LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE PREMIER. — LA MAGISTRATURE.

LA REPRÉSENTATION DU MAGISTRAT.

 

 

III. — REPRÉSENTATION DES MAGISTRATS INFÉRIEURS DANS L’ADMINISTRATION URBAINE.

L’étendue et le mode d’intervention de la représentation citez les magistratures inférieures sont peu élucidés, parce que nous sommes médiocrement renseignés sur ces choses d’ordre subalterne. Nous devons rassembler ici brièvement les informations qui peuvent être réunies sur la représentation des magistrats associés à l’administration urbaine qui ne sont ni membres du collège des préteurs et des consuls, ni placés au même rang, c’est-à-dire des censeurs, des édiles, des questeurs en fonctions dans la ville et des collèges confondus sous le nom collectif de vigintiviri. Il ne s’agit là que de représentation fondée sur le défaut de magistrat. La représentation en cas d’absence, qui se rencontre pour la magistrature supérieure, parait avoir été étrangère à toutes les magistratures inférieures. L’occasion en manquait d’ailleurs là presque entièrement., la plupart de ces magistrats étant obligés par la loi à ne pas quitter Rome durant leurs fonctions.

Quand la disparition d’un magistrat inférieur a pour effet de rendre une compétence vacante[1], le vide est sans doute d’abord comblé, si les circonstances le permettent, par un remaniement de la répartition des fonctions, qui était probablement provoqué par le magistrat supérieur, et, par son intermédiaire, par le sénat[2]. Mais ce procédé ne pouvait être employé, quand toute la catégorie de magistrats faisait défaut, chose qui devait fréquemment se produire d’après les institutions romaines. Car l’interroi, pas plus que le roi, n’a de magistrats inférieurs à ses côtés, et en conséquence tout interregnum consulaire est en même temps un interregnum édilicien et questorien. En outre, puisque d’après la constitution consulaire, l’élection des magistrats se faisait dans leur ordre hiérarchique, les vacances résultant d’interrègnes doivent nécessairement avoir duré plus longtemps et s’être produites plus souvent pour les magistrats inférieurs que pour les supérieurs. Peut-être était-ce en pareil cas une règle générale que les fonctions vacantes des magistrats inférieurs seraient, pourvu qu’elles ne fussent pas réservées, par une disposition spéciale de la loi, au collège manquant[3], accomplies par les magistrats supérieurs ou tout au moins en leur nom et sous leur responsabilité[4], que par conséquent les choses seraient remises en l’état où elles étaient avant la création de cette magistrature. C’est d’accord avec les principes ; car la magistrature supérieure est, en droit public romain, ce, que la propriété est en droit privé ; elle comprend tous les pouvoirs de magistrats sur lesquels il n’a pas été autrement disposé à titre spécial. Et cette règle s’accorde également avec toutes les applications particulières qui nous sont connues. Pour la censure, dont le caractère intermittent amenait normalement la vacance ; il y a d’abord une prorogation spéciale, non pas des pouvoirs des magistrats en général, mais de la faculté d’approuver les constructions convenues, en vue de laquelle dix-huit autres mois paraissent avoir été souvent accordés aux censeurs[5]. Mais pour le surplus, c’est la procédure indiquée ci-dessus qui est suivie pendant la vacance de la magistrature : le lustrum et les autres actes essentiellement propres aux censeurs ne sont pas accomplis ; la juridiction des censeurs et les autres fonctions liées Et cette magistrature sont exercées par le collège consularo-prétorien. C’est, semble-t-il, en vertu de la même idée que, quand il n’y a pas d’édiles curules, leur juridiction est, suivant un usage constant, exercée par les deux préteurs urbains[6]. On conçoit que même alors les consuls soient restés exclus de la juridiction civile. — Il n’y a pas d’exemple pareil de connu relativement à la questure ; pourtant elle a peut-être été régie par la même loi[7]. — Quant aux vigintiviri, le cumul est parfois établi chez eux d’uni manière analogue à ce qui se produit au cas de vacance de l’édilité, par le transfert des fonctions du collège qui manque à un autre collège[8]. — Si nous ne possédons que des renseignements incomplets sur les mesures positives à l’aide desquelles le vide était comblé, il y a un fait négatif qui est aussi certain qu’important : c’est que l’on n’a jamais utilisé pour cela, dans l’administration urbaine, ni les magistrats antérieurs en prolongeant leurs pouvoirs[9], ni d’autres personnes n’avant pas la qualité de magistrats[10] : la promagistrature, dont nous allons avoir à exposer l’emploi en pareil cas dans l’administration militaire ; a, même pour ces sphères inférieures, été écartée de l’administration urbaine. Il n’y a eu d’exception de faite à la règle que par Sulla : non seulement des proquesteurs ont exercé leurs fonctions dans la ville sous sa dictature[11] ; mais ils sont mêmes visés dans les lois rendues dans cette période[12].

