant les consuls entrés en fonctions le 1er janvier 717 et placent évidemment au même jour le commencement du second délai quinquennal (cf. Henzen sur la table du Capitole, C I. L. I, p. 449 = ed. 2, p. 38). Le terme extinctif du 31 décembre 746 exige aussi absolument ce jour initial. Cela donne comme terme d’expiration le 31 décembre 721. Appien, Illyr. 28, indique à tort le 31 décembre 722, comme terme d’expiration du second délai quinquennal, sans doute parce que le consulat ne commence que le 1er janvier 723.
[46] L’époque du traité de Tarente est controversée ; mais certainement il n’est pas antérieur à 717, et c’est là le seul point important, puisque le premier terme expirait le 31 décembre 716, Cf. Borghesi, Opp. 2, 253 et ss.
[47] Appien, B. c. 3, 95, dit expressément qu’il n’y a pas eu de vote du peuple à ce sujet, et cette information surprenante ne peut être une invention. C’est par une confusion qu’il affirme aussi le contraire (Illyr. 28).
[48] Aucune de ses monnaies ni de ses inscriptions n’ajoute de chiffre au triumvirat.
[49] La monnaie de D. Turillius montre qu’Antoine s’appelait encore IIIvir r. p. c., étant cos. III, donc en 723. Les monnaies de légion d’Antoine, qui appartiennent sûrement à ses derniers temps, ont aussi seulement ce titre.
[50] C’est ce qui se présente, comme on sait, sur ses monnaies et ses inscriptions. Les fastes de la ville de Rome, rédigés sous son influence, indiquent, en conséquence, la fin du premier délai quinquennal et le commencement du second.
[51] César s’appelle encore IIIvir r. p. c. iterum sur une inscription de l’an 721 (C. I. L. V, 525). Dans le monument d’Ancyre (Græc. 4, 2) il fixe la durée du triumvirat à dix années consécutives, et la qualification donnée à sa situation en l’année 722, 6, 13 (rendu certain par la traduction grecque) Per consensum universorum [potitus rerum omn]ium est d’accord avec cela. Cela ne peut signifier qu’une chose ; c’est qu’il s’arrogea le commandement fondé sur la force majeure, et c’est, en effet, le seul expédient qui reste, si l’on regarde le triumvirat comme expiré. Mais tout concevable qu’il soit qu’Auguste ait plus tard désiré voir envisager les choses de cette façon, les vestiges ne conduisent pas à cette idée.
[52] C’est ce qu’enseignent les textes que nous citerons plus loin sur la constitution du Principat, la continuité des faisceaux revendiquée par Auguste lui-même depuis le 7 janvier 711 et avant tout l’évidence des faits.
[53] Dion, 50, 7. Cf. 49, 41 ; 50, 21 ; Tite-Live, 132.
[54] Toute la dernière partie de la guerre civile roule sur la résignation de l’imperium ; et en fait elle finit par l’acte du 13 janvier 727 : Cette controverse ne pouvait se développer en partant du commandement fondé sur la force majeure.
[55] Si la conception de Zonaras, 7, 18, des deux consuls de l’année qui se retirent afin de faire place aux décemvirs, est autre chose qu’une confusion, il y a eu une version qui voyait dans les décemvirs des collègues inégaux, comme ceux qui existeraient, par exemple, si, selon le système postérieur, on avait élu deus consuls et huit préteurs.
[56] Tite-Live, 3, 36, 3. Denis, 10, 50.
[57] Tite-Live, 3, 36, 6. Denys, 10, 50. Le caractère purement paradigmatique de la légende, aussi dépourvue de valeur historique qu’instructive pour le droit public, ne ressort peut-être nulle part ailleurs avec une égale énergie.
[58] Lépide est appelé le conlega de César dans l’oraison funèbre de Turia, (C. I. L. VI, 1527) b, 13.
[59] Cicéron, De re p. 2, 36, 61. De leg. 3, 8, 19. Tite-Live, 3, 32. Denys, 10, 55. Zonaras, 7, 18. Ampelius, 29, 2. Pomponius, Digeste, 1, 2, 2, 24 (d’où Lydus, De mag. 1, 34).
