LE DROIT PUBLIC ROMAIN

LIVRE PREMIER. — LA MAGISTRATURE.

LA REPRÉSENTATION DU MAGISTRAT.

 

 

II. — REPRÉSENTATION DU MAGISTRAT SUPÉRIEUR ABSENT. LA PRÆFECTURA URBIS

Si avare que fût le droit privé de Rome dans l’admission de la Représentation en présence de la disparition ou de la suspension de la capacité, le droit public l’était encore plus[1]. Ni le droit privé ni le droit public ne connaissent de représentation établie par la loi et indépendante de la volonté du représenté, en particulier d’institution destinée à parer à l’incapacité de l’homme fait produite par une maladie mentale. Le père de famille reste, en dépits de cet obstacle, en possession de sa puissance domestique le droit publie ne présente pas davantage d’expédient inventé pour le même cas, d’institution plus ou moins correspondante à la régence moderne. Même la représentation du magistrat existant en vertu de sa propre volonté, c’est-à-dire la délégation de l’autorité, est en principe interdite au magistrat. Il doit accomplir en personne les actes de gouvernement qui lui incombent. S’il en est empêché par une maladie physique, par l’âge ou par d’autres circonstances, la collégialité, surtout dans la forme qu’elle a prise à Rame, fournit à la vérité depuis l’établissement de la République, un expédient en général commode et pratique. Mais, lorsqu’elle ne suffisait pas[2], l’acte ne pouvait être accompli. Quant à une représentation motivée sur de pareilles circonstances, le droit public romain n’en connaît ni les règles ni le nom[3].

Ce n’est qu’au cas d’absence que les institutions romaines admettent la représentation dans le gouvernement civil absent. Cette représentation n’a pas pour point de départ, la distinction républicaine des deux territoires soumis à l’imperium demi et à l’imperium militiæ, qui ne peuvent être exercés en même temps ; l’origine en remonte au gouvernement royal qui réunissait en lui les deux compétences. Non pas lorsque le roi sort de la ville, mais lorsqu’il franchit la frontière du territoire, son activité judiciaire est suspendue au moins en fait[4], et, pour qu’il n’en résulte pas d’interruption de la justice, il est obligé de nommer un représentant pour le gouvernement du dedans. La puissance publique s’incorpore dans la personne du chef à un degré si intense, qu’il doit non seulement toujours exister, mais toujours être présent ou tout au moins personnellement représenté. Nous devons ici décrire la représentation ainsi organisée pour le magistrat supérieur absent.

Le représentant du chef de l’État absent est le préposé à la ville, le præfectus urbi[5], Ce nom indique, d’une part, que la puissance conférée à ce préposé n’est pas une puissance indépendante, mais une puissance déléguée[6] et, d’autre part, que le titulaire propre de la puissance a quitté la ville et sa banlieue. La tradition rattache avec un tact très juste cette institution à Romulus[7]. En réalité, c’est, tout comme l’interregnum, une institution commune aux populations latines, probablement plus ancienne que Rome.

Le præfectus ne peut pas, comme l’interrex, être sans distinction compris parmi les magistrats[8]. Le préfet ordinaire de l’époque récente, nommé pour la fête Latine n’a pas les faisceaux. Mais, le préfet de la ville nommé à l’époque récente par le dictateur ayant encore les faisceaux dans l’intérieur de Rome, ils ne peuvent avoir fait défaut au præfectus urbi de l’époque royale. Il est probable que les préfets nommés par les consuls ont eux-mêmes eu le caractère de magistrats, tant qu’ils ont gardé un rôle effectif ; car le principe de l’exclusion des non magistrats de l’administration urbaine se trouve concilié par là avec l’institution de la, préfecture de la ville, tandis qu’il faudrait sans cela voir en elle une exception à ce principe fondamental.

La condition préalable d’existence de l’interregnum est la vacance de la magistrature supérieure. Celle de la préfecture est l’absence de Rome du ou des magistrats supérieurs. Les éléments de cette absence sont déterminés d’une manière précise quant au temps et quant au lien. Quant au lieu, ce qu’on envisage, ainsi que nous l’avons déjà remarqué, ce n’est pas la ville, c’est le territoire de la ville[9]. Et par là on a entendu de tout temps au point de vue de notre institution le territoire primitif étroitement limité, l’ager Romanus au sens technique. On ne tient pas compte des extensions postérieures de territoire, pas même de l’acquisition du territoire d’Alba Longa opérée à l’époque la plus reculée. En sorte que l’obligation de nommer un préfet naît pratiquement pour le magistrat supérieur au moment où il s’éloigne de la capitale[10]. Lorsque le magistrat se trouve de l’autre côté de cette limite, soit pour faire la guerre, soit pour représenter la cité romaine à une fête célébrée au dehors, il est absent de Rome au point de vue du droit public. Quant au temps, cette absence doit durer plus d’un jour pour faire naître l’obligation de nommer un préfet[11].

