La cité romaine contient, depuis l’époque la plus ancienne, à côté des citoyens complets, les patriciens, d’autres membres qui lui appartiennent exclusivement comme les patriciens, mais qui sont dépourvus des droits politiques, les plébéiens. Après avoir acquis une participation inégale à la vie politique, en, première ligne le droit de servir dans l’armée et d’occuper des grades d’officiers (tribunatus) ainsi que de voter dans les assemblées du peuple disposées militairement, ils firent un nouveau, pas. Ce fut de se constituer, dans le sein de la cité laissée intacte pour le surplus, non pas militairement, mais politiquement en un peuple indépendant ayant une assemblée distincte, le concilium plebis, et des magistrats distincts, les tribuni et les ædiles plebis. — La tradition place, comme on sait, cette fondation, en l’an 260 et elle la rattache à une émigration des plébéiens sur une colline du territoire de l’ancienne ville de Crustumeria, le Sacer mons. L’organisation distincte de la plèbe, supprimée en 303, parce que la codification confiée aux décemvirs patricio-plébéiens devait tenir lieu de la protection des tribuns, fut très rapidement rétablie par des voies révolutionnaires[1]. Depuis, le tribunat du peuple a subsisté, au moins dans la forme, aussi longtemps que l’État. Le tableau de la formation même de la plèbe et de sa situation particulière est donné dans le livre du Peuple. Ici nous devons décrire la forme extérieure et les attributions de cette magistrature d’un caractère unique. — Le modèle pris pour cette organisation, comme pour celle de toutes les autres collectivités qui se sont développées à Rome, et avant tout pour celle de la plèbe, a. été la constitution de la cité romaine. La cité avait alors deux magistrats supérieurs et deux magistrats inférieurs, les consuls et les questeurs ; les magistrats de la plèbe, les tribuns et les édiles, sont copiés les premiers sur les consuls et les seconds sur les questeurs ; en particulier en ce qui concerne le tribunat primitif, c’est ce modèle qui a été calqué pour tous les points. La dénomination tribunus plebi ou plebis[2], la seule que l’on rencontre pour cette magistrature et qui est sans doute sa dénomination primitive, en grec δήμαρχος[3], est déjà expliquée par Varron[4] par l’idées que les premiers tribuni plebis sont venus des tribuni militum, et c’est probablement à bon droit. Car, tandis qu’on ne peut pas établir que les : tribuns de la plèbe aient, particulièrement à, l’époque la plus, ancienne, été dans un rapport spécial avec les tribus du peuple, que leur nombre primitif ne correspond pas non plus à celui des tribus, des tribuni plébéiens ont exercé les fonctions d’officiers dès avant la constitution politique de la plèbe. Il a donc été naturel, en particulier si, comme nous l’affirme la tradition, la révolution a été opérée au moyen d’une retraite militairement ordonnée de toute la plèbe hors de la ville, que le nom des chefs de cette retraite ait passé aux chefs réguliers de la plèbe. Tous les témoignages qui nous sont parvenus admettent qu’il n’y a eu à l’origine que deux tribuns[5]. Celle de ces relations qui est probablement la plus primitive, celle de Piso[6] et de Cicéron[7], représente ce chiffre comme ayant subsisté jusqu’en l’an 283. Tuditanus (probablement le consul de 625) et pareillement Tite-Live et les annalistes récents font, dès l’an 260 lui-même, trois autres tribuns s’ajouter aux deux premiers par cooptation[8]. Au contraire, selon le témoignage, seul digne de foi, de Diodore[9], c’est en 283, en vertu de la loi Publilia, qu’on a nommé pour la première fois quatre tribuns, et Piso est d’accord avec lui, sauf en ce que, chez lui comme chez son contemporain. Tuditanus et les annalistes postérieurs, le chiffre passe de deux à cinq. L’élévation au chiffre dix est placée par Tite-Live et Denys en l’an 297[10], par Dion, semble-t-il, en l’an 283[11]. Toutes les versions sont d’accord sur un point, sur l’existence du nombre dix avant le rétablissement du tribunat en 305[12]. On lie en outre au chiffre cinq et au chiffre dix postérieurement avéré, l’affirmation que les cinq tribuns, et plus tard les dix, auraient été pris à raison de un et ensuite de deux par classe dans les cinq classes de la constitution servienne[13]. Mais cette combinaison des tri- buns et des classes est fictive. Le cens d’une classe déterminée n’est requis nulle part pour un tribun ou un couple de tribuns particuliers ; en outre, cette relation ne pourrait guère se concilier avec le caractère général de la magistrature romaine, où l’on évite de mettre un magistrat en relation directe avec une fraction du peuple, où les magistrats sont sans exception les élus de tous et les représentants de tous. Cette allégation renferme en elle une double falsification historique ; car il n’y a jamais eu cinq tribuns et la période antérieure à la guerre d’Hannibal ne connaissait pas les cinq classes ; elle ne connaissait, verrons-nous (VI, 1), qu’une e1msis et des citoyens infra classem. En conséquence, il reste au moins très vraisemblable que le chiffre primitif a été le chiffre deux, qui s’appuie sur l’analogie des deux ædiles plebis et des deux consuls, tandis que le chiffre quatre introduit par la loi Publilia de 283 et le chiffre dix postérieur sont sûrement attestés[14]. — L’allégation relative à un onzième tribun[15] est, sans aucun doute, apocryphe ; son auteur peut, par exemple, être parti de l’idée que le chiffré dix n’aurait pas été un nombre absolu mais un simple minimum. Les prescriptions relatives à l’éligibilité au tribunat, ou bien sont empruntées aux règles existant pour les magistratures patriciennes, ou tout au moins leur sont corrélatives~ Nous les avons donc à ce point de vue déjà étudiées à leur sujet. De même que le patriciat était exigé à l’origine pour les magistratures patriciennes, le plébéiat a pareillement été nécessaire à l’origine pour le tribunat du peuple, et il l’est même resté pour lui durant tout l’Empire[16]. — Cette condition semble avoir été requise non pas précise ment pour l’occupation du tribunat, mais pour la candidature au tribunat, ce qui a eu pour suite que des patriciens ont été considérés comme capables d’être tribuns quand lés tribuns étaient nommés par cooptation[17]. Cependant cela n’a qu’une importance historique restreinte, la cooptation ayant de bonne heure disparu pour le tribunat lui-même. — Les dispositions relatives à l’ingénuité et à l’accomplissement du service militaire sont communes aux magistratures patriciennes et plébéiennes. Nous avons déjà étudié, en même temps que pour les magistratures patriciennes, les règles qui régissent les magistratures plébéiennes au point de vue du cumul de la continuation et de l’itération et de l’intervalle, comme au point de vue de leur ordre de succession, soit entre elles, soit par rapport aux magistratures patriciennes. Le caractère de l’assemblée dans laquelle sont élus les magistrats de la plèbe, est étudié en son lieu (VI, 1). A l’origine, c’est une assemblée des curies, que l’on paraît considérer comme étant celle des curies patricio-plébéiennes. Sur la présidence de l’élection à cette époque, nous n’avons aucun renseignement. On semble s’être également gardé d’attribuer aux tribuns le droit d’agir avec l’ensemble du peuple ou aux consuls celui de présider les élections des tribuns ; et, en effet, l’une ou l’autre chose eut été contradictoire. Par contre, si, comme il est vraisemblable, les tribuns ont été élus à, l’origine par la plèbe distribuée par curies, ils ont dû occuper eux-mêmes la présidence de l’assemblée. C’est la solution qu’exigent à la fois le fond des choses et l’analogie du consulat. — Après le transfert de l’élection des tribuns aux tribus plébéiennes, la présidence du vote appartient sans nul doute aux tribuns du peuple[18], et il n’a depuis été apporté aucune exception à cette règle, en faisant naturellement abstraction de la reconstitution révolutionnaire du tribunat de 305[19], tant que des tribuns ont été nommés par le peuple[20]. — Entre les tribuns également appelés à diriger le vote c’est, comme entre les consuls, l’accord amiable[21] ou le tirage au sort[22] qui décide. — Au cas où le scrutin ne donna pas de majorité pour la totalité des places, le tribun ou les tribuns élus avaient, à l’origine, le droit de cooptation, qui d’ailleurs fut supprimé dès l’an 306 par le plébiscite Trébonien. A partir de là, les tribuns furent obligés non pas seulement de se donner des successeurs, mais de s’en donner dix, et, par conséquent, si le résultat du premier scrutin était incomplet, de fixer un second terme pour les élections complémentaires. Si l’un des tribuns élus venait à disparaître avant d’entrer yen charge ou durant l’exercice de ses pouvoirs, l’organisation des élections complémentaires regardait les tribuns en fonctions à ce moment. Au cas où l’élection des successeurs n’avait pas lieu, l’interrègne servait de remède pour le consulat ; comme il n’y avait pas pour le tribunat d’institution analogue, on n’a eu d’autre ressource que d’empêcher, par la menace des peines les plus rigoureuses, qu’aucun collège de tribuns se retirât avant la nomination de celui qui devait lui succéder[23], et en même temps d’écarter le plus possible les difficultés ou les obstacles qui pourraient s’opposer au vote. C’est pourquoi il n’y a pas d’observation préalable des auspices pour cette assemblée, et on ne laisse même qu’un espace restreint aux signes divins relevés pendant qu’elle se tient. C’est encore pour la même raison que l’élection précède d’un intervalle de temps assez large le changement de magistrats, que l’intercession est défendue contre les comices électoraux plébéiens et qu’en même temps obi a élevé le chiffre des membres du collège à une hauteur ailleurs sans exemple. Les causes qui ont entraîné les interrègnes consulaires étaient en somme écartés par là. Il suffisait que l’un des dix tribuns en- fonctions pût et voulût procéder à l’élection. Cependant il restait toujours une lacune : un vice pouvait se présenter et, s’il n’était relevé qu’après la retraite de l’ancien collège, il n’y avait aucun moyen d’arriver par les voies constitutionnelles à, la constitution d’un collège exempt du vice. Mais, dans la mesure de notre tradition, ce cas exceptionnel ne s’est jamais présenté[24]. L’annalité, qui s’est, des le principe, appliquée à la magistrature tribunicienne à l’image de ce qui avait lieu pour le consulat, et les termes de la nomination et de l’entrée en charge, qui ont été fixés pour elle plus tôt que pour lui, ont déjà été étudiés. La collégialité, au sens où elle s’est développée pour le consulat, celle en vertu de laquelle chacun des membres du collège exerce intégralement les pouvoirs attribués à la magistrature sans avoir besoin du concours des autres membres, mais en pouvant être arrêté par leur contradiction ; a aussi été transportée au tribunat[25]. Le tribunat, malgré l’occasion facile qu’en eût fourni le nombre de ses titulaires, n’a jamais eu de chef[26]. A partir du moment où elle a eu une existence, la plèbe, ainsi que nous l’expliquerons plus longuement dans le chapitre qui la concerne (VI, 1), a commencé par être un État dans l’État et a fini par devenir un corps électoral différent du populus par sa composition, mais exprimant comme lui la volonté publique. La résolution prise par le concilium de la plèbe est, à l’origine, étrangère à l’État et elle est plus tard l’égale de celle du populus. La plus ancienne phase du développement de la plèbe est en dehors du droit encore plus que de la tradition. Il y a forcément eu une époque où la plèbe n’était autre chose que la révolution en permanence, où son droit n’était que la possibilité de se faire justice à soi-même. Mais notre exposition ne peut se rapporter qu’aux droits reconnus à la plèbe par le peuple, droits à côté desquels leur véritable fondement, la possibilité de se faire justice, se manifeste d’ailleurs, à l’époque la plus ancienne, dans toute son énergie et avec une large étendue. La description du tribunat du peuple se divise en deux sections partagées par la loi Hortensia de 467, quoique, à vrai dire, certaines conséquences du système primitif se constatent encore postérieurement. Nous allons à â1ord essayer d’exposer la condition juridique des tribuns du peuple dans la période où la plebs existait à côté du populus. Tant que le peuple n’a pas été lié ou n’a pas été lié sans autres formes par les résolutions de la plèbe, la magistrature plébéienne, et en particulier le tribunat, s’est trouvée opposée à la magistrature de l’État. Les tribuns de la plèbe ne sont pas nés, avec la qualité de magistrats de l’État : leur dénomination suffit à l’impliquer, et c’est en outre reconnu de la manière la plus précise par nos sources[27]. Nous commencerons donc l’étude de la situation du tribunat du peuple avant la loi Hortensia au point de vue négatif, en montrant quels attributs des magistratures de l’État leur ont manqué à l’origine et pour partie de tous les temps. Le refus fait aux tribuns de droits des magistrats se manifeste extérieurement en ce qu’ils n’ont ni les insignes ni les serviteurs des magistrats ; ils n’ont ni faisceaux ni licteurs ; ils ne portent pas la bordure de pourpre à leur toge ; et ils ne s’assoient pas sur un siège, ni sur le siège curule des magistrats supérieurs, ni sur le simple siège des magistrats inférieurs. Cependant il leur est permis à eux-mêmes de s’asseoir, et le banc (subsellium) sur lequel ils sont assis pour remplir leurs fonctions est également devenu, dans le cours des temps, leur insigne officiel. On rencontre aussi des scribæ, des viatores, des præcones des tribuns du peuple. Pourtant aucune de ces corporations n’est arrivée parmi les appariteurs à une importance saillante, et elles sont probablement toutes d’origine récente, d’autant plus qu’il est à croire qu’à l’époque la plus ancienne ce sont, ainsi que nous l’expliquerons à leur sujet, les édiles de la plèbe qui ont tenu lieu d’appariteurs aux tribuns. Les auspices et l’imperium constituent l’essence propre de la magistrature, en particulier de la magistrature supérieure, de laquelle seule on peut rapprocher le tribunat du peuple. Ils lui manquent au même degré. Il se peut, à la vérité, qu’au temps où la doctrine des auspices était vivante, et tant qu’il y a eu des auspicia privata à côté des publica, la plèbe ait pris des auspices propres d’après l’analogie des seconds[28] ; et en ce sens on appelle aussi templum le lieu où les tribuns président l’assemblée de la plèbe[29]. Mais les auspicia populi Romani n’appartenaient pas à l’origine aux tribuns et il est difficile qu’ils leur aient été étendus par la suite. Tandis que les magistrats élus par le peuple le sont tous auspicato, c’est le contraire pour ceux de la plèbe[30], au moins depuis qu’ils sont élus, par elle[31]. Le plébiscite est également appelé lex inauspicata[32]. En face de ces informations générales, qui, selon toute apparence, sont empruntées à la doctrine du droit public et sont expressément indiquées comme s’appliquant jusqu’au temps d’Auguste, l’allégation d’un auteur grec récent, selon laquelle la loi Valeria Horatia de 305 aurait conféré les auspices aux tribuns du peuple, n’a qu’un faible poids[33]. Un argument décisif en sens contraire est qu’on ne trouve pas un seul exemple, d’une certitude indubitable, d’auspices plais pour un acte accompli par les tribuns. Il n’est jamais question d’auspices pour leur entrée en charge[34] et on n’en trouve pas davantage de vestige certain avant la réunion du concilium plebis[35]. Quand les tribuns délibéraient avec les centuries dans des procès capitaux, les auspices préalables devaient sans doute nécessairement être pris, mais, puisqu’ils ne convoquaient pas eux-mêmes les centuries, qu’elles étaient convoquées pour eux par le préteur, il peut y avoir eu là un prêt des auspices semblable à celui qui parait avoir existé pour les comices capitaux des questeurs[36]. Il n’y a pas non plus de preuve suffisante de la convocation exceptionnelle du sénat par les tribuns et de la prise régulière des auspices pour les séances du sénat ; car il n’est pas du tout démontré que ces auspices, qui sont en tout cas à un plan très reculé, aient été absolument nécessaires à la séance de l’assemblée et que le sénatus-consulte rendu inauspicato ait été nul en droit. — Il est donc vraisemblable que les auspicia impetrativa du peuple n’ont jamais été étendus aux magistrats plébéiens. Il en a été autrement des auspicia oblativa. La survenance d’un orage interrompt dès l’origine le concilium plebis comme les comices, et il n’y a aucun doute qu’en ce sens le tribun qui présidait une assemblée de la plèbe a toujours eu le droit et le devoir de constater les auspices[37]. Par suite, un vitium est possible dans l’acte d’un magistrat plébéien et la survenance d’un tel vice dans les élections des édiles plébéiens faite en 552, est expressément attestée[38]. L’obnuntiation des magistrats s’étend donc à ce domaine en tant qu’elle est exercée par les tribuns du peuple[39], non pas seulement contre l’assemblée du peuple ; mais aussi contre le consilium plebis. Dans la mesure où l’obnuntiation se rapporte aux auspicia oblativa, son admission même a l’encontre de l’assemblée des plébéiens résulte de ce que les tribuns ont été, à l’époque récente, regardés comme des magistrats du peuple mais il y a une anomalie en ce que, plus tard, les tribuns ont à cette fin observé les éclairs, dont l’observation rentre dans la spectio et qui appartiennent aux auspicia impetrativa. C’est pour cette raison que les augures figurent comme hommes de l’art dans les assemblées de la plèbe et peuvent, soit faire la nuntiatio d’un empêchement pendant leur durée, soit apprécier le vitium après leur fin. — Cependant, même en ce qui concerne les auspicia oblativa, il y a, sinon en théorie, au moins en pratique, une différence essentielle à constater entre les actes des magistrats patriciens et ceux des magistrats plébéiens. La plèbe et ses chefs se sont visiblement gardés d’adopter dans leur intégralité, pour leurs assemblées propres, les conséquences qui pouvaient être tirées et qui étaient tirées pour la cité des auspicia oblativa et du système des vices ; la pleine assimilation du peuple et de la plèbe relativement aux vices et à la consultation des augures, a probablement été plutôt une doctrine propre au parti des optimates[40] qu’un droit officiellement reconnu. Le tribun du peuple ne voit pas seulement l’exercice de ses fonctions limité topographiquement à la ville et à ses environs jusqu’à la première borne milliaire : il a été de tout temps dépourvu, dans le territoire domi, des fonctions positives qui sont de l’essence de la : magistrature supérieure, du commandement militaire en campagne et de la juridiction civile dans Rome, c’est-à-dire de l’imperium[41]. Il est encore moins chargé de ces fonctions de serviteur ou de cette compétence délimitée, auxquelles se ramène la magistrature inférieure. Si la magistrature consiste à disposer et à ordonner dans des bornes déterminées, cette activité positive et régulière est étrangère au tribunat, dont l’action a été, dans le principe, exclusivement et, de tout temps, surtout, négative et anormale, ainsi que nous allons avoir à l’établir de plus près, En ce sens donc, il faut refuser le rôle de magistrat aux tribuns avec une encore plus grande sûreté que les auspices. Enfin, si les pouvoirs de magistrat se fondent nécessairement sur une loi ; si les délits ou les atteintes contre les magistrats sont des manquements à cette loi, les tribuns ne peuvent se placer sur un pareil terrain juridique. Le succédané qui le remplace pour eux, c’est nominativement la religion et pratiquement la force individuelle des plébéiens. Selon l’expression romaine, la puissance tribunicienne n’est pas une potestas legitima, une puissance se fondant sur la loi ; c’est une potestas sacrosancta, en grec, une ίερά καί άσυλος άρχή[42]. L’idée liée par le droit public romain au mot sacrosanctus est bien appliquée là, mais elle est en même temps dénaturée. En droit, il désigne une disposition émanant du peuple et rendue pour lui irrévocable par le serment de ses représentants réguliers, comme il en est régulièrement établi à l’égard d’autres cités, mais il peut aussi en être établi à l’égard des citoyens. Au contraire, suivant une tradition qui remonte à la plus haute antiquité et qui est sans aucun doute exacte, l’intangibilité et l’inviolabilité des tribuns se fondent sur ce que, lors de la constitution de la plèbe, ses membres actuels et futurs se donnèrent pour loi et se promirent par serment de venger les atteintes aux tribuns contre ceux qui les commettraient et de tenir cette vengeance pour un meurtre légitime[43]. Cette inviolabilité était donc aussi garantie par un acte religieux (sacro sancta) ; et c’est lit ce que les jurisconsultes romains veulent dire en parlant de l’inviolabilité religieuse des tribuns ; mais ils l’opposent à l’inviolabilité légale des magistrats[44]. Le droit sacro-saint qui désormais a été attaché au tribunat et qui s’y est du même coup incorporé, n’est pas le droit sacro-saint primitif : La décision du peuple est remplacée par celle dés plébéiens ; le serment juré par les magistrats du peuple par le serment collectif de la plèbe ; et en conséquence, la peine de mort portée contre l’attentat au magistrat est remplacée par la justice privée, renforcée à l’aide d’un serment, qui se présente partout on la loi fait défaut, par exemple, pour la proscription de la royauté et des pouvoirs analogues[45]. — Nous ne pourrons traiter quo plus loin des effets positifs du caractère sacro-saint et de la différence par laquelle sont séparés le droit qui protège les tribuns et celui’ qui protège les magistrats. Après avoir ainsi décrit le côté négatif du tribunat du peuple, la façon dont les tribuns sont dépourvus de la situation de magistrats, en particulier leur défaut d’insignes, d’auspices, d’attributions et de protection légitime, étudions les pouvoirs positifs des tribuns du peuple, pouvoirs qu’au reste nous avons déjà dit indiquer en partie à propos de ces négations. La puissance tribunicienne se compose essentiellement, dans la période antérieure à la loi Hortensia, de trois pouvoirs ; ce sont : le droit d’agir avec la plèbe même contre la volonté des magistrats supérieurs ; le droit de prohiber dés actes de magistrat ; et enfin la coercition et la justice. 