[60] Cela n’est pas attesté expressément, sauf pour le serment fait sous la dictature de César par les magistrats à leur entrée en charge, de n’enfreindre aucune de ses décisions ; mais c’est évident. Il est absolument étranger à cela que César ne se soit pas attaqué au nom du tribunat et ait fait élire les magistrats de la plèbe, même lorsque les autres élections étaient suspendues.
[61] L’éponymie des décemvirs est connue. Mais la même chose est vraie de la dictature de César, pendant la plus grande partie de l’an 707, où il n’avait pas de consul à côté de lui. Une inscription contemporaine de Pompéi (C. I. L. I, p. 448 = C. I. L., IV, 60) date les années 707 et 708 : C. Julia Cæsare dict. iter., M. Antonio mag. eq. et : [C. Cæs]are M. Lepido cos.
[62] Il n’y en avait point alors d’autres que la questure.
[63] Parmi les textes innombrables qui signalent ce pouvoir légalement illimité, nous en relevons seulement quelques-uns à titre d’exemples. Cicéron, De l. aqr. 3, 2, 5. Verr. 3, 35, 82. Il appelle la dictature de César, Phil. 1, 1, 3, quæ jam vim regiæ potestatis obsederat. Denys fait aussi allusion à la dictature de son temps (5, 73). Appien, B. c. 5, 75, à propos du triumvir Antoine.
[64] Denis, 5, 73. Plutarque, Sulla, 33. Salluste, Hist. 1, 41, 13.
[65] Les décemvirs leq. scr. et les triumvirs r. p. c. sont dans la liste donnée par Varron des magistrats en droit de convoquer le sénat. Il serait superflu de rassembler ici les nombreuses applications de ce droit et des droits analogues.
[66] La définition d’Aristote de l’αίσυμνητεία, comme une αίρετή τυραννίς (Polit. 3, 14, rapproché de 4, 10 ; d’où Théophraste, chez Denys, 5, 73) et comme la seule forme de monarchie admissible dans l’État grec des temps historiques, est appliquée par Denys à la dictature romaine, (loc. cit.) avec parfaite raison, sauf qu’il a le tort d’appliquer sans réflexion à la dictature ancienne les principes posés par les théoriciens intelligents de son temps pour la dictature de Sulla, et de César, avec laquelle la première n’a que le nom de commun. On ne peut pas définir la seconde plus énergiquement que par les expressions d’Aristote selon lesquelles la βασιλεία barbare et l’αίσυμνητεία grecque sont également absolues et également légitimés et différent seulement en ce que la première est une institution permanente et la seconde une institution d’exception.
[67] Cicéron, en disant, Phil. 1, 7, 18. Pompei tertius consulatus in quibus actis constitit ? nempe in legibus, penserait à la dictature legibus scribendis.
[68] Il résulte de Tacite, Ann. 6, 46, que l’expression lex s’applique même à l’acte non soumis aux comices d’un magistrat constituant ; car la lex dictatoris Cæsaris citée là ne peut guère être différente de la disposition mentionnée par César, B. c. 4, 4, et rendue par lui pendant sa dictature de onze jours de 705, et, tant d’après la durée de la magistrature que d’après l’opposition dans laquelle César met l’acte avec les résolutions du peuple provoquées par lui, cette disposition ne peut pas facilement être considérée comme une loi. Cicéron dit encore plus énergiquement la même chose (Pro Sex. Roscio, 43, 425) de la loi de Sulla sur la vente des biens des proscrits ; en l’appelant sive Valeria sive Cornelia, il donne clairement a entendre qu’elle n’a pas été présentée aux comices car ce n’est que pour une loi médiate que pouvait se poser la question de savoir si elle tenait sa force législative d’elle-même ou de l’acte qui l’avait autorisée.
[69] Tite-Live, 3, 34. Zonaras, 7, 18. Denys, 10, 55, in fine et surtout 51, selon lequel l’exposition définitive des dix tables, gravées sur des tables de bronze (qu’il ne faut pas confondre avec l’exposition préalable au vote des lois centuriates), a lieu aussitôt après.
[70] En ce sens, les lois de ce genre peuvent aussi bien être appelées des leges datæ que des leges rogatæ, et il n’y a aucun motif de changer dans Tite-Live, 3, 31, 8, le daturum leges des manuscrits en laturum. Il faut même probablement comprendre le titre legibus scribendis comme signifiant par excellence que la loi rédigée et publiée par un pareil magistrat est valable même sans rogation. — Les leges... penes unum (Sullam) de Salluste, Hist. éd. Dietsch, 1, 41, 13, se rapportent aussi à cela.
