LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE DEUXIÈME. — LES MAGISTRATURES.

MAGISTRATS EXTRAORDINAIRES PRÉPOSÉS À L’EXERCICE DES DROITS RÉSERVÉS DU PEUPLE.

 

 

Sous le nom de magistratures extraordinaires nous rassemblons, en nous écartant de la terminologie romaine, toutes les magistratures qui sont appelées à l’existence pour un cas isolé par une loi spéciale ou un acte équivalent[1]. Il convient pour leur étude de distinguer les magistratures qui délient le magistrat de tous les liens constitutionnels et lui mettent en mains la réformation de l’État et celles qui se meuvent dans la sphère constitutionnelle. Parmi ces dernières, on peut sous distinguer celles qui constituent pour les magistratures ordinaires un complément indispensable et les magistratures auxiliaires proprement dites dont les détenteurs exercent exceptionnellement des attributions déjà conférées autrement par la constitution. Nous nous occuperons d’abord des magistrats extraordinaires chargés d’actes constitutionnellement interdits aux magistrats ordinaires, puis des magistrats extraordinaires auxiliaires et enfin des magistrats extraordinaires constituants.

Les magistrats ordinaires du peuple ne sont pas compétents pour tous les actes politiquement nécessaires. Pour les actes les plus importants, en particulier pour la cession à titre gratuit d’une propriété publique à des dieux ou à des hommes, pour les procès de haute trahison et pour la conclusion de la paix, la question de savoir s’il y a lieu d’y procéder et dans quelles conditions, doit, dans chaque cas isolé, être soumise à la décision de l’assemblée du peuple, et si la réponse est affirmative, l’accomplissement de l’acte n’est pas confié à des magistrats pris dans le cercle des magistrats ordinaires. Des magistrats spéciaux sont créés pour y procéder, suivant un mode d’élection dont les règles doivent être posées en même temps que l’acte est prescrit. Ces magistrats sont donc extraordinaires au sens que nous avons indiqué ; car ils ne tirent pas leur origine, comme les censeurs et les consuls, d’une loi définitive établissant une fois pour toute cette catégorie de magistrats : cela se manifeste pratiquement en ce que, par exemple, les magistrats agris dandis adsignandis ont bien tous le même caractère, mais n’ont aucunement tous les mêmes pouvoirs. Cependant le caractère extraordinaire de ces magistratures est si loin d’être une infraction à la constitution qu’il constitue au contraire l’application la plus haute et la mise en œuvre la plus complète de la souveraineté du peuple. Le peuple ne peut accomplir un acte d’administration ; mais il se réserve pour les actes publics les plus importants tout ce qu’il peut se réserver : la décision définitive du point de savoir si l’acte doit ou’ non avoir lieu, la rédaction des instructions corrélatives et le choix des exécuteurs de sa volonté. Ce système se révèle en particulier clairement pour les magistrats chargés d’assignations de terres et de fondations de colonies.

Les magistratures de ce genre sont probablement plutôt nées sous la République qu’avec elle elles marquent le point culminant de l’évolution républicaine et non son point de départ : Le droit de disposer des terres publiques, même à titre gratuit, qui avait appartenu au roi et les autres droits qui vont être étudiés dans ce chapitre peuvent n’être devenus qu’avec le temps des droits réservés du peuple. D’ailleurs, en vertu du principe que le magistrat a, en temps de guerre, la puissance royale, aucun de ces actes n’empiète sur l’imperium militaire, dans lequel, en effet ; le droit de faire la paix n’est pas lui-même absolument compris.

I. — DUUMVIRS DE LA PERDUELLIO.

Lors de l’établissement de la République, la juridiction capitale, que les rois avaient jusqu’alors exercée eux-mêmes[2], fut retirée à. la magistrature supérieure, en ce sens que, dans tous les cas ou la décision définitive pouvait être soumise au peuple par voie de provocation, la sentence n’était pas prononcée par le consul, mais par un représentant auxiliaire nommé par lui. Pour le meurtre et les autres crimes capitaux dont la répression était poursuivie par l’État, quoiqu’ils fussent directement commis contre des particuliers, les consuls ont des représentants stables dans les deux magistrats désignés pour cette raison du nom de quæstores parricidii ; mais les questeurs ne sont pas compétents pour le crime dirigé directement contre l’État, pour la perduellio. Pour elle, il n’y a pas de tribunal ordinaire en droit de prononcer une condamnation capitale, le tribunal est toujours créé seulement pour le cas concret. Nous n’avons de cette procédure qu’une connaissance imparfaite[3] ; car elle est de bonne heure sortie de l’usage. Les renseignements qu’on peut découvrir sur elle sont réunis ici.

L’introduction des poursuites de perduellio doit avoir dépendu du bon plaisir des magistrats supérieurs, tant que les duumvirs qui étaient nécessaires pour elles n’ont été, comme le questeur corrélatif, que des mandataires nommés par le magistrat supérieur, ici pour un cas spécial comme là pour certaines catégories générales de délits[4]. Mais, dans les deux cas, le droit de nommer les mandataires a plus tard été perdu par les magistrats[5] ; cela s’est produit certainement de très bonne heure pour la questure, il peut en avoir été de même pour le duumvirat. Ce n’est qu’à partir de la, qu’il a fait partie des magistratures[6]. Désormais, la décision du point de savoir s’il fallait nommer des duumvirs, c’est-à-dire s’il fallait entamer des poursuites de perduellion, a appartenu, comme en matière de dédication et d’adsignation, aux comices ; tout au moins une pareille loi spéciale a été indubitablement rendue, dans la seule hypothèse concrète qui entre en ligne de compte pour la solution de la question[7].

La nomination des duumvirs est régulièrement conférée par la loi spéciale aux comices[8]. Cependant la loi pouvait aussi charger une autorité de créer ces duumvirs au nom du peuple, ainsi qu’on a fait plus d’une fois pour les quæsitores extraordinaires dont nous parlerons plus loin. Dans le procès de Rabirius, le préteur[9] — le préteur urbain, semble-t-il, — a ainsi désigné les duumvirs par voie de tirage au sort, nous ne savons parmi quelles personnes[10]. Si l’acte a donc pris là, non d’ailleurs sans que ce fut critiqué, à peu près les formes de la nomination des jurés des procès civils, il ne peut pas avoir existé un mode de nomination généralement établi pour le tribunal de la perduellio. Chaque procès concret doit avoir été réglé par la loi spéciale qui le prescrivait, selon les modalités qui paraissaient appropriées à la circonstance.

Comme objet de l’accusation nous trouvons indiqué sans exception la perduellio[11], et le nom technique des magistrats parait avoir été celui de duoviri perduellioni judicandæ[12]. Par suite du rapport dans lequel sont cette procédure et la procédure criminelle questorienne, les duumvirs peuvent n’avoir pas été compétents en matière de meurtres et de crimes analogues.

Sur la procédure, il n’y a, pour ainsi dire, rien de spécial à noter. Les duumvirs reçoivent des comices ou du magistrat. qui les nomme à la place des comices, de même que les jurés du procès civil, une instruction qui les invite à absoudre[13] ou à condamner, selon ce qu’ils constateront et, au dernier cas, à admettre la provocation et à défendre devant le peuple les peines prononcées par eux. Dans la poursuite même, l’action commune des collègues était exclue tout comme clans les poursuites des questeurs ; donc, parmi les duumvirs chargés du jugement, comme parmi ceux chargés de la dédication, l’un est écarté par un accord amiable ou un tirage au sort et l’autre procède seul à la condamnation s’il y a lieu[14]. — Comment la convocation des comices avait-elle lieu au cas de provocation, nous ne savons ; on a probablement suivi là une voie semblable à celle adoptée pour les comices analogues des questeurs ; c’est-à-dire que le duumvir a été invité à se faire prêter les auspices par un magistrat supérieur, puis à convoquer et à présider ensuite lui-même les comices.

On a pu se passer des poursuites des duumvirs depuis que Décadence. les procès capitaux des tribuns ont été déférés aux centuries et ont été ainsi reconnus comme n’étant plus des procès spécifiquement plébéiens, mais des procès faits au nom du peuple tout entier. Désormais il y a eu de nouveau dans la constitution romaine une autorité compétente pour l’exercice des poursuites politiques, même dans leur forme la plus rigoureuse ; et en conséquence les anciennes poursuites des duumvirs ont été remplacées dans la période moderne de la République par les procès politiques des tribuns. Cependant elles n’avaient pas été supprimées et il a encore été fait usage, quoique sans résultat pratique, du droit d’y recourir pendant le consulat de Cicéron.

II. — DUOVIRI ÆDI DEDICANDÆ ET ÆDI LOCANDÆ.

Nous ne savons si l’ancien droit royal de faire donation des immeubles du peuple a été retiré aux magistrats supérieurs de la République immédiatement après sa fondation ou postérieurement. Mais il est certain que dans les temps historiques on observait le principe selon lequel la cession à titre gratuit des terres publiques, à titre soit de dédication, soit d’assignation, dépend du consentement spécial des comices. Il nous est expressément attesté que la construction et la consécration d’un temple ou d’un autre sanctuaire pourvu d’une propriété foncière[15] ne peut être faite valablement qu’en vertu d’une loi d’autorisation expresse. La considération déterminante paraît avoir été que cet acte impliquait une aliénation d’immeubles publics, si le temple était élevé sur le sol de l’État, et, même quand il en était autrement, l’imposition au trésor public d’une charge durable pour l’entretien du temple et du culte. Une loi de l’an 450 exige en outre que la dédication soit approuvée par le sénat ou par la majorité des membres du collège des tribuns[16].

Quand ces conditions sont observées et qu’il s’agit de savoir à qui reviennent l’accomplissement de la construction et sa consécration, les règles suivantes paraissent avoir été en vigueur.

1. Selon l’ancien droit de la République, la dédication est valablement opérée par le magistrat supérieur du moment[17], c’est-à-dire par le dictateur[18], le consul[19], le préteur[20], le sort décidant en cas de conflit[21]. Ensuite on a admis à faire la dédication les magistrats inférieurs voisins des magistrats supérieurs, les censeurs[22] et les édiles[23], au moins s’ils en avaient reçu le pouvoir d’une loi spéciale[24]. Un particulier ne peut faire une dédication au nom du peuple[25].

2. Le peuple peut nommer pour la dédication des magistrats spéciaux, les duumvirs ædi dedicandæ, par l’un desquels elle est alors accomplie[26].

3. Ordinairement la dédication est accomplie de préférence par celui qu’intéresse directement la construction, donc avant tout par celui qui a voué le temple[27] ou qui a pourvu aux frais au moyen des deniers publics qu’il avait à sa disposition[28], à son défaut, par son fils ou son plus propre parent[29], ou par un personnage spécialement intéressé à la chose à un autre titre[30]. Mais la personne ainsi appelée par un lien spécial à faire la dédication ne peut l’accomplir que si elle se trouve dans une des situations officielles indiquées aux n° 1 et 2.