Cette institution avait été organisée en vue du gouvernement d’un seul. L’introduction de la collégialité amena pour elle des modifications du même genre que pour l’interregnum. La magistrature, est considérée comme absente, lorsque aucun des magistrats supérieurs n’est présent à Rome, sans qu’à la différence de ce qui a lieu pour l’interregnum, on fasse aucune distinction tenant à l’inégalité de puissance[12]. Cette règle s’applique même à la dictature ; si un consul ou un préteur reste à Rome, le dictateur, ne nomme pas de préfet en quittant la ville[13], et la, nomination dix préfet n’a pas lieu, tant qu’il y a à Rome un magistrat supérieur, bien que de puissance moindre. Par suite la fondation de la préture en 387 mit fin, dans sa portée essentielle, à la préfecture de la ville. Tant que les consuls furent les seuls magistrats supérieurs ordinaires, on en arriva nécessairement très souvent, probablement même plus tard tous les ans, à la nomination d’un præfectus urbi, puisqu’en cas de guerre ils exerçaient généralement le commandement en commun et les annales sont dans ce sens[14]. Mais, depuis que la loi Licinienne de 387, probablement précisément pour mettre fin à la permanence de fait de cette magistrature théoriquement non permanente, eut créé un troisième magistrat supérieur légalement attaché à la ville, le préteur urbain, la situation pour laquelle la préfecture était destinée, le passage de tous les magistrats supérieurs de l’autre côté de la frontière ne se présenta plus qu’exceptionnellement et les consuls perdirent les droits très importants qu’ils avaient eu jusqu’alors relativement à l’administration de la ville. La préfecture ne resta d’un usage constant que pour la fête latine, depuis que celle-ci dura plusieurs jours, c’est-à-dire, selon la tradition, depuis la fondation de la République[15], le rituel de cette fête exigeant la présence de tous Ies magistrats supérieurs plébéiens et patriciens de Rome[16], si bien que le préteur  urbain était lui-même relevé pour elle de son obligation de rester à Rome. Ce Præfectus urbi feriarum Latinarum[17], comme on l’appelle, sous l’Empire, pour le distinguer du préfet de la ville établi par Auguste et qui n’a que le nom de commun avec lui, n’est pas permanent mais il est nommé tous les ans, même encore sous le Principat[18].

La loi décide quand le représentant doit être nommé ; quant au choix de la personne, il reste au magistrat représenté. Le droit de nommer le préfet de la ville, ou, selon l’expression technique, de le laisser (præfectum reliquerere)[19] est soustrait à l’intervention des comices[20], et le sénat n’a, autant que nous sachions, jamais influé sur lui. Ce droit était en même temps un devoir[21] ; et le magistrat qui avait à nommer un préfet et qui ne le faisait pas, encourait sans doute une responsabilité judiciaire. Mais le droit public romain ne connaît pas de moyen direct de contraindre à, l’accomplissement de cet acte, pas plus que d’institution supplémentaire qui remplace la préfecture à défaut de nomination du préfet. — La nomination du préfet regarde toujours le magistrat supérieur, et exclusivement celui dont les pouvoirs sont les plus élevés. Elle appartient en premier lieu au roi[22]. — Le dictateur ne l’a pas seulement possédée à l’origine ; il l’a, même après les lois Liciniennes, gardée intacte pour le cas où il n’y a pas à Rome d’autres magistrats supérieurs et où lui-même quitte la ville. César a, en qualité de dictateur, ainsi nommé des préfets en 709, pour la durée de son absence de Rome[23], et deux ans auparavant son maître de la cavalerie en avait nommé également, ce qui assurément était sans précédents[24]. — Le même droit appartenait en général aux consuls à l’époque ancienne[25] ; mais, sauf en ce qui concerne le préfet nommé pour les fêtes Latines, il leur fut probablement enlevé expressément par la loi Licinienne[26]. Celui des deux consuls qui l’exerçait était celui qui quittait la ville le dernier[27]. — Le droit de nommer un préfet n’a pas été reconnu aux magistrats consulari potestate[28], c’est-à-dire, puisqu’il ne s’agit ici que de ceux compétents dans l’intérieur de la ville, qu’il n’appartient ni aux tribuns consulaires desquels, lorsqu’ils partaient en campagne, l’un restait toujours à Rome pour tenir lieu de préfet de la ville[29], ni peut-être aux décemvirs legibus scribundis[30]. — Le préfet lui-même ne pouvait pas se nommer de nouveau représentant[31], évidemment en vertu de la règle d’après laquelle délégation sur délégation ne vaut[32]. Enfin, le droit de nommer le préfet a aussi cité refusé au préteur[33] ; cependant le droit de déléguer son autorité sur la ville pour le temps où il serait absent de Rome ne lui manquait pas complètement. Le préteur urbain ne pouvait pas, il est vrai, faire une telle délégation, car il était oblige ; de rester à Rome pendant la durée de ses fonctions. Mais, au contraire, les préteurs qui avaient été appelés par le sort à des fonctions urbaines, mais qui n’étaient pas attachés à la ville par une prescription légale, tels que, par exemple, le préteur pérégrin, ont assurément, lorsqu’ils se sont trouvés dans le cas de remplir leurs fonctions hors de la ville ou que, pour tout autre motif, ils ont quitté la ville d’une manière licite, délégué leur juridiction avant de partir[34]. Cependant cette faculté, qui n’a pu s’introduire qu’avec la création de la préture pérégrine, au commencement du VIe siècle, n’est pas de la même nature que l’antique droit de délégation qui est la source de la préfecture de la ville. D’une part, elle a pour condition non pas l’absence de Rome des magistrats supérieurs, mais celle du titulaire unique d’une compétence spéciale. D’autre part, le préteur n’a pas, selon toute apparence, le libre choix de son représentant, il est tenu de déléguer ses fonctions urbaines à l’un : de ses collègues, en général au préteur urbain ; ce qui évite que le pouvoir soit exercé par un non magistrat dans l’intérieur de la ville et étend seulement la sphère des fonctions exercées par un magistrat déjà en exercice[35].