1. Les tribuns n’ont jamais prétendu au droit des magistrats d’agir avec le peuple et d’en obtenir une résolution. Ce qu’ils ont revendiqué, ce n’était pas le droit qui appartient, par exemple, à toute association de s’assembler et de déterminer la volonté de sa majorité ; car la plèbe n’était, ni prétendait être un collège ; ce qu’ils revendiquaient, c’était le droit de délibérer avec leur sorte de peuple comme le faisaient les magistrats avec le peuple véritable c’est-à-dire avant tout le pouvoir de provoquer une pareille résolution, même contre la volonté des magistrats du peuple, de prendre des décisions et de faire des élections sans en être empêchés par eux, l’intercession des collègues entre eux fonctionnant d’ailleurs chez les magistrats de la plèbe comme entre les magistrats supérieurs du peuple. La constitution légale de la plèbe a donc logiquement eu pour origine, la résolution prise par elle et confirmée par son serment de ne tolérer aucune entrave apportée à ces actes, et, parmi les privilèges qu’elle réclama et qu’elle sut conserver après les avoir obtenus, figure en première ligne la soustraction de ses assemblées a toute entrave venant des magistrats[46]. A partir de là, il fut interdit sous des peines rigoureuses, soit aux particuliers, soit aux magistrats, d’interrompre ou de troubler autrement le tribun qui parlait au peuple[47]. Les actes officiels eux-mêmes étaient suspendus, quand le tribun parlait au peuple[48]. Cependant la chose ne peut guère être allée à ce point que les comices du peuple aient dit être interrompus s’il plaisait à un tribun de convoquer une assemblée de la plèbe[49]. — Cette disposition rendait possible aux tribuns de procéder, même contre la volonté des magistrats du peuple, aux élections qui leur incombaient, à celles de leurs successeurs et de leurs auxiliaires, les deux ædiles plebis, qui ont également été élus par la plèbe sous la présidence des tribuns, et cela, autant que nous sachions, dès le principe ; elle leur rendait possible de faire prendre des décisions par, la plèbe et de lui adresser à tout moment toutes, les communications qu’il leur plaisait. C’était donc la garantie soit de l’existence de l’assemblée distincte de la plèbe, soit de la persistance de l’agitation. 2. Le droit d’intercession des tribuns, le veto tribunicien[50] a déjà été expliqué pour les points essentiels. Car, ainsi que nous Pavons montré en son temps, ce droit de prohibition n’a pas été inventé û titre indépendant pour les tribuns ; c’est un droit générai de magistrat attaché à la puissance supérieure, né d’abord pour le consulat et la dictature et ensuite étendu au tribunat, de telle sorte que ce dernier s’efface à la vérité devant la dictature investie de sa plénitude première de pouvoirs, mais l’emporte sur le consulat et sur tous les autres pouvoirs permanents : Il est difficile que ce droit, tel qu’il nous est connu, ait été acquis d’un seul coup par les tribuns. C’est, selon toute apparence, en usant de la force que la plèbe est arrivée, suivant un développement assurément traversé par dés crises et des oscillations de toute sorte, à imposer progressivement la reconnaissance théorique du droit d’intercession des tribuns. Mais ces origines révolutionnaires nous sont voilées. Nous ne pouvons que reproduire la doctrine de nos sources selon laquelle l’acquisition du droit d’intercession a été contemporaine de la création du tribunat et pour les points principaux l’a été, immédiatement dans toute son étendue postérieure[51]. La cause pour laquelle l’intercession ressort avec une énergie beaucoup plus grande dans le tribunat que dans les autres magistratures tient en partie à ce que, par suite du défaut des fonctions positives des magistrats supérieurs, du défaut d’imperium, les fonctions négatives s’y trouvent seules ; mais, d’un autre côté, l’intercession s’est, dans le cours du temps, de plus en plus concentrée dans le tribunat, soit légalement, soit encore plus en fait. Il nous suffira ici, en nous référant à l’exposition générale déjà donnée, de rassembler lés points qui présentent une importance particulière pour la puissance tribunicienne et de donner quelques informations complémentaires sur des dispositions spéciales. au tribunat que nous avons alors passées sous silence. a. L’intercession tribunicienne dirigée contre un décret de coutre un décret ; magistrat sur l’appel de la personne lésée, l’auxilium est le point de départ de la puissance tribunicienne. Naturellement on recourait, surtout à cet appel quand le magistrat, au lieu de se borner à appliquer purement et simplement les lois existantes, agissait d’après sa libre initiative ; ainsi, par exemple, contre la sanction donnée par le magistrat aux créances d’honoraires des professeurs dépourvues d’action d’après la rigueur du droit[52]. Afin que la possibilité d’obtenir leur aide ne manquât pas à ceux qui la chercheraient, il était prescrit aux tribuns du peuple de ne jamais s’absenter de la ville pendant toute une journée[53] et de laisser la porte de leur maison ouverte la nuit[54]. L’auxilium ne paraît pas fonctionner au profit des non citoyens ; par contre il le fait au profit de tous les citoyens, même des patriciens[55]. Mais il n’est applicable que contre une décision de magistrat rendue dans l’intérieur du Pomerium, ou plus exactement en-deçà de la première borne milliaire. Contre l’autorité du général il n’y a régulièrement ni intercession ni coercition tribuniciennes ; car les tribuns et les généraux exercent exclusivement leurs fonctions, les premiers dans l’intérieur de la ville et les seconds au dehors, et l’intercession exige que l’intercédant se trouve en face de celui contre qui il intercède. Cependant il est arrivé dans la période récente que le sénat ait envoyé des tribuns à des généraux qui se trouvaient à l’extérieur, précisément pour mettre en exercice ce droit qui est leur attribution par excellence[56]. Le tribun a donc été alors délié de l’obligation de ne pas quitter la ville et les droits tribuniciens de provocation et d’intercession, avec les conséquences qu’ils entraînent, sont donc entrés là en exercice hors de la ville. — Comme toutes les autres autorités, les tribuns ne pouvaient exercer, leurs fonctions qu’en public[57]. Leur local officiel fixe se trouvait au Forum, auprès de la basilique Porcia[58]. — Nous avons déjà expliqué que l’appellatio provoque une procédure contradictoire, une cognitio du tribun ou des tribuns à qui elle est adressée[59]. b. En ce qui concerne les rogations, l’intercession tribunicienne contre les propositions faites à la plèbe est indubitablement aussi ancienne que le tribunat lui-même, puisque ce n’est que l’application pure et simple du principe de la collégialité[60]. Mais celle dirigée contre les élections et les résolutions du peuple paraît aussi être attribuée dès le principe aux tribuns par notre tradition ; car il en est fait application dès l’époque la plus reculée[61] ; et il est en effet probable que le droit d’intercession dés tribuns a été immédiatement étendu à ces matières. Car, en premier lieu, ce droit n’a pas été constitué è nouveau pour eux — on leur a transféré le droit d’intercession fondé sur la collégialité tel qu’il existait entre les consuls, et on ne peut douter sérieusement que le droit d’intercession des consuls n’ait toujours impliqué la possibilité d’empêcher une rogation d’un collègue. En second lieu, la condition juridique de la plèbe suffisait assurément à elle seule pour qu’aucun de ses privilèges ne pût être annulé ni même simplement suspendu par un acte législatif. Mais il se peut fort bien que l’on ait conféré aux tribuns le droit d’anéantir par leur opposition tout acte contraire aux privilèges du peuple, précisément pour assurer l’application pratique de cette règle. Le droit d’intercession des chefs de la plèbe contre toute rogation a donc probablement été admis, en même temps que l’existence séparée de la plèbe a elle-même obtenu sa reconnaissance légale. Au reste, l’intercession n’est pas dirigée au sens propre contre la résolution même du peuple, mais contre les actes de magistrat qui la préparent, en particulier contre la proposition. Les autres détails ont déjà été donnés précédemment ou seront donnés plus loin (VI, 1). c. L’intercession tribunicienne dirigée contre le sénatus-consulte, ou, pour parler plus exactement, contre l’acte du magistrat qui interroge le sénat et fait le sénatus-consulte (senatus consultum facere), est mentionnée pour la première fois dans nos annales en l’an 309[62]. Il n’y est question nulle part d’une acquisition particulière de cette branche du : droit d’intercession dés tribuns ; ce droit parait au contraire être considéré par nos sources comme aussi ancien que l’intercession tribunicienne et le tribunat. Tout au moins les tribuns doivent l’avoir eu sensiblement avant d’acquérir le droit de prendre part aux séances du sénat : c’est ce qui résulte, en premier lieu, de la relation, selon toute apparence digne de foi, selon laquelle les tribuns du peuple, au temps où ils ne pouvaient point encore pénétrer dans la curie, faisaient placer leur banc devant sa porte, afin de pouvoir de suite examiner et casser, s’ils le jugeaient bon., la résolution prise par le sénat[63] ; en second lieu, de l’usage encore suivi postérieurement, d’après lequel les tribuns peuvent intercéder contre les sénatus-consultes durant le vote ou immédiatement après, mais non pas pendant les délibérations du sénat ; tendis que c’est exactement l’inverse pour les rogations. Car la différence ne peut s’expliquer que par une idée, par l’idée que les tribuns ont toujours pu assister aux comices, tandis qu’ils étaient exclus des délibérations du sénat, à l’époque ancienne. Au reste, il ne suit aucunement de là que les tribuns aient eu ce droit d’intercession aussitôt que, celui contre les rogations ou contre les décrets. L’intercession n’a jamais été admissible contre l’auctoritas patrum exigée par la constitution la plus ancienne. En outre, tant que le senatus consultum ne fut qu’un conseil, dépourvu en la forme de force obligatoire pour le magistrat conseillé, il n’a pas pu non plus être question de cassation pour lui ; c’est ainsi que, dans les annales, l’intercession formée, par exemple, contre une levée est dirigée, non pas contre le sénatus-consulte qui invite les consuls à y procéder, mais contre l’acte d’exécution des consuls[64]. En revanche, lorsque le sénatus-consulte est devenu constitutionnellement nécessaire pour certains cas, l’intercession tribunicienne a dû s’y appliquer. Si, comme il n’est pas invraisemblable, la nécessité constitutionnelle du sénatus-consulte a d’abord été reconnue dans le cas, que nous étudions plus bas, on la proposition soumise par un tribun à la plèbe était transformée par l’approbation préalable du sénat en loi obligatoire pour tout le peuple, on s’explique d’autant plus aisément comment l’admission de l’intercession contre les sénatus-consultes a été introduite dans la constitution en même temps que la validité formelle des sénatus-consultes ; car, en face d’un pareil sénatus-consulte, il importait naturellement de savoir si les tribuns acceptaient les modalités qui y étaient apportées à leur rogation ou s’ils rejetaient la proposition dans la forme que lui avait donnée le sénat. — Pour le surplus, nous renvoyons aux explications déjà données au tome Ier, au sujet du droit d’intercession et à la théorie du sénat. Nous avons déjà étudié par le détail les suites de l’intercession tribunicienne et il suffira ici de rappeler que l’acte du magistrat sujet à intercession et atteint par l’intercession est nul de droit, que ce soit un décret de magistrat, une rogation ou un sénatus-consulte. Cette nullité se produit alors même qu’un seul tribut intercède et la contradiction de ses collègues n’y peut rien changer ; car une cassation ne peut être cassée. Si le magistrat ne s’incline pas devant l’intercession, la coercition, que nous retrouverons plus loin, peut intervenir pour lui donner immédiatement une efficacité pratique ; si cela n’a pas lieu ou si cette coercition reste sans effet, l’effet suspensif de la cassation se trouve écarté, mais la cassation elle-même ne l’est pas. 3. Si l’intercession vient s’opposer aux actes des magistrats déjà accomplis, au décret, à la proposition faite au peuple, au sénatus-consulte, le tribun peut aussi interdire au magistrat de procéder à certains actes encore à venir rentrant dans la compétence de ce magistrat, il peut même lui interdire d’exercer ses fonctions, comme interdire à un particulier de procéder aux actes dont un magistrat l’a chargé, et sous ce rapport, il n’a pas ses pouvoirs limités à certaines catégories d’actes comme en matière d’intercession. C’est un point que nous avons déjà expliqué en son lieu. Nous avons également montré là que le droit de prohibition du magistrat ne pénètre dans la sphère du droit privé que quand l’activité des particuliers se trouve en conflit avec les affaires publiques et qu’il n’entre pas en exercice lorsque la personne lésée a une action civile à son service. Une exception qui confirme la règle se présente dans le cas de mauvais traitements infligés à un affranchi par son patron. Quand les tribuns étaient appelés à l’aide pour cette raison, leur intervention directe paraît avoir été licite[65], et ce droit exceptionnel des tribuns concorde avec le développement de la plèbe issue de leu clientèle comme surtout avec l’inadmissibilité d’une action civile du client contre son patron (VI, 1). — Au cas d’infraction à la prohibition tribunicienne, la sanction n’est pas la nullité de l’acte, mais exclusivement une poursuite judiciaire du tribun contre le délinquant. Le droit de prohibition n’est donc rien autre chose que la menace de la coercition et de la justice. 4. La garantie du droit de résolution accordé à la plèbe et de son indépendance du pouvoir des magistrats, aussi bien que du droit d’intercession qui appartient aux chefs de la plèbe, est la coercition tribunicienne, d’abord issue du droit de légitime défense de la plèbe et ensuite légalement reconnue. La défense de la plèbe incombait à la vérité à tous les plébéiens, mais en première ligne à l’ours chefs. Elle consiste en première ligne dans la défense des magistrats de la plèbe et spécialement des tribuns tant par tous les plébéiens qu’avant tout par les tribuns eux-mêmes. En face du peuple, c’est là, si on laisse de côté la dictature de la période la plus ancienne, un droit absolu[66], qui existe indifféremment par rapport aux plébéiens et aux patriciens[67], par rapport aux simples particuliers et aux consuls. Le magistrat de la plèbe ne peut, contre sa volonté, subir de contrainte de la part de personne[68] ; il ne peut donc non plus ni être accusé[69], ni être arrêté, ni être puni. Le principe s’applique non pas seulement à l’obstacle direct mis à l’exercice des fonctions des tribuns, mais à toute atteinte à la personne ou à la dignité d’un tribun, fut-elle étrangère à cet ordre d’idées, ainsi an meurtre du tribun[70], à l’injure qui lui est faite par acte[71] ou par parole[72], à l’omission des honneurs qui lui sont dus[73]. L’expression prototypique de cette doctrine est le procès capital que les tribuns de 293 intentent pour violence sur leur personne contre le patricien Kæso Quinctius et qu’ils font trancher contre lui par le concilium plebis[74]. Mais en outre, les tribuns qui omettent de procéder à l’élection de leurs successeurs, les magistrats qui ne respectent pas le droit d’intercession dont nous venons de parler ou le droit de provocation[75], qui encore ne respectent pas les dispositions complémentaires établies pour la protection de ces droits[76], il y a plus, tous ceux qui agissent à l’encontre d’un ordre d’un tribun encourent la même répression tribunicienne. Tout acte qui, commis contre le peuple, serait une perduellio ; comporte cette répression s’il a été, commis contre la plèbe. Les chefs de la plèbe ont donc reçu, dans la mesure où sa défense le requiert, le droit de faire rentrer dans l’obéissance celui qui s’attaque à la plèbe, c’est-à-dire éventuellement, de l’arrêter et de le punir tant par voie d’amende et de saisie de gage qu’au cas le plus extrême dans sa personne et dans sa vie. Mais le tribun n’a pat qualité pour intervenir dans la justice ordinaire du peuple. C’est aux duoviri perduellionis et aux questeurs qu’il appartient de poursuivre les infractions commises contre le peuple et les tribuns n’ont pas le droit de pénétrer dans cette sphère. La puissance tribunicienne devint donc, aussitôt qu’elle fut légalement reconnue, la puissance la plus élevée de l’État, — en dehors de la dictature optima lege qui disparut de bonne heure, — puisqu’elle ne s’inclinait devant aucun autre et que toutes les autres s’inclinaient devant elle[77]. Elle n’aurait d’ailleurs, pas pu sans ce droit prépondérant remplir son rôle de protection contre les magistrats. Les seules barrières mises aux droits de coercition et de justice des tribuns tiennent à ce que l’intercession des collègues et la, provocation leur ont été appliquées. — Les actes de coercition et de justice sont des actes positifs ; ils sont donc soumis comme tous les actes de cette espèce à l’intercession. Si, en conséquence, un tribun du peuple recourt à la coercition et que cette coercition se heurte à l’intercession tribunicienne, elle demeure sans effet. — Les limites que la provocation apporte aux pouvoirs des magistrats patriciens s’imposent également aux magistrats plébéiens, sauf le cas de force majeure le plus extrême. Ils ne peuvent mettre en exercice la justice populaire que de deux façons : ou bien la plèbe statue sur la sentence rendue par un magistrat plébéien au sujet d’un patricien, ou bien le magistrat plébéien reçoit le pouvoir d’assembler le peuple patricio-plébéien pour lui soumettre sa sentence et de la défendre devant lui. Il est établi que, dans les temps historiques, on suivait- la première voie au cas de multa et la seconde au cas de sentence capitale. Notre tradition ne nous dit point, comment on en est arrive là. Mais, la loi des XII Tables ayant réservé les procès capitaux aux centuries (VI, 1), il faut que cette limitation importante des pouvoirs des tribuns ait déjà été établie antérieurement et ait été renouvelée lors de la reconstitution de la constitution plébéienne de 305. Car il est certain que cette loi resta en vigueur et qu’à partir de là les centuries ont seules exercé la juridiction capitale ; d’autre part, il n’est pas à croire que les tribuns aient acquis, à l’époque postérieure, en dehors des crises du décemvirat, la justice capitale sous forme de prêt des auspices, et, si cela avait été, ce ne fut pas disparu des annales[78]. Quant au point de savoir si avant le décemvirat les tribuns soumettaient leurs actions capitales au peuple ou à la plèbe, il y a deux conceptions. Selon l’une, qui a disparu de la tradition de nos annales, elles étaient déférées aux centuries patricio-plébéiennes[79] ; selon. la version de nos annales, elles étaient déférées à la plèbe[80]. Nous ne pouvons décider si l’une ou l’autre de ces versions repose sur une tradition authentique, ou si toutes deux sont de pures constructions relatives à un état de choses certainement hybride. A les prendre en elles-mêmes, la dernière est plus vraisemblable en ce qu’une juridiction capitale tribunicienne avec provocation à la plèbe n’est rien autre chose qu’une régularisation de la justice qu’on se fait à soi-même, tandis que le système opposé à l’air d’un replâtrage de l’élément révolutionnaire et d’un essai fait pour le légitimer. Tout ce qu’il y a de certain, c’est que, par l’admission des poursuites capitales des tribuns devant les centuries, les tribuns ont été reconnus formellement comme des magistrats du peuple tout entier et que leur justice a aussi été reconnue comme légale dans toute son étendue, même en ce qui concerne les procès d’amendes déférés au concilium plebis. La coercition et la justice plébéien es reviennent donc à la défense, enfermée dans des formules e gales, de la plèbe elle-même contre les attaques dont elle est l’objet, absolument comme la coercition et la justice des magistrats se ramènent à la défense du peuple contre les crimes ; et, de même que ces dernières trouvent leur expression matérielle dans l’inviolabilité des magistrats, les premières se résument d’une manière vivante dans l’inviolabilité des tribuns et des édiles. On attribue aux magistrats du peuple une potestas legitima et à ceux de la plèbe une potestas sacro sancta. C’est une différence d’expression qui, avons nous dit, ne fait qu’indiquer la diversité de fondement du droit de se défendre des deus espèces de magistrats, la distinction de la loi et du serment. Le fait que la puissance sacro-sainte appartient non seulement aux tribuns, mais aux édiles de la plèbe, suffit à mettre hors de doute qu’on n’a aucunement voulu désigner par là dans le principe, l’inviolabilité la plus élevée ni une inviolabilité d’un caractère déterminé quelconque, mais purement et simplement leur inviolabilité de pseudo-magistrats. Ainsi qu’il a déjà été remarqué, cette désignation remonte à l’époque où la, plèbe n’avait pas encore de droits, dans l’État et où elle devait compter uniquement sur son aide à elle-même et non sur la protection des lois. Quand ses institutions proprement révolutionnaires arrivèrent à être reconnues par la loi, l’inviolabilité religieuse perdit son terrain naturel. Depuis qu’il fut possible aux tribuns d’intenter devant, les centuries des poursuites capitales et que la légalité des procès faits devant les tribus plébéiennes fut reconnue, la potestas sacro scancta aurait pu et au sens propre aurait dû disparaître ; car elle n’était pas autre chose que la révolution en permanence, et elle