 

IV. — REPRÉSENTATION PAR VOIE DE PROMAGISTRATURE DANS L’ADMINISTRATION MILITAIRE.

Nous avons déjà remarqué, à plusieurs reprises, que la représentation par des non magistrats, ou, selon l’expression technique, la représentation sous fot7.ne de promagistrature, est admissible hors de la capitale. Il nous faut maintenant exposer les règles d’après lesquelles elle a lieu. Ici encore il faut distinguer les trois cas de vacance du commandement en chef[13] résultant de la disparition du général, de vacance du commandement en chef, résultant de son absence, et de représentation de la magistrature inférieure. Mais, en présence de la ressemblance des règles des trois cas, il sera à propos de les rapprocher plus étroitement.

1. VACANCE RÉSULTANT DU DÉFAUT DE GÉNÉRAL EN CHEF.

La vacance est pour le commandement en chef restreinte dans des limites bien plus étroites que celles en vigueur sur le territoire civil ; car la magistrature supérieure ne devient vacante par l’arrivée du terme que sur ce dernier terrain. Sur le territoire militaire au contraire, conformément au principe de la prorogation développé plus haut, la magistrature s’évanouit bien à l’arrivée du terme, mais l’exercice des fonctions de magistrat continue nécessairement, sous la forme de promagistrature, jusqu’à l’arrivée du successeur, et c’est seulement l’arrivée de ce dernier qui met fin aux fonctions de son prédécesseur[14] et à l’inverse, la magistrature commence bien chez le successeur au terme fixé, mais il n’en peut exercer la puissance sur le territoire militaire qu’après y avoir pénétré. Il n’y a là à amener la vacance du commandement que, de véritables accidents, en particulier la capture par l’ennemi ou la mort du général en chef ; de plus l’éloignement, sans avoir laissé de représentant valablement nommé, du titulaire de l’autorité qui n’a le commandement qu’aussi longtemps qu’il se trouve dans son département. Que l’on ajoute encore que d’après l’usage des premiers temps de la République, le commandement était régulièrement exercé par deux magistrats ayant des droits égaux, auxquels un simple mot de l’un des deux suffisait pour en adjoindre un troisième[15], et l’on reconnaîtra les limites étroites dans lesquelles les premiers auteurs de la constitution romaine avaient su restreindre la possibilité d’une pareille vacance. Plus tard, il est vrai, notamment depuis la création des départements monarchiquement organisés d’outre-mer, il lui fut ouvert un large domaine, et, dans les deux derniers siècles de la République, elle s’est produite fréquemment. Dans la constitution d’Auguste, la vacance du commandement en chef fut de nouveau essentiellement limitée pour les provinces sénatoriales ; car la puissance proprétorienne conférée à tous les questeurs provinciaux et les légats provinciaux, qui était subordonnée à la puissance proconsulaire du gouverneur, se transformait en commandement en chef dès que le gouverneur mourait[16] ou quittait la province. Nous expliquerons plus loin : comment un résultat semblable fut atteint dans les provinces impériales.

En face de la vacance survenue dans le commandement militaire supérieur, il faut distinguer comment elle est comblée en droit et en fait. Sa réparation en droit se fonde simplement sur le principe que la magistrature supérieure urbaine comprend de droit tout le commandement militaire supérieur, en tant qu’il n’est pas occupé par un magistrat ou un promagistrat à ce spécialement affecté, et que ce commandement supérieur ne peut être vacant. En conséquence, lorsqu’un gouverneur vient à mourir, le commandement passe aux consuls présentement en fonctions. Si les deux consuls se trouvent tous deux en campagne et périssent en même temps, leur commandement est en droit compris dans la compétence de l’interroi et, après la nouvelle élection, des deux consuls élus à leur place. Puisqu’il y a donc dans toutes les circonstances un général qualifié, l’armée ne se dissout jamais. Au contraire, bien que le sacramentum s’évanouisse avec la disparition du général, l’obligation au service et à l’obéissance, telle qu’elle a été fondée par l’enrôlement, subsiste intacte.

Mais à cette extension théorique du commandement supérieur général à tous les commandements qui ne sont pas spécialement occupés s’oppose la règle pratique selon laquelle " l’exercice personnel des droits de général n’est pas compatible avec la présence à Rome et les magistrats appelés à combler le vide causé par la vacance ne peuvent, jusqu’à leur arrivée au camp, faire usage de leur commandement en chef que pour nommer un représentant. Jusqu’à l’arrivée de celui-ci ou du nouveau général en chef, il n’y a, pour remédier à la vacance d’autre ressource pratique que le commandement exercé en vertu de la force majeure dont il sera traité I 680 dans une section spéciale.

