II. — L’ÉDILITÉ PLÉBÉIENNE RÉCENTE ET L’ÉDILITÉ CURULE. Après l’union du peuple et de la plèbe réalisée en 387 par l’admission de la loi licinienne, deux édiles du peuple s’ajoutèrent en 388 aux deus édiles de la plèbe qui avaient existé jusqu’alors[1], et portèrent le nom d’ædiles curules[2]. Il y eut donc désormais quatre édiles et ce chiffre a subsisté sans modification durant toute la République. Ce fut seulement César qui en 710 porta le nombre des édiles plébéiens de deux à quatre[3], en donnant aux deux nouveaux la dénomination d’ædiles plebis Ceriales[4]. Ce chiffre de six édiles dura depuis[5] autant que la magistrature. Relativement à la place occupée par l’édilité dans la suite des magistratures, il suffit de rappeler que sous la République ni l’édilité curule ni l’édilité plébéienne n’étaient obligatoires, tandis que sous l’Empire le plébéien était obligé de revêtir l’une des édilités ou le tribunat, puis qu’il était habituel à l’époque de la République et qu’il fut plus tard prescrit par la loi de revêtir l’édilité après la questure et avant la préture. Le tribunat de la plèbe a sans doute à l’époque la plus ancienne généralement suivi l’édilité ; plus tard, peut-être depuis que l’édilité curule existe à côté de l’édilité plébéienne, il est revêtu avant l’édilité plébéienne comme avant l’édilité curule, tandis que, sous le Principat, la carrière des magistratures du plébéien requiert, avons-nous dit, l’édilité ou le tribunat. En conséquence les deux édilités sont rassemblées dans la liste officielle des magistrats et placées au-dessus du tribunat et au-dessous de la censure. Nous avons aussi déjà traité de l’éligibilité dans notre premier livre. En ce qui concerne le rang, la règle selon laquelle les magistratures plébéiennes ne peuvent être occupées, que par des plébéiens est de tout temps restée en vigueur d’abord pour les deux, puis pour les quatre édiles plébéiens[6]. L’édilité curule est d’abord arrivée à la vie comme magistrature purement patricienne[7] ; mais bientôt après, probablement dès l’an 390[8], sûrement depuis l’an 450 et à partir de là probablement jusqu’au VIIe siècle de la ville, les collèges patriciens et plébéiens ont alterné, l’édilité curule étant occupée les années impaires de Varron par deux patriciens et ses années paires par deux plébéiens[9]. En l’an 663, ce roulement n’existait plus[10], et l’on rencontre même dans les derniers temps de la République des patriciens et des plébéiens collègues dans l’édilité curule[11]. Lorsque ensuite Auguste rendit obligatoire l’occupation de l’une des édilités ou du tribunat, ce fut en exemptant les patriciens de cet échelon et par conséquent en restreignant l’édilité curule elle-même aux plébéiens. A partir de là donc le plébéiat fut une condition générale d’occupation de toutes les édilités. Depuis qu’ils ont été électifs, les édiles de la plèbe ont été élus par l’assemblée de la plèbe, donc depuis la loi Publilia de 283 par les tribus plébéiennes[12]. Les édiles curules sont mêmes élus, comme les questeurs et les magistrats inférieurs en général, dans les comices par tribus patricio-plébéiennes[13]. La présidence de l’élection des édiles plébéiens appartient aux tribuns du peuple, celle de l’élection des édiles curules au magistrat patricien le plus élevé du moment, donc en général, au consul. Nous avons déjà étudié les termes de la magistrature dans notre premier livre. L’année de magistrature des édiles curules a probablement été dès le début celle même du collège consulaire et prétorien auquel ils étaient adjoints. Il est vraisemblable que tant que les édiles plébéiens ont été seuls et ont été en fait au service des tribuns, ils ont eu les mêmes délais de magistrature qu’eux ; plus tard, probablement depuis la création de l’édilité curule, ils ont été soumis aux mêmes termes de fonctions que les édiles curules et par conséquent ont été régis comme eux par l’année de fonctions des magistrats supérieurs patriciens. Nous pouvons aussi renvoyer à nos explications antérieures pour le rang hiérarchique de cette magistrature, ses insignes et ses appariteurs. Les édiles curules rentrent parmi les magistrats du peuple au sens strict du mot et ils occupent une position intermédiaire entre les magistrats supérieurs et les magistrats inférieurs[14]. Ils ne possèdent pas les pouvoirs propres des magistrats supérieurs : le droit d’assembler le peuple et le sénat et la plénitude de juridiction, et ils n’ont pas de licteurs. L’édile curule est donc obligé d’obéir aux ordres des magistrats supérieurs et il peut, pendant la durée de ses fonctions, être cité devant le préteur en matière civile. Mais ils ont néanmoins une certaine part à l’imperium. Le haut commandement à la guerre leur est toujours resté refusé, car cette édilité est, comme l’ancienne, une magistrature purement urbaine. Mais nous verrons plus loin que l’imperium attaché à la juridiction leur était accordé pour le domaine spécial de la justice des marchés, et l’on en trouve la conséquence et l’expression dans le fait qu’ils partagent avec les magistrats supérieurs le siège curule duquel ils tirent même la qualification qui les distingue des anciens magistrats du même nom, qu’ils ont aussi la bande de pourpre à la toge et le droit de déterminer entre eux amiablement leurs compétences. La faculté de faire une dédication, bien qu’elle ait fait défaut aux édiles curules dans la rigueur du droit, leur a plus tard été souvent conférée comme aux censeurs pour des cas particuliers[15]. Autre conséquence importante de leur position de magistrats supérieurs : les ex-édiles curules, comme les ex-consuls et les ex-préteurs, avaient les droits permanents attachés à l’occupation de la magistrature : le droit de porter la prétexte aux fêtes publiques et lors de leurs funérailles, le droit de siéger au sénat et le jus imaginum, c’est-à-dire la nobilitas. Au sénat, les ex-magistrats supérieurs se distinguent comme classe hiérarchique supérieure des ex-édiles curules. Mais si l’ædilicius est au-dessous du consulaire et du prétorien, il se distingue encore beaucoup plus énergiquement du questorien, et on apercevrait sans doute plus nettement à Rome même l’espèce de rapport de collégialité entre les édiles et les magistrats supérieurs que nous rencontrons dans les municipes[16], si l’édilité curule n’y avait pas été rabaissée par son accouplement à l’édilité plébéienne. — Comme appariteurs des édiles curules on rencontre des scribes, des præcones et, au moins à l’époque ancienne, des viatores. Les édiles plébéiens n’ont jamais été assimilés pour les insignes hiérarchiques aux édiles curules. Comme les tri- buns de la plèbe, ses édiles n’ont pas