était inconciliable avec l’unité de l’État, avec la légalisation accordée après coup au tribunat. En fait, les mêmes efforts qui se manifestent pour donner un fondement constitutionnel aux autres dispositions essentielles de la législation relative à la plèbe, par exemple, à l’obligation des tribuns de faire élire leurs successeurs[81], se révèlent en particulier pour ne pas fonder l’inviolabilité des magistrats plébéiens sur le serment légalement sans effet des plébéiens, pour la faire rentrer dans les formes du fœdus, qui assurément ne pouvaient s’y appliquer, ou encore pour la baser sur une loi du peuple tout entier. Lors du rétablissement de la constitution séparée de la plèbe, qui a lieu après la chute du décemvirat, le serment sur lequel se fondait l’inviolabilité religieuse, est renouvelé ; mais une loi consulaire accorde en même temps aux magistrats plébéiens l’inviolabilité la plus étendue[82]. Cela a probablement lieu pour écarter de la constitution l’élément, révolutionnaire par essence, et devenu superflu, de la défense privée. Dans le même sens, la définition du terme sacro sanctum, comme désignant l’inviolabilité par rapport à laquelle la loi porte la peine de sacrum esse[83], substitue à la protection religieuse résultant du serment la protection légale de la loi Valeria Horatia[84]. Mais cette conception plus rationnelle n’a pas prévalu. Il y a beaucoup d’autres rapports sous lesquels le caractère de contre magistrature révolutionnaire dont avait été marqué le tribunat ne s’est pas laissé effacer, mais il en est ainsi avant tout de sa fondation et du serment relatif a la défense des intéressés par eux-mêmes. L’obligation assumée par serment n’était pas légalement obligatoire ; mais elle l’emportait sur la loi, comme tout ce qui tient a la morale religieuse, par le lien moral et par l’immutabilité[85]. Il est, d’après cela, parfaitement explicable, surtout en présence de l’animosité qui existait entre patriciens et plébéiens et de la défiance persistante de la partie légalement la moins favorisée du peuple, que la plèbe n’ait pas voulu renoncer lors de sa reconstitution, au renouvellement de son bien aimé serment, quoiqu’on pût désormais s’en passer en droit public. Même depuis, ce serment a continué a être considéré comme le fondement légal du tribunat du peuple[86]. Le tribunat était et est resté une sacrosancta potestas. Le faux jour religieux ou, si l’on aime mieux, l’ombre sainte, de laquelle le tribunat se trouvait enveloppé par là, a été exploitée par la révolution de toutes les époques et Auguste s’est encore servi, pour ses fins, de la décevante puissance du mot magique de la démocratie. Pour expliquer que l’immunité tribunicienne soit, sans réserve, efficace contre tout le monder tandis que celle des autres magistrats ne l’est pas[87] et que l’offense aux tribuns soit punie plus sévèrement que ne le serait le même acte commis contre le consul ou un autre magistrat[88], il n’est pas besoin de s’appuyer sur le serment populaire. Les deux solutions sont une conséquence logique du rapport existant entre la puissance plus forte et la puissance plus faible. En ce sens on ne peut adresser aucune objection essentielle à la doctrine qui, à l’époque postérieure, une fois la puissance sacro-sainte des édiles tombée dans l’oubli et la dictature optima lege disparue, considéra la puissance sacro-sainte comme étant la prérogative des tribuns et en même temps comme la puissance la plus élevée qui existât dans la constitution romaine. Mais on ne peut attribuer aux tribuns une immunité légale qui soit, en même temps que plus forte, d’un caractère juridique différent, quoique certaines manifestations théoriques et même pratiques aient été provoquées en ce sens, dans la période récente de la République, par une combinaison de l’habileté doctrinale d’interprétation et des tendances démagogiques. Il en est ainsi avant tout de l’exercice fait du droit de légitime défense des tribuns. En s’appuyant sur le principe de droit, aussi indispensable que périlleux, selon lequel le droit de provocation ne peut entrer en exercice quand l’insubordination commise menace la vie du magistrat et l’existence de l’État et qu’un retard serait dangereux, les tribuns s’arrogent le pouvoir de répondre à toute offense a leur personne par l’exécution du criminel, — une doctrine dans laquelle un rôle essentiel a été joué par l’interprétation littérale, mais fausse, des formules qui dans la loi fondamentale jurée de la plèbe et dans la loi Valeria Horatia sanctionnaient l’inviolabilité des magistrats plébéiens[89]. — A la bonne époque, la démocratie a bien considéré toute attaque contre le tribunat du peuple comme un crime passible du mort ; mais elle n’a pas sacrifié pour cela le droit le plus précieux du peuple, le droit de provocation, et cette usurpation n’est naturellement jamais devenue un droit reconnu. — D’après une doctrine analogue de la démocratie récente, tout citoyen aurait aussi eu le droit de mettre a mort sans jugement celui qui aurait porté la main sur un tribun, comme celui qui aspirait à la royauté[90]. Le citoyen qui aurait agi de cette façon, dont il n’y a du reste aucun exemple, n’aurait pu appeler son acte une exécution qu’if la manière dont, par exemple, Brutus et ses compagnons prétendaient avoir appliqué la loi au dictateur César. Mais cette spéculation théorique extrême du légitimisme républicain fut ensuite recueillie par la monarchie issue de la démagogie[91] : par la réunion de la puissance tribunicienne au gouvernement de l’État, elle a été la goutte d’huile démocratique sans laquelle l’Empire n’eût pu naître. Nous avons épuisé, par cette étude de l’intercession des tribuns, de leur coercition et de la justice qui y est le plus anciennement liée, la liste des droits attribués au tribunat au premier moment où il a été reconnu comme un pouvoir de l’État. Nous passons maintenant à la seconde partie de notre exposition, au tableau des droits tribuniciens qui se sont transformés, de droits fondés sur l’autonomie de la plèbe, en droits politiques ou qui sont venus s’ajouter aux droits antérieurs des tribuns après la fiel de la lutte des classes. Depuis lors, les tribuns de la plèbe entrent parmi les magistratus, c’est-à-dire parmi les magistrats du peuple romain. C’est une conséquence parallèle à l’assimilation de la lex sive id plebiscitum est, et elle se manifeste même extérieurement, sous bien des rapports, par exemple, dans leur participation à la fête latine. — Dans l’exposé de la condition juridique moderne des tribuns, il faut d’ailleurs encore tenir un compte spécial de la loi de 673 du dictateur Sulla, qui en même temps qu’elle porta contre les tribuns l’exclusion de la carrière politique que nous avons déjà étudiée, apporta aussi des restrictions essentielles aux pouvoirs matériels des tribuns[92], jusqu’à ce qu’après une longue agitation[93] la loi Pompeia de 684 restituât au tribunat du peuple la plénitude de son autorité antérieure[94]. — Nous avons ici à traiter du droit d’agir et d’intercéder des tribuns, de leur participation aux délibérations avec le peuple, en matière d’élection, de législation et de procédure criminelle ; de leur participation aux délibérations du sénat ; enfin, du rôle joué par eux soit pour la haute surveillance des affaires publiques, soit pour une série de fonctions qui leur ont été conférées par des lois spéciales. Nous envisagerons en même temps le rôle joué par le tribunat sous l’Empire ; quant à la puissance tribunicienne de l’empereur, il vaudra mieux ne nous en occuper qu’en même temps que de la puissance impériale. 1. La représentation distincte de la plèbe, devenue sans objet depuis que le peuple, y compris les patriciens, et le peuple, moins les patriciens, s’équivalaient en droit, resta même postérieurement en la forme aux tribuns[95]. 2. En ce qui concerne l’intercession tribunicienne, il n’y a pas eu de changement de principe. Elle a été restreinte, à des points de vue multiples, par des dispositions spéciales que nous avons citées en leur lieu, ainsi, par exemple, par celles qui lui ont soustrait les sénatus-consultes sur les provinces consulaires et les décrets de magistrats relatifs à l’organisation des quæstiones et des procès déférés aux centumvirs. Sulla a peut-être formulé dans des termes plus étroits l’intercession tribunicienne[96]. Mais il ne l’a pas atteinte essentiellement[97], et la loi Clodia de 696 peut seulement avoir été dirigée contre certaines applications abusives de l’intercession[98]. — La transformation par laquelle l’arme tribunicienne, dirigée à l’époque ancienne contre la noblesse de naissance, fut ensuite, après titre passée dans les mains de la nouvelle noblesse des magistratures, employée par le sénat contre la magistrature et a plus tard encore servi à la monarchie naissante contre le pouvoir du sénat, appartient plus à l’histoire qu’au droit public. Cette institution étrange, issue non pas dos besoins pratiques, mais des tendances politiques, dépourvue de toute compétence positive et créée seulement pour la négation, pouvait selon les circonstances servir à tous les partis et elle a successivement servi à tous et contre tous. Cela a été une des ironies justifiées de l’esprit qui régit le mondé que la puissance tribunicienne, révolutionnaire dans sa base la plus intime, soit devenue finalement l’assise juridique de la monarchie. — Cependant le pouvoir de cassation des tribuns, dans l’exercice qui en était non pas réglé par la loi, mais fait d’après l’usage par la totalité du collège, a sans aucun doute servi, dans la justice et l’administration, de correctif stable. Étant données la brève durée des magistratures, l’exclusion de la consultation dés collègues, la grande multiplicité des magistrats républicains et l’énorme quantité de fonctions dont la plupart d’entre eux étaient surchargés, la manière dont les magistratures étaient exercées a forcément : été très défectueuse et il se peut que le tribunat ait, sous bien des rapports, utilement influé sur elle. A partir de l’établissement de la monarchie, l’intercession tribunicienne dirigée contre les rogationes a disparu avec elles. Quant au droit d’intercéder contre les sénatus-consultes, Ies tribuns du peuple en ont encore fait usage sous les Flaviens[99] et il est probable qu’il n’y a pas eu postérieurement à ce point de vue de modification théorique ; cette intercession a encore moins pu avoir d’importance sous la monarchie que les sénatus-consultes eux-mêmes. Pour l’intercession tribunicienne contre les décisions des magistrats, l’antique auxilium, des tribuns actifs, — car cette intervention constitue plutôt pour les magistrats un droit qu’un devoir, — en ont encore fait un sérieux usage sous l’Empire sous divers rapports[100], et tout spécialement en procédure civile[101] ; et elle a joué le rôle d’instance en cassation, à côté de l’appel à l’empereur ou au sénat, jusque pendant le IIIe siècle. Il a mémé encore fallu restreindre l’activité des tribuns en cette matière par un sénatus-consulte spécial en l’an 56 : ce sénatus-consulte confirma le principe que les tribuns ne pouvaient usurper sur le premier degré de juridiction par voie de citation[102] et ajouta, comme disposition nouvelle, que les peines disciplinaires prononcées par eux n’auraient de force légale que quatre mois après leur prononciation[103]. C’est ainsi que le commencement et la fin s’accordent même ici et que les tribuns de l’Empire se trouvèrent de nouveau subordonnés aux magistrats patriciens. 3. Les tribuns ont toujours présidé les élections destinées à compléter leur collège et celles de leurs successeurs, comme aussi probablement celles des édiles de la plèbe, tandis que les élections des magistrats patriciens ordinaires regardaient les consuls. Après que les magistrats de la plèbe eurent été reconnus comme magistrats du peuple, les élections des magistrats permanents de l’État se partagèrent donc entre les consuls et les tribuns du peuple. — Pour les élections extraordinaires, le mode d’élection était en général indiqué dans chaque cas par la loi qui établissait la magistrature, ainsi que nous l’expliquons plus en détail au chapitre des Magistratures extraordinaires. L’élection des catégories de ces magistratures, qui remontaient à des précédents de l’époque la plus ancienne, en particulier des duo viri ædi dedicandæ et des magistrats agris adsignandis, étaient habituellement confiée, à l’époque ancienne, aux magistrats patriciens ; c’est seulement depuis que ces nominations devinrent des actes de parti démocratiques, qu’elles furent en général accomplies par les soins des tribuns[104]. Quand il n’y avait pas de pareils précédents, les élections des magistrats extraordinaires ont été, dès la bonne époque, présidées par des tribuns. Ainsi, pendant la guerre d’Hannibal, les généraux envoyés à titre extraordinaire en Espagne ont été élus sous la présidence de tribuns[105]. De même, en 544, le soin de faire choisir un dictateur par les comices fut confié en première ligne aux magistrats patriciens et, s’ils refusaient, aux magistrats plébéiens, et finalement ce furent ces derniers qui procédèrent à l’acte[106]. En droit, par conséquent, et en tant qu’il n’y avait pas de dispositions spéciales contraires, tout magistrat de l’État pouvait indifféremment être créé par les magistrats supérieurs patriciens ou plébéiens. — Les tribuns perdirent leur droit de présider les élections par le transfert des comices électoraux au sénat accompli en l’an 11 après J.-C. pour la plèbe comme pour le peuple. 4. De même que la résolution du peuple est produite par l’action commune du peuple et d’un magistrat supérieur patricien, celle de la plèbe l’est par l’action commune de la plèbe et d’un tribun[107]. Nous expliquerons (VI, 1) à quelles conditions le plebi scitum obtenait, aux débuts de la République, la force d’une lex populi ; la principale était l’assentiment préalable du sénat. C’est probablement par corrélation avec cela qu’il l’époque ancienne les sénatus-consultes devaient être déposés par écrit entre les mains des magistrats de la plèbe, des tribuns et des édiles, et que plus tard les tribuns participèrent à la surveillance des archives générales de l’État, en vertu d’un droit qu’ils ont conservé jusqu’en l’an 743[108]. Le rapport dans lequel se trouve ce droit de surveillance sur les archives de la cité avec celui des questeurs est au reste obscur. La loi Hortensia de l’an 467 environ a assimilé les compétences législatives des tribuns et de la plèbe, d’une part, et des magistrats patriciens et du peuple de l’autre, en décidant qu’en tint que des lois spéciales ne s’y opposeraient pas, toute résolution pourrait aussi valablement être prise dans une forme que dans l’autre, bien que, pour les rogations qui se reproduisaient avec une certaine uniformité ; par exemple, pour celles de déclarations de guerre ou de partage de terres, l’usage donnât la préférence soit à. l’une, soit à l’autre des formes. Sulla ne retira pas précisément le pouvoir législatif aux tribuns ; mais il le fit dépendre dans leurs mains, comme à l’époque antérieure. à la loi Hortensia, de l’autorisation du sénat[109], et il le transforma ainsi de levier d’agitation en instrument de règne. La loi Pompeia de 684, rendit aussi sous ce rapport leur liberté antérieure aux tribuns. Auguste a, dans sa réorganisation de l’État, probablement retiré l’initiative des lois aux tribuns ; la loi Falcidia de l’an 714 est le plus récent plébiscite que nous connaissions[110]. C’est en particulier par là que le tribunat du peuple de l’Empire nous apparaît, par comparaison à celui de la République, comme un titre vain[111]. Le droit de parler au peuple, soit pour arriver à prendre avec lui une résolution, soit sans qu’une pareille résolution doive en résulter, va avec l’initiative des lois : dans la seconde forme, dans celle de la simple contio, les tribuns en ont fait le plus large usage dans tous les temps, fréquemment, selon leur propre fantaisie et, à l’époque récente, plus d’une fois sur le mandat du sénat. Il n’y a pas non plus de magistrature qui ait plus amplement usé du droit contenu dans celui-là de poser des questions à des particuliers devant le peuple assemblé[112] ; de leur donner la parole devant lui et aussi de les forcer à l’y prendre[113]. Sulla, n’ayant pas retiré l’initiative législative aux tribuns, leur laissa aussi ce droit[114] ; ils doivent avoir perdu les deux en même temps sous Auguste. 5. Dès une période précoce, peut-être dès qu’ils eurent le droit d’intercéder contre les sénatus-consultes, les tribuns ont obtenu par là même de prendre une certaine part aux séances du sénat ; cette participation consista au reste longtemps plutôt dans une surveillance du sénat exercée de l’extérieur de la curie que dans une part en forme à ses délibérations. Lorsque ensuite les tribuns furent positivement reconnus comme des magistrats du peuple, il en .résulta pour eux non seulement le droit qui appartient à tous les magistrats de siéger et de parler dans le sénat, mais aussi, étant donné ce qu’ils étaient, le droit de convoquer le sénat. Car, occupant une magistrature par origine du même caractère que celle des consuls, voire même supérieure au consulat, les tribuns du peuple, du moment où ils recevaient un rôle par rapport au sénat, ne pouvaient recevoir que celui de magistrats supérieurs. En fait, la tradition nous montre les tribuns du peuple aussi indubitablement exclus de la curie à l’époque la plus ancienne qu’on pleine possession incontestée du droit de parole et du droit de convocation après la conclusion de la lutte des classes[115]. Mais la période chronologique et les circonstances historiques dans lesquelles se place ce changement important sont dans une obscurité difficile à éclaircir. Dion signale expressément les deux droits comme des, extensions apportées à la compétence première des tribuns[116]. Denys est d’accord avec lui ; car il. représente les tribuns comme participant, souvent dès les temps les plus anciens, aux séances du sénat ; mais ce n’est jamais que sur une invitation spéciale des consuls[117], et, par conséquent, il leur refuse le droit d’y participer légalement. En 298, il représente le tribun L. Icilius comme convoquant le sénat, et il signale expressément l’événement comme le premier de ce genre[118] ; seulement il n’en parle pas comme d’un droit acquis alors par le tribunat, mais comme de la première tentative faite par les tribuns pour se mettre en possession du droit de convoquer le sénat[119] ; et, en effet, dans les temps qui suivent, jusqu’au point où s’arrêtent ses annales, il n’attribue nulle part aux tribuns le droit de relation[120]. Tite-Live semble encore, en 358, refuser aux tribuns le droit de consulter le sénat en leur nom[121] ; mais, d’un autre côté, il envisage, dés le principe, la présence des tribuns dans le sénat comme une chose qui se comprend d’elle-même[122]. Il est probable qu’au second point de vue, il a, selon son système de compilation négligente, omis, dans la reproduction de ses sources, l’indication que la comparution des tribuns avait lieu sur une convocation spéciale. S’il a entendu attribuer aux tribuns le droit de participer aux séances du sénat comme un droit leur ayant appartenu dès le principe, il s’est trompé[123]. Nos sources n’attestent pas que depuis le décemvirat le droit de prendre la parole au sénat, d’y faire des propositions et de le convoquer ait fait défaut aux ; tribuns. Mais cependant on peut conclure d’une loi citée plus bas que le droit de relation manquait encore aux tribuns en 450 ; car sans cela on y eut exigé au lieu d’une décision des tribuns, dont il n’y a pas d’autre exemple, une décision du sénat rendue sous leur présidence. D’un autre coté, le -témoignage certain le plus précoce de l’existence de ces droits des tribuns se rencontre seulement en 538. Il n’y a donc à tout le moins aucun obstacle à l’idée que les tribuns aient acquis simultanément les deux droits de siéger au sénat et de relation et qu’ils les aient acquis par corrélation avec la loi Hortensia de 465-468 qui les assimila aux magistrats supérieurs patriciens quant à l’initiative des lois. C’est la solution que réclame la nature des choses ; car, puisqu’il était non pas à la vérité légalement prescrit, mais pratiquement nécessaire et conforme à l’usage de soumettre d’abord à l’approbation du sénat les projets de lois, il a fallu, lorsqu’on accorda aux tribuns une initiative complète et non plus subordonnée à l’avis préalable du sénat en matière législative, leur ouvrir en même temps, dans l’intérêt même du sénat, la possibilité de le consulter sur leurs projets de lois. Cependant les tribuns n’ont été assimilés aux consuls et aux préteurs, quant au droit de relation, qu’en droit et non pas en fait. Même dans la période récente de la République, ce sont en général les consuls et, quand ils sont absents, le préteur urbain qui convoquent le sénat ; en particulier les dispositions relatives à la dernière magistrature montrent clairement que, dans le cours ordinaire des choses, la convocation du sénat ne revenait jamais aux tribuns. La convocation tribunicienne est toujours une mesure extraordinaire[124], elle se présente notamment lorsqu’un tribun du peuple fait une proposition dans son intérêt propre[125] ou quand le sénat s’appuie sur les magistrats plébéiens contre les patriciens[126], ou quand un tribun du, peuple entreprend d’exercer au moyen du tribunat le gouvernement de l’État, comme C. Gracchus essaya de le faire[127]. — Le droit de rassembler le sénat est resté aux tribuns sous l’Empire[128], et, quoiqu’il soit avec le temps de plus en plus tombé en désuétude, il a encore été exerce par eux en l’an 218 après J.-C.