2. REPRÉSENTATION DU GÉNÉRAL ABSENT.

Sur le territoire civil, le magistrat supérieur doit, lorsqu’il quitte ce territoire, nommer un représentant, le præfectus urbi, parce que le magistrat qui se trouve de l’autre côté de la limite n’est plus compétent pour administrer la justice civile. La réciproque n’est pas vraie. Aussi bien d’après les faits que d’après les considérations juridiques, la distinction qui sépare la ville et son territoire de l’étranger n’existait point à l’origine pour le commandement ; l’enceinte des murs de la ville était le centre de l’action militaire, et le droit de commander du roi était le même des deux côtés de la frontière du pays. Et c’est ainsi qu’on peut expliquer que le droit de la guerre ne présente aucune institution analogue à la préfecture de la ville[17]. Mais à la suite de la différence de nature qui se développe depuis la République entre l’administration de la ville et l’administration militaire, à la suite aussi de la constance presque ininterrompue donnée à l’état de paix dans la ville par l’extension de la puissance romaine, le commandement actif ne peut plus être exercé personnellement par le magistrat contre les ennemis du pays, pendant qu’il est à Rome, et, il lui faut alors charger un représentant de ce commandement, s’il rentre dans sa compétence, comme il lui faut en nommer un pour la juridiction au cas où il est absent de Rome. Cependant il faut, comme il a été montré plus haut, pour que le commandement puisse être ainsi concédé, qu’il soit vacant, c’est-à-dire, s’il était jusqu’alors en d’autres mains, que le titulaire antérieur ait vidé la place. — Est donc absent de son commandement tout magistrat supérieur qui se trouve dans la ville[18], qu’il n’ait pas encore pris son commandement[19], ou qu’il soit ensuite revenu à Rome[20]. Le consul n’est pas absent de son commandement, s’il se trouve en dehors du pomerium et dans l’intérieur[21] du territoire romain[22] ; mais il, l’est s’il franchit la limite de ce territoire[23] ; le préteur est toujours absent lorsqu’il se trouve hors de sa province. C’est de l’absence que dépend le droit du général de se nommer un représentant dans le commandement. Les préteurs provinciaux n’ont pas très souvent fait usage de ce droit ; car l’empêchement opposé à la vacance de la magistrature supérieure par le système de la prorogation faisait le plus souvent obstacle à ce qu’ils eussent à l’exercer. Des commandements vacants étrangers à la ville ont fréquemment été conférés au préteur urbain, exclusivement pour qu’il les exerçât par l’intermédiaire de représentants en sa qualité rie général en chef forcément retenu à Rome[24]. Le droit de nommer ainsi un représentant de magistrat appartient au magistrat même lorsqu’il exerce ses fonctions, en vertu d’une prorogation, en qualité de promagistrat, par exemple, au propréteur, s’il quitte sa province avant la venue de son successeur. Au contraire, cette faculté fait défaut au représentant ainsi nommé en vertu de la règle générale relative à l’imperium délégué. Partout où cette faculté existe, elle constitue sans doute en même temps une obligation.