[71] Les annales attribuent la rédaction des deux dernières tables aux décemvirs (Cicéron, De re p. 2, 37, 64 ; Tite-Live. 3. 37, 4. c. 51, 13. 4, 4, 5. 9, 34, 5. Denys, 10, 60. Zonaras, 7, 18), leur soumission aux centuries (Diodore, 12, 24. 26) et l’exposition publique de toutes les tables aux consuls suivants (Diodore, loc. cit. Tite-Live, 3, 51). Il n’y a pas, comme l’ont admis Schwegler, Rœm. Gesch. 3, 46, et moi-même, Rœm. Forsch. 1, 300, de contradiction dans la tradition ; tous les témoins sont d’accord sur les points essentiels ; seulement tous ne rapportent pas tout. La relation de Macrobe, d’après Tuditanus (Sat. 1, 13, 21), peut faire allusion à une loi spéciale sur l’intercalation. Le caractère paradigmatique du récit ne se dément nulle part. L’éloge des XII tables, qui prévaut de beaucoup, est adressé aux premiers décemvirs, aux bons ; le blâme, qui vise particulièrement la disposition en elle-même parfaitement consciente sur le mariage, est adressé aux seconds, aux mauvais.
[72] Sulla a même déféré aux centuries des décisions spéciales importantes, ainsi le retrait du droit de cité romaine prononcé contre diverses cités, atteste Cicéron, De domo, 30, 79. Les mots du même auteur, De l. agr. 3, 2, 5, doivent être lus : Valeria lege Corneliisque legibus eripitur civi, civi datur et veulent dire que ces actes pouvaient indifféremment être fondés sur la loi Valeria comme leges datæ et sur les résolutions des centuries comme leges rogatæ. Le scoliaste du Pro Roscio dit tout à fait exactement, p. 435 : Si quid ad populum tulisset Sulla, valebat lege Cornelia, si quid voluisset facere et non tulisset ad populum, hoc valebat lege Valeria, et de même pour les triumvirs, Dion, 47, 2.
[73] Il était, au moins en fait, permis à tout le monde, dans la période récente de la République, de faire exposer publiquement son image de son vivant.
[74] Le serment par le génie de l’empereur, les vœux de nouvel an pour sa santé, la célébration de son jour de naissance comme un jour de fête publique, tels qu’on les rencontre plus tard sous le Principat, et avant tout la consécration du prince de son vivant, se rencontrent déjà chez César. Cf. tome V, le chapitre des Honneurs officiels du prince.
[75] Dion, 44, 4.
[76] Sur Lépide, cf. note 17.
[77] La monnaie de Cohen, Anton. 2, que les dépôts les plus récents nous ont appris (voir mes explications dans la Zeitschr. f. Numismatik de von Sallet, 2, 66) avoir été frappée au commencement de 710 avant la fondation du triumvirat, porte, à côté de la tête du dictateur, celle d’Antoine.
[78] Il n’y a pas de preuves précises ; mais une partie des monnaies qui portent l’image de César le fils et qui ne l’appellent pas triumvir, se placent probablement avant la formation du triumvirat.
[79] Dion, 47, 25. Eckhel, 6, 24. Cohen, Méd. des emp. 1, 18. Les plus nombreuses de beaucoup de ses monnaies n’ont pas l’effigie.
[80] Eckhel, 6, 31. Cohen, Méd. des emp. 1, 20. Une seule empreinte de Sextus à son effigie ; il évite aussi cela d’ordinaire.
[81] La table annale du Capitole montre que César ne s’adjoignit pas de maître de la cavalerie pour 705.
