II. — POUVOIR DE LÉGIFÉRER ET D’INTERPRÉTER LA LOI. En matière législative comme en matière de nomination aux sacerdoces, les pouvoirs du grand pontife ne sont qu’un faible reste des pouvoirs étendus ‘du roi. La différence se manifeste même là encore plus énergiquement. Examinons d’abord le pouvoir législatif au sens propre, le droit de s’entendre avec le peuple pour l’établissement d’une disposition, selon l’expression romaine, le droit d’agir avec le peuple ; puis le droit de l’autorité de publier des prescriptions destinées à être prises en considération et à être suivies, selon l’expression romaine, le droit de rendre des édits. Le droit de prendre une résolution d’accord avec le peuple des centuries et des tribus fait défaut au grand pontife, d’une manière absolue, en dehors du cas spécial de provocation d’une mulla pontificale . Le seul cas où il préside une délibération de la plèbe, l’élection faite sous la présidence du grand pontife des premiers tribuns du peuple élus l’an 305 lors du rétablissement des institutions plébéiennes qui suivit le décemvirat[1], ne petit être expliquée au point de vue de la logique du droit public[2] : si l’allégation est exacte, la chose ne peut être considérée comme légale qu’en admettant que le rétablissement du tribunat aurait été opéré de cette façon en vertu d’une résolution spéciale du peuple : Nous avons déjà remarqué que les élections faites pendant une certaine période par les dix-sept tribus n’étaient ni ne prétendaient être des résolutions du peuple. Mais les comitia calata se tiennent sous la présidence des pontifes[3]. Et c’est proprement à ce point de vue que les anciens droits du roi ont passé au grand pontife, tandis qu’au point de vue du fond, dans la mesure où les actes ont une importance de fond, c’est au collège des pontifes qu’appartient le pouvoir de statuer[4]. Ces comices comprennent : d’une part, tous les comices convoqués en mati&c d’inauguration, simplement pour assister à l’acte, que ce soient des comices curiates ou centuriates[5] ; d’autre part, tous les comices, délibérants des curies, en particulier ceux desquels émanait le testament primitif et qui accomplissent encore les adrogations dans les temps historiques[6]. Ces actes sont considérés comme appartenant aux sacra populi Romani Quiritium ; cela résulte des renseignements que nous possédons sur les appariteurs qui y sont employés. Ce n’en sont pas moins indubitablement des lois, tant en théorie qu’en pratique. Théoriquement le grand pontife figure en matière d’adoption comme rogator[7] et les curies y sont le peuple compétent pour l’admission ou le rejet de la proposition. Matériellement la dérogation à l’ordre légal des successions et la sortie de la gens sont des anomalies, qui, tant que la logique primitive de la pensée créatrice a encore été vivante dans la constitution de l’État, n’ont pu être réalisées que par la volonté de tous et non par celle d’un seul. Le testament a aussi été compté par la jurisprudence romaine, au point de vue de son efficacité juridique, parmi les lois et non pas parmi les actes privés, et c’est comme une loi qu’elle l’a traité dans toutes ses conséquences (VI, 1). Le cercle véritable de la législation pontificale était peut-être plus large que celui qui nous est connu. Mais les renseignements que nous possédons sur elle permettent un jugement suffisamment certain de son caractère. Les lois primitivement faites par l’accord du roi et des curies unissent en un tout indivis les domaines des lois pontificales postérieures et des lois consulaires les plus anciennes. A partir de l’établissement de la République, le pouvoir législatif passa en général aux consuls et à la nouvelle assemblée populaire du type Servien. Les curies conservèrent dans leurs attributions, d’une part, les actes exclusivement confirmatifs, tels que l’inauguration et la promesse de fidélité et, d’autre part, le droit d’autoriser, à titre isolé, des dérogations aux règles du droit de famille, ce qui comprend à la fois le testament et l’adrogation ; et ce fut au collège des pontifes que fut confié l’examen, indispensable en ces matières et étroitement lié au droit religieux, des relations de gentilité. Le pouvoir réglementaire des magistrats