La nomination du préfet de la ville n’est soumise à aucune formalité, elle ne l’est pas davantage à des conditions légales de capacité[36]. On a traité sous ce rapport la préfecture de la ville non pas comme les magistratures, mais comme les postes d’officiers que le magistrat supérieur attribuait à sa guise à l’époque ancienne. En conséquence, les plébéiens ont sans doute, depuis qu’ils ont été regardés comme des citoyens romains, été capables d’occuper la préfecture. — Par suite de cette absence de conditions de capacité, la préfecture des fêtes latines a été, dès la fin de la République et également sous l’Empire, couramment occupée par de tout jeunes gens, qui appartiennent bien en principe à l’ordre sénatorial[37], mais qui ne sont pas encore entrés dans le sénat[38] et même abusivement, dans quelques cas, par des enfants impubères[39].

Le retour du magistrat supérieur ou de l’un des magistrats supérieurs dans la circonscription urbaine met nécessairement fin à la préfecture comme la fin de la vacance du pouvoir à l’interregnum[40]. — Ce mandat s’éteint également, comme tout autre, par la mort ou ta disparition quelconque du mandant ; au contraire, une retraite arbitraire du mandataire n’a pu être que difficilement admise. — La révocation et le remplacement du mandataire étaient aussi admissibles en principe[41] ; mais ils ont été postérieurement interdits pour la préfecture des fêtes[42]. — Au cas ou la préfecture devient vacante, le droit public n’offre pas d’autre remède que la nomination d’un nouveau préfet par le magistrat supérieur.

En ce qui concerne la compétence, la collégialité est exclue de cette institution empruntée comme l’interregnum à la monarchie. On ne nomme qu’un præfectus urbi. Il n’y a que le dictateur César qui se soit mis au-dessus de cette règle et qui ait nommé plusieurs præfecti en fonctions les uns à côté des autres avec des compétences distinctes. Pour le reste, le præfectus est, comme l’interrex, essentiellement égal au magistrat qu’il représenté. Cela ne s’applique, il est vrai, aux insignes que dans une mesure restreinte ; les præfecti urbi de César ont la prétexte, le siège curule et deux licteurs, c’est-à-dire les insignes prétoriens, les préfets des fêtes latines n’ont probablement pas ces distinctions. — Mais, quant aux fonctions, les lois accordent aux préfets tous les pouvoirs de la magistrature supérieure, sauf le droit de nommer un préfet. Les témoignages isolés confirment cette idée en lui attribuant, tout comme à l’interroi, tout au moins l’ensemble des fonctions consulaires et prétoriennes[43]. C’est pour cela que, lorsque César rendit à cette institution une portée pratique, il jugea nécessaire de nommer plusieurs préfets. — L’imperium sur le territoire militiæ fait défaut au préfet, en vertu de la règle d’après laquelle il ne peut, pendant son administration, quitter Rome durant plus d’un jour[44]. Au surplus, il a, dans le territoire urbain, si besoin est, le commandement en chef[45]. Par suite, celle des attributions du préfet qui prévaut, d’autant plus que l’autorité exercée domi est devenue en fait, de bonne heure exclusivement une administration civile, est l’exercice de la juridiction[46] ; si bien que ces fonctions sont restées même au préfet nommé pour les fêtes latines[47] et qu’on lui donne, même comme titre officiel, le nom de præfectus urbi juri dicundo. Elles comprennent en droit non seulement la juridiction civile prétorienne, mais les attributions de tous les magistrats pourvus de la juridiction, même celles des préteurs de quæstiones de l’époque moderne[48]. C’est seulement. Claude qui les a restreintes, en prescrivant, semble-t-il, de ne soumettre aux jeunes gens investis de la préfecture que des affaires insignifiantes et de pure routine[49]. — Enfin, le préfet a le droit de convoquer le peuple et le sénat et de faire valablement voter des lois[50] et des sénatus-consultes. Cependant l’exercice du premier droit à l’époque de la République ne peut être établi, et il a peut-être été retiré au préfet au moment où celui-ci devint de représentant du roi représentant des consuls.