[82] La dictature annale de César entraîne à sa suite l’annalité de la maîtrise de la cavalerie. (Fastes Capit. sur 710 ; Dion, 42, 21 ; Appien, B. c. 3, 9). [Voir la rectification C. I. L. I. ed. 2, p. 42. La maîtrise de la cavalerie était perpétuelle à l’époque des dictatures annuelles de César et au contraire elle a été rendue annuelle lorsque la dictature de César devint perpétuelle. La maîtrise de la cavalerie occupée par Lépide, du commencement de 708 à janvier ou février 710, pendant la seconde, la troisième et la quatrième dictatures de César, est comptée pour une magistrature unique et par suite ne figure qu’une fois dans les fastes au milieu des trois années, en l’an 109. Au contraire, quand César eut abdiqué sa quatrième dictature aux environs de février 710 et que Lépide l’eut suivi dans son abdication, César, devenu dictateur perpétuel, rendit la maîtrise de la cavalerie annale et il la conféra pour la première année, pour 710, par préférence à Octave, au même Lépide, auquel il substitua cependant Octave pour le moment où Lépide partirait pour sa province, et pour l’année suivante 711, à Cn. Domitius Calvinus. Cf. ; Pline, H. n. 7, 45, M. Appien, B. c. 2, 107. 3, 2. Dion, 43, 47. 51].
[83] Ce droit paraît avoir fait défaut aux décemvirs legibus scribendis.
[84] Il était inadmissible de lui donner la dénomination de præfectus urbi, attendu qu’il y avait alors en tout cas des magistrats dans la ville.
[85] On peut principalement invoquer dans ce dernier sens la mention faite par Tacite, Ann. 6, 11, de Mécène dans l’histoire de la préfecture de la ville, quoique naturellement ce ne soit pas lui, mais le premier préfet nommé après la création du Principat qu’il regarde comme le premier préfet de la ville. Il a aussi, en qualité d’urbis custodiis præpositus en 718-725 (Velleius, 2, 88. Appien, 5, 99. 112. Dion, 49, 16. 51, 3. 55, 7. Première élégie sur la mort de Mécène, ligues 14. 27), non seulement prescrit des paiements en son nom propre (Pline, H. n. 37, 1, 10 rapproché d’Horace, Sat. 2, 6, 38) et statué dans des procès criminels sur l’arrestation et les cautions (Appien, B. c. 4, 50), mais aussi donné le mot d’ordre (Sénèque, Ep. 113, 6). Mais R demeure toujours très douteux de savoir si son droit d’absentis Cæsaris partibus fungi (Sénèque) a été formulé en préfecture de la ville. Il n’y a pas à tenir compte de la permission qui lui avait été donnée de se servir s son gré du nom de César, de modifier les lettres de César et d’envoyer les siennes propres comme venant de César (Dion, 51, 3 et beaucoup d’autres textes).
[86] Quand Sulla appela imperator Cn. Pompeius qui l’avait servi comme chef de corps francs sans magistrature (Plutarque, Pomp. 8 ; Crass. 6), cela impliquait, en supposant d’ailleurs que cette salutation soit considérée avec raison comme une nomination sérieuse, tout au moins l’attribution des pouvoirs proprétoriens. Sulla n’était pas encore dictateur alors ; mais, la loi Valeria ayant reçu un effet rétroactif, il peut s’être appliqué la. Un autre général en sous-ordre de Sulla, M. Lucullus s’appelle pro prætore. Mais ces allégations ne sont pas une preuve sûre que Sulla ait positivement conféré les droits de magistrat.
[87] Parmi les résolutions qui auraient été prises en l’honneur de César après la bataille de Thapsus (avril 708) et acceptées par lui, Dion, 43, 14, cite τάς άρχάς τά τε άλλα, δσα τισίν ό δήμος πρώτον ένεμεν, άποδεικνύναι. D’après cela les magistrats pour 709 pourraient avoir été nommés et non élus. Cependant César lui-même tout au moins a été élu consul de cette année (note suivante). Au printemps de 709, après la bataille de Munda, on lui a même attribué la nomination des magistrats plébéiens (43, 45), Mais le même Dion dit, 43, 47, que les élections patriciennes et plébéiennes qui eurent lieu ensuite après le retour de César, en octobre 709, furent faites en la forme selon l’ancien système. On ne peut conclure de l’opposition que les consuls aient été nommés par César ; car, non seulement Dion ne dit pas que César les ait nommés ; maïs il met leur création sur la même ligne que celle de Rebilus le 31 décembre 709, qui a eu lieu certainement par l’élection populaire. Ce que Dion dit là est évidemment vrai d’une manière générale, tant des consuls que du reste des magistrats.
