On peut voir une représentation du magistrat partout où un magistrat fait accomplir par autrui des actes qu’il pourrait accomplir lui-même. Dans ce sens, on peut désigner tous Ies auxiliaires du magistrat comme ses représentants. Mais il s’agit ici de la représentation du magistrat au sens le plus énergique, de celle qui a pour condition l’absence de magistrat. Dans ce sens, l’exercice de la magistrature et la représentation s’excluent, ainsi qu’il ressort clairement de la terminologie romaine, soit de l’opposition de regnum et d’interregnum, soit de celle de magistratus et de pro magistratu, et qu’il se montre peut-être plus clairement, encore dans l’application des règles sur la responsabilité ; car l’emploi d’auxiliaires ne supprime pas la responsabilité propre du magistrat, tandis que la représentation la supprime nécessairement. L’absence de magistrat se présente dans deux cas : celui où le magistrat fait absolument défaut et celui de l’éloignement du magistrat supérieur du territoire de l’État romain. Et c’est là la source des deux formes de représentation : celle qui est l’ondée sur la vacance de la magistrature et celle qui est fondée sur l’absence du magistrat du territoire. Cette représentation se réalise d’une manière différente pour la compétence domi et la compétence militiæ. Dans la première, les représentants sont toujours des magistrats : en règle, ceux qui ont été empruntés dans ce but à la période de la royauté, l’interroi au cas de vacance de la magistrature, le préfet de la ville au cas d’absence du magistrat supérieur, à titre complémentaire un magistrat égal ou supérieur en rang au magistrat représenté, chargé de l’expédition des affaires. Dans le second, ce sont toujours des non magistrats, ou, comme on les appelle techniquement, des promagistrats, qui représentent soit le magistrat qui fait défaut, soit celui qui n’est pas présent. Nous avons donc à étudier : dans l’administration urbaine, la représentation du magistrat supérieur au cas de vacance de la magistrature, l’interregnum ; la représentation du magistrat supérieur au cas où il est absent, la préfecture de la ville ; puis la représentation des magistrats inférieurs urbains ; et, dans l’administration militaire, la représentation par les promagistrats. I. REPRÉSENTATION DE LA MAGISTRATURE SUPÉRIEURE VACANTE, L’INTERRÈGNE. L’État a pour organe la magistrature supérieure, et il faut qu’elle soit permanente comme lui. L’institution provisoire à l’aide de laquelle il est pourvu à la représentation intérimaire de la magistrature supérieure, lorsqu’elle est devenue vacante, c’est-à-dire, dans la constitution royale primitive, jusqu’à la nomination d’un autre roi, s’appelle l’interroyauté, l’interregnum. L’interregnum[1] et l’interrex[2] constituent une institution spécifique latine[3], développée à Rome clés les premiers commencements de la cité, et appartenant aux éléments fondamentaux de la constitution primitive. Le nom et tous les traits de l’institution, en particulier le maintien chez elle du principe monarchique à l’encontre de la collégialité, l’expriment de la manière la plus claire, et, les annales en font également remonter l’intervention jusqu’à, la première vacance de la magistrature supérieure qu’elles rapportent[4]. Elle subsista dans ses termes essentiels et sans modification sous la République. Elle est entrée en application à plusieurs reprises à l’époque de Cicéron, la dernière fois qui soit avérée, en 702[5], et son admissibilité théorique a encore été reconnue en 711[6]. Auguste l’a remplacée dans les municipes par une institution dont nous aurons plus loin à nous occuper, par l’institution promagistraturale de la préfecture, qui était théoriquement moins logique, mais qui était pratiquement plus avantageuse. Peut-être la supprima-t-il en même temps législativement à Rome ; en tout cas, il l’y supprima pratiquement[7] ; du reste, la suppression des désordres électoraux, qui était un des objets essentiels de la reconstitution de l’État entreprise par Auguste, n’aurait pu cotre obtenue sans la suppression du système des interregna, étroitement lié à ces désordres. Il a déjà été expliqué ailleurs que l’interroi, caractère bien que n’émanant pas de l’élection populaire, est pourtant reconnu comme magistratus. On peut invoquer dans ce sens soit le témoignage exprès et important d’Asconius qui l’appelle magisiratus curulis, soit l’harmonie intime des institutions romaines. Si l’interrex n’est pas, aussi bien que le rex, considéré comme investi d’un droit propre, la perpétuité de l’auspicium imperiumque et le rôle primitif de magistrats des sénateurs sont sacrifiés. La distinction qui existe entre la magistrature urbaine et la promagistrature étrangère à la ville serait également méconnue si l’on regardait comme un promagistrat l’interroi qui a les faisceaux dans la ville. Assurément il est surprenant que l’interrex fasse défaut dans la liste officielle des magistrats romains, et on ne peut guère invoquer comme une réponse la présence des interrègnes dans les elogia de la République[8]. D’un autre côté, l’élément de l’élection populaire, qui est ailleurs le signe caractéristique de la magistrature, fait défaut pour l’interroi. Mais il est tout au moins possible que la liste des magistrats ne mentionne que ceux établis par la République ; et l’on peut à juste titre répondre à la seconde objection qu’un signe distinctif tiré d’une institution née avec la République ne peut pas s’appliquer aux institutions plus anciennes, qu’au contraire, si l’interroi était, comme le roi lui-même, tenu pour magistrat à une époque où il n’y avait pas encore d’élection par le peuple, la République ne pouvait la conserver qu’en le conservant comme magistrat. Lorsque Auguste supprima l’interregnum dans les municipes, il attribua aux præfecti, institués pour tenir lieu d’interrois, la qualification de promagistrats[9], sans doute parce qu’ils n’émanaient pas de