Dans le choix du représentant, il était nécessaire d’assurer l’unité de l’imperium, par conséquent, de n’en nommer qu’un[25]. Il était d’usage que le gouverneur confia cette fonction ou bien au questeur comme au magistrat de l’État romain qui se, trouvait le plus prés de lui, ou bien encore à la personne de sa suite qui occupait le rang le plus élevé[26]. Mais, en droit, le choix était laissé à l’arbitraire du magistrat qui faisait la nomination, et il n’était lié par aucune condition de capacité. La nomination aux fonctions de représentant d’un magistrat supérieur confère, conformément à la règle générale, les pouvoirs de magistrat supérieur (cum imperio esse)[27] sous la forme d’une promagistrature, mais cependant avec cette réserve que ces pouvoirs restent toujours à l’échelon le moins élevé des pouvoirs de magistrats supérieurs : le représentant, non pas seulement du préteur, mais même du consul, n’agit pas pro consule[28], mais pro prætore. Cette dernière qualification est aussi portée comme titre officiel, et, si la personne occupe encore en outre une position de magistrat ou de quasi-magistrat en qualité de questeur ou de légat, elle combine ce titre et celui de sa promagistrature en mettant toujours ce dernier au second rang : par conséquent, les représentants s’intitulent, questeur et propréteur[29] ou légat et propréteur[30]. — En même temps que la puissance publique, ses insignes, en particulier les faisceaux[31], passent au représentant ; cependant, conformément à ce qui vient d’être remarqué, il n’en a jamais plus de six. — Relativement a son étendue, la compétence du représentant ne diffère pas de celle du représenté[32] ; seulement, en sa qualité de délégué, il ne peut certainement pas, ainsi que nous avons déjà remarqué, nommer de nouveau délégué[33]. — Il va de soi que la représentation prend fin par la mort ou la disparition quelconque du mandataire comme par le retour du mandant. Le mandant doit avoir été en principe libre de révoquer le mandat et par suite de changer de mandataire. Cependant on n’en rencontre aucun exemple, et il est bien possible que le gouverneur de province en particulier ne puisse plus, au moins d’après la coutume, faire usage de son droit de délégation après avoir quitté sa province. Le principe, selon lequel lés pouvoirs du mandataire s’évanouissent avec la disparition de ceux du mandant, domine en droit privé et il a aussi trouvé en droit public son application relativement à la préfecture de la ville. Cependant on tient compte de ce qu’alors l’interrègne s’ouvre là légalement, tandis que le commandement deviendrait vacant par la disparition du représentant. Il était, par conséquent, naturel de s’écarter ici de la règle et de faire subsister les fonctions du mandataire même après la disparition du mandant. Nous ne savons si cela avait été établi antérieurement ; ce fut, en tout cas, certainement prescrit par la loi sur les gouvernements de provinces de l’an 703. Tandis que la législation antérieure exerçait son action pour faire l’ancien gouverneur rester à son poste jusqu’à l’arrivée de son successeur, la loi nouvelle fixa comme maximum de la durée de sa résidence dans son gouvernement, le délai d’un an, et lui prescrivit, si son successeur n’était pas encore arrivé à ce moment, de repartir en laissant un représentant, et par conséquent de se dépouiller de ses pouvoirs, au moins à sa rentrée à Rome. La loi devait nécessairement ajouter que cette retraite du mandant n’aurait aucune influence sur les fonctions exercées par le mandataire[34]. Les fonctions des représentants de l’empereur dans ses provinces ont, sous le Principat, probablement été considérées d’après le même principe comme subsistant provisoirement après la disparition de la personne de l’empereur, et par conséquent, le système de la prorogation leur a été transporte dans une certaine mesure.

Sous l’Empire le droit du magistrat supérieur de nommer dans le territoire militiæ pour la durée de son absence, un représentant ayant les pouvoirs de promagistrat, a disparu ; il a probablement été supprimé lors de la transformation de la constitution accomplie sous Auguste. Du double principe selon lequel le magistrat supérieur ne peut pas exercer le commandement quand i1 est absent et a alors le droit et le devoir de se nommer un représentant, le premier terme est, écarté pour l’empereur, le second l’est pour les autres magistrats supérieurs, et par suite l’institution est tout entière mise de côté. Le prince, dans ses provinces, n’exerce pas seulement le pouvoir comme faisaient les consuls de la République dont le commandement propre restait au repos et dont les droits se limitaient au choix leur représentant ; il est réputé présent dans chacune de ces provinces et les légats, qui y sont en fonctions, ne sont pas, au sens légal, ses représentants, mais des auxiliaires du général présent auxquels sont attribués légalement les pouvoirs de magistrat supérieur que le droit de la République n’accordé qu’aux représentants du magistrat absent. L’idée d’absence, sur laquelle se fonde la représentation, ne peut donc s’appliquer à la puissance proconsulaire du prince. Quant aux autres magistrats supérieurs, non seulement ils sont dépourvus d’occasion de quitter leur département pendant l’exercice de leurs fonctions, mais le gouverneur n’est plus désormais, dans sa province, comme sous la République, le seul titulaire de la puissance attachée aux magistratures supérieures. Ses auxiliaires de rang sénatorial la possèdent également ; et par suite, ils ne peuvent pas plus tenir de son mandat ce qu’ils possèdent déjà qu’il ne conviendrait de mettre par un tel mandat à côté d’eux un autre titulaire de la puissance proprétorienne. La situation, légalement limitée, mais, dans ces limites, libre et élevée de la magistrature républicaine, s’exprime dans la faculté rigoureusement réglée de concéder les pouvoirs de magistrat à un représentant librement choisi ; tant cette limitation que cette liberté sont intimement incompatibles avec le Principat. La puissance de magistrat librement déléguée disparaît désormais, comme la puissance prorogée, et, du même coup, disparaît la promagistrature elle-même.

3. VACANCE DES MAGISTRATURES INFÉRIEURES.

Pour la vacance des magistratures inférieures dont il y a à s’occuper sur le territoire militaire, c’est-à-dire de la questure, du tribunat militaire attribué par les comices, du duovirat de la flotte, il existe une règle simple. C’est que le droit du général de nommer ses auxiliaires, qui est supprimé en principe pour les fonctions transformées en magistratures, rentre en vigueur au cas de vacance, et que l’individu ainsi nommé remplit et acquiert les fonctions et les droits de la magistrature dont il s’agit, comme s’il avait été nommé par les comices. Par conséquent, les représentants ainsi nommés rentrent parmi les promagistrats ; et l’on trouve de cette idée des applications multiples pour la questure[35]. Au contraire, les tribuns militaires nommés par le général à la place de ceux qui étaient magistrats, ne peuvent, pas plus que ceux nommés par lui en vertu de son droit propre, être comptés parmi les magistrats : ils rentrent, comme eux, parmi les officiers[36].