n’a pas plus été accordé aux pontifes que leur pouvoir législatif : le collège ne peut, comme le roi le pouvait indubitablement, rendre, en matière religieuse, de prescriptions légalement obligatoires. II n’a pas le droit de rendre d’édits. En revanche, il a le pouvoir de rappeler au peuple par voie de communications orales les institutions de ce genre, en date de la période royale, qui concernent les fêtes des dieux, et il est également obligé de fournir aux magistrats et aux citoyens qui le lui demandent des renseignements sur les dispositions du temps des rois. Parmi les institutions de la période royale, la première place appartient à la table des jours judiciaires et des jours fériés de Numa et à la table corrélative des magistrats, à l’aide de laquelle se déterminent les années, tables réunies toutes deux sous la dénomination de fasti. Autrefois, il incombait nécessairement au roi de porter de mois en mois à la connaissance du peuple les fêtes publiques qui tombaient dans le mois. Désormais, c’est le collège qui procède à cette tâche : en ,premier lieu, le jour de chaque nouvelle lune, un de ses scribes annonce sur le Capitole, à la curia Calabra, quel jour seront publiées les fêtes du mois[8] ; puis, au jour annoncé, qui est toujours celui du premier quartier de la lune, non pas le grand pontife, mais le roi des sacrifices[9] fait connaître, du haut de la citadelle, aux citoyens assemblés, les jours de fête qui se présenteront jusqu’à la nouvelle lune prochaine[10]. Cette publication se rapporte aux fêtes permanentes de l’État[11]. Toutes les publications qui ne pouvaient être rattachées aux fêtes établies par Numa, étaient étrangères aux pontifes et concernaient dans leur ensemble les magistrats supérieurs[12] ; système indubitablement motivé par l’intention d’écarter en cette matière toute action arbitraire du collège des pontifes. Au contraire, la publication indispensable du mois complémentaire rentre parmi les publications du roi des sacrifices ; la proclamation relative au mois, de février variable d’année en année doit avoir eu lieu aux nones de ce mois[13]. — Dans l’esprit du système il ne devait y avoir là qu’une mise en pratique du calendrier faite suivant des règles fixes, et il en fut ainsi eu fait pendant de longues années. Mais lorsque, par suite de cela, l’année se fut trouvée complètement dérangée, les pontifes reçurent, à partir de l’an 563, plein pouvoir de faire l’intercalation à leur guise, et ils conservèrent ce droit, dont ils ont fait l’abus le plus arbitraire[14], jusqu’à ce que César y mit un terme par sa réforme du calendrier. La publication et, à l’époque récente, jusqu’à un certain point, la fixation du calendrier appartiennent donc aux pontifes dont les indications sont là obligatoires pour le peuple. Il n’en est pas de même du large domaine qui reste en dehors de cela, même en droit purement religieux[15]. Mais il y a une pseudo-législation, à proprement parler religieuse, qui est dans une relation décidée avec l’action des pontifes sur le droit religieux et qu’il nous faut donc étudier ici. Les jurisconsultes récents ont eu sous les yeux et ont commenté, comme les XII Tables, une collection de lois d’un caractère surtout religieux dont les dispositions isolées portaient les noms de divers rois, notamment, mais non pas exclusivement, de Romulus et de Numa, et étaient rassemblées en un tout. Le recueil ne contenait, voit-on par ses débris, que des dispositions religieuses prises parmi celles dont la connaissance importait, non seulement aux prêtres, mais au public en général : ainsi celles sur la sépulture d’une personne frappée par la foudre ou d’une femme enceinte, sur les libations faites avec du vin de vigne non taillée ou sur un bûcher, sur l’observation du temps de deuil au cas de second mariage d’une veuve, sur les sacrifices à faire avec les dépouilles prises à l’ennemi Il n’est question qu’en seconde ligne de la répression judiciaire des infractions. S’il est question de la peine du meurtre, cela semble n’avoir été fait qu’afin de pouvoir y rattacher le sacrifice expiatoire à offrir au cas de meurtre involontaire. Mais ces dispositions interviennent fréquemment où le droit privé[16] montre des lacunes sous le