L’ancienne procédure romaine ne connaît pas de président spécial, encore moins de magistrat présidant des jurés institués par le magistrat. En face de la forme la plus ancienne de la procédure civile, la procédure devant le juré unique (judex unus), il ne peut être question de présidence. Dans la procédure par récupérateurs, qui est également très ancienne, nous ne connaissons pas davantage d’organisation selon laquelle l’un des récupérateurs aurait joué le rôle de chef, et il ne pouvait, d’ailleurs, y en avoir aucun besoin saillant en présence du nombre modéré, n’excédant pas trois ou cinq[1], des récupérateurs jugeant en commun. Et, quand bien même l’un des membres de ces tribunaux de récupérateurs y aurait joué le râle de chef, la présidence des jurys occupée par les magistrats est restée absolument inconnue à l’ancienne procédure civile : elle aurait été en contradiction avec son caractère essentiel, parce qu’elle aurait tout au moins obscurci la séparation complète établi entre la position de la question et sa solution, entre le jus et le judicium. Mais il se développa à la fin du vie siècle un système où la procédure par récupérateurs était consolidée par sa, combinaison avec la présidence d’un magistrat ; et c’est là ce qu’on désigne au sens propre du nom de judicium publicum. La première phase de la procédure criminelle, la quæstio, se confondait quant au fond avec cette procédure, lorsqu’en même temps qu’on en écartait la seconde phase, on obligeait le magistrat à rassembler, comme les mœurs le lui prescrivaient déjà, un conseil (consilium) et à décider selon l’avis de la majorité de ce conseil, ce qui se produisit également dans le cours du VIe siècle. Tant que le conseil resta ce que signifiait son nom, on ne peut considérer en la forme la situation du conseillé comme une présidence de jury ; mais, lorsque le conseil devint un jugement, celui auquel incombait la prononciation du jugement se trouva dans la situation d’un président et directeur de jury[2]. Les jurys présidés par des magistrats, que nous rencontrons au vue siècle, ont, comme nous l’avons vu, ainsi tiré leur origine du judicium publicum du droit civil et de la quæstio du droit criminel. Le premier tribunal permanent de cette espèce fut créé en l’an 605 pour les actions civiles intentées à raison de concussions par les sujets de Rome contre d’ex-magistrats. Les magistrats chargés de présider de pareils jurys ont été, présidence d’un en premier lieu, les préteurs, et le rôle qu’ils ont joué sous ce préteur rapporta déjà été décrit, tome III, dans la limite où il peut l’être dans un traité de droit public. Mais cependant tous les jurys à la tête desquels on peut établir l’existence d’un président, n’ont pas été dirigés par des préteurs ; et il nous reste à étudier ici la présidence de la procédure romaine récente qui, sans être confiée à des préteurs, est confiée à des magistrats ou organisée à l’imitation de celle confiée à des magistrats. Le moyen le plus simple de direction de la procédure présidence du pour les grands jurys qui ne sont pas présidés par le magistrat même qui les constitue est de les soumettre à un directeur pris parmi les jurés eux-mêmes. Et ce procédé n’est pas étranger aux Romains. C’est ainsi qu’ont d’abord fonctionné la quæstio inter sicarios[3] et probablement la quæstio peculatus, avant de recevoir des magistrats pour présidents ; dans les deus importantes questions de vi[4] et sodaliciorum[5], on ne rencontre jamais de magistrat comme président[6], elles sont toujours dirigées par le chef des jurés. Même dans les questions placées sous l’autorité d’un préteur, ce mode de direction du procès parait s’être rencontré à titre complémentaire[7]. Le président dont il s’agit, pour lequel il n’y a pas d’autre désignation que le nom général de quæsitor, n’exerce jamais ces fonctions que dans un seul procès : il n’y a pas d’exemple que, dans des questions de ce genre, deux procès différents aient été débattus devant le même quæsitor ; au contraire, on rencontre fréquemment plusieurs quæsitores différents dans la même année pour la même question[8] ou le même personnage comme quæsitor dans des questions différentes de la même année[9]. — Étant