LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE DEUXIÈME. — LES MAGISTRATURES.

LES POUVOIRS DE MAGISTRAT DU GRAND PONTIFE.

 

 

III. — LA JUSTICE RELIGIEUSE.

La justice administrative assure l’exercice des droits légitimes du peuple, la justice civile celui des droits légitimes des particuliers ; il faut, semble-t-il, également une justice religieuse indépendante pour les droits légitimes des dieux reconnus par l’État ; et cela, semble-t-il, comme en justice civile et administrative, dans deux sphères différentes, selon que le fondement de la prétention a un caractère purement patrimonial ou délictuel. Cependant la justice religieuse n’est arrivée, chez les Romains, qu’à un développement incomplet.

Les différends d’ordre patrimonial se produisent d’ordinaire sous la forme de doutes sur le point de savoir si un objet appartient soit à l’État (publicum) ou à ses dieux (sacrum), soit à un particulier vivant (privatum) ou décédé (religiosum)[1]. Mais la décision de toutes ces difficultés revient au tribunal ordinaire, non pas à celui du préteur, puisqu’il ne s’agit pas là de juridiction inter privatos, mais à celui qui tranche les litiges entre l’État et les particuliers, c’est-à-dire, ainsi que nous verrons plus loin, à celui des censeurs, ou, s’il n’y a pas de censeurs, du consul. La communauté qui existe entre la représentation de l’État et celle de ses dieux se manifeste dans la formule constamment employée pour la décision des procès de ce genre où la prétention du particulier est rejetée, aut sacrum aut publicum esse[2]. Ce n’était point en droit la même chose que l’objet fut la propriété du peuple ou de ses dieux ; mais extérieurement les conséquences ne différaient pas et le tribunal qui statuait était compétent dans les deux cas. Le collège des pontifes n’a même alors en droit qu’un rôle consultatif, quoique naturellement une consultation de lui soit encore plus souvent demandée et tranche pratiquement encore plus souvent le litige là que dans les procès entre deux particuliers. Quand le litige existe entre une divinité du peuple et le peuple lui-même (sacrum ou publicum) ou entre la propriété d’un citoyen vivant et des esprits défunts (privatum ou religiosum), les pontifes sont sans doute interrogés d’ordinaire ; mais il n’y a pas rigoureusement de procès. La décision finale dépend de la conscience des représentants de l’État, dans le premier cas, de celle du particulier intéressé dans le second. Non pas en théorie, mais en pratique, le premier cas se confond avec les différends sur l’affectation des terres publiques, sur le point de savoir si un fond doit être compté parmi les : pâturages ou les terres livrées à l’occupation, parmi les routes ou les terres données en location, et, même au second, les mânes n’ont pas de représentant distinct. Au contraire, quand il y a un litige entre le peuple, pour son compte (publicum) ou celui de ses dieux (sacrum), d’un côté, et un particulier, pour son compte (privatum) ou celui des mânes de ses proches (religiosum), de l’autre, les censeurs, qui doivent empêcher l’occupation des terres publiques par Ies particuliers, doivent également protéger le sol sacré[3]. Des consultations ont été demandées au collège des pontifes non seulement sur le point de savoir si un bien était publicum ou privatum[4], mais aussi sur celui de savoir si un bien était sacrum ou privatum, ou encore publicum ou religiosum[5]. La procédure suivie nous est connue par le célèbre procès de l’an 697, relatif à la maison de Cicéron que le tribun du peuple P. Clodius avait dédiée à la déesse Libertas et qui fut alors réclamée par son ancien propriétaire. Mais il en résulte précisément de la façon la plus nette que le débat juridique est soumis aux consuls et que l’on demande seulement une consultation aux pontifes[6]. La consultation termine l’affaire au point de vue du fond[7] ; mais, en la forme, ce sont les consuls, comme représentants des censeurs, qui rendent la décision et qui déterminent le montant de l’indemnité[8]. Il y a donc bien, clans les questions de propriété, une justice religieuse, mais elle suit les mêmes voies que celle relative aux questions de propriété soulevées entre le peuple et les particuliers, et elle n’est pas rendue par le collège des pontifes, mais par les magistrats, en première ligne par le censeur, à propos duquel nous reviendrons sur elle.