[129] 6. Les droits de coercition et de justice criminelle des tribuns entrent à cette époque en exercice d’une double façon : au cas de prononciation de peines graves soumises à la provocation, sous celle de procès politiques tribuniciens ; et, en restant au-dessous du maximum de la provocation, sous celle de peines disciplinaires motivées par un appel aux tribuns. La coercition a été accordée aux tribuns comme arme défensive destinée à la défense de la plèbe et des droits qu’elle avait comme État distinct, mais principalement à leur propre défense, les droits de la plèbe comme État distinct ayant leur expression dans lé tribunat. Mais, lorsque la plèbe fut, dans sa capacité d’agir, assimilée au peuple, on en fit au droit criminel cette application que la justice des tribuns pourrait s’étendre non seulement aux crimes contre la plèbe, mais à, tous ceux commis contre l’État. Cela a été d’une importance d’autant plus grande que, selon toute apparence, il n’y avait pas d’autorité régulière investie d’une juridiction pénale complète pour les procès politiques proprement dits ; car il est à croire que les questeurs n’étaient compétents que pour le meurtre et les autres infractions de droit commun, et il fallait probablement pour l’instruction d’un procès politique, au moins lorsqu’il était capital, recourir constitutionnellement à la nomination extraordinaire de magistrats compétents seulement pour l’espèce concrète, les duo viri perduellionis. Les tribuns comblèrent cette lacune, une fois devenus de magistrats de la plèbe des magistrats de l’État[130]. Ils ont conservé intacte leur ancienne juridiction sur les infractions commises à l’encontre de leur droit d’agir avec la plèbe et de leur droit d’intercession contre l’intégrité ou la dignité de leur propre magistrature ; mais ils ont pris à côté de cela le rôle de ministère publie de la cité et ils se sont approprié tous les procès politiques, qu’ils tirassent ce caractère de la nature du délit, comme c’était le cas pour la tentative de rétablissement de la royauté[131], ou de la condition de l’accusé, comme c’était le cas pour les délits commis par les magistrats ou les délégués du peuple. Ce sont avant tout ces procès politiques contre les ex-magistrats qui n’étaient pas exclus en principe par le système ancien, mais qui y étaient en fait rendus très difficiles, dont les tribuns ont fait leur tâche spéciale dans la République unifiée de nouveau[132]. Ils auraient pu en droit intenter ces procès contre les magistrats, dès avant la fin de leurs fonctions ; c’est une conséquence de ce que la coercition tribunicienne est efficace même contre les magistrats en exercice, et on peut en fournir la preuve directe[133]. Mais les magistrats absents de Rome étaient pendant la durée de leur absence soustraits aux attaques ales tribuns, à moins que, par exemple, les tribuns ne fussent exceptionnellement employés hors de Rome ; et, en partant de là, l’usage parait s’être établi, même pour ceux présents à Rome, de ne les obliger à comparaître devant aucun tribunal tant qu’ils étaient en exercice. Si quelque tribun ne voulait pas s’incliner devant cet usage, l’individu attaqué se défendait par l’intercession d’un autre membre du nombreux collège[134]. Par suite, au point de vue pratique, l’accusé est, dans ces procès, toujours un particulier[135]. Il sera opportun de donner ici un relevé des cas dans lesquels se rencontre cette activité importante des tribuns ; car c’est là le seul moyen par lequel on puisse en quelque mesure s’en faire une idée[136]. a. Ce sont principalement les magistrats supérieurs, les consuls[137] et les magistrats du même rang, contre lesquels sont dirigées ces poursuites. La plupart des cas qui nous sont connus sont des accusations de manquement aux devoirs des généraux[138] ; nous trouvons mentionnés comme chefs d’accusation la guerre faite sans l’autorisation constitutionnellement nécessaire[139], le mépris impie des auspices[140], l’acte d’avoir fui lâchement devant l’ennemi[141], le partage inique du butin fait à la guerre[142], l’emploi des soldats dans l’int6rêt privé du général[143]. Des chefs d’accusation d’un autre genre sont la continuation de l’exercice des fonctions au-delà de leur terme légal[144], la partialité dans l’administration de la justice[145], l’omission des sacrifices que doit offrir le consul[146]. L’atteinte portée par le magistrat aux deniers publics qui lui sont confiés[147], ou à la personne ou aux biens d’un particulier[148] peut, au moins au temps de Caton, motiver une accusation tribunicienne. En somme, les tribuns ont exercé avec prudence leur juridiction, théoriquement illimitée, sur les magistrats supérieurs et ils n’en ont fait un usage sérieux qu’au cas de violation évidente de la constitution ou de manquement criant des magistrats aux devoirs de leur charge. b. Il était admissible en théorie de demander judiciairement compte à un censeur de ses actes officiels ; mais cela n’était pas conforme au caractère de cette magistrature élevée entre toutes et libre de son action par excellence. Des essais de ce genre ont bien été faits par des tribuns isolés ; mai, autant que nous sachions, ils sont toujours restés sans succès[149]. c. Il y a aussi eu des poursuites intentées contre des tribuns du peuple, mais pourtant, autant que nous sachions, seulement dans les crises de la période révolutionnaire[150]. d. Quoique ces poursuites fussent, d’après le témoignage de Polybe, principalement dirigées contre les magistrats supérieurs, on trouve des exemples de pareilles accusations dirigées par les tribuns contre des magistrats inférieurs. Ce sont, en dehors de quelques cas incertains[151], des poursuites contre des questeurs[152] et des triumvirs capitaux[153]. e. Un procès de ce genre peut être intenté, aussi bien que contre un magistrat, contre tout particulier qui doit à l’État un service ou une prestation quelconque. Il en est ainsi en particulier des officiers coupables de trahison[154] ou d’infractions professionnelles graves[155]. Mais de pareils procès sont aussi intentés contre des ambassadeurs oublieux de leurs devoirs[156] ; contre des sénateurs qui refusent d’accomplir les obligations attachées à leur titre[157] ; contre des particuliers qui maltraitent les prisonniers de guerre mis sous leur garde[158] ; et même contre des fermiers de l’État coupables de fraudés graves[159]. On en a même abusé dans les crises de la révolution pour faire de véritables procès d’opinions[160]. Les limites des droits de coercition et de justice des tribuns ont déjà été indiquées. Il n’y a à rentrer dans la sphère de la justice tribunicienne que les actes qui peuvent être regardés comme des manquements des magistrats ou des agents de l’État à leurs devoirs. Sont donc exclus les autres crimes pour lesquels la justice populaire est compétente — les prétendus exemples d’intervention des tribuns aux cas de meurtre[161] et de pédérastie[162] ne sont pas appuyés sur des témoignages dignes de foi, — et tout l’ensemble des procès civils, qu’ils soient fondés ou non sur des délits. C’est un trait caractéristique de la justice tribunicienne qu’elle n’ait jamais été exercée contre une femme. Quand la poursuite criminelle d’ordre pénal ne constituait pas un procès politique, elle était déférée aux questeurs et à côté d’eux aux triumvirs capitaux. Quand le juré civil est compétent, le tribun peut sans douté annuler l’acte juridique qu’il désapprouve par voie d’intercession, mais il ne peut intervenir ni par voie de prohibition ni par voie pénale. Lorsque la loi invite les magistrats en général à prononcer une multa à raison d’un délit spécifié par elle et lésant l’État directement ou indirectement, ce sont les édiles qui défèrent à cette invitation. On ne rencontre pas d’exemple qu’un tribun ait exercé l’action en pareil cas. Le droit de le faire ne doit sans doute pas lui être contesté[163]. Mais le tribun du peuple, occupant une position plus élevée et plus indépendante, semble avoir exercé son droit d’accusation seulement lorsque l’infraction commise contre l’État n’était ni définie dans une loi spéciale, ni frappée d’une amende maximum, lorsque par conséquent le magistrat procédait en pleine liberté sous les deux rapports. A l’inverse, les procès politiques dont le fondement est dans la liberté du magistrat n’ont jamais été intentés par les édiles[164]. En théorie, les règles indiquées pour l’ancienne justice des tribuns restent déterminantes à cette époque. Si la procédure de première instance ne ressort pas beaucoup dans ces procès, c’est une conséquence de leur caractère ; elle n’y a pas pour cela fait défaut. Les particuliers ne peuvent y jouer d’autre rôle que ceux de dénonciateurs et de témoins[165] ; c’est le tribun lui-même qui exécute la condamnation à mort prononcée et soutenue par lui ; au contraire, les tributs ne paraissent pais avoir eu comme les édiles la disposition des amendes obtenues par eux ; elles semblent avoir été versées par le questeur à l’Ærarium. Sulla a probablement retiré leur juridiction criminelle aux tribuns[166] et organisé pour en tenir lieu, la quæstio majestatis. Toutes les irrégularités dont les tribuns pouvaient saisir antérieurement la justice populaire, même la violation directe des droits des tribuns, étaient en conséquence déférées, selon la procédure d’accusation, au préteur et à ses jurés. La loi de restitution de 684 rendit aux tribuns leurs anciens pouvoirs ; mais, la question de majesté ayant subsisté néanmoins, la procédure tribunicienne devint désormais, comme l’avait toujours été celle devant les duoviri perduellionis, une procédure extraordinaire, et elle ne fut plus mise en exercice qu’à titre exceptionnel. Sous la monarchie, il -n’est plus, question de la justice du peuple[167]. On rencontre, à côté des questions, deux tribunaux supérieurs, celui des consuls et du sénat et celui de l’empereur. Il n’y a pas de preuve que les tribuns aient participé à la justice rendue par les consuls et le sénat[168] ; seule l’assistance donnée par les tribuns aux consuls pour l’exécution des condamnations à mort qui devaient être exécutées en précipitant le condamné du haut de la roche Tarpéienne[169], semble avoir été un dernier vestige de l’ancienne procédure capitale tribunicienne. Les amendes, qui pouvaient être prononcées, à titre de peine disciplinaire, au-dessous du maximum donnant lieu à provocation, par les tribuns comme par les préteurs, n’avaient qu’une faible importance politique ; mais elles étaient indispensables particulièrement pour la mise en œuvre de la procédure de cassation tribunicienne dans les procès civils. Tout ce que nous savons à leur sujet, c’est que, suivant un sénatus-consulte de l’an 56 après J.-C., elles ne durent être inscrites sur les registres publics, et par conséquent devenir exécutoires au profit du trésor qu’au bout d’un délai de quatre mois, pendant lequel, on pouvait faire appel devant les consuls. Il se comprend de soi que la République n’a point connu de pareille subordination des tribuns aux consuls. 7. Le pouvoir du tribun de défendre un acte se ramène, avons-nous expliqué, à une menace de coercition et de jugement pour le cas où la défense serait méconnue. Il présente à cette époque le même caractère que dans la précédente ; mais l’application en est devenue différente parce que les tribuns sont désormais considérés comme les défenseurs du peuple en général et de chaque citoyen en particulier, sans distinction de classe. Ce contrôle s’exerce avant tout contre les magistrats, même dans les cas où il n’y a pas place pour l’intercession et où il ne pourra y avoir qu’intervention immédiate de la coercition et plus tard, accusation ; ce sont en général les tribuns par l’intermédiaire desquels le sénat arrête le bras des magistrats insoumis. Mais ils veillent aussi aux côtés des citoyens isolés : c’est en partant de là que le membre du sénat qui est outragé d’ans sa liberté de parole ou qui est traité d’une manière inconvenante par le président peut faire appel aux tribuns[170]. Comme la coercition elle-même, ce droit de prohibition s’étend aux actes publics qui ne sont pas des actes de magistrats. La preuve en est dans les cas précités de procès politiques, en particulier dans la poursuite contre les gardiens des prisonniers de guerre carthaginois. C’est précisément parce que le tribun du peuple, dépourvu de compétence ordinaire, agit sans rencontrer de limites dans son intervention extraordinaire qu’il constitue la puissance protectrice universelle et suprême, qu’on vrai, tribun est le véritable défenseur contre les injustices et les violences de toute sorte. Son caractère illimité et indéterminé adonné à cette idée une bonne part de sa puissance. C’est pour cela que, lorsqu’on est dans un cas de force majeure et qu’on invoque le pouvoir discrétionnaire des magistrats ; les tribuns sont toujours compris dans l’appel. Quand la patrie est proclamée en danger, l’invitation du sénat s’étend aux tribuns à côté des magistrats munis de l’imperium. Au cas d’incendie, ils se rendent sur le lieu du sinistre[171] comme les consuls ; ils règlent, par leurs édits, le droit de séjourner dans la capitale[172] et apaisent, d’accord avec les préteurs, les crises monétaires[173]. C’est par là surtout que la puissance tribunicienne est devenue plus tard l’organe approprié de la monarchie. 8. Enfin, il faut encore citer ici une série d’attributions spéciales des tribuns dont l’origine a probablement été en partie soues spéciales que, par le nombre de ses membres et son défaut de compétence propre, le collège des tribuns était particulièrement apte à remplir un rôle supplétoire. a. La dédication d’un temple ou d’un autel ne peut, aux termes d’une loi de 450, être accomplie par le magistrat que sur l’autorisation préalable soit du sénat, soit de la majorité du collège des tribuns[174]. b. Celui qui n’a pas de tuteur en reçoit un d’après la loi Atilia, du préteur urbain et de la majorité des tribuns[175]. c. L’évaluation des objets que l’État confisque contre indemnité a lieu de la même façon[176]. d. À défaut magistrats que cela concerne directement, les professiones de ceux qui reçoivent des grains sont faites devant un tribun, du peuple. e. Les tribuns participent à la surveillance des sépultures[177]. f. A défaut des magistrats compétents, les tribuns se sont chargés, au moins dans la dernière période de la République, des jeux restés en souffrance et : peut-être encore d’autres fonctions[178]. En dehors dé cela, les., tribuns n’ont été mêlés aux jeux que pour l’organisation des Augustalia, créés en l’an 14 ap. J.-C., qui leur fut confiée pendant un court intervalle de temps. Ces jeux furent bientôt transportés au préteur pérégrin. Il est remarquable que les tribuns sont obligés de pourvoir à leurs jeux avec les sommes qui leur sont fournies par le trésor sans pouvoir y ajouter[179]. g. Depuis l’an 747, les quatorze régions de la ; capitale sont soumises à. des chefs tirés par le sort des trois collèges des préteurs, des édiles et des tribuns du peuple. Nous nous expliquerons sur ces chefs à propos de l’Édilité[180]. Ainsi que nous l’avons déjà expliqué, le tribunat conserve encore sa place dans la série des magistratures dans les premières décades du IIIe siècle. A partir de là, il disparaît, quoique le nom s’en rencontre encore bien plus tard. Deux édits adressés au sénat de Rome, l’un de Constantin Ier, qui est probablement de l’an 316[181], et l’autre d’Honorius, de l’an 423[182], sont adressés consulibus prætoribus tribuns plebi senatui, tout comme étaient adressées d’ordinaire les lettres envoyées au sénat de la République. En outre, une constitution orientale de l’an 371[183] compte parmi les sénateurs, outre ceux qui ont rempli réellement des fonctions de magistrats, ceux qui proprium decus senatus indepti præturæ insignibus fuerint et honoribus ampliati vel quos veteri tribunorum plebis appellatione respersos umbra nominis nobis adnuentibus constiterit populo præfuisse. La préture, qui, à cette époque, était conférée par le choix du sénat, était donc la voie régulière pour arriver à la plénitude des droits sénatoriaux ; mais il y avait encore, d’autre part, probablement à Rome comme à Constantinople, des tribuns du peuple nominaux nommés, semble-il, par l’empereur. Peut-être a-t-on, lorsqu’on supprima l’échelon tribunicio-édilicien, conféré annuellement le titre de tribuns à un certain nombre de sénateurs, ou bien encore a-t-on fait entrer dans le sénat des non sénateurs par relatio inter tribunicios, afin de ne pas laisser complètement disparaître le nom traditionnel des tribuns inscrits dans l’adresse officielle des communications écrites au sénat. |
[1] Il est indéniable que raccord de 302, dont le décemvirat et la loi des XII Tables ont été le résultat impliquait une renonciation définitive de la plèbe à sa position distincte ; car, tandis qu’il était facile de revenir du décemvirat au consulat, soit que les décemvirs créassent des consuls, soit qu’on prît la voie de l’interrègne, le pont était coupé pour un rétablissement du tribunat par les voies légales ; et la conception des anciens chroniqueurs, selon laquelle le rétablissement du tribunat a été, exactement comme son institution, un acte révolutionnaire, est parfaitement justifiée. C’est encore par là que s’explique jusqu’à un certain point la condition posée par la plèbe dans Tite-Live, 3, 32, 7. Les leges sacratæ véritablement fondamentales devaient vivre et mourir avec le tribunat ; la loi sur l’Aventin et celle sur l’inadmissibilité du privilegium (Cicéron, De domo, 17, 43 ; Pro Sest. 30, 65) pouvaient à la vérité rester en vigueur, et il est probable que l’annaliste bien informé, duquel venait originairement ce témoignage, a précisément dit que les leges sacratæ qui n’avaient pas le tribunat comme condition d’existence, devaient demeurer en vigueur. A la vérité, il n’y a pas d’obstacle absolu à ce que la loi qui abolit le tribunat ait prévu que sa résurrection aurait lieu au moment de la retraite des décemvirs au moyen d’une élection que présiderait le grand pontife. Mais il est plus croyable et plus conciliable avec la tradition que le rétablissement du tribunat ait été amené seulement après la chute des décemvirs, par la menace de la révolution et par une loi consulaire provoquée par là.
[2] Les formes plebei (ainsi dans la loi repetandarium, ligne 81 ; C. I. L. II, 4110 ; Orelli, 3851 = C. I. L. XIV. 3586. Henzen, 6504 = C. I. L. VIII, 7049) ou plus rarement plebi ne sont, d’après l’analogie de tribunus celerum et tribunus militum aussi bien que d’après les considérations grammaticales (Schneider, Gramm. 2, 350 ; Neue, Formezlehre, 1, 392) rien autre chose que des formations différentes du génitif : on rencontre de même plebei scitum ou plebi scitum à côté de scitum plebis. Tribunus plebis est écrit en toutes lettres, Orelli, 2358 (= C. I. L. XII, 4354). 5450 (= C. I. L. II, 4309). 6450 (= C. I. L. IX, 2845). 6451 (= C. I. L. X, 1254). 6501 (= C. I. L. XIV, 3610). 6502 (= C. I. L. V. 865).
[3] La dénomination se rencontre déjà dans une lettre du sénat aux habitants de Teos de l’an 561 (C. I. Gr., 3045) et ne peut, puisque elle ne peut guère venir des chefs de tribus, être ramenée au démarque grec qui leur est analogue, mais à ce que les Grecs assimilaient avec raison la plebs au δήμος. Cf. tome VI, 1. — Τρίβουνος est conservé dans l’inscription de Thespiæ, chez Keil, Syll. inscr. Bœot. p. 134.
[4] De l. Lat. 5, 81. Zonaras, 7, 15. Chez les annalistes on trouve indiquée la même origine au moment du rétablissement du tribunat. Selon Tite-Live, 3, 51 (de même Zonaras, 7, 18), chacune des deux armées décide decem creari, qui summæ rei præessent, militarique honore tribunos militum appellare ; ces vingt tribuns militaires en choisissent ensuite deux dans leur sein qui summæ rerum præessent. Il est ajouté expressément que les chefs de la seconde armée auraient également procédé à ce vote ne comitiorum militarium prærogativam urbana comitia iisdem tribunis plebis creandis sequerentur. Le récit de la seconde sécession étant copié sur celui de la première, il y avait sans doute déjà une description semblable pour cette dernière dans les annales développées. — Becker (dans la première éd. de ce Manuel) admet que » le nom aurait acquis de bonne heure le sens général de chef d’une section militaire ou politique du peuple ». Mais il n’a, au contraire, jamais acquis ce sens général. Tribunus désigne partout ailleurs le chef d’une tribus quelconque.
[5] Aux témoignages directs en faveur du chiffre deux comme chiffre primitif s’ajoute la relation de Tite-Live de l’an 305 (note 4) qui aboutit aussi à la nomination de deux chefs. La conjecture de Nieze (p. 12 et ss. de la dissertation citée note 9), selon laquelle l’institution du tribunat n’aurait pas été relatée dans les annales de Diodore sous la date de l’an 260 (pour lequel elles manquent) et la création de quatre tribuns signalée en 283 (note 9) y aurait été celle de la magistrature elle-même, n’est pas croyable. Ed. Meyer (Rhein. Mus. 37, 617 ; cf. Joh. Schmidt, Hermes, 21, 466) a déjà fait remarquer que dans le passage relatif à l’an 283 les mots πρός τούτοις indiquent l’addition de deux places, et, bien qu’il soit exact que les anciennes annales ont l’habitude de donner les noms propres des magistrats à l’occasion de la fondation des magistratures et que ceux rapportés pour 200 sont des inventions postérieures, il ne suit cependant pas de là ni que la version la plus ancienne ait dû forcément donner les noms en 260, ni qu’elle n’ait pas pu les donner pour l’élévation des places du collège a. quatre. Il n’y a aucun fond à faire sur le récit relatif à l’an 260 ; mais on ne peut abandonner le nombre deux qui est requis par l’analogie avec le consulat. En face du poids capital qu’avait l’auxilium dans le tribunat primitif et de son caractère personnel, on conçoit qu une agitation se soit faite dans les commencements pour obtenir la multiplication de ceux qui pouvaient le fournir.
[6] Tite-Live, 2, 58. C’est également, à ce chiffre qu’aboutit Tite-Live, 2, 33. Atticus (chez Asconius, p. 16) doit avoir raconté les choses de la même manière, si tant est qu’il ait admis l’élévation des tribuns de deux à cinq.
[7] Cicéron, In Carmel. éd. Orelli, p. 75. Le chiffre X après postero anno manque dans le moins interpolé des manuscrits et il est inconciliable avec le fait que, suivant Asconius, la relation de la première sécession de Cicéron admet l’élection de deux tribuns seulement. — Le même, De r. p. 2, 34, 59. Lydus, De mag. 1, 38. 44.