Dans la pratique, ces dispositions compliquées paraissent avoir amené à ce que le sénat ou le collège des tribuns tranchât d’abord la question de personnes et conciliât les deux sortes de droits qui se croisent là et qui plus d’une fois entrent en conflit les uns avec les autres et avec eux-mêmes : d’une part, le droit du magistrat supérieur et, plus tard, des hauts magistrats et, d’autre part, celui du personnage principalement intéressé à la construction. Le premier peut bien avoir prévalu à l’époque ancienne où la dédication était considérée, au sens propre, comme un droit du magistrat du moment ; plus tard, on parait avoir le plus souvent donné la préférence à la seconde considération. Ce premier point réglé, en proposait une loi qui, d’une part, autorisait la dédication et qui, d’autre part, en chargeait un magistrat en exercice ou y commettait des duumvirs spéciaux. Ces derniers étaient alors nominativement désignés dans la loi spéciale[31]. La restriction qui résultait de là au libre choix du peuple, tel qu’il fonctionne dans sa forme moderne où l’initiative appartient aux citoyens, était inévitable, si l’on voulait tenir compte des liens individuels précités et elle ne soulevait pas d’objection en face de l’insignifiance politique de l’acte. Le respect de la collégialité, considérée comme le principe fondamental du régime républicain et exprimée dans ce nombre deux qui en est la forme primitive, ne se manifeste peut-être nulle part aussi clairement que dans ce duumvirat et dans celui de la perduellio, puisque les actes à accomplir excluaient l’accomplissement par les deux collègues et que, dans le premier, la vocation de l’un des collègues était dès le principe fréquemment rendue sans objet par les liens individuels indiqués plus haut[32]. Le choix de l’auteur de la dédication entre les deux collègues appelés par la loi résultait, sans doute, en la forme comme la répartition des attributions entre les consuls, d’un accord amiable ou d’un tirage au sort ; mais en tablait naturellement sur ce qu’en présence d’un lien individuel le collègue s’effaçait volontairement.

Le classement hiérarchique du duumvirat parmi les magistratures supérieures est déjà rendu vraisemblable par l’observation que la dédication était, à. l’origine, un droit des magistrats supérieurs. Le droit de comparatio qui fait défaut aux préteurs, mais qui appartient aux consuls est, avons-nous vu, indispensable aux duumvirs, puisque sans cela le lien de la personne avec le temple ne pourrait être respecté. La présidence de leur élection appartient également au consul. C’est donc avec raison que le duumvirat est appelé une puissance consulaire. Il est d’après tout cela vraisemblable que les duumvirs avaient droit à douze faisceaux.

Nous avons jusqu’à présent parlé de la dédication, c’est-à-dire du transfert du temple nouvellement construit sous la propriété du dieu. La construction dit temple elle-même par l’État, c’est-à-dire sur le sol public, ou, ce qui est la même chose à l’époque récente, l’adjudication de cette construction pouvait avoir lieu sans vote du peuple ; car la cession du sol public était par là seulement préparée et non pas réalisée ; pourtant il est probable que, depuis qu’une loi fut requise pour la donation de lit propriété de l’État et tant que l’on respecta strictement les droits du peuple ; les comices ont été interrogés sur la location. Lie système pst, au reste, le même que pour la dédication. La location est faite soit par des duumvirs nommés spécialement à cette fin qui ne se confondent pas forcément avec les duo viri ædi dedicandæ[33], soit encore par un magistrat supérieur, par exemple par le consul[34]. Le magistrat qui procède ailleurs ordinairement aux constructions publiques, le censeur, n’est, ainsi que nous l’avons dit, compétent en ce cas qu’en vertu d’un mandat spécial ; car la construction d’un nouveau temple est regardée comme une donation faite à la divinité et il n’a pas à faire de libéralités. Le droit résultant d’une relation plus étroite avec le temple se manifeste encore la en ce que celui qui élève un temple avec l’argent provenant de son butin ou de ses amendes adjuge lui-même le marché de construction ; et en pareil cas des locations de temple ont été conclues par des censeurs[35] et des édiles[36].

La magistrature préposée à la location ou à la dédication des temples ne se rencontre plus au VIIe siècle, au moins en cette forme. Les curateurs de constructions, dont nous nous occuperons plus loin, correspondent aux duumvirs ædi locandæ, mais ils sont nommés selon les besoins, sans distinction entre les temples et les bâtiments publics proprement dits, entre les constructions nouvelles et les reconstructions. Lorsqu’il est question de dédication, elle est liée avec la location, comme pour la construction du Capitole de Catulus. Auguste a, dans l’époque où il s’efforçait ; pour recommander ses enfants adoptifs, de rapprocher le plus possible la monarchie de la République, encore une fois ressuscité l’ancien duumvirat et fait consacrer en 752 le temple de Mars par Gaius et Lucius. Ensuite, il n’en est plus question et c’est un point douteux de savoir jusqu’à quel point la qualité de magistrat a encore été requise sous l’Empire chez l’auteur de la dédication[37].

III. — LES MAGISTRATS AGRIS DANDIS ADSIGNANDIS ET COLONIÆ DEDUCENDÆ.

C’est une des différences les plus importantes de la constitution monarchique originaire et de la constitution républicaine postérieure que l’aliénation à titre gratuit des terres publiques romaines est, dans la première, un droit du magistrat et, dans la seconde, un droit du peuple. Il faut, à la vérité, comme nous avons déjà remarqué pour la dédication, laisser incertain le point de savoir si ce droit du peuple est arrivé à l’existence dès le moment de la fondation de la royauté annale et immédiatement dans toute son étendue, ou s’il ne l’a fait que plus tard et progressivement. On peut concevoir que les magistrats supérieurs des premiers temps de la République aient encore exercé le droit d’assignation et de déduction de colonies comme un droit indépendant des magistrats, quoique le contraire soit plus vraisemblable. Il est encore plus croyable, ainsi glue nous montrerons plus loin, que, même depuis qu’il a fallu pour l’assignation une loi spéciale, l’exécution de cette mesure a pendant longtemps appartenu aux magistrats supérieurs ordinaires et non pas à des magistrats spécialement nommés à cette fin. Dans le système développé de la République, les magistrats ordinaires ont bien le pouvoir d’aliéner des terres publiques à titre onéreux, quoiqu’ils n’aient pas facilement usé de ce droit sans l’avis du sénat ; mais la donation de ces terres entraînant l’abolition du droit de propriété de l’État, qu’il s’agisse de la dédication aux dieux, de l’attribution à des particuliers de parcelles isolées, par exemple, comme emplacement de sépultures[38], ou des actes politiquement importants d’assignation et de fondation de colonies, ne rentre dans les pouvoirs d’aucun des magistrats ordinaires et elle peut bien être provoquée, mais non pas être décidée par le sénat lui-même. Il faut une décision du peuple souverain, dont l’exécution a lieu à chaque fois, conformément aux termes de cette décision, en général par l’intermédiaire de magistrats spécialement nommés à cette fin.

Normalement, l’attribution des terres[39], que ce soit une simple assignation ou qu’il y ait en même temps une fondation de colonie, est provoquée par la proposition faite au peuple par un magistrat, en général à la plèbe par un tribun[40], de prescrire cette attribution dans des limites et avec des modalités déterminées et de créer une magistrature pour l’exécution de la prescription ; l’élection des magistrats chargés du partage a ensuite lieu, en vertu de cette loi, également dans les comices[41]. Quand la proposition est faite par le magistrat d’accord avec le sénat et même sur le mandat du sénat, comme cela a constitué la règle jusqu’au temps des Gracques[42], on ne nous rapporte souvent que le sénatus-consulte et l’élection des magistrats[43] ; il n’est le plus souvent fait allusion à la loi constitutive que lorsque l’acte a lieu en opposition avec le sénat ; mais il ne peut y avoir de doute que, dans tous les cas, le peuple a été consulté. La compétence de l’autorité qui procède à l’assignation est toujours réglée pour le cas concret ; la prescription d’une pareille élection par un simple sénatus-consulte aurait été eu réalité la création d’un magistrat par le sénat ; le sénat ne s’est jamais permis un pareil empiétement sur la souveraineté du peuple[44]. Toute nomination de magistrats propres ayant de telles fonctions est donc un sûr témoignage qu’il y a eu auparavant une loi spéciale corrélative, et, en effet, le titre complet des magistrats chargés du partage des terres contient le nom de la loi d’institution[45].

La réunion de la loi de fondation et de la nomination des autorités qui l’exécuteront en un seul et même acte, dans lequel se trouve la désignation nominative des personnes nommées, constituait la règle en matière de dédication. Ici, elle est admissible en la forme ; mais elle est contraire à l’esprit du système républicain, au moins de celui dont nous possédons une vue historique précise. Il se peut que, dans les premiers temps de la République, le peuples tout en disposant sur les assignations et les fondations de colonies par des lois spéciales, ait en général confié l’exécution de ces résolutions aux magistrats supérieurs actuellement en fonctions. Cette conjecture ne correspond pas seulement à la marche générale du développement de la. République, à l’allure progressive des limitations apportées au pouvoir des magistrats ; elle se recommandé avant tout par l’observation que les magistrats munis d’une compétence absolument étrangère à la ville, comme sont les auteurs récents d’assignations et de déductions, sont inconnus à l’ancien droit public et que nous ne rencontrons ici aucune magistrature analogue aux antiques duumvirs chargés de dédications et de poursuites de perduellio, tandis que le schéma suivi dans l’élection de nos magistrats spéciaux ne peut guère, d’après ses chiffres, être antérieur au Ve siècle de Rome[46]. Mais à partir de là, les attributions de terre et les fondations de colonies n’ont indubitablement pas été confiées aux magistrats supérieurs du moment en vertu de leur qualité[47] : on a toujours nommé pour elles des magistrats spéciaux. C’est seulement la monarchie commençante qui a de nouveau confondu la question de fond et la question de personnes et lié une seconde fois cette attribution extraordinaire à la magistrature supérieure. C’est, autant que nous sachions, la loi Appuleia de l’an 654 qui a été la première à charger personnellement le consul d’alors C. Marius de la création des colonies prescrites et quia ainsi introduit l’assignation postérieure fondée sur la puissance souveraine du détenteur du pouvoir. Les mandats donnés en 741 par le sénat aux consuls d’assigner des terres en Italie[48] et aux deux gouverneurs de la Gaule de fonder, à la limite de leurs circonscriptions respectives, la colonie de Lugudunum[49], présentent le même caractère, et des faits analogues peuvent s’être produits à plusieurs reprises, particulièrement dans les provinces, pendant la période de transition de la République au principat.