d’autre siège que le subsellium et ils n’ont pas d’autre toge que la toge ordinaire sans bande de pourpre[17]. Ils ont encore moins part aux honneurs rendus aux ex-édiles curules après l’expiration de leurs fonctions ou à leur droit de siéger au sénat. Aussi, lorsque les deux édilités sont réunies, cite-t-on toujours l’édilité curule en premier lieu et la regarde-t-on en tout comme la plus relevée[18]. Cependant l’édilité plébéienne a certainement été rapprochée cri fait de l’édilité curule. L’édile plébéien a lui-même eu, au moins à l’époque récente, un tribunal sur le forum, quoique en dehors de là le tribunal aille avec le siège curule. Mais la meilleure preuve du rapprochement est dans la place occupée par cette édilité elle-même dans la hiérarchie des magistratures de la période républicaine récente et dans son élévation de fait au-dessus du tribunat du peuple. Les édiles plébéiens ont nécessairement cessé par là, au moins quant au fond, d’être les serviteurs des tribuns[19] ; on ne trouve d’ailleurs d’application pratique de nette subordination à l’époque dont l’histoire est certaine que dans un cas absolument extraordinaire[20]. Une autre suite de cela parait avoir été que, tandis que les tribuns ont toujours été tenus pour sacro-saints, ce caractère a été, dans la mesure du possible, dénié en théorie et retiré en pratique aux édiles de la plèbe : les magistrats supérieurs citaient devant eux l’édile plébéien sans plus de scrupule que l’édile curule et en cas de besoin le faisaient comparaître de force[21]. — Comme appariteurs on rencontre pour les édiles plébéiens, ainsi que pour les édiles curules, des scribes qui existent même soit auprès des édiles plébéiens au sens strict, soit auprès des édiles Ceriales. C’est sans doute par un simple hasard que nous n’avons pas encore de témoignages relatifs à leurs præcones. On trouve cités des viatores des édiles plébéiens ; mais l’un d’eux porte la qualification e lege Papiria et on peut se demander pour eux aussi si ces appariteurs leur ont appartenu à toutes les époques. Afin de déterminer la compétence des édiles, il faut d’abord préciser le rapport dans lequel les diverses édilités sont entre elles. Il est d’un caractère tout particulier. On ne peut pas considérer les édiles plébéiens et des édiles curules comme constituant un seul collège, car leurs conditions d’éligibilité, leur mode de nomination et leurs insignes officiels ne sont pas les mêmes[22]. On ne peut, pas exemple, assimiler sous ce rapport les édiles aux différentes catégories de préteurs et de questeurs, car les préteurs et les questeurs ne recevaient leurs compétences spéciales que par un acte qui suivait l’élection, tandis que les édiles étaient directement élus par le peuple comme édiles plébéiens, curules ou ceriales. Par suite aussi l’indication de la qualité accessoire est facultative pour les premiers et obligatoire peur les édiles dans le langage rigoureux[23]. Mais il ne serait pas moins erroné de voir, dans la dénomination commune aux deux magistratures, une simple homonymie comme celle qui existe entre les tribuni plebis et les tribuni militum, par exemple. La liste des magistratures romaines ne connaît qu’une édilité, en laquelle elle réunit l’édilité curule et l’édilité plébéienne, et les lois qui fixent la compétence ères édiles s’adressent non pas toujours, mais ordinairement aux édiles en général, sans distinguer les édiles plébéiens des édiles curules[24]. Nous trouvons là un cas tout spécial : deux magistratures différentes en la forme, mais pourvues d’une compétence égale dans l’ensemble. L’explication de ce système singulier ne peut être cherchée que dans les efforts faits en la période récente de la République, afin d’assimiler, en les transformant, à la constitution de la cité unitaire les institutions révolutionnaires de la plèbe qu’on n’aurait pu supprimer formellement sans péril. Nous avons déjà vu qu’on fit subir au tribunat une transformation interne semblable, tout en conservant ses formes extérieures essentielles. L’édilité, moins respectée et moins dangereuse, fut de même rendue inoffensive encore plus tôt et plus énergiquement. En même temps que l’admission des plébéiens au consulat donna la possibilité politique de supprimer le rôle séparé de la plèbe, l’édilité curule fut mise auprès de l’édilité plébéienne, et la compétence attribuée aux nouveaux édiles curules fut, en tant qu’il en était besoin, étendue aux édiles de la plèbe, évidemment afin de rendre ces derniers étrangers à leur destination primitive et de constituer sous l’ancien nom une magistrature nouvelle pourvue d’attributions nouvelles et pour la plupart communes, une magistrature qui était, sous le rapport des postes, partagée entre les patriciens et les plébéiens comme le consulat et qui, sous celui des attributions, était, toujours comme le consulat, une magistrature du peuple. Cela se manifeste avec une clarté singulière dans le changement apporté aux rapports des édiles avec les magistrats du peuple. Les édiles primitifs sont des auxiliaires des tribuns de la plèbe ; les édiles postérieurs, qu’ils soient curules ou plébéiens, sont des auxiliaires des consuls[25]. Ce ne sont pas seulement les édiles curules qui reçoivent leurs instructions des magistrats supérieurs du peuple[26] et qui doivent leur prêter main-forte sur leur demande, surtout en cas de péril ; les consuls se servent désormais absolument de la même façon des édiles de la plèbe[27]. La transformation de l’institution distincte de la plèbe en institution du peuple se révèle clairement. La meilleure preuve du caractère intentionnel de cette façon d’agir est l’attribution faite à la magistrature du peuple créée en 387 d’un titre dont le sens, resté compréhensible pour tous les Romains, ne s’accordait point avec la compétence conférée aux nouveaux édiles curules[28] et ne peut avoir été choisi qu’afin de légitimer ou d’annuler, comme on voudra, l’édilité de la plèbe en l’accouplant à l’édilité légitime du même nom. Les attributions primitives ne disparaissent assurément pas plus dans la transformation récente pour l’édilité que pour le tribunat. Mais elles sont appliquées et modifiées de telle sorte que les conséquences politiques et la valeur politique de l’institution se transforment. La surveillance des corvées a sûrement été étendue aux édiles curules et a été également exercée par eux, jusqu’à la disparition des corvées elles-mêmes. Il est très vraisemblable que l’obligation commune à ces travaux, qui pesait à la fois sur les patriciens et les plébéiens, a précisément eu une influence décisive sur la création de l’édilité récente prise dans les deux classes. La surveillance