LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE DEUXIÈME. — LES MAGISTRATURES.

LA ROYAUTÉ.

 

 

La notion des magistratures d’origine républicaine dépend, ainsi que nous l’avons expliqué, d’un caractère à proprement parler extérieur, de l’élection par le peuple ; et l’on ne peut, dans la description des différentes magistratures, se soustraire à l’action de ce principe. Mais il convient de ne l’appliquer qu’avec certaines modifications indispensables à la clarté matérielle. Les fonctions de prêtre, de sénateur, de soldat, d’officier, de juré sont des fonctions publiques comme celles de magistrat ; mais elles sont en elles-mêmes étrangères à notre sujet. Lorsque certains, de ceux qui exercent de telles fonctions se trouvent classés pour ainsi dire accidentellement parmi les magistrats, comme le sont, par exemple, les tribuns militaires des quatre premières légions, ce n’est qu’au point de vue de leur qualité de magistrats que nous avons à nous en occuper ; quant à leurs fonctions militaires proprement dites, elles ne peuvent être exposées que dans le tableau de l’organisation militaire. Du reste, ce transfert de quelques fonctions du domaine des munera dans celui des honores n’a pas une trias grande portée, et il est, pour notre plan, moins gênant que les attributions de pouvoirs de magistrats à des non magistrats qui se rencontrent, par exemple, sous la République pour le grand pontife et pour les commissaires du sénat (legati) et, sous le Principat, pour de nombreux subalternes impériaux. Ce ne sont pas là des catégories de magistratures ; mais nous n’avons pu nous dispenser de leur consacrer ici des chapitres spéciaux ; car il n’y a pas, dans le cadre du droit public, d’autre place pour étudier commodément les fonctions importantes ainsi exercées.

 

La cité romaine, comme toutes les cités italiques, a commencé par la royauté. C’est une vérité qui n’a pas besoin de démonstration. La constitution républicaine postérieure elle-même ne se donne pas pour autre chose que pour une modification de cette royauté qui apparaît ou transparaît encore sur bien des points.

Parmi les institutions des temps historiques, il y en a deux, celle du roi des sacrifices (rex sacrorum) et celle de l’interroi (interrex) qui impliquent nécessairement une royauté primitive.

Si la maison du roi (regia) située sur la voie sacrée était la demeure officielle du rex sacrorum[1], elle n’en mettait pas moins sous les yeux des générations les plus nouvelles le vivant souvenir des temps primitifs. Les fastes de Numa[2] en signalant le 24 février la fête de la fuite du roi (regifugium) corrélative à la fuite du peuple, aux poplifugia du 5 juillet, et en notant, sous les dates du 24 mars et du 24 mai : Q(uando) r(ex) c(omitiavit) f(as)[3], visaient en partie par ces observations les fonctions religieuses du roi de la période républicaine ; mais la mention des comices ne s’accorde pas avec ce dernier, et toutes les indications se sont sans doute rapportées à l’origine au roi véritable.

Enfin, toute la tradition, qui ne se restreint certainement pas ici à une simple conclusion tirée par les savants du présent au passé, part de l’idée qu’urbem Romam a principio reges habuere, et que le gouvernement des consuls a commencé seulement post reges exactos. — L’analyse des institutions romaines ne conduit pas à remonter au-delà de la royauté, ni même de la royauté constitutionnellement organisée, mise dans un rapport régulier avec les patres et le populus ; le tableau schématique des annales représente de même le peuple comme créé par le premier roi et non le premier roi comme créé par le peuple. Historiquement il est à croire que ce régime politique n’a aucunement été celui du début, qu’il est issu de formes plus anciennes, sinon à Rome même, au moins dans le domaine de la nation latine ; mais pour nous, ces formes ont disparu sans laisser de vestiges.

Le nom latin du chef est rex, celui qui met en ordre, qui règle[4]. C’est là, et c’est là seulement le nom technique du chef primitif de l’État, là preuve en est dans ce qui se passa lorsque la royauté fut supprimée comme institution civile et maintenue exclusivement comme institution religieuse : d’une part, on donna au prêtre dont il s’agissait, le nom de rex et, d’autre part, on ne permit à aucun magistrat de l’État de porter ce nom, on désigna même en droit criminel le renversement des institutions existantes du nom de regnum affectatum[5]. On peut déduire de là que les désignations postérieures des magistrats supérieurs qui pourraient convenir au roi : magister populi, prætor, judex, n’ont pas été employées pour le roi ou ne l’ont pas été officiellement ; les deux dernières embrassent d’ailleurs un cercle restreint et ne l’ont que relever unilatéralement l’activité militaire ou judiciaire du magistrat, tandis que le mot rex désigne le chef de l’État d’une manière absolue, dans la totalité et l’unité de sa puissance. — La puissance officielle qui appartient au chef de l’État n’est pas désignée par le terme regnum, qui s’applique au fait du gouvernement, à la royauté, mais par le terme imperium.