Les magistrats spéciaux chargés d’assignation de terres, tels que nous les rencontrons au milieu du Ve siècle dans des relations dignes de foi, sont tous organisés en collège. Mais le nombre des membres des collèges est très inégal. Le plus ordinaire, qui est constant pour la fondation des colonies, est le nombre trois[50]. Mas on trouve aussi des collèges de cinq[51], de sept[52], de dix[53], de quinze[54] et de vingt[55] membres. Si l’on trouve dans la loi agraire de 643[56] des duoviri chargés de l’assignation de terres, dont probablement l’un devait y procéder en Afrique et l’autre en Grèce ; ce semble avoir été là une tentative pour rendre la collégialité illusoire au moyen de la division des attributions. La loi agraire de César établit de la même façon pour l’œuvre collective du partage une commission de vingt membres, tout en préposant des curateurs distincts aux actes particuliers d’assignation[57]. La loi Appuleia que nous avons citée tout à l’heure et les actes du même genre rentrent également dans cette sphère. Même ici donc le principe de la collégialité cède la place au principe monarchique s, la fin de la République. Nous expliquerons plus tard que le droit d’assignation a été de nouveau lié d’abord aux pouvoirs constituants puis au Principat et qu’il n’y a plus eu qu’une seule fois, sous Nerva, d’assignations faites dans la forme républicaine, par une loi spéciale et au moyen de curateurs spéciaux.

La loi spéciale qui fondait ces magistrats spéciaux déterminait leur mode d’élection. A l’époque ancienne, l’usage était de charger de l’élection le consul[58] ou le préteur urbain[59], après que la loi elle-même avait été proposée par un tribun du peuple ; au contraire, dans les lois d’opposition du VIIe siècle relatives aux assignations, les tribuns du peuple qui les proposaient se donnaient en général à eux-mêmes la présidence de l’élection[60]. Les comices compétents étaient sans doute aussi spécialement déterminés à chaque fois ; l’usage était de soumettre les élections aux tribus[61].

Naturellement il ne peut être question de conditions d’éligibilité stables. En dehors de la prescription générale, selon laquelle le magistrat qui a proposé une loi spéciale n’est pas éligible aux élections qui en résultent[62], et des prescriptions particulières que la loi concrète pouvait contenir à ce sujet[63], tout le monde est éligible et ces magistratures n’ont pas de place fixe dans la suite légalement arrêtée des magistratures[64]. En fait, elles sont occupées sans distinction par des consulaires et par des débutants politiques[65]. — Le cumul fréquent de cette magistrature extraordinaire avec les magistratures ordinaires de toute espèce[66], en particulier avec le consulat et le tribunat du peuple, est remarquable parce que la situation des Gracques et de leurs successeurs et celle qu’on voulut donner à Marius se fondaient en partie là dessus.

Il est difficile de déterminer le rang hiérarchique de ces magistrats. Ils ne présentent pas en personne la loi curiate, qui leur est nécessaire, comme le font les magistrats supérieurs : l’engagement des curies est reçu pour eux par le préteur comme pour les magistrats inférieurs. Ils n’avaient donc pas le droit d’agir avec le peuple. Le droit corrélatif de convoquer le sénat leur a évidemment aussi fait défaut. Ils avaient, comme tous les magistrats, des auspices, mais seulement des auspicia minora, qui, selon toute apparence, la fondation de colonies dont ces magistrats étaient chargés étant analogue au lustrum des censeurs, correspondent dans un ordre moins relevé aux auspices des censeurs. On peut, en général, attribuer aux magistrats chargés d’assignation et de colonisation une puissance analogue à la potestas des censeurs, mais plus étroite en raison de leur rôle plus limité[67]. En particulier, ils n’ont pas l’imperium militaire. Ires formes militaires dans lesquelles s’accomplit la fondation des colonies n’impliquent pas plus l’imperium militaire chez les triumvirs que chez les censeurs qui leur ont servi de modèle ; au contraire, ce qui prouve positivement qu’ils ne l’ont pas, c’est que si une levée en forme est nécessaire pour la déduction, elle est opérée par les consuls[68]. Leur situation tout entière parait avoir été une situation influente, mais extérieurement modeste. Lorsque Ti. Gracchus demanda à ce titre, ainsi qu’il était d’usage, sa tente au sénat, celui-ci le repoussa et lui attribua, d’ailleurs par esprit de dérision hostile, une indemnité journalière de 9 as[69]. Pourtant, comme il n’y avait pas de règles fixes relatives à ces magistratures, leurs pouvoirs pouvaient être étendus par la loi qui les fondait, et c’est aussi arrivé. Ainsi le tribun du peuple Rullus proposait d’accorder aux décemvirs qui seraient élus en vertu de sa loi, des insignes, des appariteurs et des frais d’équipement modelés sur ceux de la préture[70], en sorte qu’ils auraient reçu notamment six licteurs[71] et les frais de voyage alloués au préteur à son départ pour sa province[72], et la même chose s’est certainement produite plus d’une fois pour les magistratures récentes de ce genre. Si du temps d’Auguste, certains magistrats ont des licteurs, mais n’en ont que deux et seulement dans l’intérieur de la ville ; ces dispositions peuvent s’être rattachées aux institutions républicaines relatives aux curateurs chargés d’assignation de terres et d’actes semblables, qui ont, sans aucun doute, présenté des variétés multiples.

La durée des fonctions est aussi, en général, modelée sur celle des fonctions de censeurs. Les magistrats chargés d’assignations doivent se retirer quand la tâche qui leur a été confiée est accomplie. Cependant, il était à côté de cela, non pas nécessaire en la forme, mais commandé par les besoins pratiques, de leur fixer comme maximum un laps de temps fixe ; car, sans cela, ces magistrats recevant leur mandat du’ peuple, la prolongation incorrecte de leurs fonctions n’aurait pu être réprimée que par voie d’abrogation. Le délai était réglé d’une manière variable : nous avons au vie siècle des exemples d’un délai de trois ans[73], un délai de cinq ans a été proposé à la fin du VIIe[74]. La loi agraire Sempronia de 624 contenait une disposition différente. Elle soumettait les magistrats qui devaient être nommés d’après elle au principe de l’annalité[75], et ils se trouvent, en conséquence, cités dans les lois de l’époque parmi les magistrats annaux[76]. Mais, la tâche qui leur était confiée ayant toujours un caractère limité, la disparition de la magistrature, après son accomplissement, devait même là rester réservée, et des précautions quelconques devaient être prises pour que la décision du point de savoir si cette tâche était ou non terminée demeurât toujours en la forme aux comices[77]. Le système de l’élection annale fut évidemment appliqué à cette magistrature uniquement parce qu’en présence du caractère de la tâche qui lui était donnée, un terme extinctif précis ne pouvait être prévu au moment de sa création. Les limitations à l’itération et à la continuation des magistratures annales ordinaires, ont, par suite, été logiquement laissées de côté pour les triumvirs de la loi Sempronia, toujours considérés comme des magistrats extraordinaires[78]. Cependant, cette magistrature ne finit pas de la manière qu’on avait probablement prévue lors de sa création. Elle fut dès auparavant supprimée par la loi Thoria de l’an 635 ou 636[79].

Nous ne pouvons ici indiquer que dans leurs traits les plus généraux les attributions des magistratures préposées aux assignations et aux fondations de colonies, puisque étant créées par des lois spéciales, elles n’ont pas d’attributions générales et que les modalités de leurs pouvoirs ne pourraient être exposées que dans un tableau du régime de la propriété foncière italique et des localités italiques. Leur tâche essentielle consiste toujours dans ce qu’exprime le nom officiel des magistrats agris dandis adsignandis[80], dans la translation de droit (dare) et l’attribution de fait (adsignare) des terres. Si, à cette occasion, le caractère de propriété publique d’un fond était contesté par un particuliers le litige était en général déféré au tribunal compétent, c’est-à-dire aux censeurs et par représentation aux consuls et éventuellement au préteur. Cependant cette juridiction fut accordée aux triumvirs qu’avait créés en 624 la loi Sempronia par une seconde loi[81], et quoique ils l’aient perdue dès l’an 625[82], les magistratures postérieures de cette espèce en ont de nouveau été investies en partie[83]. C’est là la juridiction des magistrats et, par suite, chacun des magistrats possède à lui seul qualité pour l’exercer[84]. Rendaient-ils eux-mêmes le jugement ou devaient-ils renvoyer les litiges à des jurés selon les règles de la procédure civile, ou devaient-ils présider des conseils de pareils jurés, selon les règles de la procédure des quæstiones, cela dépendait probablement des dispositions des diverses lois. Les magistrats chargés du partage par la loi Sempronia, ont sans doute eu le droit de juger d’une manière indépendante ; ceux que proposait d’établir Servilius ne devaient pas l’avoir[85]. Quand les commissaires chargés du partage ont ce droit important, ils s’intitulent agris judicandis adsignandis et ils procèdent en vertu de ce droit aux terminations qui ne peuvent autrement être faites que par les censeurs et les consuls[86].

Le droit de coercition a été accordé à ces magistrats sinon constamment, au moins fréquemment. Le droit est accordé au curateur de la loi Julia agraire de 695 d’organiser un tribunal de récupérateurs, pour statuer sur les amendes prévues dans la loi constitutive[87]. Dans les cas où il y a des licteurs, le droit de saisir des gages et de prononcer des amendes ne peut pas non plus avoir fait défaut[88].

La loi détermine pour chaque cas particulier quel ensemble de terres domaniales doit être partagé. Le prototype de ces aliénations est l’assignation attribuée au roi Romulus ou au roi Numa qui est considérée comme ayant fondé la propriété privée immobilière (VI, 1). Mais c’en est le prototype dans le même sens où la royauté est le prototype de la magistrature. Ce qui est fait lit pour toutes les terres inutiles aux usages publics est restreint ici à des morceaux de terre isolés[89] ; et, tandis que, dans le partage royal, tous les citoyens sont considérés comme recevant des lots de terrain, sous la République, il y en a toujours eu, semble-t-il, seulement un certain nombre à recevoir des terres. Il en est ainsi non seulement des fondations de colonies, mais aussi des assignations indépendantes[90]. On doit avoir regardé comme une adsignatio viritana toute assignation dans laquelle le nombre des lots de terrain à partager n’était pas déterminé d’avance, quand bien même l’ensemble de terres domaniales mis à la disposition de l’autorité qui faisait le partage ne suffisait pas pour y faire participer tous les citoyens[91]. De quelle façon les citoyens qui recevaient des terres étaient-ils choisis, quels étaient les alliés qui étaient associés à la répartition et de quelle manière l’étaient-ils, — car les alliés eux-mêmes sont susceptibles de recevoir ainsi des terres[92], — ce sont là des questions qui ne comportent probablement pas de réponse générale et que nous ne sommes même point en état de résoudre avec une certitude suffisante pour un cas particulier. Nous devons, pour finir, relever encore un seul point : c’est qu’au VIIe siècle, cette magistrature s’est, partie par l’ampleur du rôle qu’elle reçut, partie par les pouvoirs extraordinaires qui y ont été adjoints, transformée en un pouvoir d’exception conciliable avec la lettre, mais non avec l’esprit de la constitution républicaine. La loi Cempronia en soumettant à la perspective du partage non pas une fraction de terrain isolée, mais toutes les terres publiques italiques, changea non pas le caractère juridique, mais le caractère politique de l’institution : de même que cela a lieu quand l’imperium du gouverneur restreint à sa province devient un imperium infinitum. Il en est de même à un encore plus haut degré des lois de la période postérieure qui ne se bornèrent plus à l’Italie et firent entrer dans le champ de l’assignation le territoire d’outre-mer lui-même. Sous ce rapport, l’assignation des Gracques rentre assurément dans les voies de l’ancienne assignation royale et prépare aussi pour sa part la venue de la monarchie.