rapport moral ; ainsi pour l’injure du fils à son père, de la bru au beau-père qui, dans le système romain, ne peuvent engendrer de poursuite privée, pour l’abus de la puissance paternelle ou maritale résultant de l’exposition des enfants, de la dissolution du mariage ou de la violation des formes traditionnelles de la justice domestique, enfin pour l’abus de la puissance patronale commis à l’encontre des clients (clientes). En un mot, ces lois royales n’énumèrent pas les devoirs civils des Romains, elles énumèrent leurs devoirs religieux, dont la violation (nefas), ou bien exige une expiation religieuse (piaculum), ou bien, au cas le plus extrême, fait considérer le coupable comme ne pouvant l’expier (impius) et comme tombé irrévocablement sous la vengeance de la divinité offensée[17]. Si l’on se demande comment nous ont été transmis ces préceptes, une relation, qui est à la vérité rien moins qu’ancienne, répond que « les lois royales » ont d’abord été, sur l’ordre du roi Ancus, écrites sur des tables de bois par les pontifes et affichées sur le Forum[18], qu’elles constituent par conséquent un édit royal. Les tables détruites par le temps auraient été rétablies après l’expulsion des rois par le premier grand pontife C. Papirius[19] ; ayant été de nouveau détruites par l’incendie des Gaulois, elles auraient encore dû être restituées, maison aurait omis de le faire, parce que les pontifes auraient trouvé leur compte à conserver ces règles par devers eux[20]. Cependant cet édit royal, ainsi confisqué par les pontifes récents, est plus tard arrivé à la publicité sous la forme d’un livre et sous le titre évidemment emprunté au premier grand pontife de code papirien[21]. Quand et par qui la publication a-t-elle été faite, nous ne savons ; nous ne pouvons pas davantage apercevoir dans le passé les traces de l’existence du recueil à une époque plus reculée que celle de César et d’Auguste[22]. A partir de là, il s’est maintenu parmi les sources du droit reconnues, bien que, comme il traite principalement des rites du culte divin, il ne soit que rarement cité dans les textes juridiques qui nous ont été transmis. De ce récit, dont les éléments n’ont probablement été coordonnés qu’à une époque récente et qui est suspect sous bien des rapports, on peut tout au moins conclure, que les théoriciens du droit public de l’époque d’Auguste reconnaissaient au roi et refusaient au grand pontife le droit d’afficher un édit analogue à l’édit prétorien. Les pontifes ont peut-être affiché sur le Forum de pareils édits relatifs aux piacula et placés sous le nom des rois ; mais l’allégation selon laquelle un édit général, royal en théorie et pontifical en pratique, aurait été exposé là depuis l’expulsion des rois jusqu’à l’incendie des Gaulois, ne peut, présentée comme elle l’est par des autorités remontant tout au plus au temps de César, prétendre à rencontrer beaucoup de croyants. Il est probable que cette codification du droit religieux ésotérique est un travail privé d’une date relativement récente et qu’elle n’a été placée parmi les textes législatifs que tardivement, par une confusion ou par une supercherie littéraire. Mais elle se rattache à la coutume ancienne en ce sens que les pontifes de la République ont mis en circulation leurs prescriptions religieuses sous le nom des rois, surtout à l’occasion des consultations qu’ils donnaient sur des espèces isolées[23] et que le pouvoir qu’ils exerçaient ainsi de faire connaître le droit religieux, a, jusqu’à un certain point, remplacé le pouvoir royal de le créer qui ne leur avait pas été transmis[24]. Le droit des pontifes de faire connaître le droit, qui n’a guère conduit à la publication de coutumes, a au contraire été exercé par eux dans la plus large mesure sous la forme de consultations données sur des espèces concrètes isolées[25]. La connaissance du droit royal a été une des parties les plus importantes de la fraction de l’héritage royal échue au collège des pontifes, et elle s’est perpétuée par une tradition ininterrompue chez cette autorité édifiée sur l’es règles de la collégialité et de la nomination à vie, les modifications progressivement apportées aux principes s’incorporant naturellement à l’ancien tronc. C’est en