Relativement aux insignes du roi, nous sommes à peu près réduits aux conclusions qu’on peut tirer à leur sujet de ceux qui appartiennent aux magistrats supérieurs de Rome ; car il n’y a pu avoir, ni au profit du roi des sacrifices, ni à celui des rois latins, de transmission directe des insignes royaux qui se soit perpétuée jusqu’aux temps historiques[6]. — La tradition attribue au roi le même nombre de faisceaux et de licteurs qu’aux consuls et il n’y a pas de motifs de la révoquer en doute. Le roi avait le droit de porter la hache dans les faisceaux, même à l’intérieur de la ville ; c’est une conséquence de ce qu’il n’était pas obligé, comme le consul, d’admettre la provocation et qu’il possédait la puissance criminelle dans sa plénitude à Rome comme en campagne. — Selon des conjectures dont nous avons déjà donné les raisons, le roi aurait ordinairement paru en char, dans la ville, quand il y exerçait ses fonctions, et il s’y serait servi d’un siège élevé (solium) au lieu du siège rond sans dossier sur lequel les magistrats postérieurs sont assis pour exercer leurs fonctions. — Il est plus certain que les rois ont couramment porté des vêtements rouges : à la guerre, le court manteau de pourpre, la trabea, qui ne diffère que par la coupe du paludamentum moderne, et comme costume de paix, la toge de pourpre, quoique la tradition ne leur accorde comme costume officiel ordinaire que la prétexte des consuls. — Le sceptre est aussi refusé au roi par la tradition, peut-être également à tort[7]. En résumé, d’une part, on voit, clairement la tendance de la tradition à construire les insignes royaux sur le type essentiel des insignes consulaires, et, d’autre part, certains vestiges restés marqués dans les institutions récentes, spécialement l’interdiction des sièges à dossier et la restriction de la pourpre à la bordure du vêtement, donnent à supposer que la chute de la royauté entraîna une diminution extérieure des insignes officiels en même temps qu’un affaiblissement de fond de la magistrature supérieure.

Il n’en est pas autrement de la nomination du roi. En du dehors du premier roi qui crée la ville et le peuple et qui acquiert, sous la bénédiction spéciale des dieux, pour lui et ses successeurs, la protection éternelle des habitants du ciel et la domination éternelle de la terre[8], tous les princes suivants sont, dans notre tradition, élus par le peuple sous là présidence d’un membre du conseil ides anciens et voient leur élection confirmée comme constitutionnelle par le conseil[9], après quoi le peuple, régulièrement distribué dans ses sections, prend envers le roi l’engagement de fidélité[10]. Il n’y a là, dans le fond, qu’un transfert de l’élection consulaire postérieure dans le temps des rois[11], et on ne peut conclure de ce récit, visiblement conformé pour leurs fins propres par les maîtres du droit public de la période moderne de la République, que les rois soient réellement arrivés de cette façon au pouvoir. Il existe, au contraire, des arguments essentiels dans un sens opposé. Quand on remarque que le roi des sacrifices était, selon toute vraisemblance, nommé simplement par le pontife, que tout au moins il n’est jamais question d’une participation des comices à sa nomination[12], on éprouve une défiance légitimé contre l’allégation selon laquelle les rois seraient issus, comme les consuls, de la libre élection populaire. Le môme raisonnement peut être fait pour la dictature, qui n’est, nous en avons la preuve, autre chose qu’un rétablissement temporaire de la royauté et dans laquelle a subsisté, jusqu’à sa disparition, comme son élément vital le plus essentiel, l’exclusion de l’élection populaire, le libre choix du magistrat. Enfin le principe qui domine l’évolution républicaine, celui de l’incompatibilité du sacerdoce et de l’élection populaire, porte également à admettre que l’élection populaire n’a été appliquée à la magistrature qu’à l’époque où la magistrature et le sacerdoce ont été séparés par la chute de la royauté. Il nous faut donc sur cette question écarter la prétendue tradition, visiblement dominée par le transport dans le passé des institutions modernes, et nous devons, à défaut de toute tradition authentique, renoncer à connaître la royauté romaine dans son individualité historique. Mais la notion de la royauté mise par les jurisconsultes de la République en tête du tableau des magistratures romaines et plus clairement encore les institutions qui en sont issues, prouvent que la royauté romaine n’a pu être légalement héréditaire[13], qu’il faut appliquer à la royauté ce système de la nomination par le prédécesseur qui, par l’institution de l’interregnum, est encore le fondement de la nomination des consuls ; or, le concours des comices devant, ainsi que nous l’avons vu, être ici considéré comme exclu à l’origine, le chef de l’État, doit, selon toute apparence, avoir été mis à sa tête, dans la Rome royale, par le libre choix de l’interrex. Nous avons déjà décrit ‘dans la théorie de la représentation l’institution de l’interregnum, les importantes fonctions qui appartiennent au sénat primitif dans les intervalles occasionnés par la mort ou la retraite du roi et la façon dont la royauté est conservée par l’ensemble de ses membres, chaque sénateur prenant d’après un ordre fixe le pouvoir pour un délai de cinq jours jusqu’à ce que la nomination d’un roi nommé à vie ne soit accomplie par l’un d’entré eux.