L’assignation de terres publiques faite à des citoyens ou à des alliés est fréquemment accompagnée de l’obligation d’émigrer, de changer de domicile imposée aux donataires des terres, della déduction. Si cette émigration n’a pas lieu pour renforcer des populations romaines ou alliées déjà existantes, ainsi que cela se présente fréquemment, surtout à l’époque récente, mais pour constituer une cité nouvelle, les magistrats appelés à y procéder prennent, au lieu du titre général agris dandis adsignandis, le titre spécial coloniæ deducendæ[93], et ils ont, outre la tâche d’assigner les terres, cette tâche supplémentaire de constituer la localité nouvelle ou en cité sans indépendance, c’est-à-dire en colonie de citoyens, ou en cité indépendante, c’est-à-dire en colonie latine. Au second mandat est probablement toujours lié pour le magistrat qui fait la déduction, celui de donner à la colonie sa loi fondamentale (leges dare) et d’y faire le premier cens, comme aussi d’y nommer les premiers magistrats et les premiers prêtres[94] et de composer le premier conseil communal[95]. Pour l’avenir, ces magistrats et leur postérité restent dans un lien intime avec la ville qu’ils ont fondée[96]. Lors de la fondation d’une colonie de citoyens, les colons dépourvus du droit de cité romaine ne l’acquièrent que par exception mais l’ager publicus populi Romani antérieur est toujours transformé en ager privatus ex jure Quiritium[97] ; lors de la fondation d’une colonie latine, les citoyens de la cité nouvelle perdent par l’acte de sa fondation le droit de cité de Rome ou d’ailleurs qu’ils avaient jusqu’alors , en même temps qu’ils acquièrent le nouveau, et le nouveau territoire cesse également de faire partie des terres romaines. Le prototype de la fondation des colonies de citoyens est la fondation d’Ostie par le roi Ancus ; celui de la fondation des colonies latines est la création des cités fédérales latines rattachées à Albe. L’acte de fondation de la colonie lui-même suit le modèle du lustre romain[98]. La cité romaine est à chaque fois créée à nouveau par le lustre ; l’achèvement de l’œuvre confiée aux tres viri coloniæ deducendæ est pour la colonie ce qu’est le lustre servies pour Rome, le premier de ces lustres créateurs.

Les fondations républicaines de villes portent en elles le même caractère rigoureusement délimité que les assignations qui ont lieu sans pareille fondation ; le territoire affecté à la localité isolée, le nombre des colons admis et les conditions de capacité requises sont toujours réglés par la loi spéciale. Mais le mandat de fonder des colonies se présente, au VIIe siècle, dans des conditions qui changent son caractère politique et lui donnent la marqué d’un pouvoir d’opposition. Sous ce rapport aussi, c’est la loi Appuleia de 654 qui a la première rompu avec l’usage, à la fois par la multiplicité et l’indétermination des colonies à fonder, par l’extension de la colonisation aux territoires d’outre-mer et par l’exclusion de la collégialité.

IV. — MAGISTRATS CHARGÉS DE LA FRAPPE DES MONNAIES ET DE PRÊTS PUBLICS.

Le droit de battre monnaie est compris dans les pouvoirs du général ; mais les magistrats urbains ou n’ont jamais eu ce droit ou l’ont perdu de bonne heure, et, parmi lés autres magistratures stables, ni la questure préposée à l’Ærarium, ni aucune autre magistrature, ne l’a dans ses attributions. Dans la mesure où nous pouvons voir les choses, ce qui, à la vérité, n’est le cas que pour le vue siècle, et en particulier pour sa seconde moitié, la frappe de la monnaie urbaine est dirigée[99] ou bien, en vertu d’un mandat spécial du sénat, par les questeurs ou les édiles[100], dont le mandat spécial est aussi conçu comme une cura distincte[101], ou bien par des fonctionnaires propres analogues aux magistrats chargés du partage des terres et sans doute élus comme eux par le peuple[102], à titre extraordinaire, dans ce but spécial[103]. Depuis la guerre sociale, cette magistrature organisée en triumvirat a pénétré parmi les magistratures annales du rang le moins élevé ; et nous en avons déjà parlé précédemment à ce propos. Cependant, on rencontre encore depuis, à côté des émissions de monnaies des triumvirs, des émissions faites par d’autres magistrats en vertu d’un mandat extraordinaire du sénat.

Le soin de réunir et d’inventorier les présents votifs des temples propres à être fondus et transformés en monnaies qui rentrait directement dans les attributions des censeurs, a été, comme il est arrivé à d’autres attributions des censeurs, pendant les intervalles de la censure, confié, en l’an 312 de Rome, à des triumvirs élus dans ce but spécial sous la présidence du préteur urbain[104].

S’il n’est donc point invraisemblable que l’exercice du droit de battre monnaie ait été considéré, de même que celui de donner lés terres publiques, comme un droit réservé du peuple exerçable seulement par l’intermédiaire des magistrats spéciaux nommés à cette fin, la même idée s’applique à d’autant plus forte raison dans les cas extraordinaires où l’État fait, en temps de crise financière, des avances sur son propre trésor à des citoyens. Selon les annales, cela s’est produit deux fois sous la République, une première fois pendant la grande crise financière de l’an 403[105], une seconde l’année de la bataille de Cannes, en 538[106] ; et Tibère prescrivit encore, en l’an 33, l’avance de subventions du même genre[107]. La procédure correspond à celle observée pour les assignations. La mesure est décidée par le peuple sur la proposition d’un tribun[108], et, en vertu de cette décision, on élit, sous la présidence des consuls[109], trois ou cinq magistrats pris parmi les personnages les plus considérés[110] ; pourtant, sous Tibère, cette fonction a été confiée, soit aux directeurs ordinaires de l’Ærarium, soit à une commission sénatoriale. La durée de la magistrature n’est pas soumise à l’annalité ; la commission élue en 538 était encore en exercice en 544. La compétence, exprimée par la dénomination quinque ou tres viri mensarii[111], consiste principalement en ce que l’État, jouant le rôle de banquier (mensarius), avance aux débiteurs qui sont en état de donner des sûretés convenables de restitution, l’argent nécessaire à la satisfaction de leurs créanciers[112]. Il y a sans doute eu des dispositions telles que celles ajoutées par Tibère pour spécifier que la somme totale des prêts ainsi faits ne pourrait dépasser 100 millions de sesterces, que les prêts étaient faits sans intérêt et qu’ils devraient être restitués dans les trois ans. Au reste, les mensarii élus en 538 tout au moins ont aussi été employés comme magistrats auxiliaires pour l’administration ordinaire de l’Ærarium[113].

Il n’a, autant que nous sachions, été créé de commissions extraordinaires destinées à régler la situation du trésor, et spécialement à supprimer les dépenses superflues, que sous l’Empire : en l’an 6 après J.-C. sous Auguste[114] ; en l’an 62, sous Néron[115] ; en l’an 70, au commencement du règne de Vespasien[116], et en l’an 97, sous Nerva[117]. Nous n’avons à leur sujet aucun détail. Nous avons déjà parlé, à propos de la questure, des curatores tabularum publicarum qui furent un certain temps en fonctions sous Claude, et qui étaient trois prætorii munis de licteurs en leur qualité de pseudo-magistrats et particulièrement chargés de faire rentrer les créances arriérées du trésor. Au sens strict, toutes ces autorités rentrent plutôt parmi les magistrats créés par l’Empereur que parmi les magistrats extraordinaires de la République ; il a cependant paru convenable de les rappeler ici.

V. — MAGISTRATS CHARGÉS DE CONCLURE LA PAIX.

La question difficile et importante de savoir jusqu’à quel point le magistrat peut ou non engager sa propre cité envers une cité étrangère, c’est-à-dire de la mesure dans laquelle les comices et les magistrats sont respectivement compétents en matière de déclaration de guerre, de conclusion de paix, de formation d’alliances et d’actes semblables, a été étudiée en son lieu, tant pour la magistrature que pour les comices. Nous devons seulement faire ressortir ici que, dans la période intermédiaire de la constitution libre, après la restriction de l’omnipotence de la magistrature et avant le commencement du gouvernement direct du sénat, lorsque l’assemblée du peuple tranchait en réalité en dernier ressort et d’après sa libre appréciation, les questions politiques décisives, elle n’a pas seulement possédé et exercé le droit de confirmer ou de rejeter lés préliminaires de paix conclus par le magistrat elle a aussi possédé et exercé le droit plus étendu, non pas de conclure elle-même la paix, car t’eût été impraticable, mais de nommer des magistrats extraordinaires pour la conclure et de les mettre à côté du général. Les relations absolument superficielles que nous avons des anciens traités de paix ne font pas allusion à de pareilles magistratures sans d’ailleurs davantage les exclure. Mais les conditions de la paix doivent avoir été réglées définitivement, après la première guerre punique, par les décemvirs élus à cette fin par le peuple en l’an 543[118], et il est probable que les affaires d’Afrique ont été réglées de la même façon en 608, après la destruction de Carthage[119]. A partir de là tous les traités de paix et tous les règlements de territoire ont été opérés, autant que nous sachions, par les généraux et les commissions sénatoriales de dix membres qu leur ont été adjointes à la place des décemvirs magistrats[120]. La tentative faite en 693, après la défaite définitive de Mithridate, par le tribun du peuple P. Servilius Rullus, pour ressusciter l’ancien droit du peuple, resta sans succès[121].