[88] César a présidé aux élections pour 706 en vertu de la dictature qu’il avait revêtue dans ce but. Les élections pour 707 auraient dû, puisqu’il fut absent pendant toute l’année 706 et la plus grande partie de 707, être faites constitutionnellement par son collègue P. Servilius, présent à Rome, et après sa retraite par un interroi ; mais on attendit le retour de César, Dion, 42, 20. Il y a sans doute présidé comme dictateur. La relation précise de Cicéron, Ad Att., 7, 30, 1, montre que les questeurs à élire pour 710 devaient l’être sous la présidence de César et que le consul d’un jour du Si décembre 709 C. Rebilus a été élu sous la présidence de César ; car l’ille ne peut être que César et s’il est aussi placé un siège pour le consul, cela prouve uniquement qu’il devait assister à l’acte et non qu’il dut le présider. — On voit clairement la que César, même lorsqu’il était dictateur et non consul et qu’il avait à sa disposition dés consuls dépendants de lui, n’abandonnait pas la présidence : du vote. Cela n’a probablement pas été moins vrai pour le reste des élections faites sous son gouvernement ; sauf que les comices, dans lesquels César a été nommé consul pour 709, ont été convoqués par l’autre consul de 708 (Dion, 43, 33).
[89] Cicéron, Philipp. 7, 6, 16 (en janvier 711). L. Antonins ne peut avoir proposé cette loi que comme tribun du peuple, magistrature qu’il a revêtue le 10 décembre 709. C’est aussi mentionné chez Dion, 43, 51, pour des élections anticipées à titre extraordinaire pour 711 et 712.
[90] La mise en vedette des centuriæ equitum montre que Cicéron, Phil. 7, 6, 16, pense directement aux comices par centuries, donc, puisque les élections des consuls sont exclues, à l’élection des préteurs. Les questeurs ont en outre été compris forcément dans la loi de partage, d’autant plus qu’ils devaient accompagner en partie César dans la guerre projetée, en sorte qu’il intervenait encore là cette considération qu’il convenait, dans cette guerre difficile, de donner au général en chef le choix de ses auxiliaires. On ne peut guère déduire avec certitude des expressions générales de Suétone, selon lesquelles César comitia cura populo partitus est et de Cicéron, selon lesquelles L. Antonius cum C. Cæsare magistratum partitus est que les magistrats de la plèbe soient aussi compris. Le dernier texte est en outre à peine compréhensible et peut-être défectueux. On attendrait qua cum C. Cæsare magistratuum comitia populus Romanus partitus est.
[91] Suétone, Cæsar, 41 : Comitia cum populo partitas est, ut exceptis consulatus competitoribus de cetero numero candidatorum pro parte dimidia quos populus vellet pronuntiarentur (plutôt renuntiarentur avec Juste Lipse sur Tac. Ann. 1, 15), pro parte altera quos ipse edidisset. Si Suétone ne s’est pas exprimé tout à fait faussement, l’exception faite pour le consulat peut uniquement consister en ce que l’ancien système électoral resta en vigueur pour lui et non, comme l’ont voulu Juste Lipse et d’autres après lui, en ce que César aurait eu sur lui un droit encore plus fort. Le langage de Cicéron : Etiamne consules et tribuns plebis in biennium quos ille voluit ? n’est pas en sens contraire ; car l’influence matérielle de César sur les élections, que relève aussi Dion, restait toujours le principal ; par suite, Suétone voit tout à fait exactement l’aggravation qu’il y a dans ces faits non pas dans le droit de commendation, mais dans l’anticipation des élections, Cæsar, 76. Cf. Eutrope, 6, 25. — L’idée que l’inscription C. I. L. VI, 1708, se rapporte au droit d’élection des consuls enlevé au peuple par César et restitué au sénat sous Constantin est une supposition que j’ai exprimée antérieurement et que j’ai encore essayé de maintenir avec certaines modifications C. I. L. I, 383, mais que je retire aujourd’hui (C. I. L. I, ed. 2, p. 307). Comme on ne peut entendre par les Cæsariana tempera d’autres années que les années 707-710 de Rome, l’événement qui a motivé cette dédicace se place dans les années 335-339 et Rufius Albinos ayant été consul ordinarius en 335, la pierre ne peut guère avoir été dédiée a un autre qu’a lui. Mais, d’autre part, Rossi a objecté avec raison que le père étant nommé consul ord. l’absence de cette qualification est inexplicable pour le fils ; et je suis forcé d’admettre avec Seeck (Hermes, 19, 180 et as.) qu’elle a probablement disparu. Mais c’est malaisément avec raison qu’il admet que l’inscription aurait été coupée par la moitié et encore autrement morcelés ; on peut invoquer en sens contraire, surtout étant donné qu’elle vient d’un copiste qui ne fait pas de corrections, qu’on ne trouve nulle part de lacunes dans l’enchaînement des propositions, ni de mots coupés et que par suite il manque tout au plus une ligne finale en dehors de cet ordinarius. Le motif indiqué par le rédacteur hellénisant, — l’emploi de l’accusatif de cette façon est inouï à Rome, — pour L’érection de la statue et tiré de ce qu’Albinus, peut-être comme consul de 335, aurait rendu aux enfants des sénateurs l’auctoritas dont ils étaient privés depuis César, est peut-être transmis correctement, mais est incompréhensible pour nous. Il est possible qu’il ait fait allusion à l’ancienne patrum auctoritas. César peut avoir appelé les enfants des sénateurs patriciens a participer a cet acte formel et Constantin avoir renouvelé cette mesure. Cette inscription problématique est étrangère a la question que nous traitons ici.