exercée par les édiles sur les archives ne cessa pas davantage ; mais elle reçut une autre forme. Il est hors de doute que, pour être valables, les sénatus-consultes, devaient, dans la période récente de la République, être déposés à l’Ærarium[29], au temple de Saturne situé au pied du Capitole et non pas au temple de Cérès ; il est en outre démontré que les questeurs urbains, sous la surveillance générale desquels était l’Ærarium, ont eu les sénatus-consultes sous leur surveillance tout au moins à la fin de la République[30]. Mais les édiles y ont cependant été mêlés à la même époque. Selon toute apparence, les archives propres de la plèbe placées dans le temple de Cérès et la haute surveillante donnée sur elles aux édiles de la plèbe ont été remplacées par une part donnée à l’édilité dans la surveillance des archives du peuple ; car c’est seulement Auguste qui a retiré, en 743, la surveillance des archives aux tribuns et aux édiles, parce qu’ils la négligeaient et la laissaient entièrement livrée à leurs appariteurs[31]. Du reste, parmi les édiles en fonctions près de l’Ærarium figuraient aussi et même, semble-t-il, figuraient surtout les édiles curules[32] ; car leurs scribes jouissaient d’une position particulièrement considérée qui ne peut s’expliquer d’une manière satisfaisante que par une participation à l’administration des archives[33] et ils avaient leur local officiel immédiatement auprès de l’Ærarium ou plutôt ils avaient une partie de l’Ærarium comme local officiel[34]. On ne peut préciser la façon dont les questeurs urbains et les deux catégories d’édiles se partageaient ou se devaient partager les rôles dans l’administration des archives[35]. En tout cas, l’administration édilicienne des archives a sous cette forme entièrement perdu son caractère d’opposition et apparaît exclusivement comme instituée dans l’intérêt du peuple tout entier. A partir de l’an 743, il n’en est plus question. Le rôle joué par les édiles en matière de justice criminelle a été soumis au même traitement. Les édiles plébéiens ont, avons-nous vu, figuré dans la procédure criminelle plébéienne, partie comme auxiliaires des tribuns, partie aussi, du moins selon la tradition qui nous a été transmise, comme titulaires indépendants d’une juridiction propre. — Le premier rôle a subsisté théoriquement et est resté, après comme avant, un droit distinct des édiles de la plèbe ; au reste, les édiles curules, alors même qu’ils auraient pu être employés comme auxiliaires des tribuns de la plèbe, auraient toujours été dépourvus de la sacro sainteté, de l’immunité efficace contre les magistrats du peuple, indispensable dans ce but. Pratiquement cette sacro sainteté constituait d’ailleurs une anomalie dans la condition de l’édilité moderne ; et, de même que l’immunité, cet usage des édiles plébéiens n’apparaît aux temps historiques que dans de rares cas exceptionnels. Au contraire, c’est en vertu d’une des principales fonctions des deux édilités que l’édile prononce au profit du peuple ou d’un temple du peuple des peines indépendantes et, après la provocation, les défend devant le peuple[36]. Pour trancher la question peu facile de savoir quel est le fondement de ce pouvoir et dans quel rapport il se trouve avec le reste de leurs attributions et celles des autres magistrats, il sera opportun de donner d’abord un aperçu des crimes et délits contre lesquels on peut établir que les édiles soient intervenus de cette façon[37]. 1. On ne trouve, à cette époque[38], qu’une action édilicienne certaine fondée sur une infraction directement dirigée contre l’État ; c’est celle formée en 508 par deux édiles plébéiens contre Claudia pour discours antipatriotiques[39]. On peut, en outre, rattacher à la même idée la menace de Cicéron de déférer à la justice du peuple en qualité d’édile curule toutes les personnes mêlées à la corruption des jurys sénatoriaux[40]. 2. Injures par actions faites à l’édite lui-même[41]. 3. Violences publiques commises par un particulier[42]. 4. Déplacement des récoltes d’un champ dans un autre opéré par sortilège ; une infraction prévue par les XII tables[43]. 5. Stuprum des femmes[44] et des hommes[45]. 6. Accaparement des grains, en vertu des lois spéciales rendues pour l’interdire[46]. 7. Usure, en vertu des XII tables et des lois postérieures analogues[47]. 8. Transgression du maximum établi par la loi Licinia et les lois analogues pour l’occupation des terres publiques en vue de la culture[48] et pour la conduite du bétail sur les mêmes terres[49]. Plusieurs des cas cités là sont en connexité avec les fonctions administratives des édiles que nous exposerons plus loin, les accusations relatives aux accaparements avec la cura annonæ, celles relatives au stuprum avec la surveillance des lieux de débauche. Mais il n’en est pas ainsi de la plupart. Ainsi, par exemple, l’exécution des lois sur l’usage des terres publiques est en opposition décidée avec le caractère exclusivement urbain de l’administration des édiles, et les accusations générales fondées sur une conduite antipatriotique excédent la sphère étroitement limitée de leurs autres fonctions. Il faut donc considérer la juridiction criminelle des édiles comme une compétence distincte de leurs autres attributions officielles. Les différents procès Miliciens et tribuniciens des temps historiques qui nous sont connus, révèlent même clairement la démarcation des compétences, quoiqu’elle ne soit exprimée nulle part. Les procès des tribuns sont, en dehors de ceux provoqués par la violation des privilèges de la plèbe, tous des procès intentés contre un magistrat ou un agent du peuple pour manquement aux devoirs de sa charge les procès des édiles concernent exclusivement des crimes et des délits qui ne se lient à aucune magistrature ou à aucun mandat public. Ce n’est que par un corollaire de cette règle qu’il n’y a pas parmi les premiers de procès contre des femmes et que, parmi les seconds, il y en a de nombreux que, lorsque un dommage causé à un particulier par un particulier, et par conséquent rentrant dans le domaine direct de la procédure civile, comme le sortilège destiné à déplacer les récoltes, l’usure et la plupart de ceux énumérés plus haut, est classé, pour des raisons d’utilité pratique, par une loi spéciale parmi les infractions réprimées par l’État, c’est toujours aux édiles et jamais aux tribuns qu’incombent les poursuites. Enfin, dans tous les procès Miliciens qui nous sont connus, la peine demandée est une multa qui dépasse le taux de la provocation et qui par conséquent, une fois la provocation formée, est soumise aux tribus. Quand on réunit tous ces éléments, on voit clairement que, lorsque la nouvelle