LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE DEUXIÈME. — LES MAGISTRATURES.

MAGISTRATS AUXILIAIRES EXTRAORDINAIRES.

 

 

Les divers magistrats extraordinaires dont nous avons traité jusqu’à présent peuvent être désignés comme constitutionnellement prévus, parce qu’ils sont affectés à des fonctions nécessaires, mais soustraites à la compétence de la magistrature ordinaire, et, en ce sens, il y a dé la stabilité et de la régularité dans ce domaine, en dépit de la variété des formes. Maintenant il nous faut étudier les cas, aussi nombreux que divers de nature, ou des magistrats propres ont été élus à titre auxiliaire par les comices, pour des actes qui rentraient par eux-mêmes dans la compétence ordinaire des magistrats, mais que pour des raisons quelconques on ne voulait au on ne pouvait faire accomplir par ceux qui y étaient appelés. Les informations qui nous sont parvenues à ce sujet sous une forme très fragmentaire et accidentelle ont été ici rassemblées par groupe, selon qu’il s’agit de magistrats affectés à la guerre, aux enrôlements, à la présidence d’élections de magistrats, à la conduite de procès, au soin de la sûreté publique, à des constructions ou aux céréales. — Il n’y a pas de dénomination commune pour ces magistrats auxiliaires. A vrai dire, on désigne, en langue technique, les plus élevés, notamment les militaires, comme cum imperio, et les moins élevés, notamment les non militaires comme cum potestate, mais ces expressions s’étendent en même temps aux magistrats ordinaires, et si elles ressortent davantage pour les magistrats auxiliaires, c’est parce qu’il n’y a pas pour eux de dénomination générale. Dans le langage courant, l’expression technique qui désigne la magistrature supérieure déléguée ou prorogée, le terme pro console, pro prætore, on en général pro magistratu, est également employa, verrons-nous, quoiqu’au sens propre abusivement, pour les magistratures militaires de ce genre. Les non militaires sont le plus souvent qualifiées du nom de curationes.

 

I. — MAGISTRATS AUXILIAIRES NOMMÉS POUR FAIRE LA GUERRE.

La guerre était par elle-même un état d’exception ; par une conséquence, qui n’a pas été la moins nuisible à l’État, elle n’a fourni que trop souvent le motif ou le prétexte de dérogations au régime constitutionnel, de création de magistratures extraordinaires. Entre les nombreuses formes de commandement exceptionnel que présente l’histoire de la République romaine, nous laissons ici de côté toutes celles qui viennent d’une modification, si profonde qu’elle soit, de la magistrature ordinaire. Le commandement conféré à César pour dix ans dans les deux Gaules est en droit un proconsulat étendu, et les exceptions qu’il a fallu admettre pour rendre cette extension possible ont été discutées en même temps que les règles. Nous ne voyous de magistratures militaires auxiliaires extraordinaires que dans le cas ou le haut commandement militaire est cumulé avec une magistrature à laquelle il n’appartient pas ou n’appartient pas dans cette étendue, ou encore dans ceux où il est conféré sans magistrature ni titre de magistrat à un particulier[1]. Cela donne les groupes suivants :

1. Cumul de l’imperium consulaire avec la préture ou la propréture.

2. Cumul de l’imperium avec la questure ou la proquesture.

3. Imperium concédé sans magistrature ordinaire pour un gouvernement ou une campagne.

4. Imperium concédé sans magistrature ordinaire sur tout l’empire, et cela

a. Par égalité avec les autres détenteurs d’un imperium ;

b. Au-dessus des autres détenteurs d’un imperium.

5. Imperium auxiliaire sans magistrature ordinaire.

Plusieurs de ces concessions extraordinaires au sens propre ont par la suite reçu du droit public une forme fixé et se sont rapprochées des magistratures ordinaires.

4. La combinaison des fonctions de la magistrature supérieure, la plus élevée avec la magistrature supérieure moindre, en langue romaine, du consulare imperium[2] avec la préture se présente pour la première fois comme institution normale relativement aux deux nouveaux postes de préteurs établis en 557 pour l’Espagne. L’Espagne avait été depuis sa conquête soumise à l’imperium consulaire. On vit évidemment des inconvénients pratiques à remplacer dans une province encore mal pacifiée, les généraux munis de douze faisceaux par des préteurs à six faisceaux, à enlever au magistrat commandant en Espagne la supériorité de droits que le consul avait en vertu de sa qualité de général sur le préteur. On recourut par suite au détour consistant à donner une fois pour toutes à ces deux préteurs ; à côté de la préture, l’imperium consulaire[3]. Naturellement ce cumul s’étendit aussi à la propréture issue de la prorogation ; le préteur d’Espagne garde l’imperium consulaire aussi longtemps que son commandement.

Au VIIe siècle, ce cumul de la préture ou de la propréture avec le proconsulat, restreint à l’origine à l’Espagne, a gagné du terrain : le gouverneur d’Asie possède, au moins depuis Sulla, le titre en question aussi bien que le gouverneur d’Espagne[4], et il se rencontre encore fréquemment ailleurs[5] ; au temps de Cicéron, les gouverneurs en exercice en vertu de la préture, et qui se contentent du titre proprétorien, sont mêmes déjà devenus rares[6], quoique ce soit toujours encore leur titre normal[7] et que la combinaison de la préture et du proconsulat soit restée l’exception du temps de la République. C’est seulement sous l’Empire qu’on a attribué à tous ceux qui recevaient un gouvernement de province en vertu de la préture l’imperium et le rang consulaire.

Cette combinaison de la préture et du proconsulat se rencontre naturellement uniquement chez les préteurs qui exercent dans leur circonscription l’imperium le plus élevé. Jamais l’imperium consulaire n’est concédé au préteur ou au propréteur adjoint comme auxiliaire à un consul ou à un proconsul, ainsi que cela s’est fréquemment produit dans les grandes guerres de la République et que c’est devenu une institution établie dans le régime provincial de l’Empire (quæstor pro prætore, legatus pro prætore). Parmi les préteurs ou les propréteurs de la République employés à côté des consuls en Italie ou à la tête de la flotte, la seule exception est M. Marcellus. Si l’imperium proconsulaire lui a été concédé dans l’année qui a suivi sa préture[8], c’est venu d’une loi spéciale et la raison évidente en a été que les circonstances politiques ne permettaient pas de lui donner la situation proprétorienne ordinaire, subordonnée au consulat. Quand, au contraire, le consul prend par exception une province, un préteur peut exercer à sa place le commandement suprême en Italie[9]. Cette règle, qui n’est, en réalité, que la conséquence nécessaire de l’unité du commandement militaire, a encore été observée dans le système provincial d’Auguste. C’est seulement au temps de Trajan, lorsqu’on commençait à oublier que le prince était au sens propre simplement un magistrat pro consule, que l’on a, dans des cas isolés, accordé un imperium consulaire à l’un de ses sous-gouverneurs.

La combinaison de la préture véritable ou prorogée avec l’imperium militaire compris dans la compétence du consul a donc commencé de bonne heure pour l’imperium étranger à la ville et elle y est devenue bientôt fréquente, plus tard générale. Au contraire, dans la circonscription urbaine à laquelle l’imperium militaire est inconnu, une combinaison de ce genre s’est, même sous l’Empire, autant que nous sachions, présentée seulement lorsqu’en l’an 70 le fils de l’empereur Domitien reçut, en qualité de préteur urbain, l’imperium consulaire[10].

Relativement aux titres officiels, il faut distinguer selon que l’imperium consulaire est lié à la préture véritable ou a la préture prorogée. Au premier cas, les deux dénominations appartenant au magistrat prætor et pro consule se rencontrent soit alternativement, soit cumulativement sous la forme prætor pro consule[11], en grec στρατηγος άνθύπατος[12], que l’on trouve aussi remplacé par στρατηγος ΰπατος[13] ou άρχιστράτηγος[14]. Dans le second cas, au contraire, la désignation pro prætore fondée sur la prorogation est en général effacée et l’expression pro consule est seule conservée.

2. L’imperium est aussi parfois lié à titre extraordinaire avec la questure, généralement comme imperium proprétorien, rarement comme imperium proconsulaire[15]. En droit, cela ne diffère pas de la concession de l’imperium à un particulier, car la compétence questorienne n’est pas combinable avec celle des magistrats supérieurs. Il fallait aussi certainement en droit une loi pour cela[16] quoiqu’on se soit souvent contenté en fait d’un sénatus-consulte[17]. Mais le questeur étant pourtant à tout prendre un magistrat élu par le peuple, et l’emploi fréquent du questeur comme représentant du général absent ou disparu fournissant aussi un point de repère, on a souvent recouru, dans les dernières décades de la. République, à cet expédient pour combler les lacunes présentées par le personnel des gouverneurs; ce paraît même avoir été dans cette période le mode ordinaire d’administration de quelques petites provinces, par exemple de Cyrène[18]. — Dans le système administratif d’Auguste, la combinaison de la questure et de la puissance consulaire est écartée, mais en revanche tous les questeurs en fonctions dans les provinces reçoivent un imperium, qui à la vérité ne pouvait être qu’un imperium proprétorien, puisqu’ils étaient des magistrats en sous-ordres.