[92] Suétone, Cæsar, 41.
[93] Stobbe, dans son travail sur les candidati Cæsaris (Philologus, 27, 90 et ss.), a méconnu ce point et commis d’autres erreurs de détail multiples. Ainsi, l’accroissement du nombre des magistrats opéré par César ne peut avoir eu lieu pour maintenir numériquement au même niveau les élections faites par le peuple malgré le partage opéré entre lui et César ; car, d’une part, cet accroissement n’a pas été une multiplication par deux et, d’autre part, il a précédé chronologiquement le partage. C’est encore plus malheureusement qu’il rapporte la tabella dimidiata de Varron, De r. r. 3, 2, 1, au partage des comices entre le peuple et l’empereur ; c’est, en dehors d’autres objections, oublier que le dialogue se passe en l’an 700.
[94] Dion, 46, 55. 47,19. Appien, B. c. 4, 2.
[95] Dion, 51, 23. Le même Taurus a, comme les princes de la maison impériale, administré une magistrature municipale par l’intermédiaire d’un præfectus (C. I. L. III, 605).
[96] Dion, 53, 21, dit expressément que les assemblées électorales de la plèbe étaient aussi suspendues.-
[97] En dehors des textes cités, note 94, se rapportent encore à ceci les stipulations de la paix de Misène relatives à l’attribution des magistratures et ce que rapporte Dion, 48, 43. 53, de la fréquence à cette époque du changement des magistrats, non seulement des consuls, mais des préteurs et des questeurs. Ce dernier pourrait assurément, se concilier en la forme avec le maintien des comices et le système de la commendation ; mais aucun vestige n’indique qu’on ait pris cette voie plus modérée et la possibilité en est exclue positivement par les relations faites du rétablissement des comices en 727. Il n’est pas douteux que des comices aient pu avoir lieu à cette époque à la suite de rogations de, lois et le plébiscite Falcidien de 714 en est une confirmation.
[98] Appien, B. c. 1, 140. Tite-Live, 89. Salluste, Cat. 37. Denys, 5, 77. Il est à croire que les citoyens ne choisissaient pas au sens propre, mais pouvaient seulement rejeter les candidats proposés par Sulla.
[99] Cette expression est employée par Cicéron, De div. 2, 9, 23. L’acte du magistrat qui nomme un sénateur est aussi désigné dans la loi municipale de César, lignés 86. 106 ; par les expressions legere sublegere coptare. Tite-Live (23, 3, 5 et Weissenborn sur ce texte) emploie même cooptare pour le choix du sénat par le peuple. Cf. Drumann, 3, 568. 620.
[100] Dion, 43, 47. Suétone, Cæsar, 76.
[101] Cicéron, Pro Cluent. 8, 25.
[102] Le statut de Genetiva, 6, 13 : Quive tum magistratus imperium potestatem colonorum suffragio [geret doit sans doute être effacé] jussuque C. Cæsaris dict. cos. prove cos. habebit réserve même au dictateur la confirmation générale des élections de magistrats. — Inscription de Nola (C. I. L. X, 1274) d’un decurio benific(io) dei Cæsaris.