 

 

 



[1] Sur la définition romaine d’ordo et extra ordinem, v. tome I. C’est à nos magistratures extraordinaires que pense Cicéron, De leg., 3, 4, 10 : Ast quid erit, quod extra magistratus cœrari œsus sit, qui cœret populus creato eique jus cœrandi dato. Le singulier prouve qu’il pense en première ligne à des pouvoirs extraordinaires tels que ceux conférés à Pompée contre les pirates et en matière d’annone.

[2] Si haut qu’on fasse remonter la provocation dans l’époque royale, on y décrit comme accompagnée de la représentation du magistrat supérieur pour le procès capital. Afin de pouvoir soumettre le procès d’Horace au peuple, il a fallu représenter la condamnation comme prononcée non pas par le roi lui-même, mais par un représentant nommé par lui Il est, a la vérité, choquant dans ce récit que ce représentant ne soit pas un représentant unique, qu’on nomme des duo viri qui de perduellione judicent. Le principe républicain de la collégialité fait la l’objet d’un anticipation incorrecte.

[3] Nous ne connaissons les poursuites duumvirales que par trois exemples : le procès de P. Horatius sous le roi Tullus Hostilius, qui est le prototype de la provocation des duumvirs, à titre spécial, en même temps qu’à titre général celui de la procédure de provocation (Tite-Live, 1, 26 ; Festus, p. 291, v. Sororium) ; celui de M. Manlius en l’an de Rome 370 (Tite-Live, 6, 20), que cependant une autre version représente comme un procès capital tribunicien ; celui de C. Rabirius en l’an de Rome 691, une copie du procès des Horaces tentée à la fin de la période républicaine dans un intérêt de parti démagogique, mais qui n’arriva pas à la sentence définitive. Le procès dans lequel parla Cicéron est au contraire une poursuite en prononciation de multa tribunicienne substituée au procès de perduellio qui avait échoué. Ces duumvirs ne se rencontrent nulle part ailleurs, sauf dans Cicéron, Orat, 46, 156. Ulpien les confond avec les questeurs.

[4] Dans le procès des Horaces, le roi nomme les duumvirs comme le préteur nomme les jurés (Tite-Live, 1, 26), et quoique cela puisse se rattacher à ce que le roi admet de son bon gré la provocation, il convient cependant de regarder ce schéma comme celui des premiers temps de la République.

[5] La question de savoir si les duumvirs sont nommés par le magistrat supérieur ou par le peuple a une grande importance de principe. Au premier cas, l’exercice des poursuites de haute trahison est un droit ou un devoir de la magistrature supérieure, comme la nomination des jurés des procès civils ; au second, c’est un droit réservé du peuple.

[6] Tant que les juges de la perduellio sont nommés par le consul pour le cas concret, ils se rapprochent plus des jurés des procès civils que des magistrats. Mais la preuve que les duo viri de la perduellio ont été regardés comme des magistrats, est en dehors de leur dénomination par le mot viri qui n’est pas employé pour de simples auxiliaires des magistrats, avant tout dans leur nombre de deux, qui fie se rencontre jamais chez les jurés, tandis qu’il est au contraire de l’essence de la magistrature la plus ancienne et qui est ici d’autant plus significatif que sur les deux il n’y en avait en fait qu’un à agir.

[7] Le procès des Horaces est étranger à la question et la courte relation relative à Manlius ne tranche rien. Mais, dans le procès de Rabirius, le préteur nomme évidemment les duumvirs seulement parce qu’il y est forcé et le véritable auteur des poursuites est le tribun du peuple Labienus : Hic popularis (Labienus) a duumviris injussu vestro non judicari de cive R., sed indicta causa civem R. capitis condemnari coegit (Cicéron, Pro Rabir. ad pop. 4, 12) c’est là son actio non tribunicia, sed regia que déjoue Cicéron (loc. cit. 5, 17). Je ne vois de cela qu’une explication satisfaisante : c’est que Labienus a fait voter une loi qui invitait le préteur à nommer des duumvirs pour ce cas.

[8] Dion dit expressément du procès de Rabirius, 37, 27, que les duumvirs auraient dû être nommés par le peuple, et les mots de Cicéron (note précédente) injussu vestro contiennent le même blâme. Il est dit pour Manlius : Sunt qui per duumviros qui de perduellione anquirerent, creatos auctores sint damnatum (Tite-Live, 6, 20, 12) ; or, creare est assurément aussi employé pour la nomination émanant simplement de magistrats ; mais, dans son sens direct, il se rapporte à l’élection par le peuple.

[9] Dion, loc. cit.

[10] Suétone, Cæsar, 42.

[11] C’est établi pour les procès de Manlius (Tite-Live, 1, 26) et de Rabirius (Cicéron, Pro Rabir. 3, 10. In Pison. 2, 4. Dion, 37, 27 et beaucoup d’autres textes) ; et il est aussi établi pour celui d’Horace que les anciens maîtres du droit public ont qualifié le meurtre d’Horatia du nom de perduellio. Juridiquement il faut reconnaître qu’il y a là seulement un parricidium ; et Festus, loc. cit., met en effet ce délit à la place de la perduellio ; mais on a pris ce procès de provocation qui est le plus ancien signalé par les annales comme exemple des procès duumviraux de perduellio, en même temps qu’à l’inverse on a non moins inexactement rattaché dans les annales les poursuites de parricidium des questeurs au cas de Sp. Cassius.

[12] Cette désignation peut aussi bien s’accommoder aux autres analogies, qu’aux périphrases qui expriment le même titre chez Tite-Live, 1, 26. 6, 20. La qualification duoviri perduellionis dont nous avons l’habitude est étrangère aux sources.

[13] Dans Tite-Live, 1, 26, les termes de la formule duoviri perduellionem judicent sont compris comme si elle n’impliquait que le pouvoir de condamner : Duoviri... se absolvere non rebantur ea lege ne innoxium quidem posse, et la même conception est représentée — sur le Forum de Rome — par Cicéron, Pro Rabir. ad pop., 4, 12. — Naturellement elle est sans fondement, comme suffit à le prouver le blâme adressé à César pour son jugement partial. La formule précitée peut parfaitement avoir le même sens que le si paret condemnato, si non paret absolvito de la procédure civile et ne veut rien dire de plus sans aucun doute.

[14] Tite-Live, 1, 26. C’est aussi pourquoi Suétone, Cæsar, 12, ne nomme que l’un des duumvirs. On pourrait même entendre le tirage au sort signalé là de celui fait entre les duumvirs pour le jugement.

[15] C’est là l’idée exprimée dans la loi Papiria par les mots ædes terram aram consecrari et dans celle indiquée par Tite-Live (9, 46) par les mots templum aramve dedicare ; car de même que le focus est l’autel mobile, l’ara est l’autel fixé dans le sol : elle a par conséquent pour condition préalable d’existence le caractère sacré du sol sur lequel elle s’élève. Cicéron, De domo, 49, 128 : Statuebantur aræ, quæ religionem afferent ipsi loco, si (c’est ainsi qu’il faut lire : Mss. si loco) essent consecratæ. Bientôt après (53, 136) il mentionne la destruction d’une ara dédiée par une vestale sur le sol public, en vertu de la décision des pontifes : Quod in loto publico Licinia C. f. injussu populi dedicasset, sacrum non viderier.

[16] Tite-Live, 9, 46 sur l’an 450. Tertullien, Adv. nat. 1, 10.

[17] Tite-Live, 9, 46, rapporte la dédication du temple faite par l’édile Cn. Flavius malgré la protestation du grand pontife, cura more majorum negaret nisi consulem aut imperatorem posse templum dedicare. L’idée est que la dédication appartient, si elle se fonde sur une victoire, au magistrat supérieur victorieux, sinon au magistrat supérieur actuel ; la mention faite pour désigner ce dernier du consul n’exclut ni le dictateur ni le préteur qui le représente. L’interprétation présentée par Seeck, Kalendertafel, p. 47, est aussi la mienne. — Si, d’après l’ancien statut du bois sacré de Spolète, l’expiation en cas d’infraction et le recouvrement de l’amende qui y est destinée sont confiés au dicator, qui est dulie considéré comme permanent, il faut que le régime de Spolète ait attribué une fois pour toutes à un magistrat le soin de dicare, et que peut-être le chef de l’endroit ait été à ce titre qualifié du nom de dicator.

[18] Tite-Live, 10, 1, 9.

[19] Chez Tite-Live, 2, 27, les consuls réclament la dédication du temple de Mercure comme leur droit. 2, 8. 10, 33, 9. c. 46, 7. Cf. 27, 25.

[20] Tite-Live, 34, 53, 4. 36, 36, 4.

[21] Les consuls de la première année de la République tirent ainsi au sort la dédication du temple du Capitole (Tite-Live, 2, 8, 6 ; en sens divergent, Denys, 5, 35) ; les consuls des années 261 (Denys, 6, 94), 288 (Denys, 9, 60) et 323 consacrent aussi certains temples absente collega sine sorte (Tite-Live, 4, 29, 7). Tous ces récits appartiennent aux premiers temps de la République. Rien de semblable n’est rapporté des temps véritablement historiques. — L’appel fait au vote du peuple au lieu du sort pour la dédication du temple de Mercure (Tite-Live, 2, 27), est une des inventions des annalistes les plus récents.

[22] Des dédication censoriennes se rencontrent chez Tite-Live, 34, 53. 40, 52. 42, 10, 5.

[23] En dehors de la dédication édilicienne contestée (Tite-Live, 9, 46), des constructions édiliciennes de temples sont citées à plusieurs reprises ; mais on ne cite aucune dédication édilicienne certaine. Car, si Tite-Live, 24, 16, 9, dit : (Ædem Libertatis) pater ejus in Aventino ex multaticia pecunia faciendam curavit dedicavitque, il résulte bien de là que le temple vient du vœu d’un édile, puisqu’il n’y a que les édiles à employer ainsi le produit des amendes ; mais il reste à savoir si le constructeur l’a dédié comme édile ou en une autre qualité. Seulement, la controverse elle-même ayant été tranchée par une sorte de compromis, il n’est pas douteux que ce fut là pour les édiles un précédent ; en outré, il faut considérer la location et la dédication comme étant en fait corrélatives et, la première appartenant aux édiles curules et aux édiles plébéiens, on doit aussi leur accorder la seconde.

[24] En refusant au censeur de l’an 600 C. Cassius le droit d’accomplir la dédication de la curie qu’il projetait, nisi eum populus Romanus nominatim præfecisset, les pontifes reconnaissaient qu’une pareille dédication aurait pu lui être confiée par une loi. D’après l’ensemble des faits, on semble avoir pratiquement négligé ; la loi et admis sans autre forme le censeur et l’édile à la dédication.

[25] Ainsi par exemple le consul L. Mummius a dédié le temple dont il avait fait le veau à la guerre (C. I. L. I, p. 541) ou comme censeur dé 612 ou comme IIvir ædi dedicandæ.