Relativement à l’entrée en fonctions du roi nous renvoyons aux explications générales déjà données sur l’entrée en fonctions des magistrats. Selon l’idée romaine, l’élection du roi n’avait lieu que quand l’élu pouvait entrer immédiatement en fonctions, c’est-à-dire lorsque la magistrature supérieure se trouvait vacante à la fin de l’acte de nomination. En principe donc, l’acte de nomination ne pouvait émaner que de l’interroi, dont les pouvoirs cessaient de plein droit en présence du roi ; elle ne pouvait émaner du roi que dans le cas exceptionnel où il résignait ses pouvoirs à la fin de cet acte. — Quant aux formes de l’entrée en fonctions, nous pouvons aussi renvoyer à ce qui a été déjà dit sur le premier exercice des auspices et de l’imperium. Il ne nous reste qu’un point à étudier : c’est celui de savoir dans quelle mesure il y a eu pour le roi une inauguration spéciale. Il y en avait une pour le roi des sacrifices[14] et nos sources admettent aussi une inauguration spéciale du roi accomplie par un tiers[15] ; mais ce n’est là, sans aucun doute, qu’une conclusion tirée par rapport au roi de ce qui a lieu pour le roi des sacrifices. Or, l’inauguration du roi des sacrifices a tiré son origine de la première auspication faite primitivement par le roi, et, à côté de cette première auspication, il n’y a place ni au fond ni dans la forme pour un acte distinct d’inauguration. Car, au fond, les deux actes ne sont pas autre chose que l’ouverture des relations particulières de la divinité avec le personnage dont il s’agit si l’on admet qu’ils : existent l’un à côté de l’autre, il faut aussi admettre que l’on distingue déjà chez le roi le magistrat en relation avec les dieux et le prêtre qui leur sacrifié ; et c’est plus qu’invraisemblable. En la forme, la première auspication et l’inauguration consistent également à interroger les auspices pour savoir si le personnage dont il s’agit agrée aux dieux ; toute la différence est, autant que nous pouvons apercevoir, quoi dans l’auspication, c’est ce personnage qui a la spectio, et qui, par conséquent, est l’interrogateur, tandis que, dans l’inauguratio, il ne l’a pas et c’est le grand pontife qui, étant en possession de la spectio, pose la question pour lui. Le droit de spectio, que possèdent les magistrats, appartenait au roi et non au roi des sacrifices ; donc le roi doit avoir accompli l’auspication, ou, si l’on préfère, s’être lui-même inauguré, tandis que le roi des sacrifices doit avoir été dans la même situation que le flamine et avoir été comme lui inauguré par autrui[16].

La compétence du roi, ou, pour parler un langage plus exact et plus modeste, l’autorité royale telle qu’elle est conçue par le droit public de la République romaine[17] est imaginée d’une manière absolument différente pour le premier roi fondateur de l’État et pour, ceux qui ont occupé le pouvoir après lui. Le premier a, suivant l’expression romaine, le droit de donner des lois (leges dare), c’est-à-dire le pouvoir constituant[18] ; il organise à son gré la constitution de la cité, et l’on évite soigneusement de faire là aucune allusion à une consultation du peuple, qui ne reçoit précisément son existence et sa forme que de cet acte[19]. Ce pouvoir est illimité ; mais, en môme temps, il se restreint lui-même.

=I Romulus ayant délimité et réglé les rapports juridiques du roi, du sénat, du peuple et des citoyens entre eux, ces règles sont désormais obligatoires comme interdisant les modifications qui ne seraient pas opérées par les voies qu’elles prescrivent ; la puissance royale elle-même est donc à partir de là liée par la constitution politique, c’est un imperium legitimum[20]. La puissance royale de Numa et de ses successeurs, c’est, aux yeux de la tradition, la puissance consulaire dans son étendue la plus ancienne, antérieure au démembrement dés attributions de la censure et de la préture ; sous-traite aux limitations qui résultent de l’intercession, de la provocation[21] et des règles plus tard établies pour la nomination des auxiliaires et des représentants des magistrats[22] ; soustraite aussi à toute espèce de terme ; enfin accompagnée des pouvoirs de magistrats qui sont exercés sous la République soit par les magistrats extraordinaires chargés des dédications, des assignations et des fondations’ de colonies, soit par le grand pontife, mais cependant restreinte par les droits du conseil de la cité, de l’assemblée du peuple et de chacun des citoyens. C’est le roi qui fait la guerre ; mais en face .d’une ville alliée il ne peut rompre la paix qu’avec l’assentiment du peuple. Le roi juge les procès ; mais’ il ne peut attribuer une hérédité à un autre qu’à l’héritier appelé par la tordu pays, à l’heres legitimus. Il tombe sous le sens que cette conception se résume en une conclusion tirée du présent au passé ; mais probablement elle n’en est pas pour cela moins vraie quant aux termes essentiels, quelque nombreux que soient les détails qui se présenteraient à nous d’une manière plus énergique ou différente s’il nous était parvenu des témoignages authentiques sur la royauté romaine. La tradition ne nous fournit que trois droits attestés d’une manière positive et digne de foi pour le roi. Ce sont les suivants. C’est au roi qu’il appartient de porter, chaque mois, à la connaissance du peuple les fêtes de la cité, ainsi qu’il résulte des édictions du calendrier faites par le roi des sacrifices, que nous étudierons dans le chapitre qui suit. En outre, le calendrier reconnaît au roi le droit de tenir les comices[23]. Enfin le droit de nommer les flamines, qui est exercé par le dictateur latin, c’est-à-dire par le roi latin[24], ne peut pas avoir fait davantage défaut au roi de Rome. Quand à la relation intime dans laquelle se trouvaient ces droits avec la royauté, mieux vaut en réserver l’étude pour le chapitre qui suit, où nous nous occuperons des droits de magistrat qui ont passé du roi au grand pontife. — Il n’y aurait aucun intérêt à faire ici une énumération distincte des pouvoirs que l’histoire conventionnelle attribue au roi[25]. On n’y rencontre rien qui ne se ramène à la compétence des consuls ou à celle des magistrats chargés de dédications et d’assignations, ou à celle du grand pontife[26] et qui ne doive, dans la mesure où c’est nécessaire, être étudié au sujet de ces compétences. Il serait encore plus hors de propos de vouloir, en concluant des temps postérieurs aux temps plus anciens, arriver à spécifier les limites de l’autorité royale.