l’élection populaire et étaient nommés par le sénat. Mais on ne peut tirer de cette institution récente une conclusion que l’on fasse remonter à l’interregnum qui date des temps préhistoriques. On, doit par conséquent maintenir, résolument la qualité de magistrat de I’interroi. La condition préalable de l’interregnum est la vacance de la magistrature supérieure. Tant que l’on a maintenu la constitution primitive d’après laquelle le magistrat nommé devait entrer en fonctions aussitôt après sa nomination, tout changement de chef de l’État provoqua de droit un interregnum[10]. Depuis que l’addition d’un ternie à la nomination du magistrat futur a été admise, ce qui s’est produit probablement lors de la suppression de la, royauté à vie et de l’introduction de la constitution républicaine, l’interregnum n’est plus intervenu qu’à titre extraordinaire, si, pour une cause quelconque, il n’y avait pas au moment où se produisait la vacance, de successeurs désignés. Une autre différence importante en ce qui concerne l’interregnum résulta de ce que la République mit à la place du seul et unique magistrat de la période royale une pluralité de magistrats ; par suite la vacance ne se produisit plus que lorsque tous eurent disparu. L’application de cette règle ne souleva pas de difficultés tant que l’idée des compétences limitées n’eut pas pénétré dans le domaine. de la magistrature supérieure, c’est-à-dire jusqu’à la fondation de la préture : la disparition de l’un des consuls ne rendait aucune sphère d’attribution vacante, puisque le consul qui restait avait les mômes attributions que l’autre. Ce n’était qu’à la disparition de tous deux, ou plutôt de celui qui disparaissait le dernier, que se produisaient la vacance du pouvoir et, par suite, l’interregnum. Au contraire, depuis la fondation de la préture, et de sa compétence spéciale, la disparition du préteur ou de l’un des préteurs provoqua, bien que le consulat fût occupé, une vacance pour combler laquelle le droit public ne fournissait pas d’ïnterregnum. Si de plusieurs préteurs l’un venait à faire défaut, la combinaison de plusieurs ordres d’attributions distincts sur une môme tête, qui est admissible en cette matière et que nous étudierons au sujet de la préture, pouvait y porter remède, soit à l’aide d’un tirage au sort postérieur du département vacant, soit plus ordinairement à l’aide d’un sénatus-consulte. Au contraire, lorsque la préture était devenue absolument vacante, la lacune ne pouvait pas se combler ainsi ; car les consuls étaient constitutionnellement exclus de la juridiction. Il ne parait pas y avoir eu de moyen de combler cette lacune jusqu’au moment de l’élection complémentaire[11]. — Lorsque, en revanche, le consulat se trouvait vacant, alors que la préture était occupée, la magistrature supérieure était toujours en droit tenue pour occupée ; il n’y a môme pas, le prêteur n’étant pas exclu des fonctions consulaires, comme le consul l’est des fonctions prétoriennes, de lacune en la forme comme dans le cas précèdent. Cependant, le préteur n’ayant qualité ni pour provoquer l’élection d’un consul ni pour nommer un dictateur, et l’interregnum devant par conséquent forcément se produire à l’expiration de ses pouvoirs, il s’est établi une pratique d’après laquelle lorsqu’il n’y avait pas de magistrats ayant la puissance consulaire ou dictatoriale, les préteurs existants devaient le plus vite possible abandonner leurs fonctions et amener ainsi l’interregnum[12]. Cela a été ensuite étendu au reste des magistrats patriciens[13], à la différence des magistrats plébéiens[14] et des promagistrats[15] dont la situation n’est pas atteinte par ces événements. Cependant la retraite des magistrats inférieurs patriciens peut, selon l’ancien système, avoir été seulement une conséquence et non pas une condition préalable et nécessaire de l’interrègne[16]. Pour être capable d’être interroi, il faut, d’une part, être patricien, ainsi que renseignent soit des témoignages exprès[17], soit la totalité des noms d’interrois qui nous sont connus[18], et, d’autre part, faire partie du sénat[19]. Quand la vacance se produit, l’autorité passe immédiatement et de plein droit à la totalité des personnes ayant les des qualités requises pour occuper l’interroyauté, c’est-à-dire à la totalité des sénateurs patriciens[20] ; selon l’expression technique, auspicia ad patres redeunt. A l’origine, cette assemblée, bien qu’on ne pût la considérer comme étant le sénat, puisqu’elle n’était ni convoquée, ni présidée, concordait pourtant pour la composition avec le sénat. Et on verra dans le volume du Sénat, que, tandis que ce corps conseille le roi ou l’interroi quand il y en a un, il le représente et le nomme quand il n’y en a pas. Niais l’identité de personnel se rompit à la suite de la lutte des classes ; cette lutte eut pour conséquence l’introduction dans le sénat de membres plébéiens et un partage des attributions du sénat, dans lequel l’interregnum resta propre aux sénateurs patriciens. L’institution du premier interroi ne coïncide pas avec le commencement de l’interregnum. Elle est toujours précédée par une période dans laquelle il y a bien un interregnum, mais dans laquelle il n’y a pas d’interroi[21], période qui est en général courte[22] mais qui, dans une année du reste anormale, dans l’année 702, a duré vingt jours pleins, car le premier interroi n’y entra en fonctions que le 21 janvier[23]. Pendant cette période l’auspicium et l’imperium appartiennent collectivement au collège des personnes appelées à l’interroyauté et leur perpétuité reste donc assurée ; mais il n’y a pas de personne qui soit individuellement qualifiée pour représenter l’État par préférence aux autres, et par conséquent il ne peut ni être pris d’auspices, ni être accompli d’élection, c’est-à-dire être mis tin au provisoire constitué par l’interregnum. C’est pourquoi la nomination du premier interrex ne peut être empêchée par les