 

 

 



[1] Car l’exception la plus ancienne et la plus importante du droit privé, celle relative au pupille et à sa tutelle est étrangère au droit public. — Assurément, tous les actes de l’État se fondent, d’autre part, sur une représentation.

[2] Çà et là ou s’est tiré d’affaire avec la nomination d’un dictateur ; ainsi, les consuls étant en campagne et le préteur urbain malade, un dictateur est nommé pour la célébration des jeux (Tite-Live, 8, 40).

[3] La légende rapporte, il est vrai, que Tarquinius Priscus, ou sa femme agissant en son nom, aurait prescrit au peuple d’obéir à Servius Tullius pendant sa maladie et que ce dernier aurait rendu la justice au nom et dans le costume du roi (Tite-Live, 3, 41 : Interim Ser. Tullio juberi populum dicto audientem esse, eum jura redditurum obiturumque alia regis munia esse. Servius cum trabea et lictoribus prodit ac sede regia sedens alia decernit, de aliis consulturum se regem esse simulat ; de même Cicéron, De re p. 2, 21, 33 : Cum... regio ornatu jus dixisset) ; et cette version est assurément plus ancienne que celle de Denys, visiblement inspirée par tics modèles grecs (par exemple celui d’Antigonos Doson), d’après laquelle Servius aurait d’abord occupe le pouvoir comme tuteur des fils de Tarquin. Mais elle ne fait que prouver une fois de plus que l’histoire conventionnelle de l’époque royale est souvent infidèle à la logique du droit public.

[4] On ne peut établir que la compétence des magistrats se modifie légalement, en particulier, quant à l’administration de la justice, avec le passage de la limite du territoire ; on distingue au contraire sous ce rapport entre le cercle, urbain limité par la première borne milliaire et le cercle de la puissance militaire commençant de l’autre côté de cette borne, mais le judicium quod imperio continetur peut-être organisé au-delà de la limite du territoire.

[5] Nous parlerons des formes præfectus urbi et ubis à propos de la préfecture urbaine de l’Empire. La qualification de custos urbis est employée presque comme une dénomination pour les préfets de la ville impériaux (voir, tome V, la section qui les concerne) ; mais pour l’ancien préfet, auquel elle ne convient pas puisqu’il n’a aucun pouvoir militaire, elle n’est employée que par Lydus. En grec, il s’appelle dans Dion πολίαροχος, tandis que le præfectus urbi d’Auguste est nommée, comme on sait, έπαρχος (ou ϋπαρχος) τής πόλεως ; Denys (4, 82. 10, 2, 3) emploie cette dernière expression même pour les anciens préfets. Comp. encore Lydus, De mens. 1, 19.

[6] Le nom du magistrat représenté ne figure assurément jamais dans les titres officiels, ni à Rome ni dans les municipes, si ce n’est pour les représentants des empereurs et des princes qui sont de nature toute différente. Mais præfectus est employé d’une façon générale pour désigner, par opposition aux magistrats, les fonctions publiques qui ne sont pas des magistratures et qui proviennent d’un libre mandat. Tels sont les nombreux præfecti militaires (fabrum, socium, castrorum, prætorio), le præfectus Ægypti, le præfectus annonæ. Lorsque cette définition ne s’applique pas, comme pour les præfecti Capuam Cumas élus par les comices et les præfecti pro duoviris du principat, la dénomination est dénaturée et cela s’explique sans difficulté historiquement.