le premier des jurés, il a lui-même une voix[10], tandis que les magistrats présidents ne participent pas au vote. On ne peut d’une manière générale parler pour lui ni de conditions de capacité ni de pouvoirs autres que ceux du juré ordinaire. Quand bien même il aurait dû, comme il est possible, à l’époque où les postes de jurés étaient partagés entre les classes, être toujours pris dans la décurie sénatoriale, cela ne changerait rien à sa condition ; et s’il semble avoir été assimilé pour la responsabilité au quæsitor magistrat[11], on ne peut cependant pas pour cela lui attribuer les pouvoirs de magistrat. Les procès de cette catégorie ne peuvent donc pas, comme ceux soumis à un quæsitor magistrat, s’être déroulés par leur seule force. Il faut qu’un magistrat y ait exercé tout au moins la même action que dans la procédure civile ordinaire, ait instruit le procès et organisé le consilium. De fait, nous constatons que dans les procès de vi ces fonctions ont incombé au préteur urbain assisté des questeurs[12]. Il est probable que la détermination du quæsitor a également été faite par le préteur urbain et il se peut que ce soit aussi lui qui ait procédé à la sortition et à la réjection des jurés[13]. Mais il y a, dans la procédure ordinaire des questions, encore une troisième forme de présidence du tribunal qui est l’une des institutions les plus difficiles et les plus obscures de Rome. C’est l’institution du judex quæsitionis rerum capitalium ou ordinairement du judex quæstionis[14]. Si on écarte parmi les assertions qui le concernent celles qui viennent de falsification ou de confusion[15], on constate qu’il est dans une relation précise avec la quæstio de sicariis et veneficis. La loi fondamentale de cette quæstio prescrit ut is prætor judexve quæstionis, cui sorte obvenerit quæstio de sicariis, quærat cum judicibus qui ei ex lege sorte obvenerint[16] et, tandis qu’une série d’exemples concrets nous montrent cette question présidée par le judex quæstionis[17], toutes les autres mentions de ce judex que l’on trouve peuvent également être rapportées aux poursuites de meurtre[18]. Naturellement le tribunal duquel ressortissaient les crimes de meurtre, de vol à main armée et d’incendie, alors si fréquents à Rome, devait être beaucoup plus chargé que les autres questions de cette époque. Il semble y avoir eu en général plusieurs autres directeurs en exercice à côté du préteur qui y était affecté ; en l’an 688, on en trouve cités trois qui étaient probablement tous trois de simples judices quæstionis[19]. Il se peut fort bien qu’au lieu d’exercer concurremment la juridiction, ils se soient partagés des attributions distinctes : l’empoisonnement peut avoir été séparé des autres meurtres[20] et peut-être le meurtre de parents avoir été réservé au préteur[21] ; la disposition de la loi Cornelia qui semble étendre le tirage au sort au judex quæstionis peut se rapporter au tirage au sort des compétences distinctes[22]. — Quant à la position, le judex quæstionis apparaît comme ayant un caractère semblable à celui du préteur, mais un rang hiérarchique inférieur. Cette fonction judiciaire a sa place dans l’échelle des magistratures[23], où elle est ordinairement occupée entre l’édilité et la préture[24] ; le judex a la coercition attachée à la magistrature[25] et les appariteurs des magistrats, même des licteurs[26] ; il prête le serment des magistrats comme le préteur[27] ; il exerce ses fonctions dans plusieurs procès de la même espèce[28] ; c’est près de lui qu’est faite la première dénonciation et il statue sur l’admission ou le rejet des poursuites[29]. En tant qu’une liste spéciale de jurés était dressée pour cette quæstio, la confection peut en avoir été réservée au préteur ; mais le tirage au sort des jurés de chaque affaire doit avoir appartenu au judex quæstionis. En face de tout cela, on ne peut guère douter que le judex quæstionis ait occupé une situation de magistrat et ait été comme le préteur durant un an à la tête de sa quæstio. Cela ne suffit d’ailleurs pas pour établir qu’il ait été un véritable magisiratus, c’est-à-dire un magistrat élu dans les comices ; le judex quæstionis paraît au contraire être opposé dans les lais au