obstacles susceptibles de s’opposer aux autres actes publics. L’impossibilité de prendre les auspices pour elle exclut tous les obstacles qui venaient de ce côté. De plus, la nomination de l’interroi ne dépend légalement ni d’une loi ni d’un sénatus-consulte. Cela résulte en premier lieu et avant tout de ce que, dans l’ancienne constitution, il n’y a, pendant l’interregnum, absolument aucune personnalité compétente pour provoquer une résolution soit du peuple, soit du sénat, tant que la nomination du premier interroi ne leur rend pas à tous deux la possibilité d’agir. Il est même expressément attesté pour les comices que la nomination de l’interroi ne les regarde pas[24]. Quant au sénat, la concession faite postérieurement aux tribuns du peuple du droit de le convoquer, a certainement rendu désormais possible qu’il prit une résolution valable pendant l’interregnum ; en fait, il a, depuis provoqué la nomination de l’interroi en ce sens qu’il avait coutume d’inviter ceux que l’acte concernait à l’accomplir et que ceux-ci n’avaient pas coutume de l’accomplir sans cette invitation[25], bien qu’en droit ils eussent probablement, même à l’époque récente, le pouvoir et rigoureusement le devoir de l’accomplir d’eux-mêmes. Il y a une autre innovation qui concorde avec celle-là. Tandis que la nomination de l’interroi n’est pas soumise en elle-même à l’intercession des tribuns, cette intercession pouvait certainement être formée contre le sénatus-consulte préalable[26], et par suite l’acte de nomination lui même se trouva dépendre de l’opposition arbitraire des tribuns. Quant à la procédure à suivre pour la nomination de l’interroi, le programme nous en est fourni par les récits relatifs au premier interregnum. D’après ces relations, les sénateurs ayant qualité[27], établissaient par la voie du sort[28] l’ordre dans lequel ils auraient par série de dix[29] tous les cinquante jours ou, dans l’intérieur de ces séries, chacun tous les cinq jours[30], à prendre le pouvoir. Cet acte n’est par conséquent pas du tout une élection. C’est un partage de fonctions opéré entre titulaires égaux en droit du pouvoir, qui ne se distingue, par exemple, de celui fait entre les préteurs qu’en ce qu’on y tire au sort le jour d’exercice des fonctions au lieu des fonctions à exercer. Par conséquent, personne n’est exclu du tirage au sort[31], bien qu’en réalité les mauvais billets ne gagnent rien. — On ne rencontre pas d’application pratique de ce programme. Toutes les relations que nous possédons sur des interrègnes déterminés se. rapportent à un mode tout différent de nomination de l’interroi qui exclut le tirage au sort (prodere interregem)[32]. Les sénateurs patriciens réunis élisent le premier interroi[33] ; et celui-ci, comme chacun des suivants, choisit son successeur après avoir pris les auspices, de même que le consul nomme le dictateur[34]. La conciliation de ces cieux relations est dans le principe d’après lequel les collèges de magistrats supérieurs partagent leurs attributions partie par la voie de la sortitio, partie par celle de la comparatio, la dernière prédominant en pratique. D’après le schéma, chaque interroi est tenu de proclamer son successeur désigné par le sort après avoir pris les auspices[35]. Il ne pouvait pas être défendu aux titulaires de l’autorité de s’entendre pour attribuer la première place par la voie de l’élection et non par celle du sort[36] et de plus de remettre l’attribution des places suivantes à. celui qui occuperait pour le moment le pouvoir. Et cette comparatio a en fait supplanté la sortitio. Si la constitution du premier interroi était, en dehors des objections théoriques, soumise aussi a des difficultés pratiques, les nominations suivantes, dont la série s’est parfois élevée à un chiffre important[37], ont, dans la mesure de nos renseignements, toujours eu lieu sans obstacles. Lorsque, comme il était possible, un accident provoquait une interruption de la série, on procédait sans doute de nouveau comme pour le choix du premier interroi. L’interregnum devait finir de plein droit ou bien à l’expiration du cinquième jour depuis son commencement, ou bien à partir du moment où il y avait un magistrat supérieur régulier, c’est-à-dire à partir du moment de la renuntiatio de l’élection des comices ou plutôt de sa confirmation par le sénat patricien. Car l’interregnum se produit aussi de plein droit au moment de la vacance de la magistrature et il ne peut coexister avec la magistrature ordinaire, puisqu’il la remplace[38]. En outre, l’entrée en fonctions n’étant qu’une suite de l’acquisition des fonctions et que leur premier exercice, cela implique qu’il n’y a plus d’interroi à partir du moment où le magistrat élu peut entrer en fonctions. ÎI est parfaitement conciliable avec cette idée que, évidemment en considération de l’auspication traditionnelle qui doit se faire au commencement du jour, le consul élu par l’interroi n’accomplisse d’ordinaire que le jour suivant les cérémonies de l’entrée en charge et ne commence qu’exceptionnellement l’exercice de ses fonctions dès le jour de l’élection. — C’est par une conséquence pratique de ce principe que, lorsque l’interroi ne parvient à faire nommer qu’un consul, l’élection du second n’est pas dirigée par lui, mais par le consul élu[39]. On ne sait si l’entrée en exercice[40] et la sortie de charge[41] de l’interroi sont accompagnées de formalités analogues à celle de l’entrée et de la sortie des consuls. En tout cas, le serment des magistrats n’Est pas exigé des interrois, puisqu’il ne doit être prêté que cinq jours après l’entrée en fonctions. Cette solution rentre dans le cercle des mesures signalées plus haut, qui tendent à soustraire l’interroi le plus possible aux empêchements constitutionnels existant ailleurs, afin d’assurer son établissement dans toutes les circonstances. Quant à la compétence de l’interroi, on peut d’abord se demander si la collégialité, qui est, en