[7] Tacite, Ann. 6, 11, donne à propos des premiers præfecti urbi d’Auguste des détails sur l’histoire de cette préfecture. Numa manque dans la liste parce qu’il n’a fait aucune guerre. Tite-Live ne cite de ces préfets que le dernier, 1, 59, 12. Voir ce que Denys, 2, 12, dit de Romulus, en confondant à tort le princeps senatus et le pæfectus urbi et en attribuant à ce dernier un certain caractère stable. La même confusion se retrouve aggravée dans Lydus, De mens. 1, 19. La relation du même auteur byzantin, De mag. 1, 38, n’est qu’une défiguration niaise de celui de Denys relatif à la même année (8, 64) d’après lequel les troupes sont divisées en trois corps d’armée dont le premier est conduit par l’un des consuls contre les Herniques, le second est conduit par l’autre contre les Volsques et le troisième est chargé, sous le commandement du préfet de la ville T. Larcius, de la défense de la ville.

[8] Il fait aussi défaut dans les listes des magistrats, Varron nomme le préfet de la ville au dernier rang parmi les magistrats qui ont le droit de convoquer le sénat. Les elogia de la République présentent des interrois, mais jamais ils ne mentionnent la præfectura feriarum qui seule était encore pratique à l’époque. En revanche, elle se rencontre constamment dans les inscriptions de l’Empire.

[9] Il faut également entendre du territoire l’éloignement ex municipio comme l’appelle le statut de Genetiva. La substitution de la limite de la ville conduirait à des conséquences sujettes à critique.

[10] Il est possible qu’après la destruction d’Albe, l’emplacement du Latiar ait été considéré comme appartenant à la ligue latine, et par conséquent, comme étant à l’étranger, par rapport à Rome. Mais aucun vestige n’indique que la nécessité de nommer un præfectus urbi, provoquée par la fête latine, ait été motivée par là ; et il est probable que les règles exposées ici ont au contraire été motivées par des considérations pratiques. Peu importe, quant au besoin de nommer un représentant des magistrats absents, que ces derniers se trouvent dans une portion quelque peu éloignée du territoire ou ne se trouvent pas sur le sol romain ; et ce besoin doit s’être fait vivement sentir avant l’introduction relativement tardive de la préture. On conçoit donc que l’absence de Borne, tout en étant rattachée au territoire, l’ait été d’une façon qui lui substituait en fait la ville y compris ses faubourgs.

[11] Il est incontestablement permis de transporter à Rome cette disposition du droit latin. Tant que le Latiar ne dura qu’un jour, l’assistance à cette fête n’eut pas d’influence sur la représentation.

[12] La mort des deux consuls, des préteurs étant présents, provoque l’interrègne en amenant les préteurs à abdiquer. Au contraire, l’absence des deux consuls ne produit aucunement d’absence de magistrature supérieure, faut qu’un préteur se trouve dans la ville.

[13] Cela semble en contradiction avec Tite-Live, 8, 38, 1, sur l’an 429, où il est naturel de regarder ce Crassus comme un præfectus urbi. Mais il faut se rappeler que le dictateur, lorsqu’il est en campagne, peut déléguer son maître de cavalerie pour les levées de troupes et les approvisionnements à faire à Rome (Tite-Live, 4, 27, 1. 22, 11, 3), le dictateur suspendant son maître de cavalerie dans notre cas, il transfère, rationnellement ces fonctions à. une autre personne. Les præfecti de César exercent leurs fonctions à côté du maître de la cavalerie, cela tient à ce que la situation du maître de la cavalerie flotte entre celles d’officier et de magistrat et qu’en conséquence on ne peut lui appliquer les règles en vigueur pour les consuls et les préteurs. — Il y aurait en revanche une exception véritable, si les præfecti de César avaient été en exercice dés la fin de 708 à côté du second consul présent à Rome.

[14] Depuis l’établissement de la République, des præfecti urbi sont cités pour les années 256 (Denys, 5, 75), — 258 (Denys, 6, 2), — 260 (Denys, 6, 42), — 267 (Denys, 8, 64). — 289 (Tite-Live, 3, 3. 6), — 292 (Tite-Live, 3, 8, 7. c. 9, 6 ; Denys 9, 60), — 295 (Tite-Live, 3, 24), — 296 (Tite-Live, 3, 29, 4 ; Denys, 10, 22 à 24). Si l’on n’en rencontre plus par la suite, cela s’explique en partie par l’interruption de Denys, en partie par le défaut chez les tribuns consulaires du choix de nommer des préfets.

[15] Denys, 6, 95 (cf. Plutarque, Cam. 42).