3. La nomination comme général de quelqu’un qui n’est pas un magistrat ordinaire est inconstitutionnelle. Selon la constitution, les pouvoirs de général en chef sont inséparables de la magistrature ordinaire la plus élevée. Mais les dérogations n’ont pas manqué. La prorogation de la magistrature accompagnée d’un nouveau terme d’extinction entraînait déjà, dans un certain sens, l’existence d’un général qui n’était pas magistrat, le commandement d’un privatus[19]. C’était encore plus décidément le cas, si un pareil commandement était confié à quelqu’un qui n’avait même pas eu antérieurement la magistrature supérieure : on n’en trouve pas d’exemple jusqu’à la guerre d’Hannibal. Mais le grave danger militaire qu’Hannibal fit planer sur Rome provoqua la violation de la règle. Le premier cas est, au sens strict, le transfert déjà cité de l’imperium consulaire fait par une loi au préteur de l’an 538, M. Marcellus, pour l’an 539, l’année qui suivit la bataille de Cannes ; car, en droit, il n’y a pas de différence entre le transport de l’imperium consulaire à un magistrat ayant qualité pour exercer l’imperium prétorien et son transport à un simple particulier. Ce dernier ne se produisit littéralement pour la première fois[20] que quelques années plus tard ; après la redoutable défaite subie par Rome en Espagne en 543 et la perte du général en chef, une loi transféra la direction de la guerre et l’imperium consulaire au fils de ce général[21]. Lorsqu’ensuite ce choix eut été couronné de succès et que l’Espagne eut été soumise aux Romains, l’administration du territoire conquis fut d’abord exercée par deux magistrats pareillement pourvus de l’imperium consulaire et nommés par des lois spéciales[22], jusqu’à ce que cette anomalie constitutionnelle fut écartée, en 556, par la création de deux nouveaux postes de préteurs. Dans les temps qui ont suivi, le gouvernement consolidé du sénat n’a pas concédé de nouveaux pouvoirs semblables. Un essai dans ce sens fut fait en 623, lors du passage de la province d’Asie sous la puissance romaine ; mais il échoua devant les comices[23] et la loi Sulpicia de 666 qui conférait au particulier C. Marius le commandement dans la guerre de Mithridate[24] fut bien adoptée, mais fut cassée pour des raisons de forme. Dans les dernières années de la République, on est revenu à ces commandements en chef extraordinaires. Pompée fut trois fois revêtu d’un commandement de ce genre : d’abord en 673 pour la Sicile et l’Afrique, puis en 677 pour l’Italie et ensuite pour l’Espagne, enfin en 688 pour l’Asie et la Syrie, la première fois avec un imperium prétorien[25], les deux autres avec un imperium consulaire.. Le futur empereur Auguste reçut de même, en 7Il, étant encore particulier, les faisceaux, — d’abord les faisceaux prétoriens[26], — qu’il devait toujours conserver.

4. Comme les commandements militaires ordinaires de la fin de la République, le commandement extraordinaire attribué à un particulier, dont nous venons de parler, s’étendait à un territoire déterminé de l’empire et non pas à sa totalité. Vers la fin de la République, il s’est présenté plusieurs fois des commandements extraordinaires sans limites fixes, des imperia infinita. La cause en remonte à Sulla. Selon la constitution républicaine, le commandement des mers était lié directement au commandement en chef consulaire d’Italie. Ce fut une des lacunes les plus sensibles laissées par la réforme de Sulla dans la constitution, une grave atteinte à l’intérêt public que, par suite de la suppression du commandement permanent en Italie, il n’y eut plus de commandement maritime central. Les commandements particuliers exercés sur les côtes comprises dans les gouvernements provinciaux ne pouvaient naturellement en tenir lieu. Ce fut la piraterie qui écrivit le commentaire des lois de Sulla. On se vit forcé, dès l’an 680 et de nouveau en 687, de créer pour la combattre un imperium extraordinaire, — le premier exemple est même le seul à cette époque où une pareille mesure d’exception ait été provoquée par la nécessité pressante des choses et non par l’ambition d’un seul[27]. Le préteur[28] M. Antonius — les consuls avaient été envoyés en Asie — a reçu, en l’an 680, probablement par un sénatus-consulte[29], et le particulier Cn. Pompée a reçu, en 687, par la loi Gabinia, l’imperium infinitum[30], c’est-à-dire l’ancien imperium consulaire illimité ressuscité, pour eux sauf cette réserve qu’ils auraient sur toutes les côtes de l’empire seulement un imperium égal (imperium æquum) à celui du gouverneur, de la province[31]. On allait par conséquent, d’un côté, bien au-delà de l’ancien système en supprimant la collégialité inhérente à l’imperium consulaire et, d’un autre côté, moins loin que lui qui donnait au consul qui commandait un imperium supérieur. Ce dernier imperium infinitum majus a été demandé, mais n’a pas été accordé dans les crises qui ont amené la guerre de César et de Pompée[32]. Lorsque après la mort de César la lutte mortelle de la République reprit pour la seconde fois, les républicains l’ouvrirent en attribuant, en l’an 711, à leurs chefs, les préteurs Brutus et Cassius, sur le théâtre de la guerre, un imperium consulaire intrinsèquement illimité[33]. C’était là l’extension la plus extrême dont fût susceptible la puissance de magistrat maintenue dans les termes de la constitution ; e parti adverse répondit par l’établissement d’une magistrature qui suspendait la constitution elle-même, par la création du triumvirat chargé d’organiser l’État.

5. Si l’on commence des la période moyenne de la République à transférer à un particulier Ies droits du général pour des guerres étrangères, la combinaison d’un imperium propre et d’un poste d’officier venant de la nomination d’un général ne se rencontre que dans la crise dernière de la République. En droit, l’officier nommé par le général peut bien exercer les pouvoirs de la magistrature supérieure par représentation du général absent, mais il ne peut les posséder à titre indépendant à côté de lui. Le rôle d’auxiliaire et l’exercice de l’imperium du magistrat supérieur qui est exprimé par les titres pro consule et pro prætore s’excluent. Le dictateur seul fait exception, en ce que les magistrats en sous ordre nommés par lui, le maître de la cavalerie et le præfectus, ont les faisceaux. En dehors de là la première exception que nous connaissions, et probablement la première qu’il y ait eu[34], a été faite en 687 lorsque le proconsul Pompée reçut de la loi Gabinia le commandement eu chef contre les pirates. Et la guerre contre les pirates était propre entre toutes à briser l’ancien système romain, selon lequel il n’y a pas de général des généraux, car elle demandait, avec une nécessité pressante, l’activité combinée d’une série de généraux opérant à titre indépendant sur des théâtres militaires différents et cependant soumis à une direction unique. La loi conféra d’avance aux vingt-cinq légats que devait nommer le proconsul un imperium proprétorien[35]. Ces légats pro prætore étaient donc, à côté du général suprême commandant pro consule, dans la même situation où étaient, par exemple, dans la guerre d’Hannibal, à côté du consul commandant en. Italie, les préteurs exerçant le commandement en Apulie, en Campanie, en Étrurie, sauf cette différence essentielle que les préteurs avaient été nommés par le peuple et que nos légats pro prætore sont nommés par le proconsul, comme le maître de la cavalerie par le dictateur. A partir de là, les légats ont souvent été pourvus du même titre, lorsque des lois ont conféré, à l’imitation de la loi Gabinia, des imperia étendus à des magistrats supérieurs ordinaires ou extraordinaires[36], et cette attribution est devenue sous Auguste, dans sa nouvelle transformation décrite au sujet des gouvernements provinciaux, un des piliers de la nouvelle monarchie.

 

Si multiples que soient les fonctions militaires que nous avons rassemblées et si décisive qu’ait été sur toutes les catégories l’influence des éléments politiques, il en est de ces imperia extraordinaires qui se meuvent dans la sphère de la constitution comme de ceux qui le font en dehors et au-dessus d’elle : l’esprit juridique est si puissant dans l’État romain qu’il ne se dément absolument dans aucune de ses créations. Il ne sera pas superflu de rechercher ici la pensée directrice de toutes ces institutions.

Nous avons déjà remarqué que le défaut de dénomination adéquate est caractéristique de ces formes d’imperium ; si nos civilistes ont à bon droit, dans le système du droit privé, admis une classe de contrats innommés, le droit public a également ici son imperium innommé. L’expression pro imperio esse ou plus habituellement cum imperio esse comprend ces imperia, mais elle comprend en même temps tous les autres qui n’ont pas de titres. En ce qui concerne la désignation de nos magistrats comme pro consule et pro prætore, la concession de l’exercice de la magistrature supérieure entrain probablement forcément, d’après l’ancien droit, l’imperium consulaire ou l’imperium prétorien et, par suite, la compétence et les insignes ou de la magistrature supérieure la plus élevée, ou de la magistrature supérieure la moins élevée ; mais la dénomination pro console ou pro prætore parait avoir été attachée comme titre à la magistrature déléguée ou prorogée et n’avoir appartenu aux pouvoirs dont il s’agit ici que quand elle leur avait été, expressément accordée, comme cela a, par exemple, sûrement eu lieu dès le principe pour les gouvernements d’Espagne. En particulier, ce titre n’était pas donné dans le langage rigoureux aux particuliers investis de l’autorité des magistrats supérieurs ; cependant, comme il n’exprimait, au sens textuel du mot, rien de plus que le défaut de la magistrature dont il s’agissait joint au pouvoir d’exercer les fonctions qu’elle impliquait, et que ce sens convenait a l’imperium innommé, la distinction a de bonne heure cessé d’être faite, au moins dans le langage courant, et tout sexfascalis s’est appelé pro prætore, tout détenteur de douze faisceaux pro console, un langage qui d’ailleurs, en employant une seule et même expression pour les trois notions énergiquement séparées de l’imperium délégué, de l’imperium prorogé et de l’imperium extraordinaire innommé, a beaucoup préjudicié a la clarté du droit.

Le nombre des faisceaux se détermine simplement d’après l’imperium conféré ; le détenteur de l’imperium consulaire en a douze[37], celui de l’imperium prétorien six.

Une loi est juridiquement nécessaire pour l’existence des imperia extraordinaires[38]. Ils se trouvent par là dans une opposition énergique avec ceux du même nom résultant de mandat ou de prorogation, qui, tirant leur origine du caractère de la magistrature, ne demandent pour leur naissance aucune intervention nouvelle du pouvoir législatif. Mais, les imperia innommés ne créant en général aucune attribution nouvelle, se bornant à transporter à un magistrat extraordinaire les fonctions qui incombaient à un magistrat ordinaire, la loi se restreint là, le plus souvent à un chois de personne. Lorsque pourtant une  réglementation de compétence est nécessaire, comme, par exemple, pour, la collation du commandement maritime général, un double vote du peuple peut aussi avoir été nécessaire ici[39]. La loi spéciale peut encore être remplacée par une disposition générale. Ainsi l’imperium consulaire a été attaché à la préture des préteurs d’Espagne par la loi même qui prescrivit leur élection. Une collation médiate est également possible : ainsi la loi Gabinia donne l’imperium à ceux que Pompée nommerait légats. Une collation faite par le sénat à l’exclusion des comices est contraire à la constitution st ne s’est présentée que dans les époques de domination illimitée ou essayant d’être illimitée du sénat, sous Sulla[40] et après le meurtre de César[41]. L’élection a en général été faite par les tribus[42], non pas que le pouvoir d’y procéder ait manqué aux centuries, mais parce que c’est l’usage général de soumettre aux tribus tous les actes qui ne sont pas légalement réservés aux centuries.