Le rôle religieux joué par le roi, à la différence des magistrats de la République, est le seul point que nous devions encore relever ici. Le roi exerce les pouvoirs de magistrat du grand pontife à côté des pouvoirs des magistrats modernes : cela revient à dire que la distinction de la magistrature publique et du sacerdoce public, qui est une des colonnes maîtresses de la constitution républicaine, était étrangère aux institutions royales, que le roi était considéré à la fois comme le premier des magistrats et comme le premier des prêtres et nommait d’ailleurs tous les autres prêtres comme tous les autres magistrats. Ce rôle sacerdotal du roi politique, qui est nettement souligné dans la définition traditionnelle de l’autorité royale, se révèle encore clairement dans le rôle moderne du roi des sacrifices. Le roi des sacrifices a sa place fixe dans l’ordre des prêtres du peuple romain, et cette place est la première de toutes ; il passe môme avant les trois grands flamines[27]. Cette placé n’a certainement pas été donnée au roi seulement lorsqu’il est sorti du cercle des magistrats. ; il a au contraire été, dès le principe, à la fois prêtre et magistrat. La même conclusion résulte encore plus clairement de ce que la reine des sacrifices joue un rôle religieux[28], comme les épouses des flamines, tandis que l’épouse du consul n’en a jamais eu. Enfin, ni le consul, ni aucun magistrat de la République n’accomplit d’actes religieux autres que ceux qui peuvent être accomplis par des particuliers ; leurs prières, leurs sacrifices, leurs vœux, leurs dédications sont des actes accidentels et non pas des parties intégrantes du culte établi. Au contraire, le roi des sacrifices participe au culte : les sacrifices fixes du calendrier, qui ont lieu le jour de la nouvelle lune et le jour du premier quartier, sont offerts par lui et c’est lui qui immole le bélier abattu le 9 janvier pour la fête des Agonalia[29]. Il est par conséquent véritablement au service des dieux comme le flamine. La sécularisation de la magistrature supérieure, accomplie par l’établissement de la République, a peut-être été la plus profonde et a certainement été la plus durable des innovations faites alors. Il est arrivé sous la République que la royauté fut rétablie, tantôt comme institution normale, sous la forme de la dictature à temps, tantôt comme correctif anormal, sous la forme d’autorité constituante. Mais elle a alors été limitée à l’administration de l’État au sens étroit ; elle n’a pas empiété sur le service des dieux. C’est seulement quand la République arriva à sa fin que l’on est revenu, même sous ce rapport, à l’ancienne plénitude de la royauté par l’union personnelle faite sur une même tête du grand pontificat et de la puissance impériale.

L’irresponsabilité du roi trouve son expression dans le fait que postérieurement le roi des sacrifices ne peut être exécuté. Cette impunité résulte moins de sa situation religieuse que de la concentration dans ses mains de toute la juridiction répressive combinée avec le caractère viager de ses pouvoirs.

Si nous nous demandons pour finir quel aspect des pouvoirs royaux peut être considéré comme le premier, on pourrait dire, en partant du nom de la magistrature et de ses insignes, que l’idée qui prédomine dans la royauté romaine n’est ni celle de sacerdoce, ni celle de commandement militaire, mais celle d’autorité judiciaire : encore, dans l’expression la plus puissante et la plus profonde de la puissance royale, dans le droit de vie et de mort, les pouvoirs du roi sur les citoyens et sur les soldats[30], et en même temps la fonction du prêtre apaisant les dieux par le sacrifice du coupable[31] ne sont-ils pas unis comme dans un faisceau, mais combinés, sans pouvoir être distingués, en un tout indivisible, comme les différentes faces d’un même cristal.