édilité patricio-plébéienne a été organisée, on est parti du pouvoir qu’avaient déjà, précédemment les édiles plébéiens de concourir aux accusations criminelles des tribuns et peut-être même d’exercer une juridiction criminelle indépendante, pour donner, dans une égale mesure, aux deux catégories d’édiles la coercition inférieure que les édiles plébéiens possédaient probablement déjà depuis longtemps. Les édiles n’ont jamais exercé ni la coercition ni la juridiction capitales. Ils n’ont en outre jamais poursuivi les magistrats ni les agents du peuple, probablement parce que les procès politiques étaient réservés par la loi aux magistrats supérieurs de la plèbe. Lorsqu’ils font usage de leur droit de prononcer des amendes en dehors de la compétence impliquée par leurs fonctions elles-mêmes, la raison juridique paraît être que les lois pénales en jeu invitaient à agir tout magistrat ayant le droit d’amende. En pareil cas les édiles, étant les moins élevés des magistrats pourvus de ce droit, auront probablement été considérés par l’usage comme les premiers appelés à exécuter la loi. Les édiles n’ont sans doute jamais agi qu’en vertu d’une loi pénale spéciale invitant les magistrats à l’irrogation d’une multa dans un cas donné. C’est probablement ainsi qu’il est arrivé que notre tradition est pour ainsi dire muette sur les procès de même nature faits par d’autres magistrats et que ces procès apparaissent comme une particularité des fonctions des édiles. Les édiles, en dépit de leur compétence criminelle étendue, n’ont pas pour son exercice[50] le droit de citation (vocatio) et éventuellement de contrainte à la comparution et d’emprisonnement (prensio). Mais ce n’est pas difficile à concilier avec leurs procès en paiement d’amende. La règle du droit privé, selon laquelle un judicium n’est possible que si le défendeur comparaît personnellement, ne peut pas être transportée aux procès criminels proprement dits déférés au peuple, et moins encore aux procès Miliciens en prononciation d’amende fréquemment dirigés contre des femmes exclues des comices par leur sexe, contre des collègues que l’édile n’aurait pu contraindre à comparaître[51]. Sans aucun doute l’édile était obligé de porter à la connaissance du défendeur les procès projeté et de lui donner la possibilité de se défendre ; mais certainement aussi un procès de ce genre pouvait être suivi en l’absence du défendeur et par conséquent l’édile n’avait pour le faire aucun besoin d’avoir la vocatio. Quant à la prensio, il ne peut en être question pour les procès en prononciation d’amende, puisqu’il n’y a jamais eu pour eux, autant que nous sachions, de détention préventive. Le montant des amendes obtenues par l’action des édiles appartient au peuple ; mais, par exception, il n’a pas besoin d’être versé au trésor. L’édile qui a obtenu l’amende, l’emploie en général ou à ses jeux, relativement auxquels cet emploi ne peut être établi que pour les édiles plébéiens, ou habituellement en travaux de construction et de décoration des édifices publics ou religieux. Vers la fin de la République, les procès édiliciens en prononciation d’amende perdent du terrain, les questions perpétuelles supplantent de plus en plus la justice du peuple. Mais en droit la compétence de l’édilité n’a pas changé. Cicéron pouvait dire qu’avec cette magistrature lui avait été conférée la charge de mener tous les délinquants au Forum de la cité ; et une poursuite criminelle édilicienne de ce genre a encore joué un rôle sérieux dans les affaires de Clodius et de Milon. A côté de ces attributions de justice criminelle de l’édilité patricio-plébéienne organisée en 387, qui se rattachent aux pouvoirs de même famille de l’ancienne édilité plébéienne, la première a reçu un rôle administratif important, qui procède probablement de la direction du système des corvées, confiée à l’édilité plébéienne peut-être depuis sa création. Quand la magistrature a été dépouillée de son caractère d’opposition et rendue commune aux deux ordres, il fut tout indiqué d’en faire précisément une autorité administrative locale. La réforme de la police des marchés et des tribunaux des marchés a probablement été le motif direct de la création de l’édilité patricio-plébéienne. Ce n’est pas par hasard qu’on a au même moment institué un magistrat supérieur distinct exclusivement chargé de la juridiction civile et qu’on a ainsi soustrait cette juridiction à l’instabilité forcée des fonctions judiciaires des consuls et de leurs représentants. L’accroissement continu de la ville de Rome a entraîné la création de la préture et la transformation de l’édilité. Il était naturel qu’on imitât la civilisation hellénique plus avancée ; et l’édilité fondée en 387, peut fort bien avoir été copiée, directement sur l’agoranomie hellénique[52], par le nom de laquelle elle est constamment désignée en grec[53], quoique on ne puisse déterminer plus nettement quelle est la ville hellénique dont les hommes d’État romain ont pris directement la constitution pour modèle[54]. Il y a encore une autre preuve du caractère d’innovation réformatrice de cette création du gouvernement romain, c’est que la même institution a été introduite, sous le même nom, dans toutes les cités latines et même dans toutes les cités appartenant à la fédération romano-italique, évidemment sous l’influence de l’autorité romaine, et probablement, sinon au moment de la création de l’édilité romaine, au moins peu après, et qu’elle est depuis toujours restée un élément essentiel de la constitution de toutes les cités organisés sous l’influence romaine[55]. La tâche administrative des édiles est la surveillance de la vie publique de la capitale ; la compétence des nouveaux édiles eux-mêmes se restreint à l’intérieur de la ville et à ses environs immédiats s’étendant jusqu’à la première borne milliaire au-delà des portes[56]. Mais cette surveillance présente par la nature des choses un caractère si varié que son exposition doit inévitablement nitre plutôt faite par voie d’exemples que suivant une logique rigoureuse. En général, on peut distinguer la surveillance du commerce public et celle des rues et des places publiques, auxquelles se joignent les jeux comme troisième sphère d’attributions. La définition probablement traditionnelle des édiles, qui les désigne comme les curatores urbis annonæ ludorumque sollemnium[57] exprime clairement cette division tripartite. C’est en en partant que nous allons chercher à faire comprendre, par le détail, les attributions administratives des édiles. |
[1] Tite-Live, 6, 42. Il n’est pas parlé d’une loi ; mais elle ne peut avoir fait défaut. Pomponius, Digeste, 1, 2, 2, 26. Lydus, De mag. 1, 38.