Une limitation légale essentielle est commune à la puissance militaire extraordinaire et à la puissance déléguée ou prorogée : en qualité de promagistrature elle ne s’étend pas au territoire duquel est exclu l’imperium militiæ, c’est-à-dire à la ville de Rome, et elle ne comprend par conséquent pas les pouvoirs de magistrats qui ne peuvent être exercés que dans ces limites, spécialement le droit d’agir avec le sénat et avec le peuple. Elle ne peut donc pas non plus être conférée pour des affaires essentiellement urbaines. La seule exception à cette règle qui nous soit connue à l’époque de la République est la réunion du haut commandement militaire à la cura annonæ confiée à Pompée en 697 (dont il est question plus bas). Cela ne lui donna, pas le droit d’agir avec le peuple ou avec le sénat, mais cependant forcément celui de remplir sa charge officielle même dans la ville[43].

La collégialité est absolument étrangère aux imperia militaires de cette catégorie, et par suite Cicéron les définit dans son projet de constitution comme des puissances unitaires. Il ne peut en être autrement, puisqu’ils sont tous issus du gouvernement de province qui lui-même n’est pas organisé en collège.

Le terme est appliqué aux imperia innommés d’une manière analogue à celle dont il est appliqué à la prorogation provenant d’une loi ou d’un sénatus-consulte. Le commandement est concédé ou bien jusqu’à une date fixe, ou bien jusqu’à l’accomplissement d’une œuvre déterminée ; ainsi, par exemple, en 673, Pompée reçut le commandement pour jusqu’à la défaite de Lepidus. Au premier cas, on a sous la République observé, même pour ces imperia, le principe important que les magistratures supérieures ayant un terme certain ne peuvent être données pour plus d’un an ; en particulier, les imperia d’Espagne, de 543 à 556, sont soumis à la loi de l’annalité, mais naturellement comportent la prorogation[44]. Nous avons déjà expliqué ailleurs que cette règle a dans notre domaine été violée pour la première fois par la loi Gabinia de 687. — Lorsque l’imperium innommé est lié légalement à d’autres fonctions de magistrats ou à d’autres fonctions auxiliaires, il vit et meurt naturellement avec elles.

La loi spéciale qui crée l’imperium innommé détermine les magistrats subalternes qui lui sont adjoints ; quand il ne constitue pas un commandement auxiliaire, son détenteur reçoit habituellement des questeurs[45] et des légats.

Les pouvoirs liés à l’imperium innommé sont déterminés en général, selon qu’il est consulaire ou prétorien, par les dispositions qui régissent les magistratures correspondantes et en particulier par sa loi constitutive. Les restrictions auxquelles est soumis le commandement militaire ordinaire, ou, ce qui est la même chose dans la période récente de la République, le commandement du gouverneur, en particulier sa limitation aux frontières d’une province et l’impossibilité de l’exercer au cas d’absence, ont été ici fréquemment écartées par les lois constitutives des magistratures. Au contraire, les restrictions auxquelles est soumis le commandement militaire quelconque sont respectées même ici. Ainsi, nous l’avons déjà remarqué, le titulaire de cet imperium est nécessairement privé des pouvoirs réservés au magistrat urbain ; ainsi, il n’a pas en principe la juridiction, à moins qu’il ne tienne positivement la place d’un gouverneur ; ainsi le droit de frapper des monnaies à sa propre effigie ne résulte pas plus de l’imperium innommé que de l’imperium nommé[46]. Selon la rigueur du droit, le triomphe, qui est sans doute accordé à la promagistrature issue de la prorogation, ne l’est pas à notre non-magistrature[47] ; cependant cette’ distinction a de bonne heure été supprimée par une pratique relâchée.

Ces imperia militaires extraordinaires, qui appartiennent principalement à, la dernière phase de la République, sont les avant-coureurs de la monarchie d’Auguste. La loi Gabinia de 687 surtout est le germe duquel est sorti le Principat : les principes fondamentaux de la République n’ont pas été abandonnés pour la première fois en faveur de maiitres arrivés au pouvoir par la force, ils l’avaient déjà été auparavant en faveur de Cn. Pompée. Les traits individuels les plus importants des imperia extraordinaires de Pompée et en général des imperia extraordinaires de cette époque : l’abandon de l’annalité du commandement, la combinaison de plusieurs commandements provinciaux, l’acquisition du gouvernement provincial sans présence effective, la liberté de transférer l’imperium et les imperia auxiliaires qui en sont issus, le commandement maritime général, l’établissement d’un imperium majus général concurremment avec celui des magistrats supérieurs ordinaires et même la surveillance générale des importations dans la capitale, sur laquelle nous revenons plus loin, se retrouvent comme, idées directrices dans la monarchie nouvelle. Au point de vue négatif lui-même, l’opposition énergique dans laquelle est l’imperium extraordinaire, mais toujours limité légalement, avec la dictature théoriquement illimitée de César, l’absence de continuité légale et, autant que tout le reste, le caractère anonyme sont des termes qui ont été pris pour règle encore plus que pour modèle dans la création artificielle et pourtant viable d’Auguste. Car le Principat n’est dans son essence rien autre chose qu’un imperium extraordinaire de ce genre et, ainsi que nous le montrerons en son lieu, c’est de là que vient ce qui le distingue de la monarchie proprement dite.

 

II. — MAGISTRATS AUXILIAIRES CHARGÉS DU RECRUTEMENT.

Le soin de dresser la liste des hommes soumis au service incombe aux censeurs, et nous ne rencontrons qu’un seul cas où une magistrature extraordinaire ait été créée pour ce travail : ce fut pendant la longue interruption de la censure qui suivit la guerre d’Hannibal, durant laquelle un dictateur fut aussi créé pour réviser la liste du sénat : on créa, en 542, pour procéder à cette opération, comme on fit aussi d’ailleurs pour l’accomplissement d’autres fonctions des censeurs, des magistrats extraordinaires, deux collèges de triumvirs[48]. Cela ne s’est pas, autant que nous sachions, produit dans d’autres cas ; les commissaires qu’il n’est pas rare de voir, envoyés dans les divers districts de l’Italie par les magistrats ordinaires chargés du recrutement[49] ne sont pas la même chose et ne rentrent pas parmi les magistrats.

 

III. — MAGISTRATS AUXILIAIRES CHARGÉS DE LA PRÉSIDENCE D’ÉLECTIONS.

En 711, des duumvirs pourvus, de la puissance consulaire ont été élus sous la présidence du préteur urbain, probablement à la suite du vote d’une rogation spéciale à ce relative, afin de présider aux élections consulaires[50]. C’est le seul cas de ce genre qui nous soit connu et probablement le seul qui se soit jamais présenté, car la constitution avait pourvu à cette situation au moyen de l’institution de l’interrègne, et des magistrats extraordinaires ne pouvaient être créés à cette fin sans qu’elle fût violée. Il est remarquable que, même dans cette création, quoique l’élection ne pût être dirigée que par une même personne et qu’un seul des deux duumvirs pût exercer ces fonctions, on a aussi bien observé que pour les antiques duo viri ædi dedicandæ, la prescription républicaine, selon laquelle toute magistrature doit être organisée en collège.

 

IV. — MAGISTRATS AUXILIAIRES CHARGÉS DE PROCÈS.

Il ne nous est rapporté aucun exemple des premiers temps de la République où la justice pénale ait été exercée par d’autres magistrats que par ceux qui y étaient constitutionnellement affectés. C’est seulement depuis la fin du vie siècle que l’on rencontre de, pareilles instructions spéciales prescrites par des lois ; et les plus anciennes dispositions de ce genre se sont bornées à confier à l’un des magistrats supérieurs en fonctions l’exercice du droit des magistrats de trancher le procès. Les comices pouvaient à aussi bon droit prescrire l’établissement d’une magistrature extraordinaire comme tribunal spécial et voter ensuite pour en élire les titulaires. Cependant, autant que nous sachions[51], ce n’est pas arrivé avant le milieu du vue siècle. Le plus ancien cas de ce genre qui nous soit rapporté est celui du tribunal créé en l’an 641 pour l’instruction de l’inceste des vestales[52]. Vinrent ensuite, en 644, l’instruction sur les actes de trahison des généraux et des ambassadeurs employés dans la guerre d’Afrique[53] et, en 702, celle sur le meurtre de Clodius et les infractions qui s’y rattachaient[54]. Les témoignages relatifs à quelques autres incidents semblables peuvent avoir disparu.

La composition du tribunal et la situation juridique des juges chargés de l’instruction étaient, comme pour toutes les magistratures d’exception, réglées à nouveau à chaque fois par les lois spéciales. En 644, trois juges d’instruction ont été nommés par les comices ; en général, on s’est contenté d’en nommer un. Il n’y a pas pour eux de dénomination particulière. Le terme quæsitor qui s’applique à tout directeur d’un tribunal criminel, que ce soit un magistrat comme le préteur ou un simple chef de jurés, doit forcément avoir aussi servi à désigner ces présidents extraordinaires. En principe, on doit assimiler leurs pouvoirs à ceux des consuls et des préteurs. Il y a de grandes vraisemblances pour qu’ils aient eu les insignes des magistrats, en particulier le siège curule[55]. — Si, comme il est d’ailleurs très douteux, de pareils quæsitores ont été créés avant l’introduction des quæstiones perpetuæ, la décision a dû leur appartenir alors à eux-mêmes, et leur consilium n’aura eu qu’un rôle consultatif. Au contraire, les quæsitores ordinaires et extraordinaires du vil° siècle sont assimilés en ce que les seconds ont à côté d’eux comme les premiers un conseil ayant le droit de vote[56], dont la composition s’effectue selon les règles générales en tant qu’il n’y est pas dérogé par la loi spéciale[57]. Seulement le quæsitor extraordinaire nommé par le peuple parait avoir toujours non seulement la présidence du tribunal, comme le préteur qui dirige une quæstio, mais, en outre, comme le chef de jury, un droit de vote personnel[58].

L’objet pour lequel est établi le tribunal spécial peut être une infraction passible d’une poursuite capitale ordinaire, par exemple, une haute trahison[59], un meurtre ou un fait assimilé par la loi. Cependant le peuple a aussi constitué des tribunaux d’exception pour des actes qui n’auraient pas donné lieu à une poursuite capitale devant les centuries, ainsi, par exemple, pour l’inceste des vestales[60] et pour le sacrilège commis, par P. Clodius en 693, à l’occasion de la fête de la bonne déesse[61]. De pareils tribunaux peuvent même avoir été institués dans la sphère de la justice administrative[62].