dépit, du caractère, monarchique de notre institution, n sa base et qui en particulier se manifeste clairement dans la première phase de l’interregnum, dans celle qui précède l’élection du premier interroi, n’a pas fait sentir ici ses effets, si, par exemple, il ne faudrait pas regarder comme ayant une situation analogue à celle du consul qui n’est pas en exercice, les membres qui ne sont pas en exercice de la décurie d’interrois actuellement appelée. Cependant, il faut répondre par la négative. En ce qui concerne l’exercice, de l’autorité, l’interroyauté, conformément à son origine remontant à l’époque royale, ne révèle pas le plus léger indice de collégialité[42], et le titre d’interroi n’appartient non plus qu’au magistrat qui est présentement en exercice. Quant au fond, l’interroi a toutes les attributions de la magistrature suprême, sinon de la magistrature royale, au moins de la magistrature de l’époque républicaine la plus reculée, telle qu’elle était avant la séparation de la préture et, faut-il ajouter, avant le classement des questeurs parmi les magistrats et la création des magistratures inférieures en général. Car, l’interroi ne pouvant avoir à ses côtés ni de préteurs, ni de questeurs, ni d’autres magistrats quelconques, il faut bien qu’il soit tenu comme le roi, ou bien de pourvoir par lui-même à toutes les affaires de l’État, ou bien d’y faire pourvoir par d’autres, sous sa responsabilité et en son nom. Il a sans nul doute les insignes consulaires, en particulier les douze faisceaux, et il ne peut pas non plus avoir été dépourvu de l’éponymie. Il a l’exercice de la juridiction, non pas seulement comme le consul[43], mais comme le préteur lui-même, bien que le court délai de ses fonctions le rende essentiellement nominal[44]. Il en est de même pour l’imperium militaire[45]. Le droit d’agir avec le sénat[46] et avec le peuple[47] lui appartient aussi comme à tous les autres magistrats supérieurs. L’acte le plus important et le seul qui incombe régulièrement à l’interroi, la présidence de l’élection des magistrats ordinaires, est seul soumis à une restriction : le premier interroi, probablement parce qu’il ne peut pas être pris d’auspices pour sa nomination, n’est pas compétent pour présider à cette élection. |
[1] Le mot interregnum ne désigne pas seulement l’intervalle qui sépare deux magistratures éponymes ; il désigne aussi, et peut-être principalement, dans le langage technique, les cinq jours pendant lesquels chaque interroi est en fonctions (Tite-Live, 7, 17. 12 ; Cicéron, Ad fam. 7, 11, 1).
[2] Denys appelle l'interroi une fois (9, 69) άντιβασιλεύς, il l'appelle ordinairement μεσοβασιλεύς (2, 58. 3, 46. 4, 84. 8, 90. 11, 62), et Plutarque (Num. 7) et Dion (39, 27. 40, 45. 49, 46. 45) suivent sur ce point son exemple ; l'interregnum s'appelle ή μεσοβασίλειος άρχή (Denys, 2, 57. 3, l. 36. 11, 20) ou ή μεσοβασιλεία (Plutarque, Num., 2). Ces expressions sont ailleurs étrangères aux auteurs grecs et ne se présentent que comme des traductions du terme latin. Appien, B. c., 1, 98, conserve ce dernier et l'explique par έν τοσώδε βασιλεύς μεταξύ βασιλεύς. Denys, 2, 57, appelle encore l'interroi αύτοκράτωρ.
[3] Cicéron, De re p., 2, 12, 23. L’institution est absolument étrangère à la Grèce, mais elle n’est pas plus que la royauté exclusivement romaine, elle est latine, la preuve en est dans la présence de l’interrègne dans les institutions municipales (à Bénévent : C. I. L. LX, 1635, à peu prés de l’époque de Sulla ; dams la colonie de César Genetiva, statut municipal, c. 131 ; à Fundi : C. I. L. X, 6233, des premiers temps de l’Empire ; à Formiæ : C. I. L. X. 6101, du temps d’Auguste et de Tibère ; à Nemausus : C. I. L. XII, 3138 ; à Narbo : C. I. L. III, 3489, inscription assez ancienne ; peut-être aussi à Pompéi, C. I. L. IV, p. 2) et même dans les institutions des collèges (inscription de Formiæ du magister quinqueannualis interrexs d’un collège, C. I. L. X, 6071). Si on ne rencontre pas plus souvent ces interrois, cela tient à la substitution des præfecti pro duoviris à l’interrègne municipal, qui sera étudiée plus bas.
[4] Nous avons des renseignements sur le premier interrègne dans Cicéron, De re p. 4, 12 ; Tite-Live, 1. 17 ; Denys, 57 ; Plutarque, Num., 2 (d’où Zonaras 7, 11) ; Vita Taciti, 1 ; Eutrope, 1, 1 ; Rufus, Brev. 9 ; Servius, Ad Æn. 6, 809 ; Suidas, v. μεσοβασιλεύς. Ces renseignements sont presque seuls à nous faire connaître les détails de la sortition et évidemment ce récit avait dans les annales un caractère paradigmatique. Nous insisterons sur les détails au cours de nos développements.
[5] Asconius, In Milon p. 35 et 37, et beaucoup d’autres textes.
[6] Sous la dictature de César, il ne pouvait constitutionnellement y avoir d’interrègne, puisqu’il y avait un magistrat patricien. Mais après la fin de cette dictature, un interrègne se serait produit en 711 à la suite de la mort des deux consuls, s’il n’était pas resté d’autres magistrats (Dion, 46, 43).
[7] Le consulat ne s’est trouvé vacant que rarement sous le Principat ; mais cependant il s’est trouvé vacant quelquefois ; par exemple, de la mort de Galba, empereur et consul, et de son collègue, le 15 janvier 69, jusqu’à l’entrée en fonctions de leurs successeurs, le 26 ou le 29 du même mois. L’État fut de même en l’an 39 pendant trois jours sans magistrats supérieurs après la révocation par l’empereur Gaius des consuls en exercice (Suétone, Gaius, 26 ; cf. Dion, 69, 20). Mais je ne trouve, postérieurement à 711, aucune mention de l’interrègne et, si les expressions de Suétone sont exactes, il n’y eut tout au moins pas d’interroi en l’an 39. Il n’est guère vraisemblable que les théoriciens du droit public de l’époque impériale aient regardé la magistrature supérieure comme ne pouvant être vacante dès lors que le trône était occupé, et qu’ils aient ainsi envisagé la puissance proconsulaire de l’Empereur comme une magistrature supérieure ordinaire.