[2] Sur les plus anciennes épitaphes des Scipions (C. I. L. I, 30. 31. 32) on trouve ædilis dans ce sens sans qualificatif. Mais les inscriptions et les médailles du VIIIe siècle portent déjà habituellement ædilis curulis (op. cit. 38. 436. 459. 460. 466. 469. 606. 607). En grec on conserve le qualificatif intraduisible (C. I. Gr. 1133 : Άγορανόμον κουρούλλιον. De même Dion, 39, 32. 54, 2 ; paraphrasé chez Plutarque, Mar. 5) ; les écrivains recourent cependant souvent au procédé commode consistant à désigner l’édilité curule comme la supérieure (Diodore, 20, 36 ; Plutarque, Mar. 5, Apophthegm. reg. et imp. Mar. 1 ; Dion, 53, 33), et la plébéienne comme l’inférieure (Plutarque, Apophthegm., loc. cit., Mar. 5 ; Dion, loc. cit.).
[3] Dion, 43, 51, sur l’an 710. Pomponius, Digeste, 1, 2, 2, 32. Suétone, Cæsar, 41. La plaisanterie de Laberius (chez Aulu-Gelle, 16, 7, 12) se rapporte partie à cela, partie à la prétendue intention de César de se faire permettre la bigamie par une loi (Suétone, Cæsar, 52. Dion, 44, 7).
[4] Ils sont appelés ædiles plebis Ceriales (l’orthographe Cereales est incorrecte) sur les deux inscriptions C. I. L. VI, 1822 et 1095 qui nomment à côté d’eux les ædiles pleb. tout court, et sur d’autres telles qu’Orelli, 3393 = C. I. L. IX, 2457 ; ædiles Ceriales par exemple sur les inscriptions Orelli-Henzen, 3143. 3149 (= C. I. L. IX, 3667). 3659 (= C. I. L. XIV, 2925). 6497 (= C. I. L. XI, 3364). 6145 (= C. I. L. IX, 2213) : Quand les inscriptions nomment des ædiles plebi tout court, il est permis d’y voir toujours les édiles plébéiens au sens étroit, bien que Dion, 47, 40, appelle les édiles de Cérès άγορανόμοι τοΰ πλήθους.
[5] Suétone, Vespasien, 2.
[6] Denys (6, 90) et Pomponius (Digeste, 1, 2, 2, 21) disent que les deux édiles plébéiens primitifs devaient être élus έκ τών δημοτικών, ex plebe. Dion dit la même chose, note 3, pour les quatre édiles plébéiens de l’Empire.
[7] Tite-Live et Pomponius (note 1) le disent et les débris de la liste la confirment en ce sens que tout au moins les deux premiers collèges de 888 et 389 ont nécessairement été patriciens. Une démonstration plus détaillée est donnée dans mes Rœm. Forsch. 1, 91 et ss. auxquelles je renvoie une fois pour toutes.
[8] Cela semble résulter du texte jusqu’à présent mal compris de Festus, p. 326. L’interprétation divergente de ce texte donnée par Reitzenstein (Verrianische Studien, Breslau, 1881), me semble défectueuse pour le point principal. L’introduction des jeux scéniques se place, comme on sait, selon Tite-Live, 7, 2, en l’an 390, et le nom unique conservé (probablement M. Popillius M. f. Lænas, consul en 395) prouve que ce collège était plébéien. — Suivant une allégation indiquée par Cicéron lui-même comme gratuite, Pro Plancio, 24, 58, le premier édile plébéien appartenait à la famille originaire de Tusculum des Juventii.
[9] Tite-Live, 7, 3, sur l’an 386. Polybe, 10, 4, sur la candidature du premier Scipion l’Africain à l’édilité pour l’an 541. La liste des édiles confirme cette allégation et la précise.
[10] Car M. Claudius Marcellus fut édile curule en cette année (Cicéron, De or. 1, 13, 57).
[11] Tite-Live, 7, 1. Dion, 43, 51. C. Julius Cæsar et M. Calpurnius Bibulus furent édiles curules en même temps en 689, M. Æmilius Scaurus et P. Plautius Hypsæus en 696.
[12] Denys, représente 6, 90, la plèbe comme élisant les premiers édiles, et 9, 43, les tribuns qui présentent de nouveau la loi sur l’organisation de l’assemblée par tribus de la plèbe comme y ajoutant la clause καί τό άγορανόμων άρχεΐον έν ταΐς αύταΐς ψηφοφορεΐσθαι έκκλησίαις, tandis que, chez Tite-Live, 2, 56, 2, la loi est plus heureusement rapportée dès le principe à l’élection des magistratus plebis. Voir aussi ce que Denys dit de plus du vote de la loi Publilia (9, 49).
[13] Piso, chez Aulu-Gelle, 7, 9, 2. Tite-Live, 25, 2, 7, sur l’élection de Scipion comme édile curule pour 511. Varron, De re rust. 3, 17, 1. Cicéron, Pro Planc. 20, 49. 22, 53.
[14] La distinction des magistratus majores et minores a été absolue tant qu’il n’y a eu que des consuls et des questeurs ; mais, parmi les magistratures nées par la suite, il se trouve des formes intermédiaires qui ne peuvent être appelées majores ou minores que relativement. Il en est ainsi d’une façon toute spéciale de l’édilité, la moins élevée des magistratures supérieures (Cicéron, De leg. 3, 3, 7), qui par suite est désignée à la fois comme un échelon important pour un débutant (Polybe, 10, 4, 1) et comme étant cependant en elle-même peu de chose (Cicéron, Verr. act. 1, 33, 37).
[15] Cf. plus loin la section des duumvirs ædi dedicandæ.
[16] Dans les institutions municipales, auxquelles la plèbe est inconnue, c’est, comme on sait, une règle de rassembler les deux consuls et les deux édiles comme formant le collège des IIII viri, ce qui ne permet pas de douter que les deux édiles aient été là, avec les deux magistrats les plus élevés, à peu près dans le même rapport qu’à Rome les préteurs avec les consuls. Le caractère de l’édilité investie de la juridiction apparaît là plus purement que dans la forme romaine.