 

V. — MAGISTRATS AUXILIAIRES CHARGÉS DE CONSTRUCTIONS.

Les duo viri ædi locandæ et ædi dedicandæ ont tiré leur origine de ce que les constructions religieuses nouvelles étaient en dehors de la compétence des magistrats ordinaires. Au contraire, les magistrats que nous allons avoir à  citer ont été employés à la réfection de temples et d’édifices publics où à des constructions publiques nouvelles, donc à des travaux qui rentraient dans la compétence des magistrats ordinaires et qui n’ont été confiés à des magistrats extraordinaires que pour des raisons pratiques. Sans aucun doute, nous ne connaissons qu’une très petite partie de ces magistrats certainement très nombreux et le plus souvent sans importance politique ; mais les renseignements qui nous ont été conservés accidentellement font comprendre jusqu’à un certain point cette sphère de l’activité des magistrats.

1. Construction d’aqueducs. La durée des fonctions des censeurs, — qui d’ailleurs est pratiquement sous ce rapport de trois ans — n’a pas suffi pour la construction des grands aqueducs de la République. En dehors de celui peu important de l’aqua Tepula, ils ont tous été construits par des procédés exceptionnels. Pour l’aqueduc Appien, construit dans les années 442 et suivantes, son hardi constructeur trancha la difficulté lui-même en rendant sa censure quinquennale. L’aqueduc Marcien a été construit par un moyen analogue, le préteur urbain qui en fut chargé à la place des censeurs ayant eu pour cela ses pouvoirs prorogés d’une façon absolument anormale. Lorsque les pouvoirs des censeurs, qui avaient en 482 traité pour la construction de l’aqueduc de l’Anio, expirèrent avant son achèvement, on nomma à cette fin des duumvirs spéciaux[63].

2. Construction de routes. La construction des voies de la République ne pouvait pas plus que celle des aqueducs s’enfermer dans la durée étroitement limitée des pouvoirs des magistrats. Ce qui est vrai de l’aqueduc Appien l’est de la voie Appienne, et la plupart des grandes routes italiques ont probablement été établies au prix d’anomalies semblables. Cependant la prolongation pouvait ici être obtenue sans violation en forme de la constitution, parce que la magistrature des magistrats employés hors de la ville à des constructions de routes pouvait être prorogée autant qu’on voulait, si ce n’étaient pas des censeurs.

Au VIIe siècle, il paraît y avoir eu, en vertu d’une loi Visellia qui ne nous est pas autrement connue, une cura viarum distincte[64], dont on a relevé jusqu’à présent les applications suivantes[65]

a. Lorsque le censeur de 639, L. Metellus, fit marché pour la construction de la via Salara, il confia la réception des travaux adjugés en trois sections à trois curatores viarum différents[66] ;

b. C. Claudius Pulcher, consul en 662, administra entre la préture et le consulat une curatelle viis sternundis[67] ;

c. La réception d’une construction est faite en l’an 633 de Rome par un cur(ator) viar(um) e lege Visellia, qui était alors en même temps tribun du peuple[68] ;

d. Le pont du Tibre, actuellement appelé Quattro Capi, a été élevé et reçu en l’an 692 par L. Fabricius C. f. cur. viar.[69]

Ces éléments ne suffisent pas pour motiver un jugement précis sur les curatores viarum, et c’est pour cela que nous ne les avons pas admis dans la série des magistrats ordinaires. Mais, d’après les termes de leur titre, ils ne peuvent point avoir été de simples magistrats spéciaux créés pour chaque cas particulier : la loi Visellia a dû plutôt prendre des mesures générales, au moins relativement à la réception des constructions dont les locateurs n’étaient plus en fonctions au moment de l’achèvement du travail, peut-être même en général pour les constructions urbaines de ponts et de rues, et avoir institué un collège spécial dans ce but. Ces curateurs sont probablement issus de l’élection populaire, comme le sont en général les curateurs de la République. Mais le principe de l’annalité ne peut leur avoir été appliqué ; car sans cela le censeur Metellus ne pourrait avoir confié d’avance à des curateurs nominativement désignés la réception des grandes constructions affermées par lui. On peut] aussi invoquer en faveur de la longueur des délais de cette cura la nomination encore faite pour cinq ans à titre extraordinaire par le sénat sous Auguste de P. Paquius Scæva comme viarum curator extra urbem Romam[70]. On ne peut, à la vérité, identifier cette cura avec celle de la République ; car elle semble appartenir II 670 à l’époque où les curatores viarum impériaux existaient déjà ; mais elle est de peu d’années postérieure à leur création et a probablement été constituée à l’image de la cura viarum républicaine. — Nous n’avons aucun renseignement sur l’origine de la cura viarum qui ne se rencontre que sur les inscriptions ; peut-être fait-elle partie des mesures prises par C. Gracchus relativement aux voies italiques[71].

3. Construction de murailles. Des quinquevirs ont été nommés sous la présidence du préteur urbain, en vertu d’un plébiscite, en l’an 542, pendant la longue suspension de la censure de la guerre d’Hannibal, pour l’entretien des murs et des tours de Rome[72].

4. Construction de temples. Dans la même année 542, on a, faute de censeurs, nommé des triumvirs pour la reconstruction de deux temples incendiés, et il y a encore eu d’autres curatelles du même genre[73]. Une importance spéciale et même politique a appartenu à la cura créée pour la reconstruction du temple du Capitole brûlé en 671[74], qui a d’abord été confiée au dictateur Sulla puis, après sa mort, en 676, au consul d’alors, Q. Lutalius Catulus, à la vérité seulement par un sénatus-consulte[75], et qui a été occupée par ce dernier jusqu’à sa mort, quoique César eut, en qualité de préteur, fait une rogation pour attribuer cette curatelle à un autre[76]. Germanicus a encore rebâti sous Tibère le temple de la Spes, au même titre, semble-t-il[77]. Dans les deux derniers cas, le curateur a aussi dédié le temple reconstruit.

 

VI. — MAGISTRATS AUXILIAIRES PRÉPOSÉS AUX CÉRÉALES.

Il n’y avait pas directement besoin de magistrats extraordinaires, pour les céréales, puisque les édiles avaient la surveillance du marché aux grains en même temps que la surveillance des autres marchés et qu’ils partageaient aussi les céréales destinées à âtre partagées. Lorsque les frumentations permanentes commencent au temps des Gracques, nous y trouvons associés les magistrats ordinaires de toute sorte[78]. Mais on a, probablement plus d’une fois, établi auprès d’eux des magistrats extraordinaires chargés de l’achat et de la répartition des céréales, à l’époque ancienne probablement des curateurs organisés en collège[79], plus tard des curateurs isolés. Au VIIe siècle, la création de curateurs de la dernière espèce a fréquemment été discutée et réclamée, et elle a probablement été un des modes constants d’agitation. Les fictions de pareilles curatelles extraordinaires et non organisées en collège, qui ont été intercalées dans les annales sous les années 259[80] et 314/315[81], doivent sans doute leur origine à des pareilles préoccupations de parti. On ne peut établir l’existence d’aucune curatelle extraordinaire de ce genre plus ancienne que celle reçue en l’an 650 par le consulaire M. Æmilius Scaurus, alors le chef du sénat et l’un des hommes les plus considérés de Rome[82]. Une compétence analogue fut attribuée avec une plus large étendue à Cn. Pompée, en l’an 697 où l’on rassembla dans une même loi la mesure même et la remise de son exécution à Pompée[83] ; Pompée reçut même en même temps dans ce but l’imperium infinitum proconsulaire[84] dont nous avons parlé plus haut sur tout le territoire romain et pour cinq ans, et, bien que sans armée, une situation analogues celle des gouverneurs, nommément des légats[85]. Lorsque après la mort de César le sénat crut pouvoir s’emparer de nouveau de la totalité du pouvoir, il confirma, en souvenir de cela, par une résolution spéciale l’application du principe de la collégialité à l’administration des céréales[86]. Auguste n’en est pas moins revenu en 732 à la cura annonæ monarchique et en a fait une des colonnes maîtresses de son Principat, ainsi que nous verrons en étudiant ce dernier.

Mais même après la combinaison de la cura annonæ avec le Principat, les curatelles extraordinaires de ce genre n’ont pas cessé d’exister. On rencontre, au moins à partir de Tibère[87] et jusqu’à une période avancée du IIe siècle[88], des præfecti frumenti dandi[89] qui sont caractérisés par l’addition ex senatus consulto[90], comme n’étant ni une autorité permanente ni une autorité appartenant à l’administration impériale et qui sont en général d’ex-préteurs[91]. Ils paraissent être la continuation extraordinaire de la magistrature ordinaire du même nom dont Auguste se servit avant la création du préfet des importations[92]. Nous ne savons si cette magistrature était ou non organisée en collège ; nous n’avons pas davantage de renseignements sur la compétence de cette fonction qui n’est jamais citée par les auteurs. On peut supposer que, lorsque l’ærarium populi Romani avait des excédents disponibles, c’était notifié au sénat et que leur mode d’emploi normal était l’achat de grains et leur répartition entre les habitants de la capitale. L’idée de représentation contenue dans le titre de ces fonctionnaires semble impliquer que le sénat ne chargeait pas de cette fonction un individu pris dans son sein, mais en chargeait l’empereur qui nommait alors un représentant pour l’exercer.

 

Sous le Principat, on ne rencontre de magistratures extraordinaires des catégories groupées ici que dans des cercles inférieurs, ou, pour parler plus exactement, le proconsulat impérial avec les pouvoirs qui s’y lient, est à, peu près la seule magistrature supérieure qui puisse, au moins en droit, titre appelée extraordinaire en dehors des vigintivirs rei publicæ curandæ, créés par un sénatus-consulte contre l’empereur Maximinus dont nous parlerons au sujet des Magistrats constituants. Ceux que l’on rencontre en-dehors de là et qui se caractérisent à cette époque, depuis que le pouvoir législatif a passé du peuple au sénat par l’addition ex senatus consulto[93], restent, au moins en tant qu’on peut les distinguer nettement[94], parqués dans des sphères subalternes de l’administration de la capitale, la juridiction sur la propriété du sol de la capitale[95], divers actes se rapportant au trésor, la construction des voies publiques et les distributions des grains.