La transformation de la royauté en république a eu lieu historiquement par voie révolutionnaire et non par voie d’évolution constitutionnelle. Les tentatives aussi multiples que totalement infructueuses faites pour légaliser l’expulsion du dernier des Tarquins et le renversement de la royauté[32] sont la preuve la plus claire que nous nous trouvons là en face d’un fait historique, et d’un fait historique dont la mémoire était restée si vivante qu’on ne pouvait l’écarter par la construction d’un autre récit. Afin que le dieu de la cité, qui d’ailleurs ne fut plus appelé désormais Jupiter roi, mais Jupiter très bon et très grand[33], ne fut pas tenté de retirer à la ville sans roi la protection qu’il avait accordée à la ville royale, la royauté fut maintenue dans la forme, au moment de la suppression du pouvoir royal[34] : le roi conserva le nom de rex sacrorum[35], sa demeure officielle[36] et, parmi ses anciennes fonctions, la célébration des sacrifices et la proclamation des fêtes, tandis que toutes les fonctions politiques et toutes les fonctions religieuses importantes lui étaient retirées et qu’il lui était interdit : par une disposition expresse de revêtir aucune magistrature et d’adresser la parole au peuple. En outre, le rétablissement de la royauté fut défendu ; c’est-à-dire que non seulement, ainsi qu’il était légalement possible, la peine de mort fut portée contre toutes les manœuvres faites dans ce but[37], mais qu’en dépassant les bornes des possibilités légales on fit probablement chaque citoyen s’engager par serment à ne jamais souffrir à Rome un nouveau roi et à se faire lui-même justice contre tout nouveau roi qui arriverait au pouvoir, que ce fût par des voies légales ou illégales[38].

Le processus historique par lequel la royauté romaine a disparu est, pour le fond, étranger au droit public. Mais en revanche, il nous faut ici nous arrêter aux réponses données par les théoriciens du droit public à la question de savoir jusqu’à quel point la République, non pas est sortie, mais aurait pu sortir de la Royauté sans solution de continuité légale. La théorie romaine ayant pour principe essentiel l’identité de caractère de la magistrature supérieure royale ou républicaine, il était important de signaler au moins la possibilité d’une telle procédure. En fait, nous trouvons un pareil mode d’évolution indiqué de deux façons : premièrement, après la mort du premier roi et au moment du premier interrègne, l’avis est émis d’abandonner la royauté et de passer au régime républicain au moyen de la succession légalement déterminée des interrois[39] ; en second lieu, on attribue à l’ordonnateur final de la période monarchique, au roi Servius Tullius l’intention de détruire le pouvoir royal et d’introduire lui-même volontairement la succession de gouvernants annuels qui a commencé après la chute des rois[40]. Les deux récits sont aussi absurdes historiquement qu’ils sont correctement construits au point de vue du droit public, et ils sont en même temps la preuve que le grand problème du rattachement de la République à la Royauté avait été pleinement résolu. L’un des deux procédés était légalement aussi admissible que l’autre. Le point le plus essentiel qui distingue la république de la royauté, le terme, existe aussi bien dans l’interrègne que dans le consulat. L’élection des premiers consuls, faite en vertu des instructions laissées par le roi Servius et en exécution du plan conçu, mais non réalisé par lui[41], rétablit, en écartant le gouvernement injuste du dernier roi la continuité juridique entre la Royauté, d’une part, et la République fondée sur le consulat et l’interrègne, de l’autre, jusqu’au point où la puissance des faits pouvait le permettre aux jurisconsultes.

 

 

 



[1] Il est impossible de comprendre autrement l’expression officielle domus regia, en présence de la manière absolue dont a été effacé tout ce qui concernait la royauté politique. Sur le partage de la maison royale entre le roi des sacrifices et le grand pontife.

[2] Il est démontré, C. I. L. I, p. 361, que le calendrier romain que nous possédons, donne, en dehors des dix jours ajoutés par César et des notes distinguées par une écriture plus petite, l’année même de Numa.

[3] C’est là la solution de l’abréviation, et l’autre interprétation : Quando rex comitio fugit, doit être repoussée, tant d’après les autorités que d’après l’analogie et d’autres raisons internes. C. I. L. I, p. 367.

[4] Rex est probablement parent (Curtius, Griech. Etym, 5e éd. p. 185) de rego, le grec όρέγω, dont le sens matériel fondamental apparaît très énergiquement dans erigere, porrigere, rogus. L’allemand richten a eu dans tous les sens un développement symétrique.

[5] Tite-Live, 2, 7, 6, etc.

[6] Nous ne savons rien de l’existence d’insignes spéciaux de rex sacrorum. S’il en avait eu, cela serait certainement parvenu à notre connaissance. Nous démontrerons, au sujet de la dictature, que l’ancienne royauté survit dans les dictateurs latins ; mais nous ne connaissons, comme insigne leur appartenant, que la rouge chaussure des rois, et il est peu vraisemblable que les Romains aient laissé d’une manière durable aux magistrats de cités dépendantes les insignes qu’ils interdisaient à leurs magistrats propres.