[8] Asconius, loc. cit., invoque dans ce sens Tuditanus et Tite-Live (2, 33). Denys, 6, 89, est dans le même sens, bien qu’il ne distingue les trois tribuns adjoints après coup que par έτι πρός τουτοΐς. Par corrélation, il compte cinq tribuns en 274 (9, 2) et 282 (9, 41). Dion (chez Zonaras, 7, 15) suit probablement la même version. Si Lydus, De mag., 1, 38. 44, n’a connaissance que de deux tribuns, c’est qu’il a négligemment copié Tite-Live, qu’il suit là, quand il ne divague pas. — Asconius indique comme la doctrine ordinaire des annalistes qu’on aurait élu dés le principe non pas deux tribuns, mais cinq. Nos sources ne connaissent pas cette doctrine, à moins d’entendre Denys dans ce sens.
[9] Diodore, 11, 68, sur l’an 283. J’ai remarqué, Rœm. Forsch. 2, 338, et Ed. Meyer, Rhein. Mus. 37, 116, a démontré plus en détail que ce témoignage est encore ici seul digne de foi. Niese, De annalibus Romanis, Marburg, 1886, p. 13, a très bien démontré que le nom de plus que présente Piso, L. Mecilius, était encore inconnu à celui qui dressa le tableau des dix premiers tribuns composé à l’aide de la liste de 283 (Tite-Live, 3, 54) et que, par conséquent, la liste qu’il avait sous les yeux était une liste de quatre membres.
[10] Tite-Live, 3, 30 ; Denys, 10, 30. Cependant Tite-Live, 2, 44, 6, admet déjà, d’après les meilleurs manuscrits, dix tribuns pour l’an 274. Ailleurs (2, 43, 4. c. 54, 9. c. 56, 4), il parle seulement sans préciser de plus de deux tribuns.
[11] Dans ses explications sur le tribunat (Zonaras, 7, 15), Dion mentionne l’élévation du chiffre de 2 à 5 et de 5 à 10 sans préciser de date ; plus loin (Zonaras, 7, 17), il est question, entre 283 et 296, de l’augmentation du nombre des tribuns et de neuf tribuns brûlés ; il parait donc avoir placé l’élévation du chiffre de cinq à dix en l’an 283.
[12] Cicéron, qui ne s’explique pas en dehors de cela sur l’augmentation du nombre de tribuns, le suppose lui-même (note 14).
[13] Asconius, loc. cit.. Zonaras, loc., cit. (note 8). Tite-Live, 3, 30, 6. Nous expliquons (VI, 1) la raison pour laquelle l’histoire a été ainsi interpolée.
[14] La nomination de dix tribuns lors du rétablissement du tribunat en 305 est rapportée par Cicéron, chez Asconius, In Cornel. p. 77, et Tite-Live, 3. 54, 11, où ils sont cités par leur nom. Autres témoignages attestant le chiffre dix dans Cicéron, De leg. 3, 3, 9. c. 10 ; 24. In Vatin. 7, 16. Aulu-Gelle, 6 [7], 19 ; Tite-Live, 3, 64, et ailleurs fréquemment.
[15] Tite-Live, 4, 16 : Hunc Minucium apud quosdam auctores transisse a patribus ad plebem undedimumque tribunum plebis cooptatum seditionem motam ex Mæliana cæde sedasse invenio. Pline, H. n. 18, 3, 15. Tite-Live rejette lui-même cette version.
[16] Clodius songea à rendre le tribunat accessible aux deux ordres (Dion, 37, 54), et ce ne fut qu’après l’échec de ce projet qu’il brigua pour lui-même le plébéiat.
[17] Tite-Live, 3, 65 et 5, 10. Je me suis trompé dans mon édition du palimpseste de Vérone, p. 494, en considérant le premier texte comme une interpolation tardive à cause de la leçon divergente de ce Ms. ; les objections sont levées par la distinction des tribuns nommés sur une rogation et de ceux nommés par cooptation. A la vérité, cela ne veut pas dire qu’il y ait en réalité jamais eu des tribuns du peuple patriciens. Peut-être un ancien jurisconsulte, qui ne trouvait le plébéiat mentionné que dans le carmen rogationis, en a-t-il conclu que le patriciat était compatible avec le tribunat concédé par cooptation et a-t-il donné pour expression à son idée un récit de ce genre : Fiais l’acceptation de la nomination peut avoir été considérée comme une sortie du patriciat, sortie qui est expressément indiquée pour Minucius et qui semble aussi avoir été supposée ici.
[18] Tite-Live, 3, 64, 4. Appien, B. c. 1, 14. La même chose se révèle à ce qu’à l’époque ancienne le tribun qui présidait le vote se faisait fréquemment élire lui-même.
[19] Le premier établissement et le rétablissement du tribunat sont des actes révolutionnaires, tout comme l’établissement du consulat ; il est forcément impossible de trouver pour eux une formule rentrant dans le cadre constitutionnel. Si l’élection des tribuns de 305 a en réalité eu lieu sous la présidence du grand pontife patricien, cela ne peut être ramené qu’à une loi spéciale légalisant l’acte révolutionnaire. — Sur la surveillance exercée par les consuls sur ces élections elles-mêmes. La tenue des comices tribuniciens par le dictateur César (Suétone, Cæsar, 76) signifie aussi uniquement qu’il les provoqua et les surveilla comme faisaient sans cela les consuls (cf. Dion, 42, 20).
[20] Sous l’Empire, les tribuns étaient nommés par le sénat comme les magistrats patriciens. Mais la renuntiatio avait lieu même alors devant le consilium plebis.
[21] Assurément nous n’avons pas de témoignage précis relatifs à la comparatio tribunicienne et elle doit s’être présentée rarement, puisqu’il q fallait l’entente de dix collègues. Mais rien ne l’exclut (car la règle selon laquelle le tribun désigné par le sort pour la présidence du vote ne peut la céder arbitrairement à un collègue de son choix est quelque chose de tout différent), et l’analogie des magistrats supérieurs patriciens l’exige. L’admission de la comparatio est le signe caractéristique de la magistrature supérieure.
[22] Des précautions ont aussi été nécessairement prises pour qu’un tribun isolé ne pût pas empêcher l’élection en refusant de participer au tirage au sort.
[23] Tite-Live, 3, 55 (cf. c. 64, 9) sur l’an 305. Cicéron, De leg. 3, 3, 9. Cette disposition doit être essentiellement aussi ancienne que le tribunat, et elle peut n’avoir été que rétablie en 304. On peut invoquer dans ce sens l’histoire des neuf tribuns du peuple qui étaient conjurés avec le consul de 268, Sp. Cassius, pour ne pas faire les élections des magistrats et qui furent, en conséquence, brillés sur la proposition du dixième (Val. Max. 6, 3, 2 ; sur d’autres rédactions de la même anecdote, cf. Hermes, 5, 237 = Rœm. Forsch. 2, 468). L’histoire est inventée correctement en ce que l’abrogation du tribunat était légalement possible et que l’intercession contre elle était exclue. Au reste, le récit du tribunat de M. Duilius semble avoir pour but de mettre en lumière le droit de cooptation des tribuns avant sa suppression et n’être donc là qu’essentiellement à cause de la loi Trebonia.
[24] L’allégation, selon laquelle les tribuns élus en 462 se seraient retirés comme vitio creati (Tite-Live, 10, 47), sonne assez faux.
[25] Diodore, 12, 25, cite parmi les dispositions organiques relatives au tribunat constitué en 305 : Έαν οί δήμαρχοι μή συμφονώσι πρός άλλήλους, κύριον εΐναι τό άνά μέσον κείμενον κωλύεσθαι, c’est-à-dire que l’obstacle apporté à la résolution dont il s’agit doit produire effet ; car c’est ainsi qu’il faut restituer le texte en corrigeant les mots κύριοι εΐναι τόν άνά μέσον κείμενον μή κωλύεσθαι qui nous ont été transmis.
[26] Quand Denys, 7, 14. 10, 31, parle d’un ήγεμών τοΰ άρχείου ou Cicéron, De l. agr. 2, 5, 13, d’un princeps agrariæ legis (cf. c. 9, 22), cette autorité de fait n’a rien à faire avec le droit.
[27] Plutarque, Q. R. 31 ; Zonaras, 7, 15. Tite-Live, 2, 56, 13, attribue aux adversaires du tribunat la doctrine tribunum privatum esse sine imperio, sine magistratu ; ailleurs (2, 56, 11 ; de même, 2, 35, 3) ; on lit même : Consul Appuis negare jus esse tribuno in quemquam nisi in plebeium, non enim populi, sed plebis eum magistratum esse, motif invoqué pour soutenir qu’il n’a pas la coercition contre les patriciens. On refuse donc là au tribun, non seulement la qualité de magistrat, mais la possession de l’autorité des magistrats, ce qui, à la vérité, revient à ne pas reconnaître le tribunat. Tous les textes cités visent seulement la situation primitive du tribunat du peuple ou même seulement la situation qu’il aurait selon les désirs du parti contraire. Ils sont donc moins un témoignage qu’une déduction, mais une déduction irréfutable.
[28] J’ai antérieurement cru trouver une allusion à ces auspices dans les explications de Messalla sur les auspices (dans Aulu-Gelle, 13, 15) où la proposition tronquée par laquelle elles commencent : Patriciorum auspicia in duas sunt divisa potestates parait impliquer auparavant quelque chose comme : Auspicia magistratuum sunt aut patriciorum aut plebeiorum. Mais Soltau, Gültigkeit der Plebiscite, p. 67, remarque avec raison que la phrase précédente pouvait aussi être une simple négation des auspices des magistrats plébéiens.
[29] Tite-Live, 2, 56, 10. 3, 17, 1. Cicéron, Pro Sest. 29, 62. 35, 15, De inv. 2, 11, 52.
[30] Tite-Live, 6, 41, 5, sur l’an 386. Cf. 4, 6, 2. 7, 7, 11. 10, 8, 9. Denys, 9, 49. De même, 9, 41. 10, 4. La dépendance de la lex curiata dans laquelle sont mis les auspices de tous les magistrats (Messalla, chez Aulu-Gelle, 13, 15) prouve aussi qu’ils n’ont pas été attribués aux magistrats plébéiens.
[31] Selon la conception des anciens, l’existence de l’assemblée distincte de la plèbe ne commence qu’avec la loi Publilia de 283 et par conséquent c’est aussi seulement de là que part la nomination sans auspices. Tant que les tribuns sont nommés dans les comices par curies de l’ensemble du peuple, la nomination a lieu auspicato (Cicéron, In Corn. chez Asconius, éd. Orelli, p. 76 ; Denys, 9, 41 ; Rœm. Forsch. 1, 184).
[32] Tite-Live, 7, 6, 11.
[33] Chez Zonaras, d’après Dion 1, 19. Cf. c. 45. J’ai exprimé, Rœm. Forsch. 3, 465, la conjecture que cette information aurait été transportée erronément des auspices des comices par tribus patricio-plébéiens introduits précisément vers cette époque aux concilia plebis dépourvus d’auspices.
[34] C’est à tort qu’on a conclu de Denys, 10, 48, que les tribuns auraient offert un sacrifice le premier jour de leurs fonctions ; les σωτήρις, que le tribun Siccius offre κατά νόμον le premier jour de ses fonctions, se rapportent à son salut miraculeux d’un danger mortel.
[35] Nous avons expliqué que les auspices par les oiseaux pris par Ti. Gracchus le jour de sa mort ont probablement été pris par lui comme triumvir agris dandis adsignandis et non comme tribun du peuple.
[36] Si le décret tribunicien (au reste apocryphe) rapporté chez Aulu-Gelle, 6 [1], 19, 5, blâme un tribun du peuple, parce qu’il contra leges contraque morem majorum hominibus accitis per vim inauspicato sententiarn tulerit, il s’agit de la première sentence pénale qui précède la procédure tribunicienne d’amende, et non pas de sa confirmation par le concilium plebis, et il n’y a par conséquent rien à déduire de là, tout au moins, quant à cette dernière. Si inauspicato n’est pas simplement pris à titre de métaphore, il ne peut s’agir que d’une chose, c’est de ce que tout juste doit, avant sa sentence, prendre les auspices, qui alors dans beaucoup de cas sont forcément privata. Mais il est plus que problématique d’édifier une règle d’une si large portée sur l’interprétation littérale d’un seul mot.
[37] L’extension à donner aux mots de Cicéron, De leg. 3, 3, 10 : Omnes magistratus auspicium judiciumque habento, est d’autant plus douteuse que, dans leur interprétation, 3, 12, 27, il n’est question que de comitiatus. Mais, quand bien même Cicéron aurait embrassé les tribuns du peuple en employant le terme magistratus, l’expression peut être rapportée aux auspices oblatifs et par suite elle ne prouve rien pour les auspices impétratifs.
[38] Tite-Live, 30, 39.
[39] C’est pourquoi un tribun du peuple est noté par le censeur comme ementitus auspicia, dans Cicéron, De div. 1, 16, 29, où il s’agit des auspicia ex diris, sur lesquels il fondait son obnuntiation.
[40] Elle ressort nettement dans Cicéron, De div. 2, 35, 74, où il est dit, au sujet de l’empêchement des comices produit par la foudre : Quod institutum rei publicæ causa est, ut comitiorum, vel in judiciis populi vol in jure legum vel in creandis magistratibus, principes civitatis essent interpretes.
[41] Dans Tite-Live, 6, 37, 4, les tribuns disent : Non passe æquo jure agi, ubi imperium penes illos, penes se auxilium tantum sit ; nisi imperio communicato numquam plebem in parte pari rei publicæ fore. On trouve souvent des témoignages analogues.
[42] Denys, 6, 89 ; 7, 22. Plutarque, Ti. Gracch. 15. Appien, B. c. 2, 108. 4, 17, etc. — C’est assurément une tâche désespérée que de vouloir mettre un terme aux discussions confuses sur un mot qui, comme sacrosanctus, a été créé précisément pour être placé où les idées font défaut. Mais ceux qui ont la volonté et la capacité d’entendre un principe juridique et de passer de cette conception logique des institutions romaines, rejetée précisément pour cela comme dogmatique par les cerveaux illogiques, à la notion du droit public romain, admettront que la puissance sainte, ou plus exactement la puissance jurée, ne se confond pas avec la puissance légale et que le serment et la loi sont des valeurs irréductibles.
[43] Denys, 6, 89, représente les tribuns proposant un loi suivante pour rendre la magistrature sacro-sainte par la loi et le serment. Appien, B. c. 2, 108 (cf. c. 138). Festus, s. v. Sacer mons, p. 318, indique en termes concordants la disposition de la lex tribunicia prima et v. Sacrosanctus, p. 318, Tite-Live, 2, 33, indique la même chose par les mots : Ut plebi sui magistratus essent sacrosancti, et cite aussi la sacrata lex, (c’est-à-dire confirmée par serment : Cicéron, De of. 3, 31, 111 ; Festus, h. v. p. 318). Il détermine plus énergiquement l’idée au sujet du rétablissement du tribunat, 3, 55.
[44] C’est ainsi que les deux pouvoirs sont définis comme religione inviolatus et lege inviolatus par le jurisconsulte auquel emprunte Tite-Live, 3, 55, et dont l’exposition compétente doit toujours être prise pour base dans cette théorie. On peut ajouter l’idée exposée par Ti. Gracchus (Plutarque, 15) selon laquelle le droit romain ne connaît pas d’inviolabilité fondée sur des raisons religieuses et les personnes revêtues des sacerdoces les plus sacrés, tels que celui de Vesta et le grand pontificat, sont sons la main de la loi comme tout citoyen ordinaire. La sacrosancta potestas du tribun a été à l’origine un euphémisme pour désigner l’action révolutionnaire de la force individuelle et la puissance tribunicienne a gardé de là cette désignation, même depuis qu’elle ne s’est plus fondée exclusivement sur cette force individuelle.
[45] Les maîtres du droit public d’opinions plébéiennes ont bien senti cette défectuosité ; car ils ont essayé d’y remédier. On trouve, à titre incident chez Tite-Live (4, 6, 7) et développée chez Denys, une conception selon laquelle la plèbe aurait été constituée par un fœdus conclu entré patriciens et plébéiens, qu’auraient juré les patriciens (6, 84. 7, 40) ou tous les Romains (6, 89. 11, 55) et auquel auraient même assisté des fétiaux (6, 89). L’acte devient ainsi à peu prés assimilé à celui par lequel l’exemption du service militaire fut assurée aux colons d’Ostie (1, 276) et est légitimé, à cette seule condition que l’on considère comme serment dg peuple, le serment collectif des citoyens au lieu de celui du magistrat ayant qualité. Cependant on voit clairement à cela même qu’il n’y a là qu’un remaniement juridique de l’ancienne conception révolutionnaire. Les sources les meilleures représentent ce serment comme prêté exclusivement par la plèbe (Tite-Live, 3, 55) et sur le mont sacré (Tite-Live, 2, 33 ; Festus, p. 318), donc en l’absence des patriciens.
[46] Cette loi manque chez Tite-Live ; Denys, 7, 17, la rapporte, comme un plébiscite Icilien de l’an 262, le second depuis la constitution de la plèbe, en habillant les faits d’un costume historique assurément absurde (Schwegler, 2, 399) ; mais la formule vient d’une bonne source. La preuve que cette loi était comptée, à l’égal de celle sur la protection personnelle des tribuns, parmi les lois fondamentales de la plèbe résulte tant de Cicéron, Pro Sest. 37, 79, que de la date de Denys reculée presque jusqu’à la première sécession de la plèbe. Denys, 7, 16, représente même ses patriciens comme accordant que dès la première reconnaissance de la plèbe il a été convenu, όταν οί δήμαρχοι συναγάγωσι τόν δήμον ϋπίρ ότουδήτινος, μή παρεΐναι τή συνόδω τούς πατρικίους μηδ' ένοχλειν.
[47] Ainsi le tribun M. Drusus fait arrêter le consul Philippus, quia interfari contionantem ausus fuerat (Val. Max. 9, 5, 2). Pline, Ep. 1, 23, 2 : Quem interfari nefas esset. Des procès tribuniciens motivés par de pareils troubles sont relatés : en l’an 293, contre Kæso Quinctius (cf. surtout Tite-Live, 3, 11, 8) ; en l’an 299, chez Denys, 10, 41. 42, en l’an 522, chez Cicéron, De inv., 2, 17, 52 (si l’incident n’est pas purement imaginaire) ; en l’an 542, chez Tite-Live, 25, 3. 4 ; plus tard centre C. Gracchus (De viris ill. 65). Dans la plupart des cas, il y a en même temps un attentat contre la personne du tribun et cela rend le procès capital. Quand ce n’est pas le cas, comme pour l’exemple de 299, où il est dit expressément (Denys, 10, 41) que les auteurs du trouble se gardèrent de porter la main sur les tribuns eux-mêmes, la poursuite tend seulement à la consécration des biens à Cérès. — Le procès analogue contre Q. Cæpio (Ad Herenn. 1, 12, 21) appartient aux questions extraordinaires.
[48] Le préteur et le censeur contionem avocant et sont punissables en pareil cas (Tite-Live, 43, 16).
[49] On peut indiquer comme preuve de ce que les tribuns n’ont pas eu le pouvoir d’empêcher les assemblées du peuple par la convocation d’assemblées de la plèbe, l’absence de tout témoignage sérieux en faveur de ce droit (car Tite-Live, 4, 25, 1 : Tribuni pl. adsiduis contionibus prohibendo consularia comitia se rapporte évidemment uniquement à un empêchement de fait). A quoi, en outre, l’obnuntiation aurait-elle servi aux tribuns, s’ils avaient pu disperser les comices par ce procédé beaucoup plus simple ? De plus le silence, qu’observe Messalla au sujet des tribuns en expliquant la règle Bifariam cum populo agi non posse semble indiquer quelle ne se rapportait qu’au populus et qu’aucun obstacle légal ne s’opposait à la tenue simultanée des comitia populi et du concilium plebis.
[50] La valeur technique du mot n’est pas au-dessus de tout doute. Le texte de Tite-Live, 6, 36, 9, est absolument isolé et Weissenborn remarque avec raison sur ce texte que veto peut aisément y être une interpolation. Vetare est naturellement appliqué aussi aux tribuns du peuple (Tite-Live, 3, 13, 6 ; Aulu-Gelle, 13, 12, 9 ; Suétone, Tib. 2) ; mais intercedere seul semble technique.
[51] La doctrine actuellement dominante, selon laquelle le droit d’intercession se serait à l’origine restreint à l’auxilium, c’est-à-dire à l’intercession contre les décrets, ne s’accorde pas avec les sources. Si l’on fait seulement ressortir l’auxilium lors de la création du tribunat, l’explication en est que c’était là le but propre et le plus immédiatement pratique de l’institution. Les autres branches du droit d’intercession ne sont nulle part exclues ni indiquées comme acquises plus tard, verrons-nous plus loin pour chaque catégorie. En outre et surtout, on oublie, dans ce système, que l’intercession est une unité et que l’action contre le magistrat qui rend un décret et celle contre le magistrat qui fait une rogation ou un sénatus-consulte ne sont pas des droits différents, mais seulement des applications différentes d’un même droit. Une résolution des magistrats est comprise dans le sénatus-consulte ou dans la rogation comme dans le décret, et l’intercession est toujours dirigée contre cette résolution.