 

 

 



[1] Nous nous occupons donc ici des imperia consulaires qui ne sont ni le consulat ni la préture elle-même et qui ne se fondent pas sur un mandat du consul ou du préteur, ni sur la prorogation du consulat ou de la préture, pas plus sur la prorogation proprement dite de la constitution ancienne que sur la prorogation fictive admise malgré l’existence d’un intervalle par la République récente et l’Empire, qui par conséquent ne sont pas un exercice du consulat ou de la préture ni une continuation du consulat ou de là préture au-delà de leurs termes, mais des magistratures, qui tout en étant innommées par elles-mêmes, tirent la définition générale de leur compétence d’une assimilation au consulat ou à la préture et non pas d’elles-mêmes.

[2] A la bonne époque, on attribue l’imperium consulare à celui qui est pro consule ; ce sont seulement les gens de l’époque postérieure qui emploient au lieu de cela le terme imperium proconsulare.

[3] Cela n’est dit nulle part ; mais cela résulte de la manière constante et, à l’époque ancienne, exclusive selon laquelle les gouverneurs d’Espagne portent le titre de proconsuls. — Les préteurs d’Espagne mentionnés dans les fastes triomphaux (M. Helvius, 559 : C. I. L. I, p. 476 = ed. 2 ; p. 75 ; L. Cornelius Dolabella, 656 : p. 460 = ed. 2, p. 40. M. Pupius Piso, 685 : Asconius, In Pison. éd. Or. p. 15) triomphent tous pro cos. tous les autres préteurs cités là pro pr. (il faut corriger dans ce sens la remarque faite C. I. L. I, p. 576). — Dans les rares monnaies et inscriptions des gouverneurs d’Espagne de la République que nous possédons (C. Annius, T. f. T. n. R. M. W. p. 600 = tr. fr. 2 ; 449 ; Q. Fabius, Q. f. Labeo, C. I. L. I, 4484. 4485 = II, 4924. 4925 ; M’. Sergius M. f. C. I. L. I, 1486 = II, 4956), ils portent tous le titre pro cos. — Même chez les écrivains, les gouverneurs d’Espagne sont, depuis la création de la province, très fréquemment appelés pro consule (ainsi Tite-Live, 33, 25, 9. 35, 22, 6. 36, 2, 8. 37, 46, 7. 39, 29, 4. c. 56, 1. 2. 40, 16, 7. c. 39, 1. Ep. 90. Cicéron, In Vatin. 5, 12. Salluste. Hist. éd. Dietsch, 1, 69. Plutarque, Sert. 12), a côté de cela, il est vrai, non moins souvent prætores (par ex. Tite-Live, 32, 28, id. 35, 1, 1. 3. 40, 16, 7), ou, en tant que leur imperium est prorogé, pro prætore (Tite-Live, 35, 1, 4. 39, 21, 4. 40, 2, 5). Les deus désignations sont également exactes ; la première prévaut dans les titres officiels, la seconde lorsqu’on veut définir la situation du magistrat ou faire ressortir l’opposition entre l’imperium ordinaire et l’imperium prorogé.

[4] Le sénatus-consulte relatif à Stratonikeia de l’an 873 (Bull. corr. hell. 9, 449) porte : Άνθύπατος, όστις άν άεί Άσίαν έπ[αρχίαν] διακατέχη, έπιγνώτω. Parmi les préteurs et les propréteurs qui ont administré l’Asie au vile siècle et qui sont faciles à relever dans l’excellente liste de Waddington (Fastes des provinces asiatiques) ; je trouve les exemples suivants d’attribution du titre de proconsul : Q. Mucius Scævola, cos. 659, prætor (ce qu’il ne faut pas prendre pour pro prætore) chez Cicéron, De orat. 1, 17, 75, στρατηγός chez Diodore éd. Wess., p. 610, pro cos. chez Tite-Live, Ep. 70. — C. Julius Cæsar, père du dictateur, [pro] cos. in Asia, d’après son Elogium, C. I. L. I, p. 218 = ed. 2, p. 199. — [Cn.] Asinius, άνθύπατος 'Ρωμαίων, probablement le père de l’orateur Pollio (inscription chez Waddington, Fastes p. 45 de la petite éd.). — M. Junius Silanus, gouverneur d’Asie en 678, στρατηγός (inscription de Mylasa, Waddington, n. 409) proconsul (Pline, H. n. 2, 35, 100). — M. Juncus, proconsul (Velleius, 2, 42). — L. Licinius Lucullus : Cum Asiam provinciam consulari imperio obtineres, dit Cicéron en s’adressant a lui, Pro Flacco, 34, 85. — T. Aufidius, prætor (Cicéron, Pro Flacco, 39, 45) Asiam proconsulari imperio obtinuit (Val. Max, 6, 9, 7). — P. Dolabella proconsulari imperio Asiam obtinens (Val. Max. 8, 1, amb. 2). — Q. Tullius Cicero, pro cos. (Cicéron, De divin. 1, 28, 58. Suétone, Auguste, 4). — C. Fabius M. f., T. Amplus T. f., C. Claudius Pulcher, gouverneurs d’Asie dans la dernière décade du VIIe siècle, s’appellent sur leurs monnaies, pro cos. (Waddington, loc. cit., C. I. L. I, p. 143). Par un phénomène surprenant, le gouverneur de 703. 704, Q. Thermus, est appelé sur les adresses de lettres pro prætore (Cicéron, Ad fam. 2, 18. 53-57).

[5] Q. Metellus Celer, préteur en 691, gouverneur de, la Gaule cisalpine en 692, s’appelle pro cos. (Cicéron, Ad fam. 5, 1, 2 ; Mela, 3, 5, 45 ; Pline H. n. 2, 67, 170). — Q. Ancharius, préteur en 698, gouverneur de Macédoine en 699, est appelé pro cos. chez Cicéron, Ad fam. 13, 40. — M. Antonius, prætor (Tite-Live, Ep. 68) pro consule (Cicéron, De orat. 1, 18, 12) en 652, probablement pour la Cilicie. — A. Allienus, préteur en 705, gouverneur de Sicile en 706, est appelé chez Hirtius, Bell. Afr. 2, prætor, chez le même, 34 ; et dans les adresses de lettres (Cicéron, Ad fain. 13,19) et sur ses monnaies, pro consule. — Statius Murcus prætorius (Velleius, 2, 69) commanda en 710 comme proconsul en Syrie (Cicéron, Philipp. 11, 12, 30). — Les préteurs urbains Brutus et Cassius s’intitulent dans leur correspondance (par exemple, Cicéron, Ad fam. 12, 11, 12) et sur les monnaies pro consule. — Q. Servilius, qui périt en 663 à Asculum, est appelé chez Velleius 2, 15, prætor, chez Tite-Live, Ep. 72, pro cos. La province est inconnue, si tant est qu’il ait été gouverneur. — Cicéron, De leg. 1, 20,  53 : Cum (L. Gellius, consul en 682) pro consuls ex prætura in Græciam venisset. La province est inconnue. Le sénatus-consulte rendu au cas où la patrie est en danger s’adresse seulement aux magistrats qui se trouvent pro consule ad urbem.

[6] Le gouverneur de Bithynie de 103, P. Silius (Ad fam. 13, 53-57), et celui d’Asie de 703-704, Q. Thermus (Cicéron, Ad fam. 2, 18. 53-57) ; sont appelés dans les adresses de lettres pro prætore. Le dernier triomphe célébré pro prætore que signalent les fastes triomphaux est celui, du reste inconnu, de P. Servilius Vatia en 666.

[7] Dans le sénatus-consulte de 703, chez Cicéron, Ad fam. 8, 8, 8, huit provinces sont signalées comme des provinces, quas prætorii proprætore obtinerent. Sans aucun doute, certaines parmi elles étaient pourvues du titré proconsulaire.

[8] Tite-Live, 28, 30, 19. La résolution a été prise, après que la mort du consul désigné L. Postumius était déjà connue ; comme on prévoyait probablement déjà alors l’élection de Marcellus au consulat et qu’on était décidé à I’écarter à cause de sa qualité de plébéien, on lui donna d’avance en compensation l’imperium consulaire, c’est-à-dire un commandement indépendant.

[9] Ti. Claudius, qui avait occupé en 576 un commandement italique en qualité de préteur pérégrin, reçut pour l’an 577 le commandement proconsulaire, selon Tite-Live, 41, 12, 1 (cf. 40, 59, 5. 41, 5, 6) : Ti. Claudius proconsul, qui prœtor priore anno fuerat. En cette année précisément un consul commandait en Sardaigne et Claudius prit sa place en Italie.

[10] Suétone, Domitien, 1. Tacite, Hist. 4,3. Le sénat fait de même, lorsqu’il proclame les deux premiers Gordiens Augustes et le troisième, en sa qualité d’héritier présomptif, préteur (Vita Maximini, 16).

[11] Dans les inscriptions de M. Cælius Vinicianus, tribun du peuple en 701 (C. I. L. XIV, 2602), de M’. Cordius Rufus (C. I. L. XIV, 2603) et d’autres encore (cf. C. I. L. I, p. 188) du même temps, prætor pro consule se trouve placé de telle sorte qu’il faut nécessairement entendre les deux d’une seule magistrature. Tant que la préture et le gouvernement provincial ont encore été liées chronologiquement (et ces inscriptions appartiennent à cette époque), on ne pouvait Ies considérer juridiquement que comme une seule magistrature, et quand il fallait exprimer dans le cursus honorum les fonctions de celui qui s’intitulait prætor à Rome et pro consule dans sa province, il n’y avait pour cela d’autre expression que le composé prætor pro consule. Quand la loi Pompeia eut supprimé la continuité, on en arriva logiquement à écrire, comme on fait à l’époque récente, pro consule, prætor.

[12] Ser. Cornelius Ser. f. Lentulus s’appelle sur les inscriptions de Délos στρατηγός άνθύπατος 'Ρωμαίων (Bull. com. hell. 9, 379), et aussi L. Clovius L. f. (id. 8, 149, où il y a άνθύπατος sur la pierre, d’après l’obligeante communication de Homolle). Ni l’un ni l’autre n’appartient à une époque sûrement déterminée. [L’inscription de Rhodes, Sitzungsberichte de Berlin, 1892, 845 et ss. appelle aussi de ce nom L. Cornelius L. f.... qui paraît avoir été gouverneur d’Asie avant Sulla. Ajoutez encore C. Billienus, C. I. L. III, 7233.]