magistratus[30]. Il a donc fallu, ou qu’il fut nommé par le préteur qui dirigeait la quæstio, ou, comme il est plus vraisemblable, que ce poste se liât à l’édilité, comme le gouvernement de province de l’époque se liait à la préture et au consulat. L’édile d’une année était probablement de droit judex quæstionis en l’année suivante. Tout au moins, César a ainsi occupé cette fonction judiciaire immédiatement après l’édilité. Quant à la période dans laquelle se rencontre le judex quæstionis, il paraît ne pas avoir encore existé au temps des Gracques, puisque l’exercice des poursuites de meurtre parait avoir été alors assuré par un autre procédé. Il se rencontre pour la première fois vers l’an 656, C. Pulcher, édile curule en 655, étant aussi en outre cité comme ayant été judex q. veneficiis. M. Fannius doit aussi au plus tard avoir occupé cette charge en 672. Il est donc certain qu’elle n’a pas été créée par Sulla. Les inscriptions du temps d’Auguste[31] la nomment assez souvent ; ensuite elle disparaît et elle semble avoir été abolie bien avant la disparition générale de la procédure des questions. Si les ædilicii ont donc occupé une présidence de pseudo-magistrats dans l’une des grandes cours de justice criminelle de la République récente, le seul grand jury chargé d’affaires civiles non criminelles qui connaisse le droit romain, le tribunal des centumvirs institué pour les affaires d’hérédités dans le cours du VIe siècle ou le début du VIIe, a reçu dans les ex-questeurs des pseudo-magistrats semblables comme présidents. Cependant, nous ne savons qu’une chose, c’est qu’Auguste leur retira cette présidence et la transporta aux décemvirs litibus judicandis et au prætor hastarius. Enfin, le joudex ex hace lege plebive scito factus, que la loi de Bantia[32] du temps des Gracques cite à la fin de son énumération des magistratures, peut pour cette raison être encore nommé ici, quoique l’objet de la loi n’étant pas connu, on ne puisse rien dire de satisfaisant sur les attributions de ce judex. |
[1] Il n’y a pas plus de cinq récupérateurs, même dans les procès par récupérateurs extraordinaires et importants de Tite-Live, 43, 2.
[2] L’image la plus claire de cette procédure est fournie par le procès de Pleminius, Tite-Live, 29, 20. 21.
[3] Asconius, In. Mil. 42, 32, p. 46, rapporte de L. Cassius Longinus, tribun du peuple en 647, consul en 627 : Quotiens quæsitor judicii alicujus esset, in quo quæreretur de homine occiso, suadebat algue etiam præibat judicibus... ut quæreretur, cui bono fuisset perire eum, de cujus morte quæreretur (cf. Val. Max. 3, 7, 9). Il n’est guère admissible que le quæsitor soit ici le judex quæstionis ; la tournure toutes les fois qu’il était quæsitor ne fait pas penser aux fonctions fixes et annales du judex q., mais aux fonctions intermittentes du juré, et la participation au vote, qui est pourtant ici nettement spécifiée, ne s`accorde pas davantage avec le rôle du judex q. Nous devons donc nous représenter Cassius comme un chef de jurés. L’existence de magistrats comme présidents de la même question à une époque postérieure n’est pas une objection.
[4] Nous trouvons comme présidents de procès de violence : en l’an 695, Crassus Dives (a été juge de Vettius : Cicéron, Ad Att. 2, 24, 4 ; pour le surplus inconnu : Drumann, 4, 447) et Cn. Lentulas Clodianus (a été juge de C. Antonius : Cicéron, In Vat. 11, 27. 28 et de vi : v. mon étude De colleg. et sodalic. p. 66), qui n’est certainement pas le bien connu Cn. Lentulus Marcellinus (Drumann, 2, 405, note 9), mais le fils, alors encore jeune, du consul de 682 (Drumann, 2, 547). Cependant il est possible que Clodianus n’ait pas été le quæsitor mentionné l. c. 44, 28, mais le préteur devant lequel l’action était intentée et par lequel le quæsitor était nommé ; l’expression dum reus freret apud Cn. Lentulum Clodianum s’accorde même mieux avec cette seconde idée ; — en outre, en l’an 702, les quæsitores L. Fabius et [C.] Considius ont tous deux été juges de Saufeius (Ascon. In Mil. p. 54.55). En revanche, il ne faut pas y comprendre Novius Niger, Suétone, Cæsar, 11, qui a au contraire été questeur et employé à ce titre par Cicéron dans l’interrogatoire des Catilinaires.