Pour comprendre correctement le régime légal des délits religieux, il faut, comme en matière de législation, partir de l’époque à laquelle le même magistrat représentait simultanément les dieux et le peuple et, réprimait de la même manière toutes les infractions. Quand une prostituée était surprise à, l’autel de Junon, elle devait à Junon un agneau comme sacrifice expiatoire. Quand un citoyen manquait au roi pendant qu’il rendait la justice, il était également frappé d’une amende d’un mouton ou d’un bœuf. Le fils qui avait frappé son père de façon à le faire crier, était voué aux dieux souterrains ; et de même était voué à. Cérès celui qui avait soustrait des fruits sur pied. Lé cercle des infractions commises à l’encontre des dieux de la cité et celui des infractions commises contre la cité peuvent avoir été distingués par le raisonnement dès l’époque la plus ancienne. Mais ils se confondaient pour le caractère punissable et pour la peine, en particulier dans les cas les plus graves, la peine de mort constituant toujours un sacrifice. C’était la conséquence nécessaire d’une constitution politique d’après laquelle tous les pouvoirs sur les choses divines et humaines étaient réunis dans une seule main.

Ce pouvoir unique se décomposa avec l’établissement de la République, en deux pouvoirs, le pouvoir consulaire et le pouvoir pontifical ; et par là même les délits contre le peuple et les délits religieux se trouvèrent aussi séparés. Ce n’est pas ici le lieu de chercher selon quelles règles se fit la délimitation. En général, lorsque les deux conceptions étaient possibles, comme, par exemple, pour le vol de récoltes, qui est un délit commis à la fois à l’encontre de Cérès et à l’encontre du peuple, le délit a été traité comme un délit public. — Les délits publics antérieurement soumis au pouvoir répressif du roi, le furent désormais à celui des magistrats de la République, et relativement à eux le système législatif ne fut pas en général modifié. Au contraire les délits religieux n’eurent plus désormais en face d’eux l’imperium royal, mais le grand pontife ; or le grand pontife garda bien dans sa compétence les délits purement religieux ; mais il ne conserva pas plus le droit de punir que le pouvoir législatif. C’est toujours au grand pontife qu’il appartient de déterminer les infractions religieuses et les conséquences juridiques qu’elles entraînent au préjudice de leurs auteurs, ainsi qu’il a été expliqué plus haut au sujet des règles des expiations. Il détermine dans quels cas on a manqué à une divinité ; et il ne faut pas oublier à ce propos que le délit religieux peut exister même sans dol ni faute, et que souvent c’est seulement la colère divine manifestée, par n’importe quel signe qui soulève la question de savoir si un délit a été commis et en quoi il a consisté. C’est encore lui qui détermine dans quels cas il n’y a pas d’expiation possible pour le coupable (impius) ou, quand il en est autrement, quelle espèce d’expiation (piaculum) est requise[9]. L’accomplissement de l’obligation ainsi assumée envers la divinité, l’expiation (expiatio), doit, comme en droit public le paiement de l’amende et en droit privé celui de la dette, émaner du débiteur. Mais celui qui croit être dans cette situation, que ce soit le peuple ou un particulier, ne se contente pas de s’adresser au pontife pour lui demander conseil et assistance relativement à la forme souvent fort délicate de l’expiation[10] ; il lui demande en outre, en général, quand le délit est douteux, d’instruire l’affaire et de statuer[11]. C’est là une des portions les plus importantes du rôle consultatif du collège ; mais là encore sa compétence ne va pas au-delà de la consultation. Le pontife n’a pas le pouvoir, quand il semble y avoir lieu à piaculum, de citer le coupable qui ne se présente pas spontanément, encore moins celui de poursuivre l’exécution forcée d’une expiation[12], ou de livrer, soit au couteau du sacrificateur, soit, en son lieu et place, à la hache du bourreau, celui qu’il déclare ne pouvoir expier son infraction et par suite être une victime vouée à la divinité[13]. Celui qui a commis un délit inexpiable ou qui omet d’expier un délit expiable, est puni par la divinité offensée, quand elle veut et comme elle veut ; dans la vie civile, la loi ne le frappe d’aucune peine ; car il n’a commis aucune infraction contre le peuple[14].

Le résultat de cette étude est donc essentiellement négatif. Le roi-prêtre, doit assurément avoir exercé une juridiction religieuse en matière patrimoniale et en matière délictuelle. Mais, sous la République la seconde a disparu et la première a passé aux magistrats de l’État. Suivant le langage technique de la jurisprudence, il y a bien des judicia publica et des judicia privata, il y a bien un jus publicum et un jus privatum, mais le droit religieux n’est rien de plus qu’une partie du jus publicum[15].