[13] Cette dénomination (qu’il faut bien distinguer de la dénomination semblable qui se rencontre au VIIe siècle pour le consul) se trouve chez Josèphe, Ant. 14, 10, 8. 15, pour deux magistrats supérieurs du temps de César dont l’un est le préteur de 705 C. Fannius qui se nomme sur ses monnaies (C. I. L. I, p. 143) pr(ætor), mais qui a eu sans aucun doute l’imperium proconsulaire comme gouverneur. J’ai donné l’explication, Eph. ep. 1872, p. 225.

[14] Ainsi est appelé le même Fannius dans une lettre du légat T. Ampius, chez Josèphe, Ant. 45, 10, 13.

[15] Monnaies de M. Antonius de l’an 719 ou 720 avec la légende : M. Silanus aug(ur) q(uæstor) pro cos. (Eckhel, 4, 47 ; et Borghesi, Opp. 5, 180).

[16] Velleius, 2, 45.

[17] Ainsi pour l’envoi de Piso en Espagne en 696 (C. I. L. I, n. 598). Cf. Salluste, Cat. 19.

[18] Salluste, Hist. éd. Dietsch, 2, 39, est dans ce sens ; les monnaies de A. Pupius Rufus avec ταμίας άντί στρα. ou άντί στρα. καί ταμίας peuvent se rapporter à cela ; cf. sur elles Borghesi, Opp. 2,, 405 et ss. — Au reste, il y a peu d’expressions qui soient en droit publie aussi riches en acceptions diverses et par suite aussi propres à égarer et aussi difficiles à expliquer que le terme quæstor pro prætore ; il s’applique, sous la République à la fois au représentant du général absent et du général décédé et au gouverneur institué, en qualité de questeur, cum imperio par le peuple ou le sénats et sous l’Empire, au questeur ordinaire de chaque proconsul.

[19] Tite-Live, 38, 42, 10.

[20] Si Gnæus Scipio, qui était aux côtés de son frère exerçant le commandement en chef en Espagne depuis l’an 536, d’abord comme consul et plus tard comme pro consule, est appelé a bon droit imperator par Tite-Live, tant du vivant de ça frère (25, 32, 1) qu’après sa mort (26, 2, 5), il faut qu’il ait été envoyé par une loi cura imperia en Espagne. Mais c’est là sans doute une erreur de Tite-Live et il a été simplement légat de son frère. — Dans quelques autres cas, on ne voit pas clairement comment des privati commandant pro prætore ont obtenu l’imperium, ainsi pour T. Otacilius, Tite-Live, 23, 32, 20, pour C. Varro, 27, 24, 1. c. 35 ; 2 et pour L. Manlius Acidinus, Tite-Live., 27, 43, 9. c. 50, 8. Il y a eu là probablement délégation par le préteur urbain, mais en tout cas il n’y a pas eu concession extraordinaire de l’imperium par une loi.

[21] Tite-Live, 26, 18. 28, 43, 41. Si Scipion ne fut pas envoyé pro prætore en Espagne, ce fut sans doute parce qu’on lui adjoignit le propréteur M. Silanus et qu’il fallait maintenir l’unité du commandement en chef.

[22] Tite-Live qualifie du nom de proconsuls les successeurs de Scipion jusqu’à la constitution de la province L. Cornelius Lentulus et L. Manlius Acidinus (Tite-Live, 29, 13, 7. 31, 20 rapproché de 28, 38, 1), C. Cornelius Cethegus (Tite-Live, 34, 49, 7), Cn. Cornelius Blasio et L. Stertinius (Tite-Live, 31, 50, 11). Cependant la table du Capitole indique comme raison juridique de novation de Blasio : Qu[od Hispaniam cit]eri[orem extra o]rdine[m obtinverat] (C. I. L. I, p. 568 = ed. 2, p. 48) ; la place vide ne suffit pas pour pro cos. et si on avait voulu employer la formule simple pro cos. ex Hispania, on n’aurait pas eu besoin de la longue circonlocution. Il est probable que la doctrine rigoureuse a voulu accorder le titre pro consule comme le droit au triomphe seulement à l’ex-consul. Mais la terminologie relâchée a prévalu comme a fait la pratique relâchée en matière de triomphe. Il n’y a aucun doute que leur magistrature a été accordée à tous ces magistrats par une loi et comme magistrature annale, quoique l’élection ne soit attestée en dehors de Scipion que pour Blasio et Stertinius (31, 50, à rapproché de 30, 41, 4) et comme réélection pour Lentulus et Acidinus (29, 13, 7). La prorogation dépend là aussi de sénat (Tite-Live, 27, 7, 17. c. 22, 7. 30, 2, 7). Ces magistrats se distinguent donc des gouverneurs de Sicile et de Sardaigne seulement en ce qu’ils sont directement élus pour les provinces d’Espagne par le peuple et qu’ils n’ont pas de titre.

[23] Lorsqu’en 623 il fallut faire la guerre d’Aristonicus, l’un des consuls L. Flaccus était flamen Martialis et l’autre P. Crassus, grand pontife. Le premier ne pouvait quitter Rome à raison de ses devoirs sacerdotaux et il était aussi sans exemple pour le grand pontife qu’il quitta l’Italie (Tite-Live, Ep. 59). Dans cette situation singulière, qu’on pourrait presque croire provoquée à plaisir, on fait voter le peuple sur le point de savoir qui doit conduire la guerre en Asie ; mais ne tum quidem populus Romanus ad privatum detulit bellum : le consul et grand pontife Crassus l’emporta par 33 voix contre 2 sur le second Scipion l’Africain (Cicéron, Phil. 11, 8,18).

[24] Valère Max. 9, 7. Mil. R. 1. Velleius, 2, 18. Tite-Live, 77. Appien, B. c. 1, 55. Plutarque, Mar. 35. Sull. 8. Diodore, p. 643.

[25] Selon Granius Licinianus, éd. de Bonn, p. 39, Pompée triompha en 613, pro prætore et l’opposition faite par Cicéron, De imp. Pompei, 21, 61. 62, prouve la même chose. Au contraire, il s’appelait lui-même sans autorisation pro console, si j’ai eu raison (R. M. W. p. 609 tr. fr. 2, p. 533) de rapporter à sa victoire d’Afrique les monnaies avec Magnus pro cos. — Un autre générai en sous-ordre de Sulla, M. Lucullus, s’appelle également pro prætore (C. I. L. I, 583). — On ne peut établir jusqu’à quel point le droit de création ordinaire ou extraordinaire de Sulla a influé sur les magistratures qui se placent sous sa dictature.

[26] Monum. Ancyr. 1, 6, et les textes cités.

[27] Velleius, 2, 31.

[28] C’est ainsi que l’appellent Tite-Live, 97, et Velleius, 2, 31 ; il n’y a aucune raison d’en faire un propréteur.

[29] Velleius, 2, 31. S’il avait été rendu une loi, elle aurait sans doute été citée à propos de la loi Gabinia.

[30] C’est ainsi que Cicéron appelle, Verr. 2, 3, 8. 3, 91, 213, le commandement d’Antonius, et De leg. agr. 2, 11, 46 : Omnes terras Cn. Pompeio atque omnia maria esse permissa ne veut pas dire autre chose. Velleius, 2, 31, fait ressortir en finissant la similitude juridique des deux Imperia. Sur le détail des dispositions, voir Drumann, 4, 402.

[31] Velleius, 2, 31. Pompée avait donc un imperium majus en face des gouverneurs qui étaient propréteurs, mais non en face des proconsuls. Les complications qui résultèrent de là entre lui et le proconsul de Crète Metellus ont sans aucun doute conduit les Pompéiens à demander plus tard, au lieu de l’imperium æquum, l’imperium majus. Tacite se trompe en assimilant le pouvoir supérieur donné à Corbulo sur les gouverneurs voisins à celui de la loi Gabinia (Ann. 15, 25).

[32] On demanda en vain pour Pompée, lors de sa cura annonæ de 697, le majus imperium in provinciis quam sit eorum qui eas obtineant (Cicéron, Ad Att. 4, 1, 7) ; et en invoqua tout au moins pour les consuls de 705 Lentulus et Marcellus l’ancien droit consulaire more majorum vel omnes adire provincias.

[33] La proposition faite en 711 par Cicéron de reconnaître C. Cassius comme gouverneur de Syrie (Philipp. 11, 12, 30), ne fut pas d’abord adoptée ; mais après la bataille de Mutina, toutes les provinces d’Orient furent mises sous l’autorité de lui et de Brutus, Appien, B. c. 4, 58. c. 70. 94. Velleius, 2, 62.

[34] Il faut sans doute considérer comme un représentant le legatus pro prætore de Sulla dans la première guerre de Mithridate (C. I. L. XIV, 2218).

[35] Appien, Mittr. 94. Dion spécifie expressément, 36, 19, que Pompée nomme les légats. L’inscription trouvée à Cyrène (Bullett. dell’ instituto, 1874, p. 111) : appartient, comme l’explique là justement Lanciani, à l’un de ces légats de Pompée, le futur consul de 698 (cf. R. M. W. p. 517 = tr. fr. 2, 476). Le titre officiel des légats impériaux correspond donc lui-même exactement à celui des légats créés en vertu de la loi Gabinia

[36] Ainsi il faut que la loi Vatinia ait contenu, relativement à César, une clause de ce genre, car Vatinius s’appelle, chez César, B. G. 4, 21, legatus pro prætore.

[37] Plutarque, Paul. 4, le dit expressément pour le prætor pro consule espagnol.

[38] Il n’y a besoin là d’une loi que quand l’imperium doit être efficace dans la ville comme c’est, par exemple, le cas pour le triomphe du promagistrat. À la vérité, la prorogation pour un temps déterminé est plutôt la collation d’un commandement nouveau que la continuation du précédent, et on semble par suite avoir fait régulièrement un plébiscite au Ve siècle pour la prononcer. Mais la conception, soutenable en la forme, selon laquelle cette prorogation est aussi bien une continuation du commandement que celle résultant de la simple non arrivée du successeur, a bientôt prévalu et a eu cette conséquence importante que, dés le temps de la guerre d’Hannibal, la prorogation a toujours été prononcée par le sénat, sans consultation du peuple, quand il n’y avait pas d’autre complication.

[39] Dion, 36, 23 [6]. Cicéron, De imp. Pomp. 17, 32.