[8] Ap. Claudius, consul en 447, en 458 (C. I. L. I, p. 287) est interrex III ; Q. Fabius Maximus, consul en 521 et ss., interrex II ; L. Æmilius Paullus, consul en 572, en 586, interrex ; M. Valerius Messala, consul en 693 (C. I. L. VI, 3826), interrex III.
[9] Les præfecti pro IIviro (le singulier se trouve C. I. L. V, 7914 ; XII, 4372. 4401. 4417, ou pro IIviris (le pluriel est certain C. I. L, III, 4111 ; VIII, 4580. 8993), ou de quelque autre façon qu’ils soient appelés selon le nom de la magistrature supérieure du municipe, ne sont pas rares dans les inscriptions et sont sans doute des représentants nommés à la suite de la vacance de la magistrature supérieure par le sénat local. Dans les fastes de Venusia (C. I. L. IX, 422) des édiles sont en fonctions à côté d’eux en 722 ; mais ailleurs on rencontre encore des præfecti ædilicia potestate (C. I. L. V, 749. 4459. 4468. 4904) et à Patavium le sénat local est convoqué par quatre præfecti (C. I. L. V, 2836). Le représentant de l’empereur investi des fonctions municipales se trouve, il est vrai, une fois à désigné par la même expression (C. I. L. III, 1497, comp. eod. op. 1503) ; mais il est certain que ce n’est que par l’erreur de rédaction d’un scribe provincial et d’époque récente ; car ailleurs le nom de l’empereur est toujours au génitif. Le statut césarien de Genetiva possède un interroi et par conséquent les exclut. L’exemple le plus ancien que je connaisse, qui présente à la fois les præfecti dans leur relation avec l’interrègne et dans leur chiffre régulier file deux (voir par exception des Xviri s. c. pro IIIIvir. Henzen, 7129 = C. I. L. XI, 3119), est celui qui vient d’être cité des fastes de Venusia de 722. Les décrets de Pise de l’an 4, présentent la vacance comme existant sans rien qui la comble, ce qui pouvait assurément toujours arriver même après la création des préfets. Il est probable qu’ils ont porté de tout temps une qualification de promagistrats et il est établi qu’ils la portent déjà sous Auguste (C. I. L. III, 605). L’institution ne peut-être très ancienne ; car elle est en contradiction complète avec l’ancien fonctionnement de l’interrègne. D’un autre côté, elle se présente avec une telle généralité qu’elle doit tirer son origine d’une réglementation venant de Rome ; le gouvernement aura voulu parer dans les municipes aux désordres que lié système des interregna produisait partout par suite de la décadence des vomi= ces. C’est probablement une des créations d’Auguste (v. mon commentaire sur les lois municipales de Salpensa et de Malaca) ; elle se rencontre dès 732 à Venusia, mais cette ville est une colonie des triumvirs, et il se peut que le nouveau système ait d’abord été introduit dans ces colonies et n’ait été étendu à toutes les cités que vers la fin du gouvernement d’Auguste. On ne trouve plus d’interregnum municipal attesté postérieurement à Auguste.
[10] Les témoignages des annales présentent encore l’entrée en fonctions ex interregno, c’est ainsi que l’appelle la langue technique (Tite-Live, 6, 1, 9. 1, 18, 2. c. 28, 10), comme étant à l’époque royale une nécessité constitutionnelle (Tite-Live, 1, 47, 10. Denys, 1, 80).
[11] On peut se demander si les consuls n’auraient pas pu recourir en pareil cas à leur ancien droit de nommer un præfectus urbi : mais, en présence des explications qui seront données sur ce droit dans la section qui suit, ce n’est pas vraisemblable.
[12] Cicéron, De leg. 3, 3, 9 ; Ast quando consulari potestate magistratus magisterve (Mss. consulis est mapistratusve) populi nec erunt, reliqui magistratus ne sunto, auspicia patrum sunto ollique ex se produnto qui comitiatu consoles rite creare possit. Le début, assurément très corrompu, ne peut avoir signifié qu’une chose, c’est que, l’interrègne a pour condition l’absence de consuls, ou, pour parler plus exactement, de magistrats consulari imperio, et de dictateurs. Tite-Live, 4, 10, sur l’an 310 ; Patricii, cum sine curuli magistratu res publica esset, coiere et interregem creavere ; il faut se rappeler qu’à cette époque il n’y avait encore ni préteurs ni édiles curules. Cf. Denys, 11, 20. — Au reste, on aperçoit clairement dans ce système qu’il avait été organisé en vue des institutions de la République primitive ; il a été aisément praticable tant qu’il n’y a pas eu de préteurs provinciaux ; mais après leur établissement, il ne pouvait plus guère s’appliquer ; quand, en 711, on se trouva en demeure de le mettre en pratique, il fallut bien l’écarter pour cette raison.
[13] C’est à quoi se rapportent les mots de Cicéron dans le texte cité note 12 Reliqui magistratus ne sunto ; et en outre Denys, 8, 90. C’est pour cela aussi que Dion, 46, 45 indique comme faisant obstacle à l’interrègne, non pas tant la nécessité de la démission des magistrats, que l’absence de magistrats exigeant la démission ; évidemment cette démission ne pouvait être refusée. — Au reste, tant que les questeurs ne furent pas élus par les comices, la disparition de leurs mandants entraîna de droit celle de leur mandat.
[14] L’incompatibilité existant entre l’interrègne et la présence de magistrats est limitée en termes exprès, aux magistrats patriciens par Cicéron, De domo, 14, 38, Dion, 46, 45. Cicéron, Ad Brut. 1, 5, 1 (eod. loc.).