Sous le Principat, les proquesteurs nommés par le gouverneur ont aussi bien disparu que les représentants nommés par lui. Il n’y a pas, dans les provinces impériales, de questeurs en fonctions, et par conséquent, il n’y a pas non plus là de proquesteurs. Dans les provinces sénatoriales, on ne trouve pas trace que les proconsuls aient eu le droit de remplacer par un proquesteur de leur choix le questeur qui manque dès le principe ou qui vient à manquer. Cela se comprend, quand bien même, il n’y aurait pas eu a ce sujet de restrictions spéciales positives. Car la questure provinciale du temps de l’Empire était inséparable légalement de la propréture, et le magistrat ne pouvait conférer cette dernière à un de ses auxiliaires.

 

 

 



[1] Pour les fonctions remplies par des collèges, par exemple, pour celles des questeurs urbains, la disparition de l’un des magistrats ne produit pas plus de vacance que n’en produit la disparition d’un consul.

[2] Nous n’avons la preuve d`aucun fait de ce genre. Mais, si, par exemple, l’un des édiles venait à mourir et laissait vacante l’administration du quartier de la ville dont il était chargé, il est à croire que les trois autres édiles étaient invités par les consuls à le tirer au sort entre eux, de la même façon dont le département prétorien vacant a été souvent attribué par voie de réunion avec un autre département prétorien. Si, ce qui du reste ne pouvait pas arriver bien facilement, les deux questeurs urbains venaient à faire défaut, ou mettait peut-être d’autres questeurs à leur place.

[3] L’accusation de meurtre ne pouvait certainement point être intentée par les consuls, à défaut de questeurs, dans la procédure soumise à la provocation. Le procès de vi que Milon intenta en 697 contre Clodius se heurta à ce que, d’après la loi, le préteur urbain devait inciter les questeurs à tirer au sort les jurés et à ce qu’il n’y avait pas pour le moment de questeurs ; la proposition de procéder d’une autre façon au tirage au sort fut bien faite, mais n’aboutit pas (Dion, 39, 7).

[4] La représentation de fait est indifférente au droit public ; la question est de savoir qui a légalement accompli l’acte. Le délégué qui n’administre l’Ærarium que sur le mandat des consuls, n’est pas du tout pro quæstore ; c’est plutôt le consul lui-même qui pourrait être appelé de ce titre.

[5] Tite-Live, 45, 15. Voir des détails plus approfondis, tome IV, dans la théorie de la censure.

[6] Cette façon de procéder est mentionnée par Dion comme ayant été employée en 718 (49, 16) et en 726 (53, 2). Elle est outre attestée par l’inscription datant à peu près de la même époque rapportée Hermes, 4, 370 = C. I. L. VI, 1501 : pr(ætor) ex s(epzafæ) c(onsulto) pro ædi(libus) cur(ulibus) jus dixit. Par conséquent la représentation n’a pas lieu de droit, comme c’était le cas pour la censure, mais est provoquée à chaque fois par un sénatus-consulte ; et c’est dans l’ordre, car pour la censure la vacance était prévue et ici c’était un accident exceptionnel.

[7] Si, comme il semble, l’inscription municipale de 697 (C. I. L. X, 219) qui nomme un ædilis pro q(uæstore) doit s’entendre d’un édile qui administrait en même temps la questure en cette qualité, il est naturel de se demander si Pou ne procédait pas de même à Rome. Il serait pourtant téméraire d’en conclure comme principe que, dans le cas de vacance de la questure, ce soient les édiles qui interviennent. L’observation faite plus haut sur l’exercice des fonctions des questeurs au moins par le præfectus du dictateur conduit plutôt à admettre qu’à défaut de questeurs c’est la magistrature supérieure qui intervient. S’il en était ainsi, les paiements rentrant dans l’administration courante devaient être faits par les consuls ; ils ne pouvaient pourtant pas pour cela prendre de l’argent pour eux-mêmes dans l’Ærarium, en tant que cet acte rentre parmi les opérations signalées note 3, qui ne peuvent être accomplies que par le questeur.

[8] Le seul cas qu’on puisse établir est celui d’un triumvir kapit. a. a. a. f. f. (C. I. L. VI, 1455. 1456).