[40] Ainsi les imperia de Pompée de 673 et 677 et celui de M. Antonius de 680. Tite-Live, Ep. 89. Cicéron, Phil. 11, 8, 18, etc. Au contraire, lorsqu’on proposa les plans les plus divers en 703, après la catastrophe de Crassus, personne ne songea cependant à envoyer ex s. c. privatos sur l’Euphrate (Cælius, Ad fam. 8, 10, 2).

[41] Ainsi l’imperium du second César de 711. Mon. Ancyr. 3, 5. Cicéron, Phil. 11, 8, 20.

[42] Lors de élection de Scipion en 543, le sénat décide (Tite-Live, 26, 2, 5) : Agendum cum tribunis plebis esse, primo quoque tempore ad plebem ferrent, quem cum imperio mitti placeret in Hispaniam... ea res cum tribunis acta promulgataque est. Si dans la description très détaillée de l’élection, c. t8 et ss. ; elle est au contraire dirigée par les consuls et si on vote par centuries, c’est, là sans doute un enjolivement faux. Les successeurs de Scipion, jusqu’à l’établissement des deux prétures, sont élus par la plèbe sous la présidence des, tribuns (Tite-Live, 29, 13, 7. 30, 41, 4. 31, 50,11). On ne peut établir que l’une quelconque des lois qui ont accordé un imperium innommé ait été soumise aux centuries ; la loi consulaire de 697 (Cicéron, Ad Att. 4, 1, 7) peut elle-même avoir été présentée aux tribus.

[43] Pompée apparaît, pendant qu’il gère la cura annonæ, à plusieurs reprises dans la ville, ainsi aux procès de Milon et de Sestius (Drumann, 4, 51S) et à diverses séances du sénat (Cicéron, Ad fam. 1, 1, 2. Ep. 7, 3). Le transfert du sénat au temple d’Apollon, ut Pompeius adesset (Cicéron, Ad Q. fr. 2. 3, 3 ; cf. Becker, Top. p. 627, note 1237) ne se rattache pas, comme l’a démontré avec raison Becker (1re éd. 2, 2, 67) contre K. Fr. Hermann, à un obstacle de droit, mais à un obstacle de fait résultant des menées de Clodius.

[44] P. Scipion n’a reçu du peuple qu’un commandement annal, montre sa prorogation par le sénat, qu’elle ait eu lieu d’année en année (Tite-Live, 27, 22, 1), comme il est vraisemblable, ou jusqu’à son rappel par le sénat (Tite-Live, 27, 7, 17. Zonaras, 9, 40). Il en est de même de ses successeurs, puisqu’il faut aussi pour eux une prorogation.

[45] Pompée a été suivi par un questeur en Espagne (Drumann, 4, 864), par deux contre les pirates et en Asie (Plutarque, Pomp. 26) ; Brutus et Cassius en reçurent aussi probablement deux en 740 (Cicéron, Phil. 2, 43, 31) ; Caton fut aussi suivi à Chypre en sa qualité de quæstor pro prætore, du questeur auquel avait droit le préteur.

[46] Nous parlerons plus loin de la violation de la règle commise par M. Brutus et ensuite par Auguste.

[47] Cela ne s’applique naturellement pas au prætor pro consule espagnol, qui, en sa qualité de préteur, est susceptible de triompher.

[48] Tite-Live, 25, 5. Il n’est question de la consultation du peuple qu’à un autre propos ; mais l’ensemble des idées et le nom des triumviri militent pour qu’elle n’ait pas fait défaut.

[49] Par exemple, lors de la levée de boucliers de Catilina (Drumann, 5, 453), et de l’explosion de la guerre civile (Drumann, 3, 498). Cf. Tite-Live, 23, 32, 19.

[50] Après la mort des consuls Hirtius et Pansa, il n’y a pas eu d’interrègne parce qu’il y avait encore beaucoup de magistrats patriciens et qu’on ne pouvait provoquer à temps la retraite de tous. Or, le préteur ne pouvait pas, en vertu des institutions existantes, réaliser lui-même l’élection d’un consul ; il lit au lieu de cela nommer dans les comices par tribus, pour tenir les comices, deux magistrats pourvus de la puissance proconsulaire, qui les tinrent ensuite. Dion, 46, 45, indique, comme raison pour laquelle on a pris cette voie, que ces duumvirs n’étaient compétents pour rien autre chose que pour les élections et que par suite on n’avait pu y voir un pouvoir d’exception s’étendant au-delà de son but immédiat (cf. sur ce texte la discussion topique dans l’ensemble de Rubino, Untersuch. 1, 102). Il aurait pu ajouter que cet expédient, en supposant qu’il y ait eu un plébiscite préalable prescrivant au préteur la nomination des duumvirs, était en la formé le moins choquant, dols lors qu’il fallait provoquer des élections consulaires en la vacance des deux consulats et sans recourir à l’interrègne. On peut seulement rappeler à l’encontre de cette façon de procéder que le préteur, ne pouvant présider lui-même les comices consulaires, ne pouvait non plus guère avoir le droit de créer des magistrats ayant ce pouvoir.

[51] Nous connaissons plusieurs lois spéciales et plusieurs tribunaux spéciaux de ce genre sans connaître les dispositions qui régissaient la direction du tribunal. Il en est, par exemple, ainsi de la quæstio relative au trésor du temple de Tolosa et des procès de majesté faits en vertu de la loi Appuleia et de la loi Varia, et en outre de la loi de Pompée de 702 sur l’ambitus. Nous ne parlons ici que des cas dans lesquels la situation du quæsitor se révèle clairement.

[52] Asconius, In Milon. 12, 32, p. 46. Cicéron, De d. n. 3, 30, 74. Obseq. 37, sur l’an 640. Cf. Dion, fr. 87 ; Tite-Live, 63 ; Orose, 5, 15 ; Val. Max. 6, 8, 1 ; Plutarque, Q. R. 83 ; Ad Herenn. 4, 35, 47 ; Schol, ad Horat. sat. 1, 6, 30. Chez Valère Max. 4, 7, 9, Cassius est faussement appelé prætor. J’ai discuté dans la Zeitschr. f. Numismatik de Sallet, 2, 42, jusqu’à quel point les monnaies des Cassii, R. M. W. p. 635. 636 = tr. fr. 2, 503. 505, se rapportent à ce procès célèbre.

[53] Salluste, Jugurtha, 40 (cf. 65). C’est là la quæstio conjurationis Jugurthinæ de Cicéron (De d. n. 3, 20, 74). Brut. 33, 127. 34, 128. Schol. Bob. ad. or. pro. Sest. 57, p. 331.

[54] Asconius, In Milon. p. 39. Cicéron, Pro Mil. 8, 22.

[55] Les monnaies des Cassii, R. M. W. p. 635. 636 = tr. fr. 2, 503. 505, semblent attribuer le siège curule à L. Cassius par corrélation au procès de 641. Asconius, In Milon. p. 40 (cf. Val. Max. 4, 7, 9) parle du tribunal de L. Domitius.

[56] Le droit de voter du conseil dans la question extraordinaire de 644 est attesté par les monnaies de Cassii, R. M. W., p. 635. 636 = tr. fr. 2, 503. 505, où l’on voit l’urne et la tablette de vote. Cicéron, Brut. 34, 128, nous apprend la même chose pour celle de 644. Il n’y a pas besoin de preuves pour le procès de Milon.

[57] Cicéron, Brut. 34, 128.

[58] Ce que dit Asconius (In Milon, 12, 32, p. 46) de la rigueur de Cassius dans le procès des Vestales, ne peut guère être entendu autrement, surtout dans la relation où c’est mis avec sa façon de procéder dans les poursuites de meurtre. — Le quæsitor a évidemment voté aussi dans le procès de Milon. Asconius indique par là clairement que Domitius lui-même était judex. C’est aussi seulement par là qu’on peut expliquer que, dans les votes faits en vertu de la loi Pompeia dans les trois décuries de jurés, il n’y ait pas 3 x 17 voix, mais 18 sénateurs, 17 chevaliers et 16 tribuns (Asconius, p. 53. 54), le consulaire quæsitor vote dans la décurie des sénateurs et un tribun est supprimé en compensation.

[59] Un exemple certain de cette espèce est l’instruction ouverte en vertu de la loi Mamilia. Appartient aussi probablement a cet ordre la quæstio auri Tolosani (Cicéron, De d. n. 3 30, 14) dont le caractère procédural n’est pas plus nettement connu. Au contraire, le procès contre Q Cœpio de 659 n’a en la forme rien à faire avec cette quæstio, c"est une accusation tribunicienne (cf. par ex. Cicéron, Orat. part. 30, 105).

[60] L’inceste d’une vestale ressortit en droit de la juridiction domestique du grand pontife, et c’est un point douteux de savoir si on peut appliquer là la règle admise en droit récent selon laquelle la femme peut aussi être actionnée par le magistrat à raison d’une infraction. S’il n’y avait pour ces crimes aucun tribunal de magistrats ordinaires de compétent, en s’explique d’autant plus facilement la création d’un magistrat extraordinaire.

[61] Drumann, 2, 207. D’après les deux projets de loi soumis s ce sujet au peuple, un préteur devait statuer avec un conseil (Cicéron, Ad Att. 1, 14, 1) ; on discutait principalement sur la composition du conseil, sur le point de savoir si le préteur choisirait les jurés comme le portait la rogation consulaire approuvée par le sénat, ou s’il les tirerait au sort la manière ordinaire ; comme le demandait la contre-proposition des tribuns qui fut finalement adoptée. Nous ne savons ni comment le préteur était déterminé ni sur lequel des préteurs pour le choix ; par suite, il n’est pas non plus complètement établi que cet incident ne rentre pas plutôt parmi les cas étudiés tome III, c’est-à-dire que la loi n’ait pas chargé le sénat du choix du préteur. Il est vraisemblable qu’aucun d’eux n’était compétent en droit, et que ce crime se trouvait en dehors du cercle général des questions existantes ; car sans cela le parti de Clodius, au lieu de demander une loi spéciale plus douce, aurait réclamé l’application de la procédure de droit commun.

[62] Sans doute les affaires civiles n’ont pas facilement donné lieu à la création de tribunaux spéciaux. Mais on ne peut contester la possibilité d’établir de pareils tribunaux, et si, comme il est vraisemblable, le péculat était poursuivi dans les formes des procès civils, les poursuites contre L. Scipio en donnent un exemple.