[103] César le fils promet, en 748, à ses centurions et à ses tribuns les honneurs des magistrats et le décurionat dans leurs cités d’origine.
[104] Les décemvirs apparaissent partout comme des magistrats sine provocatione : Cicéron, De re p. 2, 36, 61. c. 37, 62. Tite-Live, 3, 82, 6. c. 36, 6. c 41, 7. Pomponius, Digeste, 1, 2, 2, 4. Zonaras, 7, 18. II faut remarquer que la suspension de la provocation n’est motivée par aucun besoin pratique : c’est lit une conséquence juridique de l’æsymnétie et non pas une mesure d’opportunité.
[105] Cicéron, De re p. 2, 36, 61. Tite-Live, 3, 33, 9. c. 36 ; 6.
[106] Tite-Live, 3, 36. c. 37, 8. Denys, 10, 59.
[107] Tite-Live, 3, 36, 8.
[108] Il suffit de rappeler en général la loi qui prescrivait des peines plus fortes et une procédure plus rapide (Asconius, p. 37) non pas pour des infractions futures, mais pour des infractions déjà commises et expressément désignées par la loi. Le consul corrigendis moribus delectus (Tacite, Ann. 3, 28) est au dictateur ce que cette procédure, introduite par les voies de la législation ordinaire, mais contraire à l’essence du droit (César, B. c. 3, 1), est aux proscriptions. Et ce n’est pas sans raison que Tacite, loc. cit., dit d’elle la même chose que des proscriptions, à savoir que de pareils remèdes sont pires que le mal.
[109] Dion, 42, 20, sur l’an 706.
[110] Cicéron, Pro Lig., 4, 11. 12. Le texte montre clairement que César a jugé Ligarius en qualité de dictateur, et que sa compétence était la même que celle de Sulla.
[111] Cicéron, Pro Ligario, 12, 37. Au contraire, le procès semblable pour le surplus fait au non citoyen Dejotarus est dirigé par César inter domesticos parietes (Cicéron, Pro Dejot. 2, 5).
[112] Cicéron, De leg. 1, 15, 42. In Verr. 3, 35, 81.
[113] Ce sont les proscriptions (l’édit introductif est donné par Appien, B. c. 4, 8-11), qu’il faut rapprocher du pronuntiare in foro des seconds décemvirs. C’était déjà là une concession : à l’origine, cette publication elle-même a été omise (Orose, 5, 22. Plutarque, Sull. 31).
[114] C’est ainsi qu’il procéda contre Ofella (Tite-Live, Ep. 89).
[115] Cf. Dion, 42, 32.
[116] En tant que les proscriptions ont commence avant le vote de la loi Valeria, comme cela semble avoir été le cas, il faut rappeler la clause qui a ratifié rétroactivement les acta du consul et du proconsul (Appien, B. c. 1, 87). Les triumvirs n’attendirent pas davantage, pour commencer les proscriptions, le vote de la loi Titia qui a probablement contenu une clause semblable.
[117] Les expropriations de territoires de villes faites par Sulla (Drumann, 2, 478) peuvent peut-être se ramener au point de vue que les cités infidèles à leur alliance étaient traitées selon le droit de la guerre ; les expropriations analogues des triumvirs (Drumann, 1, 398) n’admettent même pas aisément cette conception.
[118] La dénomination de ces dernières du nom de coloniæ militares se rattache probablement à ce que Sulla et, à son exemple, les gouvernants postérieurs ont fréquemment déduit des légions formées (Tacite, Ann. 14, 25 ; Hyginus, éd. Lachm. p. 116 ; C. I. L. III, p. 95, etc.), ce qui constituait une différence très saillante avec l’ancienne déduction faite à l’imitation de l’exercitus du censeur. Mais on devrait ne pas employer cette expression comme expression générale désignant les colonies fondées en vertu du pouvoir souverain ; car premièrement elle est sujette a être mal comprise, parce qu’elle peut également s’appliquer aux colonies composées en fait de vétérans et qu’elle convient aussi en ce sens à beaucoup et peut-être à la plupart des colonies de la République, et en second lieu les colonies de l’Empire n’ont aucunement été toutes fondées dans cette forme.
[119] Même pour les colonies de Sulla on nomme à la vérité des lois Corneliæ, mais on recourt cependant à la loi Valeria (Cicéron, De l. aqr., 3, 2, 6). Il en est de même des assignations de César (en dehors de Capoue) et de celles des triumvirs.