[52] Juvénal, 7, 228 : Rara tamen merces, quæ cognitione tribuni non egeat signifie que celui qui est invité parle préteur extra ordinem à faire un pareil paiement, invoque encore alors contre ce décret le tribun, c’est-à-dire essaie de tous les moyens pour s’exempter de payer. Lorsque, dans le même auteur, 11, 7, un prodigue ruiné se résout à se faire gladiateur non cogente quidem, sed nec prohibente tribuno, cela doit se fonder sur une procédure semblable, quoique nous ne sachions pas, qu’un décret de magistrat soit rendu en matière d’auctoramentum et que, par suite, le tribun soit en situation d’en permettre ou d’en empêcher l’exécution. Mais une prescription impériale particulière peut aussi avoir conféré aux tribuns du peuplé sur ces contrats délicats, un contrôle qui leur permît de les ratifier ou de les casses ü leur gré [v : aujourd’hui, Eph. ep. VII ; p. 410, note 4 ; et 411]. Cette activité des tribuns avait sûrement encore une importance sous le Principat ; bien que ceux qui voulaient s’en abstenir pussent le faire en repoussant l’appel.
[53] Aulu-Gelle, 13, 12, 9. Le même, 3, 2, 11 (d’où Macrobe, Sat. 1, 3, 8 ; Servius, Ad Æn. 5, 738). Dion, 37, 43. 45, 27. En 711, un tribun fut déposé (Dion, 46, 49). — Une exception générale est la fête latine, Denys, 8, 87.
[54] Plutarque, Q. R. 81.
[55] Tite-Live, 3, 13, 6. c. 56. 8, 33, 7. 9, 26, 16. 38, 52, 8. Suétone, Cæsar, 23.
[56] Le sénat adjoignit des tribuns à ses messagers dans deux légations adressées à des généraux, celle envoyée au consul Q. Fabius en 444 (Tite-Live, 9, 36, 14) et celle envoyée en 550 au proconsul Scipion (Tite-Live, 29, 20). Il est ajouté expressément pour la dernière que cela eut lieu, afin de faire arrêter au besoin le proconsul par les édiles qui avaient été également emmenés et pour le ramener à Rome jure sacrosanctæ potestatis. D’autre part, les tribuns, lorsqu’ils quittent la ville sont subjecti consulari imperio. On n’a pas trouvé d’explication théorique satisfaisante. Peut-être d’autorité, qui n’est point proprement légale, du sénat sur le magistrat insubordonné est-elle seulement renforcée par l’autorité, morale qui appartient aux magistrats de la plèbe, même lorsqu’ils n’ont pas en droit la coercition. L’es tribuns du peuplé mentionnés pour la sponsio de Caudium (Tite-Live, 9, 8, et ss. Cicéron, De off. 3, 30, 109) sont étrangers à la question ; car il n’est pas établi qu’ils eussent déjà revêtu leur magistrature lorsqu’ils se trouvaient à l’armée.
[57] Tacite, Ann. 13, 28.
[58] Plutarque, Cat. Min. 5. Cf. l’inscription d’un public(us) a subsel(lio) tribunorum (C. I. L. IV, 2340). Becker, Top. p. 307. La tabula Valeria qui figure chez Cicéron, In Val. 9, 21, (cf. Schol. Bob. p. 318 et Ad fam. 1.4, 2, 2) comme local officiel des tribuns et qui, selon Pline, H. n. 35, 4, 22, était une fresque, peinte sur la paroi latérale de la curie Hostilia, se confond probablement avec ce local ; car la curie et la basilique, Porcia étaient contiguës.
[59] Aulu-Gelle, 6 [7], 19, et Tite-Live, 38, 60, donnent des exemples de pareils décrets des tribuns dans le procès des Scipions. Juvénal, 7, 228.
[60] Elle est mentionnée pour la première fois en l’an 282 : Tite-Live, 2, 56, 4.
[61] Aux élections consulaires de 271 : Denys, 8, 90 ; au procès capital des questeurs contre M. Volscius en 295 : Tite-Live, 3, 24, 7. Au contraire, le même auteur représente, 4, 25, 1, sous la date de l’an 327, les tribuns comme empêchant les comices non pas directement par intercession, mais indirectement adsiduis contionibus.
[62] Tite-Live, 4, 6, 6. Denys, 11, 51. Cf. 10, 40. Le droit d’intercession n’est pas regardé lit comme un droit nouvellement acquis. Les annalistes, partant de l’idée qu’il rentre dans les attributions des tribuns, en Pont usage à leur fantaisie pour dépeindre la lutte relative à la loi Canuleia. Autres exemples d’intercession tribunicienne qui ne sont pas beaucoup plus récents dans Tite-Live, 4, 43, 6. c. 50, 6. 8. c. 57, 5.
[63] Valère Maxime, 2, 2, 7. Zonaras, 7, 45. Nos informateurs paraissent se représenter les tribuns assis devant la porte de la curie et entendant de là les délibérations, et cela peut leur avoir été permis selon les circonstances. Mais ce n’était aucunement là un droit d’assister aux débats, pas plus qu’on ne peut regarder les jeunes gens qui accompagnaient les sénateurs allant à la curie et en revenant et qui pendant la séance affixi valvis expectabant (Val. Max. 2, 1, 9) comme étant pour cela admis aux délibérations sans droit de vote. Si l’on avait accordé ce droit aux tribuns, on leur aurait aussi affecté un emplacement séparé dans l’intérieur de la curie : ce n’est pas devant la porte de la salle des séances que sont aujourd’hui placés les journalistes. Les séances du sénat tout en étant tenues les portes ouvertes n’étaient pas du tout publiques. Le motif de cette pratique était, sans aucun doute, que l’intercession tribunicienne était forclose si elle n’était pas formée aussitôt, règle de droit qui a sans doute existé dés le principe, quoique nous soyons hors d’état de définir nettement ce que l’on a entendu par une intercession immédiate à l’époque où les tribuns ne siégeaient pas encore au sénat. Il fallait en conséquence, pour que le droit ne fut pas illusoire, que les tribuns fussent à même de connaître tous les sénatus-consultes immédiatement après leur rédaction. Cf. Tite-Live, 4, 36.
[64] Hofmann, Senat, p. 122, attache du poids à ce que, dans Tite-Live, 4, 1, 6. c. 2, 12, les tribuns, pour empêcher la levée, interviennent contre la levée elle-même et non pas contre le sénatus-consulte qui la prescrit. Mais il en est ainsi uniquement parce que le consul, spécialement dans cette période, fait la levée en vertu de son imperium et n’a pas besoin d’y être autorisé par le sénat. L’intercession se dirigeait donc contre l’ordre des magistrats, qui légalement entrait seul en ligne de compte.
[65] Au temps de Claude, un affranchi maltraité par son patron demande aux tribuns pour le protéger contre ce patron un de leurs serviteurs et il l’obtient (Dion, 69, 28). Quoique l’empereur ait interdit aux tribuns d’accorder une pareille protection, qui n’était assurément pas d’accord avec le système juridique récent, à peine de suspension, il semble plutôt y avoir là un exercice inopportun des pouvoirs tribuniciens qu’un excès de pouvoirs en forme.
[66] Aulu-Gelle, 13, 12, 3.
[67] L’acte des patriciens contre lesquels sont dirigées la justice et la coercition tribunicienne et qui contestent’ aux tribuns le droit d’intervenir contre des patriciens (Tite-Live, 2, 53, 3, relativement à Coriolan. c. 56, 11) est, au point de vue plébéien, une chicane juridique et, au point de vue patricien, la négation juridique du tribunat.
[68] Comme le porte en tête la formule de serment chez Denys (6, 91). Cf. 10, 42.
[69] Appien, B. c. 2, 138. Dion, 55, 10. Pourtant le droit des tribuns de ne pas déférer a la citation n’étant protégé directement que par la coercition et celle-ci pouvant être paralysée par l’intercession des collègues, le tribun du peuple lui-même peut être forcé, selon les circonstances, à comparaître en justice, comme dans le cas rapporté par Val. Max. 6, 5, 4. L’intercession est de même traitée comme n’existant pas dans l’affaire mentionnée dans Tite-Live, 43, 16. Un procès capital pour manquement à un tribun du peuple aurait pu être intenté dans ces cas ; mais immédiatement le tribun offensé n’avait dans la main aucun autre moyen pour faire prévaloir son droit. A la vérité, le tribunat s’anéantit lui-même, si les tribuns mettent hors de défense leur collègue attaqué qui se défend contre l’attaque et, selon toute vraisemblance, on n’aurait pas, à l’époque ancienne, aussi facilement mis de côté le droit parfaitement fondé, bien qu’exercé abusivement d’une manière moralement condamnable. — Contre la proposition d’abrogation du tribunat, l’intercession était probablement inadmissible en droit.
[70] C’est à cela que se rapporte le procès fait à C. Rabirius accusé du meurtre du tribun du peuple Saturninus. A mon avis, le procès de Perduellio entrepris devant les centuries n’aboutit pas et le discours que nous possédons a été prononcé dans le procès tribunicien de multa qui suivit. Les mots du titre perduellionis reo ont été empruntés à tort par les éditeurs au discours In Pison., 2, 4.
[71] Cicéron, Pro Tullio, 47. Suétone, Tibère, 2. La formule de serment de Denys (6, 89) parle seulement des verges et de la mort. Dion, chez Zonaras, 7, 15. Les procès se rattachant à cela ont déjà été mentionnés note 47, au sujet du trouble apporté à l’action des tribuns avec lequel coïncident le plus souvent ces infractions.
[72] Ainsi, Ti. Gracchus fit arrêter T. Annius Luscus parce qu’il l’avait provoqué à une sponsio et il voulut le mettre en accusation (Plutarque, Ti. Gracch. 10 ; Tite-Live, Ep. 56 ; Festus, s. v. Satura, p. 314). Les peines capitales et les consécrations des biens par lesquelles les tribuns du VIIe siècle répondaient aux notations des censeurs, se rattachent à cette idée. Mais la procédure introduite contre les censeurs de 540 par un tribun qu’ils avaient exclu du sénat (Tite-Live, 24, 43) a difficilement été motivée en la forme par cette exclusion.
[73] Plutarque, C. Gracch. 3. Il est aussi attesté ailleurs que tous doivent faire place devant le tribun.
[74] Si le procès de Kæso est juridiquement correct, l’accusation dirigée contre Coriolan en 263, qui a probablement été imaginée postérieurement à l’image de ce procès et qui aurait été fondée, sur la proposition faite par lui au sénat de priver les plébéiens du grain nécessaire à faire lé pain, tant qu’ils ne renonceraient pas à l’auxilium tribunicien. (Tite-Live, 2, 34.35), est, comme du reste toute cette fable, absolument anti-juridique, en dépit dû sens puissant de la réalité quelle présente quant à l’invention. La version primitive peut cependant avoir représenté Coriolan comme faisant, en qualité de consul, une proposition de suppression du tribunat. Cf. Hermes, 4, 18. 23 = Rœm. Forsch. 2, 140. 148.
[75] Les actions dirigées de ce chef contre L. Opimius consul, en 633, et M. Cicero, consul en 691, ont été citées. On peut comparer, pour l’époque ancienne, le procès da même genre dont le tribun menace l’ex-maître de la cavalerie Servilius Ahala, chez Tite-Live, 4, 21, 3, et qui a même lieu selon d’autres (Cicéron, De domo, 32, 86). Cependant le récit de la mort de Sp. Mœlius était originairement étranger a ceci ; car, dans la version la plus ancienne Ahala est un particulier. Le but du récit était de prouver la légitimité du meurtre des tyrans. Hermes, 5, 265 = Rœm. Forsch. 2, 211.
[76] Telle est la loi Duilia qui porte la peiné capitale contre l’établissement de magistrats soustraits à la provocation. — II est caractéristique que la loi agraire Cassia, qui, d’après la propre relation des annales, ne fut pas adoptée, soit aussi ensuite traitée par elles comme une des lois fondamentales de la plèbe et quelles représentent même des accusations capitales comme intentées contre les magistrats (L. Furius et C. Manlius, consuls en 280 : Tite-Live, 2, 54. Denys, 9, 37. Schwegler, 2, 480. 531) et les particuliers (Ap. Claudius consul en 284 : Tite-Live, 2, 64. Denys, 9, 54. Zonaras, 7, 17. Schwegler, 2,567) qui s’opposent à son application.
[77] Ce n’est que par une confusion d’idées que Fuji soutient que la puissance tribunicienne n’est pas la plus forte, mais est simplement sacro-sainte. Si dans l’État toutes les potestates sont nécessairement dans un rapport de supériorité, d’égalité ou de subordination et si, comme, il est notoire, la puissance tribunicienne prévaut sur la puissance consulaire depuis qu’elle est reconnue, elle est la plus forte, de quelque nom qu’on l’appelle. Sans cloute, la puissance consulaire et la puissance tribunicienne n’ont pas été corrélatives dès le principe, comme l’ont été, par exemple, la puissance consulaire et la puissance prétorienne, et par suite aussi leur opposition n’a pas été fixée dans la terminologie, connue elle l’a été là pour le collega major et le minor ; au contraire, quand on veut exprimer la prédominance de la puissance tribunicienne, où l’appelle bien, plus d’une fois, énonciativement major ; mais en langue technique, on la désigne du nom, emprunté à sa genèse historique, de sacrosancta.
[78] En tout cas, le droit des tribuns de convoquer les centuries en matière capitale, est plus ancien que la loi Hortensia ; s’ils n’avaient acquis la juridiction capitale que postérieurement, cela se serait fait en accordant à la plèbe le pouvoir judiciaire comme on lui accorde le pouvoir législatif. On conçoit au contraire que le régime ancien des procès capitaux n’ait pas été plus affecté par la nouvelle force obligatoire générale des plébiscites que les différents modes de vote.
[79] Il y a de ce système une double trace dans Cicéron : d’une part, les leges sacratæ auraient selon lui déjà réservé, comme les XII Tables, les procès capitaux aux centuries (Cicéron, Pro Sestio, 36, 65) ; d’autre part, Kæso Quinctius aurait été condamné en 293 dans les comices par centuries (Cicéron, De domo, 32, 86).
[80] Il suffit de rappeler le procès de Cn. Marcius Coriolanus en 263 et celui de Kæso Quinctius qui vient d’être nommé.
[81] La loi rendue sur ce point en 305 est un plébiscite, mais un de ceux qui out eu indubitablement force de loi dès le principe.
[82] Les deux choses sont distinguées nettement par la relation de Tite-Live (2, 33).
[83] Cicéron, Pro Balbo, 14, 33. Ce texte difficile et sûrement corrompu trouve sa rectification dans la distinction faite ensuite par Cicéron entre les deux modes d’établissement du sacrosanctum, l’obtestatio legis et la capitis consecratio, d’après laquelle il faut, quant au sens, lire quelque chose comme aut genere ipso obtestatione legis aut consecratione pœnæ. La première variété ne peut être autre chose que les lois sacro-saintes au sens propre, c’est-à-dire renforcées par le serment du magistrat, le mot obtestatio désignant ici ce renforcement ; quant à la seconde variété, elle tient au changement de signification du nom des leges sacratæ transporté des lois jurées à celles quibus sanctum est qui quid advorsus eas fecerit, sacer alicui deorum sit cum familia pecuniaque, idée encore formulée plus loin, 15, 35, par Cicéron en disant : Sacrasanctum nihil potest esse nisi quod per populum plebemve sanctum est. Chez les auteurs récents, notamment chez les Grecs, la conception de la puissance sacro-sainte qui prévaut est la seconde, celle selon laquelle sa violation a le sacrum esse pour conséquence ; ainsi chez Denys, 6, 89, et encore plus nettement chez Zonaras, 7, 15. Le jurisconsulte de Tite-Live (2, 33) contredit cette théorie en opposant le sacra sanctus comme religione inviolatus ou lege inviolatus. C’est là la doctrine la plus ancienne et la plus correcte : une observation suffit pour le prouver ; c’est que le sacrum esse n’est rien autre chose que la formule en usage à l’époque ancienne pour la peine capitale ; c’est seulement depuis que cela a été oublié que l’on a pu attacher de l’importance à une pareille conception des privilèges des tribuns.
[84] Des jurisconsultes romains isolés paraissent même, par un nouveau pas dans cette voie, vouloir étendre la sacrosancta potestas à tous les magistrats supérieurs, Car on ne peut comprendre autrement qu’on ait intercalé par interprétation les consuls et les préteurs dans la loi Valeria Horatia qui sanctionnait l’inviolabilité légale des magistrats plébéiens. Dans le De Bello Hisp. 42, 4, il est positivement question de populi Romani magistratibus sacro sanctus.
[85] Ce point a été essentiel pour ce serment politique ; comme pour tous les autres du même genre, dit expressément Denys (6, 89).
[86] Par exemple (selon Denys 8, 87), César commença la guerre civile ώς άρχή δήμου παναγεΐ τό κράτος άφαιρεθείση παρά τούς ίερούς όρκους τών προγόνων άύτός όσίως καί σύν δίκη βοηθών.
[87] Les deux tribuns qui doivent être livrés aux Samnites en vertu de la convention de Caudium disent que cela ne peut avoir lieu (Tite-Live, 9, 8, 15) et ils ont, en la forme, le droit de leur côté (c. 9, 1). C’est là un des cas peu fréquents où nous voyons nettement l’avantage qu’a le tribun inviolable sur le magistrat ordinaire ; mais ce n’est qu’une conséquence de la major potestas. Le tribun ne peut être arrêté, tandis qu’en pareil cas le consul aurait été arrêté par le tribun.
[88] Ce n’est pas seulement par suite de l’incertitude des divisions des crimes et des peines du droit romain, qu’il n’est pas possible de déterminer avec une netteté juridique la différence qui sépare les infractions commises contre la magistrature tribunicienne de celles commises contre les autres magistratures. Il est possible que, dans la procédure des quæstiones, l’infraction contre un tribun ait plutôt été classés comme majestas et les autres infractions contre un magistrat comme vis (cf. Cicéron, Pro Cæl. 1, 1). Mais c’est un fait connu que les deux catégories de crimes débordent l’une sur l’autre et le motif donné à l’accusation de majesté, Ad Her. 2, 17, 52, suffit a montrer, ainsi qu’il n’est pas douteux encore pour d’autres raisons, qu’un délit grave contre un consul aurait pu également conduire à une poursuite de majesté. L’obligation jurée et l’obligation légale sont différentes, quant à la source et non pas quant à l’effet ; c’est vrai en matière d’inviolabilité des magistrats, comme en matière de paiement. On ne peut apercevoir de différence de nature entre la puissance sacro-sainte et celle qui ne l’est pas dans cette matière qui serait, s’il y en avait eu une, le siège propre de la différence ; la punition se proportionne, comme pour tous les crimes contre les magistrats, notamment selon le rang du magistrat, et l’infraction contre le tribun est punie plus sévèrement que celle contre le consul pour la même raison pour laquelle l’infraction contré le consul est plus grave que l’offense au questeur.
[89] Peu importait pour cette interprétation que l’on fondât l’inviolabilité des tribuns sur la religio ou la lex ; dans les deux cas, les titres prononcent la mort du sacer, sans prescrit : expressément une constatation judiciaire et préalable des faits.
[90] La lex astiqua de legibus sacratis, quæ ubeat impune occidi eum qui tribunum pl. pulsaverit, apparaît chez Cicéron, Pro Tull. 47 et ss., dans une telle relation avec le meurtre fondé sur la légitime défense, qu’on ne peut douter de la façon dont la lex tribunicia prima conservée par Festus, p. 318, est entendue là. L’auteur dans lequel a puisé Festus la comprenait d’ailleurs autrement.
[91] Aucun écrivain n’a exprimé cette théorie aussi brutalement que le contemporain d’Alexandre Sévère, Dion Cassius, 33, 17. Cf. Zonaras, 7. 15.
[92] Tite-Live, Ep. 89. Velleius, 2, 30. Salluste, Hist. 3, 61, 3 (cf. 1, 44, 23 ; c. 48, 14). Appien. B. c. 1, 400 (cf. 2, 29). Denys, 5, 71. Suétone, Cæsar, 5. De vir. ill. 75. Les autres textes, note 96 et 97.
[93] Cf. sur cette agitation Drumann, 4, 385 et ss.
[94] Tite-Live, Ep. 97. Tacite, Ann. 3, 27. César, B. c. 4, 7. Cicéron, In Verr. divin. 3, 8. Act. 4, 15. 16, avec les scolies, p. 402. 403. De leg. 3, 9, 22 ; c. 10, 26. Salluste, Cat. 38. Velleius 2, 30. Plutarque, Pompée, 21. 22. Appien, 2, 29. Dion, 36, 38 [21]. 38, 30.
[95] A côte du sénat et des chevaliers, la plèbe envoie ses tribuns et ses édiles comme messagers à Tibère et à Séjan (Dion, 58, 2).
[96] Cicéron, Verr. 1. 1, 60, 155. Nous ne connaissons pas plus nettement les circonstances. Les scolies p. 200, versent complètement dans l’erreur. Mais il y avait des avant Sulla assez de cas on l’intercession étau exclue, et Sulla doit les avoir relevés et peut-être multipliés dans sa loi, tout en laissant en principe l’intercession aux tribuns. Le droit de prohibition des tribuns n’a pas non plus été supprimé par Sulla, montre l’incident de l’an 680, Cicéron, Pro Cluent. 27, 74.
[97] César, B. c. 1, 5, c. 7. Cicéron, De leg. 3, 9, 22. Une application de l’an 674 est rapportée par Salluste, chez Aulu-Gelle, 10, 20, 10, où il s’agit probablement de la loi qui devait donner l’imperium à Pompée pour le jour de son triomphe d’Afrique (cf. de Drumann, 4, 334).