[9] La prorogation de la censure devait être considérée dans la forme comme un exercice triennal de la magistrature elle-même. On trouve à la vérité un titre de promagistrature appliqué à une magistrature inférieure exclusivement urbaine dans une inscription du temps d’Auguste, C. I. L. VI, 1501 : IIIvir cap. et insequenti anno pro IIIvir(o) ; mais il n’y a sans doute là qu’une désignation incorrecte de l’itération provoquée par le sénat à la suite du défaut de candidats, comme cela apparaît clairement dans l’inscription du même ordre qui n’est guère plus ancienne, Henzen, 6450 = C. I. L. IX, 2845.

[10] Je ne connais pas d’argument en sens contraire qui soit relatif à l’État Romain ; car rien ne force à rapporter au gouvernement de la capitale des proprétures extraordinaires indéterminées comme celle de l’inscription de la ville de Rome de l’an 16 de l’ère chrétienne, C. I. L. VI, 91.

[11] La preuve que Sulla a usé de proquesteurs dans la ville, tout au moins au début de sa dictature, résulte du sénatus-consulte relatif à Stratonikeia, de 672 ou 673 (Bull. corr. Hell. 9, p. 448). On rencontre un exemple analogue dans le domaine municipal pour lequel l’imperium domi existe seul : les duumvirs de Pise élus en l’an 4 ap. J.-C., après un interrègne, sont invités à faire dresser acte d’un décret coram proquæstoribus primo quoque tempore per scriban publicum. Évidemment les nouveaux duumvirs n’ont pas encore trouvés le temps de procéder aux élections des questeurs et d’autres personnes sont en exercice, pro quæsturibus.

[12] Selon la loi sur les questeurs de Sulla, 2, 32, les paiements des questeurs sont faits par des magistratus prove magistratu (dans la loi Julia municipalis, la formule correspondante est quæstor queive ærario prærit).

[13] Cette vacance s’appelle en langue technique sine imperio. Cicéron, Ad Att. 7, 7, 5. Le même, De prov. cons. 3, 5. Dans les deux cas, il s’agit de la vacance résultant de l’absence du général en chef.

[14] Si, d’après Polybe, 3, 106, 2, les consuls de l’an 537 restent, après l’arrivée de leurs successeurs Paul et Varro, près de l’armée, ce à quoi il pense, c’est, ainsi que le montre la relation plus précise de Tite-Live, 22, 40, 6, au commandement de fait en second ordre et non pas à la propréture en titre. Il emploie le mot dans le même sens, 15, 4, 1.

[15] Ainsi dans la malheureuse année 546, où les deux consuls moururent en campagne, la vacance fut évitée grâce à la nomination d’un dictateur faite de son lit de mort par un des consuls.

[16] Une hypothèse de ce genre de l’époque de Tibère est rapportée par Dion, 57, 14. Le sénat ne décida pas au sens propre que le questeur et le légat prendraient l’autorité, ils le pouvaient et le devaient déjà en qualité de propréteurs, mais seulement que le proconsul ne serait pas remplacé. Une disposition générale sur la préséance, fut-elle prise pour ce cas, c’est un point douteux.

[17] La faculté de rester dans la ville et d’instituer un représentant à la tête de l’armée, attestée par le statut de Genetiva, ne peut pas avoir jamais fait défaut au magistrat.

[18] Il doit y avoir eu une limite topographique au passage de laquelle s’acquérait ou se perdait la capacité de commander personnellement ; et, lorsque l’Italie était assignée comme commandement militaire aux deux consuls en résidence à Rome, les deus territoires devaient aussi Cure délimités l’un par rapport à l’autre. Le consul pouvant exercer le commandement, dès le moment où il franchit le pomerium, c’est le pomerium qui doit avoir constitué la limite.

[19] Tite-Live, 31, 3, 2. De même, Cn. Scipio commande un log espace de temps en Espagne avant l’arrivée de son frère, le consul P. Scipio (Tite-Live, 21, 40, 3). Cela devait avoir lieu régulièrement lorsque l’armée consulaire se rendait à l’étranger avant le consul.

[20] Ainsi le consul Fabius revient d’Étrurie à Rome pour y délibérer præposito castris L. Scipione pro prætore (Tite-Live, 10, 25, 11) ; ainsi le consul Sp. Albinus revient d’Afrique à Rome pour y tenir les comices, laissant son frère Aulus pro prætore (Salluste, Hist., 36. 37. 38).

[21] Il faut ici comprendre dans le territoire, en même temps que les provinces, les États gratifiés d’une autonomie dépendante dans lesquels le magistrat pénètre en sa qualité de général.