[26] Tite-Live, 2, 42, 5. 6, 5, 8 (où la dénomination IIvir sacris faciendis parait une erreur). 23, 21, 7. c. 30, 13. c. 31, 9. 34, 53, 5. 7. 35, 41, 8. 36, 36, 5. 40, 34, 4. 5, Dans quelques autres textes tels que 29, 11, 13 (cf. 21, 25). 35, 9, 6, le nom de la fonction n’est pas ajouté ; mais il s’agit évidemment de la même magistrature. Auguste a encore fait dédier, de cette façon, en 752, le temple de Mars Ultor. Dion, 55, 10. L’inscription récemment trouvée a Rome (C. I. L. VI, 3732) : Vermino A. Postumius A. f. A. n. Albi(nus) — peut-être le consul de 603 — duovir lege Plætoria a été rapportée par Henzen avec une grande vraisemblance à une pareille dédication prescrite par une loi spéciale et accomplie par un duumvir.

[27] Celui qui a fait le veau du temple le dédia comme dictateur ; Tite-Live, 10, 1, 9, — comme consul : Tite-Live, 2, 27, 5, — comme censeur : 34, 53, 3. 40, 52, 1. 42, 10, 1, — comme duumvir : 23, 31, 9. 34, 53, 6. 35, 9, 6.

[28] Un individu de cette espèce fait la dédication comme consul : 10, 33, 6, — comme préteur : 34, 53, 4.

[29] Le fils de l’auteur du vœu fait la dédication comme consul : Tite-Live, 30, 46, 7, — comme duumvir : 2, 42, 5. 29, 11, 13 (cf. 27, 5). 40, 34, 5. La jeunesse n’était pas plus un obstacle que dans la magistrature pour l’assignation des terres ; il n’y a pas de conditions ordinaires d’éligibilité pour une magistrature extraordinaire.

[30] Le temple de la Mater magna est dédié par le préteur urbain qui doit organiser sa flue annuelle (Tite-Live, 36, 36, 4).

[31] Tite-Live, 23, 30, 43. Sans aucun doute on a toujours procédé de la sorte, quand on a élu de ces duumvirs.

[32] Quand deux temples sont voués en même temps, on réunit les deux dédicants comme duo viri ædibus dedicandis (Tite-Live, 23, 31, 9, rapproché de c. 30, 14. 34, 53, 5. 1. 35, 41, 8. 40, 34, 4. 5). Quand les deux sont nommés au cas de consécration d’un seul temple, c’est que ni l’un ni l’autre n’avait avec lui de lien plus direct et qu’ils ont probablement tiré au sort le droit de faire la dédication (Tite-Live, 23, 24, 7 ; Dion, 65, 40). En dehors de là on nomme seulement celui des duumvirs qui fait la dédication (Tite-Live, 2, 42, 5. 6, 5, 8. 36, 36, 5). Sur le récit du primipilaire faisant une dédication en vertu d’une loi, en 269, voir Tite-Live, 2, 8, 6.

[33] La distinction ressort de la façon la plus énergique pour le temple de la Concorde dont la construction est adjugée par deux duumvirs élus pour cela en 537 (Tite-Live, 22, 33, 7) et qui est dédié suivante par deux antres duumvirs également élus à cette fin (Tite-Live, 23, 21, 7). Les duumvirs créés en 409 ad ædem (Moneiæ) faciendam (Tite-Live, 7, 28, 8) et en 575 ad ædem (Fortunæ) locandam (Tite-Live, 40, 44, 10) sont de même nature. Lorsqu’en outre M’. Glabrio afferme ex s. c. la construction du temple dont il avait fait le vœu comme consul de 563 (Tite-Live, 40, 34, 6), il faut également qu’il ait été créé IIvir ædi ei locandæ, en vertu d’un sénatus-consulte ; car il ne revint à Rome qu’après l’expiration de son année de magistrature.

[34] Tite-Live, 34, 53, 7.

[35] Tite-Live, 9, 43, 25. 10, 1. 36, 36, 6. 42, 3, 1. L’assertion semblable de Tite-Live, 34, 53, 6, est en contradiction avec les fastes.

[36] Tite-Live, 10, 33, 9. 34, 53, 4 et beaucoup d’autres textes.

[37] Quand Tibère consacre en partie lui-même et en partie fait consacrer par un pontife (Dion, 57, 7, rapproché de Tacite, Ann., 4, 57. 67. Suétone, Tibère, 40) les sanctuaires dédies à Auguste par des cités ou des particuliers, il semble agir comme grand pontife. Je ne veux pas décider s’il s’agit de la même chose dans Tacite, Ann. 2, 49. Il serait souhaitable que les nombreux actes de dédication du temps de l’Empire dont nous avons connaissance fussent examinés au point de vue de savoir s’il s’y révèle un droit de dédication déterminé.

[38] C. I. L. I, n. 635 : C. Poplicio L. f. Ribulo æd. pl... senatus consulto populique jussu locus monumento, quo ipse postereique ejus inferrentur, publice datus est. L’inscription se rapporte sans doute au tribun du peuple de l’an 545 (Tite-Live, 27, 20), quoique elle-même ne date que du temps de Cicéron ou peut-être seulement de celui d’Auguste. A la fin de la République il suffisait en pareil cas d’une décision du sénat (Cicéron, Phil. 9, in fine).

[39] Quand il n’y a pas de pareille attribution, de dare adsignare, mais une simple assignation de terres publiques faite sous réservé du droit de propriété (car l’on emploie même alors le mot adsignare), il n’y a pas attribution de terres publiques au sens strict du mot et les règles posées ici pour les assignations ne s’appliquent pas. Par exemple lorsqu’en 574 les consuls installèrent en vertu d’une décision du sénat des populations ligures sur l’ancien territoire de Taurasia dans le pays de Bénévent (Tite-Live, 40, 38), les colons ne reçurent certainement pas leurs terres à titre de propriété latine ou pérégrine ; le sol resta positivement ager publicus populi Romani avec un simple changement à affectation. C’est pourquoi cet acte est accompli par les magistrats ordinaires et il n’est pas question de loi. La même chose a sûrement été faite très souvent, spécialement dans les provinces ; mais elle n’a jamais été regardée comme une assignation.

[40] Les textes cités note suivante, montrent que le sénat adressait habituellement cette invitation aux tribuns ; les lois d’assignation présentées contre la volonté du sénat émanent communément aussi de tribuns. La loi agraire propos6e en 695 par le consul César fait seule exception.

[41] Cicéron, De l. agr. 2, 7, 17. Tite-Live, 34, 53, 1, sur l’an 560. Des plébiscites semblables sont cités par Tite-Live, 10, 21, 8. 32, 29, 3. 35, 40, 5. La loi de Cicéron, Phil. 13, 15, 31 : Veteranorum colonia deductas lege et senatus consulto sustulistis est aussi le plébiscite obtenu par le tribun du peuple L. Antonius. Les lois des Gracques, de Drusus, de Rullus, etc., sont de même nature.

[42] C’est pourquoi toutes les colonies antérieures à Sulla sont signalées comme déduites jussu senatus (Velleius, 1, 15, rapproché de c. 14, 1). La première loi de ce genre qui fut soumise au peuple contre la volonté du sénat est la loi Flaminia de 522, qui est à ce point de vue désignée avec raison comme le véritable point de départ du mouvement démocratique (Polybe, 2, 21).

[43] Tite-Live, 8, 16, 14. 9, 28, 8. 37, 56, 10. 43, 17, 1.

[44] Il a, à la vérité, prescrit, à la fin de la République, des assignations sans importance, comme celles de lieux de sépultures, par voie de mandat donné aux consuls.

[45] Cicéron, De l. agr. 2, 12, 31, de la loi agraire Servilia : Tres viri lege Sempronia. Elogium, C. I. L. I, p. 279 = ed. 2, p. 199. Loi de César, chez Lachm. p. 265.

[46] Les chiffres des collèges de magistrats nommés pour ces actes que nous allons citer révèlent l’exclusion des chiffres pairs dans les nombres inférieurs à dix qui est étrangère à la République ancienne, mais qui prédomine depuis le milieu du Ve siècle. S’il y avait eu autrefois des IIviri col. ded., ce chiffre n’aurait probablement pas disparu, au moins complètement, dans ce domaine, puisqu’on l’a conservé rigoureusement en matière de dédication et de perduellion. Mais, si les déductions étaient faites à l’époque ancienne par les consuls, il est explicable que, n’ayant pas de précédent, on ait plus tard évité le chiffre deux.

[47] Si en l’an 555, le sénat proroge l’ex-préteur urbain pour un an dans sa magistrature (Tite-Live, 32, 1, 6), cela veut probablement dire uniquement qu’il devra, en qualité de magistrat ayant droit au commandement, assister les décemvirs nommés dans le même but (Tite-Live, 31, 4, 2. c. 49, 5) ; car on ne trouve nulle, part ailleurs rien de pareil. Même dans la pseudo-assignation des Ligures, qu’Holzapfel, Chronol., p. 205, invoque à tort comme un exemple d’assignation consulaire, un conseil de cinq membres fut adjoint aux consuls, à la vérité seulement par le sénat et sur leur demande. Du reste le cumul était admissible et habituel.

[48] Cicéron, Phil. 5 in fine. Dion, 16, 29. Drumann, 1, 239.

[49] Dion, 46, 50. Sénèque, Ep. 91, 14. Orelli 590 = C. I. L. V, 6087.

[50] Tite-Live, 3, 1, 6. 4, 11, 5. 5, 24, 4. 6, 21, 4. 3, 16, 14. 9, 28, S. 10, 21, 9. 21, 25, 3. 31, 49, 6. 32, 2, 6. c. 29, 4. 34, 45, 2. c. 53, 1. 39, 44, c. 55, etc.

[51] Cicéron, De l. agr. 2, 7,17. Tite-Live, 6, 21, 4. Elogium de Livius Drusus : Vvir a. d. a. lege Saufeia. Les Vviri a(gris) d(andis) a(dsignandis) j(udicandis) nommés chez Cicéron, Ad Att. 2, 1, 4 et De prov. cons. 17, 41 et aussi maintenant dans l’Elogium de M. Valerius Messalla, consul en 693 (Ephem. epigr. III, p. 1 = C. I. L. VI, 8326 = C. I. L. I, ed. 2, p. 201), font partie des XXviri de la loi Julia de 695, peut-être comme seuls investis de la juridiction. La lex Mamilia Roscia Peducæa Alliena Fabia peut appartenir à une autre sous-commission des mêmes XXvirs (cf. Gromatici, 2, 223). Les Gromatici mentionnent des Vviri pour les assignations de Præneste, p. 236, 14, et de Venafrum, p. 239, 14.