[7] La couronne est l’insigne du général victorieux ; le diadème n’est pas attribué au roi de la période légendaire par la tradition la plus pure.

[8] Rien n’est plus surprenant dans l’histoire de la fondation de Rome que la préoccupation de faire la nouvelle ville tirer exclusivement son origine d’elle-même. C’est pourquoi son fondateur est le fils d’un dieu et, par conséquent, n’a sur la terre ni père ni héritage paternel ; c’est pourquoi ses hommes sont un peuple formé par une agglomération où ne prédominent les membres d’aucune cité existante ; c’est pourquoi, après que la cité des hommes a été fondée, les femmes y sont amenées, par capture, des cités voisines ; c’est pourquoi Rome ne naît pas comme les villes fondées par Albe, sous les auspices de la cité mère et Romulus observe lui-même le ciel avant de la fonder ; c’est pourquoi il trace lui-même l’enceinte des murs et des terres arables dans le territoire jusqu’alors sans maître et donne son nom à la ville nouvelle ; c’est pourquoi il choisit les sénateurs, il distribue le peuple et lui donne ses lois et ses institutions terrestres, comme Numa, son successeur fera pour celles relatives au commerce avec les dieux (divini auctor juris : Tite-Live, 1, 42. 45). En faisant décider par une loi que Rome sera une monarchie plutôt qu’une république et que Romulus est désigné pour le pouvoir, spécialement comme fondateur de la colonie, Denys, 2, 4, couche ce vieux récit juridique sur le lit de Procuste de la moderne philosophie hellénique de l’histoire.

[9] Ces élections royales sont à la vérité plus anciennes que les comices questoriens du temps des rois inventés par Junius Gracchanus. Elles ont probablement été imaginées pour lier plus étroitement le consulat et la royauté et non pas, comme ces comices, pour sanctionner la théorie démocratique du suffrage populaire en dehors duquel il n’y a point de salut.

[10] La distinction faite entre Romulus et les autres rois se manifeste surtout énergiquement en ce que ce n’est pas Romulus, mais Numa qui reçoit le premier l’engagement de fidélité du peuple ; en face du premier, l’obligation allait de soi, comme chez le fils en face du père ; en face du second, il fallut un acte juridique analogue à l’adrogation.

[11] Cette translation apparaît de la façon la plus claire dans les légendes de Romulus et de Tatius, qui ont été toutes deux inventées pour reporter la dualité consulaire dans la préhistoire et que les plus anciens annalistes racontaient déjà dans les termes essentiels où nous les lisons. Cf. Hermes, 16, 1 et ss. 21, 510 et ss.

[12] Denys, 5, 1, représente l’élection comme attribuée aux pontifes et aux augures. Dans la relation de Tite-Live, 40, 42, 8, il n’est tout au moins jamais question des comices, qui, la vérité, ne seraient pas absolument exclus par là ; car, s’ils avaient existé, ce n’aurait pu être que comme comices fictifs des curies. Les comices réunis pour l’inauguration du roi sont attestés, mais sont différents. Il est probable, suivant une interprétation qui est aussi admise par Marquardt, Handb. 6, 322 = tr. fr. 13, 2, que la nomination est faite par le grand pontife, sur la proposition du collège, et que l’inauguration est ensuite accomplie par l’augure, sous la présidence du grand pontife.

[13] C’est établi plus nettement que par les témoignages isolés (Cicéron, De re p, 2, 12, 24 ; Denys, 4, 80 ; Appien, B. c. 1, 98), par toute la façon dont la fable est traitée. Il n’y a pas un seul roi qui arrive au trône par voie de succession légale (car Ancus, petit-fils en ligne féminine de Numa, n’appartient pas à la famille de son grand-père maternel), à l’exception du dernier ; l’hérédité est précisément le mal et entraîne la fin de la royauté.

[14] Labéon, dans Aulu-Gelle, 15, 27, 1. Tite-Live, 37, 36, 5. 40, 42.

[15] L’inauguration de Numa est décrite en termes exprès par Tite-Live, 1, 18, et Plutarque, Numa, 7.

[16] Cette solution est en contradiction avec les sources ; car, selon Tite-Live, Numa de se deos consuli jussit, et l’augure fit ensuite cette interrogation. Mais la contradiction est plus apparente que réelle. Le droit d’interroger les dieux, ou plutôt de regarder, la spectio, appartient seulement au roi, ou de même au grand pontife ; il n’appartient pas à l’augure ; si la question est posée en fait par le dernier, cela ne peut, ainsi que fait l’annaliste, être ramené qu’à un jussus royal. L’acte est évidemment décrit sur le modèle de l’inauguration du flamine, où la personne qui joue théoriquement le rôle essentiel, le grand pontife, s’efface absolument de même devant celle qui agit principalement, devant l’augure. Il est probable que les annalistes ont tout à fait correctement fait allusion aux premiers auspices du roi pour son inauguration. Denys n’oublie guère de les mentionner lors de la nomination du roi (cf. par exemple, 4, 80), mais il ne sait rien d’une inauguration qui existerait auprès d’eux.