considération directe de cela que le grand pontife est qualifié de juge des choses divines et humaines[26]. Il n’y a point là d’exagération. Cette science du droit qui fut d’abord fondée dans le collège pontifical et dont les puissants effets subsistent encore aujourd’hui en est la preuve. Les efforts faits pour restreindre l’influence prépondérante du collège, avant tout assise sur cette base, se révèlent à bien des reprises : l’exposition publique du calendrier annuel réalisée par les décemvirs rendit possible à chacun de connaître au moins d’avance les jours judiciaires ; la codification du droit national et son exposition publique opérées également par eux avaient un effet analogue ; le cade flavien mit tout le monde en état d’être son propre conseil en cas de procès, ou tout au moins visait à ce but ; enfin, depuis que l’édit annuel du préteur se fut constitué en sine codification à la fois permanente et constamment modifiée, le droit civil, tout au moins, — car les formations analogues font défaut en droit sacré et en droit public, — a trouvé dans cet édit son point central théorique et pratique. Depuis lors, c’est-à-dire à peu près depuis le dernier siècle de la République, le droit civil peut être considéré comme essentiellement soustrait à l’influence spécifique du collège des pontifes ; mais à l’inverse jusqu’alors, son développement théorique et pratique s’est principalement accompli dans le sein de ce collège. Cependant l’importance extraordinaire du rôle d’interprètes, et par là même de fondateurs du droit, des pontifes ne doit pas en faire méconnaître les limites formelles. Quand l’État demandait des consultations en matière religieuse[27], elles étaient assurément toujours demandées au collège[28], évidemment parce que l’État ne pouvait pas être mis dans la nécessité de se prononcer lui-même entre des consultations isolées ; mais, en admettant que des particuliers pussent recevoir des consultations du collège, ce qui est une chose très douteuse[29], en règle générale, ils consultaient un pontife isolé[30]. L’influence pontificale trouvait ainsi, comme la puissance tribunicienne, ses barrières en elle-même, un pontife devant nécessairement tués souvent se mettre en opposition avec un autre. En outre, la consultation d’un pontife isolé n’a certainement jamais eu d’autorité formelle, quoique naturellement elle ait sans doute généralement tranché le débat, quand il n’y avait pas une autre consultation en sens contraire. En conséquence, le droit de délivrer de pareilles consultations peut n’avoir jamais été un privilège en forme des pontifes. Il est même probable que la science du droit s’est émancipée du collège des pontifes, à une époque relativement précoce[31], pour la partie dans laquelle elle se rapporte à la vie civile ; la distinction s’est faite du jus publicum privatumque, dont la connaissance est jusqu’à un certain point indispensable à tout le monde, et du jus pontificium au sens propre, qui s’occupe des choses religieuses et qui est, comme le droit augural, une science distincte[32]. Le rôle de pseudo-magistrats des pontifes est d’ailleurs dans un rapport très lointain avec ce rôle consultatif qui leur est commun avec tous les collèges, notamment avec celui des augures, et sur lequel nous n’avons pas, pour notre tâche, à nous arrêter plus longtemps. On se gardera seulement de confondre ces consultations, avec de véritables jugements parce qu’elles sont fréquemment désignées du nom de justice[33] et que, dans les cas importants, elles se rapprochent des formes de la procédure[34]. C’est absolument ainsi que la notation des censeurs est traitée de judicium et suit en général la procédure judiciaire, quoiqu’elle ne soit pas du tout un jugement. |
[1] Cicéron, chez Asconius, p. 77 : Armati in Capitolium venerunt, decem tribunos plebis per pontifacem quod magistratus nullus erat, creaverunt, et Asconius, ad h. l. : Pontifex maximus fuit M. Papirius. Tite-Live, 3, 54, raconte la même chose avec un autre nom : Factum senatus consultum, ut... Q. Furius pontifex maximus tribuns plebi crearet. Ce récit ne concorde guère avec les élections préalables des vingt tribuns militaires par la plèbe et des deux chefs par ces vingt tribuns (Tite-Live, 3, 51).