[5] Ont jugé de sodaliciis : en l’an 700, Servilius (sur Messius : Ad Att., 4, 15, cf. De sodal. p. 61) et le quæsitor C. Alflus Flavus (sur Plancius : Pro Planc. 47, 43. 42, 104) ; en 702, le quæsitor Favonius (Ascon., In Mil. p. 54) qui n’était alors ni préteur, ni prætorius (Drumann, 3, 35).
[6] Il n’y a que deux procès de vi dans lesquels on ait admis avec quelque vraisemblance l’existence de préteurs comme quæsitores. Ce sont ceux de M. Cælius et de Sestius, tous deux de l’an 698. Le président du premier, Cn. Domitius (Pro Cæl. 43, 32) est, dit-on, le préteur de cette année Cn. Domitius Calvinus (Drumann, 2, 377. 3, 3) ; mais ce dernier ayant jugé de ambitu, cette raison suffit pour en distinguer le quæsitor de Cælius et l’identifier plutôt avec le Domitius (Ahenobarbus) qui, en l’an 700, siégea de nouveau comme préteur dans les poursuites contre Cælius (Cicéron, Ad Q. fr. 2, 13, 2 ; Drumann, 3, 30). — Dans le discours de Cicéron pour Sestius, il y a deux interpellations à M. Scaurus (47, 404. 54, 116) à raison desquelles on le regarde comme le quæsitor de ce procès ; or, il est hors de doute qu’il était préteur au moment du procès. Mais de telles interpellations personnelles sont adressées non seulement aux acteurs principaux du procès, mais à des jurés isolés (Cicéron, Verr. l. 1, 49, 128. 4, 31, 69. 4, 38, 82), à des advocati (op. cit. 4, 36, 79) ; et dans ces textes mêmes il n’y a pas un mot qui indique que Scaurus dirige le procès. Il peut, au contraire, facilement avoir été un des principes civitatis qui assistaient Sestius (In Vat. 4, 10). Les deux discours relatifs à ce procès qui nous ont été conservés ne contiennent pas une allusion ni à la personne ni au rang du quæsitor.
[7] C’est ce qui se présente pour C. Alfius Flavus, quæsitor dans un procès de majesté en 700 et peut-être pour A. Torquatus quæsitor en matière d’ambitus en 702.
[8] Servilius et Alfius en matière de sodalicia en 700 (note 5) ; Fabius et Considius en matière de vis en 702 (note 4) ; peut-être aussi Crassus et Lentulus en matière de vis en 695 (note 4).
[9] Alfius, en 700, en matière de majestas (note 7) et de sodalicia (note 5).
[10] C’est au moins ce que montre pour L. Cassius le texte d’Asconius cité note 3. C’est pourquoi il est appelé rarissimus atque sapientiesimus judex, judex quærens, quæstor atque judex (Cicéron, Pro Sex. Roscio, 30, 84. 85).
[11] Est puni comme meurtrier, selon la loi Cornelia, celui qui s’est laissé corrompre, cum magistratus esset publicove judicio præesset (Digeste, 48, 8, 1, pr.). Le judex quæstionis rentre dans la seconde catégorie ainsi que le confirment la rédaction de la loi Cornelia (note 18) et Cicéron, Pro Cluent. 33, 90, mais il n’y a aucune raison d’en exclure le simple quæsitor.
[12] La poursuite de vi intentée par Milon en décembre 697 contre Clodius fut arrêtée parce que le préteur urbain auquel elle était soumise devait, d’après la loi, inviter les questeurs (urbains) à faire le tirage au sort des jurés et qu’il n’y avait pas alors de questeurs, les anciens étant sortis de charge le 4 décembre et l’élection des nouveaux n’ayant pas eu lieu. Lorsque les élections des questeurs eurent ensuite lieu, Clodius avait déjà été élu dans les élections Miliciennes qui précédaient les questoriennes et avait ainsi été soustrait à la poursuite. Dion, 59, 7. Cicéron, Ad Q. fr. 2, 1, 2 (écrit probablement le 10 décembre, immédiatement après l’entrée des nouveaux tribuns). Cf. Pro Sest. 41, 89. 44, 95 ; Ad fam. 1, 9, 15. 5, 3, 2. Cum sen. grat. eg. 8, 19 ; De har. resp. 24, 50. Drumann, 2, 319.