[15] On le voit à ce qui se passe en 672, où un interroi est nommé sur l’instigation du proconsul Sulla. Cela résulte de la nature des choses ; car le promagistrat n’est pas magistratus.
[16] La retraite des magistrats patriciens en général est bien présentée comme étant la condition de l’interrègne dans le texte de Dion cité note 14, et encore plus nettement dans les lettres à Brutus, loc. cit. : Dum unus erit patricius magistratus, auspicia ad patres redire non possunt, tandis que, comme on devait s’y attendre, le rapport est présenté sous l’aspect inverse par Denys cité note 13. Le premier témoignage, de beaucoup le plus digne de foi, amènerait, par exemple, à dire que, du temps où il n’y avait que des consuls et des questeurs, l’interregnum ne résultait pas de la mort des deux consuls, mais seulement de la retraite ciel deux questeurs ; que toutes les opérations auxquelles ne pouvaient procéder les questeurs, par exemple, l’élection des successeurs, restaient nécessairement dans l’intervalle en suspens, Mais cette solution de la question soulève, en pratique aussi bien qu’en théorie les plus gaves objections. Elles ont déjà été indiquées pour l’application du principe à la préture moderne ; mais elles prennent ici une nouvelle force, les questeurs italiques étaient encore plus anciens que les préteurs provinciaux. Si d’autre part la pensée fondamentale de l’interrègne est d’assurer la perpétuité de l’auspicium imperiumque le plus élevé, il resterait ici une lacune ; car les consuls disparaissant et l’interrègne ne se produisant qu’après l’abdication des questeurs, il n’y aurait, pendant l’intervalle, pas de titulaire de l’imperium, puisque les magistrats inférieurs ne l’ont pas. On ne peut refuser d’ajouter foi à ces témoignages autorisés ; mais il est probable qu’il y a là une de ces corruptions récentes de la théorie primitive qui se présentent fréquemment à l’époque de la décadence de la République.
[17] Cicéron, De domo, 14, 38. Tite-Live, 7, 17, 10. La même preuve résulte des nombreux témoignages rapportés plus bas d’après lesquels les patriciens concouraient à la nomination de l’interroi ; car ils le prenaient dans leurs rangs.
[18] On trouve, par exempte, dans les derniers temps de la République : en 672, L. Valerius Flaccus (Cicéron, De l. aqr. 3, 2, 5 ; Appien, B. c. 3, 98) ; en 671, Ap. Claudius (Salluste, Hist. 1, 48, 22) ; en 695, M. Valerius Messala ; en 702, M. (ou M’) Æmilius Lepidus (Asconius, In. Mil. p. 14) et Ser. Sulpicius (op. cit., p. 37).
[19] Tous les témoignages relatifs au premier interrègne concordent sur ce point que la nomination de l’interrex émane du sénat et que cette fonction n’est revêtue que par des sénateurs, et le but politique assigné à l’institution c’est de substituer à la monarchie l’autorité du sénat exercée collégialement (Cicéron, De re p. 2, 12,) ; et il est indifférent que les auteurs omettent, comme Tite-Live, de faire plus directement allusion aux patriciens et considèrent, ainsi qu’ils en ont le droit, le sénat d’alors comme exclusivement patricien, ou bien, comme Plutarque, parlent des patriciens tout en ne pensant évidemment qu’aux sénateurs patriciens, ou bien, comme Denys, fassent émaner l’élection des sénateurs en tant qu’ils sont patriciens (2, 57). Appien, B. c. 1, 98. Lorsque en outre Cicéron, De leq. 3, 4, 10, compte celui quem patres produnt consulum rogandorum ergo parmi les personnes qui ont le droit cum populo patribusque agendi, il est, à vrai dire, surprenant qu’il emploie dans ce chapitre patres deux fois (loc. cit. et c. 3, 9) pour le cercle étroit et trois fois (loc. cit. et plus loin) pour le cercle large du sénat (cf. c. 18, 40) ; mais, les deux pouvant en réalité être considérés en un certain sens comme le même corps, cela peut se concevoir, et à l’inverse il serait absolument dénué de sens de comprendre là le mot d’abord du sénat et ensuite du patriciat. Si les patres sont indiqués ailleurs comme nommant l’interroi (Tite-Live, 23, 34, 1) c’est une expression équivoque qui ne tranche rien (cf. Rœm. Forsch. 1, 226 et ss.). Il n’y a pas plus d’objection à entendre la formule technique pour la nomination patricii coeunt de l’itio in partes dans le sein du sénat. Il a été admis de bien des côtes, exclusivement à cause de cette formule, que cette élection concernait activement et passivement tout l’ensemble des patriciens. Mais alors on est obligé d’écarter absolument les témoignages relatifs au premier interregnum, alors que leur caractère schématique, et par suite leur force probante pour la procédure suivie à l’époque historique, sont hors de doute.
[20] Patricii coeunt ad interregem prodendum est l’expression technique, Tite-Live 3, 40, 7. 4, 7, 7. c. 43, 7. 8. Asconius, In Mil., p. 32, emploie dans ce sens convocari. La limitation de cette faculté aux sénateurs est justifiée note 19.
[21] Dion, 40, 46, fait allusion à cette situation, mais pourtant il ne fait pas ressortir nettement le point essentiel, l’interregnum sine interrege.
[22] Vita Taciti, 1.
[23] Le premier interroi de 702 M’ Lepidus entra en charge post biduum medium quam Clodius occisus erat (Asconius, In. Mil. p. 43. Schol. Bob. p. 281), c’est-à-dire le 21 janvier. Cf. note 25.
[24] Tite-Live, 6, 41, 6.