[2] Le jus cum populo agendi des magistrats est attribué là au grand pontife ; c’est une discussion stérile de se demander si ces comices sont comme veut Becker, des comitia calata que le pontife peut bien tenir, mais qui ne peuvent prendre de pareille résolution ou, comme veut Schwegler, des comitia tributa qui peuvent sans doute prendre une telle résolution, mais que le pontife n’a pas le droit de convoquer. — En outre le grand pontife est, à cette époque, nécessairement patricien ; or, aucun patricien ne peut participer aux élections des tribuns, ni par conséquent y occuper la présidence. — Le motif : quod nullus magistratus erat ne vaut pas mieux que ce qu’il sert à motiver. Premièrement il n’est pas vrai ; car la retraite des décemvirs entraîne immédiatement l’entrée en ligne des interrois. Ensuite il n’explique rien ; car, quand bien même tous les magistrats ordinaires patriciens auraient été au complet, cela n’aurait pas fait avancer d’un pas le rétablissement des magistrats plébéiens. — L’explication tirée de ce que le renouvellement des leges sacratæ aurait exigé les concours des pontifes (Schwegler, 3, 66 et d’autres encore) ne porte pas ; ce ne sont pas véritablement les pontifes qui ont fait les leges sacratæ, et, quand ils les auraient faites, le droit de présider l’élection n’en résulterait pas du tout pour eux.
[3] Les comitia calata sont étudiés, d’une manière approfondie, dans le chapitre de la Compétence des comices (VI, 1). Nous n’avons ici qu’à préciser la position occupée par les pontifes en face de ces comices.
[4] C’est dit expressément pour le seul cas de cette espèce qui soit resté pratique jusqu’à l’époque récente, pour l’adrogation. Aulu-Gelle, 5, 19. Tacite, Hist. 4,15. Cicéron, De domo, 13, 34. Le cas de P. Clodius pourrait servir à prouver que la décision définitive n’appartenait point au grand pontife, mais au collège. Tout au moins Cicéron, De domo, 14, 38, attache du poids à ce qu’il ne fut pas pris de décret du collège. Il est vrai que la position qu’il avait lui-même a prendre soit en face de César, soit en face du collège rend douteux le point de savoir dans quelle mesure on peut se fier aux allégations ainsi faites par lui dans sa propre affaire.
[5] Labéon dit que les comitia centuriata eux-mêmes sont calata et convoqués par les pontifes quand ils sent réunis pour une inauguration et non pour prendre une résolution.
[6] Aulu-Gelle, 15,27 : Iisdem comitiis quæ calata appellari diximus et sacrorum detestatio et testamenta freri solebant, et la dernière assertion se reproduit chez les jurisconsultes (Gaius, 2, 101 ; Ulpien, 20, 2 ; Inst. 2, 10, 1). C’est à tort que l’on exclut en général, comme je l’ai fait précédemment moi-même, les comices des adrogations des comitia calata. Sans parler de ce que, comme il sera démontré plus loin (VI, 1), la sacrorum detestatio se rapporte directement à l’adrogation, il faut considérer comme calata tous les comices tenus pro collegio pontificum ; car, d’une part, Labéon le dit expressément et, d’autre part, le rapprochement de l’emploi des mots calare, calator, curia calabra indique clairement que calatus ne signifie pas autre chose que pontifical.
[7] Cicéron, Ad Att. 2, 12, 2 : Cæsar... negat se quicquam, de illius (de P. Clodius) adoptione tulisse. César était alors grand pontife et consul, et lorsque Cicéron vise l’acte de son côté politique, il l’attribue naturellement au consul César (De har. resp. 21, 45 ; Pro Sest. 7, 16). Mais la preuve qu’il proposa la loi en la première qualité résulte de ce que c’était une lex curiata (Cicéron, De domo, 15, 39, etc.) et que notoirement cette loi en matière d’adoption ne concerne pas le consul. Les comices testamentaires qui ont probablement eu lieu régulièrement aux cieux jours désignés dans le calendrier par quando rex comitiavit, fas, le 24 mars et le 24 mai, ont nécessairement été présidés par le roi, tant qu’il y en a eu un ; or, après sa disparition, il n’a pu être remplacé là que par le grand pontife et non par le roi des sacrifices. Si Labéon, dans Aulu-Gelle, 15, 27, semble compter les comices testamentaires parmi ceux tenus pro collegio pontificum, cela ne peut à la vérité trancher la question ; car le roi appartient aussi à ce collège et le roi des sacrifices apparaît certainement ce jour là au comitium. Mais la façon générale dont est traité ce poste nominal ne permet pas d’admettre qu’une fonction aussi importante que l’examen préalable des testaments ait jamais été comprise dans ses attributions.