[17] C’est un point douteux de savoir si les édiles de la plèbe portaient la robe de pourpre dans les jeux organisés par eux.
[18] Pour leur ordre, cf. par exemple, lex Jul. mun. ligne 24 ; Tacite, Ann. 13, 23.
[19] Denys, 6, 90.
[20] La procédure contre Scipion (Tite-Live, 29, 20, 11) ne prouve aucunement que les édiles plébéiens fussent encore employés de cette façon dans les poursuites politiques ordinaires des tribuns à l’époque récente de la République.
[21] Selon Tite-Live 3, 55, les tribuns voient, après la seconde sécession de la plèbe, leur caractère sacro-saint confirmé, probablement par un nouveau serment du peuple et ensuite l’inviolabilité d’eux et des autres magistrats plébéiens, en particulier des édiles, est arrêtée par une loi. On a ensuite greffé sur la distinction cette autre idée que la soustraction des tribuns à la juridiction serait plus énergique que celle des édiles et que la seconde et non la première demeurerait en pratique inobservée. Plus l’argumentation juridique est mauvaise, plus la pratique de la période récente de la République en ressort clairement. Le discours prononcé par Caton pour consolider le principe ædiles plebis sacrosanctos esse (chez Festus, v. Sacrosanctum, p. 218) est un argument pour soutenir qu’il était controversé. On pourrait même supposer qu’il y a eu un lien entre ce discours et l’envoi du sénat à Scipion en 550 ; mais pendant ces incidents, Caton n’était pas à Rome ; il était dans le camp de Scipion.
[22] Le nom de συνάρχων de l’édile curule Metellus donné chez Plutarque, Marcellus, 2, à l’édile, probablement plébéien, Scantinius, n’est pas une preuve suffisante du contraire.
[23] En faisant abstraction des monuments de la période ancienne de la République et des cas où la dénomination ædiles est employée pour réunir les deux catégories ; on ne trouvera que rarement le qualificatif omis. Il ne manque jamais sur les monnaies à l’unique exception de celle qui porte la légende : Memmius æd. Cerialia preimus fecit (R. M. W. p. 642 = tr. fr. 2, p. 514), et où l’omission trouve son excuse dans la désignation suffisante de l’édile qui résulte de la suite. On trouve bien ædilis tout court sur les inscriptions, ainsi dans celles antérieures à Auguste de L. Appuleius Tappo, C. I. L. V, 862 = Orelli, 3827 et de M. Fruticius, C. I. L. V, 3339, et sous l’Empire dans celles de T. Helvius Basila, C. I. L. X, 5058. 5051 = Orelli, 4365 et de L. Ragonius Quintianus, C. I. L. V, 2112 = Orelli, 2377 ; mais ces inscriptions restent toujours rares par rapport à celles qui indiquent le titre de préteur ou de questeur tout court.
[24] Cela ressort de la manière la plus claire dans la loi Julia municipalis où le chapitre relatif aux édiles commence par les mots, ligne 24 : Æd(iles) cur(ules) æd(iles) pl(ebei) quei nunc sunt queiquomque post h. l. r. factei createi erunt eumve mag. inierint, et continue en parlant exclusivement de l’ædilis. Il faut entendre de même Cicéron, De leq. 3, 3, 7.
[25] Dans le statut de Genetiva, les pouvoirs qu’il donne aux édiles, par exemple relativement à l’emplacement des constructions et à l’enlèvement des sépultures, sont en même temps toujours attribués au duumvir dont la haute surveillance générale s’étend aussi à cela.
[26] La preuve en est, par exemple, dans la séparation des sièges sénatoriaux au théâtre faite en l’an 560 par les édiles, mais sur l’ordre des consuls (Asconius, In Cornel. éd. Orelli, p. 69 ; Tite-Live 34, 54) et des censeurs (Antias, chez Asconius, loc. cit. ; Tite-Live, 34, 44, 5). On peut rattacher I’intervention des consuls à ce qu’ils présidaient ces jeux, si c’étaient vraiment les ludi Romani ; mais les instructions en formes paraissent émaner des censeurs que l’affaire touchait directement, et alors la conception exprimée au texte est seule admissible.
[27] Tite-Live, 39, 14. Lors que le sénat confia aux consuls de 568 une instruction extraordinaire sur les Bacchanales, consules ædilibus curulibus imperarunt, ut sacerdotes ejus sacri omnes conquirerent comprehensosque libero conclavi ad quœstionem servarent : ædiles plebis viderent, ne qua sacra in operto fierent. Les récits des années 291 et 326, Tite-Live, 3, 6 et 4, 30, et selon lesquels les édiles plébéiens auraient pris dans des moments de trouble des mesures de paix et de sûreté publiques, ont probablement été suggérés par le rôle qu’ils jouent à l’époque moderne à l’égard des consuls.
[28] L’ædium sacrarum procuratio générale, à l’aide de laquelle les étymologistes romains ont mis leur conscience en repos, est une attribution secondaire de l’édilité récente ; si les considérations de fond avaient été déterminantes, l’édilité aurait au contraire tiré son nom, comme son modèle grec, du marché et des affaires du marché.
[29] La mention la plus précoce de la délation des sénatus-consultes ad ærarium se rencontre sous la date de l’an 567, chez Tite-Live 39, 4, 8. Suétone, Auguste, 94. Tacite, Ann., 3, 51, montre avec une clarté spéciale que le sénatus-consulte ne devient obligatoire que par la délation.