[13] Cicéron, In Vat. 11, 27 : Quæsitore consilioque delecto fait allusion à la similitude de nomination du quæsitor et du conseil. Selon les Schol. Bob. sur Vat. 14, p. 323, le préteur Memmius aurait voulu tirer au sort le quæsitor du procès de vi de Vatinius, mais Vatinius s’en serait tenu à son droit de le nommer par voie de récusations réciproques : Ipsius etenim Vatinii lege quam tulerat in tribunatu — à savoir dans la loi de alternis consiliis rejiciendis, Cicéron, In Vat. 32, 27 — non satis apparebat, utrum sorte quæsitor esset deligendus an vero mutua inter adversarios facienda rejectio. Tout cela n’a sans doute pas été inventé par le scoliaste et est aussi absolument croyable : le tirage au sort et la récusation s’appliquent aussi bien qu’aux autres jurés, au quæsitor qui est leur chef. Mais le texte contient cependant une confusion certaine (voir mes Sodal. p. 70, note 33) et il est probable que des indications vraies en elles-mêmes ont été mises au moins dans un rapport faux. La confusion de la Lex Licinia Junia, ne clam ærario legem ferri liceret, avec la loi Licinia de sodaliciis se présente clairement dans une scolie qui se trouve un peu auparavant ; si ensuite l’action née de cette loi est ici considérée comme une action de vi, ce n’est pas absolument impossible (car la loi pouvait prescrire de traiter l’infraction à ses dispositions comme un vis), mais c’est pourtant au plus haut degré de nature à faire hésiter. Il est aussi de nature à faire hésiter que le quæsitor duquel parle Cicéron, In Vat. 14, 34, ne peut, d’après la description du scoliaste elle-même, être que Memmius (car, tant que l’on discutait sur la constitution du jury, il ne pouvait être question du tribunal de son chef), et que par conséquent le quæsitor du texte de Cicéron serait un autre que celui du scoliaste.
[14] Judex quæsitionis rerum capital(ium) dans l’inscription Orelli, 3827 = C. I. L. V, 862 ; judex quæstionis, C. I. L. IX ; 2845 ; judex quæstionum, C. I. L. I, p. 278, elog. VI = ed. 2, p. 199, elog. XXIX ; judex q. Op. cit. p. 279, elog. X = ed. 2, p. 200, elog. XXXIII. Chez les écrivains, on ne trouve à ma connaissance que judex quæstionis. Judex quæstionis suæ, comme il est écrit dans Cicéron, Verr. l. 1, 61, 158, d’après le palimpseste, n’a pas de sens ; il faut effacer suæ avec les Mss. inférieurs. — Naturellement le judex quæstionis peut aussi être appelé quæsitor aussi bien et encore mieux que le préteur. Cette désignation se trouve aussi non seulement chez les auteurs (Cicéron, Pro Cluent. 20, 55 ; aussi Schol. Bob. p. 323, mais dans une fausse acception), mais encore sur une inscription Orelli, 578 = Ritschl, P. L. M. tab. 85 F = C. I. L. VI ; 1282 : P. Claudius P. f. Ap, n. Ap. pron. Pulcher q(uæstor), quæsitor, pr(ætor), augur ; car, d’après la place du titre, il doit s’y agir sans doute du judex quæstionis. Dans deux autres inscriptions, C. I. L. IX, 3306 : Q. Vario Q. f. Gemino, leg. divi Aug. II, pro cos., pr., tr. pl., q., quæsit. judic., præf. frum. dand., Xvir stl. judic., curatori ædium sacr. monumentor. que publice tuendorum et C. I. L. VI, 1480. 1481 : C. Papirius C. f. Vel. Masso tr. mil., æd. pl., q. jud., cur. fru. Il faut sans doute traduire quæsitor judex (cf. Cicéron, Pro Sex. Roscio, 38, 95), et non quæsitionis judex. Au reste, il s’agit tout de même là du judex quæstionis ; car le rôle de simple chef de jury ne peut être mentionné dans la série des magistratures.