[98] Le reproche de Cicéron, selon lequel Clodius aurait compris dans ses destructions le droit d’intercession des tribuns (Pro Sest. 15, 33 ; De prov. cons. 39, 46 ; Cum sen. gr. egit, 5, 11 ; De har. resp. 27,58) doit, d’après l’ensemble des idées, probablement être compris en ce sens qu’il n’était pas permis de soutenir par une intercession l’obnuntiation interdite par la loi Clodia.
[99] Tacite, Ann. 16, 26. Autres exemples : Tacite, Ann. 1, 77. 6, 53 [47]. Hist. 4, 9 (de l’an 63 ; le témoignage le plus récent qui nous soit connu). Dion, 57, 15. Le droit d’intercession tribunicienne de l’empereur sera étudié, tome V, au sujet de la Puissance impériale.
[100] Tacite, Ann. 13, 28. La licentia du tribun est blâmée par le sénat ; et il est donc explicable qu’on ne trouve que peu de cas semblables. Pline. Ep. 6, 8, 3. Le même, Panég. 45. Cf. Tacite, Agricola, 6. Le secours extraordinaire du tribun contre un particulier est même encore demandé sous Claude.
[101] ) Cf. Juvénal, 1, 228. 11, 7. Pomponius (sous Hadrien) semble encore dépeindre les choses de son temps, quand il nomme (Digeste, 1, 2, 2, 34), ayant les consuls, les préteurs, et les édiles, les tribuns du peuple comme magistrats qui jura reddebant : expression incorrecte par laquelle il fait allusion à leur pouvoir de cassation. C’est encore à cela qu’il faut rattacher la conduite de Sévère (Vita, 3) ; à l’inverse, Pline, Ep. 1. 23.
[102] Tacite, loc. cit. Les procès civils (car il n’y a que pour eux que l’on emploie l’expression lege agere), qui, selon la procédure régulière, devaient être formés devant le préteur, puis aller au second degré devant l’empereur ou les consuls, et des consuls aux tribuns, étaient évoqués dès le principe par les tribuns devant eux-mêmes, et ils citaient les parties comme s’ils étaient le tribunal immédiatement compétent.
[103] Il est impossible de penser ici aux amendes élevées des procès politiques des tribuns ; si cette procédure avait encore existé alors, ce qui n’était certainement pas le cas, l’appel n’en aurait pu aller qu’aux consuls et au sénat. Il n’est question partout que de procès civils et c’est sûrement aussi à eut que se rapporte directement la défense intercalée lei d’accomplir des actes de ses fonctions intra domum.
[104] Cf. tome IV, le chapitre des Magistratures extraordinaires.
[105] Tite-Live, 26, 2, 5 (qui ne s’accorde pas à la vérité avec les c. 18 et ss.). 29, 13, 7. 30, 41, 4. 31, 50, 11. V. les détails dans le chapitre précité.
[106] Tite-Live, 27, 5, 15.
[107] C’est pour cela que, de même qu’on dit lex consularis, on dit pour le plébiscite lex tribunicia (Cicéron, De l. aqr. 2, 8, 21. c. 14, 36. Pro Sest. 26, 56. De domo, 49, 127. Festus, p. 246, v. Præteriti ; p. 318, v. Sacer mons. Tite-Live, 3, 56, 12) ; et aussi sans doute lex plebeia (Tite-Live, 3, 31, 7). Au reste, lex tribunicia peut aussi désigner la loi proposée par un tribunus celerum, en tant qu’on en admet une (c’est ainsi que l’expression est employée par Pomponius, Digeste, 1, 2, 2, 3) ; et Cicéron désigne par la même expression prise au sens passif, Verr. act. 1, 16, 46, la loi consulaire de Pompée relative aux tribuns.
[108] Dion, 54, 36. Ce point sera traité plus en détail, tome IV, au sujet de l’Édilité ; car la surveillance proprement dite appartenait probablement aux édiles, tandis que les tribuns n’exerçaient qu’un droit de contrôle.
[109] Appien, B. c. 1, 59. Tite-Live, Ep. 89. Les négociations de paix entre Sulla et les chefs du parti contraire en 671 de auctoritate senatus, de suffragiis populi, de jure civitatis (Cicéron, Phil., 13, 11, 27) rentrent dans le même ordre. Appien rapporte ce changement à la réforme de Sulla de 666, Tite-Live à celle de 673. Le premier pense au premier établissement de la règle, et le second au rétablissement de la loi écartée par le parti de Cinna. Au reste, la preuve que la relation d’Appien est quant au fond la plus correcte et que la disposition de Sulla sur la restriction du pouvoir législatif tribunicien n’alla pas au-delà de la nécessité de l’assentiment préalable du sénat résulte du plébiscite relatif à la ville de Termessus proposé selon toute vraisemblance en 633, par conséquent sous la domination de Sulla, par les tribuns C. Antonius et consorts, de s(enatus) s(ententia) (C. I. L. I, p. 114).
[110] [II y a un plébiscite plus récent que la loi Falcidia ; c’est celui de l’an 746 par lequel le mois de Sextilis changea de nom (Macrobe, Sat. 1, 12). Auguste n’a donc pas absolument retiré l’initiative législative aux tribuns du peuple ; peut-être a-t-il exigé, à l’exemple de Sulla, l’invitation du sénat.]
[111] Pline, Ep. 1, 23.
[112] C’est, par exemple, pour répondre il une pareille question tribunicienne que Cicéron prononça la sixième Philippique ; cf. Ad fam. 12, 7, 1 ; Plutarque, Cie. 9. Dion, 36 [44], 21. D’autres exemples se rencontrent partout. Ainsi Scipio Æmillianus fut interrogé à son retour de Numance relativement à son avis sur la catastrophe de Ti. Gracchus (Val. Max. 6, 2, 3, etc.) ; ainsi fréquemment Pompée (par exemple, Cicéron, Ad Att., 1, 14, 1 ; Asconius, In Mil. 23, 61, p. 50) ; ainsi le second César dès son arrivée à Rome par divers tribuns (Cicéron, Ad Att. 14, 20, 5 ; Dion, 45, 6) ainsi aussi des prêtres (Cicéron, De domo. 15, 40 ; Dion, 39, 15). Cf. Dion, 38, 15. La même chose a eu lieu pour le chevalier L. Vettius qui s’accusa lui-même d’une tentative de meurtre contre Pompée (Cicéron, In Vatin. 10, 24 ; Ad Att. 2, 24, 3. Drumann, 2, 235) et pour des affranchis (Asconius, In Milon. p. 38) et des ambassadeurs étrangers (Polybe, 30, 4).
[113] Varron, chez Aulu-Gelle, 13, 12, 6. Varron ne conteste pas au tribun le droit de forcer le consul présent à monter aux rostres. Val. Max. 3, 7, 3. Autres exemples concernant les consuls, chez Cicéron, Cum sen. gr. egit, 6, 43 ; Pro Sest. 14, 33 ; In Pison. 6, 14 ; Ad fam. 12, 3, 2, etc.
[114] Cela ressort des relations sur l’agitation faite pour l’abrogation de la loi Cornelia par les tribuns Cn. Sicinius de 678 (Salluste, Hist. 3, 61, 8. 14, éd. Dietsch ; Cicéron, Brut. 60, 217) et L. Quinctius de 680 (Cicéron, Brut. 62, 223 ; Pro Cluent. 25, 77 ; Quintilien, 5, 13, 39) : il y a contion sur contion, mais on n’arrive pas à une rogation. S’il est dit du second (Cicéron, Pro Cluent. 40, 110) qu’il rostra jam diu vacua locumque ilium post adventum L. Sullæ a tribunicia voce desertum oppresserat multitudinemque desuefactam jam a contionibus vestris ad veleris consuetudinis similitudinem revocarat, il résulte des expressions mêmes du texte que cette agitation ne se heurtait aucunement à la loi Cornelia, et que les tribuns précédents ne s’étaient pas tus parce que la parole leur était interdite, mais parce qu’ils n’avaient pas voulu parler.
[115] Cicéron, De leq. 3, 9 ; 10. Varron, chez Aulu-Gelle, 14, 8, 2 (cf. c. 7, 4). — Par suite, les tribuns sont toujours nommés à côté des magistrats patriciens dans l’adresse des lettres du sénat, comme à l’inverse, ils figurent dans celles des lettres au sénat (Cicéron, Ad fam. 15, 1, 2. Ad. Att. 16, 4, 1, etc, ; encore sous Commode, Dion, 12, 15, même au IVe et au Ve siècles, p. 381). Quand il arrive une dépêche de Sex. Pompée, et «elle est soumise à Cicéron (Ad Att. 16, 4, 1), addi placuit, quod erat cos. solum, ut esset pr. trib. pleb. senatui, ne illi non proferrent eas, quæ ad ipsos missæ essent. L’adresse senatui populo plebique Romana (Lépide, chez Cicéron, Ad fam. 10, 35) est synonyme.
[116] Zonaras, 7, 15.
[117] Ainsi, les tribuns apparaissent, en 263, dans les délibérations du sénat, relatives au partage du blé de Sicile (Denys, 7, 23) et à l’accusation de Coriolan (7, 39) ; en 233, dans celles sur les lois Publiliæ (9, 49). La convocation des tribuns est là toujours spécifiée, d’une façon visiblement intentionnelle. Dans une autre occasion, en 293, il est dit seulement que le sénat délibère παρόντων καί τών δημάρχων (10, 2). En l’an 29.4, les tribuns apportent aux consuls et au sénat la dénonciation d’une conjuration qui menace (10, 9. 13). En 297, les tribuns déclarent aux consuls qu’ils sont prias a indiquer au sénat les conditions sous lesquelles ils permettraient la levée, et c’est ce qui a lieu (10, 30). Ces derniers textes sent un peu moins précis ; mais ils sont tous conciliables avec la doctrine selon laquelle lés tribuns n’assistaient pas encore légalement à cette époque aux séance du sénat.
[118] Denys, 10, 31.
[119] L’harmonie intime ne manque aucunement au récit de Denys, comme l’a cru, Hofmann (Sénat, p. 118). Icilius essaie d’abord d’obtenir le probouleuma, par l’intermédiaire des consuls. Ceux-ci traînant la chose en longueur, il ordonne à son appariteur de convoquer les consuls et le sénat, et, son appariteur en étant empêché par le licteur, il fit arrêter ce dernier. La convocation du sénat par le tribun a donc lieu ; mais il n’y est pas donné suite ; Denys dit aussi seulement que a les tribuns essayèrent alors pour la première fois de convoquer le sénat et il représente ensuite le tribun comme exposant dans une séance convoquée par les consuls que cette convocation avait eu lieu légalement.
[120] Il arrive seulement que les tribuns s’adressent au sénat (10, 34) et assistent aux délibérations sur la loi Terentilia (10, 52) et a celles sur la loi Canuleia (11, 57). Dans le texte, 7, 49, où d’après les anciennes éditions on demande l’admission des tribuns είς τήν βουλήν, la leçon des manuscrits είς τήν πόλιν a désormais repris sa place.
[121] C’est de cette supposition que partent les relations de Tite-Live de l’an. 313 (Tite-Live, 4, 12) sur un sénatus-consulte concernant la loi agraire et de 358 (Tite-Live, 4, 55) sur un sénatus-consulte relatif aux élections de magistrats.
[122] Tite-Live, 3, 9, 11, sur l’an 292, représente les tribuns comme présents à la séance du sénat et interpellés parle consul. De même, 4, 1, 6, sur l’an 309. En l’an 330, il dit, 4, 36, 3 : Captatum deinde tempus ab tribunis militum, quo per discessum hominum ab urbe, cum patres clandestina denuntiatione revocati ad diem certam essent ; senatus consultum fieret absentibus tribunis plebi. Tite-Live, 4, 44, 7, sur l’an 334 : Subinde ab iisdem tribunis mentio in senatu de agis dividendis inlata est.
[123] La forme de l’intercession suffit à montrer d’une manière frappante que les tribuns n’ont reçu que relativement tard le droit de siéger au sénat.
[124] Il résulte de Varron, chez Aulu-Gelle, 14, 1, 4, que le consul et le préteur passent là avant le tribun. Il est sans doute souvent arrivé, sans qu’il y eut d’idée d’opposition, qu’un tribun ait fait usage de son droit de relation dans une séance convoquée par un consul ; cf. Cicéron, Philip. 7, 1, 1. Une motion consulaire et une motion tribunicienne existant sur la même affaire, le tribun exige qu’on vote d’abord sur la sienne (Cicéron, Ad fam. 1, 2, 2), ce qui était contraire à l’usage, mais non, semble-t-il, au droit formel. Le droit plus fort du tribun se révèle là. — La question de savoir si le tribun avait le droit de dissoudre le sénat, quand il ne l’avait pas convoqué, n’est pas tranchée par Appien, B. c. 2, 29. [La réponse est que la séance ne peut être levée tant qu’un magistrat veut faire une relation. Voir VII.]
[125] Ainsi en 538, un tribun du peuple fait une proposition au sénat en faveur des Romains pris par Hannibal, parce que l’un d’eux était son proche parent (Tite-Live, 22, 61). Les tribuns convoquent encore le sénat sous l’Empire, quand il s’agit de leurs jeux (Dion, 56, 47) ou d’une élection complémentaire tribunicienne (Dion, 60, 46).
[126] Ainsi, en 544, un tribun du peuple fait une relation sur fa question discutée entre le consul et le sénat de savoir quand et comment doit être nommé le dictateur (Tite-Live, 27, 5). En 582, une rogation directement dirigée contre les consuls est proposée au peuple par les tribuns ex auctoritate senatus (Tite-Live, 42, 21), auctorictas qui, selon l’observation topique d’Hofmann, p. 131, ne peut avoir été votée que sur une relation tribunicienne. En 711, Cicéron écrit, Ad fam. 10, 16 : Flagitare senatus institit Cornutum (le préteur urbain), ut referret statim de tuis litteris : ille se considerare velte : cum ei magnum convicium fieret cuncto a senatu, quinque tribuni plebei rettuterunt. Pro Sest. 11, 26 (Drumann, 2, 245). 32, 70 (Drumann, 2, 281) ; Ad Q. fr. 2, 1 (Drumann, 2, 319) ; Ad fam. 10, 28, 2. 11, 6. 2 (Drumann, 1, 224) ; De or. 3, 1, 2. Tite-Live, 38, 41, 2. Dion, 41, 15. 59, 24.
[127] Plutarque, C. Gracch. 6. C’est sans raison qu’on a voulu voir là un élargissement du droit de relation tribunicien.
[128] Tacite, Ann. 6, 18 [12]. Dion, 56, 47. 59, 24. 60, 16. Tibère convoqua le sénat jure tribuniciæ potestatis après la mort d’Auguste (Suétone, Tibère, 23).
[129] Dion, 18, 31.
[130] Tant que les tribuns ont été encore uniquement des magistrats de la plèbe, les poursuites fondées sur un délit contre l’État n’ont probablement pas été exclues en la forme de leur compétence, mais elles ont difficilement été jamais intentées par eux. Et les annalistes les meilleurs sont dans ce sens. Si, par exemple, le procès de perduellio contre M. Manlius est conduit suivant une version par des duumvirs et suivant l’autre par des tribuns, la première version est la seule conforme aux faits, puisqu’ils agit d’un ami des plébéiens ; la seconde est proleptique, selon la remarque que Tite-Live 6, 19, 6, met lui-même dans la bouche des tribuns : Quid patrum et plebis certamen facimus, quod civitatis esse advenus unum pestiferum civem debet ? Les annalistes récents ont à la vérité, en une quantité de cas, placé par anticipation les poursuites tribuniciennes dans le temps de la lutte des classes.
[131] Ainsi, deux tribuns forment en 709 une accusation contre celui qui avait salué César du titre de roi (Dion, 44, 10).
[132] Polybe, 6, 14, 6. Il ne nomme pas là les tribuns, mais tous les exemples montrent que les grosses amendes contre les magistrats sortis de charges étaient constamment proposées parles tribuns.
[133] Les tribuns joints aux ambassades du sénat aux généraux pour les arrêter en cas d’insubordination ne peuvent être compris qu’en un sens, en ce sens que, le cas échéant, le tribun exerce son droit de justice et en conséquence prononce l’emprisonnement.
[134] La situation légale se montre avec une clarté spéciale dans l’attaque tribunicienne contre les censeurs de 540 qui est rapportée là. Les collègues de l’accusateur défendent à l’accusé d’in magistratu causam dicere (Tite-Live, 24, 43).
[135] Les faits rapportés dans Tite-Live, 41, 6, sont instructifs sous ce, rapport. Le sénat a prolongé d’un an le commandement du consul A. Manlius ; afin de pouvoir l’accuser, les tribuns proposent d’abord que la prorogation soit anéantie par une loi. A bien des reprises, un magistrat est menacé d’accusations de ce genre pour l’époque de sa retraite (Tite-Live, 9, 26, 12. 41, 1, 10 ; cf. Denys, 10, 42). C’est pourquoi Tite-Live, 26, 3, 8, attribue au tribun le droit d’instruction, quoad vel capitis vel pecuniæ judicasset privato, et on trouve souvent aussi privatus employé positivement pour reus (Varron, De l. L. 6, 91. 92. Tite-Live, 35, 41, 9. 43, 16, 5).
[136] Dans certains cas, la juridiction des tribuns et leur pouvoir législatif se touchent ; ainsi puer les motions de déposition de magistrats et pour certaines rogationes privilegii simites, par exemple pour la proposition du tribun L. Scribonius Libo d’annuler les ventes de prisonniers faites par Ser. Galba eu Espagne (Cicéron, Brut. 23, 89 ; Tite-Live, Ep. 49). Mais en la forme ces faits ne rentrent pas parmi les procès criminels, bien que, dans le dernier cas, les sources désignent déjà le rôle de Caton, que Cicéron qualifie correctement du nom de suasion, par les mots accusare. (Aulu-Gelle, 1, 12, 11), ad populi judicium abducere (Tite-Live, 39, 40,12), ou même actioni tribuniciæ subscribere (Val. Max. 8, 1. Abs. 2) et qu’elles parlent même de l’absolution de Galba (Fronto, Ad M. Cæs. 3, 20).
[137] Il est caractéristique à ce point de vue que la collection dierum dictarum de consulatu suo (Jordan, p. 33 et ss.) occupe une place saillante parmi les discours de Caton.
[138] Il n’a jamais été demandé judiciairement compte de leur défaite à des généraux battus, même à des généraux battus par leur faute ; pour le procès de Cn. Fulvius Flaccus, en 543, il est dit positivement (Tite-Live, 26, 2) que ce n’est pas le général malheureux ou incapable, mais seulement le général lâche et oublieux de son devoir qui est punissable. Le motif de l’accusation n’a certainement pas été non plus exclusivement la défaite dans le procès de Q. Fabius cos. 462 (Dion, fr. 36, 30 ; Zonaras, 8, 1). Il est caractéristique pour la nature absolument non historique des annales antérieurs à la guerre de Véies qu’elles fourmillent de pareils procès, ainsi que montre l’aperçu qui suit.
278 : T. Menenius, consul en 277 — deux tribuns — d’abord capilis, puis multa de 2.000 as (Tite-Live, 2, 52. Denys, 9, 27. Dion, fr., 21, 3. Schwegler, 2, 530). Se rattache à la catastrophe des Fabii.
279 : Sp. Servilius, consul en 278 — deux tribuns (Tite-Live, 2, 52. Denys, 9, 28. Schwegler, 2, 531).
300 : T. Romilius et C. Veturius, consuls en 299 — accusés le premier par un tribun, l’autre par un édile — mulla de 10,000 et 45,000 as. Le motif d’accusation est sans doute, comme le dit Pline, H. n. 7, 29, 201, male imperatæ rei militaris : Denys, :10, 48, semble penser de même. Ce que Tite-Live, 3, 31, dit de la vente du butin n’est sans doute pas regardé comme un motif d’accusation en forme. Cf. Schwegler, 2, 601.
334 : M. Postumius et T. Quinctius, tribuns consulaires en 328 — tribuns, — le premier, amende de 40.000 as, le second absout (Tite-Live, 4, 40. 41).
332 : C. Sempronius, consul en 331 — un tribun (Tite-Live, 4, 42). Val. Max. 6, 5, 2.
334 Le même — trois tribuns — multa de 45.000 as (Tite-Live ; 4, 44).
353 : W. Sergius et L. Verginius, tribuns consulaires en 352 — trois tribuns — multa de 10.000 as pour chacun (Tite-Live, 5, 11. 12).
Lorsqu’à la suite du refus de ratification d’un traité on en venait à l’extradition du générai qui l’avait conclu, il n’y a jamais eu de condamnation en forme par le peuple, évidemment parce qu’il ne pouvait statuer sur l’extradition. Le consentement du peuple, lorsqu’il paraissait nécessaire, était obtenu par d’autres voies.