[17] V. le chapitre du Consulat. L’autorité royale n’est, à proprement parler, jamais définie par les Romains. Le caractère en est exprimé de la façon la plus énergique par Ti. Gracchus (dans Plutarque, 15). Ailleurs on se contente de désigner le roi comme potentissimus (Festus, v. Ordo, p. 185) ou d’une manière analogue. Pomponius, Digeste 1, 2, 2, 14 (cf. § 1).

[18] On verra, tome IV, au sujet des pouvoirs constituants, qu’on est constamment revenu pour eux à cette théorie, très pratique à ce point de vue : ainsi pour les décemvirs, pour Sulla, pour les triumvirs rei publicæ constituendæ ou plutôt pour Auguste.

[19] Tite-Live, 1, 8, 1 : (Romulus) vocata ad concilium multitudine, quæ coalescere in populi unius corpus nulla re præterquam legibus passet, jura dedit, où les expressions dare et concilium ont l’une et l’autre pour but d’écarter l’idée de vote. Virgile, Æn. 1, 292 : Remo cum fratre Quirinus jura dabunt. Tacite, Ann. 3, 26 : Nobis Romulus ut libitum imperitaverat, ce qui est exact en soi, mais tire une couleur fausse de la suite : Dein Numa religionibus et divino jure populum devinxit ; de même Virgile, Æn. 6, 310 : Primam qui regibus urbem fundabit. La conception ancienne rattache le jus publicum à Romulus et le jus sacrum à Numa (Tite-Live, 1, 19, 1. c. 42, 4).

[20] Salluste, Cat. 6.

[21] Le caractère facultatif attribué a la provocation à l’époque royale ressort nettement, chez Tite-Live, dans la belle légende des Horaces. Il en est de même de la provocation exercée en face de la dictature, telle que la dépeint Tite-Live, 8, 33.

[22] Les règles qui, d’une part, exigent le concours d’auxiliaires et de représentants (licteurs, duo viri perduellionis, tribuns de la cavalerie et de l’infanterie, præfectus urbi, etc.) et qui, d’autre part, limitent le droit de délégation remontent probablement pour leurs grands traits a l’époque royale en un certain sens, en ce sens que, comme en matière de provocation, ce qui était facultatif pour le roi devint obligatoire pour le magistrat lors de la fondation de la République ou postérieurement. La tradition n’admet pas que les jurés des procès civils aient existé à l’époque royale.

[23] Cf. note 2. Nous montrerons, dans le chapitre qui suit, que, lorsque un acte religieux réclame des pouvoirs de magistrat, tout au moins en matière d’édictions de fêtes et de règlements, le collège des pontifes se sert du roi des sacrifices ou du moins du nom royal, évidemment parce que le roi seul peut, au point de vue de la forme, être compté parmi les magistrats.

[24] Asconius, In Milon. p. 32. Cicéron, Pro Mil. 10, 27, 17, 45. Sur la condition juridique du dictateur latin, cf. le chapitre de la Dictature.

[25] En tant que les actes attribués aux rois sont considérés comme ayant une importance pour les temps postérieurs, les Romains attribuent aux rois, comme aux magistrats et aux prêtres de la République, des formulaires (commentarii) soit des actes de magistrats, soit de l’accomplissement des solennités religieuses.

[26] L’opinion très ancienne, selon laquelle de premier et le meilleur de tous les augures fut Romulus (Cicéron, De div. 1, 2, 3), et après lui son frère Remus (Ennius, chez Cicéron, De div. 1, 47, 107), n’autorise pas à attribuer au roi ce sacerdoce. Les auspices ne sont pas pris par l’augure, comme tel, mais par le magistrat, et Romulus n’est appelé optimus augur qu’en ce sens qu’il sait mieux que tout autre interpréter les signes qu’il reçoit comme roi futur et qu’il n’a pour cela besoin d’aucun conseil étranger. Même postérieurement tout magistrat qui se croyait lui-même en possession de l’aie augural, pouvait ainsi se passer de l’augure. On ne peut aucunement faire remonter au temps des regel augures (Cicéron, De div. 1, 40, 89) la distinction qui exista plus tard entre les magistrats, élus pour un bref délai et en général insuffisamment au courant des signes donnés par les oiseaux, et les observateurs de profession.

[27] Festus, v. Ordo sacerdotum, p. 185. Aulu-Gelle, 10, 21. Servius, Ad Æn. 2, 2. II est toujours mis là avant les flamines (loi Julia municipalis, ligne 62 ; Labéon, chez Aulu-Gelle, 15, 27, 1 ; Ovide, Fastes, 2, 21) ; mais les vestales passent hiérarchiquement avant lui (loi Julia, loc. cit.). Il est sans importance que les listes de Cicéron, De har. resp. 6, 12, et de Macrobe, Sat. 3, 13, 11, n’observent pas l’ordre hiérarchique légal.

[28] Handb. 6, 322 = tr. fr. 13, 3.

[29] Handb. 6, 323 = tr, fr. 13, 3.