[15] Le texte de Quintilien cité deux fois (De antiquo jure c. R. 2, 18, et De judic. 2, 5) par Sigonius prætorem occupatum fuisse in iis quæ essent imperii, judicem quæstionis ita iis quæ essent cognitionis n’existe pas. L’inscription Orelli 3826 = C. I. L. III, 56 (quæstionum causarumque judex) est fausse. Le judex de la lex repetund. ligne 19, que Klenze, Ad leq. Servil. p. 34, a voulu après d’autres identifier avec le judex quæstionis est indubitablement le préteur lui-même, tandis que dans d’autres endroits où un judex apparaît comme conduisant l’affaire ou publiant le jugement (lignes 42-44. 60-64) il s’agit du juré auquel a été confiée une procédure accessoire, la procédure pénale contre le juré défaillant ou la procédure de justification et de distribution qui suit la litis æstimatio. Madvig a écarté une bonne part des erreurs traditionnelles dans son travail sur le judex quæstionis (De Asconio Pediano, p. 121-133) ; mais son étude est elle-même défectueuse sous plus d’un rapport quant aux conclusions positives.
[16] Coll. 1, 3, 1. Pareillement Cicéron, Pro Cluent. 54, 148 ; le préteur est ici omis, parce que, dans le cas dont il s’agit, la quæstio était présidée par un judex quæstionis.
[17] C. Claudius Pulcher, le consul de 662 (ou moins vraisemblablement celui de 624) est appelé dans son elogium, C. I. L. I, p. 279 = ed. 2, p. 200 : Æd. cur. (en 655) judex q. veneficis, pr. repetundis. — M. Fannius qui présida cette question en 674 comme préteur l’avait antérieurement dirigée comme judex (Cicéron, Pro Rosc. 4, 11). — C. Junius, homo ædilicius, jam prætor opinione hominum constitutus (Cicéron, Pro Cluent. 29, 79), présida en 680 les poursuites de cette espèce contre l’affranchi Scamander, C. Fabriclus et Statius Albius Oppianicus en qualité de judex quæstionis (Pro Cluent. 27, 74. 33) ; Q. Voconius Naso présida en la même qualité (Pro Cluent. 54, 148), en 688, la poursuite du même genre contre A. Cluentius. — César enfin présida entre l’édilité (689) et la préture (692), en l’an 690, comme judex quæstionis, les procès de meurtre contre L. Luscius, L. Bellienus et Catilina (Suétone, Cæsar, 11. Asconius, In tog. cand. p. 91. 92. Cicéron, Pro Ligario, 4, in fine. Dion, 37, 10).
[18] Tombait sous le coup de la loi Cornelia de sicariis celui qui magistratus judexve quœstionis ob capitalem causam pecuniam acceperit, ut publica lege reus fieret (Digeste 48, 8, 1, 1). Cicéron, In Vat. 14, 34. Sont nommés sans indication de quæstio : Q. Curtius en 684 (Cicéron, Verr. l. 1, 64, 458) ; C. Octavius, le père d’Auguste, préteur en 693 (C. I. L. I, p. 218, elog. VI = ed. 2, p. 499, elog. XXIX) ; C. Visellius Varro, cousin de Cicéron (Cicéron, Brut. 76, 264) ; P. Claudius Pulcher, né vers 700, mort vers 740 ; P. Paquius Scæva, qui commença sa carrière politique sous César ou peu après la mort de César (C. I. L. IX, 2845) ; C. Appuleius M. L Tappo (Orelli, 3827 = C. I. L. V, 862) ; C. Papirius Masso ; Q Varius Geminus. Nous avons compris dans cette énumération les quæsitores judices ou quœsitores tout court des inscriptions.
[19] Tel était seulement Q. Voconius Naso qui dirigea le jury de Cluentius. Ses deux collègues qui jugèrent inter sicarios M. Plætorius et C. Flaminius sont ordinairement considérés comme des préteurs ; mais nous savons seulement qu’ils ont été édiles entre 684 et 687 (Cicéron, Pro Cluent. 45, 126 ; Drumann, 5, 335). Ils peuvent très bien avoir été édiles en 687 et judices quæstionis en 688 ; rien ne force à l’anomalie singulière selon laquelle deux préteurs auraient présidé la même question. — Plusieurs judices quæstionum sont aussi cités en 696 (Cicéron, In Vat. 44, 34).