Seulement il ne faut pas que la règle fasse négliger les exceptions. Il y a, à l’époque républicaine, des délits qui ne peuvent être considérés que comme des délits religieux et au sujet desquels il intervient cependant une exécution assurée publiquement. Quand le délit religieux atteint le peuple et l’oblige à une expiation, le peuple est en droit de se libérer par le sacrifice de celui qui a été la cause, innocente ou coupable, du piaculum. La naissance d’un monstre ne peut par exemple être ramenée à l’idée d’infraction civile ; or, l’exposition du monstre ne peut être comprise que comme l’accomplissement public d’une expiation. Mais lorsque la peine donne lieu à exécution officielle, cette exécution émane en principe du magistrat, ainsi que nous verrons dans le chapitre du consulat, spécialement pour les délits de droit des gens ; la coercition et la juridiction font généralement défaut aux prêtres. Il n’y a que deux points de vue spéciaux auxquels le grand pontife ait une juridiction. Il est le détenteur de la juridiction domestique du peuple sur les femmes qui appartiennent à sa maison, et il a, en qualité de supérieur officiel, le droit de coercition contre les prêtres, obligés envers lui à une obéissance spéciale.

Les prêtresses de Vesta, qui habitaient dans la maison du roi, sortaient de la puissance paternelle et en même temps de leurs liens originels de gentilité et elles entraient dans la maison du peuple. Elles ont peut-être été, au temps des rois, assimilées aux filles du roi[16] ; à l’époque postérieure, elles sont certainement regardées comme étant en face du peuple sous la même autorité sous laquelle sont, en face de leurs parents les plus proches, les femmes qui ne sont ni sous la puissance paternelle, ni sous la puissance maritale[17]. De même que le peuple est en conséquence leur héritier légitime en cas de mort, c’est le grand pontife, qui, durant leur vie, leur sert de tuteur. Par suite, les femmes n’étant à l’époque ancienne soumises à aucune autre juridiction de droit commun qu’à la juridiction domestique[18], c’est aussi lui qui est leur juge légitime, et il les cite pour cette cause à comparaître dans sa demeure officielle[19]. De même qu’il joue le rôle du chef de famille, ses collègues prennent, dans cette juridiction domestique, celui du conseil de proches parents consultés dans les cas les plus graves[20]. Le cercle des actes punissables soumis à ce tribunal n’est ni plus large, ni plus étroit que pour le tribunal domestique ordinaire — d’ailleurs toujours libre des règles rigoureuses qui régissent la procédure des magistrats. — Si la vestale pouvait être châtiée par le grand pontife parce qu’elle avait laissé s’éteindre le feu sacré du foyer[21] ou s’était rendue coupable d’autres actes illicites[22], les châtiments semblables infligés même à des femmes sorties de puissance, n’ont certainement pas été inconnus à la rigoureuse discipline qui régissait anciennement les femmes[23]. Si la perte de la virginité apparaît pour elle au premier rang des crimes capitaux, le stuprum de la femme non mariée était certainement, aussi bien que l’adultère de la femme mariée, considéré comme un crime capital dans le tribunal de famille des origines. D’autre part, il n’est pas douteux que les pouvoirs du collège des pontifes n’étaient aucunement limités à ce cas, qu’il était également compétent pour tous les délits, capitaux ou non, des vestales[24]. La juridiction des pontifes sur les vestales n’est donc pas du tous une juridiction d’exception, ni une juridiction spécifiquement ecclésiastique, dans son fondement ; mais elle l’est devenue, en un certain sens par un développement naturel, en continuant à exister[25] longtemps après que l’émancipation des femmes avait mis une fin à l’ancienne juridiction domestique et au tribunal familial lui-même, soit en général, soit spécialement pour les femmes qui n’étaient pas en puissance.

C’est au contraire par une véritable dérogation aux règles du droit commun[26] que le tribunal qui statue sur l’inconduite d’une vestale s’attribue en même temps compétence sur son séducteur et, s’il le reconnaît coupable, a le droit de le condamner à être fustigé sur le comitium jusqu’à ce que mort s’ensuive[27], sans qu’il y ait lieu à provocation. Pour pouvoir donner une appréciation satisfaisante de cette procédure, assurément très singulière, il nous faudrait savoir une chose sur laquelle notre tradition est muette il nous faudrait savoir comment on procédait dans l’ancien droit contre le séducteur d’une jeune fille honorable et, si le tribunal domestique qui statuait sur la jeune fille séduite ne pouvait pas, dans une forme quelconque, étendre sa juridiction au séducteur[28]. Si cela n’était pas, il ne reste d’autre ressource que de considérer la séduction d’une vestale comme un priaculum et l’exécution des deux coupables parle grand pontife comme un vestige du temps où le roi avait le droit de punir de mort les délits religieux.