[8] Varron, De l. L. 6, 27. Kalendæ ab ec, quod his diebus calantur nonæ a pontificibus, quintanæ an septimanæ sint faturæ, in Capitolio in curia calabra (cf. Decker, Topogr. p. 441) sic : die te quinti (Ms. dictæ quinque) calo Juno novella ; septimi die te (Ms. septem dictæ) calo Juno novella. Verrius, dans les Fastes de Præneste sur le 1er janvier C. I. L. I, 312. 365 : Hæ et [cete]ræ calendæ appellantur, quia [pri]mus is dies est, quos pont[i]fex minor quo[vis] mense ad noms sin[gulas numerat in Capi]tolio in curia cala[bra]. Macrobe, 1, 15, 8 : Pontifici minori hæc provincia delegabatur, ut novæ lunæ primum observaret adspectum visamque regi sacrificulo nuntiaret. Itaque sacrificio a rege et minore pontifice celebrato idem pontifex calata, id est vocata in Capitolium plebe juxta curiam calabram... quot numero dies a kalendis ad nones superessent pronuntiabat : et quintanas quidam dicto quinquies verbo calo, septimanos repetito septies prædicabat. Inexactement Servius, Ad Æn. 8, 654 : Cum incertie essent kalendæ aut idus, a Romulo constitutum est, ut ibi (in curia calabra) patres vel populus calarentur, id est vocarentur, ut scirent qua die kalendæ essent vel etiam ictus ; a rege sacrificulo. Encore inexactement Plutarque, Q. R. 24. Encore plus faussement, Lydus, De mens. 3, 7. L’annonce faite aux calendes émanait donc seulement d’un appariteur et était simplement préparatoire. Elle est avec la publication des fêtes faite aux nones clans le même rapport que la fixation des comices avec ces derniers. Évidemment on s’efforçait de faciliter le plus possible aux particuliers la présence à la publication des fêtes. C’est pour cela que la publication avait lieu le premier jour oit la nouvelle lune était visible, si bien qu’avec quelque attention chacun pouvait s’y trouver même sans information spéciale. C’est pour cela aussi que le jour de cette proclamation était annoncé publiquement cinq ou sept jours auparavant et qu’il n’y avait pas de jour de fête placé dans l’intervalle entre l’annonce de la proclamation et la proclamation elle-même (Chronol. p. 250 ; C. I. L. I ; p. 366).
[9] Nous avons déjà expliqué, tome I, que le jus edicendi n’appartenait parmi les prêtres qu’au roi des sacrifices et que pour lui-même l’existence n’en peut être établie que dans ce cas spécial. [L’opinion de M. Mommsen a été modifiée par la découverte des actes des jeux séculaires d’Auguste et il admet aujourd’hui que le jus edicendi a certainement appartenu aux grands collèges.] Le grand pontife a sans doute le pouvoir d’accomplir un acte in contione, ainsi, par exemple, la sortition d’une vestale (Aulu-Gelle, 2,12, 21) et l’exécution du séducteur d’une vestale sur le comitium.
[10] Varron, 6, 28 : Eodem die (nonis) in urbem ex agris ad regem conveniebat populus : harum rerum vestigia in sacris nonalibus in arce, quod tunc ferias primas menstruas (pr. mensir. est peut-être une glose) quæ futuræ sint eo mense, rex edicit populo. 6, 13 : Rex cum ferias menstruas nonis Februariis edicit, hunc diem Februatum appellat. Macrobe, Sat. 1, 15, 12 : Ideo autem minor pontifex numerum dierum qui ad novas superessent calando prodebat, quod post novam lunam oportebat nonarum die populares qui in agris essent confluere in urbem accepturos causas feriarum a rege sacrorum sciturosque quid esset eo mense faciendum. On se gardera de confondre cette contio, où le peuple n’est pas distribué en sections, avec les comitia calata toujours distribués par curies ou par centuries.