[16] Denys, 8, 87, rapporte que les tribuns du peuple n’étaient relevés de la défense de passer la nuit hors de la ville que pour l’époque de la fête latine. Strabon, 5, 3, 2 p. 229. Tite-Live, 25, 12, 1 : Les consuls et les préteurs furent retenus à Rome jusqu'au cinquième jour avant les calendes de mai par les féries latines. C’est, il est vrai, en contradiction avec Dion, 41, 14, d’après lequel, en 705 ou 706 : Aucun préfet de Rome ne fut créé à l'occasion des féries latines, comme il aurait dû l'être d'après l'usage. Plusieurs pensent que les préteurs furent chargés de toutes les fonctions dévolues à ce magistrat, ce qui se reproduit en 718 (Dion, 49, 16) et probablement aussi en 733 (Dion, 54, 6). Il faut par conséquent que les préteurs soient alors restés dans la ville pour l’administration de la justice, En 712, il arriva même que les fêtes latines furent présidées par le préfet (Dion, 47, 40) ce qui était absolument absurde et fut à bon droit cité parmi les portenta.

[17] Præfectus urbi (ou urbis) feriarum Latinarum se trouve dans les inscriptions Orelli 3149 = C. I. L. IX, 3101 et 3133 = C. I. L. IV, 1421, et Dion emploie la formule correspondante : Πολίαρχος ές τάς άνοχάς (par exemple 49, 16 ; cf. 54, 6. 17, et plusieurs autres passages). Dans l’inscription de Sagonte du temps de Tibère (C. I. L., II, 3837), il est appelé præfectus urbi juri dicundo. Præfectus urbi sans complément se rencontre dans ce sens sur l’inscription de Burdigala de Drusus, fils de Germanicus (Orelli, 667), έπαρχος ‘Ρώμης sur l’inscription athénienne, C. I. Att. 3, 612. Le complément urbi manque en général, même sur les inscriptions.

[18] Tacite, Ann. 6, 11. Dion remarque que cette magistrature a par exception fait défaut dans des années particulières. Pomponius, Digeste, 1, 2, 2, 33.

[19] Telle est la formule technique, d’après la loi de Salpensa ; Aulu-Gelle 14, 8 : Pomponius, Digeste, 1, 2, 2, 33 ; Tite-Live, 3, 3, 6 ; Denys, 10, 23. Rubino, Untersuch., p. 300, note 3.

[20] Le contraire a cependant été soutenu parce que dit Dion, 54, 6. Mais Dion emploie le mot χειροτονία tout à fait habituellement même pour les cas où il n’y a pas de vote par exemple pour les consuls de l’Empire (ainsi 58, 20) et la ταραχή elle-même doit être rapportée à ce que les deux consuls pouvaient ne pas s’entendre sur le point de savoir lequel quitterait la ville le dernier et par conséquent nommerait le préfet ; dilemme pour sortir duquel il était au reste difficile de trouver une issue constitutionnelle.

[21] Pomponius, Digeste 1, 2, 2, 33. L’histoire de la préfecture des fêtes latines atteste plus nettement encore que ces mots du jurisconsulte le caractère obligatoire et non pas seulement facultatif de la nomination. Il en est de même de la préfecture municipale symétrique, d’après le témoignage de la loi municipale de Salpensa, c. 23.

[22] Tacite, Annales, 6, 11 ; Tite-Live, 1, 59, 12.

[23] Au début de 709, il n’y avait pas d’autre magistrat patricien que César, consul sans collègue et dictateur, pour le moment absent en Espagne, et son maître de la cavalerie M. Lepidus. L’administration de la ville était, d’après les dispositions de César, dans les mains de ce dernier et de six ou huit préfets. Suétone, Cæsar, 76. Dion, 43, 23. Monnaies avec la légende C. Cæsar dic. ter. et L. Plancus præf urb. (R. M. W. p. 651 = tr. fr. 2, 542). Deux d’entre aux administraient l’Ærarium à la place des questeurs (Dion, 43, 48).

[24] Lorsqu’en 707 le second des deux seuls magistrats supérieurs existant pour le moment, le dictateur et le maître de la cavalerie, quitta Rome pour aller en Campanie réprimer le soulèvement des troupes qui s’y était produit, il nomma L. Cæsar préfet de la ville (Dion, 42, 30). Le præfectus urbi n’avait jusque là jamais été nommé que par le magistrat le plus élevé existant au moment de la nomination (Rubino, Untersuch. p. 303, note 1).

[25] Assurément nous trouvons des préfets nommés par César en 720, à une époque où il n’était pas consul (Dion, 49, 42) ; mais cette disposition daté de l’époque des triumvirs qui avaient toute liberté pour les nominations de magistrats, et elle n’empêche pas qu’en règle les préfets ne fussent nommés par les consuls. La procédure normale est révélée d’une façon topique par la qualification : Factus ab imp. Hadriano Aug. II cos. donnée à un préfet de ce genre (C. I. L. VI, 1421) ; les préfets de cette espèce jouissent donc dune plus grande considération s’ils sont nommés par l’empereur ; mais ils ne sont nommés par l’empereur que lorsqu’il est consul et à condition qu’il le soit.