[20] Cf. la note précédente et Cicéron, De d. n. 3, 30, 74, où les quæstiones sicæ, veneni sont coordonnées. On peut aussi concilier ainsi avec l’existence de plusieurs chefs à la tête de la quæstio, l’argumentation de Cicéron, Pro Cluent. 33, 90, selon laquelle C. Junius aurait pu uniquement être poursuivi devant lui-même pour pecunia ob rem judicandam capta in causa capitali.
[21] Ce n’est sans doute point par un simple cas fortuit que dans les deux seuls procès ex legs Cornelia, a raison du meurtre d’un père ou d’une mère, dont nous connaissons le président, ce président est un préteur.
[22] Cette doctrine se recommande par l’observation qu’alors le tirage au sort des judices q. et celui des préteurs avaient absolument la même valeur, ainsi que la loi semble le supposer. Au reste, il serait aussi concevable que l’on tirât au sort le nombre nécessaire de judices q. sur les quatre édiles sortant annuellement.
[23] Ainsi Cicéron, Brut. 76, 264, dit de C. Visellius Varro : Cum post curulem ædilitatem judex quæstionis esset, est mortuus. Les inscriptions montrent la même chose.
[24] Cette fonction apparaît entre l’édilité curule et la préture chez C. Pulcher, César et P. Paquius Scæva ; entre l’édilité plébéienne et la préture chez C. Octavius ; entre l’édilité et la préture chez Junius ; après l’édilité curule chez C. Visellius Varro ; après l’édilité plébéienne chez C. Papirius Masso, P. Pulcher et Q. Varius Geminus appartiennent au temps d’Auguste dans lequel l’édilité était réunie au tribunat pour former un échelon et cet échelon était remis aux patriciens. Il est donc dans l’ordre que le premier, en qualité de patricien, ait occupé cette fonction entre la questure et la préture et que le second l’ait vraisemblablement occupée entre le tribunat et la préture. Son inscription paraît énumérer d’abord les fonctions ordinaires, puis les fonctions extraordinaires et inférieures. Le titre de judex quæsitionis rerum capital. se trouve de même dans l’inscription de C. Appuleius Tappo (C. I. L. V, 862) après les magistratures ordinaires (pr., æd., tr. pl., q.).
[25] Cicéron, Pro Cluent. 53, 147.
[26] Cicéron, Pro Cluent. 53, 147. 27, 74.
[27] Cicéron, Pro Cluent. 33-35. C’est le serment général des magistrats qui doit être prêté par chaque magistrat dans les cinq jours de son entrée en charge à peine, au moins d’après la lettre de la loi, non seulement d’une amende, mais de la perte de la magistrature. Une preuve en suffit, c’est qu’il est désigné comme une simple formalité, souvent négligée (Cicéron, loc. cit. 33, 91, 34, 92). Le judex q. ne prêtait pas le serment des jurés et devait en ce sens être au contraire comme le prætor qualifié d’injuratus (Cicéron, Verr. act. 1, 16, 32), tout comme nous opposons aujourd’hui les jurés au magistrat, bien que le magistrat ait, lui aussi, prêté serment.
[28] Junius et César (note 17).
[29] Ainsi César sur les meurtriers des proscriptions (note 17).
[30] Il est vraisemblable, d’après les termes de la loi rapportés plus haut, que l’opposition attribuée sous ce rapport par le Digeste à la loi Cornelia (note 18) est authentique.
[31] Les inscriptions de Scæva et de Tappo appartiennent au temps où le tribunat et l’édilité étaient encore occupés successivement. Celles de Masso, que j’ai vues, sont aussi, d’agrès la matière (travertin) et l’écriture, du début de l’époque d’Auguste. Celles de P. Pulcher et de Q. Geminius sont plus récentes ; mais elles sont aussi du temps d’Auguste.
[32] C. I. L. I, p. 45, lignes 7 et 15 rapprochées de la ligne 24.