Le second domaine dans lequel il existe un pouvoir de contrainte pontifical est celui de la procédure suivie contre certains prêtres insubordonnés. Ce n’est pas à dire qu’en matière religieuse tous les prêtres et les laïques soient soumis à l’autorité du grand pontife, ainsi qu’ils l’étaient autrefois à celle du roi, comme à celle du chef suprême non seulement des prêtres, mais de la religion même. Il y aurait une différence profonde entre une pareille autorité et le droit de coercition, semblable à celui des magistrats, que le grand pontife possède en matière religieuse à l’encontre de certains prêtres. Ce n’est pas en face des vestales que le grand pontife a besoin de ce pouvoir, car il est compris dans la juridiction domestique que le pontife possède sur elles à un autre titre. Mais c’est de là qu’il tire le droit de prononcer des multæ contre les trois grands flamines[29] et de saisir des gages sur eux[30]. Le roi des sacrifices lui-même a été mis en face du grand pontife dans la même dépendance que Ies flamines[31], il est soumis comme eux à ses amendes[32]. Tous ces sacerdoces n’émanent pas seulement, comme d’autres, de la nomination des pontifes ; la nomination y est un ordre, et leurs titulaires sont regardés comme étant, lato censu, des membres du collège pontifical[33]. C’est par là qu’on peut s’expliquer que l’ancienne rigueur de la constitution religieuse se soit maintenue en face de ces prêtres avec une si surprenante durée : le grand pontife pouvait là, comme d’ordinaire, commander ; mais il pouvait aussi, en cas de besoin, punir[34]. Il doit en avoir été de même pour les petits flamines et les autres collèges soumis à l’autorité directe du collège pontifical. En face des, prêtres qui ne sont pas soumis au collège pontifical, on ne rencontre qu’un exemple d’amende pontificale, et il se rapporte, semble-t-il, à un auguré qui refuse de remplir le rôle qui lui revient dans l’inauguration de l’un des quatre prêtres les plus élevés[35], en sorte que cette désobéissance aboutit à entraver le recrutement régulier de ces sacerdoces[36]. Mais, en dehors de là, on ne trouve de trace certaine du droit d’amende du grand pontife, ni en face de ses collègues, ni en face d’autres prêtres, ni en face de magistrats[37] ou de particuliers. On peut donc poser en règle qu’il n’y a de soumis à la coercition pontificale que les prêtres nommés par le grand pontife et qu’avec le droit royal de faire des nominations impératives à des sacerdoces, le grand pontife a recueilli le droit royal de prononcer des amendes et de prendre des gages, dans la mesure où il en a besoin pour maintenir dans leur continuité et leur activité régulière les quatre sacerdoces de Jupiter, de Mars, de Quirinus et de Vesta et le sacerdoce royal. La participation du collège était évidemment exclue et elle eut été incompatible avec le but de cette institution destinée à assurer à tout prix la subsistance ininterrompue des cérémonies religieuses. Le grand pontife exerce évidemment là une juridiction au sens strict du droit ; cela résulte particulièrement de ce que l’intercession[38] et la provocation[39] sont alors admises contre ses décisions comme contre tout autre jugement. La provocation est soumise, comme d’ordinaire, aux comices par tribus[40] et le grand pontife a été, comme les édiles, investi du jus cum populo agendi, exclusivement pour le cas de provocation formée contre ses amendes[41].

 

 

 