[63] Frontinus, De aquis, 6. On peut avoir ici omis le plébiscite précédant l’élection parce qu’il s’agissait seulement de la réception d’une construction affermée de la manière normale.

[64] J’ai rassemblé dans le Jahrbuch des gem. deutsch. Rechts de Bekker et Muther, 2, 335, les renseignements fournis par notre tradition sur la loi ou les lois Visellia.

[65] Les viocuri de Varron (5, 158 : Clivos Publicius ab ædilibus plebis Publicis qui eum publice ædifecarunt : simili de causa Pullius et Cosconius, quod ab his viocuris dicuntur ædificati) pourraient se rattacher aussi à cela.

[66] Inscription, Ephem. epigraph. II, p. 199 = C. I. L. VI, 3824.

[67] C. I. L. I, p. 279 : Curator vis sternundis. On ne voit pas clairement si cette cura était ou non organisée en collège.

[68] C. I. L. I, n. 593. Avant la publication de l’inscription du censeur Metellus, on a conclu de cette inscription, où la réception des travaux a lieu de conl(egarum) sen(tentia) et où suivent les noms des neuf autres tribuns, que la cura viarum était liée au tribunat du peuple. Désormais il est au contraire établi que cette coïncidence est fortuite.

[69] C. I. L. I, n. 600. Dion, 37, 45.

[70] C. I. L. IX, 2845 : Viar(um) cur(ator) extra u(rbem) R(omam) ex s(enatus) c(onsulto) in quinq(uennium). Cette nomination extraordinaire (la preuve qu’elle l’était résulte de l’addition ex s. c.) se place quelques années après 731, puisque Scæva avait été précédemment proconsul de Chypre et encore auparavant prœtor ærarii, mais probablement pas beaucoup après. Le pr(ætor) desig(natus) ex s. c. viar(um) cur(ator) (C. I. L. VI, 4501 = Hermes, 4, 370) est probablement de la même nature et de la mémé période ; le curator viarum C. I. L. VI, 1466, rentre peut-être aussi dans le même ordre. On ne peut pas non plus voir là si les curæ étaient ou non organisées en collège.

[71] Plutarque, C. Gracch. 7. Appien, B. c. 1, 23. C. I. L. I, p. 90.

[72] Tite-Live, 25, 1, 5.

[73] Le triumvir de l’inscription C. I. L. I, n. 638 = VI, 438 ne peut guère être entendu autrement. Ces notices, en général sans importance pour l’histoire politique, ont disparu de nos annales ; celles rapportées sous la date de l’an 542 n’y ont probablement elles-mêmes trouvé place, que par suite du lien étroit de leur plus forte part avec l’histoire militaire.

[74] Varron, chez Aulu-Gelle, 2, 10, appelle Catalus curator restituendi Capitolii. V. pour des détails plus étendus, C. I. L. I, p. 111.

[75] On ne peut pas conclure avec certitude de Cicéron, Verr. 4, 31, 69 : Senatus populique Romani benefico, que le peuple ait été consulté, d’autant plus qu’à cette époque de gouvernement aristocratique, le sénat avait coutume d’agir sans autre forme au nom du peuple.

[76] Suétone, Cæsar, 15. Dion, 37, 44. C’est à tort que Jordan, Top. 1, 2, 23, a révoqué en doute cette assertion. La dédication d’un édifiée peut pa4aitement avoir lieu avant que les travaux de construction soient complètement achevés ; et la conjecture substituée par Jordan au témoignage de Suétone, selon laquelle on aurait proposé en 692 au profit de Pompée une cura reficiendi Capitolii, se concilie mal avec sa doctrine selon laquelle la construction de Catulus aurait été terminée sept ans plus tôt.

[77] Tacite, Ann. 2, 44.

[78] Si, comme il semble d’après Cicéron, Tusc. 3, 20, 48, C. Gracchus a dirigé lui-même les partages faits en vertu de sa loi frumentaire, elle a dû instituer des curatores annonæ, comme la loi agraire des tres viri agris dandis et Gracchus a dû revêtir les deux magistratures à côté du tribunat. Ces curateurs doivent alors à la vérité nécessairement être conçus comme des magistrats permanents. Mais cette institution n’a sûrement pas eu de durée.

[79] Festus, Ep. p. 48. Tout le matériel utilisé par Verrius appartenant à la République, il ne peut guère s’agir ici des curatores frumenti d’Auguste, mais bien de magistrats extraordinaires plus anciens.

[80] Dans le récit très récent de la consécration du temple de Mercure, Tite-Live, 2, 27, on doit confier au consul que le peuplé chargerait de la dédication, en même temps le soin de præesse annonæ, mercatorum collegium instituere, et on charge ensuite de la dédication un primipilaire qui semble donc être aussi considéré comme præfectus annonæ.

[81] Tite-Live, 4, 12, 8. c. 13, 7. J’ai donné des détails plus précis, Hermes, 6, 266 et ss. = Rœm. Forsch. 2,213 et ss., et notamment démontré que Tite-Live a emprunté ce récit à Macer (mort en 688). Mais, tout récent qu’il soit, il n’est pas assez ancien pour tirer son origine de la cura annonæ de Pompée.

[82] Cicéron, De har. resp. 20, 43. Pro Sest. 17, 39 (p. 275, note 1). — Le frumenti curator ex s. c. d’une inscription (C. I. L. VI, 1460), qui a été selon toute apparence en fonctions peu après la bataille d’Actium et qui peut très bien être placé avant l’an 732, dans lequel Auguste revêtit cette curatelle, est probablement de même nature. Le C. Papirius C. f Vel. Masso tr. mil., æd. pl., q(uæsitor ?) jud(e), cur(ator) fru(menti), qui appartient à peu près au même temps, doit sans doute aussi être du même ordre, puisque tous les curatores frunmenti d’Auguste ont été prétoriens ou consulaires.

[83] Cicéron, Ad Att. 4, 1, 7.

[84] Dion, 39, 9, lui attribue άρχήν άνθυπάτου καί έν τή Ίταλία καί έξω ; Appien, B. c. 2, 18, l’appelle d’une façon très caractéristique τής άγοράς αύτοκράτορα. Il est aussi impossible que l’imperium infinitum æquum lui ait fait défaut, puisqu’on a pu demander pour lui le majus imperium in provinciis quam est eorum qui eas obtinent, que d’ailleurs il n’a pas obtenu.

[85] Cicéron, Ad Att. 4, 1, 7. Appien, loc. cit.

[86] Dion, 46, 39, sur l’an 711.

[87] Du temps de Tibère : Orelli-Henzen, 3109 (= C. I. L. IX, 3306). 3128 (= C. I. L. X, 5182). 3141 (= C. I. L. XIV ; 3598). 5368 (= C. I. L. VI, 1364).

[88] L’inscription Orelli, 77 = C. I. L. XI ; 1183, dans laquelle un pareil préfet apparaît avec l’addition ex s. c., est du temps d’Antonin le Pieux ou de Caracalla (Borghesi, Opp. 4, 128). Les inscriptions C. I. L. VIII, 5354, Henzen, 6492 = C. I. L. VI, 1502, Henzen, 6048 — C. I. L. XI, 3867, dans lesquelles, à la vérité, manque l’addition ex s. c., sont la première du temps postérieur à Marc-Aurèle, la seconde de celui de Commode, la troisième de celui d’Alexandre Sévère.

[89] Ce titre, en grec έπαρχος τοΰ σειτηρησί[ου τοΰ δια]διδομένου, (C. I. Att. III, 629) ou σίτου δόσεως δήμου 'Ρωμαίων (Lebas-Waddington, 2814 ; sans la dernière addition ; C. I. Gr. 5793) est constant. La formule jusqu7à présent inexpliquée præf. frum. ex s. c. s. (cf. C. I. L. VI, 3836) ne se rencontre que sur l’inscription (du temps de Tibère) C. I. L. VI, 1364.

[90] Elle n’est pas constante et manque parfois même déjà sur des inscriptions du temps de Tibère (Orelli, 3109 = C. I. L. IX, 3306).

[91] Ædilicius, C. I. Gr. 5793 et C. I. Att. III, 629 ; ædilicius ou tribunicius, C. I. L. X, 8291. V. les détails que j’ai donnés, Hermes, 4, 364 et ss.

[92] Cf. tome V, la partie du præfectus annonæ impérial.

[93] J’ai expliqué dans l’Hermes, 4, 364, le sens qu’a cette formule en droit public, quand elle est adjointe à un titre de magistrat. De même qu’elle se présente pour les magistratures extraordinaires comme justifiant leur existence, elle apparaît pour les magistratures ordinaires comme légitimant leur concession faite en dehors de la loi. Elle est employée de la seconde façon dans les inscriptions Henzen, 6450 = C. I. L. IX, 2845 : Decemvir stlitibus judicandis ex s. c. post quæsturam ; quattuorvir capitatis ex s. c. post quœsturam et decemviratum... provos. iterum extra sortem auctoritate Aug. Cæsaris et s. c. misso ad componendum statum provinciæ Cypri (car, pour cette époque, il faut regarder le proconsulat comme une magistrature ordinaire) ; C. I. L. V, 4348 : Legato pro pr. iter. ex s. c. et auctorit. Ti. Cæsaris (il en est de même de la légation) ; C. I. L. VI, 1501 : Pr(ætor) ex s. c. pro æd(itibus) cur(ulibus) jus dixit. Toutes ces inscriptions appartiennent à l’époque d’Auguste et de Tibère ; plus tard en n’a sans doute pas procédé différemment ; irais on n’a probablement pas trouvé que ce fut la peine de faire une mention spéciale du sénatus-consulte qui dispensait de l’observation des lois.

[94] La commission du sénat constituée en l’an 20 pour fixer les dispenses des lois sur le mariage à admettre (Tacite, Ann. 3, 28), n’est pas une magistrature ; mais le droit du sénat de dispenser de l’observation des lois lui a été délégué. Nous ne savons quelles attributions étaient liées à la propréture extraordinaire que suivant une inscription de l’an 16 après J.-C. (C. I. L. VI, 91 : Pr., æd. pl. Cer., pro pr. ex s. c., q.). Q. Cœlius, L. f. a administré sous Auguste en qualité de quæstorius.

[95] C’est à quoi sont destinés les curatores locorum publicorum judicandorum ex s. c. dont nous traiterons, au tome V, au chapitre du Patrimoine de l’État sous le Principat.