[139] M. Æmilius Lepidus, consul en 611, fut frappé d’une amende parce qu’il avait commencé la guerre contre les Vaccæi, non seulement sans l’ordre du sénat, mais à son encontre (Appien, Hisp. 83 ; Val. Max. 8, 1. Damn. 7). M. Junius Silanus, consul en 645, fut accusé en 650 par le tribun du peuple Cn. Domitius, parce qu’il avait commencé la guerre contre les Cimbres injussu populi (Asconius, In Cornel. p. 80 ; Cicéron, Divin. in Cæc. 20, 67 ; Verr. 1. 2, 47, 418). Dans l’accusation dont les tribuns menacèrent A. Manlius Volso, consul en 576, à raison de la guerre contre les Histri (Tite-Live, 41, 6), la raison principale n’était pas non plus qu’il l’avait mal conduite, mais qu’il l’avait commencée de son initiative (Tite-Live, 41, 1, 1 ; c. 7, 8 et ss.). L’accusation dont un tribun aurait menacé le consul de 460, L. Postumius (Tite-Live, 10, 46, 16), peut également avoir été fondée directement sur ce quod injussu senatus ex Samnio in Etruria transisset (ibid., c. 37, 7). Il faut également rapporter à cela l’envoi des deux tribuns avec les messagers qui portaient a Fabius, consul de 444, l’ordre du sénat de ne pas franchir la forêt Ciminienne. Dans l’envoi du même genre fait à Scipion, il entrait aussi essentiellement en ligne de compte quod de provincia decessisset injussu senatus (Tite-Live, 29, 19, 6), c’est-à-dire que la Sicile lui avait jusqu’alors été assignée comme département (Tite-Live, 28, 38, 12. 29, 13, 3 ; c. 14, 1) et qu’il avait fait voile sur l’Afrique sans autorisation en forme.
[140] Deux tribuns du peuple demandent contre le consul de 505, P. Claudius Pulcher, qui avait livré adversus auspicia une bataille navale, d’abord la peine de mort, puis une amende de 120.000 as, — 1.000 pour chacun des 120 navires perdus (scolies de Cicéron, p. 337 ; Cicéron, De d. n. 2, 3, 7 ; De divin. 1, 33, 71 ; Polybe, 1, 52 ; Val. Max. 1, 4, 3). — L’accusation dirigée par un tribun contre l’ex-consul César, peut avoir été conçue en termes analogues.
[141] Le tribun du peuple intente d’abord en 543, contre le préteur de 542 Cn. Fulvius Flaccus, une poursuite en prononciation d’amende ; puis, lorsqu’il est établi qu’il n’a pas seulement fui, mais qu’il a donné l’exemple de la fuite, la peine est transformée en peine capitale (Tite-Live, 26, 2, 3). — Dans d’autres accusations qui peuvent rentrer dans cet ordre, par exemple dans celle contre C. Plautius, préteur vers 608, a raison de la guerre conduite par lui contre Viriathus (Diodore, p. 592), ni l’accusation, ni l’accusateur ne sont connus plus nettement.
[142] Les consuls de 535, M. Livius et C. Emilius Paullus furent poursuivis devant le peuple et le premier fut condamné (Tite-Live, 22, 35, 3. c. 40, 3. c. 49, 11. 27, 24. 29, 27). Le chef d’accusation était, d’après Frontin, Strat. 4, 4, 45, quod prædam non æqualiter diviserat militibus, tandis que le De viris ill. 50, parle de peculatus. — Le motif de l’accusation est formulé d’une manière analogue pour le procès tribunicien en prononciation d’une amende contre M. Furius Camillus, dans la version ordinaire (Hermes, 1, 183 = Rœm. Forsch. 2, 453 ; Schwegler, 3, 474).
[143] Tite-Live, Ep. 41, indique comme motif de la poursuite intentée pal deux tribuns (Denys, 17-18, 5 [16, 18]) contre L. Postumius Megellus a raison de son troisième consulat de 463. Quoniam cum exercitui præesset opera militum in agro suo usus erat. Denys, loc. cit., n’indique pas nettement le chef d’accusation précis. Dion, fr. 36, 62.
[144] Le dictateur de 391, L. Manlius, fut accusé par un tribun, quod paucos sibi dies ad dictaturam gerendam addidisset (Cicéron, De off. 2, 34, 112 ; chez Tite-Live, 7, 3. 41 il est accusé parce que, clavi figendi causa creatus, il lève néanmoins des troupes). La tentative de quelques tribuns d’arrêter le censeur de 444, Appius, quand il refuse de se retirer en temps convenable (Tite-Live, 9, 34,26), est de même nature.
[145] Telle est l’accusation, dont il faut tenir compte, au moins à titre de paradigme, dirigée contre les décemvirs (Tite-Live, 3, 56 et ss. Denys, 11, 46. 19 ; Schwegler, 3, 87). II est sinon historique, au moins caractéristique de la situation moderne du tribunat, que, le premier exercice fait de leurs fonctions par les tribuns rétablis soit un procès politique. — Les fonctions continuées au-delà. de leur terme ne figurent pas parmi les chefs d’accusation contre les décemvirs, parce que, comme nous le démontrerons, tome Ier, au sujet des Pouvoirs extraordinaires, les décemvirs avaient eu en la forme le droit d’agir ainsi.
[146] Le tribun du peuple, Cn. Domitius Ahenobarbus, accusa, en 650, M. Æmilius Scaurus d’une deminutio des sacrifices publics (Asconius, In Scaur. p. 21 ; cf. Cicéron, Pro Deiot. 11, 31 ; Val. Max. 6, 5, 5 ; Dion, fr. 92). Il ne peut là être fait allusion qu’au sacrifice offert chaque année à Lavinium par le consul. Scaurus n’était pas pontife, suais augure ; en outre, le système romain lie connaît pas de procès politiques faits aux prêtres. — L’emploi fait de chevaux blancs dans le triomphe de Camille, a sans doute aussi été regardé comme un crime religieux.
[147] Cependant il n’y a pas eu, à notre connaissance, d’actions criminelles de ce genre dans les cas où le magistrat était obligé de rendre compte et où il y avait donc une procédure administrative régulière, et il n’y en a eu que tardivement et à titre isolé dans ceux ont cette obligation n’existait pas. Appartiennent à cette seconde catégorie les poursuites tribuniciennes intentées en 365 contre M’. Acilius Glabrio, consul en 563, quod pecuniæ regiæ prædæque aliquantum captæ in Antiochi castris neque in triumpho tulisset neque in ærarium rettulisset (Tite-Live, 37 ; 57, 12 : Hermes, 1, 187 = Rœm. Forsch. 2, 459) et en 5 M, contre L. Scipio, consul en 564, pour la meure raison (Aulu-Gelle, 6, 19 ; Hermes, 1, 191 = Rœm. Forsch. 2, 430). Il est dit au sujet de la seconde amende, — la première poursuite fut abandonnée par les accusateurs — dans le décret d’intercession des tribuns, qu’elle a été prononcée nullo exemplo (loc. cit.) ; elle était sans doute dans les attributions des tribuns ; mais il n’y en avait eu auparavant aucune application.
[148] Deux tribuns condamnèrent C. Lucretius, préteur en 583, à une amende d’un million d’as, directement à raison de délits privés commis à Chalcis et rentrant dans la notion du furtum et de l’injuria (Tite-Live, 43, 8, le sénatus-consulte de 584, Bruns, Fontes jur. 5e éd., p. 152, se rapporte à la même affaire).
[149] 540 : poursuite d’un tribun du peuple contre les censeurs de 510 M. Atllius et P. Furius (Tite-Live, 24, 43). — 550 : poursuite, d’un tribun contre les censeurs M. Livius et G. Claudius divisés entre eux (Tite-Live, 34, 37 ; Val. Max. 7, 2, 6), — Deux tribuns frappent le censeur Caton d’une amende de 50.000 as (deux talents, Plutarque, Cat. maj. 19). — Le tribun Ti. Claudius Asellus frappe d’amende Scipion l’Africain, censeur en 612 (Aulu-Gelle, 3, 4, 1. 4, 17, L 71 11, 9. Cicéron, De orat. 2, 64, 258 ; c. 66, 268). — Un cas où un tribun s’attaque à un censeur pour défendre la majesté de ses fonctions a été rapporté dans le tome I.
[150] Les tribuns du peuple, C. Appuleius Decianus, en 655, et C. Canuleius, en 656, poursuivent le tribun du peuple de 654, P. Furius, parce qu’il s’est opposé au rappel de Metellus (Cicéron, Pro Rab. ad pop. 9, 24, d’où Val. Max. 8, 1. Damn. 2. Appien, B. c. 2, 33. Dion, fr. 95, 2. 31. — Decianus lui-même fut ensuite accusé, sans doute par un autre tribun, et condamné pour une opinion exprimée à ce propos sur le meurtre de Saturninus (Cicéron, loc. cit. Schol. Bobiens, p. 230). — Velleius, 2, 24. — La condamnation de deux tribuns, pour s’être entendus avec les patriciens, à une amende de chacun 10.000 as en l’an 361 (Tite-Live, 5, 29) est une image de ces évènements.
[151] Le tribun déjà nominé Decianus poursuivit en 655 l’édile curule L. Valerius Flaccus (Cicéron, Pro Flacc. 32, 77), pendant l’exercice même de ses fonctions, semble-t-il, la cause de l’accusation ne nous est pas connue. — On peut encore placer ici la prétendue poursuite des tres viri coloniæ Ardeæ deducendæ de 312 (Tite-Live, 4, 11).
[152] Le tribun du peuple, L. Memmius, poursuivit en 688 le questeur de Sulla, M. Lucullus (Plutarque, Luc. 37) ; un autre poursuivit en 696 le questeur de César (Suétone, Cæsar, 23).
[153] Valère Maxime, 8, 1, Damn. 5. 6.
[154] Telle est l’accusation formée par le tribun P. Nævius en 569 ou 570 contre le premier Scipion l’Africain, parce qu’il aurait, en qualité de légat de son frère, reçu de l’argent du roi Antiochos contre la promesse de lui faire obtenir des conditions de paix avantageuses (Aulu-Gelle, 4, 18 ; cf. Hermes, 1, 191 = Rœm. Forsch. 2, 466). — Peut-être faut-il aussi rapporter à cette idée le procès de M. Atilius Calatinus Soranorum oppidi proditione reus (Val. Max. 8, 1. Abs. 9) qui est sans doute en relation avec la défection de Sora en 439 (Tite-Live, 9,23).
[155] Le légat de Scipion Q. Pleminius fut condamné en 550 par un préteur pour avoir maltraité des alliés et avoir pillé leur temple de Regium, et il fut envoyé par lui enchaîné à Rome, où Ies tribuns prirent en main le procès et le conduisirent jusqu’à la condamnation dans l’instance d’appel (c. 19, 5. c. 22, 7. Diodore, p. 571). Les tribuns et l’édile qui accompagnaient le préteur paraissent lui avoir été adjoints seulement en vue de l’action éventuelle contre Scipion, et n’avoir pas participé au jugement de Regium. — Le tribun C. Cælius Caldus poursuivit C. Popillius, légat du consul Cassius mort à l’ennemi, pour capitulation honteuse dans la guerre avec les Tigurini en 641 (Orose, 5, 15 ; Cicéron, De leg. 3, 16, 36 ; Ad Herenn. 1, 15, 25. 4, 24, 34). — Les deux officiers avaient exercé un commandement élevé et indépendant. Ces procès politiques ne s’étendent pas aux délits des soldats proprement dits. Si un déserteur apud tr. pl. accusatus est en 616 (Tite-Live, Ep. 55), l’exécution de la peine consulibus dilectum habentibus in conspectu tironum et la nature même de cette peine montrent que la peine est exécutée par les consuls et que, sous le nom l’accusation près des tribuns, il s’agit de leur cognition sur l’appel formé devant eux.
[156] Dans Tite-Live, 6, 1, un tribun accuse l’ambassadeur quod in Gallos, ad quos erat misses orator, contra jus gentium pugnasset. Quand il s’agit d’extradition, la forme est différente.
[157] Tite-Live, Ep. 69.
[158] Les mauvais traitements infligés à deux Prisonniers carthaginois de distinction par la famille de Regulus sont dénoncés par les esclaves aux tribuns ; les tribuns citent devant eux, les coupables et les menacent d’un procès capital, Diodore, p. 566.
[159] Tite-Live, 25, 3. Des entrepreneurs de fourniture avaient, en invoquant des naufrages simulés ou intentionnels, frauduleusement réclamé à l’État la valeur de la cargaison des navires sombrés.
[160] Telles sont les accusations capitales tribuniciennes (Diodore, p. 542) contre Q. Lutatius Gatulus et contre L. Cornelius Merula (qui, dans la conception du parti, ne devait pas être considéré comme consul en 667 (Appien, B. c. 1, 74). La formule spéciale donnée aux accusations nous est inconnue. Pour l’époque pseudo-historique, le procès de M. Manlius de 370 rentre dans cet ordre, d’après les annalistes modernes qui le regardent comme une poursuite tribunicienne ; les annalistes anciens le représentent plus correctement comme fait par des IIviri perduellionis (Hermes, 5, 253 = Rœm. Forsch. 2. 193).
[161] Un faux témoignage en matière criminelle, ce qui pour la jurisprudence romaine constitue un meurtre, est indiqué comme motif de l’accusation tribunicienne de L. Minicius (Tite-Live, 4, 21) ; mais, à côté de cette allégation incidente, nous avons le récit écrit d’une main compétente du procès fait devant les questeurs au faux témoin du procès de Kæso Quinctius. Si un procès capital tribunicien est intenté contre le demandeur à raison des falsæ vindiciæ du procès civil de Virginie (Tite-Live, 3, 58, 10 ; Denys, 11, 46), la justice de la poésie l’emporte là sur celle du droit.
[162] Le créancier qui avait fait fustiger son débiteur parce que celui-ci ne voulait pas le laisser abuser de lui, et qui fut ainsi la cause occasionnelle de la loi Pœtelia sur le nexum de 428, aurait été selon Denys, 16, 5[9] (Tite-Live n’en a pas connaissance) accusé de ce chef par les tribuns. Mais le récit n’est pas avéré et le crime ne peut pas être exclusivement qualifié d’attentat à la pudeur. — L’accusation également capitale dirigée par un tribun, quelques dizaines d’années plus tard, contre le tribun militaire L. (ou M.) Lætorius Mergus, quod cornicularium suum stupri causa appellasset (Val. Max. 6, 1, 11 ; Denys, 16, 4 [8]) peut être considérée comme fondée sur un délit d’officier.
[163] La formule est : Sei quis mag. multam inrogare volet. En revanche, on rencontre un cas où le tribun du peuple poursuit, selon les voies civiles, devant le préteur le recouvrement d’une amende fixe portée par la loi.
[164] L’unique objection en sens contraire, l’histoire certainement fictive de l’an 300, rapportée note 138, selon laquelle les deux consuls de l’an 299 auraient été accusés l’un par un tribun et l’autre par un édile de la plèbe, ne peut suffire à déplacer une délimitation de compétence que les autres données révèlent clairement.
[165] C’est en cette qualité que Caton parla dans le procès de Glabrio. Tite-Live, 37, 57. 58.
[166] Cicéron, In Verr. act. 1, 13, 38. Rubino (De tribun. potestate qualis fuerit inde a Sullæ dictatura. Cassel, 1825, p. 22) a correctement rapporté les expressions finales à l’abolition du droit d’accusation tribunicien, qu’à la vérité il conçoit à tort comme une conséquence de la suppression du jus agendi cum plebe.
[167] Dion, 56, 40.
[168] Ils sont invités par l’empereur à se présenter devant le sénat comme accusateurs. Mais c’est là quelque chose de tout différent, quoiqu’on ait pu avoir en le faisant une réminiscence de leurs anciennes fonctions.
[169] Dion, 58, 15. 60, 18. Il s’agit, dans les deux cas, de crimes contre l’empereur, par conséquent contre la puissance tribunicienne.
[170] L’empereur Vitellius, étant traité dans le sénat d’une façon désagréable, appelle les tribuns à son aide (Tacite, Hist. 2, 91 ; Dion, 65, 7). Pline, Ep. 9, 13, 19. [C’est à cet appel peu fréquent fait à l’auxilium tribunicien, non pas contre des décrets de magistrats, mais contre des actes de violence ries magistrats que se rattache celui rapporté par Tite-Live, 40, 29. Il est formé par celui qui avait trouvé les livres religieux de Numa, parce que le préteur urbain, a qui il les avait prêtés se refusait à lui rendre ces livres, sa propriété incontestée, et déclarait en même temps vouloir les brûler, tout en lui permettant d’user auparavant de toutes les voies de droit. C’est en ces conditions que l’affaire fut déférée aux tribuns, qui, après avoir consulté le sénat, refusèrent leur appui, sur quoi les livres furent brûlés.]
[171] Paul, Digeste, 1, 15, 1. Parmi les plaintes de Tibère contre les usurpations de sa mère figure l’apparition de celle-ci aux incendies (Suétone, Tibère, 50).
[172] Cicéron, Verr. l, 2, 41, 100. Les expulsions sont prononcées par les consuls, même dans des cas comme celui de Q. Metellus. La participation des tribuns doit être entendue de l’appel qui pouvait leur être adressé contre les décisions consulaires et de l’occasion qu’il leur fournissait de fixer les cas où elles ne seraient pas exécutées.
[173] Cicéron, De off. 3, 20, 80. Les deux collèges des préteurs et des tribuns du peuple conscripserunt communiter edictum (à raison de la dépréciation des monnaies) cum pœna atque judicio ; ils veulent rendre un édit commun ; mais un des préteurs prend les devants et rend l’édit seul. Le judicium est sans doute une action civile et par conséquent les auteurs propres de I’édit sont les préteurs ; les tribuns y participent sans doute en leur qualité de tribunal de cassation.
[174] Tite-Live, 9, 46. On suppose là que la dédication est, quant au fond, admissible. Nous reviendrons sur les détails, tome IV, à propos des Magistratures extraordinaires, dans la section des IIviri ædi dedicandæ.
[175] Ulpien, 11, 18 et Digeste, 3, 1, 3 : Gaius, 1, 185. La date de la loi est inconnue.
[176] Tite-Live, 40, 29, 13.
[177] L’inscription de la ville de Rome, C. I. L. VI, 20863 est dédiée corporibus tralatis perm(issu) trib(unorum) pl.
[178] Lorsqu’en 701 les élections des magistrats patriciens furent retardées jusqu’après la date des jeux prétoriens (il s’agit des jeux Apollinaires du 13 juillet), ces jeux furent donnés par les tribuns (Dion, 40, 45). Ils se chargèrent également en 705, lorsque les édiles quittèrent Rome avec les autres magistrats, de leurs fonctions (Dion, 41, 36), par lesquelles il faut probablement entendre en première ligne l’accomplissement des jeux. Lorsqu’en 707, les élections de magistrats n’eurent pas lieu, la plupart des jeux furent célébrés par le maître de la cavalerie de César, par Antoine ; quelques-uns le furent par les tribuns (Dion, 42, 27).
[179] Tacite, Ann. 1, 15. Dion, 56, 47. En établissant cette autorité protectrice des gens du commun, on aura disposé qu’elle ne pourrait entraîner aucun frais pour ses détenteurs.
[180] [h. Le sénatus-consulte sur les frais des jeux de 176-177, lignes 62-63 (is autem qui apui tribunum plebei c(larissimum) v(irum) sponte ad dimicandum prefitebitur, cum habeat ex lege pretium duo milia, liberatus si discrimen instauraverit, æstimatio ejus post hac (sesterlium) XII(milia) non excedat) est venu établir une autre fonction accessoire des tribuns à laquelle se rapportent aussi les textes de Juvénal, 7, 228. C’était devant un tribun que devait être faite la déclaration sans laquelle aucun citoyen romain (car on peut douter à bon droit que cette déclaration s’étende aux pérégrins) ne pouvait descendre dans l’arène, et il est bien possible, à l’inverse, que le texte de Juvénal fasse allusion à des cas déterminés où de tels personnages étaient forcés par les tribuns à cet engagement, sans doute par la menace de la prison et des chaînes. Il est probable qu’il y avait en même temps un examen de la force et de l’âge des déclarants et que les individus impropres étaient repoussés ; car sans cela le prêtre de la province n’aurait pas pu prendre un auctoratus quelconque pour gladiateur, comme suppose le texte, ligne 59 et ss. Il est aussi à croire que l’auctoratus était accompagné devant le tribun de son cocontractant, de façon que le tribun pût se reneiger sur l’observation du prix fixé par la loi dont notre titre nous apprend l’existence et faire prononcer devant lui le serment connu des auctorati. Le taux modique du prix maximum qui est celui d’un gladiateur ordinaire, 2,000 sesterces, a été probablement fixé pour ne pas donner trop d’attrait à cette convention pour les gens de bonne famille ruinés. Cf. Mommsen, Eph. ep., VII. pp. 410-411.]
[181] C. Th. 8, 18, 1 — C. Just. 6, 60, 1.
[182] Fragments C. Th. 1, 6, 11 — C. Th. 2, 1, 12 — C. Th. 4, 10, 2 = C. Just. 6, 7, 3 et 9, 1, 21 — C. Th. 9, 1, 19 = C. Just. 9, 2, 17, et 9, 46, 10 — C. Th. 9, 6, 4 = C. Just. 4, 20, 12.
[183] C. Th. 12, 1,74, 3. — Mais le tribunus de l’édit de 339 sur le commerce des porcs à Rome (C. I. L. VI, 1170) est, comme le montrent C. I. L. VI, 1156 a et la Not. dign. occ. p. 16, non pas un tribunus plebis, mais le tribunus cohortium urbanarurn X, XI et XII et fori suari. [Le titre de tribun du peuple apparaît encore dans les adresses sous Anastase (Thiel, Epist. pont. 1, p.165). Cf. Neues Archiv. 14, 1888, p. 486, note 1.]