[52] Loi agraire Antonia de 710. Cicéron, Phil. 5, 7, 21. c. 12, 33. 6, 5, 14. 8, 9, 26. Drumann, 1, 414.

[53] Cicéron, De l. agr. 2, 7, 17. Tite-Live, 31, 4, 2. c. 49, 5. 42, 4, 4. Elogium de Cæsar Strabo. Le même chiffré est fixé par la loi agraire de Livius et par celle de Rullus, et par la prétendue loi de Cassius (Dion, 8, 76).

[54] L. Metellus (consul 503. 507) XVvir agris dandis : Pline H. n. 1, 43, 139.

[55] Loi agraire Julia de 695. Varron, De r. r. 1, 2, 10. Cicéron, Ad Att. 2, 6, 2. Ep. 7, 3. 9, 2a, 1. Velleius, 2, 45, 2. Pline, 1, 52, 116. Suétone, Aug. 4. Dion, 38, 1. Liber colon. éd. Lachm, p. 231. Drumann, 3, 206.

[56] Lignes 57 et ss. Cf. C. I. L. I, p. 103.

[57] La preuve en est le curator qui hac lege erit de la loi agraire de César, éd. Lachm. p. 225, qui, d’après l’ordre des idées, doit être rapporté à l’assignation particulière. La découverte de la lex col. Genetivæ a rendu certain que cette loi a eu un caractère général et qu’elle vient de César (cf. Eph. ep. II, p. 120).

[58] Tite-Live, 8, 16, 14. 9, 28, 8.

[59] Tite-Live, 10, 21, 9. 34, 53, 2. 37, 46, 10.

[60] Cicéron, De l. agr. 2, 7, 16. c. 8, 20.

[61] Cicéron, De l. agr. 2, 7, 47, dit que les élections sont faites régulièrement par les trente-cinq tribus ; mais la proposition de Rullus d’organiser l’élection sur le modèle de l’élection du grand pontife montre qu’il n’y avait pas sous ce rapport de règle légale arrêtée, et l’existence d’une pareille règle aurait été inconciliable avec le caractère de ces magistratures exclusivement fondées par les lois spéciales.

[62] Cicéron, De l. agr. 2, 8, 21. Cependant ni les élections du VIe siècle (Tite-Live, 35, 9, 7 ; C. I. L. I, p. 95), ni celles du temps des Gracques ne sont d’accord avec cette règle et ces lois pourraient seulement être postérieures aux Gracques. Mais, lorsque le jeune Drusus a été Xvir a. d. a. lege sua, il faut probablement qu’il se soit fait dispenser de l’observation de ces lois.

[63] Denys, 8, 76, représente les décemvirs de la loi agraire de Cassius comme élus parmi les consulaires. Cicéron, De l. agr. 2, 9, 24, critique les conditions de capacité requises par Rullus.

[64] C’est pourquoi Cicéron met le décemvirat de Rullus en opposition avec les magistratures quorum certus ordo est et par corrélation les IIIviri a. d. a. sont placés dans la loi de Bantia et dans la loi repetundarum après les magistrats pour lesquels il existe un ordre obligatoire ou au moins habituel.

[65] Parmi les décemvirs auxquels le partage des terres entre les vétérans est confié, en 553, après la guerre d’Hannibal (Tite-Live, 31, 4), il y a quatre consulaires (y compris un consul en exercice), tandis qu’un autre membre T. Flaminius n’a même pas encore alors occupé la questure. Ce dernier a été admis à peu près en même temps dans deux autres collèges du même genre (Plutarque, Flam. 1. Tite-Live, 31, 49, 6). Le décemvirat analogue, mais moins important, de 581 avait à sa tête (Tite-Live, 42, 4, 4), le grand pontife et princeps senatus M. Æmillus Lepidus. Au contraire, on trouve, parmi les triumvirs élus en 510 pour les colonies de Potentia et de Pisaurum, Q. Fulvius M. f. Nobilior, le futur consul de 601, alors un tout jeune homme, car il paraît être le même qui fut épulon en 574, en qualité de fils de son père, quoique encore prætextatus (Tite-Live, 40, 42).

[66] C’est ce que vise Cicéron, De leg. agr. 2, 13, 34 : Magistratus iis petere licebit. c. 36, 99.

[67] Si Tite-Live, 34, 53, 1, parle de l’imperium des IIIviri col. ded., il faut rapprocher de là que Cicéron attribue également l’imperium aux décemvirs de Rullus (De l. agr. 1, 3, 5. 2, 13, 34. c. 18, 45. o. 22, 60. c. 36, 99, plus souvent encore potestas). La dernière chose ne peut surprendre, puisqu’ils sont assimilés aux préteurs ; et Tite-Live pourrait aussi avoir pensé à des magistrats pourvus de pareils pouvoirs, quoique probablement à tort.

[68] Tite-Live, 37, 36, 10.

[69] Plutarque, Ti. Gracch. 43.

[70] Cicéron, De l. agr. 2, 13, 32.

[71] Cicéron, De l. agr. 2, 13, 32. Il cite les fasces, 1, 3, 9.

[72] Cicéron, loc. cit. : Ornat... mulis tabernaculis centuriis (?) supellectili, sumptum haurit ex ærario, suppeditat a sociis.

[73] Tite-Live, 32, 29, 4 (cf. 34, 45, 2). 34, 53, 2 (cf. 35, 40, 6). Tite-Live, 34, 53, 2. 35, 9, 7, suppose un délai de deux ans.

[74] Cicéron, De l. agr. 2, 13, 32.

[75] Appien, B. c. 1, 9.

[76] Lex repetundarum, lignes 13. 16. 22. Loi de Bantia, ligne 15. C. I. L. I, p. 41.

[77] Par exemple, la loi pouvait prescrire qu’avant chaque élection on voterait d’abord sur le point de savoir sil y avait lieu à élection on non.

[78] La preuve qu’on ne les a pas appliquées, résulte de la continuité de fait de cette magistrature. C. I. L. I, p 157.

[79] Appien, B. c. 1, 27. C. I. L. I, p. 77.

[80] L’abréviation a. d. a. qui est constante dans les lois du VIIe siècle (loi de Bantia, ligne 51 ; lex repetundarum, lignes 13. 16.22 ; loi agraire, ligne 15) et dans d’autres documents relatifs à. cette époque (Elogium de Drusus, C. I. L. I, p. 279 = ed. 2, p. 199) ne se trouve nulle part écrite en toutes lettres ; mais la formule dare adsignare est dans la loi agraire si techniquement et si constamment rapportée aux triumvirs de Gracchus, qu’il faut rester fidèle à la traduction courante quoiqu’un autre Elogium de cette époque, celui de César Strabo, æd. cur. en 664 (C. I. L. I, p. 278 = ed. 2, p. 198) présente un Xvir agr. dand. adtr. jud. Des expressions telles qu’agro dividendo (Tite-Live, 6, 21, 4), agrarius (Tite-Live, 27, 21, 10) sont correctes, mais ne sont pas techniques. Les magistrats sont appelés en général simplement selon leur nombre tres, quinque, decem viri, mais ils sont aussi appelés techniquement curatores chez Festus, Ep. p. 48, chez Cicéron, De re p. 2, 7, i7 (où cette magistrature est aussi désignée, 1, 8, 21, d’après d’anciennes lois du nom de potestas curatiove), et dans la loi agraire de César, éd. Lachm. p. 265 : Curator qui hac lege erit.

[81] Tite-Live, 58.

[82] Appien, B. c. 1, 19. C’est peut-être à cela que se rapportent les mots du discours de T. Annius Luscus contre Ti. Gracchus ou plutôt contre sa législation, chez Festus, p. 314 : Imperium, quod plebes per saturam dederat, id abrogatum est, où il semble être fait allusion à l’imperium judiciaire.

[83] Il en est ainsi du collège pour le reste inconnu auquel appartenait Cæsar Strabo et des quinquevirs de la loi Julia agraire. Rullus attribuait aussi la justice à ses décemvirs (Cicéron, De l. agr. 2, 13, 34).

[84] Cicéron, De l. agr. 2, 13, 34.

[85] Il semble résulter des indications de Cicéron, De l. agr. 2, 13, que les décemvirs de Rullus étaient tenus de remettre la décision définitive la décision d’un consilium présidé ou par l’un des décemvirs ou par un quæsitor nommé par eux. La cognitio sine consilio peut se rapporter à l’introduction de l’affaire ; les mots : E consiliis abducant quos velint, singuli de maximis rebus judicent, quæsitori (et non quæstori) permittant sont décisifs. Tout citoyen doit avoir eu le droit de se présenter comme demandeur et il doit aussi y avoir eu des primes promises aux poursuivants.

[86] Les triumvirs de la lui agraire Sempronia s’appellent eux-mêmes a. i. a. sur leurs pierres terminales (C. I. L. I, 552-556) ; sur l’une restituée cinquante ans plus tard, ils sont appelés a(gris) d(andis) a(dsignandis) j(udicandis). Les quinquevirs de la loi Julia portent la dernière dénomination. Sur la termination elle-même, cf. C. I. L., loc. cit.

[87] La loi Julia agraire de 695 (éd. Lachm. p. 265) menace celui qui déplacera une borne posée d’après elle d’une amende de 5.000 sesterces et elle ajoute : Deque ea re curatoris qui hac legs erit juris dictio reciperatorumque datio addictio esto. S’il n’y a pas de curateur, ce pouvoir passe au magistrat municipal qui seulement ne nomme pas de reciperatores, mais un judex. Le procès est un procès public dans le même sens que la procédure des questions, puisque la denuntiatio est faite aux témoins publice et que la multa va pour partie à l’accusateur, et pour partie au trésor public.

[88] Cicéron, De l. agr. 2, 13, 33, semble faire allusion par les mots pœna sine provocatione, animadversio sine auxilio à ce que les décemvirs de Rullus auraient dit avoir un droit d’amende qui n’eut été soumis ni à l’intercession, ni à la provocation.

[89] Je cite comme exemple un des plus étendus de ces partages, celui prononcé en 416 après la soumission du Latium. Tite-Live, 8, 11.

[90] Frontinus, Strat. 4, 3, 12. Tite-Live, 31, 4, sur l’an 553. c. 49.

[91] Cf. C. I. L. I, p. 88. Viritim agrum adsignare peut sans doute vouloir dire à chaque homme ; mais la preuve qu’il est aussi correct pour désigner l’attribution faite à un citoyen isolé par opposition à l’assignation faite à une cité, en particulier à une colonie latine nouvelle, est fournie par les personnages viritim civitate donati (par exemple C. I. L. III, 5232) par opposition à ceux qui sont arrivés au droit de cité romaine par la naturalisation en bloc des membres de leur cité. La question reste donc ouverte pour chaque adsignatio viritana, de savoir si elle comprend tous les citoyens ou seulement une partie d’entre eux. Ainsi dans l’assignation des terres sabines, faite par M’. Curius en 464, qui est expressément signalée comme viritana à plusieurs reprises (Columelle, 1, præf. 14 ; Viri ill. 33), il n’y a eu, d’après le texte cité note précédente, d’autres participants que les citoyens qui avaient pris’ part à la campagne ; il est aussi impossible que l’assignation viritim de Tite-Live, 42, 4, se soit étendue à la totalité des citoyens.