[1] Logiquement il ne faudrait pas diviser en sacrum, publicum et privatum, mais considérer le sacrum publicum comme une subdivision du publicum et le sacrum privatum (y compris les loca religiosa) pareillement comme une subdivision du privatum. Les jurisconsultes romains entendent sous le nom de sacrum au sens strict le sacrum publicum et comprennent le sacrum privatum dans le privatum tout court. Gallus Mius, dit Festus, v. Sacer mons, p. 318, ait sacrum esse quocumque modo atque instituto civitatis consecratum sit... quod autem privati suæ religionis causa deo dedicent, id pontifices Romanos non existimare sacrum esse. At si qua sacra privala suscepta sunt, quæ ex instituto pontificum stato die aut certo lorco facienda sunt, ea sacra appellari tamquam sacrificium ; ille locus, ubi ea sacra privata facienda sunt, vix videtur sacer esse. Marcien, Digeste, 1, 8, 6, 3 : Sacræ res sunt hæ, quæ publice consecratæ sunt, non private ; si quis ergo privatum sibi sacrum constituerit, sacrum non est, sed profanum. Gaius, 2, 5 et ss. entend sacrum dans le même sens étroit ; mais il n’a pas de terme général pour désigner le sacrum privatum : il le considère en tant qu’il est consacré aux Dii manes comme locus religiosus et en tant qu’il concerne les Dii superi, comme pro sacre : Quod (in provinciis est sans doute une glose) non ex auctoritate populi Romani consecratum est, proprie sacrum non est, tamen pro sacra habetur. La manumissio sacrorum causa (dont traite Festus, p. 158. 159) est une remarquable application de cette idée : n’ayant pas lieu devant le magistrat, elle n’est pas civilement obligatoire ; mais, en sa qualité de consécration privée, elle est pro sacre et sous la protection des pontifes en ce sens que le maître ne peut la révoquer arbitrairement. Elle ne donne pas plus la cité que l’affranchissement inter amicos. Si le locus religiosus ressort si vigoureusement au milieu des sacra privata, cela tient, sans doute, en partie à ce que les sépultures mises le long de la via publica provoquèrent avec une précocité particulière des litiges entre le publicum et le sacrum privatum, en partie à ce qu’en pareil cas les autres sacra privata donnaient lieu à des procès expéditifs, tandis que le déplacement des sépultures, même élevées illégalement, requérait toujours l’intervention des pontifes.

[2] Ainsi sur l’ancienne inscription de Venusia, C. I. L. 1, 185. 186 : Aut sacrom aut ppublicom locom ese ; de même dans Plaute, Trin., 1044, et Tite-Live, 25, 1.

[3] Tite-Live, 40, 51, 8.

[4] C. I. L. VI, 933.

[5] Telle est la décision sur les tombeaux situés devant la porte colline que cite Cicéron, De leg. 2, 23, 58 : Cum multa in eo loco sepulcra fuissent, exarata sunt : statuit enim collegium (pontificum) locum publicum non potuisse privata religione obligari. Dion, 48, 53, raconte un événement semblable.

[6] Ce que Cicéron, dit au commencement du discours (cf. Ad Att. 4, 2, 4) a savoir qu’il s’agit d’une consultation (interpretatio) des pontifes sur le droit sacré (religionum jus) ou, comme il dit ailleurs (Ad Att. 4, 1, 7) d’un responsum des pontifes, est confirmé par tout le discours qui, évidemment aussi pour cette raison, est prononcé dans une maison particulière (De har. resp. 6, 12), et non pas, comme tous les plaidoyers judiciaires, dans un lieu publie. Il fait la distinction de la manière la plus énergique, De har. resp. 7, 13 : Nego umquam..... ulla de re, ne de capite quident virginum Vestalium, tam frequens collegium judicasse : quamquam ad facinoris disquisitionem interest adesse quam plurimos : ita est enim interpretatio illa pontificum, ut iidem potestatem habeant judicum. Ainsi, ce n’est que quand ils statuent sur les vestales que les pontifes ont le pouvoir judiciaire ; sans cela, ils ne sont comme toujours que des juris interpretes.

[7] La forme conditionnelle du décret (Ad Att. 4, 2, 3) : Si neque populi neque plebis soitu is qui se dedicasse diceret nominatim ei rei præfectus esset..... videri posse sine religione eam partem areæ... restitui est caractéristique de ce que les pontifes donnent une consultation et non une sentence. Il était notoire qu’il n’y avait pas eu de lui pareille ; on ne le prétendait même pas. Mais l’autorité consultée laisse, comme il convient, la question indécise. C’est pourquoi Cicéron regarde bien avec raison l’affaire comme gagnée : Nemo dubitabat, quin domus nabis esset adjudicata, mais ce n’était pas là une adjudication en forme et Clodius pouvait soutenir, à la vérité très faussement, que le décret des pontifes lui avait donné raison.

[8] Cicéron, Ad Att. 4, 2, 5, rapproché de 4, 1, 7.

[9] Varron, 6, 30, dit par exemple : Prætor qui tum (die nefasto) fatus est, si imprudens fecit, piaculari hostia facta piatur : si prudens dixit, Q. Mucius ambigebat eum expiari ut impium non pesse.