[30] C’est ce que montre de la manière la plus nette le sénatus-consulte de 710, rapporté par Josèphe, 14, 10, 10 : Trois jours avant les ides d'avril, dans le Temple de la Concorde. Étaient présents à la rédaction Lucius Calpurnius Pison, [fils de Lucius], de la tribu Menenia, Servius Papinius…. Quintus, de la tribu Lemonia, Caïus Caninius Rebilus, [fils de Caïus], de la tribu Teretina, Publius Tidetius, fils de Lucius, de la tribu Pollia, Lucius Apuleius, fils de Lucius, de la tribu Sergia, [Lucius], Flavius, fils de Lucius, de la tribu Lemonia, Publius Plautius [Hypsaeus], fils de Publius, de la tribu Papiria, Marcus Asellius, fils de Marcus, de la tribu Mæcia, Lucius Erucius, fils de Lucius, de la tribu Stellatina, Marcus Quintius Plancillus (?), fils de Marcus, de la tribu Pollia, Publius Sergius… Publius Dolabella et Marc Antoine, consuls, ont pris la parole. — Sur les décisions relatives aux Juifs prises par Calus César de l'avis du Sénat, qu'il n'a pas eu le temps de déposer aux archives du trésor public, notre volonté est qu’il soit fait suivant l'opinion des consuls Publius Dolabella et Marc Antoine : que ces décisions soient portées sur les tables et communiquées aux questeurs urbains afin qu'eux aussi prennent soin de les porter sur les diptyques. Voir le préambule d’un sénatus-consulte d’Aphrodisias à peu près contemporain (Lebas-Waddington, n. 1627). Cf. Plutarque, Cat. min. 17. Dans le décret de Pise, Orelli, 643 = C. I. L. XI, 1421, il est prescrit, uti... IIviri ea... coram proquæstoribus primo quoque tempore per scribam publicum in tabulas publicas referenda curent.
[31] Dion, 54, 36, sur l’an 743. Cicéron, De leg. 3, 20, 46, indique aussi que les magistrats ne s’inquiétaient pas eux-mêmes de ces fonctions à l’époque récente. — On peut encore rapprocher de là l’existence à Cære d’une ædilis jure dicundo præfectus ærarii comme second magistrat supérieur et collègue du dictateur.
[32] Les appariteurs et le local officiel des appariteurs (note 34) qui se rattachent au service de l’Ærarium n’appartiennent qu’aux édiles curules.
[33] La décurie unique des scribes édiliciens et les trois décuries des scribes questoriens qui constituent ensemble les plus considérées de toutes les décuries d’appariteurs, s’accordent parfaitement avec cette idée, qu’elles sont en fonctions les unes à côté des autres près de l’Ærarium. La mesure d’Auguste de 743 enleva aux scribes des édiles leurs fonctions mais non leurs émoluments : c’est conforme à la façon dont on voit traiter ailleurs ces postes.
[34] Le local officiel des scribes et des præcones des édiles curules dont une inscription en date de l’an 214 nous a été conservée, semble s’être trouvé dans le voisinage immédiat des archives (Jordan, Top. 1, 2, 366). Cicéron, Pro Cluent. 45, 126. Tite-Live, 36, 39. La loi Julia municipales dit aussi, ligne 34, que les édiles avaient leur local officiel apud forum. Il ne faut pas le confondre avec leur magasin situé au Capitole.
[35] On peut concevoir que les édiles aient été chargés de provoquer l’homologation des sénatus-consultes par les tribuns et de conserver les originaux et les questeurs de les enregistrer sur les registres publics et d’en donner copie. Les seconds avaient seuls, sans nul doute, à s’occuper des livres de caisse. Cette supposition ferait aussi comprendre pourquoi il y avait trois décuries de scribes des questeurs et une seule de scribes des édiles.
[36] Les lois pénales récentes connaissent, à côté de la multæ inrogatio du magistrat devant les comices judiciaires, la multæ petitio soumise au préteur et aux jurés ; il se peut que parmi les procès rapportés ici quelques-uns soient des actions édiliciennes ainsi intentées devant le préteur. Mais de beaucoup la plupart sont clairement désignés comme se déroulant devant les comices (diem dicere, multam inrogare, etc.).
[37] En général comparer encore Val. Max. 8, 1, absol. 7.
[38] Nous avons parlé du prétendu procès intenté en l’an 300 par un édile contre un ex-consul qui avait mal fait la guerre.
[39] La sœur de P. Claudius Pulcher, condamné en 505 pour avoir mail commandé à la guerre, fut accusée d’avoir exprimé dans une foule qui l’incommodait, le souhait : Utinam reviviscat frater aliamque classem in Siciliam ducat atque istam multitudinem perditum eat..... ob hæc mulieris verba tam inproba ac tam incivilia C. Fundanius et Tiberius Sempronius, ædiles plebei, multam dixerunt ei aæris gravis XXV milia (Aulu-Gelle, 10, 6). Cf. Suétone, Tibère, 2, qui parle là de judicium majestatis apud populum ; Val. Max. 8, 1, damn. 4 ; Tite-Live, Ep. 19.
[40] Cicéron, Verr. act. 1, 12, 36. L. 5, 67, 173.
[41] Aulu-Gelle, 4, 14.
[42] P. Clodius accusa Milon de ce chef comme édile curule de 698. Asconius, In Milon. 14, 38. Cicéron, Pro Sest. 44, 95 ; Pro Mil. 14, 40 ; In Vatin. 17, 40. Dion, 39, 18. Cicéron, Ad Q. fr. 2, 3, renseigne en détails sur le procès. La peine demandée n’est jamais indiquée. Voyez Drumann, 2, 323.
[43] Pison, chez Pline, H. n. 18, 6, 41. Servius, sur les Églogues, 8, 99, cite les mots neve alienam segetem pellexeris comme ceux des XII tables.
[44] Tite-Live, 10, 31, 9, sur l’an 459. Gurges ne peut avoir formé ces accusations que comme édile, et, puisqu’il était patricien, comme édile curule. Tite-Live, 25, 2, 9, sur l’an 541. Cela n’empêche pas que le procès, invoqué dans le texte, tendit à une multa. — L’action que l’amoureux de Plaute veut intenter devant tous les magistrats contre sa maîtresse parce que contra legem a plurumis pecuniam accepit est parente de celles-là ; tout au moins le trait a sans doute été emprunté aux institutions romaines.
[45] Selon Tite-Live, 8, 22, 2, sur l’an 426, le peuple acquitta M. Flavius die dicta ab ædilibus crimine stupratæ matris familias. Val. Max. 6, 1, 7 : M. Claudius Marcellus ædilis curulis C. Scantinio Capitoline tribune plebis (il était plutôt édile plébéien : Plutarque, Marc. 2), diem ad populum dixit, quod filium suum de stupro appellasset. Le procès que Metellus Celer (ou le consul de 694 ou son père qui portait le même nom) intente pour une raison semblable contre Cn. Sergius Stilo diem ad populum dicendo (Val. Max. 6, 1, 8), parait aussi devoir être nécessairement compté parmi les procès édiliciens.