[11] Cela comprend, outre les dies statuti, encore une partie des annales nec die statuti (c’est ainsi qu’il faut lire Varron, 6, 25), est-il établi, tout au moins pour les feriæ sementinæ (Varron, 6, 26). — Le grand pontife a le pouvoir de dicter la formule (præire) des prières solennelles au peuple pro rostris (Suétone, Claudius, 22).
[12] Nous reviendrons sur ce point dans le chapitre du Consulat.
[13] V. ma Chronologie, p. 43, note 59.
[14] Censorinus, 20, 6. Cicéron, De leg. 2, 12, 29. Sur l’époque, voir Macrobe, Sat. 1, 13, 21. Chronol. p. 40.
[15] Sous l’Empire, on rencontre des sortes d’édits pontificaux. Tacite, Hist. 2, 91 : Quod maximum pontificatum adeptus Vitellius de cærimoniis publicis XV k. Aug. edixisset. Mais l’empereur, possédant le jus edicendi à un autre titre, il peut l’avoir exercé non pas en vertu, mais à l’occasion de son pontificat.
[16] Il est indifférent qu’il puisse, ainsi qu’il semble, intervenir en pareil cas une peine publique. L’offensé n’a pas d’action.
[17] Ainsi dans une loi de Romulus et de Tatius : Si parentem puer verberit, ast olle plorassit, puer divis parentum (= diis manes, C. I. L. I, 1241) sacer esto (Festus, p. 130).
[18] Tite-Live, 1, 32. Denys, 3, 36. Les commentarii regii religieux, décrits par exemple par Tite-Live, 1, 10. 20 pour Numa, ou, selon l’expression de Cicéron, De leg. 2, 10, 23, la constitutio religionam de Numa est donc quelque chose de différent des leges regiæ. Les commentaires sont la constitution religieuse pontificale ; les leges regiæ sont des instructions qui en ont été extraites pour le public, principalement pour le mettre en garde contre le risque de piaculum.
[19] Denys, 3, 36. Pomponius, Digeste, 1, 2, 2, 2. Le livre est donc placé là à la fin de la période royale et considéré comme un précurseur des Douze Tables ! La vacillance du prénom prouve tout au plus que l’ouvrage circulait sous le titre de code papirien.
[20] Selon Tite-Live, 6, 1, le sénat décide, après l’incendie des Gaulois, de faire rassembler toutes les lois que l’on pourrait (leges conquiri quæ comparerent) : Erant autem eæ duodecim tabulæ et quædam regiæ leges : alia ex eis edita etiam in volgus : quæ autem ad sacra pertinebant a pontificibus maxime ut religione obstrictos haberent multitudinis animos suppressa.
[21] Il est invoqué sous le nom de jus Papirianum par Paul, Digeste, 50, 161 144, et par Macrobe, Sat. 3, 1, 5, où il s’agit de ritu sacrorum ; incorrectement sous le nom de lex Papiria de ritu sacrorum, chez Servius, Ad Æn. 12, 830 ; encore plus défectueusement, mais d’accord avec sa conception générale de la législation, par Pomponius (note 19), dans son abrégé d’histoire du droit, pétri d’erreurs de toutes sortes, sous le nom de jus civile Papirianum : Is liber appellatur jus civile Papirianum, non quia Papirius de suo quicquam ibi adjecu, sed quod leges sine ordine latas in unum (ou junctim ? Ms. inuntim) composuit. Granius Flaccus, écrivit un commentaire sur lui (Paul, loc. cit.) ; le traité de indigitamentis ad Cæsarem cité sous le même nom (Censorinus, 3, 2) ne peut guère être identique avec ce commentaire.