[22] Ainsi le consul qui est, par exemple, en Ombrie, ne peut nommer un représentant pro prætore pour une division opérant en Étrurie. Autrement la limitation du droit au cas d’absence ne signifierait rien et le représentant agirait à côté de son mandant. Il n’y a aucun exemple d’une telle façon de procéder. Dans Polybe, 15, 4, 1, Scipion, en Afrique, en 552, laisse L. Bæbius en qualité d’άντισταράτηγος a la tête de la flotte, tandis qu’il opère sur la terre ferme ; mais, pour lui, de même que le στρατηγός est le général, l’άντιστράτηγος est le général en sous-ordre, même quand il ne fonctionne pas pro prætore. Dans un autre cas, on ne voit pas comment le chef de l’avant-garde, que le consul Cn. Servilius envoya d’Ariminum au secours de son collègue qui combattait en Étrurie, C. Centenius, a le rang de propréteur (Tite-Live, 22, 8, rapproché de Polybe, 3, 86) ; mais il peut tenir ce rang d’une délégation du préteur urbain (note 24), et, en tout cas, on ne peut tirer des conséquences de droit public de cet incident obscur.

[23] Ainsi le consul P. Scipio laisse son légat Q. Pleminius pro prætore en Italie, lorsqu’il part de sa province de Sicile (et d’Italie) pour l’Afrique ; de même C. Marius laisse son questeur pro prætore dans la province d’Afrique, lorsqu’il fait une expédition sur un territoire non romain (Salluste, Jug. 103). Pour les préteurs cela ne peut que difficilement se produire, puisque en règle ils n’ont pas le droit de faire la guerre hors de leur territoire.

[24] Dans Tite-Live, 23, 34, le préteur urbain est chargé par le sénat de représenter le gouverneur de Sardaigne présent dans l’île, mais malade, en ce sens ut..... mitteret cum imperio, quem ipsi videretur. Les prisonniers faits par le représentant sont remis au prêteur urbain (Tite-Live, 23, 41, 7) sous les auspices duquel a par conséquent lieu le combat. Tite-Live, 28, 46, 13 ; 35, 23, 6 ; 42, 35, 4. Le commandement du centurion M. Centenius, introduit dans le sénat par le préteur urbain (Tite-Live, 25, 19), et l’envoi en Étrurie de C. Terentius Varro cum imperio (Tite-Live, 27, 24, 1) pro prætore (Tite-Live, 27, 35, 2), sont encore de la même espèce ; probablement aussi l’envoi de T. Otacilius cum imperio pour commander la flotte de Sicile (Tite-Live, 23, 32, 20, cf. § 18, sur l’an 539 ; il devient lui-même préteur en 540, en abandonnant ce commandement), et celui de L. Quinctius, cui classis cura maritimæque oræ imperium mandatum a senatu erat (Tite-Live, 32, 16, 2). Selon Tite-Live, 10, 26, en l’an 459, pendant que les deux consuls livrent la bataille de Sentinum, deux armées de réserve sont levées sous le commandement de deux consulaires, Cn. Pulvius Maximus et L. Postumius Megellus, qui sont appelés pro prætore : le fondement est encore là probablement dans une délégation du préteur urbain. La dualité d’imperium qui en résulte, est en théorie aussi admissible que le commandement de plusieurs préteurs en Italie à côté du commandement consulaire. L’idée de la provincia pouvait être appliquée à cet imperium délégué et le mandant absent être représenté dans des cercles distincts par des mandataires distincts. — Le préteur urbain réunit dans de telles hypothèses deux compétences dont il administre l’une comme absent, de même que nous avons trouvé plus haut deux compétences ordinaires réunies sur la tête du préteur pérégrin. Il est à remarquer là que dans aucun des commandements ainsi remis au préteur urbain, il n’y a de succession à un imperium préexistant même dans le cas relatifs la Sardaigne, le gouverneur malade doit ne pas être revenu à Rome et théoriquement il a dû y avoir intervention d’un autre imperium simultané à coté du sien.

[25] Cela n’est pas contredit par Cicéron, Verr. l. 2, 4, il, lorsqu’il dit relativement à la vacance produite en Sicile par le départ de Verrès : Les questeurs de l'un et l'autre département sous sa préture, m'ont sans cesse opposé leurs faisceaux ; car la Sicile est une province double.

[26] Cicéron, Ad fam., 2, 15. Il développe de nouveau cette idée, Ad Att. 6, 6. Il conseille la même chose à son collègue Q. Thermus, Sulla confia de même le commandement en Asie à son questeur Lucullus, et c’est là la procédure habituelle. Cf. tome IV, la section des questeurs des généraux.

[27] Cum imperio mittere est l’expression technique employée pour le représentant que l’on envoie avant d’être personnellement entré en fonctions ; de même, cum imperio relinquere est celle employée pour le délégué qu’on laisse derrière soi.

[28] ) Tite-Live parle relativement au dictateur d’un legatus pro consule (8, 33, 14 ; cf. 3, 29). Mais ce personnage est lui-même consul, et, par conséquent, il a un imperium propre, bien qu’inférieur, à côté de celui du dictateur ; par conséquent, la qualification legatus pro consule, qui ne se rencontre que là, n’est pas employée comme un titre, mais désigne le général rabaissé au rang de commandant en sous-ordre.