[10] Tite-Live, 30, 2, 13 : Prodigia majoribus hostiis procurata : editi a collegio pontificum dei quibus sacrifacaretur est caractéristique à ce point de vue. Cf. 29, 19, 8. Les livres sibyllins ou les haruspices étaient également considérés comme des autorités en dernier ressort (Tite-Live, 22, 9).

[11] C’est là ce que vise principalement Denys, 2, 73, chez lequel seulement il ne faut pas penser à un jugement au sens strict du droit civil.

[12] Voir, à la vérité, ce qui est dit dans Festus, Ep. p. 126, et dans Denys, 2, 73. Mais le pontife peut bien, ainsi que nous verrons, infliger des amendes à certains prêtres pour cause d’insubordination religieuse ; il ne peut pas en infliger qui aient un caractère légalement obligatoire à d’autres personnes ; du moins il n’y a pas trace d’un pareil droit d’amende générale. Si, comme il semble, Denys a pensé à un pareil droit, il a confondu le droit des pontifes de spécifier l’amende due aux dieux avec le droit d’infliger des amendes. Il se peut aussi Qu’il ait généralisé incorrectement le droit d’amende existant contre les prêtres insoumis ; mais c’est alors en contradiction avec l’exclusion de la provocation, à laquelle les véritables amendes pontificales sont certainement soumises.

[13] Quand la formule sacer esto est prononcée en droit pontifical, il s’agit sans doute certainement de la peine de mort du droit criminel ; mais il ne s’ensuit pas du tout qu’elle ait son fondement juridique dans la disposition pontificale. Au contraire, la loi de Romulus : Patronus si clienti fraudem fecerit, sacer esto se trouvait aussi, on peut l’établir, dans les Douze Tables, et il en est de même, selon toutes les vraisemblances, de la peine de mort du parricida. Rien n’empêche d’admettre la même chose dans les autres cas, déplacement de limites, vente de la femme, injure matérielle du fils contre son père. C’est un parti beaucoup moins hasardé que le seul qui resterait sans cela, que celui qui consisterait à admettre une excommunication religieuse dont tout l’effet pratique serait de rendre le personnage impius.

[14] Deorum injuriæ diis curæ (Tacite, Ann. 1, 73). Les mots de Cicéron, De leg. 2, 9, 22 (cf. c. 16, 41) : Impius ne audeto placare donis iram deorum, indiquent au reste une sorte d’interdit prononcé contre l’impius, et les pontifes pouvaient peut-être, en vertu de leur surveillance générale sur les demeures des dieux, interdire à l’impius d’offrir des sacrifices ou des présents aux dieux dans les temples de l’État.

[15] Ulpien, Digeste 1, 1, 1, 2. La division tripartite en jus sacrum, publicum, privatum, ne se rencontre que chez des auteurs non juridiques et récents (Quintilien, Inst. 2, 4, 34 ; Ausone, Idyll. 11, 62 ; Philon, De creat. princ. éd. Mang. I, p. 362, texte que me signale Bernays) et n’est pas autre chose qu’une translation fausse faite de la propriété (res) au droit et aux procès (jus et judicium). La division tripartite des res se déduit facilement du système romain de division des choses en choses divini et humani juris, se subdivisant les premières en sacra et religiosa et les secondes en publica et privata, et elle n’est pas non plus étrangère aux Grecs. J. Bernays me la signale dans le projet de constitution d’Hippodamos chez Aristote, Polit. 2, 8 et dans Nepos, Themistocl. 6, 5.

[16] Si Labéon, chez Aulu-Gelle, 1, 12, 48, dit : Virgo Vestalis neque heres est cuiquam intestato neque intestatæ quisquam, sed bons ejus in publicum redigi aiunt : id quo jure fiat, quæritur, cela ne veut pas dire, comme pense Jordan, Tempel der Vesta, p. 81, que le principe lui-même ait été douteux, mais seulement que son fondement l’était. En fait, la condition patrimoniale de la vestale comporte une double conception. On peut la considérer ou comme sous la puissance paternelle du peuple ou comme sous sa tutelle, et, selon la solution, construire la dévolution de sa succession d’après les règles du pécule ou d’après celles des successions. Le second point de vue est le seul qui se concilie avec la forme récente donnée au droit. Mais il est très vraisemblable que le premier a été le point de vue primitif et qu’on a regardé les vestales comme les filles mêmes du grand pontife, ou du moins du roi. Il ne peut y avoir de doute que la position occupée en face de la vestale soit par le roi, soit par le grand pontife, exclut la subsistance sur elle de 1a puissance paternelle. Il est probable que la condition des vestales a pour base la même idée qui a conduit ailleurs à l’hiérodulie : il est caractéristique pour l’honorabilité et l’évolution romaine que l’absence d’indépendance des vestales n’ait pas été rattachée à la divinité et conçue comme un esclavage, mais comme un défaut de liberté relatif, de filles de famille ou de pupilles, existant par rapport au prêtre qui représente la divinité.