[26] S’il n’y avait eu à la nomination de préfets par les consuls d’autre obstacle que l’obstacle de fait résultant de l’existence du préteur urbain, le droit de nomination aurait dû rester aux consuls pour le cas de mort ou d’abdication du préteur ; or cela n’est pas. D’un autre côté, il s’explique que la loi Licinienne, en rétablissant le consulat qui avait peur ainsi dire disparu et en supprimant le tribunat consulaire, n’ait pas rendu au premier le droit de nomination des préfets qui faisait défaut au second.

[27] Loi municipale de Salpensa, c. 25. Des différends à ce sujet étaient inévitables. Il en est mentionné dans Salluste, Hist., éd. Dietsch, 1, 40, ce qui est rapporté avec vraisemblance à la nomination des préfets des fêtes pour 678, et dans Dion, 54, 6, d’après lequel en 733 le choix du préfet de la ville provoqua des troubles.

[28] On y sera arrivé, en délimitant dans la loi qui établissait la magistrature spéciale, la notion de l’imperium consulare et en le concédant avec cette restriction, tout comme la dictature fut d’abord donnée optima lege, puis ensuite dans une forme plus faible. Ils auront eu le droit de nommer le préfet de la fête latine.

[29] Dans les cas où il est question d’un partage des fonctions entre les tribuns consulaires, l’un d’eux reste à Rome comme præfectus urbi. Tite-Live, 4, 31 ; 4, 36 ; 4, 45 ; 4, 59 ; 6, 6. 5, 2, 12 (cf. c. 7, 12). 6, 22, 1. Il n’est pour ainsi dire jamais (Tite-Live 9, 42, 4) rien dit de semblable pour les consuls ; et ce ne peut être un pur hasard. Cela a certainement été alors une erreur de rattacher la nomination des trois tribuns consulaires en 310 à ce qu’il aurait fallu faire trois guerres à la fois (Tite-Live, 4, 1, 2) ; mais il y a encore d’autres objections contre cette opinion (cf. tome III, la théorie des tribuns consulaires).

[30] Tite-Live, 3, 41, et Denys, 11, 23, placent huit décemvirs à la tête des deux armées, tandis qu’Ap. Claudius reste à Rome avec Sp. Oppius pour assistant ad tuendam urbem. Oppius parait bien là être qualifié d’adjutor d’Appius, parce que ce dernier est envisagé comme præfectus urbi ; et il est en tout cas surprenant que certains des magistrats supérieurs renoncent au commandement militaire. Il reste cependant très douteux que cela signifie réellement que les décemvirs n’aient pas eu le droit de nommer des préfets ; d’autant plus que pour le reste leurs pouvoirs généraux sont plus étendus que ceux des consuls. — Il suffit de mentionner l’assertion de Lydus, De mag. 1, 34, d’après laquelle le premier des décemvirs τής πόλεως φύλαξ προρηγορεύθη.

[31] Table de Salpensa, c. 25. On s’est écarté de ce principe à Rome pour la première et la dernière fois sous César, en 709, Dion, 43, 48. — Le droit de se nommer un représentant dans le commandement n’appartient aussi, d’après le statut de Genetiva, c. 103, qu’au duumvir et non à son représentant.

[32] Paul, Digeste, 1, 21, 5. Il y avait encore au reste pour le préfet cet obstacle qu’il ne pouvait quitter Rome.

[33] L’occasion de l’exercer ne lui aurait pas fait défaut ; quand, par exemple, le dernier des magistrats supérieurs qui quittait Rome était un préteur, il aurait, s’il avait été sur le même pied que les consuls, nommé le préfet des fêtes. Mais il est manifeste que les préteurs ne participent pas à ces nominations.

[34] Tite-Live, 24, 44, 2. Papinien, Digeste, 1, 21, 1, pr. Cette procédure, sur laquelle il nous faudra revenir en étudiant la préture, se rencontre fréquemment ; mais l’expédient fourni par le mandat n’apparaît que dans ces testes.

[35] Julien, Digeste, 1, 24, 3.

[36] Il n’est pas douteux qu’à l’époque ancienne, tant que la préfecture garda une certaine importance, on la confia d’habitude à des hommes âgés et expérimentés ; mais c’est une supposition arbitraire de penser que la capacité d’y être nominé n’ait appartenu qu’aux consulaires, et il est plus que critiquable de modifier en faveur de cette hypothèse la lecture traditionnelle de Tite-Live, 3, 24, 2. Si la table de Salpensa réclame chez les préfets l’âge de trente-cinq ans et la qualité de décurion, ce sont là naturellement des nouveautés qui sont faciles à concevoir dans le régime municipal moderne, où la préfecture avait encore une importance sérieuse, trais qui ne comportent aucune application à la préfecture de Rome.