[29] M. Æmilius Scaurus, représentant, en qualité de proquesteur, Pompée en Syrie, dans les années 692 à 691 (Drumann, 1, 28), est appelé sur une inscription de Tyr (Renan, Mission de Phénicie, p. 533) άντιταίας άντιστράτηγος ; L. Antonius, qui représente pareillement Q. Thermus en Asie en 704, en qualité de proquesteur (Cicéron, Ad fam. 2, 18), est également appelé dans la lettre de Josèphe, Ant. 14, 10, 17, et sur une inscription de Pergame (Jahrbuch der preuss. Kunstsamilungen, 1, 215) άντιταμίας καί άντιστράτηγος. — Il ne faut pas confondre ce représentant avec le questeur pro prætore en fonction à côté du gouverneur sous l’Empire.

[30] La loi de Termessos porte deux fois (C. I. L. I, p. 114, table 2, lignes 6. 44) dans l’ordre inverse pro magistratu legatus à côté de magistratus, qui doit comprendre là, celui qui est promagistrat par prorogation. La seule inscription qui nomme un pareil legatus pro prætore est celle de Nemi (C. I. L., SIV, 22181, dédiée à C. Sallu(v)ius C. f. Saso par les Abbaitæ Mysi pour le secours qu’il leur avait accordé pendant la (première) guerre de Mithridate. Cependant on ne voit pas clairement pourquoi la propréture lui appartient. Il n’est pas vraisemblable que les généraux en sous-ordre de Sulla aient, pendant sa présence en Asie, déjà occupé la propréture, comme plus tard ceux de Pompée (v. tome IV, la section des Magistrats militaires, auxiliaires extraordinaires). Il se peut plutôt qu’après son retour à Rome, d’autres officiers aient fonctionné pro prætore à côté de son questeur Lucullus, qui était son représentant proprement dit, quoique ce soit assurément en contradiction avec la loi de l’unité de la représentation. Ce que Lydus, De mag. 3, 3, dit de cette catégorie de fonctions est confus et ne peut être utilisé. — Les legati pro prætore en fonctions à côté des gouverneurs sous l’Empire (v. tome III, le chapitre des Gouverneurs de province) ne doivent pas être confondus avec ces représentants.

[31] Tite-Live, 243, 9, 5. 6, pour Pleminius ; Cicéron (Ad fam., 2, 15) pour les questeurs remplissant le rôle de représentants.

[32] Le promagistrat représentant conclut même des traités de paix définitifs ; tels sont celui du consul C. Licinius Varus avec les Corses en 518 (Zonaras, 8, 18, comp. Dion, fr. 43), et celui du consul Sp. Postumius Albinos avec Jugurtha (Salluste, Jug. 38). Ces traités sont, pourvu que les conditions de la représentation soient réunies (dans les deux hypothèses citées, le consul est à Rome et le représentent en pays ennemi), aussi valables en droit que s’ils avaient été conclus par le magistrat ; dans le premier cas, le traité fut bien cassé, mais il le fut par le sénat de la façon ordinaire et le légat fut livré à l’ennemi. — C’est à tort que Nissen, Rhein. Mus. 23, 49, suppose que le légat de Varus avait excédé les bornes de sa compétence ; comment aurait-on pu en arriver à la deditio en face d’un traité qui eut été nul ?

[33] On peut également douter que les droits qui ne sont pas nécessairement liées au commandement, en particulier la juridiction volontaire, passent au représentant.

[34] Cela n’est dit expressément nulle part ; mais cela résulte de l’ensemble des faits. Au reste, on comparera, tome III, le chapitre consacré aux Gouverneurs de province.

[35] Ainsi Cn. Dolabella, propréteur de Cilicie, nomma, après la mort de son questeur C. Malleolus, Verrès proquesteur. Cicéron, In Verr. act. 1, 4, 11. l. 1, 15, 41. De même, l. 1, 12, 34. 36, 44. 30, 77. 36, 90, 38, 95. On rencontre aussi, sur une monnaie macédonienne (R. M. W. p. 315, note 30 = tr. fr. 260, note 1 ; p. 692, note 87 = tr. fr. 3, 282, note 3), un Suura leg. pro q., probablement le Bruttius Sura qui fut en fonctions dans ce pays sous les ordres de Sentius Saturninus dans les années 663 à 667. Pour la plupart des proquesteurs, le point de savoir s’ils sont appelés ainsi à raison d’une prorogation de leur magistrature ou en vertu d’une nomination extraordinaire du général reste incertain.

[36] On ne rencontre pas de protribunat ; ce serait un non-sens.