[30] Car le point de départ rationnel des droits du général est dans sa puissance sur les soldats et non dans ses rapports avec l’ennemi.

[31] Le voleur de récoltes est dévoué à Cérès (Cereri sacer) et son exécution constitue un sacrifice (supplicium). — Mais le fragment insoluble de Festus, p. 309, n’autorise aucune conclusion sur une participation du rex sacrorum de la République à l’exécution.

[32] Cela se révèle surtout dans les réponses cherchées à la question de savoir quel magistrat a pu provoquer la loi sur là déposition du roi ou la suppression de la royauté et introduire l’interrègne. Elles sont aussi misérables que contradictoires. L’interregnum n’intervient que quand la magistrature est vacante et non quand la vacance en doit être provoquée ; et, de même que le roi seul peut créer le roi, le roi seul pourrait déposer le roi. Pourtant il n’était pas admissible d’attribuer ce double rôle à Tarquin. On se posa même la question de savoir pourquoi les Romains n’auraient pas plutôt accueilli de nouveau et ensuite exécuté le roi chassé par eux ; mais il fallut bien reconnaître que l’exécution elle-même aurait été constitutionnellement impossible (Servius, Ad Æn. 8, 646).

[33] Romulus prend les auspices de Jupiter Rex (Denys, 2, 5.) et le Jupiter Capitolin resta toujours représenté comme un roi, Cicéron, De re p. 3, 13. 23 ; dans Dion, 44, 11, César fait porter le diadème refusé par lui au Capitole ; — mais il ne s’appelait pas de ce nom ; au contraire, son épouse Junon était tout à fait habituellement appelée regina. Preller, Rœm. Myth. p. 183 = tr. fr. p. 188.

[34] Tite-Live, 2, 2. 3, 39, 4. Denys, 4, 74. 5, 1. Festus, s. v. p. 418. Plutarque, Q. R. 63. Handb. 6, 321 et ss. = 13, 1 et ss.

[35] Les inscriptions ne connaissent pas d’autre forme que rex sacrorum (C. I. L. VI, 2122. 2123. 2125) ou sacrum (Orelli, 2280 = C. I. L. XI, 1630) et la première, en grec ίερών βασιλεύς, prédomine aussi chez les écrivains (en latin dans Plutarque, loc. cit.). On rencontre, à côté d’elle chez ces derniers rex sacrifaciorum (Tite-Live, 9, 34, 12) sacrificus (Tite-Live, 40, 42, 8), sacrificulus (Tite-Live, 2, 2, 2. 6, 41, 9 ; Aulu-Gelle, 10, 15, 21 ; Festus, p. 259. 293. 318) ; on trouve aussi très fréquemment, mais pourtant jamais dans les inscriptions, rex tout court.

[36] L’indication de Festus, p. 290, selon laquelle la sacra via au sens le plus étroit est uniquement la voie a regia ad domum regis sacrificuli, prouve irréfutablement que les deux étaient distinctes mais voisines. Sans aucun doute l’ancienne demeure royale fut divisée entre le pontife et le rex. La délimitation difficile du local officiel et des habitations des deux prêtres (Becker, Top. p. 226, et ss. ; Jordan, Top. 1, 2, 426) est indifférente pour notre sujet.

[37] C’est la loi Valeria de sacrando cum bonis capite ejus qui regni occupandi consilia inisset (Tite-Live, 2, 8, 2). Les relations grecques de Plutarque, Popl. 12, et de Denys, 5, 19 (de même, Plutarque, Popl. 11), selon lequel la loi Valeria menaçait de mort quiconque ός άν μή παρά τοΰ δήμου λάβη τήν άρχήν, et proclamait l’impunité de ce meurtre, semblent confondre deux choses que la jurisprudence romaine distinguait probablement avec soin : la procédure criminelle légalement ordonnée contre celui qui aspirait à la royauté, et l’engagement sous la foi du serment de ne souffrir aucun roi avec les conséquences qu’il entraînait au point de vue de la justice privée.

[38] Tite-Live, 2, 1, 9, c. 2, 5. Plutarque, Popl. 2. Appien, De reg. 10. B. c. 2, 119. Nos sources sont d’un laconisme merveilleux au sujet de ce serment, probablement parce qu’on y trouvait la justification juridique ou pseudo juridique du meurtre de César et que c’était par suite un thème défendu au temps d’Auguste. La même situation juridique se manifeste plus clairement et dans une tradition historique plus sure, pour les résolutions semblables prises au sujet du décemvirat leg. scr. en 303 et de la dictature de Sulla et de César en 710. Je renvoie aux explications données sur ces sanctions, tome IV, à propos des Pouvoirs constituants.

[39] Cicéron, De re p. 2, 12, 23. La République ou, ce qui revient au même, le gouvernement du sénat est donc déjà fondé légalement alors et pour tout l’avenir ; le sénat revient de son plein gré et sur la prière du peuple à la royauté.

[40] Tite-Live, 1, 48. Denys, 4, 40. Plutarque, De fort. Rom. 10.

[41] Tite-Live, 1, 60.