[17] La dévolution de la fortune de vestale au peuple étant considérée, ainsi qu’elle l’est par la doctrine juridique qui nous a été transmise, comme une succession, le droit de succession ab intestat du peuple a pour conséquence forcée son droit de tutelle. L’exemption de la tutelle ou, ce qui revient au même, la capacité de tester des vestales ne leur a pas non plus appartenu dés le principe, au moins selon la tradition d’après laquelle la loi Horatia aurait décidé en faveur de la vestale Gaia Taracia qui avait offert le champ de Mars au peuple romain, testabilis una omnium feminarum ut sit (Aulu-Gelle, 7, 7, 2. Plutarque, Popl. 8). Suivant une autre version, le droit de tester est accordé déjà par Numa aux vestales à ce titre (Plutarque, Num. 8), et cette disposition se trouvait dans les Douze Tables (Gaius, 1, 145). Mais, même depuis que les vestales eurent été assimilées aux hommes au point de vue de la capacité, le droit de surveillance et la juridiction pénale ne furent pas touchés par là. A ces points de vue, elles sont restées, de tous les temps, sous la tutelle du grand pontife.

[18] La situation juridique se manifeste de la manière la plus accusée dans la procédure suivie contre les femmes meurtrières de leurs maris, Publilia et Licinia, en l’an de Rome 602 ; elles furent citées devant le préteur, mais étranglées avant le terme propinquorum decreto (Val. Max. 6, 3, 8. Tite-Live, 48). Dans ce cas, comme en général à l’époque récente, l’ancien tribunal domestique concourt, pour les crimes de femmes, avec le droit de poursuite criminelle du magistrat ainsi encore chez Suétone, Tib. 35), et le droit de punir une femme peut n’avoir jamais fait défaut au peuple ; mais en pratique la seconde forme est certainement la plus récente qui ne devait, à l’époque ancienne, se présenter que sous l’aspect d’une quæstio extraordinaria comme dans le procès des Bacchanales et probablement aussi dans celui de 602. — Au reste, les procès des vestales pouvaient d’autant mieux être renvoyés par une loi devant le tribunal spécial d’un magistrat qu’elles n’avaient pas la provocation. An cas connu de ce genre de l’an 640, il est remarquable, au point de vue du droit, que le procès devant le magistrat a eu lieu en dépit de l’absolution prononcée par le tribunal domestique (Asconius, In Milon, p. 46, etc.) ; la chose jugée dans ce dernier n’avait donc pas d’autorité par rapport au premier.

[19] Pline, Ep. 4, 11, 6.

[20] A la question de savoir si le grand pontife était obligé de convoquer le collège pour ce procès, la réponse doit être la même que relativement aux tribunaux semblables du père et du mari. La réunion du conseil n’était pas légalement prescrite et elle n’était pas usitée pour les affaires de peu d’importance. Mais dans les cas graves le procès fait sans consilium et probablement le jugement rendu à l’encontre de l’avis de la majorité du conseil passent pour quelque chose de durum et iniquum.

[21] Festus, Ep. p. 106 : Ignis Vestæ si quando interstinctus esset, virgines verberibus afficiebantur a pontifice. Denys, 2, 61. Plutarque, Numa, 10. Des cas de ce genre des années 548 et 576 sont rapportés par Tite-Live, 28, 11, 6 (d’où Val. Max. 1, 1, 6) et Obsequens, 8.

[22] Selon Sénèque, Controv. 1, 2, 10 (cf. § 7) la vestale qui achetait une esclave dans un mauvais lieu, tombait sous le coup de la castigatio pontificis maximi.

[23] Cf. par exemple, Pline, H. n. 14, 13, 89.

[24] C’est certainement par un simple hasard que notre tradition ne connaît pas contre les vestales d’autre accusation capitale que celle fondée sur l’inceste.

[25] Des sentences de mort pour inceste ont encore été exécutées contre des vestales au IVe siècle. Symmaque (Ep. 9, 428. 129) raconte un cas de ce genre concernant une vestale albaine et son séducteur.