[120] Parmi les auxiliaires de Sulla on trouve seulement cité, relativement à la colonia Cornelia Veneria Pompei, le fils de son frère P. Sulla (Cicéron, Pro Sulla, 21, 62) qui peut à peine avoir eu alors l’âge questorien. Nous connaissons plusieurs des personnages chargés par César d’assignations (Cicéron, Ad fam. 13, 4. 5 ; 13, 7. 8. Ad Att. 16, 16a, 5) ou de colonisations (Suétone, Tibère, 4) ; mais ce sont constamment des officiers ou des particuliers. C’est le cas même de ses legati Q. Paquius Rufus (sur les médailles de Philippi : Imhoof, Monnaies grecques, p. 253, où le complément c. d. signifie peut-être coloniæ deducendæ : Res gestæ, 2e éd. p. 222) et M. Tarius (Imhoof, Num. Zeitschrift de Vienne, 1884, p. 295). C’est au temps des triumvirs que se rapporte l’inscription Henzen, 6493 = C. I. L. VI, 1480, et probablement aussi l’acte de L. Munatius Plancus, consul en 712 (C. I. L. X, 6087). Aucun de ces délégués ne porte un titre correspondant de magistrat.
[121] Car le pomerium n’est pas le bord extérieur du fossé, mais le chemin circulaire qui doit légalement être laissé libre derrière la muraille et au moyen duquel les défenseurs de la ville arrivent sur le rempart. Cf. Hermes, 10, 40 et ss.
[122] Denys, 4, 18. Cf. Tite-Live, 1, 44, 5.
[123] Notre tradition traite à la vérité ce droit comme compris sous certaines conditions dans la magistrature supérieure de la République. Sénèque, De brev. vitæ, 13, 8. Aulu-Gelle, 13, 14, 3. Tacite, Ann. 12, 23. Mais elle se réfute elle-même en disant qu’aucun général de la République n’a fait usage de ce droit sauf Sulla. Cf. VI, 2.
[124] Aulu-Gelle, 13, 14, 4. Tacite, Ann. 12, 23. Dion, 43, 50. Nous ne savons de quelle façon Sulla a déplacé l’enceinte des murs de Servius. C’est peut-être à l’occasion de ses constructions du Capitole.
[125] De ce que Sulla, pour justifier son droit de reculer la limite de la ville (Aulu-Gelle), invoque qu’il a reculé celle du pays ; il ne suit pas que tout magistrat qui remplissait la première condition ait eu ce droit. Il n’appartenait au contraire qu’au roi, mais même à lui seulement sous cette condition. Si ce n’avait été qu’un droit appartenant à tout magistrat supérieur à la condition d’avoir élargi les frontières, il n’aurait pas fait défaut au principat jusqu’à ce que Claude l’acquit à titre spécial (loi d’installation de Vespasien, ligné 14).
[126] Cicéron parle de ces plans, Ad Att. 13 ; 20, 1. Ep. 33, 4. Ep. 35, 1 ; d’après le premier texte, César doit avoir proposé ou avoir voulu- proposer une loi à ce sujet. Le recul n’eut pas lieu. Tacite l’atteste implicitement en ne mentionnant entre Servius et Claude que les déplacements du Pomerium de Sulla et d’Auguste, et Sénèque expressément en appelant celui de Sulla le dernier. Dion, 43, 50. 44, 49 et (non pas Messalla, comme dit Detlefsen, Hermes, 21, 513, mais) Aulu-Gelle, loc. cit. représentent celui de César comme réalisé.
[127] Dion 42, 20. Denys, 5, 73.
[128] Puisque Antoine fit inscrire dans les fastes C. Cæsari dictatori perpetuo M. Antonium cos. populi jussu regnum detulisse, Cæsarem uti noluisse (Cicéron, Phil. 2, 34, 87), il faut qu’une résolution du peuple ayant cet objet ait été prise ou ait été simulée. — On comparera, tome V. le chapitre de la puissance impériale, sur la prétendue hérédité du grand pontificat de César et de son titre d’imperator.
[129] Dans Tacite, Ann., 1, 9, les gens entendus célèbrent chez Auguste son regno neque dictatura, sed principis nomine constitutam rem publicam.