[22] Ni Cicéron ni Varron ne connaissent de leges regiæ religieuses ni de recueil de Papirius ; la mention la plus ancienne qui en soit faite remonte au temps de César, si Granius, le commentateur du livre de Papirius, a en réalité été son contemporain. Ensuite le recueil apparaît chez Verrius Flaccus, Tite-Live, Denys et les écrivains postérieurs. Des soupçons justifiés sont aussi éveillés par l’observation que le récit des destinées de l’édit royal religieux s’interrompt après l’incendie des Gaulois, où il aurait dû être affiché, mais fut tenu secret, tandis qu’il reparaît soudain sous César. La lex vetus tribunicia d’un certain Q. Papirius, sur les conditions de la consécration, indiquée par Cicéron, De domo, 49. 50, peut avoir exercé une influence.
[23] Hemina (dans Peter, fr. 12. 13) invoque déjà de pareilles dispositions de Numa.
[24] C’est la pensée de Denys, 2, 13. Les mots gravement corrompus du texte permettent tout au moins de reconnaître que la justice pontificale ou plus exactement le droit des pontifes de donner des consultations sur des cas isolés entraîne le pouvoir de créer du droit.
[25] Le rôle consultatif des pontifes, qui n’est que dans une parenté lointaine avec leur position de magistrat, ne peut être ici esquissé que brièvement. Cf. Handb. 6, 347 et ss. = tr. fr. 12, 380.
[26] Festus, p. 185 : Pontifex maximus..... judex atque arbiter habetur rerum divinarum humanarumque. Cette formule orgueilleuse est devenue traditionnelle chez les jurisconsultes. Ulpien, Digeste, 1, 1, 10, 2, appelle encore la jurisprudence divinarurn atque humanorum rerum notitia. Handb., 6, 311 = tr. fr. 12, 350.
[27] Telle était la consultation délivrée dans l’affaire de Cicéron : De domo, 26, 69 ; De har. resp. 6, 11.
[28] Cicéron, De har. resp. 6, 12. La présence de trois membres suffisait.
[29] Pour soutenir que c’est le collège qui répond au particulier, on peut invoquer le régime qui, selon Pomponius, Digeste 1, 2, 2, 6, aurait existé environ depuis l’incendie des Gaulois jusqu’à la publication du jus Flavianum : Actiones apud collegium pontificum erant, ex quibus constituebatur, quis quoquo anno præesset privatis. Mais des allégations remontant à une époque aussi reculée et venant d’un auteur aussi confus sont suspectes par elles-mêmes ; à cela s’ajoute qu’il est impossible de lier avec l’expression peu claire præesse privatis un sens conforme au rôle des pontifes qui nous est connu.
[30] Cicéron, De har. resp. 7,13 : Religionis explanatio vel ab uno pontifice perito recte fieri potest, quod idem in judicio capitis (il s’agit des procès des vestales) durum atque iniquum est.
[31] Parmi les rares noms des jurisconsultes qui apparaissent au Ve et au VIe siècles, il y en a déjà plusieurs qui n’appartiennent pas au collège des pontifes ; ainsi, pour ne pas parler de Cn. Flavius, son patron, Ap. Claudius lui-même, qui, d’après son elogium, n’a pas eu de sacerdoce ; ainsi P. Ælius Catus, consul en 552, et M. Cato, consul en 559, qui furent tous deux augures et par conséquent ne furent pas pontifes. Car C. Bardt, Die Priester der vier grossen Collegien, Berlin, 1811, p. 38, a établi que la dualité des sacerdoces est à cette époque quelque chose d’s peu près sans exemple.
[32] Les deux Scævola trouvaient déjà nécessaire d’insister sur ce que les deux disciplines avaient pourtant une parenté et que le droit pontifical exige la connaissance de certaines parties du droit civil (Cicéron, De leg. 2, 19, 47). Au temps de Cicéron, personne n’étudiait le droit pontifical (De orat. 3, 33, 136) ou tout au moins l’on n’en étudiait que la partie limitrophe du droit civil (Brut. 42, 156).
[33] Le statut de Genetiva le dit de la façon la plus expresse, c. 66, de auspiciis quæque ad eas res pertinebunt augurum juris dictio judicatioque esto.
[34] Ainsi Cicéron, dans le procès relatif à sa maison, parle très souvent de judicium, et il dit aussi, De har. resp. 6, 12, qu’il a été rendu causa cognita duobus locis dicta ; et cependant il est absolument certain qu’il n’y a eu là qu’un simple responsum.