[26] Le père (et non le mari) peut tuer celui qu’il surprend en adultère avec sa fille. Mais c’est là quelque chose d’absolument différent, avant tout, parce que ce n’est pas là l’exercice d’un droit de justice.

[27] Caton, chez Festus, p. 241. Zonaras, 7, 8. Denys, 8, 89. 9, 40. Tite-Live, 22, 57, 4. Cf. Hemina, fr. 32, éd. Peter. Suétone, Dom. 8. Pline, Ep. 4, 11, 10. Dion, 79, 9.

[28] Le stuprum commis avec une femme honorable a malaisément été considéré, é l’époque ancienne, comme une lésion du droit poursuivable seulement par l’action civile d’injure. On rencontre de ce chef des multæ édilitiennes (Tite-Live, 8, 22, 3) et la loi Julia sur le stuprum et l’adultère n’a pas été la première loi relative à ces délits (Collat. 4, 2, 2). Si, comme il est vraisemblable, le stuprum entraînait régulièrement la peine capitale pour la femme à l’époque la plus ancienne, il doit avoir eu des suites analogues pour le complice et il ne semble pas impossible qu’un seul et même tribunal, pris dans les deux familles, ait statué simultanément sur les deux coupables.

[29] Les exemples qui nous sont connus se rapportent à des refus de congés du grand pontife devant lesquels ne s’inclinent pas les flamines. Des amendes sont prononcées de ce chef, en 512, par le grand pontife L. Cæcilius Metellus contre le consul A. Postumius Albinus, flamine de Mars (Val. Max. 1, 1, 2 ; Tite-Live, Ep. 19. 37, 51 ; Tacite, Ann. 3, 71) en 565, par le grand pontife P. Licinius Crassus contre le préteur Q. Fabius Pictor, flamine de Quirinus (Tite-Live, 37, 51) ; en 623, par le grand pontife P. Licinius Crassus contre le consul L. Valerius Flaccus, flamine de Mars (Cicéron, Philipp. 11, 8, 18).

[30] On ne rencontre la saisie de gage que dans le cas de Pictor (note 29). Mais son admissibilité résulte du simple fait que les droits de multa et de pignoris capio vont toujours ensemble.

[31] Tite-Live, 2, 2, 1 : Regem sacrificulum creant ; id sacerdotium pontifici subjecere, ce qui signifie tout autre chose que la subordination générale des prêtres quelconques au plus élevé d’entre eux.

[32] Tite-Live, 40, 42. Le duovir navalis L. Dolabella, fait rex en 574, se refuse à l’abdication nécessaire pour son inauguration.

[33] Cicéron, De domo, 52, 135. Cela se manifeste surtout pour les banquets pontificaux, auxquels participent encore les vestales, outre les personnages déjà nommés. Handb. 5, 243. 244 = tr. fr. 12, 291. C’est aussi à cela que se rapporte ce que dit Festus, v. Ordo, p. 185, de la hiérarchie des prêtres.

[34] C’est là le point décisif ; rien ne le montre plus clairement que les délibérations sur les congés à accorder au flamen Dialis sous l’Empire (Tacite, Ann. 3, 58. 59. 71).

[35] La relation de Festus sur le procès de Claudius (p. 343) est, à la vérité, incomplète ; mais la restitution en parait certaine dans ses termes essentiels.

[36] On peut rapprocher de là la participation du même augure au banquet d’inauguration (Macrobe, Saturnales, 3, 13, 11).

[37] Car, lorsque Tite-Live, Ep. 47, dit : Cn. Tremellio pr. multa dicta est quod cum M. Æmilio Lepido pont. max. injuriose contenderat, sacrorumgue quam magistratum jus potentius fuit, la supposition que cette amende ait été prononcée par le grand pontife n’est aucunement forcée et n’est mime pas vraisemblable d’après la rédaction du texte ; la chose pourrait plutôt avoir été faite par le collège des tribuns.

[38] Elle est mentionnée dans le procès de Pictor, Tite-Live, 37, 51, 4.

[39] La provocation est mentionnée dans les procès de Claudius (p. 39, note 1) ; de Pictor (Tite-Live, 37, 51, 4) ; de Flaccus (Cicéron, Phil. 11, 8, 18) ; de Dolabella (Tite-Live, 40, 42).

[40] Tite-Live 40, 42.

[41] Rien n’indique qu’un magistrat ait convoqué les tribus pour le grand pontife.