[92] Servius, Ad Æn. 1, 12. Tite-Live, 42, 4, 4. Peut-être en est-il de même de la loi agraire Sempronia (C. I. L. I, p. 90). C’est probablement à cela que se rapporte la tournure qui revient fréquemment dans la loi agraire de 643 (lignes 55. 59. 60. 66. 68 ; formule analogue ligne 45) sur l’assignation de terre colono eive quei in coloni numero scriptus est : le colonus est le citoyen romain ; l’in coloni numero le non-citoyen admis à côté de lui. Par là s’explique ce que raconte Tite-Live, 34, 42, de l’an 559 ; cette attribution de terre ne donne pas le droit de cité romaine au bénéficiaire (cf. VI, 2). Cependant la loi constitutive permettait fréquemment à l’auteur de la déduction d’admettre un certain nombre de non-citoyens de telle sorte qu’ils acquissent par là le droit de cité. C’est ainsi que le poète Ennius arriva au droit de cité lors de la fondation des colonies de Potentia et de Pisaurum (Cicéron, Brut. 20, 19) et que la loi Appuleia permit à Marius d’inscrire de même trois non-citoyens dans chacune des colonies de citoyens fondées par lui (Cicéron, Pro Balbo, 21, 48).

[93] C. I. L. V, 813 : L. Manlius L. f. Acidinus triumvir Aquileiæ coloniæ deducundæ ; loi agraire, ligne 43 : M. Bæbius tr. pl. IIIvir coloniæ deducendæ et ailleurs très souvent. Au reste, toute fondation de colonie contient une assignation et Tite-Live parle tout à fait correctement, 8, 16, 14, de triumviri coloniæ (Calès) deducendæ agroque dividundo.

[94] Le statut de Genetiva, c. 125, le dit pour les magistrats, le même statut, c. 66 et Cicéron, De l. agr. 2, 35, 996, pour les prêtres.

[95] Cicéron, De l. agr. 2, 35, 196.

[96] Le statut de Genetiva, c. 91, a montré que ce patronatus existe de droit et non pas en vertu d’un choix. Il n’y a pas d’analogie correcte avec l’affranchissement, il y en aurait plutôt avec l’émancipation.

[97] Le territoire en question ne sort donc pas plus alors du territoire romain que dans l’assignation viritim. Il se peut même que, tant que les colonies des citoyens ont été dépourvues de res publica proprement dite, l’assignation qui leur donnait naissance ait été considérée comme une assignation viritana et comme ayant pour terme juridique opposé l’assignation relative à une colonie latine. C’est donc peut-être à tort que le langage de Tite-Live, 5, 24, 4 : Coloniam in Volscos quo tria milia civium Romanorum scriberentur, deducendam censuerant triumsirique ad id creati terna jugera et septunces viritim diviserant (de même 4, 47, 6. c. 48, 2) a été trouvé choquant C. I. L. I, p. 88.

[98] Cicéron, De div. 1, 45, 102. De même que la colonie est déduite sous le vexillum (Cicéron, Phil. 2, 40, 102. De l. agr. 2, 32, 86. Plutarque, C. Gracch. 11), le censeur conduit aussi lors du lustre l’armée drapeau déployé dans la ville. Les colons sont divisés en pedites et equites (Tite-Live, 35, 4, 8, c. 39, 5. 37 ; 57, 8 ; Asconius, In Pison. p. 3) comme l’exercitus centuriatus. La date de la fondation de la colonie (Tite-Live, 35, 57, 7. Asconius, In Pison, loc. cit. Festus, v. Saticula, p. 340) correspond à la façon de dater par lustres. — Au contraire, la déduction des légions en cette qualité (Marquardt, Handb. 4, 127 = tr. fr. 8, 169) rentre dans le caractère des colonies militaires récentes : l’exercitus de la fondation des colonies de la République n’a certainement pas eu plus de tribuns que celui de Servius.

[99] La direction technique en a probablement appartenu, sous la République, à la compagnie à laquelle il est fait allusion dans l’inscription C. I. L. VI, 9953, que des indices de langue placent dans les derniers temps de la République et qui porte : P. Monetius soc(iorum) l(ibertus) Philogenes vasculari(us), les magistrats auraient conclu avec elle les marchés de fourniture et procédé ensuite à la réception de ces fournitures.

[100] Cf. mes explications R. M. W. pp. 369. 374 = tr. fr. 2, pp. 49. 53, auxquelles je fais un renvoi général.

[101] C’est ce que montrent les monnaies du questeur Cn. Lentulus, probablement frappées en 680 ex. s. c., sur lesquelles il s’intitule tantôt q. et tantôt cur(ator denariis) fl(andis) (R. M. W. p. 611 = tr. fr. 2, 475).

[102] Cela résulte déjà de ce que l’on ne trouve jamais sur leurs monnaies la mention ex. s. c. qui ne manque jamais sur celles dés autres magistrats urbains. En outre, la frappe monétaire est un acte de magistrat et si, vers la fin de la République, le sénat, qui eut pu difficilement le faire à l’époque ancienne, a chargé des magistrats de son choix de cette fonction, elle n’a certainement jamais été accomplie par des mandataires du sénat n’ayant pas la qualité de magistrats.

[103] Les écrivains ne les mentionnent pas. Sur les monnaies, ils apparaissent le plus souvent par unités, parfois au nombre de trois (R. M. W. p. 368 = tr. fr. 2, 48), une fois au nombre de sept, en ce sans que l’on trouve nommés sur toutes les monnaies de cette commission deux magistrats apparemment supé= rieurs, et, à côte d’eux, l’un des cinq maures monétaires différents, ce qui donne au total trois noms de magistrats sur chaque pièce (R. M. W. loc. cit., Ann. dell’ inst. 1863, p. 55 = tr. fr. 2, 49). Leur titre officiel n’est jamais inscrit sur les monnaies. La mention expresse la plus ancienne qu’on en rencontre est celle contenue dans l’Elogium du consul de 662 C. Claudius Pulcher (C. I. L. I, p. 279  ed. 2, p. 206), qui a été IIIvir a. a. a. f. f. entre la questure et l’édilité.

[104] Tite-Live, 25, 7.

[105] Tite-Live, 7, 21. On se rappellera que les lois qui fixèrent le taux de l’intérêt, d’abord à douze pour cent, puis à six, puis enfin l’abolirent, se placent dans les années 397, 407, 442.

[106] Tite-Live, 23, 21, 6, rapproché de 22, 60, 4. 24, 18, 12. 26, 36, 8. Il est peu croyable qu’il soit alors resté de l’argent à l’État pour le prêter aux particuliers endettés ; il est probable que la mesure se restreignit à des avances faites pour le rachat des captifs (cf. Tite-Live, 22, 61).

[107] Tacite, Ann. 6, 17, sur l’an 33 après J.-C. L’expression populo cavere montre que Tibère ne prêta pas lui-même l’argent, mais mit seulement le trésor en état de le faire.

[108] Tite-Live, 23, 21, 6. Dans l’autre cas, la rogation n’est pas mentionnée, mais elle a sûrement eu lieu.

[109] Tite-Live, 7, 21, 5.

[110] Selon Tite-Live, 23, 21, 6, sur les IIIviri élus alors, l’un avait été consul et censeur, l’autre deux fois consul, le troisième était alors tribun du peuple. Parmi les quinquevirs de 403, il n’y avait aucun consulaire ; mais parmi les trois membres plébéiens de la commission, nous trouvons les deux plébéiens les plus considérables de ce temps, P. Decius Mus et Q. Poblilius Philo qui commencèrent par là leur carrière. La mesure porte le caractère de l’opposition ardente de cette période.

[111] Tite-Live, 7, 21, 5.

[112] Tite-Live, 7, 21, 8. 22, 66, 4, cf. 22, 7, 5.

[113] Ils reçoivent des paiements (Tite Live, 26, 36, 8. 11) et ils en font (Tite-Live, 24, 18, 12).

[114] Dion, 55, 25.

[115] Tacite. Ann., 15, 18.

[116] Tacite, Hist. 4, 9. 40 : Sorte ducti, per quos redderentur Bello rapta (sans doute en considération des pillages faits dans la ville pendant la catastrophe de Vitellius) quique æra legum vetustate dilapsa noscerentf igerentque et fastos adulatione temporum fædatos exonerarent modumque publicis impensis facerent. Cette commission reçut donc en même temps d’autres missions ; mais le c. 9 montre que l’objet principal était la révision du trésor. On décida alors un emprunt de 60 millions de sesterces, mais il ne fut pas réalisé (Tacite, Hist. 4, 47).

[117] Pline, Ep. 2, 1, 9.

[118] Polybe, 1, 63.

[119] Suivant Appien, Pun. 435, Scipion organise le territoire conquis en commun avec dix légats envoyés par le sénat, ces derniers auraient notamment attribué une partie des terres conquises aux gens d’Utique. Mais la loi agraire de 643 rapporte, lignes 77 et 81, les mêmes assignations de terres aux décemvirs élus en vertu d’une loi Livia (autrement inconnue) (eum agrum locum quem Xvirei, quei ex [legs] Livita factei createive fuerunt, Uticensibus reliquerunt adsignaverunt) ; il y a donc eu également cette fois une magistrature spéciale établie pour l’organisation du territoire conquis et Appien a confondu ces décemvirs avec les X legati si souvent cités plus tard. Le témoignage de Cicéron, De l. agr. 2, 19, Si, selon lequel la consécration du sol de Carthage est faite par Scipion de consilii sententia, et celui d’Appien, selon lequel elle est faite par ces dix personnages, ne sont pas inconciliables. De même que le questeur appartient au conseil du gouverneur, les décemvirs appartenaient aussi en droit a celui de Scipion. Nous n’avons pas suffisamment tenu compte, C. I. L. I, p. 99, de l’opposition énergique des Xviri et des X legati.

[120] Nous reviendrons sur elles dans le chapitre des Légats.

[121] C. I. L. I, p. 99. L’élection singulière des décemvirs par les dix-sept tribus est aussi ramenée là a ce qu’on s’était habitué dans l’intervalle à considérer la nomination des autorités qui assistent le général pour la conclusion de la paix comme un droit du sénat et qu’on recourut a ce détour parce que des legati ne pouvaient être élus par les comices.