[25] Cela se montre de la manière le plus nette pour l’interregnum de 702 : l’opposition des tribuns à ce sénatus-consulte (Asconius, In Mil. p. 32 : Dum... Pompeius... et T. Munatius tribunus plebis referri ad senatum de patriciis convocandis qui interregem proderent non essent passi, cum interregem prodere stata res esset, ou quelque autre finale qui se trouve cachée dans le texte défectueux : ostatores esset) entrava la nomination du premier interroi, ainsi qu’il est dit note 23, jusqu’à ce qu’enfin, après le conflit de la voie Appienne, le sénat ne se décida à provoquer la nomination de l’interroi (Dion, 40, 49). C’est aussi pour cela qu’en 672, après la mort des deux consuls, l’invitation de nommer l’interroi est adressé par Sulla au sénat (Appien, B. c. 1, 98). Les sénatus-consultes de même nature de date plus ancienne, Tite-Live, 3, 40. 4, 43 (cf. Rœm. Forsch. 1, 233), sont sans doute apocryphes ; cependant il est possible que le sénat tout entier se soit de toute antiquité rassemblé en pareil cas pour laisser ensuite ses membres patriciens procéder seuls à l’acte. Si Denys fait couramment nommer par le sénat non seulement le premier interroi mais tous les interrois en général (3, 1. 36. 46. 4, 40. 8, 90. 9, 4.1. 11, 62 ; et aussi 4, 75, car ce n’est évidemment que comme président du sénat que Brutus y nomme l’interroi), cela peut encore se rapporter à ces sénatus-consultes de patriciis convocandis ; en toute hypothèse, c’est faux et inexact.
[26] Tite-Live, 4, 43, pour l’an 333 : À la fin de ce consulat, la république en revint à un interroi, encore eut-elle de la peine à l'obtenir, car les tribuns empêchaient les patriciens de s'assembler. Ce récit, qui correspond exactement aux événements de 702 contient, selon la remarque faite note 25, une ellipse : ce n’est pas la réunion des patriciens, mais le sénatus-consulte qui la provoque, qu’empêchent les tribuns.
[27] Leur chiffre est indifférent à la procédure et ne rentre même pas, à proprement parler, dans notre sujet. Tite-Live donne 100 sénateurs, Denys 200, Plutarque 150 ; cela dépend des chiffres normaux du sénat d’alors qui sont étrangers à notre question. Le premier chiffre est préférable en ce que la decuria, c’est-à-dire le dixième des sénateurs se trouve y être en même temps, conformément à la signification première du mot, un groupe de dix personnes (Rœm. Forsch. 1, 221).
[28] Le tirage au sort est expressément affirmé par Denys ; Tite-Live n’en parle pas, mais ne l’exclut pas non plus. Quant aux détails, les témoignages de Tite-Live et de Denys ne s’écartent pas l’un de l’autre. Tous deux indiquent que la répartition en décuries joue un rôle essentiel, et Servius, Ad Æn. 6, 809, le confirme. D’après Tite-Live, le personnel total se divise en dix sections (decutiæ) comprenant chacune un nombre égal de têtes, et dans chaque section il est fait un classement par numéro d’ordre ; puis les dix sénateurs ayant chacun le numéro un dans l’une des dix sections composent le premier collège d’interrois dans lequel sans doute l’ordre est également déterminé par les numéros des sections ; le second collège se compose, par suite des dix sénateurs ayant le numéro deux dans les dix sections ; et cela continue de même jusqu’à la fin. D’après Denys, la totalité des sénateurs évaluée par lui à deux cents est également partagée en décuries, par lesquelles il faut également entendre des dixièmes du tout, c’est-à-dire des décuries de vingt sénateurs chacune, puis, dans chaque section l’ordre est déterminé par le sort et le gouvernement est pris par ceux qui tirent le premier numéro dans chaque section. Cette interprétation, dans laquelle δεκάς est une traduction du mot latin, me parait aujourd’hui préférable à d’autres antérieurement proposées.
[29] L’institution de ces décemvirats — qui pour la nomination de l’interroi est à proprement parler indifférente — ne paraît pas avoir eu pour but de donner une expression plus claire au principe de la collégialité qui est assurément la basic de l’interregnum. Il n’y a là rien autre chose que la coutume générale à Rome de ne pas diviser directement les collectivités par numéros d’ordre et de commencer par les diviser en dizaines.
[30] Denys, 2, 57, Appien, B. c. 1, 98, Tite-Live 1, 17, et, et son indication Eutrope 1, 1, Rufus, Brev. 2 Suidas, v° μεσοβασιλεύς indiquent le délai de cinq jours : le biographe de Tacite, c. 1, fait le gouvernement se déplacer per quinos et quaternos dies sive lernos, afin de faciliter par ce détour le calcul de récapitulation. La substitution faite par Plutarque, Num. 2 de 12 heures aux 5 jours est un remaniement historique aussi hardi qu’enfantin.
[31] Les mots imperium... per omnes in orbem ibat... centum pro uno dominos factos établissent irréfutablement que telle est la pensée de Tite-Live. Dans la description donnée à titre schismatique du premier interrègne, le tour se fait tout entier, pour montrer bien clairement comment les choses se passent, et tous les sénateurs sont à leur tour interrois.