[37] On blâme comme abusif le fait qu’en 720, durant les Féries Latines, des enfants impubères choisis par César parmi les chevaliers, et non parmi les sénateurs, furent investis de la charge de préfets urbains (Dion, 49, 42). Strabon dit aussi que τών γνωρίμων τις νέων est nommé préfet ; et les exemples très nombreux qui nous sont connus par les inscriptions le confirment.

[38] C’était déjà la règle du temps de Gracchus comme l’établit le langage de Junius dans Aulu-Gelle (1, 239). Pour l’époque récente, c’est un fait connu ; par exemple, Vita M. Antonini, c. 4. L’acquisition de la préfecture avant le sevirat est attestée par les inscriptions Orelli 2761 [= C. I L. XIV, 3609] — en revanche, après le sevirat, 3046 [= C. I. L. VI, 1332]. 3134 [= C. I. L. VI, 1422] ; — son acquisition avant le vigintivirat par Orelli 890 [= C. I. L. VI, 1343]. 2161 [= C. I. L. XIV, 3609]. 3153 [= C. I. L. VI, 1421]. C. I. L. X, 3124 ; entre le vigintivirat et la questure par 3046 [= C. I. L. VI, 1332]. 3134 [= C. I. L. VI, 1422] ; avant la questure par 3149 [= C. I. L. IX, 3667]. Il ne semble pas y avoir d’exemple de son occupation par des sénateurs.

[39] Ainsi en 720 (note 37) et en 731 (Dion, 53, 33).

[40] Loi de Salpensa, c. 25.

[41] Il est question en 720 de plusieurs préfets (Dion, 49, 42) ; et même en 731 de deux préfets par jour de fête (Dion, 53, 33), et le dernier texte prouve que ces préfets multiples remplissaient leurs fonctions non pas simultanément, mais les uns après les antres. Assurément on ne voit pas, dans ce cas où le magistrat ne laisse pas le préfet derrière lui, auquel des deux consuls appartient le droit de le nommer ; il fait laisser incertaine la réponse que le droit public romain donnait à cette question, comme le point de savoir s’il en donnait une.

[42] Auguste prescrivit en 736 : qu'on n'élirait qu'un seul préfet des Féries Latines, Dion, 51, 11. On ne peut conclure avec certitude, de Dion, 60, 5, que ce système ait été abandonné sous Claude.

[43] En ce sens le biographe de l’empereur Marcus, c. 4, qualifie exactement les fonctions du préfet par l’expression pro magistratus agere. Il est probable que les préfets devaient même remplir aussi les fonctions des magistrats inférieurs qui prenaient part aux fêtes Latines ; ce ne peut tout au moins être révoqué en cloute pour la juridiction ries édiles curules. Ce peut être par suite de cela que César fait administrer l’Ærarium par ses préfets. Au reste, il semble, au point de vue théorique, que, si peu concevable que fût la présence simultanée de magistrats supérieurs et de præfecti, on ne voyait au contraire pas d’obstacle à ce que des præfecti et des magistrats inférieurs fussent en même temps en activité.

[44] Loi municipale de Salpensa, c. 23. Cette disposition, corrélative à celle commentée plus haut, peut sans difficulté être transportée à Rome.

[45] C’est à cela qu’il faut rapporter le subitis mederi de Tacite, et aussi la conception constante dans les annales du præfectus urbi comme le commandant militaire de la ville et de la réserve ; c’est le rôle attribué au préfet de la ville dans tous les récits mentionnés plus haut, sauf dans celui qui se rapporte à l’an 293, et la même chose se reproduit même pour le prêteur urbain, son successeur (Tite-Live, 7, 23).

[46] Tacite, Annales, 6, 11. Pomponius, Digeste, 1, 2, 2, 33, et beaucoup d’autres exemples.

[47] Tacite, Annales, 4, 36, sur l’an 23 de l’ère chrétienne. Suétone, Nero, 7.

[48] Tacite, loc. cit. (note 47).

[49] Il ne faut pas se laisser égarer par le fait que l’empereur Marcus est glorifié (Vita, c. 4) de s’être acquitté de cette fonction prœclarissime.

[50] Le droit des préfets de convoquer les comices est plus appuyé par sa corrélation avec le jus referendi que par celle des combinaisons inventées pour légitimer l’abolition de la royauté qui fait l’élection des premiers consuls avoir lieu sous la direction du præctus urbi (Tite-Live, 1, 60, 4). Cependant parmi les hypothèses embarrassées, celle-là est encore la plus supportable, en l’entendant en ce sens que la royauté ne disparut pas seulement avec l’expulsion du dernier roi, mais seulement avec l’élection des premiers consuls.