[46] Tite-Live, 38, 35 sur l’an 565. Plaute, Capt. 492 et ss., fait allusion à la loi prise pour fondement.
[47] Tite-Live, 7, 28, sur l’an 416. Selon Pline, H. n. 33, 1, 19, l’édile curule de 450, Cn. Flavius, érigea un temple à la Concorde ex multaticia feneratoribus condemnatis. Tite-Live 10, 23, sur l’an 458 et 35, 44, sur l’an 562.
[48] Tite-Live, 7, 16, 9 (cf. Denys, 14, 12 [22] etc.) sur l’an 397. L’accusateur est vraisemblablement un édile, probablement le fils de celui cité note 8. Le même, 10, 13, 14, sur l’an 456.
[49] Des condamnations à des amendes infligées à des pecuarii par les édiles sont rapportées pour les édiles curules en 469 (Tite-Live, 10, 47, 4) et 561 (Tite-Live, 35, 10), et pour les édiles plébéiens en 458 (Tite-Live, 10, 23, 13), 514 (Ovide, Fastes, 5, 285) et 558 (Tite-Live, 33, 42, 10, rapproché du c. 53, 1).
[50] ) Il ne faut pas confondre avec cela la prensio opérée par les édiles dans les accusations criminelles des tribuns.
[51] Valère Maxime, 6, 1, 7. On peut à la vérité, pour soutenir que la présence de l’accusé était nécessaire, argumenter de ce que le défendeur objecte lit à l’édile qui l’accuse se cogi non posse ut adresset ; mais ces mots sont aussi incertains au point de vue critique qu’ils seraient en dehors de là indignes de foi.
[52] L’analogie de fond des deux magistratures se révèle de la manière la plus énergique dans la traduction faite dès le principe (nous en avons la preuve depuis Polybe) et de tout temps, dans la langue officielle et la langue courante des Grecs, d’ædilis par άγορανόμος, en dépit de la divergence qui existe au point de vue littéral entre les deux expressions. Denys, 6, 90, dit aussi des édiles : Σχεδόν έοίκασί πως κατά τά πλεΐστα τοΐς παρ’ Έλλησιν άγορανόμοις. Assurément il y a des difficultés et peut-être des impossibilités à suivre cette analogie dans le détail. Des trois fonctions fondamentales de l’édilité romaine, la cura annonæ, la cura urbis et la cura ludorum, la première coïncide essentiellement avec l’agoranomie attique, en négligeant cette circonstance indifférente que le penchant athénien à la multiplication des magistratures place plus tard le marché aux grains sous l’autorité de σιτωφύλακες spéciaux. Les agoranomes, comme les édiles, surveillent le commerce du marché, en particulier en ce qui concerne les poids et mesures, ont un droit de correction et statuent sur les actes conclus au marché. En revanche, on peut se demander si la cura urbis est aussi comprise dans l’agoranomie grecque, bien que Platon, De leg. 6, p. 764, rapproche de la surveillance du marché celle des temples et des sources qui s’y trouvent. En somme ; la cura urbis romaine correspond plutôt à l’astynomie attique, qui, à la vérité, si elle n’est pas dérivée de l’agoranomie, lui est en tout cas corrélative. Si, au temps d’Aristote, Athènes avait dix agoranomes et dix astynomes, affectés cinq par cinq à la ville et au port, L’édilité romaine peut, en négligeant la cura ludodum qui se fonde sur des éléments plus fortuits, être définie, d’après ses deux attributions principales, comme une combinaison de l’agoranomie et de l’astynomie ; ce qui, à la vérité, ne veut pas du tout dire qu’historiquement elle ait été introduite par cette voie. Il faut laisser la suite des recherches à l’archéologie hellénique, qui Bailleurs ne devra pas oublier que l’agoranomie municipale du temps de l’Empire a probablement été organisée comme l’édilité municipale sous l’influence romaine. Si, par exemple, Athènes à cette époque n’a plus dix agoranomes, mais deux (Bœckh, Staatshaushaltung, 1, 70, note b), on ne peut méconnaître là l’imitation de Rome.
[53] Note 52. L’édile romain n’est jamais appelé par les Grecs άστυνόμος. Dion emploie cette expression pour le prætor urbanus ; les άστυνόμοι de Papinien (Digeste, 43, 1) sont probablement les IIII viri viis in urbe purgandis.
[54] Neapolis en Campanie, à laquelle sont empruntés les dénominations grecques des magistratures romaines, avait aussi des άγορανόμοι (C. I. Gr. 5799 ; C. I. L. II, 1490).
[55] Tandis que la magistrature supérieure des cités dépendantes révèle dans la multiplicité relative de ses formes un développement spontané, le second collège des ædiles ou, comme on les appelle ordinairement à l’époque récente, des duoviri ædilicia potestate présente une uniformité surprenante (cf. la loi repetundarum, ligne 78). On ne rencontre, à proprement parler, qu’une divergence essentielle : un certain nombre de villes, particulièrement dans la Campanie du Nord, ont à leur tête trois ædiles au lieu d’un quattuorvirat composé des duoviri jure dicundo et des duoviri æd. pot. L’institution municipale est faite uniquement à l’image de la magistrature patricienne des ædiles curules et ne connaît pas les édiles plébéiens : la juridiction qui appartient aux édiles municipaux (Suétone, De cl. rhet. 6 ; Juvénal, 10, 101, etc.) suffit à le prouver. Cf. Hermes, 1, 66.
[56] Il est parfaitement conciliable avec cela que les édiles convoquent, par un édit, à une cérémonie religieuse, au Capitole, toutes les femmes habitant à Rome ou autour de Rome jusqu’à la 10e borne milliaire (Tite-Live, 27, 37, 9).
[57] Cicéron, De leg., 3, 3, 73. Les duumvirs ou, comme ils s’appellent aussi dans les programmes, les édiles u. a. s. p. pros. de Pompéi sont par suite entendus par Avellino (Opusc. 2, 181) et par Henzen (sur l’inscription 6968 de son recueil) comme préposés urbi (ou viis) annonæ sollemnibus publice (ou sacris publicis) procurandis. Mais cette interprétation est contredite par la remarque que cette désignation se rencontre uniquement sur des inscriptions de ministri Augusti et semble se lier au culte des Augustales (cf. la discussion réfléchie de Zangemeister, C. I. L. IV, p. 9, et X, p. 93).