[32] Prodere interregem, le terme qui désigne habituellement cet acte, se trouve dans les sources également pour le premier interroi et pour les suivants. Cependant Tite-Live, 5, 31, 8, l’emploie pour le second par opposition au verbe creare employé pour le premier, et, si cette distinction n’est pas faite plus souvent (sur Cicéron, De domo, 14, 38), cela vient sans doute exclusivement de ce que nos relations de l’établissement d’interrègnes ne nomment généralement que le premier interroi. Le mot, qui est aussi employé, d’une manière également technique, semble-t-il, pour les nominations royales de prêtres (Cicéron, Pro Mil. 10, 17. 17, 46 ; Asconius, p. 39), a, d’après une claire étymologie et d’après l’analogie, de prodicere et de proferre, le sens fondamental de transmettre. Or ce sens ne convient qu’au second interroi et aux suivants, et, le premier interroi n’étant pas considéré comme un interroi complet, le mot a sans doute désigné, dans la langue juridique ancienne, l’institution de l’interroi apte à l’accomplissement de la nomination et n’a été transporté que par extension au premier interroi. On trouve aussi, au lieu de prodere, nominare (Tite-Live, 1, 32, 1). En grec on dit habituellement άποδεικνύναι, mais fréquemment aussi αίραΐσθαι (par exemple, Appien, B. c. 1, 98 ; Dion, 39, 27) et προχειρίζεσθαι (Dion, 10, 49). Ce sont toujours les patriciens en corps qui sont indiqués comme auteurs do la nomination (ainsi dans Cicéron, De leg. 3, 4, 10, et De domo 14, 38, où la leçon interpolée a patricio prodi est désormais écartée ; dans Asconius, cf. la formule : Patricii coeunt ad interregem prodendion) ; on n’indique comme nommé par eux que l’interroi qui entre le premier en fonctions, lorsque l’on emploie un langage exact (voir un langage divergent dans Tite-Live, 22, 34, 1, et fréquemment dans Denys, 3, 1. 46. 4, 40. 9, 14. 11, 62).
[33] On ne peut établir que l’ordre de la liste du sénat soit pris en considération. A l’époque historique, l’interroi est indubitablement élu. C’est dit, de la manière la plus expresse par Appien, 1, 98 et Denys, 11, 20. De même, 8, 90. Mais Tite-Live, 34, 8, oppose aussi clairement l’élection du premier interroi faite par tous aux suivantes faites par une seule personne. Il ne s’est pas conservé de récit précis de la marche suivie à l’époque historique : nous savons seulement que le sénat avait une plus grande influence sur l’élection lorsqu’elle était présidée par un interroi que lorsqu’elle était présidée par un consul ou un dictateur (Tite-Live 22, 34 ; ce qu’il ne faut pas confondre avare la préférence donnée par les patriciens à l’interroi nécessairement patricien sur le consul ou le dictateur plébéien : Tite-Live, 7, 17, 10. c. 22, 2. c. 23, 10 ; Cicéron, Brut. 14, 55). Cela se conçoit ; car dans cette procédure les meneurs du sénat avaient entre les mains le choix du Premier interroi et par là des suivants, et ils pouvaient ainsi mettre la présidence de l’élection en mains sûres.
[34] Tite-Live, 5, 31, 8. Dans Denys, 5, 72, le consul nomme le premier dictateur, cf. 4, 90, le premier interroi.
[35] Denys, 2 57.
[36] Tite-Live, 1, 17, 4, fait intervenir la sortition parce que nemo alteri concedere in animum inducebat.
[37] Le nombre minimum des interrois, qui est en même temps le nombre le plus fréquent, est, le premier interroi ne pouvant procéder à la nomination définitive, le nombre deux (Tite-Live, 6, 1, 8. 7, 22, 2. 8, 3, 5. 9, 7, 15. 10, 11, 10. 22, 34, 1. Denys, 8, 90. 9, 14). — Trois : Tite-Live, 5, 11, 4. c. 31, 8. 6, 5, 6. — Cinq : Tite-Live, 8, 17, 5. — Huit : Tite-Live 7, 17, 11. — Onze : Tite-Live, 7, 21, 2. — Quatorze : Tite-Live, 8, 23, 17. Les interregna doivent avoir été encore plus nombreux en l’année 701 pour laquelle les consuls ne furent nommés qu’en juillet de la même année (Cicéron, Ad fam. 7, 11, 1). II a déjà été remarqué que le récit schématique du premier interrègne ne crée pas seulement autant d’interrois qu’il y a de sénateurs, mais indique la possibilité de perpétuer l’interrègne et d’écarter ainsi de fait la magistrature régulière.
[38] Cette idée a bien été contredite (Matzat, Chronol. 1, 160) ; mais on n’a pu produire ni une preuve théorique, ni un exemple pratique qui établisse qu’un interroi et un consul élu aient pu exister l’un à côté de l’autre.
[39] Les élections consulaires ayant toujours lieu les premières, les élections des autres magistrats sont par suite présidées par les consuls nouvellement élus (Tite-Live, 4, 44, 2. 22, 35).
[40] L’entrée en fonctions de l’interrex s’appelle, selon la formule employée pour toutes les autres magistratures, interregnum inire (Tite-Live 3, 8, 2. 5, 17, 3. 6, 1, 8. 8, 3, 5. 22, 34, 9).
[41] L’expiration d’un interregnum isolé se désigne par les mots : Interregnum exit (Tite-Live, 3, 8, 2).
[42] En particulier, le droit d’intercession, qui est incompatible avec une institution développée dès l’époque royale, ne peut avoir appartenu ni aux sénateurs en général, ni même aux neuf sénateurs de la décurie de l’interroi qui ne sont pas un exercice.
[43] Tite-Live, 41, 9, 11, nomme comme magistrats devant lesquels les affranchissements peuvent avoir lieu les dictator, consul, interrex, censor, prætor.
[44] Cicéron, Ad fam. 7, 11, 1 : Quis tot interregnis jure consultum desiderat ? ego omnibus unde petitur hoc consilii dederim, ut a singulis interregibus binas advocationes postulent. C’est-à-dire que l’instance peut être introduite devant l’interrex, mais ne peut guère être conduite à sa conclusion pendant ses pouvoirs.
[45] En 672, le sénat décide, ut Ap. Claudius interrex cum Q. Catulo pro consule et ceteris quibus imperium est urbi præsidio sint (Salluste, Hist. 1, 49, 22).
[46] Un exemple dans Tite-Live, 4, 43, 8.
[47] Un exemple dans Cicéron, De l. agr. 3, 2, 5.